Contraintes phylogénétiques et évolution de la dent chez les rongeurs murinés : une approche couplée morphométrie / génétique / approche comparative Encadrantes : P. Chevret / M. Semon / S. Renaud Unités et équipes de Recherche : PC & SR, Laboratoire de Biométrie Evolutive, équipe Ecologie Evolutive des Populations MS : Institut de Génomique Fonctionnelle, équipe Zoologie Moléculaire Contacts : [email protected]; [email protected]; [email protected] Contexte Les traits phénotypiques peuvent évoluer en réponse à la sélection mais également de manière neutre, parallèlement à la divergence génétique. Certains patrons d’évolution peuvent être favorisés par des propriétés du développement produisant plus facilement certains phénotypes. Replacer l’évolution morphologique dans son contexte phylogénétique est crucial pour pouvoir faire la part des différents facteurs et identifier les mécanismes sous-tendant l’émergence de la diversité. Modèle Les rongeurs constituent le plus diversifié des ordres de mammifères, avec environ 2000 espèces incluant près de la moitié des espèces de mammifères. Cette diversité résulte d’une succession de radiations, parmi lesquelles celle qui a conduit à la sous-famille des murinés, qui inclut aujourd’hui près de 120 genres et 550 espèces. Ce clade inclut des représentants emblématiques comme le rat et la souris. Une telle diversification s’est accompagnée d’évolution répétée de régimes alimentaires spécialisés, générant de fortes pressions de sélection sur un caractère lié à la consommation des aliments comme la dent et donc possiblement des événements d’accélération de l’évolution morphologique (Renaud et al. 2007). Le patron dentaire chez les murinés est un aussi caractère taxonomique robuste, suggérant un lien fort entre morphologie dentaire et phylogénie et donc une certaine conservation des morphologies dentaires au-delà des changements de régime alimentaire. Enfin, les propriétés du développement mises en évidence chez la souris de laboratoire suggèrent que certaines directions de variation pourraient être plus facilement produites (Renaud et al. 2011). De récentes analyses moléculaires (e.g. Lecompte et al. 2008) fournissent un contexte phylogénétique très robuste, offrant la possibilité d’investiguer les moteurs et les contraintes de la diversification dentaire dans ce clade, et en particulier le poids respectif de l’héritage phylogénétique et de l’adaptation dans la différentiation d’un caractère complexe comme la dent. Sujet Le sujet s’articule autour de deux étapes cruciales. La première consistera à documenter la variation de la morphologie dentaire au sein de la sous-famille et de quelques groupes externes au moyen des méthodes quantitatives de morphométrie géométrique. Ceci fournira une quantification de la disparité morphologique au sein du groupe. Cette étape reposera à la fois sur une base de données existante et son complément par des visites de musées européens afin de compléter l’échantillonnage taxonomique en optimisant la congruence entre données morphologiques et données phylogénétiques existantes. La deuxième étape visera à comparer les taux d’évolution morphologiques et génétiques au moyen de la méthode des contrastes indépendant. Enfin l’application des méthodes comparatives à ce jeu de données pourra donner une vision originale sur comment la diversification morphologique s’est faite en lien avec la phylogénie (e .g. Pantalacci et al. 2009). Les événements d’évolution parallèle, les contraintes et les traits caractéristiques de certains groupes seront mis en évidence. En comparant taux d’évolution moléculaires et morphologiques, les contextes sélectifs (sélection stabilisante ou évolution rapide) pourront être mis en évidence (Renaud et al. 2007). Une estimation des morphologies ancestrales pourra être estimée et comparée aux taxons fossiles connus. Cette possibilité de confrontation aux taxons fossiles sera exploitée dans le cadre d’une application originale au taxon éteint Malpaisomys. Ce rongeur endémique des Canaries s’est éteint durant la période historique. Malgré sa morphologie dérivée particulière (Renaud & Michaux 2004), de tous récents résultats paléogénétiques ont mis en évidence sa parenté avec la souris (Pagès, Chevret et al. 2012). L’insertion de ce taxon éteint dans une analyse comparative du groupe permettra de mieux connaitre le contexte de son étonnante évolution. Financement ANR BIGTOOTH « Evolution répétée de la dent chez la souris : une perspective éco-évo-dévo » Références du groupe de partenaires Lecompte, E., Aplin, K., Denys, C., Catzeflis, F., Chades, M. & Chevret, P. 2008. Phylogeny and biogeography of African Murinae based on mitochondrial and nuclear gene sequences, with a new tribal classification of the subfamily. BMC Evolutionary Biology 8: 199. Pagès, M., Chevret, P., Gros-Balthazard, M., Hughes, S., Alcover, J.A., Hutterer, Rando, J.C., Michaux, J. & Hänni, C. 2012. Paleogenetic Analyses Reveal Unsuspected Phylogenetic Affinities between Mice and the Extinct Malpaisomys insularis, an Endemic Rodent of the Canaries. PLoS ONE 7(2) : e31123. Pantalacci, S., Sémon, M., Martin, A., Chevret, P. & Laudet, V. 2009. Heterochronic shifts explain variations in a sequentially developing repeated pattern: palatal ridges of muroid rodents. Evolution and Development 11: 422-433. Renaud, S., Chevret, P. & Michaux, J. 2007. Morphological vs. molecular evolution: ecology and phylogeny both shape the mandible of rodents. Zoologica Scripta 36: 525-535. Renaud, S., Pantalacci, S. & Auffray, J.-C. 2011. Differential evolvability along lines of least resistance of upper and lower molars in island mouse mice. PLoS ONE 6: e18951.