actualité mai 2003 évian 2003 les représentations de la

ACTUALITÉ MAI 2003
ÉVIAN 2003
LES REPRÉSENTATIONS DE LA MONDIALISATION
DANS L'OPINION PUBLIQUE FRANÇAISE
Enquête réalisée pour
Publiée dans le samedi 31 mai 2003
LEVEE D'EMBARGO LE VENDREDI 30 MAI 2003 -19 H
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LES REPRÉSENATIONS DE LA MONDIALISATION
1. Les conséquences de la mondialisation pour la France, de l’ambivalence au rejet.
La perception de l’impact de la mondialisation en France apparaît remarquablement pessimiste. Alors qu’il y a
quatre ans, si elle était considérée par le plus grand nombre comme un facteur d’aggravation des inégalités sociales
et, dans une moindre proportion, comme une menace pour l’identité nationale, elle était cependant créditée de
favoriser la croissance économique. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Sept Français sur 10 considèrent en effet
qu’elle aggrave les inégalités sociales, 55% qu’elle menace l’identité de la France, et une majorité relative qu’elle
ne favorise pas la croissance de l’économie française (49% contre 46%). En 1999, au début des grandes mobilisations
des altermondialistes, l’opinion publique française se représentait en quelque sorte la mondialisation comme un
danger, mais un danger nécessaire. Aujourd’hui, la chute de la nouvelle économie, la baisse continue des indices
boursiers et le retournement de la conjoncture économique internationale rendent moins aisé l’argument de l’efficacité
économique pour les défenseurs de la mondialisation.
Si l’on considère l’impact de la mondialisation sur les inégalités sociales en France, force est de constater une nette
aggravation du jugement. Depuis 1999, la part des réponses négative est passée de 65% à 70%. Ce phénomène
tient pour une part à l’évolution des sympathisants de gauche (71% de jugements négatifs au lieu de 64% il y a
quatre ans), et plus précisément des sympathisants socialistes (77% de jugements négatifs). Les catégories où on
observe le plus de réticences à partager cette idée sont les sympathisants de l’UMP (45% se disent en désaccord),
les travailleurs indépendants (32%) mais aussi, et c’est davantage inattendu, les jeunes (36% de désaccord parmi
les 15-24 ans, contre 62% d’accord).
Il est vrai que parmi les jeunes on considère très majoritairement la mondialisation comme un atout pour la croissance
économique française : c’est le cas de 60% des 15-24 ans, au lieu de 40% seulement des 65 ans et plus. Une forte
variation est sensible sur ce sujet depuis la précédente enquête. Les jugements positifs ont globalement chuté de 11
points (de 57% en 1999 à 46% aujourd’hui). Ce phénomène est avant tout lié au désenchantement des cadres :
seuls 50% d’entre eux voient aujourd’hui en la mondialisation un atout économique pour notre pays, au lieu de 73%
il y a quatre ans. Ils ont aujourd’hui moins tendance à le penser que les ouvriers (53%). De plus, les diplômés (bac
et plus) considèrent majoritairement que la mondialisation favorise la croissance de l’économie française, mais
c’est plus une nuance qu’une opposition par rapport aux non-bacheliers (51% au lieu de 42%). Au plan politique,
le scepticisme majoritaire des sympathisants de gauche (51% « pas d’accord », 44% « d’accord »), et même des
sympathisants socialistes (49% contre 45%), contraste avec le relatif optimisme des sympathisants de la droite
parlementaire (55% « d’accord », 42% « pas d’accord »).
L’impact de la mondialisation sur l’identité de la France suscite un certain consensus dans sa dénonciation. L’âge
joue certes un rôle, mais relativement limité : 47% des plus jeunes considérent qu’elle ne constitue pas une menace,
au lieu de 37% des plus âgés. Mais tandis que l’on observait en 1999 sur cette question des clivage politiques et
sociaux présentant une homologie évidente avec ceux du référendum sur le traité de Maastricht, aujourd’hui les
sympathisants de gauche (54% « d’accord ») s’accordent avec ceux de droite (54% également) pour redouter les
effets identitaires de la mondialisation.
2. La fracture sociale de la mondialisation
Si les clivages entre catégories socioprofessionnelles sont relativement estompés, la représentation de la société
face à la mondialisation économique et financière est à l’inverse très clivée. D’un côté les « gagnants », ceux pour
lesquels les Français dans leur ensemble considèrent qu’elle constitue une chance : les cadres supérieurs (68%),
les chefs d’entreprise (67%) et les actionnaires (62%), c’est à dire le monde de ceux qui peu ou prou décident du
destin des entreprises. De l’autre les « perdants », groupe qui englobe des populations bien plus vastes : les salariés
en général (60%), les retraités (56%), c’est à dire essentiellement les anciens salariés, les chômeurs (66%), c’est
à dire le plus souvent des salariés retirés malgré eux de l’activité, les ouvriers et employés (66%) et enfin, dans une
autre logique, les agriculteurs (79%). Dans la perception qu’en ont les Français, l’impact de la mondialisation est
donc très différent selon que l’on se trouve, très schématiquement mais aussi très clairement, dans l’univers du
« travail » ou bien dans celui du « capital ».
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LES REPRÉSENATIONS DE LA MONDIALISATION
A quelques nuances près, cette classification est partagée dans chaque cas par les personnes appartenant à la
catégorie concernée. Par exemple 76% des membres de professions libérales et des cadres du privés voient la
mondialisation comme une chance pour des cadres supérieurs, mais 63% des salariés y voient plutôt une menaces
pour eux-mêmes, ainsi que 51% des retraités et 67% des ouvriers et employés.
Il en va différemment des jeunes, pour lesquels l’opinion publique dans son ensemble juge à 52% que la mondialisation
constitue une chance, contre 42% une menace, alors que les 15-24 ans la perçoivent très majoritairement comme
une chance pour eux-mêmes (60%). Sur la notion beaucoup moins socialement identifiable des « consommateurs »,
les avis sont assez équilibrés (51% contre 41%).
Notons enfin que depuis 1999, l’idée que la mondialisation profite aux uns et nuit aux autres est encore plus
enracinée : ainsi elle constituerait une chance pour les chefs d’entreprises selon 67% des Français, au lieu de 63%
il y a quatre, et une menace pour les ouvriers et employés selon 66%, au lieu de 64% alors.
2. La taxe Tobin, un projet consensuel
Présenté de manière succincte, le principe connu sous le nom de taxe Tobin recueille l’assentiment de 6 Français
sur 10. Un certain consensus règne à ce sujet : fortement défendu par ceux qui considèrent que la mondialisation
économique et financière aggrave les inégalités sociales, cette proposition de taxation des mouvements de capitaux
à court terme, spéculatifs, recueille 64% d’approbation chez les sympathisants de gauche (mais 62% seulement
parmi ceux de l’extrême-gauche), au lieu de 59% au sein de l’opposition parlementaire (54% à l’UMP, 69% à
l’UDF). Il est clair que cette mesure est finalement perçue comme modérée, suscitant plus d’enthousiasme dans
les courants centristes et europhiles de la vie politique qu’auprès de ceux qui, à droite comme à gauche, ressentent
le plus négativement la mondialisation économique et financière. Notons que même parmi ceux qui jugent erronée
l’attitude des altermondialistes mobilisés lors des sommets internationaux 59% approuvent le principe d’une taxation
des mouvements de capitaux.
5. Une mondialisation qui favorise d’abord les pays les plus développés
La plupart des pays ou régions du monde apparaissent comme des « gagnants » de la mondialisation. Les Etats-
Unis (62%) et le Japon (61%), du fait de la puissance commerciale qui leur est prêtée, la Russie (60%) et l’Asie du
Sud-Est (58%) considérées comme des régions peu ou prou émergentes dans le marché mondial, et même l’Union
européenne (58% contre 35%), malgré ce qui a été dit sur l’impact économique de la mondialisation sur l’économie
française.
Ces jugements ne rendent que plus significatif le fait que seuls 44% des Français voient l’Afrique noire comme
gagnante par rapport à cette mondialisation, contre 50% qui pensent qu’elle y perdra. Donc, aux yeux des Français,
en deçà d’un certain niveau de développement, il devient impossible de rejoindre le train d’une économie mondialisée,
et la libéralisation des échanges n’est plus un facteur de rattrapage mais un handicap supplémentaire.
6. La crédibilité relative des altermondialistes
La situation dans l’opinion de ceux qui contestent les modalités de la mondialisation est quelque peu paradoxale.
Certes, seuls 22% des Français jugent qu’ils ont tort, contre 70% qui pensent qu’ils ont raison. Mais ces derniers
se divisent entre 59% qui estiment que les altermondialistes « n’ont pas de vraies solutions alternatives » et 11%
seulement qui leur reconnaissent de « vraies solutions alternatives ».
Ceux qui pensent que les altermondialistes ont tort sont remarquablement nombreux chez les plus jeunes (26%
parmi les 15-24 ans) et les plus âgés (28% chez les 65 ans et plus), parmi les personnes n’ayant aucun diplôme
(32%) et les sympathisants de l’extrême-droite (30%). Leur part est nettement plus importante parmi les
sympathisants de la droite parlementaire (27%) que chez les sympathisants de gauche (17%).
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LES REPRÉSENATIONS DE LA MONDIALISATION
A l’opposé, ceux qui les approuvent et considèrent qu’ils apportent des solutions crédibles se rencontrent davantage
chez les salariés du public (19%), les plus diplômés (16% chez ceux ayant au moins un bac + 2), mais aussi parmi
les ouvriers (16%). Seuls 4% des sympathisants de la droite parlementaire leur reconnaissent ces mérites, au lieu
de 16% des sympathisants de gauche (14% pour les sympathisants socialistes, 19% chez les sympathisants de
Verts, 20% chez ceux du PCF, de LO et de la LCR).
La grande majorité des Français leur donne donc raison sans pour autant les juger complètement crédibles (59%).
Cette attitude est d’autant plus répandue que les interviewés sont jeunes (65% chez les 15-24 ans, 48% chez les 65
ans et plus), elle est aussi fréquente parmi les travailleurs indépendants (67%) et les salariés du privé (65%), ainsi
que chez les sympathisants de la droite parlementaire (64%).
7. Les instances politiques, les plus capables de réguler la mondialisation
En dernière analyse, à qui fait-on confiance pour réguler la mondialisation ? Si l’on met à part les Etats-Unis, dont
trois Français sur quatre se défient à ce sujet, le principal critère paraît être le caractère plus ou moins démocratique
de l’instance testée. En d’autres termes, les Français attendent plus de contrôle politique, et refusent de laisser la
mondialisation économique et financière sous la seule influence de l’argent et de l’entreprise.
C’est ainsi que les Français citent l’Union européenne comme instance à laquelle ils font le plus confiance à ce
sujet (73% contre 23%). C’est particulièrement le cas des plus jeunes (81% pour les 15-24 ans), et des sympathisants
de la droite parlementaire (79%), du Parti socialiste (76%) et des Verts (74%). Les sympathisants de l’extrême-
gauche et des Verts s’en défient majoritairement (56% contre 41%), et ceux qui jugent les positions des
altermondialistes justifiées et crédibles sont relativement réservés (56% de confiance, 31% de défiance). L’ONU
recueille également un fort taux de confiance (68%), et cela quelque soit la catégorie considérée, sauf parmi les
sympathisants d’extrême-gauche (46% de confaince seulement).
Le score des ONG est lui relativement réduit (48% contre 41%), avec un fort clivage entre les non-bacheliers
(35%) et les détenteurs d’un diplôme au moins égal au bac (60%). La gauche leur fait plutôt confiance (53%
contre 39%), la droite moins (46% contre 44%).
Finalement, les réunions du type G8 ne font pas l’objet d’un rejet majoritaire. 46% des Français leur font confiance,
contre 47%. Il y a sur ce sujet un clivage avant tout politique : 57% des sympathisants de gauche s’en défient
(contre 38%), 65% des sympathisants de la droite parlementaire leur font confiance (contre 29%). Assez
logiquement, 56% de ceux qui pensent que les altermondialistes ont tort font confiance à ce type d’instances, et
63% de ceux qui jugent crédibles les altermondialistes s’en défient.
Il apparaît clairement que les institutions financières du type FMI ne recueillent pas la confiance des Français
(51% de défiance), et encore moins les entreprises multinationales (64%).
La situation dans l’opinion des mouvements altermondialistes de type ATTAC mérite examen. Tout d’abord, 21%
des Français n’expriment pas d’opinion à leur sujet, ce qui reflète logiquement le niveau de notoriété de ce type de
mouvement. Les 37% de Français qui leur font confiance (contre 42%) se répartissent très inégalement selon les
catégories considérées. Tout d’abord, plus on est jeune, et plus on fait confiance à ces mouvements (48% chez les
15-24 ans, 44% chez les 35-49 ans, etc.). Les salariés du public apparaissent très réceptifs (45% de confiance,
34% de défiance), de même que les personnes ayant au moins le bac (43% contre 39%) et les sympathisants de
gauche (48% de confiance, contre 34%). La confiance culmine chez les sympathisants d’extrême-gauche et du
PCF (53%), du Parti socialiste (46%) et des Verts (48%). A l’inverse, les sympathisants de la droite parlementaire
expriment majoritairement leur défiance (53% contre 26%).
Jérôme Sainte-Marie
BVA Opinion
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LES REPRÉSENATIONS DE LA MONDIALISATION
Enquête réalisée par l’Institut BVA auprès d'un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.
1008 personnes ont été interrogées du 23 au 24 mai 2003 par téléphone.
Echantillonnage par la méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, après stratification par régions et
catégories d’agglomération.
LA PERCEPTION DÉTAILLÉE DE LA MONDIALISATION
Pour chacune des opinions suivantes, dites-moi si vous êtes plutôt d'accord ou plutôt pas d'accord.
La mondialisation économique et financière...
Plutôt
d'accord Plutôt pas
d'accord (NSP)
…aggrave les inégalités sociales en France 70 27 3
Rappel L'Expansion Oct. 99 65 31 4
…menace l'identité de la France 55 42 3
Rappel L'Expansion Oct. 99 56 39 5
…favorise la croissance de l'économie française 46 49 5
Rappel L'Expansion Oct. 99 57 37 6
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