Le Salon de 1827 : Classique ou Romantique ?
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Eva Bouillo
Eva Bouillo
Le Salon de 1827 : Classique ou Romantique ?
Le Salon de 1827 : Classique ou Romantique ?
Presses Universitaire de Rennes, 2009
par CPGE Littéraires Pothier
Mise en ligne : mercredi 12 juin 2013
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Le Salon de 1827 : Classique ou Romantique ?
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Compte-rendu réalisé par Corentin Denuc, étudiant en Hypokhâgne au lycée Pothier
d’Orléans (2012-2013).
Cet ouvrage propose un large tableau historique d’un évènement artistique situé à une période
charnière de l’histoire de l’art. Il permet ainsi de donner des éclaircissements sur le déroulement
historique, en 1827, de ces bouleversements esthétiques.
L’auteur
L’auteur
Eva Bouillo a obtenu un Doctorat dont la thèse est précisément le fondement de l’ouvrage étudié.
Ses recherches portent sur les expositions et la muséographie du XIXème siècle et particulièrement
sur le Romantisme en parfaite adéquation donc avec le sujet du Salon de 1827. Elle enseigne à
l’Université Paris Ouest Nanterre, qui soutient cet ouvrage publié par les Presses Universitaire de
Rennes en 2009 et préfacé par Ségolène le Men. Ce livre, outre le texte lui-même propose une
large quantité de tableaux statistiques et de reproductions d’œuvres en annexes ou incorporées au
texte.
Préface : Ségolène Le Men situe la réflexion : elle appartient à l’histoire des expositions,
importante en histoire de l’art et qui relie le social et l’esthétique, en particulier par l’enjeu de la
réception critique (ce que Francis Haskell nomme « le Salon de papier »).
Introduction
Introduction
Les premiers grands affrontements entre classiques et romantiques ont débuté lors du
précédent Salon, en 1824. Mais la nouvelle école est difficile à définir : « Il y a autant de
couleurs que de combattants » dira Ludovic Vitet. La complexité de l’école romantique doit être
interprétée dans une évolution progressive de la pensée artistique. Dans cette lutte, le Salon de
1827 sera central puisqu’il verra l’Etat et la critique soutenir l’innovation. Il s’agit donc de
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cerner la place de celle-ci lors du Salon. La question est envisagée sous l’angle institutionnel et
critique, placée dans la perspective des autres Salons et construite sur une étude quantitative de
documents, à travers d’importantes statistiques.
Choisir le Salon de 1827, c’est faire le choix d’un combat « presque gagné » dans ses
multiples dimensions, autour desquelles s’établit le plan de l’ouvrage : le rôle des institutions dans
l’organisation du Salon, le mécénat officiel comme moteur et la réception participant à façonner la
vie artistique.
I - Le Salon de 1827 : Une machinerie complexe
I - Le Salon de 1827 : Une machinerie complexe
Son organisation
Son organisation
Le Salon de 1827 est inauguré le 4 novembre, jour de la fête du Roi. Cette date n’est pas idéale par
rapport à la lumière, mais laissa plus de temps aux artistes. L’organisateur principal est
Auguste de Forbin (supervisé par son supérieur Sosthène de la Rochefoucauld, directeur général
des Beaux-Arts) et il va jouer un rôle considérable pour le développement du Romantisme.
C’est lui qui rédigea le règlement pour la sélection des œuvres à exposer. Il a également la maîtrise
de leur accrochage et il organise le déroulement de l’exposition selon quatre accrochages successifs
consistant, chaque fois, à fermer l’exposition pour enlever, rajouter ou déplacer des œuvres.
Le Jury contrôlant l’admission des œuvres se compose d’amateurs et de professionnels pour la
plupart nommés par le roi. Il inclut Forbin, favorable à l’innovation, La Rochefoucauld, plutôt
défavorable, ainsi que François Gérard, Guérin, Ingres ou Gros, des classiques mais pas toujours
fermés à l’innovation (Ingres ou Gros).
Il s’agit dans la sélection de valoriser un idéal esthétique, de plaire au public et de faire
du Salon une vitrine de l’École française. La moitié des œuvres proposées par les artistes
seront acceptées. La peinture est largement majoritaire même s’il faut souligner un souci de
représenter les autres domaines. Ajoutons à cela les œuvres des lauréats du Prix de Rome qui ne
passaient pas devant le Jury. Par ailleurs, Forbin décidera « illégalement » d’afficher d’autres
œuvres sans l’avis du Jury. Au total, 1990 œuvres seront affichées.
Parmi les artistes exposés, trente sont reconnus comme romantiques, ce qui compose 14% des
accrochages. Il faut voir dans cette sélection un désir de diversité.
La mise en scène
La mise en scène
Pour le Salon est créé, au Louvre, un parcours de visite compliqué qui pose de nombreux
enjeux muséographiques. La salle principale est le Salon Carré, cœur des polémiques. Les
tableaux sont accrochés au touche-à-touche. L’exposition est donc un espace morcelé, surtout dans
le Salon Carré, lieu de contestations considérables sur le placement des œuvres (allant jusqu’à des
menaces de mort envers Forbin).
Lors des nouveaux accrochages, toute l’organisation change permettant de renouveler
l’attention des visiteurs mais également de jouer sur le suspense et le scandale : alors que
les deux premiers accrochages donnent une première vision de la création artistique, le troisième
cherche à mettre en valeur les œuvres romantiques les plus « choquantes », tandis que le dernier
s’impose comme un bilan général édulcoré de ces scandales.
Le genre mineur, quoique moins soutenu par l’Etat, est majoritaire. L’on peut souligner une
croissance du nombre de paysages (influence anglaise et italienne), des scènes d’intérieur et des
thèmes littéraires. Cette évolution n’est pas sans lien avec le Romantisme. La peinture d’histoire,
portée par le gouvernement, concentre les sujets nationaux dans la mise en place des Salles du
Conseil d’Etat ouvertes en même temps que le Salon. Ceci était aussi une manière de concentrer la
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production romantique dans cette matière au service du pouvoir. Les autres peintres d’histoire
romantiques se concentrent souvent sur l’actualité de la guerre d’indépendance grecque, symbole
du combat romantique (Byron est allé y mourir).
II - Le mécénat officiel au service de la glorification du pouvoir
II - Le mécénat officiel au service de la glorification du pouvoir
Le Salon est un lieu majeur de l’expression du devoir de protection royal sur les arts, en particulier
par l’exposition des commandes de l’année précédente et les distinctions distribuées à la fin du
Salon. C’est également un outil de contrôle de l’art. Mais en quoi ces choix ont-ils favorisé les
Romantiques ?
Les dispositifs institutionnels
Les dispositifs institutionnels
Le rôle de l’Etat est délégué essentiellement au ministre de la Maison du roi chargé de
choisir la plupart des commandes, de décider des décorations et des achats d’œuvres. Ces
fonctions reviennent à La Rochefoucauld, d’un caractère faible et inculte en art, mais surtout à
Forbin qui a construit un certain ascendant sur son supérieur et obtenu une importante liberté.
Grand connaisseur d’art et organisateur majeur de la vie artistique de la Restauration, il permettra
le développement de la peinture romantique.
Cette expression de la protection et du mécénat royaux passe tout d’abord par les commandes : on
présente à chaque Salon les commandes de l’année précédente. Ceci permet d’aider la production
dans certains domaines coûteux comme la sculpture.
L’autre rôle de l’Etat consiste en la distribution des décorations et médailles, les acquisitions et
commandes pour les années suivantes. Il n’est pas possible de recevoir deux distinctions (volonté
de favoriser un maximum d’artistes). Il y a une hiérarchie des distinctions : au sommet,
décorations comme la Légion d’honneur ou l’ordre de St-Michel, à la demande l’artiste lui-même ;
ensuite, les acquisitions ; enfin les médailles pour récompenser ceux qui n’obtiennent ni
acquisition ni commande.
Les commandes exposées : une propagande en images
Les commandes exposées : une propagande en images
Les commandes exposées soulignent des enjeux politiques et culturels. Favorisant une nouvelle
fois la diversité des domaines artistiques et des âges des artistes, le plus intéressant est
d’observer l’encouragement donné aux artistes de l’innovation, tel Delaroche qui intègre
alors la vitrine de l’art français. Cela est d’autant plus permis que, si les sujets sont
imposés, ce n’est pas le cas du style. Une des demandes principales de l’Etat consiste en des
tableaux historiques et certains Romantiques, comme Delacroix, profitent des revenus de ce type
d’œuvres pour financer leurs travaux personnels (comme La Mort de Sardanapale). Ces tableaux
historiques vantent l’histoire de la monarchie mais également son actualité récente comme la
Guerre d’Espagne, et quelques Romantiques peindront sur ces sujets pour l’Etat.
De nombreuses commandes concernent également la peinture religieuse mais ne permettront que
rarement (exception faites de Delacroix avec Le Christ au Jardin des Oliviers) des innovations
artistiques.
L’autre grande part des commandes de l’Etat concerne les peintures pour le décor du Musée
Charles X, créé en vue d’accueillir l’archéologie égyptienne et gréco-romaine, et pour celui des
salles du Conseil d’Etat. Au sein du Palais du Louvre, ces deux ensembles, dévoilés en même
temps que l’exposition, s’imposent comme des réussites architecturales mais déçoivent par le
manque de cohérence entre les œuvres de décoration. Alors que les commandes pour le Musée
Charles X étaient surtout centrées sur des artistes classiques (Homère déifié d’Ingres), celles du
Conseil d’Etat, orientées sur la peinture historique vantant les gloires monarchiques nationales,
embauchèrent plusieurs Romantiques (La Bataille de Bouvines), mais la déception générale quant à
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la disposition des œuvres n’en fit pas un cœur de la querelle et ne permit de distinguer aucun
vainqueur. Néanmoins, la remise en cause du classicisme est présente à travers la
confiance donnée par l’Etat aux artistes romantiques pour vanter la monarchie et
l’intégration des antiquités égyptiennes auprès des antiquités gréco-Romaines (remise en
cause de la Gréco-romanité comme fondement de la civilisation).
Enfin, on peut noter, derrière ces choix, un désir de ne pas laisser le champ de la Nation,
de la religion, de l’Histoire à une innovation non contrôlée.
Les récompenses décernées à l’issue du Salon
Les récompenses décernées à l’issue du Salon
Elles sont remises lors de la cérémonie de clôture en présence du roi et marquent une
l’influence de l’Etat sur la vie artistique et celle des artistes. Ceci se déroula en avril 1828,
cinq mois après l’ouverture du Salon. Le roi visita d’abord l’exposition. Il vit le dernier accrochage
sans les tableaux à scandale. Puis il distribua les décorations et La Rochefoucauld les médailles,
avant de citer les noms des artistes des œuvres acquises et des commandes.
Malgré son peu de retentissement dans la presse, cet évènement est fondamental pour la
vie des artistes récompensés et pour le marché de l’art. Les décorations et les acquisitions
sont choisies par Forbin et La Rochefoucauld, avec quelques désaccords entre les deux : si les
artistes recevant le cordon de Saint-Michel et la croix d’officier de la Légion d’honneur sont plutôt
des Classiques (les architectes des nouvelles salles du Louvre Fontaine et Percier, le peintre
Antoine-Jean Gros), quelques artistes romantiques (Delaroche et Scheffer, par exemple) reçurent la
croix de chevalier de la Légion d’honneur en récompense de leur travail pour les salles du Conseil
d’Etat, sous l’influence de Forbin. Une volonté de mettre en valeur le progrès technique est aussi
marquée. Tous ces choix suivent souvent les avis de la presse.
La distribution des médailles (en deux classes différentes pour favoriser plus d’artistes
tout en conservant un critère de qualité) concerne, quant à elle, 8% des exposants. L’Etat
avantage la peinture d’histoire, dépendante de ces aides. Une majorité de médaillés classiques est à
remarquer mais également quelques romantiques (Isabey, Roqueplan).
Pour ce qui concerne les acquisitions, Forbin favorise un grand nombre d’œuvres
romantiques (43% contre 3% en 1824), avec des choix osés comme celui de L’affaire des casernes
lors de la Révolution de Constantinople, de Champmartin, au cœur des polémiques. Néanmoins, les
plus grands objets de scandale (Sigalon et Delacroix) sont soigneusement écartés de toute
récompense. Il faut favoriser toutes les écoles, tout en évitant la controverse esthétique.
III - Le retentissement du Salon et sa réception critique
III - Le retentissement du Salon et sa réception critique
Le Salon est un moment intellectuel majeur de la vie parisienne, ce qui invite à se demander qui
va au Salon, qui en parle dans la presse et avec quelle place pour le Romantisme et pour la
querelle.
Tous au Salon !
Tous au Salon !
Comme lieu principal du marché de l’art contemporain, le Salon connait un afflux
considérable de visiteurs jusqu’à voir ses salles bondées. Il est pourtant difficile de
connaître le nombre exact de ces visites du fait de la gratuité de l’exposition. On peut
penser néanmoins, selon les témoignages, qu’elle touchait toutes les classes sociales.
Le seul élément payant était le livret qui permettait de connaître le nom des œuvres et des artistes
grâce à des correspondances de numéro. C’est également le seul moyen d’avoir une idée du
nombre de visiteurs (mais tout le monde ne l’achète pas). Au final, Eva Bouillo estime le nombre
de visiteurs entre 142 000 et 1 000 000. C’est plus que les Salons précédents grâce à plusieurs
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