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LES REPRÉSENATIONS DE LA MONDIALISATION
1. Les conséquences de la mondialisation pour la France, de l’ambivalence au rejet.
La perception de l’impact de la mondialisation en France apparaît remarquablement pessimiste. Alors qu’il y a
quatre ans, si elle était considérée par le plus grand nombre comme un facteur d’aggravation des inégalités sociales
et, dans une moindre proportion, comme une menace pour l’identité nationale, elle était cependant créditée de
favoriser la croissance économique. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Sept Français sur 10 considèrent en effet
qu’elle aggrave les inégalités sociales, 55% qu’elle menace l’identité de la France, et une majorité relative qu’elle
ne favorise pas la croissance de l’économie française (49% contre 46%). En 1999, au début des grandes mobilisations
des altermondialistes, l’opinion publique française se représentait en quelque sorte la mondialisation comme un
danger, mais un danger nécessaire. Aujourd’hui, la chute de la nouvelle économie, la baisse continue des indices
boursiers et le retournement de la conjoncture économique internationale rendent moins aisé l’argument de l’efficacité
économique pour les défenseurs de la mondialisation.
Si l’on considère l’impact de la mondialisation sur les inégalités sociales en France, force est de constater une nette
aggravation du jugement. Depuis 1999, la part des réponses négative est passée de 65% à 70%. Ce phénomène
tient pour une part à l’évolution des sympathisants de gauche (71% de jugements négatifs au lieu de 64% il y a
quatre ans), et plus précisément des sympathisants socialistes (77% de jugements négatifs). Les catégories où on
observe le plus de réticences à partager cette idée sont les sympathisants de l’UMP (45% se disent en désaccord),
les travailleurs indépendants (32%) mais aussi, et c’est davantage inattendu, les jeunes (36% de désaccord parmi
les 15-24 ans, contre 62% d’accord).
Il est vrai que parmi les jeunes on considère très majoritairement la mondialisation comme un atout pour la croissance
économique française : c’est le cas de 60% des 15-24 ans, au lieu de 40% seulement des 65 ans et plus. Une forte
variation est sensible sur ce sujet depuis la précédente enquête. Les jugements positifs ont globalement chuté de 11
points (de 57% en 1999 à 46% aujourd’hui). Ce phénomène est avant tout lié au désenchantement des cadres :
seuls 50% d’entre eux voient aujourd’hui en la mondialisation un atout économique pour notre pays, au lieu de 73%
il y a quatre ans. Ils ont aujourd’hui moins tendance à le penser que les ouvriers (53%). De plus, les diplômés (bac
et plus) considèrent majoritairement que la mondialisation favorise la croissance de l’économie française, mais
c’est plus une nuance qu’une opposition par rapport aux non-bacheliers (51% au lieu de 42%). Au plan politique,
le scepticisme majoritaire des sympathisants de gauche (51% « pas d’accord », 44% « d’accord »), et même des
sympathisants socialistes (49% contre 45%), contraste avec le relatif optimisme des sympathisants de la droite
parlementaire (55% « d’accord », 42% « pas d’accord »).
L’impact de la mondialisation sur l’identité de la France suscite un certain consensus dans sa dénonciation. L’âge
joue certes un rôle, mais relativement limité : 47% des plus jeunes considérent qu’elle ne constitue pas une menace,
au lieu de 37% des plus âgés. Mais tandis que l’on observait en 1999 sur cette question des clivage politiques et
sociaux présentant une homologie évidente avec ceux du référendum sur le traité de Maastricht, aujourd’hui les
sympathisants de gauche (54% « d’accord ») s’accordent avec ceux de droite (54% également) pour redouter les
effets identitaires de la mondialisation.
2. La fracture sociale de la mondialisation
Si les clivages entre catégories socioprofessionnelles sont relativement estompés, la représentation de la société
face à la mondialisation économique et financière est à l’inverse très clivée. D’un côté les « gagnants », ceux pour
lesquels les Français dans leur ensemble considèrent qu’elle constitue une chance : les cadres supérieurs (68%),
les chefs d’entreprise (67%) et les actionnaires (62%), c’est à dire le monde de ceux qui peu ou prou décident du
destin des entreprises. De l’autre les « perdants », groupe qui englobe des populations bien plus vastes : les salariés
en général (60%), les retraités (56%), c’est à dire essentiellement les anciens salariés, les chômeurs (66%), c’est
à dire le plus souvent des salariés retirés malgré eux de l’activité, les ouvriers et employés (66%) et enfin, dans une
autre logique, les agriculteurs (79%). Dans la perception qu’en ont les Français, l’impact de la mondialisation est
donc très différent selon que l’on se trouve, très schématiquement mais aussi très clairement, dans l’univers du
« travail » ou bien dans celui du « capital ».