N°28 | Décembre 2011 LA LETTRE ACTEC Un métier pour tous A grands maux, grands remèdes A entendre les médias, nous pourrions tous croire que tout va mal au Congo : pauvreté galopante, violences en tout genre, mascarade politique, économie dépendante. Il est vrai que depuis 25 ans, le pays s’est enfoncé dans l’instabilité sociale, politique et économique à cause de l’incapacité de ses dirigeants à le gouverner au profit de la population. Le verdict est sans appel : l’ONU a classé le Congo au 187ème rang du classement de l’IDH (Indice de Développement Humain), le dernier de la liste… Les défis à relever sont immenses et, grâce à la générosité des Belges et des Européens, ACTEC et notre partenaire congolais CECFOR, investissent dans les domaines de la santé et de la formation pour préparer un meilleur avenir à ce grand pays. Dans le sud de Kinshasa, la petite antenne médicale qu’était Monkole en 1991 est devenue l’hôpital de référence de toute la zone qui compte 600.000 habitants. Autour de Monkole, CECFOR a créé une école d’infirmières et un centre de formation pour les médecins, les laborantins, le personnel médical et paramédical. Tout Kinshasa en bénéficie. - Superficie : 2.344.860 km² - Population : 71 millions - Espérance de vie : 48-50 ans - Taux d’alphabétisation : 67 % - PIB par habitant (2010) : 300 USD Nous sommes convaincus qu’un meilleur avenir est possible au Congo. Cela dépend essentiellement de leurs propres efforts. Notre tâche consiste à identifier les acteurs capables de surmonter les obstacles gigantesques qui se dressent devant toute action de développement au Congo, et à coopérer avec eux pour qu’ils réussissent. Vous trouverez dans cette Lettre d’ACTEC une histoire réussie qui n’est pas finie… n Association for Cultural, Technical and Educational Cooperation Daniel Turiel, Directeur Un nouveau labo, au service du pays P L’actuel labo, trop étroit, tourne à plein régime our soutenir la construction et l’équipement de cette nouvelle infrastructure, ACTEC appuie un projet qui va profiter à l’ensemble de la profession médicale, aux biologistes, aux infirmiers, aux laborantins, aux chercheurs, et aux patients en RDC. Entretien avec Léon Tshilolo, médecin directeur de Monkole. Docteur, à quels besoins répond ce nouveau labo ? Dépistage au laboratoire d’hématologie À Kinshasa et en RDC, de plus en plus de malades et de médecins demandent un diagnostic précis, ce que très peu de labos sont en mesure de faire. Nous augmentons nos capacités de diagnostic du paludisme, de la drépanocytose1, de la tuberculose, du VIH, des maladies du coeur, etc. Nous diagnostiquerons également les leucémies. liorer la situation sur le terrain. Et nous formerons aussi les étudiants laborantins et biologistes des cliniques universitaires et d’autres institutions. Et au niveau de la recherche ? Concernant le paludisme, nous avons de bonnes collaborations. Sur la drépanocytose, nous collaborons avec le Centre international de recherches médicales de Franceville, au Gabon. Par ailleurs, des étudiants utilisent déjà le laboratoire de Monkole dans le cadre de leurs travaux de mémoire et de spécialité. Nous pourrons offrir de tels services à des doctorants. Le laboratoire de référence fera également du contrôle de qualité. n S’agira-t-il aussi d’un labo de formation ? Pharmacie de Monkole En effet, et nous commençons par les techniciens de laboratoire actifs dans les centres de santé. Souvent, l’examen de la goutte épaisse, qui est l’examen fondamental pour diagnostiquer la malaria, n’est pas réalisé correctement. Avec nos travaux pratiques, nous allons amé- Maladie génétique qui se transmet par le père et la mère, répandue parmi les populations originaires de pays à climat tropical et équatorial. La distribution géographique de la drépanocytose correspond à celle de la malaria. En RDC, on estime à 50.000 le nombre de nouveau-nés qui naissent chaque année atteints de cette maladie. 1 www.monkole.cd Léon Tshilolo VIH : éviter la transmission mère-enfant G râce à une prise en charge adaptée, le Centre Hospitalier Monkole enregistre des résultats extrêmement positifs et encourageants. Entretien avec le docteur Adolphe Ndarabu Igulu, directeur général adjoint du CH Monkole. Docteur, quels sont vos résultats en la matière ? De toutes les femmes enceintes porteuses du VIH que nous avons suivies à Monkole, les résultats nous montrent un taux de 94% d’enfants sans VIH, au terme de 36 mois de suivi. Cela, grâce aux mesures prises pour toute femme porteuse du VIH qui tombe enceinte : administration de rétroviraux et précautions particulières pendant l’accouchement pour éviter le contact entre le sang de la mère et celui de l’enfant. Cela suffit-il à expliquer ce taux de réussite ? Non. Ces résultats sont obtenus par une éducation des couples, en associant le mari et l’épouse dès les consultations prénatales. Les couples se préparent à nourrir leur enfant dans de bonnes conditions, avec du lait artificiel de qualité. Cette approche a beaucoup contribué à ce taux de 94% d’enfants non infectés. En Afrique, le taux de transmission est généralement évalué à 20-30%. Cela demande aussi de former le personnel médical… Oui et d’autant plus qu’il s’agit d’un processus long. Il faut réserver un accompagnement particulier à ces femmes pendant les consultations prénatales, lors de l’accouchement et après. Certains nous ont découragés de former à la fois le mari et l’épouse, car révéler la séropositivité de la femme comporte ici un risque : celui de voir l’épouse rejetée par son mari. Notre expérience montre que l’association des deux parents donne d’excellents résultats. n Nouveau directeur financier de Monkole : de Paris à Kinshasa Son nom : Achille Silué Ses motivations ? Je désirais faire bénéficier l’Afrique de mon expérience acquise dans un environnement international, confie le nouveau directeur financier de l’hôpital. C’était important pour moi de retrouver mon continent d’origine, pour des raisons familiales, professionnelles et personnelles. J’ai deux enfants drépanocytaires et Monkole, en ce domaine, avec le docteur Léon Tshilolo, est une référence mondiale. Au plan personnel, également, je désirais retrouver les réalités africaines. Des patients… heureux de se faire soigner à Monkole ! L’ISSI : que de chemin parcouru ! D epuis sa création en 1996, l’Institut Supérieur en Sciences Infirmières a formé 262 infirmières : autant de diplômées que les hôpitaux de Kinshasa s’arrachent. En quelques années, l’ISSI est devenu, d’après le ministère de la Santé, le meilleur établissement en sciences infirmières de la RDC. Carine Okienge Ce que l’ISSI propose ? Un programme en trois ans, formant des infirmières polyvalentes, de niveau supérieur, selon une formule d’alternance de cours théoriques et pratiques. Les cours sont suivis d’un stage à l’hôpital, en situation réelle, où l’étudiante est aussi coachée par son enseignante. À la fin des stages, l’ISSI reçoit fréquemment des offres d’emploi pour l’engagement de ses étudiantes : leur préparation, leur capacité d’organisation et de supervision sont manifestement très appréciées. n Sandra Bandu Des anciennes de l’ISSI témoignent Un métier pour tous Conseil d’administration Président Guy Caeymaex Directeur Daniel Turiel Administrateurs Véronique de Béthune Bernard Michelet Boulevard Auguste Reyers, 207/6 B-1030 Bruxelles Téléphone Fax Internet E-mail 02 735 10 31 02 736 03 77 www.actec-ong.org [email protected] BNP-Paribas-Fortis 001-1448300-69 IBAN BE71 0011 4483 0069 BIC GEBABEBB Tout don de 40 € ou plus est fiscalement déductible. Carine Okienge : je suis infirmière adjointe à Ngaliema Center à l’unité d’hémodialyse. La formation à l’ISSI m’a beaucoup aidée : les cours, l’encadrement, le suivi pédagogique. Ton coach peut t’orienter, te conseiller des livres, t’aider dans ta méthodologie : comment étudier, comment faire ce geste, comment comprendre le cours. Olga Milo : depuis 6 mois, je suis infirmière en chirurgie au Centre Hospitalier Monkole. L’ISSI a forgé ma personne. La formation reçue m’est utile partout : dans mon en- vironnement, à la maison. J’ai vraiment changé. Je n’ai pas seulement appris à administrer le soin technique au malade, je prends aussi en charge la personne tout entière. Sandra Bandu : je suis infirmière au Centre Médical de Kinshasa (CMK). Ici, je travaille au bloc opératoire. À l’ISSI, tu te formes avec du bon matériel et, après, tu sais t’en tirer partout. Avec les techniques que tu connais, les règles d’hygiène que tu appliques, on va vite te repérer. Quand on sort de l’ISSI, on est toujours capable d’apporter un plus sur son lieu de travail. n www.bigben.be asbl ACTEC Le nouvel hôpital de Monkole en construction Monkole, c’est … En 2011 : Plus de 250 membres du personnel Environ 45.000 consultations Quelque 4.000 hospitalisations 3 antennes médico-sociales Un taux d’occupation supérieur à 90% A partir de 2012 : Un hôpital de référence pour une zone de 600.000 habitants Une capacité de 150 lits Activités : - Santé publique - Chirurgie et médecine générale - Recherche et formation médicales 13.257 m2 répartis sur 5 niveaux avec, notamment : - une maternité (+ de 3.500 naissances/an) - un laboratoire de référence avec 4 services principaux : parasitologie, hématologie, biochimie/ biologie moléculaire, bactériologie Unique à Kinshasa : Monkole prend en charge les repas et le linge Odette Musau, responsable des services de base (repas, linge, entretien) explique : À Kinshasa, quand un patient est hospitalisé, il doit apporter son pyjama et son linge de rechange. Pour la nourriture, le patient est pris en charge par sa famille qui lui apporte tous les repas. C’est de cette manière que cela se déroule dans tous les hôpitaux de Kin. Ici à Monkole, nous donnons de façon fixe trois repas par jour. À Monkole, quand un patient doit être hospitalisé, tout le linge, aussi bien le linge d’hôpital que le linge personnel est lavé sur place. Pour garantir une bonne hygiène dans tout l’hôpital, nous avons décidé d’assurer ici tout le service de lingerie, ce qui est unique ici à Kinshasa. n Des soins de qualité à prix réduit Maman Gode habite la commune de Mont Ngafula et fréquente depuis 2003 l’antenne médico-sociale Eliba, proche de sa maison. Mont Ngafula est une commune périphérique de Kinshasa où les structures de santé étaient complètement absentes avant l’arrivée de Monkole. Maman Gode confie, reconnaissante : Chaque fois que je viens ici, je reçois des soins de qualité à un prix réduit, permettant à tout le monde, même aux plus démunis, d’y accéder. J’ai constaté à Eliba une aptitude à l’accueil qui me plaît beaucoup. Ici, à chaque visite, le traitement est de qualité et mes enfants sont toujours guéris. J’ai toujours demandé à la population environnante de venir à Eliba parce que, moi, j’y reçois toujours une solution à mon problème. J’ai confiance dans l’équipe médicale, depuis le médecin jusqu’aux infirmières. À l’antenne, je suis toujours accueillie avec tendresse. Merci beaucoup. n CEFA : un acteur devenu incontournable C réé en 2001, le Centre de formation et d’appui sanitaire est devenu, en moins de 10 ans, un pôle de choix de la formation continue et postuniversitaire à Kinshasa et, plus globalement, en RDC. À côté et en synergie avec le centre médical Monkole et l’Institut Supérieur des Sciences Infirmières, le CEFA fédère initiatives et énergies en termes de formation, de recherche et d’appui sanitaires. Les activités du CEFA s’adressent aux médecins, infirmiers et infirmières, biologistes, kiné, psychologues, techniciens de laboratoire, étudiants finalistes et, plus globalement, à toute personne qui s’intéresse à la santé. Pour répondre aux besoins de formation continue dans de nombreux domaines, le CEFA organise des modules qui sont adaptés à ses publics cibles tant dans leur forme que dans leur contenu. Ainsi, selon le cas, les activités se présentent sous forme de conférence, de séminaire, de club thématique, ou de travaux pratiques de laboratoire. Ces travaux pratiques sont des cours qui font partie du cursus universitaire d’institutions et d’écoles supérieures de la capitale. Avec son programme en travaux pratiques de laboratoire, le CEFA est devenu un centre d’enseignement associé pour la formation des étudiants, des techniciens et des praticiens à Kinshasa. n Le CEFA, en bref : Créé en 1994 10 modules de formation par mois 5.000 professionnels de la santé bénéficiaires Des infrastructures ouvertes et très fréquentées : - Un amphithéâtre de 81 places - Un centre de Documentation et d’Information - Une bibliothèque - Une salle de réunion Une patiente du Dr Echarri : avant et après l’opération Une formation au CEFA Redonner ses jambes à un enfant G râce à une opération qui coûte à peine 300 euros, le docteur Echarri, a déjà changé la vie de centaines d’enfants. En 10 ans, nous avons traité environ 2.500 cas de fractures, avec opération ou plâtre. Les cas de pied-bot sont également fréquents, de même que ceux de pied-bot négligés, de dysplasies ou maladies osseuses, confie l’orthopédiste de Monkole. La participation maximale que les bénéficiaires peuvent apporter oscille entre 30 et 50 dollars. Le solde doit être couvert par des dons. Grâce à ces apports, ces enfants retrouvent l’usage de leurs jambes ou de leurs pieds. Ça vous change une vie ! n