– UMR 7 1 86 es t LE c nr SC s/ u o niversité paris u Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative Contrat quinquennal janvier 2007 – juin 2012 Volume 1a – Résultats Volume 1b – Production scientifique Volume 2a – Projet 2014-2018 Volume 2b – Fiches individuelles Maison Archéologie et Ethnologie – René-Ginouvès – 21, allée de l’université – 92023 Nanterre cedex tél. : 33 (0) 1 46 69 25 90 – fax : 33 (0) 1 46 69 25 91 – [email protected] – http://www.mae.u-paris10.fr/lesc/ Unités de recherche Rapport AERES 2012 Projet 2014-2018 Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative – UMR 7186 Université Paris Ouest Nanterre La Défense 1. Présentation de l’unité a. Historique Le Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative (LESC) est une unité de recherche mixte du CNRS et de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense qui présente à la fois les caractéristiques d’un héritage ancien – il a été fondé en 1967 par le professeur Éric de Dampierre – et d’une configuration récemment renouvelée : la fusion, en 2006, avec l’UPR 324 (Enseignement et Recherche en Ethnologie Amérindienne – devenu Centre EREA), puis, en 2007, avec l’UMR 7173 (Laboratoire d’Ethnomusicologie situé au Musée de l’Homme - devenu Centre de Recherche en Ethnomusicologie, CREM), a été l’occasion de repenser à neuf le projet de laboratoire pour le contrat en cours en intégrant les questionnements et les compétences de ces deux équipes, au fort prestige international. L’évolution démographique naturelle a renforcé le processus de renouvellement et la moyenne d’âge des membres du laboratoire est actuellement plus jeune qu’elle ne l’était en 2007. L’unité est répartie sur trois sites : son implantation principale est la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie René-Ginouvès (MAE), tandis que les ethnomusicologues, qui occupaient encore jusqu’en 2009 des locaux précaires du Musée de l’Homme, ont pu intégrer des locaux, temporaires mais convenablement équipés, au bâtiment C de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. L’autre centre spécialisé, l’EREA, a ses bureaux et sa documentation dans le centre André-Georges Haudricourt, sur le campus de Villejuif. La réalisation à Nanterre d’un nouveau bâtiment SHS, où le CREM et l’EREA viendraient occuper des surfaces sensiblement égales à celles qui sont actuellement les leurs, était prévue pour le contrat en cours ; elle est repoussée à l’horizon 2015, ce qui retarde d’autant la possibilité du rapprochement des trois composantes, en particulier du centre EREA. Dès sa conception, le laboratoire a été indissociable de la formation des étudiants à l’université. Les enseignants-chercheurs de l’unité (avec l’appui de plusieurs chercheurs, ATER, et doctorants) assurent les cours et l’encadrement à tous les niveaux, depuis la licence jusqu’au doctorat. L’une des principales missions du laboratoire est de fournir le cadre de recherche à cette formation (voir bilan). Les doctorants en particulier, au nombre d’une centaine, sont intégrés – dans la limite des moyens matériels - à tous les aspects de la vie de l’unité. b. Caractérisation de la recherche La présentation des caractéristiques de l’unité et de ses missions a été faite dans le bilan ; elles ne sont pas appelées à se modifier dans la perspective du contrat 2014-2018. Rappelons-en les grandes lignes : - vocation généraliste et comparatiste s’appuyant sur une multiplicité de terrains de recherche : Afrique, Amériques Asie, Europe, Moyen-Orient, Océan Indien ; alliance entre pratique de terrain étayée par la connaissance de la langue, et spéculations théoriques. - construction d’objets transdisciplinaires, pratique de l’interdisciplinarité sous forme de collaborations. - intégration entre recherche et formation. - documentation spécialisée et politique active vis-à-vis des archives des ethnologues, considérées comme objets scientifiques à part entière. - communication scientifique s’appuyant sur des sites internet et sur une revue (classée AERES). - réflexion sur le rôle de l’ethnologue dans la société, politique d’ouverture vers le milieu scolaire, développement d’un programme de recherche-action ; pour autant, la caractérisation du laboratoire relève avant tout de la recherche fondamentale. c. Organigramme fonctionnel et règlement intérieur L’organigramme est attaché à la suite du présent document. Par rapport à celui qui montrait la situation au 30 juin (voir bilan), il s’est étoffé d’un AI pour la gestion (et le secrétariat du CREM), fonction assurée auparavant en CLD, et d’un IE en documentation (Bibliothèque Éric-de-Dampierre). Deux points, par rapport au bilan, méritent d’être soulignés : Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 1 Unités de recherche - L’Assemblée générale et le Conseil de Laboratoire ont élu comme directeur pressenti Philippe Erikson. Cette proposition sera soumise aux tutelles. - plusieurs ITA occupant des postes cruciaux approchent de l’âge de la retraite ; la documentaliste de l’EREA et la responsable de la bibliothèque partiront en 2014, la secrétaire de l’unité au plus tard en 2016, l’administratrice responsable de l’ensemble de la gestion en 2016. L’organisation de leur remplacement est d’ores et déjà une priorité : l’IE récemment recruté en documentation permettra d’assurer la continuité au niveau de la bibliothèque ; un poste a été demandé au CNRS pour assurer le travail au sein de l’EREA, redéfini cependant pour tenir compte de l’évolution des pratiques, d’une mutualisation possible de certaines tâches en 2015 (si la réalisation du nouveau bâtiment SHS à Nanterre est effectivement achevée), ainsi que des nouveaux besoins de ce centre spécialisé (traitement informatique de corpus oraux dans des langues rares). La réforme de la gouvernance de l’unité a fait l’objet d’une très grande attention au cours des dernières années. Si la définition des conditions de fonctionnement des deux centres spécialisés au sein de l’unité n’ont pas été touchées (elles sont régies par un accord énoncé et validé par une AG de 2006), plusieurs remaniements de fond ont été opérés qui ont abouti à la réécriture du règlement intérieur (validé par le CNRS en 2012) : - réaffirmation de la qualité de membre du laboratoire de tous les doctorants ; « gel », puis suppression, du statut particulier de « doctorant associé » bénéficiant (avec les doctorants allocataires) du soutien financier du laboratoire à l’exclusion des autres doctorants ; ouverture à tous les doctorants de la possibilité d’un financement de recherches sur le terrain, sur projet ; - transformation du « Conseil interne », nommé, en Conseil de laboratoire, dont la moitié au moins des membres sont élus (trois collèges : chercheurs et enseignants-chercheurs ; ITA ; doctorants). - définition d’un statut de « chercheur affilié » pour des chercheurs membres statutaires d’autres institutions, à leur demande. Parallèlement, les centres spécialisés ont leurs propres règles (dans le cadre du R.I. général de l’unité) concernant le soutien aux doctorants et les chercheurs et post-docs associés. Les règles de renouvellement et de désignation des membres de la commission (nommée) chargée d’arbitrer les demandes de soutien pour les missions, les colloques et les traductions, feront l’objet de prochaines réformes, en 2013. En matière d’hygiène et de sécurité, le règlement de l’université s’applique. Il est complété par celui de la MAE pour la partie du laboratoire qui y est implantée. L’ensemble des dispositions est précisé dans le règlement intérieur de l’unité. Il faut mentionner dans ce cadre la préoccupation que représente la saturation actuelle des locaux de la bibliothèque et le peu de perspectives ouvertes par la proposition actuelle d’extension faite par la direction de la MAE lorsque le nouveau bâtiment SHS de l’université sera réalisé. Comme indiqué dans le bilan, les pratiques des chercheurs suivent les recommandations formulées dans les « Ethical guidelines for good research » par l’Association of Social Anthropologists of the UK and the Commonwealth. Nous travaillons par ailleurs à l’élaboration d’un modèle de valorisation des archives qui soit respectueux des normes déontologiques et éthiques. 2. Analyse SWOT et objectifs scientifiques de l’unité Le bilan (« rapport d’autoévaluation ») exposait en préliminaire une politique scientifique, et concluait au renforcement de cette dernière selon quatre directions : - un renforcement de sa cohésion interne de l’unité par la vitalité des discussions scientifiques, dans le cadre d’axes thématiques dont les problématiques ont été longuement débattues (voir projet) ; - le recours à des dispositifs techniques innovants et complexes, dans le cadre de partenariats ; - le soutien aux domaines dans lesquels le LESC possède une expertise reconnue et unique ; - l’inscription forte dans des réseaux de collaborations locales, nationales et internationales. Nous revenons rapidement ici sur l’analyse de conjoncture qui justifie ces choix. C’est une question à laquelle nous avons attentivement réfléchi, et qui a notamment fait l’objet d’une séance de séminaire général, « Essai de prospective : l’environnement institutionnel de l’anthropologie et ses évolutions » (mars 2010, l’enregistrement est en ligne). Parmi les intervenants figuraient le DAS anthropologie de l’INSHS, le délégué régional du CNRS, le directeur de l’UFR SSA de Paris Ouest (où les enseignements d’ethnologie et d’ethnomusicologie sont dispensés), et un membre du Conseil scientifique de l’European Research Council. Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 2 Unités de recherche Nous ne reprendrons pas ici l’ensemble des diagnostics exposés au cours de cette journée, et qui sont parfois critiques, mais seulement ceux qui nous ont aidé à élaborer une stratégie scientifique : - les classements liés à la mondialisation de la recherche imposent une modulation du « modèle français » et le rapprochement EPST – universités ; une UMR doit développer une politique active de site. - le resserrement général des finances publiques conduit à diminution durable du soutien de base ; la LOLF induit une logique de projet ; les ressources d’un laboratoire sont donc largement à trouver dans des financements sur programmes. - le développement de réseaux nationaux et internationaux est non seulement lié à l’expertise reconnue des chercheurs d’un laboratoire, mais également au financement d’échanges : outre le recours aux ressources sur contrats qui vient d’être mentionné, il est important de développer, au moyen des programmes d’échange disponibles, l’accueil de chercheurs étrangers. - l’évolution des formations vers la professionnalisation correspond à une volonté politique qui n’affecte pas seulement l’enseignement universitaire ; le laboratoire a une responsabilité à cet égard, et doit assurer une information et une réflexion sur les débouchés professionnels. - la prospective menée au niveau du Comité national et de la CNU souligne l’importance de maintenir une expertise sur des domaines ou des aires culturelles particulièrement menacés ; le renforcement de la position du laboratoire dans les réseaux « aires culturelles », et de son soutien à des spécialités peu représentées en France et où les compétences de ses chercheurs sont particulièrement reconnues (anthropologie linguistique, ethnomusicologie), est une priorité. - il existe au niveau du CNRS une volonté croissante de promouvoir des programmes de recherche interdisciplinaires, et d’élaborer de nouveaux objets de recherche à la croisée de domaines disciplinaires différents. La définition du projet scientifique a été orientée par cette analyse, et par les orientations ainsi dégagées. - Le renforcement de la cohésion scientifique interne, objectif découlant de l’intégration de deux équipes en 2006 et 2007, d’une recommandation formulée par l’AERES en 2008, et de l’autoévaluation effectuée aujourd’hui (voir bilan), a été assurée par des discussions collectives sur près d’une année, par le resserrement des thématiques, et par l’ancrage de la grande majorité des propositions dans des programmes de travail communs. L’équilibre entre axes thématiques et centres spécialisés, lesquels animent plusieurs des recherches dans les axes, a été maintenu et nous semble – à l’expérience - très efficace : la structuration par axes assure la cohésion de l’unité et le renouvellement des questionnements ; les centres spécialisés conservent leur expertise particulière et leur fonctionnement selon des réseaux professionnels internationaux. - l’élaboration de nouveaux objets à la frontière de plusieurs disciplines est fortement encouragée (cf. projet scientifique) et, s’accompagne dans plusieurs cas, comme il a été dit, du recours à des dispositifs techniques innovants et complexes. - le laboratoire est engagé dans une politique active de partenariats et de réseaux, que ce soit au niveau local de l’université (« politique de site »), ou au niveau national et international (cf. bilan). L’analyse SWOT que l’on peut faire du projet de l’unité (cf. partie suivante, et annexe scientifique) découle des constats et des choix précédents : • Points forts (éléments internes) : réflexion avancée sur la conjoncture et réalisme de la stratégie ; réussite du processus d’intégration des centres CREM et EREA ; forte production, notamment à l’international (cf.bilan) ; équilibre entre approfondissement des thématiques et invention de nouveaux objets ; expérience ancienne de collaboration avec d’autres disciplines ; capacité à monter des projets financés, dans le cadre des thématiques retenues ; qualité de l’équipe des ingénieurs et techniciens ; solidité des partenariats et des réseaux nationaux et internationaux ; qualité reconnue de l’enseignemeent et de l’encadrement ; dynamisme des doctorants. • Points faibles (éléments internes) : les prochains départs à la retraite ou les fins d’éméritat menacent certains domaines (Asie, Amériques), vont affecter l’anthropologie linguistique (en pointe au niveau international), et poseront de graves difficutlés si certains postes-clé ITA ne sont pas pourvus à temps ; le renouvellement au niveau de la direction (direction-adjointe, sous-directeurs pour les centres spécialisés) devra être réglé avant le début de contrat ; certains aspects de la gouvernance (commission des missions) doivent être améliorés afin d’impliquer davantage les jeunes chercheurs dans la gestion du Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 3 Unités de recherche laboratoire ; le niveau d’anglais personnel de nombreux chercheurs ne leur permet pas d’écrire des textes directement publiables dans cette langue (et le soutien financier du laboratoire aux traductions est nécessairement limité) ; il manque enfin un ingénieur pour le traitement des bases de données audio et vidéo de l’EREA (langues rares ou en voie de disparition). • Risques liés au contexte : tous les frais de fonctionnement ne peuvent être pris sur les ressources propres, ce qui lie une partie de la performance du laboratoire au niveau du soutien de base ; le retard dans la construction d’un nouveau bâtiment SHS freine les possibiités d’interaction entre composantes ; la saturation actuelle des locaux de la bibliothèque Éric-de-Dampierre et l’absence de perspective sérieuse d’extension hypothèque la bonne intégration future de la documention de l’EREA ou de celle du CREM au sein d’une bibliothèque commune. • Possibilités liées au contexte : l’unité est soutenue par les tutelles et présente de l’attractivité pour les jeunes chercheurs ; elle bénéficie de conventions avantageuses (MCC, MNHN, MQB) et collabore avec de nombreuses institutions de prestige en France et à l’étranger ; sa volonté de lancer des projets innovants à la rencontre d’autres disciplines rencontre un intérêt identique chez nos partenaires – ce sont parfois eux les premiers demandeurs ; le soutien apporté par le CNRS aux aires culturelles est une opportunité pour le laboratoire de s’intégrer à de nouveaux réseaux spécialisés ; les financements assurés par les contrats de recherche s’avèrent être des chances exceptionnelles dès lors qu’ils sont intégrés par avance à des problématiques de recherche de l’unité ; le développement de l’internet procure des outils de recherche, de développement, et de communication inédits, et souvent peu coûteux. Dans l’ensemble, l’unité paraît être dans de bonnes conditions pour mener à bien le programme qu’elle s’est fixé – sous réserve de la résolution des difficultés mentionnées. Elle vise clairement à se positionner au sein de la recherche française et internationale comme un laboratoire innovant, fortement appuyé sur les nouvelles technologies, internationalement en pointe sur des domaines précis, et présent autant au niveau local de l’université qu’au plan des grands réseaux de recherche. 3. Mise en œuvre du projet Le projet scientifique proprement dit, élaboré collectivement sur près d’une année, se répartit en 6 axes, chacun composé de 2 à 4 Ateliers thématiques. Chaque niveau est cordonné par un ou plusieurs responsables (nous n’indiquerons ici que les noms des coordinateurs de l’ensemble d’un axe). La plupart comportent des indications de programmes financés, acquis ou à soumettre, destinés à dynamiser les recherches correspondantes, ainsi que des projets de séminaires – les projets de publication vont sans dire. Ces six axes sont les suivants (voir l’argumentation scientifique et le détail des projets en annexe) : - Axe 1 : Epistémologie et exercices de l’anthropologie - Axe 2 : Espaces sociaux, espaces sensibles - Axe 3 : Cognition, communication, savoirs - Axe 4 : Temporalités, mémoire, historicités - Axe 5 : Religion et rituel - Axe 6 : Genre et parenté Axe 1 : Épistémologie et exercices de l’anthropologie (Responsables : B. Buob, E. Grimaud, S. Houdart, V. Manceron) La nature et le spectre de l'enquête ethnographique sont en constante redéfinition, soit en raison des objets que l’enquête se donne, soit des outils auxquels elle recourt ou des contextes dans lesquels elle a lieu. L’objectif de ce programme de travail est de prendre acte de cette hétérogénéité des formes d’enquête et des dispositifs et de l’accompagner par des relais techniques et réflexifs appropriés, à toutes les étapes du processus de recherche. Il comportera, entre autre, la conception d’objets collaboratifs qui mêlent le terrain au sens classique et l’élaboration de véritables dispositifs de captation, ainsi que des ateliers visant à ancrer la discussion épistémologique dans une réflexion pratique sur les techniques de l’enquête et de l’expérience anthropologique. Cet axe devrait déboucher sur la constitution d’un pôle de réflexion épistémologique, non pas de manière purement théorique mais en favorisant et encourageant de manière pragmatique l’émergence de nouveaux dispositifs. Quatre ateliers thématiques : Les changements d’échelle dans les pratiques de savoir (collaboration institutionnelle avec F93 - Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle de la Seine-Saint-Denis). Cet atelier thématique fédèrera le Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 4 Unités de recherche séminaire déjà existant sur « Les changements d’échelle » avec les interrogations déployées dans des groupes de travail d’autres institutions (LAS, MNHN) sur la question animale ou sur les utopies et la nature. Une soumission ANR commune est envisagée à moyen terme. Dispositifs et mesures. La conception de dispositifs expérimentaux inédits, proprement anthropologiques, s’effectuera dans le cadre de partenariats avec des laboratoires d’autres disciplines bénéficiant d’un plateau technique et d’expertises spécialisées. Une collaboration est déjà engagée avec le Laboratoire des Usages en Technologies d'Information Numérique (Lutin), habitué à mener des expérimentations en psychologie cognitive en utilisant des techniques Temps Réel de recueil de données (oculométrie, EEG, EFRPs,…). Un projet commun a été soumis dans le cadre du PRES UPOND – Paris 8. Une soumission de projet ANR est en préparation. Outre ce partenariat, en développement, le LESC (ses centres spécialisés CREM et EREA) participe à une ANR « Diadems » avec deux laboratoires d’informatique (IRIT porteur, LabRI), un laboratoire d’informatique et mécanique (LIMSI) et un laboratoire d’acoustique musicale (LAM - JLRA). Le programme de travail, par nature très collaboratif, se déploiera également à travers des séminaires de recherche, dont plusieurs sont déjà initiés. Recherche-action en anthropologie et ethnomusicologie. Le projet « Patrimoine musical des habitants », mené à Nanterre par des étudiants du master EMAD sur les pratiques musicales des habitants (en collaboration avec la ville), est un projet de recherche-action dans le sens où il recouvre les trois aspects que sont la collaboration (avec les Nanterriens), l'engagement (du chercheur dans sa cité), et l'intervention (l'organisation d'événements culturels avec les habitants pour valoriser leur pratique et créer du lien social). Un développement de ce projet a été accepté pour financement dans le cadre du Labex « Les Passés dans le présent ». De la recherche-action relève aussi l’organisation de lieux de débats visant à rapprocher des entreprises les futurs ethnologues et portant sur le retour des analyses anthropologiques vers les organisations étudiées, dans la continuité de l’atelier expérimental « L’ethnologue en entreprise » organisé en collaboration avec le Centre des Relations avec les Entreprises et de la Formation Permanente de l’Université. Plusieurs projets d’enseignement viennent enfin appuyer ce travail : projet de DU anthropologie et psychanalyse, cours « interventions de professionnels » dans le master EMAD (Ethnomusicologie et Anthropologie de la Danse), cours de professionnalisation et d’anthropologie appliquée en master Anthropologie. Archives, Corpus &Texte. Les réflexions méthodologiques, menées sur la nature des matériaux de terrain archivés et sur les questions de droits et d’éthiques qu’elle soulève, prennent en compte les possibilités offertes par les nouvelles technologies en matière de diffusion sur le web et de projets collaboratifs avec les pays du sud. L’un des cadres institutionnels où pourront se déployer les projets du LESC est le Labex « Les passés dans le présent », dans le cadre duquel la réalisation de deux portails (en partenariat avec la BNF et le MQB) est déjà acceptée pour financement. Cette expérimentation sera accompagnée d’une étude de la réception de ces portails auprès des publics cibles, étude qui s’insèrera dans la problématique récemment initiée au laboratoire des conditions d’un usage non scientifique des archives, de l’appropriation des données par des créateurs et des artistes, et des conséquences d’un usage décontextualisé des données. De même sera poursuivie la réflexion autour d’une éventuelle participation aux mouvements européens de partage des données scientifiques et des répercussions de telles réalisations sur la recherche (DARIAH). Axe 2 : Espaces sociaux, espaces sensibles (Responsables : C. Guillebaud, V. Milliot, F. Wateau) Cet axe est articulé autour de trois grands thèmes : la perception, l’environnement et le politique. Organisé en quatre Ateliers thématiques (Corps et sensorialité ; Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics ; Pluralités, fabrique du politique et zones frontières ; Environnement et emprises politiques sur le biologique), il invite à interroger, depuis l’espace sensoriel de l’individu jusqu’aux milieux les plus englobants, naturels et urbains, les rapports qui se nouent entre espaces et sociétés. Les travaux porteront une attention particulière au corps, ses gestes et mouvements, ses mises à l’épreuve en certaines situations extrêmes, festives ou sportives ainsi que leur inscription dans des contextes relationnels structurants. Les environnements considérés sont divers : ils concernent la rue, les quartiers, les espaces publics, mais aussi les forêts à protéger, les parcs naturels, certains espaces intermédiaires ou périphériques. La fabrique du politique, enfin, est l’axe transversal à l’ensemble des approches qui questionneront les emprises sur le biologique et l’environnement ; les modalités sensibles de hiérarchisation sociale, la construction des genres et des classes d’âges ; la réaction des populations à l’imposition des normes internationales ; les controverses sur le bien-être des humains et des animaux ou sur le « droit » à la ville. L’originalité de cet axe est de développer des recherches ethnographiques dans des contextes marqués par l’indétermination – du fait de la diversité, de la mobilité ou des situations de crises. Pour penser les mondes qui se créent dans un nouveau rapport à l’environnement (naturel ou urbain), des méthodes innovantes seront Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 5 Unités de recherche mises en œuvre, à l’articulation entre différentes approches du social et du sensible et à l’interface entre sciences humaines et biologiques. Les ethnomusicologues contribueront à un renouvellement de l’anthropologie du sensible en abordant avec une même problématique des objets de recherche jusqu’ici tenus séparés (musique, ambiance sonore, danse, théâtre, sport). La redéfinition de ces frontières ouvrira de nouvelles perspectives de collaboration au sein du laboratoire, en particulier en ce qui concerne l’analyse des modalités de perception des espaces publics urbains, dans leurs dimensions sensorielles, sociales et politiques. Les recherches sur les circulations (des personnes, des objets, de l’argent, des idées) et les zones frontalières ouvriront des comparaisons entre les espaces naturels et urbains. Corps et sensorialité. Projets : Dépôt de projet ANR 2013 : programme MILSON « Pour une anthropologie des MILieux SONores ». Partenariats : Continuation des travaux « Domaine visuel, Domaine sonore : intersections » (GDRI Histoire et anthropologie de Arts, MQB) ; projet de collaboration avec le Réseau International Ambiances ; participation au projet « Philosophie, musique et écologie du son » du Labex Art H2H. Université Paris 8 ; projet de collaboration avec l’axe « Corps et sciences sociales » de la MSH Paris Nord et du RT 17 de l’AFS. Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics. Projets : Atelier mensuel « Ce que la ville fait à l’anthropologie » ; journées d’études « Shoping malls » prévues en janvier 2014 ; colloque « Propreté et saleté des espaces urbains : une analyse comparée de l’urbanité », 2014 ; projet d’École Thématique sur l’espace public, 2015. Partenariats : Collaboration au projet « Justice spatiale » (PRES UPO-Paris8). Pluralités, fabrique du politique et zones frontières. Projets : Journées de recherche sur les « Etudes de la pragmatique du plurilinguisme ». Partenariats : continuation d’un GDRI créé en 2012 : « Anthropologie Politique Contemporaine en Amazonie Occidentale » (APOCAMO) ; coordination d’un projet scientifique et éditorial avec l’IRASEC, Bangkok. Environnement et emprises politiques sur le biologique. Projets : Dépôt de projet ANR 2013 sur les indicateurs locaux de changement global dans les collectivités de plusieurs pays (États-Unis, France, Cameroun, Zimbabwe) ; projet ANR envisagé pendant le quinquennal sur la fabrique du bien-être animal. Partenariats : projet Partner University Fund à lancer en 2013 ou 2014 avec l’université UMASS Boston (suite du projet Région-Ile-de-France 2011-2012) sur le thème « Ville et Environnement » ; séminaire de recherche « Durabilité et sociétés » en collaboration avec l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) et l’Institut Ecologie et Environnement (INEE) ; projet de séminaire doctoral avec la Casa de Velázquez à Madrid et l’Université de València (Espagne). Axe 3 : Cognition, communication, savoirs (Responsables : M. Heintz, J. Lambert, V. Vapnarsky) Cet axe regroupe des projets de nature interdisciplinaire basés essentiellement sur le dialogue avec les sciences cognitives. Que ce soit autour du domaine de la morale, des émotions, de l’agentivité ou des frontières entre humains et non humains, l’anthropologie dépasse ici ses limites disciplinaires pour renouveler ses modes d’observation et puiser dans les théories linguistiques et cognitives des appuis explicatifs pour ses données de terrain, afin de reposer la question de l’unité de l’humain. Cette identité anthropo-logique est explorée de plusieurs manières : en interrogeant les frontières de l’humain (désanthropocentrer les recherches) ; en approfondissant des caractéristiques considérées comme le propre de l’homme (la morale, l’émotion, l’empathie, l’intentionnalité); en décryptant les différentes modalités de la communication et de la transmission; en analysant de nouvelles propriétés (circuits faibles, minimalité, changement de rythme). Les problématiques des projets contenus dans cet axe relèvent à la fois de la théorie (agentivité, ontologies) et de la méthodologie (comment concilier recherches de laboratoire et recherches de terrain, observation et expérience), tout en s’appuyant sur une approche interactionniste des phénomènes inter- et infra- individuels, qu’ils soient de nature verbale, musicale, phénoménologique ou sociale. Morale et cognition. Plusieurs thématiques organisent la réflexion : Les modes d’existence des valeurs morales : langagiers, sensoriels, expérientiels ; Les "supports" ou "matérialisations" de la morale ; L’étude des valeurs morales dans une perspective d’économie des valeurs. Le programme se développera, dans la continuation de précédents séminaires et d’un colloque à Cerisy en 2013 (demande d’Ecole thématique), en vue de déposer un projet de recherche interdisciplinaire associant anthropologues sociaux et spécialistes en sciences cognitives pour mener ensemble des enquêtes concrètes autour de la question des valeurs morales. Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de l’ethnographie. Ce programme s’inscrit dans la continuité des Programmes « Agentivité : relations humains – non humains » et « Agentivité : Anthropologie et Linguistique » menés au cours du contrat actuel. Il s’attachera dans cette nouvelle phase à repenser l’équation souvent affirmée entre agent et intention et sera organisé autour de journées d’études annuelles ou bisannuelles. Une grande importance sera accordée au Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 6 Unités de recherche dialogue interdisciplinaire, en particulier avec des chercheurs en psychologie et cognition, pragmatique, socialisation, philosophie du langage et éthologie. Anthropologie et frontières d’humanité. Plusieurs thématiques : Pour une anthropologie de la robotique ; Circuits faibles. Aux frontières de la communication ; Les êtres génériques ; Relations homme-cristaux ; Ontologie des êtres sonores ; Anthropologie et ontologie. Des séries d’ateliers sont prévues. Une collaboration est déjà engagée (sur la question des êtres génériques) avec le Laboratoire d’Etude de l’Architecture Potentielle (LEAP), à Montréal. Un projet ERC sera soumis en 2013, sous l’intitulé « Careers of humanoids », afin de développer une plateforme de collaboration permettant à des roboticiens, des anthropologues et des artistes de travailler ensemble sur des projets communs et de monter des dispositifs expérimentaux (deux ont déjà été conçus par des membres du projet). Ces recherches s’appuieront sur la plate-forme collaborative Artmap (http://www.artmap-research.com/), fondée par E. Grimaud et D. Vidal (institutions partenaires : LESC, URMIS, Musée du Quai Branly, École nationale supérieure de création industrielle – voir aussi bilan axe 6). Interactions et transmissions verbales et musicales. Plusieurs thématiques : Musique, affects et perception (une soumission de projet à l'ANR est prévue) ; Changements de rythmes dans les interactions verbales et musicales (prolonge la collaboration commencée avec le Groupe de Recherche en Ethnopoétique, GREP - voir bilan, axe 2) ; Approche comparative des systèmes musicaux du Maghreb à l'Asie Centrale (ces thèmes, qui seront développés dans les années à venir, sont déjà au cœur de la réunion du Study Group de l'International Council for Traditional Music – ICTM - pour le monde arabe, en 2013, sur le thème : “The Situation of Music in the Arab World in the New Millennium”). Axe 4 – Temporalités, mémoire, historicités (Responsables : Grégory Delaplace, Isabelle Rivoal, Emmanuel de Vienne) L’analyse du rapport de l’homme au temps est un domaine d’investigation fondamental de l’anthropologie. Les modalités d’exploration en sont multiples. On peut envisager la question sous l’angle de l’historicité des sociétés humaines, et de la construction culturelle de l’historicité elle-même (notamment sous la forme contemporaine d’un impératif de transmission, de constitution de patrimoines et d’archives, mais aussi sous la forme inverse d’une injonction plus ou moins coercitive à l’oubli). On peut aussi s’intéresser aux formes de « découpage » du temps (celui du jour et de la nuit, celui du temps rituel, des ruptures et des moments de transition). On peut enfin s’attacher à explorer la manière dont on fait l’expérience de la durée (formes d’attente, d’ennui, d’être plus ou moins dans son temps…). Ces problématiques sont l’objet de projets transversaux variés, approfondissant dans certains cas des recherches déjà initiées, qui seront très largement développés dans le cadre du LABEX « Les passés dans le présent ». Anthropologie de la nuit. Un premier dossier concerne la physiologie des rythmes veille-sommeil en environnement extrême (collaboration avec l’équipe du Centre du Sommeil de l’Hôtel Dieu). Un deuxième dossier traitera des facteurs environnementaux et des stratégies de remédiation pour le sommeil (même collaboration). D’autres projets sont en cours d’élaboration. Tous supposent la mesure des temps de sommeil et de veille grâce aux outils fournis par le Centre du Sommeil, et sont servis par les enquêtes de terrain des anthropologues sur les techniques, les pratiques et les représentations du sommeil (comme de son manque et de sa récupération), ainsi que sur les stratégies de remédiation aux contraintes environnementales. Un troisième dossier conduira aux frontières de la nuit. Un certain nombre de situations d’ethnographie nécessite l’utilisation des concepts de la quasi-topologie, comme la « frontière épaisse », au maniement desquels le mathématicien J.-P. Desclés (directeur du laboratoire Langages, Logiques, Informatique, Cognition - LaLIC, Univ. Paris-Sorbonne) a initié l’équipe, dans une collaboration déjà engagée. Une première illustration de l’application de la notion de « frontière épaisse » avait d’ailleurs été donnée par K. Hamberger pour l’habitat amazonien. C’est dans cette perspective renouvelée que l’atelier Nuit travaillera. Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles. Ce programme s’appuiera notamment sur l’ANR (2013-2016) « La fabrique des ‘patrimoines’ : mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui » (Fabriq’Am), portée par le MASCIPO mais où le LESC a une participation prépondérante (cf. projet de centre EREA). Autres thématiques : Les enjeux de la patrimonialisation sur d’autres continents ; différents projets financés dans le cadre du Labex « Les passés dans le présent. Histoire, patrimoine et mémoire », qui porte sur les enjeux d’une médiation dynamique du passé à partir d’objets complexes (archives, images, sons, objets…) et des conditions de leur intelligibilité auprès du public dans le contexte des technologies numériques. Techniques d'Oubli : il s’agira d’étudier à travers les sociétés humaines les pratiques visant à occulter Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 7 Unités de recherche volontairement une partie de la mémoire collective, de même que son resurgissement éventuel, sous des formes et dans des contextes le plus souvent inattendus : l’oubli, et l’échec de l’oubli. A travers la diversité des situations envisagées, et en s’appuyant sur les avancées récentes en anthropologie de la mémoire, il s’agira de montrer que l’oubli exige autant d’attention, et des techniques cognitives aussi subtiles, que la transmission culturelle. Autrement dit, l’enjeu de ce programme de recherche est de proposer les pratiques antimnémoniques comme un champ légitime de l’analyse anthropologique. L’équipe s’organisera autour d’un séminaire bimensuel, avec la participation d’intervenants extérieurs. Métamorphoses, ruptures et expérience du changement. Ce programme se réalisera à travers deux principaux projets, tous deux préparés par des panels lors de conférences récentes : Le temps biographique ; Synchronicités. Le programme sur les biographies s’appuiera pour partie sur un programme ANR commençant en 1013 « Vieux maîtres et nouvelles générations de spécialistes religieux en Chine aujourd’hui : ethnographie du quotidien et anthropologie du changement social – SHIFU » (voir aussi projet axe 5), et deux projets du Labex « Les passés dans le présent » (un financé, un soumis). Le programme « synchronicités » prendra la forme d’un atelier débouchant sur une soumission de projet ANR sur une « anthropologie de la lose », permettant de saisir les logiques de désassociation sociale (loose) ou de désynchronisation temporelle. L’ensemble du travail mené selon ces deux perspectives converge vers l’étude de la place de la biographie et de l’expérience vécue dans l’analyse anthropologique, au-delà de la prise en compte des situations de changement et des métamorphoses sociales et culturelles. Sur ce point, une réflexion sur les relations entre existence et modalités d’expérience sera poursuivie dans le cadre d’un atelier régulier évaluant les différentes traditions anthropologiques autour de ces notions. Axe 5 : Religion et rituel (Responsables : A. Herrou, S. Pédron Colombani) Phénomènes rituels et dynamiques du religieux continuent à être l’un des grands domaines de recherche des ethnologues, à plus forte raison quand le contexte de mondialisation et de globalisation a sensiblement modifié les paysages religieux aux prises avec de nouvelles économies, cartographies et contraintes. Les pratiques et les enjeux ayant trait au religieux changent aujourd’hui de façon significative, et il s’agit de les appréhender dans leur rapport à la modernité, et, par un jeu de miroir, à travers leur étude, d’avancer dans la compréhension de celle-ci. Il s’agira notamment d’interroger la tension, particulièrement sensible dans ce domaine, entre une certaine quête de permanence et d’immuabilité et une volonté - qui est aussi bien souvent une nécessité - de s’adapter aux préoccupations et situations de son temps. Le laboratoire entend contribuer à cette analyse des faits religieux et rituels contemporains par l’entremise de différents cas ethnographiques abordés sous l’angle de problématiques et réflexions communes. Ainsi, l’axe de recherche « Religion et rituel » s’organisera-t-il selon quatre orientations principales, ayant trait aux Pratiques, images et objets rituels ; aux Spécialistes religieux ; aux Dynamiques contemporaines liés aux processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux ; et aux Liens entre musiques et rituels. Pratiques, images et objets rituels. Cet atelier se propose d’interroger les objets (masques, dagues rituelles, ex-votos, instruments de musique, poteries, armes…) à travers toute une série d’usages qui s’y rapportent et servent à les façonner, allant de leur fabrication, leur matérialité, aux changements d’utilisation qui s’opèrent. Cette réflexion sur les rapports entre l’idéel et le matériel inclura une étude des images religieuses, à partir de codex, de peintures corporelles, d’illustrations au sein d’almanachs à vocation divinatoire, ou de livres contenant des prescriptions rituelles. Les pratiques mises en œuvre constituent un autre volet de ces recherches, qu’il s’agisse de cérémonies actuelles dans leur rapport aux rituels d’autrefois, ou de rituels de possession appréhendés dans leurs évolutions récentes, ou encore de prières. Une des perspectives innovantes consistera à étudier ces pratiques au regard de leurs marges mais aussi en lien avec les mythes qui s’y rapportent. Les spécialistes religieux. Trois angles d’approches seront privilégiés : leurs techniques et pratiques, la transmission entre vieux maîtres et nouvelles générations, et la signification plus large des formes de renoncement dans les sociétés actuelles - appréhendées en lien avec l’idée de passion. Cette réflexion rassemblera à la fois des chercheurs sur la base de leurs recherches individuelles, et dans le cadre d’une nouvelle équipe de recherche internationale (ANR Shifu, 2013-2015). Outre l’organisation de journées d’étude et de colloques, ce programme constituera un fonds documentaire, élaborera un site internet dédié, et vise à la réalisation de plusieurs films. Il appuiera le séminaire « Figures de moines et autres ascètes ou renonçants », initié en 2009, qui poursuivra ses travaux sur la base d’un séminaire mensuel. Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux. Différentes thématiques : Religions transnationales : entre réseaux globaux et ancrages locaux ; Migrations, diasporas et religions ; Religions et circuits médiatiques. Dans ces travaux, la dimension musicale des processus de réinvention des Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 8 Unités de recherche identités religieuses en contexte migratoire sera prise en compte, ainsi que de nouvelles formes de circulation des imaginaires, des croyances et des pratiques : l’insertion des acteurs religieux dans des réseaux d’échanges par le biais d’outils modernes de communication tel internet. Les recherches menées dans cet Atelier thématique seront régulièrement discutées collectivement dans le cadre d’une série de journées d’études. Musiques et rituels. Trois projets : L'organisation du temps (compte tenu des études déjà réalisées, le projet pour la période 2014-2018 consistera surtout à les rapprocher afin de dégager les termes d’une comparaison systématique) ; La qualification du temps rituel : relation avec l'invisible et expérience corporelle ; La musique en tant qu'interaction. Axe 6 – Genre et parenté (Responsables : F. Fogel, O. Kyburz) Cet axe rassemble des questions classiques en anthropologie de la parenté, et d’autres qui le sont moins. Il propose plusieurs perspectives de renouvellement du domaine, en termes d’approche problématique, de méthodologie d’enquête et d’analyse théorique. Ces perspectives procèdent notamment de la prise en compte de la réalité relationnelle du genre et de la dimension transnationale des faits sociaux, et résultent aussi du développement d’outils informatiques de traitement et d’analyse des données. Ainsi, il est encore et toujours question de filiation et d’alliance, de consanguinité et d’affinité, de généalogie et de terminologie de parenté, mais en étudiant par exemple les faits portés et agis par les femmes dans des contextes idéologiquement patrilinéaires, en interrogeant les statuts et les fonctions en rapport avec la régulation sociale, en intégrant de nouvelles affiliations comme celles qui sont liées à la résidence et à l’échange. Les thématiques sont interrogées en corrélation, comme le genre, la parenté et la migration. Enfin, la comparaison atteint une nouvelle dimension dans le projet Kinsources, avec la création d’un outil spécifique à partir d’une question spécifique, celle de l’interaction entre généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des structures de parenté. Ces projets s’appuient sur des réseaux de recherche et des collaborations internationales, et font une part très importante à la diffusion des résultats, en prévoyant des séminaires réguliers, des colloques, des publications et le développement d’un site web attractif. Pratiques et représentations de la parenté. Le champ des « Pratiques et représentations de la parenté » sera concerné au premier chef par la mise en œuvre du projet Kinsources qui démarrera début 2013. Toutefois, ce projet n’a pas vocation à absorber toutes les contributions relatives à ce domaine. Ce projet se situe dans le prolongement des activités du groupe TIP (Traitement informatique de la parenté www.kintip.net) et rassemble des anthropologues, du LESC et du LAS, et des historiens-démographes de l’EHESS-LaDéHis et du centre R. Mousnier (U. Paris IV). Il compte également des partenaires internationaux : le Center for Social Anthropology and Computing (U. of Kent, Canterbury) avec Michael Fischer, la School of Social Science (U. of California, Irvine) avec Douglas White, le Department of Anthropology (U. of California, Los Angeles) avec Dwight Read, et enfin l’Institut Max Planck de Psycholinguistique (Nimègue) en la personne de Peter Withers, développeur du logiciel KinOath. Genres, parentes, migrations. Enfin, F. Fogel et A. Bathaïe (post-doc) coordonnent le projet « Migrations temporaires et temporalités migratoires » soumis pour répondre à l’appel d’offre du projet européen coopératif 2013 (SSH.2013.3.1-1, Adressing European Governance of Temporary Migration and Mobility to Europe). Cette recherche porte sur les migrations temporaires en Europe méditerranéenne de populations d’Afrique et d’Asie, en focalisant sur le point de vue des migrant(e)s, et en valorisant la perspective de genre. Par une approche comparative, pluri-disciplinaire et multi-scalaire, il s’agit d’étudier des perceptions et des pratiques du temps, individuelles et collectives, dans des configurations migratoires diverses marquées par des enchaînements de contraintes et d’opportunités. L’objectif est d’éclairer dans quelles mesures et selon quelles modalités les acteurs(trices) de la mobilité envisagent et réalisent leurs inscriptions dans les sociétés d’installation, à court, moyen ou long terme. L’ensemble des recherches de cet axe sera régulièrement discuté dans le cadre du Séminaire de recherche et de formation, Genre, Parenté, Migration, institué en 2011, à l’initiative de F. Fogel et de A. Bathaïe, et fera l’objet d’un suivi sur le carnet de recherches électronique « Ethnochronique » (sur Hypotheses). Le projet de laboratoire qui vient d’être évoqué trace un certain nombre de perspectives nouvelles pour la recherche anthropologique. Il s’appuie sur une forte expérience acquise au cours des années précédentes – en particulier durant le contrat actuel – qui permet d’envisager avec confiance la mise en œuvre de ce programme de travail. Et ce d’autant que cette expérience est une pratique collaborative, avec de très nombreux partenaires français ou étrangers qui apportent des compétences que les membres de l’unité n’ont pas forcément - ainsi que, souvent, des perspectives et des méthodologies disciplinaires différentes. Par Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 9 Unités de recherche ailleurs, la pratique, bien établie, de chercher à financer des programmes déjà engagés, et donc inscrits dans les choix scientifiques du laboratoire, aboutit assez régulièrement à acquérir la marge de manœuvre budgétaire permettant aux projets collectifs financés d’acquérir une ampleur internationale – en renforçant la dynamique d’ensemble de l’unité. Rappelons brièvement quelques-uns des partenariats acquis pour le projet : - Renouvellement en 2012 de l’accord-cadre MCC-CNRS (bénéficie au centre CREM) ; 40 000€/an - Convention de dépôt et de numérisation des archives ethnomusicologiques MNHN-CNRS-BNF - Programme ANR « Kinsources », Janv 2013-déc 2015, plateforme ouverte de stockage et d’analyse de données de parenté à usage scientifique ; le laboratoire est porteur ; 243 776€ - Programme ANR « SHIFU », Janv 2013-déc 2015, Vieux maîtres en Chine et nouvelles générations de spécialistes religieux en Chine aujourd’hui : ethnographie du quotidien et anthropologie du changement social ; le laboratoire est porteur ; 300 000€ - Consortium « Archives des ethnologues », IR Corpus ; le laboratoire est porteur - Consortium « Corpus Oraux et Multimodaux – IRCOM », IR Corpus ; participation du laboratoire (centre EEA) ; - Programme ANR « DIFFCERAM », Janv 2013-déc 2015, Dynamiques de diffusion des techniques et styles céramiques : données comparatives actualistes et modélisation multi-agents ; participation du laboratoire ; 28 288€ - Programme ANR « DIADEMS », Janv 2013-déc 2015, Description, Indexation, Accès aux Documents Ethnomusicologiques et Sonores ; participation du laboratoire ; 82 680€ - Programme ANR « FABRIQU’AM », fév 2013-jan 2016, La fabrique des « patrimoines » :mémoires, savoirs et politique en Amérique indienne aujourd’hui ; participation du laboratoire (centre EREA) ; 195 000€ - GDRI APOCAMO (2012-2016), coordonné par le laboratoire (centre EREA), partenaires LAS, MAEE, EHESS, Université Nationale de Colombie, Pontificia Universidad Católica de Lima - LABEX « Les Passés dans le présent » : 5 projets du LESC financés à partir de 2013 - GDRI « Anthropologie et histoire des arts », le laboratoire est porteur au niveau de l’UPO ; - Participation au projet « Justice spatiale » du PRES « Paris Lumières » (UPO – Paris 8) Projets de partenariats déjà soumis et en attente de réponse (sans compter la préparation actuelle de plusieurs soumissions à l’ANR) : - Demande de reconnaissance comme Ecole thématique du colloque de Cerisy septembre 2013 « Morale et cognition : l’épreuve du terrain ». - Demande de PICS pour le projet « Alfred Métraux : Relectures transatlantiques » - Projet « Dispositifs et mesures « soumis au PRES « Paris-Lumières » (UPO-Paris 8) - Projet de DU Anthropologie et psychanalyse, UPO - LABEX « Les passés dans le présent », deux nouveaux projets. Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013 Février 2012 UMR 7186 10 Projet de laboratoire 2014-2018 Annexes scientifiques AXE 1 : ÉPISTEMOLOGIE ET EXERCICES DE L’ANTHROPOLOGIE A) Les changements d’échelle dans les pratiques de savoir B) Dispositifs et mesures C) Recherche-action en anthropologie et ethnomusicologie D) Archives, Corpus &Texte p3 p4 p6 p7 p9 AXE 2 : ESPACES SOCIAUX, ESPACES SENSIBLES A) Corps et sensorialité B) Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics C) Pluralité, fabrique du politique et zones frontières D) Environnement et emprises politiques sur le biologique p 12 p 13 p 15 p 17 p 20 AXE 3 : COGNITION, COMMUNICATION, SAVOIRS A) Morale et cognition B) Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de l’ethnographie. C) Anthropologie et frontières d’humanité D) Interactions et transmissions verbales et musicales p 22 p 22 p 26 p 30 AXE 4 – TEMPORALITES, MEMOIRE, HISTORICITES A) Anthropologie de la nuit B) Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles C) Techniques d'Oubli D) Métamorphoses, ruptures et expérience du changement p 34 p 34 p 37 p 42 p 43 AXE 5 : RELIGION ET RITUEL A) Pratiques, images et objets rituels B) Les spécialistes religieux C) Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux D) Musiques et rituels p 46 p 46 p 49 p 52 p 56 AXE 6 – GENRE ET PARENTE A) Pratiques et représentations de la parenté B) Genres, parentés, migrations p 60 p 60 p 63 CENTRE DE RECHERCHE EN ETHNOMUSICOLOGIE – CREM A) Présentation générale B) Recherches C) Ressources documentaires, sonores et audiovisuelles p 66 p 66 p 67 p 71 1 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 CENTRE ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE EN ETHNOLOGIE AMERINDIENNE – EREA A) Ethnohistoire et Patrimonialisation B) La Fabrique du politique : Nouvelles formes de représentativité et positionnements interethniques p 74 p 74 C) Dynamiques religieuses transnationales en Amérique D) Langage et Cognition E) L’Américanisme en question F) Anthropologie visuelle et numérique G) Moyens p 77 p 79 p 80 p 81 p 82 p 83 GROUPE D’ENSEIGNEMENTS ET DE RECHERCHE SUR LA MESOAMERIQUE – GERM A) Projets généraux B) Ateliers de recherche (sélection) p 85 p 85 p 86 2 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 AXE 1 : ÉPISTEMOLOGIE ET EXERCICES DE L’ANTHROPOLOGIE Responsables : B. Buob, E. Grimaud, S. Houdart, V. Manceron Chercheurs du LESC : Brigitte Baptandier (émérite), Michèle Baussant, Margaret Bucknet, Jean-Michel Beaudet, Sophie Blanchy, Florence Borneuf, Margaret Buckner, Jean-Pierre Chaumeil, Aude Da Cruz Lima, Danièle Dehouve (émérite), Patrick Deshayes, Frédéric Dubois, Philippe Erikson, Arnault Esquerre, Jacques Galinier, E. Garine, Emmanuel Grimaud, Monica Heintz, Aurélie Helmlinger, Sophie Houdart, Gisèle Krauskopff, Jean Lambert, Vanessa Manceron, Rosalia Martinez, Virginie Milliot, Antoinette Molinié (émérite), Marie-Dominique Mouton, Anne-Marie Peatrik, Albert Piette, Nicolas Prévôt, Gilles Raveneau, Joséphine Simonnot, Victor Stoichita, Gilles Tarabout, Valentina Vapnarsky, Fabienne Wateau Doctorants du LESC et post-doc associés : T. Beltrame, A. Cohen, P. Tastevin, A. Vallard L'objectif de cet axe de recherche est de réfléchir aux modalités d'exercice de l'enquête ethnographique, dans un monde où le champ des objets dignes d'investigation anthropologique ne cesse de s'élargir pour inclure des objets de plus en plus fins et hétéroclites (atelier thématique : Changements d'Echelle dans les Pratiques de Savoir). L'originalité de ce projet est de lier l'enquête sur les savoirs, les instruments de captation, les outils de mesure et les dispositifs expérimentaux auxquels d'autres savoirs que l'anthropologie ont recours, et la mise en place de nouvelles formes d'enquête spécifiquement anthropologiques, sur des objets particulièrement difficiles à capter et qui demandent la mise au point de protocoles particuliers (atelier thématique : Dispositifs et Mesures). La volonté de favoriser des projets collaboratifs et innovants est au cœur de cet axe de recherche, de même que la nécessité de réinventer les conditions dans lesquelles la pluridisciplinarité peut s’exercer, et la mise en place de nouveaux protocoles de recherche-action (atelier thématique : Recherche Action en Anthropologie et Ethnomusicologie). Enfin, il s'agira de poursuivre la mise en perspective historique des pratiques de la discipline, à travers la réflexion sur les matériaux de terrain, leurs modalités d'exploitation, de partage et de visibilité (atelier thématique : Archive, Corpus et Texte). Si la nature et le spectre de l'enquête ethnographique sont en constante redéfinition, soit en raison des objets que l’enquête se donne, soit des outils auxquels elle recourt ou des contextes dans lesquels elle a lieu, l’objectif de ce projet est de véritablement prendre acte de cette hétérogénéité des formes d’enquête et des dispositifs et de l’accompagner par des relais techniques et réflexifs appropriés, à toutes les étapes du processus de recherche. D’où la mise au point de plateformes visant la mutualisation des outils (vidéo, son, etc.), la conception d’objets collaboratifs qui mêlent le terrain au sens classique et l’élaboration de véritables dispositifs de captation, ainsi que des ateliers visant à ancrer la discussion épistémologique dans une réflexion pratique sur les techniques de l’enquête et de l’expérience anthropologique. Cet axe devrait donc déboucher sur la constitution d’un véritable pôle de réflexion épistémologique, non pas de manière purement théorique, mais en favorisant et encourageant de manière pragmatique l’émergence de nouveaux dispositifs. 3 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 A) Les changements d’échelle dans les pratiques de savoir Responsables : Sophie Houdart & Vanessa Manceron Avec la participation de F. Keck (LAS), C. Jungen (IIAC) et D. Vidal (IRD, affilié LESC). Collaboration institutionnelle : Fondation 93 (F93), Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle de la Seine-Saint-Denis. S’est constitué il y a trois ans un groupe de travail qui a pour objectif de réfléchir aux modes de production des savoirs dans les sociétés contemporaines, et notamment aux relations qu’elles entretiennent avec la question de l’échelle – ce, dans des champs de savoir et des contextes culturels diversifiés. Un séminaire thématique du LESC, l’Atelier Petits Etres, coordonné par S. Houdart, C. Jungen (IIAC), T. Beltrame et A. Cohen (alors doctorantes LESC) est depuis lors en cours, dans lequel il s’agit de mettre en commun et de comparer des situations dans lesquelles les acteurs concernés, scientifiques, experts, ingénieurs, technologues, mettent en œuvre des opérations et des dispositifs pour observer, comprendre, appréhender, manipuler des entités qui sont problématiques en raison de leur taille. Il est devenu plus récemment le séminaire Les changements d’échelle (coord. Houdart, Jungen, Manceron). Qu’elles soient trop petites – invisibles parfois – ou bien au contraire trop grandes, de telles entités permettent d’interroger les manières extrêmement variées par lesquelles elles sont mises à échelle pour entrer en interaction avec les hommes. Comment les fait-on coexister avec l'échelle humaine de perception et de manipulation ? Et comment sont opérés les passages entre le microscopique et le macroscopique, entre des ordres de grandeur incommensurables dont la gestion participe de la relation des humains au monde ? Il est fait l’hypothèse, dans ce groupe de travail, que ces entités, parce que trop petites ou trop grandes pour être immédiatement ou facilement saisissables, ont des propriétés, des qualités ou des régimes d'action propres qui entrent pour une part active dans les processus d’innovation et de création, comme dans les processus de diffusion. Les exemples abondent, au cœur des développements scientifiques et techniques actuels, dans lesquels l’identité réglementaire, technique et politique de telles entités est manifestement incertaine. Les nanoparticules manufacturées, par exemple, ne sont que partiellement prises en compte dans les réglementations existantes des produits chimiques, et les incertitudes sur leurs risques potentiels sont directement liées aux difficultés rencontrées pour assurer une caractérisation physico-chimique univoque. De même pour les nucléides qui, au sortir d’une catastrophe nucléaire, semblent offrir de la résistance aux programmes de mesures et partant, aux efforts pour qualifier la contamination et définir l’échelle de l’événement. C’est précisément cet aspect qu’abordera S. Houdart dans le projet qu’elle entame sur la gestion, au Japon, de ce qu’on appelle aujourd’hui le « post-Fukushima », en partenariat avec la Fondation 93 (F93), Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle de la SeineSaint-Denis. L’entrée par la question de l’échelle lui permettra de saisir ensemble les opérations de gestion du microscopique (les contaminants dans l’espace public) et l’appréhension des effets macroscopiques (les modélisations de leur diffusion à l’échelle de la planète, qui viennent croiser d’autres phénomènes macro, comme les séismes ou les transformations atmosphériques). V. Manceron, quant à elle, approfondira une recherche qu’elle mène depuis longtemps sur les zones humides en France et en Angleterre, en choisissant, comme objet et prisme de compréhension de ces milieux, les différents états de l’eau, vaporeux, liquide, ou composé atomique. Il s’agira de décrire les différents dispositifs scientifiques, techniques et sensibles, mis en place pour évaluer la dangerosité du milieu et qui ont pris l’eau des marais comme objet d’étude. En prenant l'échelle physique comme un paramètre pertinent pour comprendre les pratiques de savoir contemporaines, il s'agit donc de suivre très concrètement, au moyen de 4 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 l'observation ethnographique, une variété de dispositifs et de modes d'action qui opèrent matériellement sur et à partir du monde. En la matière, G. Raveneau, poursuivant son travail sur la microminéralogie, s’intéressera plus particulièrement aux déplacements, tant du point de vue des représentations que des pratiques, auxquels obligent les collectes de microminéraux qui ne peuvent s’accomplir qu’en laboratoire, sous l’œil du microscope. Croisant l’art, la science, la technique et l’ingénierie, il se propose d’étudier les opérations mises en œuvre pour le passage à l’existence de ces nouveaux objets, tant sur le plan scientifique, que technique ou esthétique. La compréhension des systèmes techniques contemporains, au moyen desquels émergent des entités nouvelles, doit également en passer par la description détaillée des modes d’assemblage ou de composition qui permettent de s’en saisir en opérant des sauts épistémologiques parfois subtils, parfois manifestes. Qu’est-ce qui, dans un système technique, est susceptible de modifier la portée d’un savoir ? C’est cette piste que creusera E. Grimaud qui entame, en collaboration avec D. Vidal et P. Tastevin, un projet sur la tension entre « low tech » et « high tech ». Se donnant pour objectif de cartographier des modes de composition en identifiant et en confrontant des manières inédites d’assembler des objets techniques ou des parts d’objets techniques, E. Grimaud et ses collègues chercheront à identifier les opérateurs techniques et sociaux qui font passer du low tech au high tech, mais aussi du petit au grand ou du simple au complexe (un projet en réponse à l’ANR blanc sera déposé sur ces questions en 2013). Sur la base du travail d’enquête qu’elle a mené récemment sur le Grand collisionneur de particules (LHC, Large Hadron Collider) du CERN, à la frontière franco-suisse, S. Houdart s’intéressera, quant à elle, à l’écart entre la « Big Physics », qui sert à désigner tout à la fois un mode d’expansion économique, multidisciplinaire, multinational, mais aussi l’échelle des instruments eux-mêmes et leur emprise géographique, et les « Small Particles » qui, du fait de leur invisibilité et de leur instabilité, requièrent précisément des dispositifs colossaux pour pouvoir être rendues manifestes. Au-delà de l’enquête ethnographique, ce travail, qui s’effectue en collaboration avec F93, doit donner lieu à une exposition. Cet atelier thématique fédèrera le séminaire sur « Les changements d’échelle », animé par S. Houdart, V. Manceron et C. Jungen (IIAC/LAU) et auquel, parmi les membres du laboratoire, participent déjà E. Grimaud, G. Raveneau (ainsi que T. Beltrame, A. Cohen et A. Vallard, jeunes docteurs du LESC) ; mais aussi les interrogations déployées dans le groupe de travail coordonné par V. Manceron et F. Keck (LAS) sur la question animale, ainsi que le séminaire coordonné par V. Manceron et M. Roué (MNHN) sur les utopies et la nature. Il recoupe en outre les préoccupations sur l’ontologie portées par A. Piette et V. Stoichita (voir le projet de l’axe 3), ainsi que l’atelier thématique coordonné par E. Grimaud et B. Buob sur les dispositifs de mesure (au sein de l’axe 1). Outre le séminaire mensuel qui accueillera le travail au long cours sur ces questions complexes, des journées d’étude annuelles seront organisées pour explorer et rendre compte des problèmes d’échelles. Plusieurs cycles ont d’ores et déjà été identifiés : 1/ A échelle humaine ; 2/ Agir dans les micromondes ; 3/ Les matières comme environnements ; 4/ Traitements des incommensurables. Dans une version préliminaire, une version de ce projet a été proposée en réponse aux appels d’offre de l’ANR-Blanc (en 2011 puis 2012). En vue de rendre possible sa réalisation, et dans le but de laisser le projet parvenir à maturité, une demande de subvention a été déposée auprès de la Fondation Fyssen en hiver 2012 (coord. C. Jungen). La rédaction d’un ouvrage collectif est projetée à l’horizon 2017. La réflexion qui accompagnera la mise en œuvre de cet ouvrage sera présentée sur le site du laboratoire, en interaction avec la plateforme de recherche collective Artmap (www.artmap-research.com) fondée par E. Grimaud et D. Vidal. 5 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 B) Dispositifs et mesures Responsables : E.Grimaud & B.Buob Le projet Dispositifs & Mesures consiste à réfléchir, d’une part, sur des objets particulièrement difficiles à capter, à se représenter ou à modéliser (aussi divers que l’air, la musique, la présence, les mouvements oculaires, le danger, les aléas, etc.). Aussi hétérogènes puissent-ils paraître, tous supposent le recours à des outils de captation ou à des instruments de mesure. D’autre part, il s’agit d’expérimenter des instruments spécifiques (audiovisuels, mesure physiologique, etc.), et de mettre en place des protocoles expérimentaux afin de saisir et de restituer ce qui échapperait, au moins en partie, à la perception habituelle et à la représentation. Ainsi, il s’agit d’associer la réflexion sur les procédures de mesure et l’usage concret d’outils de captation, dans la perspective d’une ethnographie expérimentale. Dans le prolongement de plusieurs recherches amorcées au sein du laboratoire sur les techniques (notamment sur les techniques de comptage), les chercheurs concernés s’interrogent sur les usages sociaux des instruments de mesure, de captation et de représentation mis en place par des communautés diverses. L’étude des modalités employées pour appréhender des « objets » particulièrement difficiles à saisir et à représenter relève de domaines aussi divers et spécifiques que la mesure du danger (S. Houdart, V. Manceron, en collaboration avec S. Revet), les dispositifs de comptage et de mesure et leur part d’aléatoire (D. Dehouve, A. Esquerre, F. Wateau), les systèmes de représentation graphiques des phénomènes sonores (V. Stoichita), les techniques de mesure de la radioactivité et leur impact dans la praxis environnementale au Japon (S. Houdart) ou encore les techniques de représentation graphique des ondes, des énergies et des forces (A.Esquerre, E.Grimaud, S.Houdart). Parallèlement à ces investigations sur les usages sociaux des instruments de mesure, des chercheurs s’efforcent d’utiliser des dispositifs de captation, d’objectivation et de restitution dans leur propre démarche, associant leurs expériences à une réflexion plus générale sur la mesure, la captation et les modes de représentation. Cette seconde orientation, complémentaire de la première, doit déboucher sur une réflexion autant pratique que théorique sur les techniques de captation/représentation (qu’elles soient « classiques » ou expérimentales) et leurs usages, en anthropologie mais aussi, au-delà, dans les disciplines voisines (de la psychologie expérimentale à la robotique en passant par les neurosciences). Il s’agira, d’une part, de développer une perspective anthropologique sur les outils de captation audiovisuels et physiologiques (caméras « classiques », embarquées, miniaturisées et haute vitesse, enregistreurs audios, oculomètres, actimètres, etc.) qui permettent de saisir des aspects de l’expérience humaine échappant totalement ou partiellement à l’audiovision directe, tout en s’interrogeant sur les outils de modélisation (logiciels notamment, analyse du son, de l’image, analyses informatiques de corpus, etc.) et sur les formes que peut prendre la simulation expérimentale en anthropologie. Il est prévu, d’autre part, d’encourager de nouvelles formes de rendus, de visualisations, de simulations et de modélisations. Une attention particulière sera notamment portée aux modalités de « traçage » graphique de certains aspects de l’expérience sensible (association des prototypes de l’image et du modèle sur un même support), de restitution multimédia et à l’invention de nouveaux modes d'écriture et d’analyse. La conception de dispositifs expérimentaux inédits, proprement anthropologiques, pourra s’effectuer dans le cadre de partenariats avec des laboratoires d’autres disciplines bénéficiant d’une expertise spécifique et de plateformes techniques déjà constituées (rompues aux dispositifs expérimentaux comme la psychologie expérimentale ou les sciences cognitives). 6 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Une collaboration ponctuelle a déjà été engagée par E. Grimaud avec le Laboratoire des Usages en Technologies d'Information Numérique (Lutin), habitué à mener des expérimentations en psychologie cognitive en utilisant des techniques cognitives Temps Réel de recueil de données (oculométrie, EEG, EFRPs,…) et qui bénéficie d'une plateforme technique importante à la Cité des Sciences pour la conduite d'expériences et la modélisation. Un projet commun LESC-LUTIN a été soumis dans le cadre du PRES nouvellement créé « Paris Lumières » (UPOND – Paris 8). Outre ce partenariat, en développement, les recherches de cet Atelier thématique pourront s’appuyer au début sur deux programmes ANR qui viennent de commencer et auxquels des membres du laboratoire participent, « Diffceram » (participation A.-M. Peatrik) et « Diadems » (participation des centres CREM et EREA). Une soumission de projet est en préparation, « Dispositifs et mesures », dont le laboratoire serait porteur (B. Buob, E. Grimaud). Le programme de travail, par nature très collaboratif, se déploiera également à travers plusieurs séminaires de recherche, dont plusieurs sont déjà initiés : - « Praxis 2.0 » (B. Buob, E. Grimaud, V. Stoichita) - « Initiation au film ethnographique » (B. Buob, E. Grimaud) - « Cinéma des ethnologues », (B. Buob, E.Grimaud) - « La mesure du danger » (S. Houdart et V. Manceron) - « Comptage et Instruments de mesure » (F. Wateau) - « Energies, forces, ondes : Cartographier les oscillations » (A.Esquerre, E.Grimaud) C) Recherche-action en anthropologie et ethnomusicologie Responsables : Monica Heintz & Nicolas Prévôt Que ce soit en anthropologie ou en ethnomusicologie, un mouvement se dessine dans le monde entier pour repenser à nouveaux frais une préoccupation récurrente, celle de l’engagement du scientifique dans la société qu'il étudie, qu’il s’agisse des conditions sociales et politiques de l’élaboration de son savoir, ou des choix d’applications qui peuvent en être faits. Cet atelier de recherche se propose de stimuler des débats épistémologiques, méthodologiques et éthiques liés à la « recherche-action » 1 en anthropologie sociale et en ethnomusicologie, à travers des séminaires, cours et activités de vulgarisation/diffusion de la connaissance. Si l'anthropologie appliquée est envisagée comme la recherche, pour l'intérêt de tous, d'applications concrètes de l'anthropologie « pure et désintéressée », la recherche-action en anthropologie est une forme particulière d'anthropologie appliquée, caractérisée par un engagement civique, voire politique, du chercheur, et par le fait qu'elle mobilise des acteurs rencontrés sur le terrain. Elle se définit également par la volonté et la conscience du chercheur d'agir sur le monde, de transformer par conviction une réalité (tout en analysant ces transformations). En ce sens, la recherche-action en anthropologie peut aussi être qualifiée d'anthropologie impliquée ou engagée. Mais en dehors d'un engagement parfois idéologique, l'anthropologie et l'ethnomusicologie peuvent trouver des domaines d'application très variés. Que ce soit dans la société qu’il étudie ou dans sa propre société, là où il vit et cherche sa place en tant qu'ethnomusicologue par la recherche-action, le chercheur est amené à se poser la question de sa légitimité à vouloir « changer le monde », sans pouvoir trouver de réponse évidente. Prétend-on produire du travail dans l'intérêt des populations que l'on étudie? Faut-il 1 On doit l'expression « recherche-action » (action research) au psychologue Kurt Lewin (1946) avant qu'elle ne fût développée comme méthode par plusieurs courants de la sociologie. 7 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 attendre une situation de crise pour prendre position ou devoir prendre position? De la collaboration ou co-construction du savoir à l'intervention en passant par l'engagement, nous pouvons déjà donner quelques exemples des champs possibles de la recherche action : - Si la science ne se construit pas uniquement à partir d’une prise de distance avec les faits, on peut également envisager d’associer d’une manière ou d’une autre les acteurs à la production de la connaissance, permettant une forme de co-construction des savoirs entre acteurs et chercheurs. Le terme intervention doit être entendu comme l’acceptation du chercheur à s’inscrire dans une relation d’aide et de transformation. Participant à une situation, l’ethnologue en propose une lecture dont les effets (de contenu ou de processus) peuvent participer d’une transformation de cette situation. Cette posture peut s’appliquer à des domaines variés. G. Raveneau propose de réfléchir aux pratiques d’intervention et de recherche-action, et à une anthropologie d’intervention, dans le cadre de ses recherches sur la protection de l'enfance (dans la perspective des travaux et de la réflexion conduite dans le cadre de l’équipe « Grepethno » coordonnée par F. Fogel et G. Raveneau ces dernières années). Mais la problématique de la co-construction des savoirs est aussi au cœur du GIS Institutions patrimoniales et pratiques interculturelles (IPAPIC, Ministère de la Culture et de la Communication), dont le LESC est un membre actif : l’idée force en est de faire interagir chercheurs, institutions patrimoniales et milieu associatif, comme forme nouvelle de production des connaissances. C’est dans cette perspective que peuvent alors se situer un certain nombre de réflexions actuelles sur le retour ou partage des archives aux communautés d'origine, les muséographies locales, les collaborations avec ou la formation d'acteurs sur le terrain : en ethnologie (Bibliothèque Éric-de-Dampierre, centre EREA) comme en ethnomusicologie (centre CREM). C’est aussi le sens de l’intervention de S. Blanchy dans le cadre du projet du Musée de Mayotte, où elle étudiera, avec les acteurs mahorais, la place et la réception des textes anthropologiques et d’autres matériaux publiés ou archivés. Les travaux de réflexion et de collecte menés en amont avec les acteurs mahorais, et l’observation du déroulement du projet, en font un cas de recherche action très lié aux enjeux du Labex « Les Passés dans le présent », porté par la MAE, et à ceux du GIS IPAPIC. - Autre possibilité, s’engager et contribuer à donner une légitimité à des points de vue jusque-là inaudibles. Sur ces terrains, la relation ethnographique est lourde de choix éthiques : qu’il le veuille ou non l’ethnologue est impliqué, il doit rendre des comptes et assumer la responsabilité de la connaissance produite. Pour ne pas se laisser enfermer dans la figure de l’expert ou du porte-parole, le chercheur doit mettre en œuvre ce que Jean Métral définissait comme une démarche d’implication vigilante, et Michel Agier comme un « engagement raisonné ». Afin de maintenir cette nécessaire distance critique, Virginie Milliot propose de participer à cette réflexion commune en prenant l'exemple de ses modes d’engagement sur un terrain concret, le comité de soutien des biffins en Ile de France, Collectif Réservoir à Penser la Goutte d’Or. Il s’agira d’analyser dans un double mouvement l’impact des recherches sur le terrain et l’implication de ces engagements sur la production de la connaissance. Dans certaines situations, d’ailleurs, l'implication avec les populations étudiées peut mener à la défense des droits humains ou des minorités, prises de position sur les questions de propriété intellectuelle ou de patrimonialisation, allant parfois jusqu'à des implications juridiques. - L'ethnomusicologie, plus particulièrement, permet l'organisation d'événements musicaux à partir de recherches et de réflexions anthropologiques et musicologiques. Le projet « Patrimoine musical des habitants » (coord. N. Prévôt), mené à Nanterre par des étudiants du master EMAD sur les pratiques musicales des habitants (en collaboration avec la ville de Nanterre), est un projet de recherche-action dans le sens où il recouvre les trois aspects que 8 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 sont la collaboration (avec les Nanterriens), l'engagement (du chercheur dans sa cité), et l'intervention (l'organisation d'événements culturels avec les habitants pour valoriser leur pratique et créer du lien social). Un développement de ce projet a été accepté pour financement dans le cadre du Labex « Les Passés dans le présent », porté par la MAE. - De la recherche-action relève aussi l’organisation des lieux de débats visant à rapprocher les futurs ethnologues des entreprises et portant sur le retour des analyses anthropologiques vers les organisations étudiées. La réflexion qui sera menée s’inscrira dans la continuité de l’atelier expérimental « L’ethnologue en entreprise » (2011-2012, voir bilan axe 7, et carnets de recherche arede.hypotheses.org), organisé par M. Heintz et des collègues du Centre des Relations avec les Entreprises et de la Formation Permanente de l’Université - Enfin un certain nombre de formations dispensées à des professionnels (souvent du domaine de la santé) par les membres du LESC s’inscrivent dans cet engagement réflexif qui vise à la fois une action dans la société, et un retour sur les concepts et les pratiques de l’ethnologie. Dans cette perspective, le LESC et le département d’Ethnologie, préhistoire et ethnomusicologie montent un partenariat avec l’équipe de psychopathologie clinique de l’université pour créer un DU « Anthropologie et psychanalyse » qui vise avant tout à la formation de personnels de l’institution psychiatrique, dans le cadre d’un dialogue-recherche entre les deux disciplines. L’anthropologie sociale trouve, de fait, des applications dans la vie des entreprises, les projets des organisations internationales ou les actions de la société civile locale. Les savoirs, théories et concepts nés de l'ethnomusicologie peuvent trouver des applications dans des domaines aussi variés que la pédagogie, la muséographie, la programmation culturelle, par ailleurs autant de voies professionnelles pour les ethnomusicologues en dehors de l'académie. Dès lors que ces applications sont accompagnées d'une réflexion sur leurs implications sociales, et que ces domaines sont pensés comme des moyens d'action sur « la société », elles deviennent une forme de recherche-action pour autant qu'elles fassent participer des acteurs rencontrés sur le terrain de recherche et qu'elles tiennent compte de leurs propres aspirations. Le but des cours universitaires et débats dans cet axe devient alors également de développer une réflexion sur ces voies professionnelles : cours « interventions de professionnels » dans le master EMAD, cours de professionnalisation et d’anthropologie appliquée en master Anthropologie, projet de mise en place d'ateliers musicaux expérimentaux à partir de notions ethnomusicologiques. D) Archives, Corpus & Texte Responsables : A. Da Cruz Lima, F. Dubois, V. Milliot, M.-D. Mouton, S. Blanchy Depuis plusieurs années la réflexion sur le travail de sauvegarde, d’archivage et de mise à disposition des matériaux de terrain comme objet anthropologique à part entière s’impose comme l’une des spécificités du LESC, et ceci dans ses trois composantes, les « Archives des ethnologues » de la bibliothèque Eric-de-Dampierre, les archives sonores du CREM, et les corpus oraux américanistes de l’EREA. La mise à disposition de ces archives a donné lieu à des réalisations originales et performantes comme la plateforme Telemeta du CREM, plateforme collaborative pour l’écoute du son. Les fonds conservés se caractérisent par leur nature patrimoniale, leur richesse et leur diversité, l’amplitude chronologique qu’ils recouvrent. On trouve en effet des sources textuelles, sonores, visuelles et audiovisuelles, créées ou collectées depuis les débuts de l’ethnographie de terrain, dans les années 1930, jusqu’à de récentes missions. La variété des corpus trouve sa cohérence dans la nature des fonds, constitués principalement de matériaux de terrain d’ethnologues. Ces matériaux présentent, en effet, la caractéristique principale et 9 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 corpus trouve sa cohérence dans la nature des fonds, constitués principalement de matériaux de terrain d’ethnologues. Ces matériaux présentent, en effet, la caractéristique principale et commune d’être le produit de la relation entre l’ethnologue et les personnes (informateurs) ou groupes avec lequel il travaille, et ceci, quelles que soient les particularités du terrain, le type d’enquête, la situation géopolitique. Les réflexions méthodologiques, menées sur la nature des matériaux de terrain et sur les questions de droits et d’éthiques qu’elle soulève, prennent en compte les possibilités offertes par les nouvelles technologies en matière de diffusion sur le web et de projets collaboratifs avec les pays du sud. L’un des cadres institutionnels où pourront se déployer les projets du LESC est le Labex « Les passés dans le présent », porté par la MAE et dont S. Blanchy est membre du comité de pilotage. Ce Labex porte sur les enjeux d’une médiation dynamique du passé, à partir d’objets complexes (archives, images, sons, objets …) et des conditions de leur intelligibilité auprès du public dans le contexte des technologies numériques. A court terme, deux portails financés par le Labex seront réalisés par le laboratoire en partenariat avec la BNF et le MQB. Ils permettront d’expérimenter de nouveaux modes de mise à disposition des documents d’archives et d’atteindre, voire d’impliquer (tags et annotations), des publics différents ou éloignés, selon une perspective axée sur la collaboration plutôt que sur la restitution : - Naissance de l’ethnologie française. Les premières missions ethnographiques en Afrique – projet qui sera conduit, à partir du fonds Archives des ethnologues de la Bibliothèque Éricde-Dampierre du LESC, par S. Blanchy, M.-D. Mouton et F. Dubois. Il s’agit de réaliser un portail qui présentera les premières missions ethnographiques en Afrique par des corpus sélectionnés et contextualisés, et par l’accès à une série de métadonnées, y compris provenant de fonds conservés dans d’autres institutions. Le but est d’offrir à un public varié, scientifique et non scientifique, une information la plus complète possible sur des évènements et des personnages clés de la naissance de l’ethnologie en France par une présentation concrète des méthodes, préparatifs, travaux de terrain, exploitation, écriture, publications, échanges scientifiques, impacts sociaux et culturels, effets sur la longue durée. Il s’agit aussi d’expérimenter un mode de valorisation d’un type d’archives « sensibles » dans le respect des normes éthiques. - Les sources de l’ethnomusicologie – porté par la BNF, en partenariat avec le MQB et le centre CREM du LESC (A. Da Cruz Lima), qui gèrent des corpus ethnomusicologiques communs et complémentaires, inhérents à l’histoire institutionnelle des collections. Ce projet ouvrira deux actions : (1) le traitement numérique de fonds d’archives prioritaires : grands évènements scientifiques (missions, enquêtes, expositions) et grands producteurs, avec création de liens entre des collections complémentaires conservées dans les différentes institutions ; (2) l’élaboration d’un référentiel ethnomusicologique commun (instruments de musique, voix, danse, etc.) pour créer des passerelles entre les différentes collections. Par ailleurs le laboratoire est fortement impliqué dans deux consortiums IR Corpus, l’un comme porteur (consortium des « Archives des ethnologues »), l’autre comme participant (consortium IRCOM, participation du centre EREA). Cette expérimentation sera accompagnée d’une étude de la réception de ces portails auprès des publics cibles, étude qui s’insèrera dans la problématique récemment initiée au laboratoire des conditions d’un usage non scientifique des archives, de l’appropriation des données par des créateurs et des artistes, et des conséquences d’un usage décontextualisé des données (F. Dubois, M-D Mouton). Dans la ligne des travaux de ré-analyse des données de terrain, menés dans le cadre de l’ANR Diadems (CREM, Joséphine Simmonot), de nouvelles expérimentations pourront être tentées grâce au développement des logiciels de reconnaissance multi-script. De même sera poursuivie la réflexion autour d’une éventuelle 10 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 participation aux mouvements européens de partage des données scientifiques et des répercussions de telles réalisations sur la recherche (DARIAH). A côté de ces expérimentations sur les matériaux conservés au laboratoire, d’autres travaux individuels ou collectifs, fondés eux aussi sur les archives, vont se développer dans trois directions principales : l’histoire de l’anthropologie, la réflexion anthropologique sur des corpus créés ou étudiés, les travaux autour de l’écriture. Les travaux d’épistémologie et d’histoire de la discipline seront poursuivis, de manière individuelle et collective, et porteront aussi bien sur le parcours d’ethnologues (Fabienne Wateau sur les ethnologues portugais ; Antoinette Molinié sur la correspondance Julian PittRivers/Julio Caro Baroja et l’importance de ces deux chercheurs dans la naissance de l’anthropologie espagnole ; Margie Buckner qui associe à des travaux de mise en valeur des archives de la Mission Sociologique du Haut Oubangui des recherches sur Éric de Dampierre) que sur de larges pans de la discipline (Interrogation des sources, et réinterprétation des écrits produits dans le champ américaniste, sous la direction de JeanPierre Chaumeil ; Réflexion sur les grands auteurs qui ont marqué la discipline, Ph. Erikson ; Histoire des anciennes collections phonographiques du Musée de l’Homme et réflexion sur la publication et l’édition multimédia pour la valorisation de la recherche en ethnomusicologie dans le contexte des nouvelles technologies, A. Da Cruz Lima). Un deuxième axe permettra de dégager la spécificité du regard anthropologique sur des corpus constitués à des fins d’analyse. Ainsi dans le cadre de ses recherches sur les communautés juives égyptiennes, Michèle Baussant travaillera sur les processus de patrimonialisation et d’élaboration des représentations du passé à partir d’un corpus de publications scientifiques, fictionnelles ou autobiographiques et de littérature grise ; Gisèle Krauskopff poursuivra l’archivage de sources bibliographiques et photographiques sur des productions plastiques himalayennes devenues des objets de collections et la réflexion sur l’usage de ces sources photographiques dans l’enquête de terrain. Anne-Marie Peatrik, quant à elle, s’interrogera sur les relations entre histoire et archives, vues à partir des pays du Sud et, prenant l’exemple précis du Kenya, sur l’institution de la culture, versus la coutume, comme nouvelle arène de la modernité en Afrique. Sa réflexion sur la question des sources écrites et de l'héritage arabo-musulman dans le monde côtier swahili rejoint le troisième volet de notre atelier thématique. Ce dernier, animé par Brigitte Baptandier, propose l’analyse du texte comme objet anthropologique à travers la déclinaison de toute une série de pratiques textuelles (relation de l’écrit avec la genèse et la divination ; processus de la création artistique et technique ; utilisation de l’écriture dans le cadre du chamanisme en Chine ; manœuvres de l’État détenteur de la norme graphique pour maintenir sous son autorité les groupes « minoritaires » ou les individus (femmes, enfants) ; destin et autobiographie). 11 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 AXE 2 : ESPACES SOCIAUX, ESPACES SENSIBLES Responsables : C. Guillebaud, V. Milliot, F. Wateau Participants membres du LESC : M. Baussant, J.-M. Beaudet, S. Blanchy, Fl. Borneuf, B. Buob, S. Camelin, J.-P. Chaumeil, M. Couroucli, F. Dupuy, Ph. Erikson, A. Esquerre, B. Formoso, E. Garine, A. Helmlinger, J. Lambert, S. Loncke, V. Manceron, R. Martinez, V. Milliot, I. Moya, A.-M. Peatrik, N. Prévôt, G. Raveneau, V. Stoichita, G. Tarabout, F.Wateau, Doctorants du LESC et post-doc associés : E. Amy de la Bretèque, L. Assaf, C. Biermann, N. Benarrosh, J-I Cano-Catellanos, J. Carpentier, M. Champy, J. Cleuziou, A. Figari, N. Gernez, M. Guiguen, E. Guitard, V. Héritier-Salama, L. Fléty, S. Khoury, S. Le Courant, L. Lhoutellier, G. Marmone, D. Ozel, E. Pistrick, J. Pouchelon V. Vandenabeele, M. Vidalain, Ch.Violon, J. Wencelius. Cet axe qui rapproche des anthropologues et des ethnomusicologues est articulé autour de trois grands thèmes : la perception, l’environnement et le politique. Organisé en quatre Ateliers thématiques (Corps et sensorialité ; Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics ; Pluralité, fabrique du politique et zones frontières ; Environnement et emprises politiques sur le biologique), il invite à interroger, de l’espace sensoriel de l’individu aux milieux les plus englobants, naturels et urbains, les rapports qui se nouent entre espaces et sociétés. Les travaux porteront une attention particulière au corps, ses gestes et mouvements, ses mises à l’épreuve en certaines situations extrêmes, festives ou sportives ainsi que leur inscription dans des contextes relationnels structurants. Les environnements considérés sont divers : ils concernent les quartiers, la rue, les espaces publics, mais aussi les forêts à protéger, les parcs naturels, certains espaces intermédiaires ou périphériques. La fabrique du politique, enfin, est l’axe transversal à l’ensemble des approches qui questionneront les emprises sur le biologique et l’environnement ; les modalités sensibles de hiérarchisation sociale, la construction des classes d’âges ; la réaction des populations à l’imposition des normes internationales ; les controverses sur le bien-être des humains et des animaux ou sur le « droit » à la ville. L’originalité de cet axe est de développer des recherches ethnographiques dans des contextes marqués par l’indétermination – du fait de la pluralité, de la mobilité ou des situations de crises. Pour penser les mondes qui se créent dans un nouveau rapport à l’environnement (naturel ou urbain), des méthodes innovantes seront mises en œuvre, à l’articulation entre différentes approches du social et du sensible et à l’interface entre sciences humaines et biologiques. Les ethnomusicologues contribueront à un renouvellement de l’anthropologie du sensible en abordant avec une même problématique des objets de recherche jusqu’ici tenus séparés (musique, ambiance sonore, danse, théâtre, sport). La redéfinition de ces frontières ouvrira de nouvelles perspectives de collaboration au sein du laboratoire, en particulier en ce qui concerne l’analyse des modalités de perception des espaces publics urbains, dans leurs dimensions sensorielles, sociales et politiques. Les recherches sur les circulations (des personnes, des objets, de l’argent, des idées) et les zones frontalières ouvriront des comparaisons entre les espaces naturels et urbains. Enfin des programmes internationaux sur la ville et l’environnement pourront fédérer des équipes et des étudiants au sein du laboratoire et à l’extérieur de ce dernier. 12 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 A) Corps et sensorialité Responsables : Christine Guillebaud, Gilles Raveneau Centré sur le corps, et dans la perspective récente des travaux d’anthropologie sensorielle, cet atelier thématique regroupe des recherches centrées sur les perceptions du milieu ambiant - et les catégories spatiales qu’il contribue à redéfinir - ; sur le geste et le mouvement – avec le développement du champ de l’anthropologie de la danse ; et enfin, sur des pratiques artistiques et sportives qui explorent de nouvelles frontières entre nos catégories sensorielles (vue, ouïe, toucher, goût, odorat) et leur hiérarchie vécue. Anthropologie des milieux sonores Dans la perspective d’une anthropologie du sonore, il s’agira d’intégrer la notion d’espace, de paysage et d’environnement comme opérateurs du sensible. Ce champ trouve ses racines dans un débat contemporain de la naissance de l’ethnomusicologie. En effet, dès le début, les chercheurs ont fait face à des problèmes de terminologie. Les objets qu’ils se proposaient de traiter comme de la « musique » relevaient localement de catégories vernaculaires autres, le concept étant d’ailleurs parfois absent dans certaines sociétés. Fallaitil traiter sur un même niveau d’analyse (celui de la musicalité) les voix jodelées des Pygmées lors de leurs activités de chasses, les appels aux troupeaux des bergers en Europe, les pleurs individuels et collectifs des cérémonies funéraires rencontrés en différentes régions du monde? Ou encore les nombreuses cantillations rituelles défiant les catégories vocales par leur usage combiné du crié, chanté et parlé ? Pour répondre à ce questionnement, certains ethnomusicologues ont explicitement renoncé au projet de construire une anthropologie de la « musique », – concept s’avérant trop ethnocentrique - pour travailler de manière plus générale sur la façon dont chaque société construit son « monde sonore », sa « géographie acoustique », son « écologie acoustique » ou « acoustémologie » (Guillebaud). Par ces expressions, de nouveaux objets d’investigations se sont fait jour, telles les formes sonores de la voix parlée, du rire, des dispositifs sonores, ou encore plus globalement des sons environnants. Ces recherches, dont le centre CREM du laboratoire sera porteur, regroupent : - Un programme collectif, déjà initié en 2011 (avec le soutien de la Fondation Fyssen), intitulé MILSON « Pour une anthropologie des milieux sonores » (coordination Ch. Guillebaud), qui regroupe des chercheurs et des artistes. Dans une perspective anthropologique, il s’agit de réfléchir aux confins généralement attribués au sonore, et d’explorer les productions vocales dans les espaces publics ou d’autres modes d’interactions sonores observables sur les marchés, dans les îlots de quartiers, les lieux de culte, les gares etc. Ces sites sont abordés comme de véritables dispositifs d’interaction sociale qui impliquent des processus de perception sonore et des découpages singuliers de l’espace. En s’appuyant sur les acquis d’autres disciplines (acoustique, architecture et urbanisme, histoire, linguistique, art, informatique), il s'agit d'interroger certaines modalités de construction sensible de la vie sociale sur la base d’enquêtes de terrain effectuées en différents contextes culturels (Inde, Italie, France, Roumanie). Outre les travaux ethnographiques menés, ce programme de recherche développera une réflexion autour des concepts (son, silence, bruit etc.), des outils méthodologiques (logiciel d’annotation e-sonoclaste), et des formes de restitution sensible de ses travaux par le biais du multimédia. Ce projet sera soumis au programme Blanc de l’ANR en 2013. Il participera en outre aux activités de différents réseaux de recherche internationaux dans lesquels il déjà officiellement intégré (EASA, Réseau International Ambiances), et projette un partenariat avec le Labex Art H2H (Paris 8). Voir le site de l’équipe http://milson.fr. - Des travaux personnels centrés sur les usages de la voix en différents espaces sociaux et culturels ; et sur la manière dont les classifications locales en font un media d’identification spatiale, mémorielle ou de production d’effets émotionnels spécifiques. Une attention 13 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 particulière est donnée aux formes vocales cultivant des usages combinés et/ou ambigus de différentes catégories vocales : récitations coraniques (J. Lambert, monde arabo-musulman), lamentations funéraires et paroles mélodisées (E. Amy de la Bretèque, Caucase), jeux de syllabes sans significations (V. Stoichita, Balkans), voix publiques (Ch. Guillebaud, Inde) etc. Anthropologie du mouvement et du geste (arts vivants, danse et sport) Dépassant les approches plus classiques de l’anthropologie du corps (conceptions de la personne, de la maladie et de la santé, conception de la matière et des humeurs…), les recherches envisagées traitent du corps en mouvement, des modalités de la perception et de l’expression sensibles. A travers la confrontation de différents cas ethnographiques, il s’agira de produire une réflexion pouvant contribuer au développement d’une anthropologie du sensible (voir aussi l’axe du 3). Les travaux concerneront : - les problèmes inhérents à la caractérisation de la danse et de façon plus générale d’un système de mouvements, et de la difficulté à les décrire et les restituer. Dans cette perspective, J-M. Beaudet se propose d’appréhender les gestes dansés et non dansés d’un village amazonien en tenant compte des métissages, des « interlocutions de mouvements ». Une approche comparable sera effectuée sur le terrain des danses urbaines andines (L. Fléty). - l’articulation entre mouvements dansés et enjeux sociaux. Comment le corps, les mouvements, fabriquent du social ? Quelle serait la nature de ce « social » produit par les corps ? Comment la danse incorpore-t-elle des catégories socio-culturelles ? Comme crée-telle du politique ? (Cl. Biermann, L. Fléty, Ch. Guillebaud). - le rapport entre la danse et les états de la personne, telle l’empathie émotionnelle et kinésique, et la question de l’efficacité dans le rituel. On peut également inclure ici les interrogations sur la nature de la communication dansée (Cl. Biermann, L. Fléty, S. Khoury, J. Lambert, J. Pouchelon). - l’étude comparée du « beau geste » dans le sport et dans le spectacle vivant (théâtre, danse, performance). L’objectif est d’étudier les dispositifs où le geste se pose comme forme esthétique ou constitutive d’un processus créatif. Seront étudiées la corporéité des actions et de l’expérience sensible des artistes et des sportifs, des incarnations esthétiques de l’imaginaire qu’ils produisent, des gestes qu’ils exécutent dans les dispositifs de contraintes corporelles qu’ils s’imposent (G. Raveneau). Explorations des frontières sensorielles Modalités et expressions sensibles : intersections. Un des défis à soulever sera celui de créer un appareil conceptuel permettant de dépasser le traditionnel découpage disciplinaire (ethnomusicologie, anthropologie de l’art, anthropologie de la danse). Outre son caractère arbitraire et ethnocentré, ce découpage nuit à la compréhension de faits esthétiques dont la spécificité réside précisément dans la multiplicité de registres sensibles qu’ils mettent en jeu. Sont abordées ici différents types d’intersection entre des expressions sensibles - telles la musique, l’image ou encore la danse - qui peuvent se produire dans un même espace/temps ou de façon différée. Les intersections peuvent être envisagées dans leur dimension cognitive, sensorielle, notamment à travers les notions de multisensorialité et de synesthésie, et/ou sémantique. Dans ce cadre sont analysées des arts de la performance in situ : rituels, fêtes villageoises, défilés urbains, récitations épiques etc., et ce, dans différents espaces culturels : Inde (Guillebaud), Amériques (Beaudet, Biermann, Fléty, Martinez), monde arabo-musulman (Lambert, Pouchelon), Afrique de l’Est (Marmone, Peatrik). Analysant la danse et la musique en tant qu’activités multisensorielles, les procédés de croisement mettront en lumière des manières inédites de présentifier le divin, de définir des rapports de genre, des catégories d’âge, ou encore de mobiliser des réseaux de sociabilité. Ces 14 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 catégories sensorielles seront aussi abordées dans le cadre de pratiques artisanes, telles la lutherie et l’étalonnage cinématographique (Buob). Les sens mis à l’épreuve. Il s’agit d’interroger la prise de risque et la mise en danger comme expérience sensorielle totale, activateur de sensations et recherche d’intensité dans trois directions : celle d’une activité de cueillette engagée (recherche de cristaux), de sports extrêmes, de conduites d’excès chez les adolescents (Raveneau). En explorant la catégorie « Jeune » dans cette perspective, lors des nombreuses sorties et soirées qui sont l’occasion de jeux, de conduites d’excès et de recherche d’intensité, il s’agit d’interroger directement le jeu des sensations et d’entrer dans les affects pour comprendre les épreuves que traversent les adolescents et la manière dont ils se construisent. Dans la même direction, la recherche passionnée de sensations, de contact physique intense avec le monde qui caractérise les conduites à risque se retrouve également dans l’univers du sport contemporain, en particulier dans les activités de pleine nature et les sports qualifiés d’extrêmes. Il s’agira ici d’explorer les modalités sensibles et cinesthésiques de l’expérience sportive de la plongée sous-marine et de l’alpinisme (Raveneau), du parachutisme et de la chute libre (Buob). Par ailleurs, l’appréhension du dégoût et des matières corporelles sera poursuivie dans un programme de recherche mené en partenariat avec la MSH Paris Nord et le RT 17 de l’Association Française de Sociologie (coord. D. Memmi, G. Raveneau et E. Taïeb), notamment par l’organisation d’une série de sessions lors du prochain congrès de l’AFS. Outre la poursuite des recherches « Domaine visuel, Domaine sonore : intersections » au sein du GDRI Histoire et anthropologie des Arts, porté par le musée du quai Branly et dont l’Université Paris Ouest est partenaire (Martinez et Guillebaud), plusieurs nouveaux partenariats et financements seront préparés: - Projet de collaboration avec le Réseau International Ambiances (Guillebaud) et participation au projet « Philosophie, musique et écologie du son » du Labex Art H2H. Université Paris 8 (Guillebaud, Martinez) - Projet de collaboration avec l’axe « Corps et sciences sociales » de la MSH Paris Nord et du RT 17 de l’AFS (Raveneau). - Dépôt de projet ANR 2013 : programme MILSON « Pour une anthropologie des MILieux SONores » (pilotée par Guillebaud). B) Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics Responsables : Sylvaine Camelin, Virginie Milliot Depuis 2010, des journées d’étude sur l’espace public et des ateliers d’anthropologie urbaine (lectures et discussions de travaux en cours) rassemblent chercheurs et doctorants du laboratoire et d’ailleurs. Le succès et la qualité de ces séminaires ont incité à mettre en place une équipe autour des questions d’anthropologie urbaine. En partant d’une démarche résolument comparative, l’objectif est d’ouvrir un espace de réflexion sur l’anthropologie urbaine et la pratique de l’ethnologie en ville. Ce que la ville fait à l’anthropologie En France, l’ethnologie urbaine soulève les mêmes débats depuis les années 1980 : la méthode ethnographique est-elle adaptée au contexte urbain ? L’ethnologue peut-il avoir une vision de la ville autre que parcellaire et fragmentaire ? Doit-on parler d’ethnologie de la ville, dans la ville ou du citadin ? Le chercheur est-il confronté à un système social spécifique ou à des contextes culturels chaque fois particuliers ? Il nous paraît évident que ces débats portent en fait sur la nature du savoir anthropologique et nous proposons d’ouvrir un espace de discussion sur ce que la ville fait à l’anthropologie. Il s’agira de confronter différentes perspectives anthropologiques sur la ville. Nous inviterons des chercheurs (M. 15 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Agier, B. Buob, S. Camelin, D. Céfaï, F. Mermier, V. Milliot, I. Moya, M. Péraldi, A. Raulin, etc.) à présenter leurs terrains, les méthodes qu’ils ont mis en œuvre et leur analyse de la spécificité du fait urbain. Ces séances prendront la forme d’un séminaire régulier doublé d’un atelier de lecture autour de textes majeurs de l’anthropologie urbaine. Une approche comparative A l’échelle mondiale les villes affichent peu d’universaux et de régularité (Hannerz) dans leur organisation spatiale, sociale et politique. L’urbanité, la citadinité, l’espace public sont des notions extrêmement variables en fonction des contextes historiques et culturels. Face à cette diversité, l’analyse comparative est un outil indispensable pour saisir la spécificité de chaque terrain ethnographique et préciser nos concepts. Mais il nous faut également penser au-delà de ces différences, pour saisir les dynamiques anthropologiques que nous étudions localement. Les villes sont toujours des contextes caractérisés par la densité, la fluidité et l’hétérogénéité (Wirth) des espaces de coprésence d’une pluralité de mondes (Park), des systèmes sociaux organisés par une diversité de domaines de rôles (Hannerz), des centralités connectées en réseaux à d’autres espaces… La comparaison est donc un outil également indispensable pour saisir les récurrences urbaines. L’objectif est de réfléchir simultanément aux spécificités de l’organisation sociale urbaine dans des contextes culturels particuliers (Dakar, Fès, Dubaï, Paris, etc.) et à l’universalité de ce mode de vie, aux continuités et aux changements observables dans les espaces urbains. I. Moya propose ainsi de considérer la situation urbaine comme un révélateur sociologique qui accentue ou met en évidence des traits moins visibles, latents ou implicites en milieu rural, mais pourtant fondamentaux. A partir de l’étude d’objets classiques en anthropologie sociale, il propose de s’intéresser non pas à tant à la singularité de la société urbaine qu’aux redéfinitions que la situation urbaine nous impose de faire à l’idée même de la société dans le contexte du Sahel Occidental musulman, en général, et du milieu wolof, en particulier. V. Milliot et S. Camelin proposent de poursuivre une réflexion et une analyse comparative de la notion d’espace public qui a pour objectif de saisir les spécificités des sociétés urbaines et leurs récurrences. Circulations, espaces urbains Les recherches comparatives porteront sur la question des circulations –des personnes, des objets, de l’argent, des idées- et des espaces urbains, comme lieux d’ancrage, de passage, nœuds de réseaux, espaces négociés, disputés. Une attention particulière sera portée aux marchés urbains. Par une ethnographie du bazar de la ville de Fès au Maroc et en particulier de son économie touristique, une analyse des « êtres transfrontaliers » qui, par leur circulation entre différents ensembles, actualisent et mettent au jour différents types de rapports (économiques, sociaux, familiaux, culturels) sera poursuivie (Buob). L’ethnographie des marchés informels à Paris permettra d’approfondir une réflexion en cours sur le cosmopolitisme populaire. Ces marchés rassemblent des acteurs de différentes origines (maghrébins, rroms, chinois, pakistanais, français, etc.) qui sont en concurrence les uns avec les autres mais sont également reliés, du fait même de la dynamique marchande, par des logiques d’échanges (Milliot). Les shopping malls aux Émirats Arabes Unis fera aussi l’objet d’une analyse approfondie (Camelin). Les négociations tour à tour commerciales et morales auxquelles donnent lieu ces différentes transactions marchandes feront ainsi l’objet d’une analyse comparative. La question des migrations sera abordée dans une double perspective. Elle sera questionnée dans le cadre d’une réflexion sur la question du pluralisme et de l’espace public, de la rue comme espace de frottement d’altérité et d’émergence de valeurs partagées (Milliot), et par une ethnographie des trajectoires migratoires : les migrations arabes dans le Golfe Persique et plus particulièrement dans les Émirats Arabes Unis, les différentes 16 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 manières de vivre en migration, les stratégies d’ancrage mises en place par des femmes d’origine palestinienne, yéménite et irakienne feront l‘objet d’une analyse approfondie (Camelin). Les relations qui constituent et organisent les communautés transnationales seront questionnées à partir de différents terrains. I. Moya a montré, dans le cas sénégalais, qu’elles présentent une continuité remarquable avec les modes de sociabilité propres à Dakar, caractérisés par l’omniprésence de l’argent et le rôle fondamental des femmes, opératrices des relations dans le temps et dans l’espace. Par l’étude systématique des réseaux financiers et de parenté liés à la migration sur son terrain principal à Dakar et, dans un second temps, auprès de migrants issus de ce terrain, il cherchera à comprendre les relations liées à la migration comme une composante de la socialité dakaroise. Plus largement, il s’interrogera sur la pertinence de la notion de localité pour comprendre la socialité urbaine dakaroise. Projets - Atelier mensuel : « Ce que la ville fait à l’anthropologie » - Journées d’études sur les shoping malls prévue en janvier 2014 (Camelin et Assaf) - Colloque « Propreté et saleté des espaces urbains : une analyse comparée de l’urbanité » (Milliot et Guitard) en 2014. Publication en 2015 - École Thématique sur l’espace public prévue en 2015. Partenariats - Collaboration au projet de recherche et de formation interdisciplinaire « Justice spatiale » rassemblant des chercheurs de Paris Ouest Nanterre La Défense et de Paris 8 Vincennes Saint-Denis (sont associés le LESC, Sophiapol –EA3932- l’IREPH –EA373-le LAVUE – UMR 7218-, l’ISP -UMR7220- le CTAD –UMR7074- et CEH –UPR 299- et le CRASPPA – UMR 7217) dans le cadre du PRES Paris Lumières. - Projet de collaboration avec le Réseau International Ambiances (Milliot) C) Pluralité, fabrique du politique et zones frontières Responsable : Michèle Baussant Cet Atelier thématique se propose d’interroger les articulations entre la gestion politique du culturel et les espaces où elle se fabrique et qu’elle contribue en retour à construire. Ces espaces peuvent être compris en termes de territoires, de circulations, d’espaces vécus où se déploient des processus et des dispositifs de délimitation, de contrôle, d’exclusion et d’inclusion, des « logiques de marquage » informés par des États, d’un côté, et, de l’autre, par les pratiques des acteurs. A travers ces différentes articulations envisagées à des échelles distinctes, à la fois locales, régionales, nationales et transnationales, il s’agit ici d’élaborer une anthropologie de la fabrique du politique dans des contextes pluriculturels et plurilingues. Ce programme de recherche fédère différents travaux qui tentent de comprendre comment la complexité de ces interactions, - en s’intéressant au plus près aux ancrages et aux mobilités, aux processus d’échanges et de communications ou au contraire d’exclusions et de fermeture -, sont en lien avec les transformations socio-historiques. Quelles configurations politiques se concrétisent-elles dans de nouveaux espaces « translocaux », où s’élaborent des formes de savoir, de pouvoir, d’appartenance, des représentations, des logiques d’intégration ou des stratégies de détournement des contraintes ? Dans quelle mesure, et comment, cellesci se surimposent-elles à ou cohabitent-elles avec d’autres formes normatives liées aux aspects institutionnels, juridiques et politiques, et participent-elles en quelque sorte à faire émerger des « pays » autres à l’intérieur des États ? Comment des pratiques, des valeurs, des symboles, qui circulent par-delà les frontières et sont désignés par les États et/ou par les acteurs sociaux comme représentatifs d’une culture propre, peuvent-ils être réinvestis et 17 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 appropriés pour produire des formes de proximité - en dépit de la différence culturelle, ou de différenciation -, et une image de soi pour soi et pour autrui ? Dans le cadre de ce questionnement, les zones frontalières constituent un champ privilégié pour mettre en évidence la gestion politique du culturel et les nouvelles formes de représentativité qui en découlent. Elles seront appréhendées sur des terrains variés, à l’échelle internationale (Borneuf, Chaumeil, Dupuy, Baussant, Formoso, Peatrik) : - À partir des chants de compagnie de type ganga pratiqués sur un territoire situé de part et d’autre de la frontière séparant au sud Croatie et Bosnie-Herzégovine, une première réflexion sur les modalités d’exploitation d’une pratique culturelle dans le domaine du politique sera menée. Ce chant est revendiqué par les Croates depuis la guerre civile de 1990-1995 en ex-Yougoslavie, qui s’en affirment les seuls détenteurs. Or on sait par ailleurs que Serbes et Musulmans le pratiquent aussi. Il s’agira dès lors de comprendre comment ce répertoire est musicalement redéfini de façon à exclure de son corpus les variantes non croates. Il sera aussi procédé - alors qu’une large famille de chants à laquelle appartient la ganga vient d’être inscrite à la demande de la Croatie sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco - à l’analyse des situations polémiques créées par la sollicitation de chanteurs croates originaires non pas de Croatie mais de Bosnie-Herzégovine pour représenter la ganga. Ce chant, autrefois entonné dans des contextes de convivialité, s’avère aujourd’hui en mesure de fabriquer du politique (Borneuf). - À partir de l’étude ethno-historique et socio-anthropologique d’une autre région frontalière (le Triangle amazonien entre le Pérou, la Colombie et le Brésil), il s’agira de s’intéresser de près à la façon dont sont négociés ou redéfinis les espaces, les formes de savoir, de pouvoir, d’appartenance et les pratiques d’actions mises en œuvre par les sociétés peuplant ces frontières. Cela consistera aussi à explorer les effets et les enjeux des transformations sociales, politiques et religieuses des sociétés amazoniennes contemporaines, appréhendés notamment par le prisme de l’extension des nouvelles églises évangéliques et des cultes messianiques amérindiens, et des nouvelles formes et pratiques des leaders et des représentants amérindiens actuels (Chaumeil). Mais la gestion des particularismes culturels par des États, d’une part, et la manière dont les individus et les groupes auxquels ils s’identifient expriment, construisent et tentent d’« homogénéiser » une appartenance et une culture particulière et partagée, d’autre part, peuvent aussi s’appréhender au cœur même des espaces nationaux. L’idée d’une unité entre « un peuple », « une langue », une « culture », est constamment mise en tension avec les forces plurielles existantes au sein d’une même société. Cette attention sur la fabrique du politique à l’articulation entre le local et le national, réunira un second ensemble de recherches. Les relations interethniques entre trois ensembles situés dans l’intérieur guyanais - les Wayana (Amérindiens de la famille caribe, région du haut Maroni, Guyane), les Boni ou Aluku (Noirs Marrons, région du moyen Maroni, Guyane/Surinam) et les Ndjuka (autres Noirs Marrons, région du Tapanahoni, Surinam) seront aussi à l’étude. Il s’agira d’explorer les relations de complémentarité entre Amérindiens et Noirs Marrons, et les relations d’hostilité entre Noirs Marrons des deux communautés, soit deux lignes de force permettant de comprendre comment sont produites des logiques de proximité ou de différenciation au sein de la société guyanaise (Dupuy). - Concernant les Chinois de la diaspora établis dans les sociétés thaïlandaise et malaisienne, la recherche portera sur les stratégies d’intégration sociopolitique à la société d’accueil et de différentiation culturelle que mettent en œuvre les élites entrepreneuriales chinoises en utilisant pour ce faire les activités philanthropiques à caractère religieux. Ces activités sont aussi bien tournées vers la société d’accueil que vers la Chine et sont le motif de nouvelles formes de filiation non plus familiales, mais cultuelles au lieu d’origine. L’analyse porte également sur les formes de capital symbolique qu’accumulent les 18 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 entrepreneurs par leurs dons multi-orientés aussi bien en Thaïlande ou Malaisie qu’en direction de leur lieu d’origine et sur les implications que ce double investissement, dont il convient de préciser le degré d’intensité, joue sur leur positionnement identitaire (Formoso). - Dans le prolongement d’une recherche déjà amorcée qui associe une équipe pluridisciplinaire et internationale et porte sur la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie, il s’agira aussi de s’intéresser à la manière dont s’articulent ou se confrontent dans plusieurs pays de la région deux types de sociétés civiles. L’une de ces sociétés civiles est pilotée par l’État au travers d’une nébuleuse d’organisations qu’il contrôle étroitement (ce que Michael Frolic appelle des state-led societies à partir de l’exemple chinois). L’autre, à l’inverse, émane de la base sociale des nations de la région. Ce second type de société civile se développe au travers d’initiatives citoyennes et est inspiré soit par les valeurs éthico-religieuses et traditions locales, soit par les valeurs libérales et les modes d’action civique émanant de l’Occident, avec dans certains cas un savant dosage des deux. La compréhension des rapports de coopération ou de compétition qui se nouent entre ces deux types de sociétés civiles est, en toute hypothèse, cruciale pour saisir les défis sociopolitiques auxquels sont aujourd’hui confrontés les États-nations de la région et les manières variables dont ils y répondent (Formoso, en collaboration avec l’IRASEC). - De même, pendant la crise récente, la place de la Grèce dans l’Union européenne a été remise en question, tant localement que par les partenaires de l’Union. L’étude d’un corpus constitué d’analyses, discours et récits autour de la crise écrits dans ce contexte, et qui reprennent des représentations du passé national, et notamment de la période de la deuxième guerre mondiale et de la guerre froide, éclairera les renégociations de la mémoire des années 1940-1989 (Couroucli). - Selon un approche légèrement différente, non plus entre groupes et ethnies mais au sein d’une même communauté, il s’agira de s’intéresser à la manière dont se construit en exil une culture spécifique plus large, qui est désormais pensée aussi comme nationale. Elle porte sur le cas des juifs d’Egypte qui, partis d’Egypte entre 1948 et 1967, se sont attachés à élaborer une identité et une culture communes, une fois que celles-ci, hors du contexte égyptien, n’allait plus de soi d’un point de vue social. Il s’agit de comprendre pourquoi, comment et quand s’est construite, notamment en France, une histoire commune rendant compte de l'hétérogénéité et des contradictions qui traversaient les communautés juives locales, de la diversité des parcours et des identifications, de la complexité et de l'ambigüité des liens entretenus avec le monde arabe, l'Egypte puis Israël ; de qui cette construction est le fait et quels sont les contenus donnés à cette histoire, en s’intéressant ici en particulier aux statuts et formes de mobilisation des différentes langues utilisées par les juifs d’Egypte–français, arabe, hébreu, espagnol…- tant dans leurs écrits que dans leurs échanges et interactions sociales (Baussant). - La question du plurilinguisme est aussi reprise sous une autre latitude, notamment en Tanzanie, pays connu pour ses choix linguistiques radicaux au moment de son indépendance. Comment procéder pour créer une nation autour d’une langue –le kiswahili-- qui devrait prendre le pas sur toutes les autres langues en usage ? Un demi-siècle après, le bilan paraît plutôt mitigé : les milieux académiques s’interrogent - discrètement car c’est anti-patriotique -, sur les niveaux de compétence des élèves et des étudiants, et sur les effets culturels d’une « kiswahilisation » volontariste. Il s’agira d’enquêter sur la pragmatique du plurilinguisme chez les waHehe. Connus pour leur attachement à la cohérence nationale, ils n’en cultivent pas moins discrètement leurs particularismes culturels. Ce thème s’inscrit aussi dans une réflexion plus large sur le nouveau statut de la culture, au sens de l'institution de la culture en Afrique de l’est (Peatrik, Gernez). 19 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Projets - Continuation de l’étude qui a donné lieu à une participation au PIR Amazonie FranceBrésil (CNRS-IRD) en 2008-2011 (Chaumeil) - Journées de recherche prévues sur les « Etudes de la pragmatique du plurilinguisme » (Peatrik) Partenariats - Continuation d’un GDRI créé en 2012 : « Anthropologie Politique Contemporaine en Amazonie Occidentale » (APOCAMO), Institut Français d’Etudes Andines de Lima IFEA (piloté par Chaumeil) - Coordination d’un projet scientifique et éditorial avec l’IRASEC, Bangkok (Formoso) D) Environnement et emprises politiques sur le biologique Responsables : Éric Garine, Fabienne Wateau Il s’agit d’étudier, à partir de données empiriques précises et diversifiées, les modes de perception et d’adaptation locale aux programmes internationaux et aux politiques publiques relatives à l’environnement et au biologique. Qu’il s’agisse d’explorer la fabrique politique du bien-être des êtres humains ou des animaux, - cette dernière étant entrée en politique il y a une vingtaine d’années (Raveneau, Manceron)-, ou de regarder comment les programmes dits de développement durable, préconisés depuis 25 ans, sont récupérés et mis en place sur le terrain (Wateau), l’approche anthropologique proposée ici ouvre sur la diversité sociale et biologique des situations. Elle concernent des populations confrontées à la protection de leurs forêts à Madagascar (Blanchy), des collectivités paysannes cherchant à préserver les ressources génétiques des plantes cultivées nécessaires à leur subsistance au Cameroun (Garine), des collectifs engagés dans une réflexion appliquée sur l’habitat alternatif, l’écologie et la participation citoyenne en France (Raveneau), des individus regroupés dans des mouvements de naturalistes amateurs en Angleterre (Manceron), ou de jeunes ingénieurs se lançant dans l’agroécologie en Espagne (Wateau). Cette approche, menée aujourd’hui par une poignée de chercheurs au sein du laboratoire, est suivie par un nombre assez important d’étudiants, doctorants et post-doctorants, qui seront invités à se regrouper au sein d’un séminaire de recherche (à organiser avec l’IDDRI et l’INEE) pour y présenter leurs travaux, qui portent : sur la patrimonialisation des espaces, dont la formation de parcs nationaux à Madagascar et en Chine (Lhoutellier, Vandenabeele) ou la protection des forêts au Mexique (Cano-Catellanos) ; la gestion des déchets en Afrique (Guitard) et de l’eau au Maroc et en Italie (Héritier-Salama) ; l’architecture durable en Inde ou en France (Ozel, Vidalain) ; le tourisme communautaire en Amazonie (Carpentier) ; l’agriculture biologique et les AMAP en France (Guiguen), la symbolique des plantes cultivées (Wencelius) et les réseaux de circulation des ressources génétiques au Nord du Cameroun (Violon). Un premier programme de recherche comparatif sera soumis à l’ANR en janvier 2013. Un programme collectif sur la ville et l’environnement (en collaboration avec l’atelier thématique sur la ville) est aussi envisagé. Enfin, divers projets de colloques et de publications sont prévus. La question du bien-être appliquée aux êtres humains et aux animaux permet à la fois de reconstituer sa genèse et son destin mouvementé, et d’interroger les métamorphoses du biologique et les systèmes de classement mobilisés dans les processus de naturalisation et de biologisation des questions sociales. Concernant l’être humain, l’approche originale sur le « mouvement paléo » (Raveneau) - à mi-chemin entre politiques publiques de santé et thérapies alternatives -, vise à étudier la manière dont la vogue actuelle « bio » conduit à intégrer dans les représentations du corps des humains des éléments des représentations de la nature et des organismes d’autres espèces qui l’habitent. L’engouement pour les éco-lieux, éco-centres ou éco-villages relève de cette même sensibilisation. C’est aussi dans cette veine qu’une écologie comportementale humaine de la paresse est envisagée, considérée comme 20 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 phénomène de contournement de la gestion politique du biologique (Garine). Concernant les non humains, l’observation minutieuse et systématique de la biodiversité par les naturalistes amateurs anglais (Manceron), devenus les relais, pour l’observation des êtres vivants, des institutions formelles de production de savoir dans le domaine des sciences du vivant, invite aussi à s’intéresser de près à l’acte de compter et d’inventorier les vivants, à la croisée de politiques publiques, de mobilisations citoyennes, de préoccupations scientifiques et de relations éprouvées à la nature (voir aussi axe 1). Le bien-être des animaux d’élevage en Europe soulève différemment la question des croisements et des combinaisons d’enjeux entre les différents interlocuteurs, instances ministérielles, recherche et associations de particuliers. Les situations de controverse et de mobilisation citoyenne sont aussi au cœur des collectifs engagés, lesquels expriment des points de vue politiques et parfois dérangeants, comme ceux des associations militantes pour la protection animale (Manceron) ou les prises de distance avec le marché immobilier par des collectifs qui revendiquent leur participation à la conception et à la construction d’habitats plus respectueux de l’environnement (Raveneau, Vidalain). L’absence de contestation est aussi étudiée, quant à l’occasion de la construction d’un barrage au Portugal, et au moyen de réunions de participation publique habilement menées, les déplacés d’un village sont invités à valoriser l’infrastructure au nom du devenir du pays (Wateau). Dans les pays du Sud riches en biodiversité comme Madagascar, une résistance tacite s’exprime de manière détournée au sein des rapports de force politiques qui caractérisent les mises en réserves et en parcs, où s’opposent différentes visions des relations hommes-environnement (Blanchy). Dans l’ensemble, c’est un intérêt pour ce que signifie et représente le « biologique » au sens large du terme (biodiversité, biologie évolutive humaine, agriculture écologique, habitat alternatif, bien-être) - à différentes échelles et à plusieurs niveaux d’interlocuteurs, depuis les politiques globales jusqu’aux individus - qui constitue le lien entre les approches réunies au sein de cet axe. C’est aussi un examen critique de la pertinence de cette notion dans les sociétés étudiées, où le biologique, le social et le spirituel sont liés. Fidèle à une approche anthropologique nourrie de pluridisciplinarité, il s’agit donc moins ici de s’arrêter aux concepts et aux politiques que d’observer et d’analyser en finesse ce que les individus et les groupes en disent et en font. De manière tantôt autonome et tantôt coordonnée, les chercheurs ici rassemblés font donc le pari qu’une réflexion simultanée sur le fonctionnement des vivants, les humains et les autres, enrichira des analyses qui gagneront de toutes manières à l’approche comparative inscrite de manière irrémédiable dans l’ADN de notre laboratoire. Partenariats projetés - Projet PUF (Partner University Fund) 2013 ou 2014 avec l’université UMASS Boston (dans la continuité du projet Région-Ile-de-France 2011-2012) sur le thème « Ville et Environnement » (Wateau, Bacqué & Milliot). - Séminaire de recherche « Durabilité et sociétés » en collaboration avec l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) et l’Institut Ecologie et Environnement (INEE) (Wateau & Euzen). - Dépôt de projet ANR 2013 : programme de recherche comparatif sur les indicateurs locaux de changement global dans les collectivités de plusieurs pays (États-Unis, France, Cameroun, Zimbabwé) (Garine) - Projet ANR envisagé pendant le quinquennal sur la fabrique du bien-être animal (Manceron) - Projet de séminaire doctoral avec la Casa de Velázquez à Madrid et l’Université de València (Espagne) (Wateau & Moncúsi). 21 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 AXE 3 : COGNITION, COMMUNICATION, SAVOIRS Responsables : Monica Heintz, Jean Lambert, Valentina Vapnarsky Participants membres du LESC : S. Blanchy, Fl. Borneuf, V. Dehoux, G. Delaplace, I. Daillant, J. During, E. Garine, E. Grimaud, A. Helmlinger, S. Houdart, S. Loncke, A. Piette, G. Raveneau, I. Rivoal, M. Rovsing Olsen, A. de Sales, V. Stoichita, G. Tarabout, E. de Vienne Doctorants du LESC et post-docs associés : Aliénor Anisensel, Filippo Bonini Baraldi, Hélène Delaporte, Julien Jugand, Arash Mohafez, Eckehard Pistrick, Ariane Zevaco Cet axe regroupe des projets de nature interdisciplinaire basés essentiellement sur le dialogue avec les sciences cognitives. Que ce soit autour du domaine de la morale, des émotions, de l’agentivité ou des frontières entre humains et non humains, l’anthropologie dépasse ici ses limites disciplinaires pour renouveler ses modes d’observation et puiser dans les théories linguistiques et cognitives des appuis explicatifs pour ses données de terrain, afin de reposer la question de l’unité de l’humain. Cette identité anthropo-logique est explorée de plusieurs manières : en interrogeant les frontières de l’humain (désanthropocentrer les recherches) ; en approfondissant des caractéristiques considérées comme le propre de l’homme (la morale, l’émotion, l’empathie, l’intentionnalité); en décryptant les différentes modalités de la communication et de la transmission; en analysant de nouvelles propriétés (circuits faibles, minimalité, changement de rythme). Les problématiques des projets contenus dans cet axe relèvent à la fois de la théorie (agentivité, ontologies) et de la méthodologie (comment concilier recherches de laboratoire et recherches de terrain, observation et expérience), tout en s’appuyant sur une approche interactionniste des phénomènes inter- et infra- individuels, qu’ils soient de nature verbale, musicale, phénoménologique ou sociale. A) Morale et cognition Responsable : Monica Heintz . La dernière décennie a vu fleurir une importante littérature en sciences sociales portant sur les valeurs morales. Confrontée à l’ancien débat entre universalisme et relativisme culturel, elle a besoin de s’appuyer sur les recherches récentes en sciences cognitives et en économie comportementale pour affiner ses méthodes d’observation de la réalité sociale. L’épreuve du terrain pose un défi méthodologique constant aux anthropologues et sociologues se penchant sur cet aspect social, longtemps caché par l’équation durkheimienne « le social = le moral ». De leur côté, les chercheurs en sciences cognitives, que les méthodes de recherches restreignent souvent au laboratoire, s’efforcent de sensibiliser la communauté des sciences sociales à la nécessité de tester leurs hypothèses sur des terrains culturellement différents. Il s’agira de confronter dans le cadre de ce programme les hypothèses et méthodes de travail développées par des chercheurs issus de traditions disciplinaires différentes, dans le souci d’ouvrir la voie pour une collaboration en équipes interdisciplinaires enquêtant sur les valeurs morales comme concepts clés dans la compréhension de la réalité sociale. Bien que ce programme de recherche ait une vocation immédiatement interdisciplinaire, le LESC reste le lieu principal dans lequel se développe son travail de réflexion. Pendant la période 2011-2012, il a pris la forme de journées d'étude organisées sur un rythme biannuel 22 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 pour examiner différents aspects qu'implique la relation entre anthropologie morale et cognition (l’émotion, l’origine de la morale, les défis méthodologiques posés par le terrain ethnographique), ainsi que la forme d’une école thématique (prévue à Cerisy, septembre 2013). Des carnets de recherche comprenant le compte rendu des journées et un forum de discussion ont été mis en ligne à l’adresse https://sites.google.com/site/moraleetcognition/. Pendant le prochain exercice quinquennal, ces rencontres seront complétées par le dépôt d'un ou de plusieurs projets de recherche interdisciplinaires. En effet, la visée principale du programme est d'amener anthropologues sociaux et spécialistes en sciences cognitives à mener ensemble des enquêtes concrètes autour de la question des valeurs morales. La période 2014-2018 sera donc consacrée au développement de ces projets, qui accueilleront dans leur sein des conférences ou journées d'étude. Les thématiques autour desquelles se structurent notre réflexion : Les modes d’existence des valeurs morales : langagiers, sensoriels, expérientiels. Les "supports" ou "matérialisations" de la morale Partant du constat qu’il existe des objets complexes du point de vue sensoriel qui peuvent être des instances de valeurs morales, V. Stoichita propose d’analyser la surcharge éthique existante dans les constructions sonores (la musique). Ayant travaillé précédemment sur les notions de "ruse" et de "malice" chez les musiciens tsiganes de Roumanie, il se propose de voir comment une mélodie, un rythme ou un timbre instrumental, se voient chargés, dans certaines traditions musicales, de valeurs éthiques. Cette recherche entend croiser des exemples provenant de plusieurs "terrains" ethnographiques. Le discours des mélomanes roumains, d'une part, pour lesquels certains airs sont plus « rusés » que d'autres. Les commentaires des amateurs de musique techno, d'autre part (qu'est-ce qu'une « méchante basse » par exemple ?). Un troisième matériau serait le vaste corpus théorico-philosophique produit, depuis l'Antiquité, autour des ethoi et des vertus morales attribuées aux modes mélodiques dans le bassin méditerranéen (modes grecs, maqamat arabes/persans, etc.). G. Raveneau se propose d’étudier le visuel (image, expression corporelle) et les valeurs morales auxquelles il peut renvoyer. Le mauvais œil, très présent en Méditerranée (malocchio ou jettatura en Italie, aïn au Maghreb et dans la diaspora maghrébine), qu’il rencontre sur ses terrains en Corse, Sardaigne, Tunisie et Maroc en particulier, renvoie à l’envie, par une organisation symbolique sous-tendue par des croyances, des pratiques (de protection) et des objets (corail, main de Fatima, khemsa, etc.). La force qui se dégage des yeux peut porter préjudice à autrui à travers la violence qui en jaillit : c’est le mauvais œil. Le regard étant un toucher à distance, les yeux d’autrui atteignent le visage sans défense et, de manière métonymique, touchent la personne dans sa totalité. Il faut alors faire écran avec un objet : le corail, double de la figure de Méduse, mobilise l’efficacité symbolique nécessaire. M. Heintz s’intéressera à l’intégration de l’expérience morale passée dans l’analyse des interactions présentes, au poids du « déjà vu » et du « déjà jugé » qui font entrave à la spontanéité et au renouveau du raisonnement moral. L’expérience passée joue le rôle d’un catalyseur de l’interaction présente, dû à la tentation des raccourcis cognitifs qu’elle propose. La résolution des impasses morales rencontrées sur le terrain en Roumanie et Moldavie constitue un matériel d’analyse riche en défis. Interroger les aspects implicites langagiers, sensoriels ou expérientiels, place ces recherches dans une perspective infra-individualiste, pour laquelle les données des sciences cognitives s’avèrent nécessaires. L’étude des valeurs morales dans une perspective d’économie des valeurs Un autre volet de coopération interdisciplinaire avec les sciences cognitives et l’économie comportementale s’est ouvert depuis quelques décennies autour des concepts de coopération, d’échange, de réciprocité, vus dans une perspective évolutionniste et comparatiste, mais dans 23 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 ce cadre les études sont restées assez discrètes. E. de Garine s'intéresse aux relations de réciprocité dans les processus d'échanges (en particulier des travaux collectifs dans des civilisations agraires). Il conduira l’analyse d’un important corpus de données quantifiées sur la coopération aux travaux agricoles dans le cadre des tâches réalisées lors des travaux collectifs conduits de manière routinière dans les communautés paysannes Duupa (Nord du Cameroun). L’existence de ce corpus (plusieurs milliers d’évènements concernant plusieurs milliers de personnes) permettra de confronter les pratiques de don et de contre-don en travail, aux discours qui les justifient et les instituent. L’analyse visera notamment à relever, et à faire commenter par les acteurs eux-mêmes, les décalages qui existent entre les règles explicites qui instituent la réciprocité et les pratiques individuelles qui visent parfois (souvent ?) à les subvertir au profit de stratégies d’optimisation - dont il cherchera à obtenir un modèle explicite (toujours des acteurs eux-mêmes). G. Raveneau, partant d’une recherche ethnographique parmi les cristalliers des Alpes (France, Italie, Suisse), se propose de traiter des processus d'attribution de la valeur des cristaux et minéraux. Il envisage le prix des cristaux sous l’angle de l’échange agonistique. En ce sens, les conduites et les croyances économiques ne se font pas sur le modèle uniforme et rationnel de l’univers marchand, mais elles s’enracinent dans un substrat affectif. Il y a ainsi unité entre la circulation des biens et des affects. Ce n’est peut-être pas tant l’argent qui compte dans les conflits et les rivalités, le prix à la vente sur le marché économique, mais aussi la valeur sociale et identitaire des cristaux, engagée par les dimensions de reconnaissance, d’estime, de dignité, de virilité, d’honneur, de respect, de pouvoir. Ce point, qui produit et organise la rivalité, a moins pour règle le profit que la reconnaissance. Il se fonde sur la capacité à gagner et à perdre, jusque dans l’épreuve ultime de la mort pour les cristalliers et dans celle de l’appropriation et du prix des cristaux pour les collectionneurs. I. Rivoal propose de développer une étude comparée des notions anthropologiques de « valeur » ou « d’idée-valeur » (Dumont) et de « bien en soi comme clôture possible du bien public » (Boltanski, Dodier) comme cadre d’analyse des morales pratiques. Cette problématique sera appréhendée dans le cadre spécifique de la société libanaise dont la tendance à la fermeture communautaire rend constamment problématique l’horizon d’un « bien en soi » de type bien public (l’Etat, la possibilité d’une société civile, etc.), et dont les différentes communautés religieuses expriment des valeurs morales de manière contrastée. A partir d’une analyse ethnographique d’un système de pouvoir local, la domination de la famille Joumblatt sur la région du Chouf, il s’agira de déterminer l’articulation entre une morale de la compétition politique et l’horizon problématique d’une économie des valeurs libanaises. B) Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de l’ethnographie. Responsables : Valentina Vapnarsky et Emmanuel de Vienne En collaboration avec Aurore Monod Becquelin et Michel de Fornel (EHESS) Ce programme s’inscrit dans la continuité des Programmes Agentivité : relations humains – non humains et Agentivité : Anthropologie et Linguistique (voir Bilan Axe 2 et le bilan du centre EREA). Les travaux développés en leur sein s’étaient attachés à questionner l’association constitutive entre l’agentivité et certaines propriétés telles que l’instigation de l’action et l’intentionnalité. À l’aune de théories en linguistique cognitive notamment, et à partir d’analyses fines des discours dans toute leur épaisseur linguistique et contextuelle, d’autres dimensions sémantiques susceptibles d’être incarnées par un agent telles que la causalité, la volition, l’animéité, le contrôle, la responsabilité, etc., avaient été envisagées. 24 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 L’idée était de concevoir l’agent comme une catégorie aux traits culturellement et contextuellement variables plutôt qu’invariablement nécessaires et suffisants. Ce nouveau programme poursuit cette recherche. Après avoir exploré la pluralité des dimensions sémantiques qui configurent un agent, il entend revenir sur l’équation entre agentivité et intentionnalité, noyau dur de théories en psychologie cognitive, pragmatique et anthropologie. Descola, à la suite de Gell, s’intéresse par exemple à la manière dont certains objets sont investis d’une « agence » (de l’anglais agency), définie comme une capacité d’agir de manière intentionnelle. Les psychologues du développement montrent de leur côté que la « théorie de l’esprit », la capacité qu’ont les humains à interpréter les actions d’autrui en termes d’états mentaux, se construit en grande partie autour de la notion d’intentionnalité, depuis la reconnaissance de mouvements dirigés vers un but (goal directedness) jusqu’à l’imputation de désirs et de volonté aux autres agents sociaux. Les théoriciens du langage, à leur tour, depuis Austin et Grice, jusqu’à Levinson ou Sperber et Wilson, ont accordé une place prépondérante à la notion d’intention communicative pour rendre compte des échanges linguistiques. Sans nier que la lecture des intentions soit une capacité universelle ni qu’elle joue partout un rôle dans la communication, ce programme vise à explorer les variations interculturelles, mais aussi contextuelles, qui montrent que le couplage agent/intention est loin d’être rigide ou stable. On examinera ainsi : - Les théories de la communication et les idéologies linguistiques locales qui contredisent le principe gricéen de la communication comme échange d'intentions communicatives, ou qui remettent en cause l’idée d’une intentionnalité individuelle. Dans le Pacifique en particulier, la « doctrine de l’opacité de l’esprit » (Robbins et Rumsey), qui interdit de spéculer ouvertement sur ce que pense autrui, semble limiter effectivement la lecture des intentions dans la communication, et influe directement sur les pratiques de socialisation linguistique. - Plus largement, dans quelle mesure la prise en compte du caractère central, pour l’ethnopragmatique, des inférences conversationnelles généralisées conduit-elle à repenser la place de l’échange d’intentions communicatives dans la communication ? On interrogera aussi le point de vue selon lequel la capacité à signifier et à reconnaître des états intentionnels est un pré-requis de toute interaction. D’autre part, à partir de l’étude des marques, manifestations et traces (musicales, verbales, rhétoriques, corporelles, émotionnelles, …) qui agissent comme indice et outil des attributions d’intentionnalité, et de qui agit dans le contexte de la performance, on analysera : - La variabilité de l’association intentionnalité-agentivité selon la nature des entités en présence, les contextes/situations et les régimes interactionnels - Les procédés de dés-intentionnalisation qui caractérisent certains modes de communication et d’action, notamment en contexte rituel - Les formes de distribution, de déflexion, voire de dislocation des propriétés d’intentionnalité et d’agentivité sur plusieurs acteurs, la nature et l’orientation des chaînes causales induites. Ce faisant, la réflexion est étendue dans plusieurs directions. Il s’agit de considérer l’agentivité de celui qui fait/agit mais aussi celle de celui qui fait en tant qu’il parle, du locuteur comme agent d’actes de paroles au sens le plus large de la théorie austinienne. Dans un déploiement inverse, la communication telle qu’envisagée, embrasse, au-delà de l’exercice du langage, ce qui se transmet par la musique, d’autres modes d’émission sonore, le mouvement, la gestuelle et la disposition spatiale (en ce sens, le programme s’articulera aussi avec les réflexions proposées dans l’atelier du même axe, Musique, affects et perception (cf. infra). Enfin, la recherche allie désormais l’ethnosyntaxe à l’ethnopragmatique, avec pour double ambition de contribuer à ce champ par de nouvelles données sur des terrains et situations variés, tout en apportant des éléments pour une 25 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 meilleure compréhension de thèmes classiques de l’anthropologie, dont la performativité rituelle, les propriétés cognitives et communicatives ainsi que les modalités d’action attribuées aux entités divines ou spirituelles. La recherche se fondera sur l’analyse des théories locales de la communication dans le quotidien ainsi que sur l’étude ethnographique approfondie, et le cas échéant ethnolinguistique ou ethnomusicologique, de cas variés mettant en jeu des articulations complexes entre intentionnalité et agentivité, notamment : - les présages (prenant la forme d’une communication entre humain et animal dont on s’efforce de vider l’intentionnalité afin de se protéger contre l’infortune) et la cure chamanique (dont l’efficacité est souvent envisagée en termes d’ajout et de privation d’intentionnalité) chez les Trumai d’Amazonie brésilienne (de Vienne) ; - les stratégies de non engagement et de non assertion sur les actions de soi et d’autrui chez les Mayas yucatèques ; les propriétés ambivalentes des esprits super-agents omniscients de très faible intentionnalité et les effets de distribution d’agentivité et d’intentionnalité lors des rituels qui les convoquent (Vapnarsky) ; - l’agentivité des héros mythiques chimane (Amazonie bolivienne), et leurs formules magiques inefficaces dénuées d’intentionnalité puissante (Daillant) ; - l’agentivité imputée aux ancêtres et aux esprits à Madagascar, la nature de l’engagement et de l’intentionnalité individuels dans les interactions avec eux, notamment dans les paires frère ainé- frère cadet ou époux-épouse engagés de manière substitutive et complémentaire dans ces relations (Blanchy) ; - les ambiguïtés du traitement judiciaire de l’agentivité des dieux en Inde, ceux-ci étant pourvus d’une personnalité juridique (disposition héritée de la période britannique) dans un pays à constitution laïque (Tarabout) ; - les différentes modalités d'attribution de l'intentionnalité dans les cultes de possession afroarabe zâr (Yémen, côte nord-ouest de l'Océan Indien), où l’existence des êtres invisibles est principalement concrétisée par la musique, les instruments étant perçus comme leur « voix » et / ou leur réceptacle ; la distinction entre agentivité interne vs. externe (Gell) pour en rendre compte (Lambert) ; - la dimension intentionnelle et agentive des patterns expressifs d’enfants non-parlants dans le cadre de consultations d’analgésie ; la négociation collective de cette dimension en situation d’incertitude épistémique forte. Le programme sera organisé autour de journées d’études annuelles ou bisannuelles, où seront présentés les travaux des chercheurs du LESC, tout en mettant à contribution des invités extérieurs. Une grande importance sera accordée au dialogue interdisciplinaire, en particulier avec des chercheurs en psychologie et cognition, pragmatique, socialisation, philosophie du langage et éthologie. C) Anthropologie et frontières d’humanité Responsables : Emmanuel Grimaud, Albert Piette, Victor A. Stoichiţă En collaboration avec Bernd Brabec de Mori (Univ. de Graz, Autriche), D. Vidal (IRD, affilié LESC) L'une des questions majeures soulevées par les sciences humaines et sociales au cours des vingt dernières années résulte de l'extension de la qualité d'agent – réservée jusque-là aux seuls humains – à un ensemble plus vaste d'entités. Ce mouvement, qui concerne aussi bien l'anthropologie et la sociologie que les sciences cognitives et des domaines d'innovation technologique comme la robotique, résulte d'une conjonction de propositions théoriques et méthodologiques, dont la compatibilité n'est pas toujours assurée mais qui toutes interrogent 26 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 la notion même d'humain. Le souci de mieux définir à la fois les jeux ontologiques qui se trament autour d'entités diverses (humains, animaux, objets, machines, etc.) et des protocoles de « désanthropocentrisation » sont au cœur des projets réunis ici, qui se concentrent sur des zones liminaires où les catégories ontologiques se croisent. En abordant les frontières de l'humain, l'enjeu est aussi bien de comprendre les interactions qui se nouent dans ces espaces que les traits caractéristiques des entités auxquelles l'anthropologie a affaire. Pour une anthropologie de la robotique Les processus de conception de créatures artificielles font l’objet de plus en plus de travaux, à cheval entre la sociologie des sciences et l’anthropologie. E. Grimaud a lui-même contribué à ouvrir ce champ à travers plusieurs terrains et publications, seul ou en collaboration (Zaven Paré, Denis Vidal. L’objectif de ce projet est de continuer à développer ce nouveau champ de l’anthropologie, en créant un cadre comparatif permettant d’évaluer les créatures artificielles dans leurs propriétés ontologiques, qu’il s’agisse de véritables substituts à l’être humain ou bien de créatures inédites, inspirées du règne animal ou végétal (bio-mimétisme). Il s’agira de suivre la panoplie la plus variée de créatures, qu’elles soient inspirées par l’être humain (humanoïdes) ou bien par l’animal (animats), dans les contextes de réception et d’utilisation culturellement les plus variés (Asie, Inde, Europe, etc.). Un projet ERC sera soumis en 2013, sous l’intitulé « Careers of humanoids », afin de développer une plateforme de collaboration permettant à des roboticiens, des anthropologues et des artistes de travailler ensemble sur des projets communs et de monter des dispositifs expérimentaux comme celui conçu par Z. Paré et E. Grimaud autour du Geminoïd (2012) ou celui conçu par D. Vidal et Joffrey Becker autour du robot Berenson (2012). Les robots posent un grand nombre de questions à l’anthropologie, et elles ne sauraient être résolues sans passer, non seulement par l’enquête, mais aussi par l’organisation de véritables débats : jusqu’où doit-on déléguer certaines tâches et comment envisager cette délégation ? Avec quelles créatures voulons-nous interagir dans le futur ? Et de quoi voulons-nous nous entourer ? Dans les cinq ans qui viennent, cette équipe devrait aboutir à un cadre comparatif transculturel qui manque sérieusement dans le champ des études de l’interaction hommerobot. Ces recherches s’appuieront sur la plate-forme collaborative Artmap (http://www.artmapresearch.com/), fondée par E. Grimaud et D. Vidal (institutions partenaires : LESC, URMIS, musée du Quai Branly, École nationale supérieure de création industrielle – voir aussi bilan axe 6). Circuits faibles. Aux frontières de la communication Ce projet a pour but d’aborder la notion de communication à partir de cas empiriques qui constituent des objets frontières ou des « cas limites » du point de vue de la communication interhumaine: communication chez les oiseaux, cris d’animaux, communication avec des « fantômes », communication avec des robots, « trans-communication » (magnétisme et spiritisme), etc. Il s’agit de réévaluer les modèles classiques de l’échange d’information en s’intéressant à trois domaines, au moins, dont on peut déplorer qu’ils n’aient jamais été vraiment confrontés ou comparés : la communication animale (ou les communications entre les hommes et les animaux), la communication avec des présences invisibles (bruitologie du spiritisme de Kardec, sémantique de la présence des fantômes, etc.), et la communication au sens des technologies de l’information et de la communication (TIC, radio, télé-robotique, etc.). Le groupe de travail s’intéressera à ces efforts produits pour établir ce que l’on propose d’appeler ici des circuits faibles, c’est-à-dire des systèmes ou des dispositifs de communication dont les connexions sont incertaines ou qui demandent un gros travail pour en éprouver la fiabilité. Il se demandera aussi dans quelle mesure cette notion permet de reconsidérer la façon dont sont envisagés ordinairement les réseaux entre humains, mais aussi les relations qu’ils établissent avec la matière, avec les divers êtres vivants, avec les 27 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 invisibles. Il favorisera également des approches s’appuyant sur des descriptions ethnographiques de cas ou de situations : 1/ où il existe une incertitude sur la nature de ce qui s’échange, et comment ; 2/ où la notion même de signal (ou l’articulation signal/bruit) n’est pas suffisante pour rendre compte de ce qui s’échange ; 3/ où est impliqué un décentrement sensoriel dans la confrontation avec des créatures dotées d’une autre sensibilité que la nôtre (animaux, plantes, etc.) ; 4/ où sont impliqués des équipements ou des appareils visant à établir une communication avec un être ou une entité dont les modalités de présence ne vont pas de soi (esprits, fantômes, robots, etc.). Un premier atelier est prévu en 2013, ainsi qu’un numéro de la revue Ateliers d’Anthropologie (fin 2013), pour engager cette réflexion qui pourra se poursuivre dans le cadre d’un projet ANR. Les êtres génériques A la suite du travail d’enquête qu’elle a mené sur les pratiques architecturales, et notamment la conception des dessins en perspective qui servent à donner forme à un projet au moyen des outils numériques, S. Houdart propose de travailler sur la notion d’être générique en s’intéressant aux multiples façons d’introduire de l’humain dans une image composée. Tout au long de l’histoire de l’art et de l’architecture, la recherche de mesures parfaites a conduit ponctuellement peintres et architectes à chercher une représentation idéale de l’homme. Du très ancien « Homme de Vitruve », de Léonard de Vinci (1490), au célèbre « Modulor », breveté, de Le Corbusier (1945), jusqu’aux « prototypes humains », Joe et Joséphine, conçus par l'architecte Henry Dreyfuss, de nombreuses tentatives ont été faites pour affranchir les humains de leur diversité et les transformer en outils de proportion harmonieuse. En partant des catalogues d’êtres humains utilisés par les architectes pour peupler leurs figurations, S. Houdart cherchera à étendre l’analyse aux êtres paradigmatiques qui, dans d’autres champs que le champ architectural, sont appelés à remplir une fonction univoque du fait de leur minimalité. En physique et en sciences de la communication, par exemple, les figures d’Alice et de Bob sont utilisées depuis longtemps pour occuper les places respectives de l’émettrice et du récepteur. Et la conception d’êtres génériques, capables de supporter des actions universelles, est au cœur des pratiques en design et ergonomie. L’histoire et les transformations contemporaines de ces figures humaines restent globalement à faire. Pour mener à bien cette étude, S. Houdart a récemment engagé un travail de collaboration avec l’architecte Jean-Pierre Chupin, du Laboratoire d’Etude de l’Architecture Potentielle (LEAP), à Montréal. Relations homme-cristaux Poursuivant sa recherche sur les cristalliers (terrain déjà engagé dans les Alpes depuis plusieurs années, et nouveau terrain prévu en 2013 au Népal), G. Raveneau envisage de s’intéresser au mode d’existence des cristaux et au devenir des minéraux quand ils sont réappropriés par d'autres en particulier (collectionneurs privés, musées, etc.). Il s'agit de saisir les ressorts et les facettes d’une activité complexe qui paraît transformer profondément le rapport identitaire que le collectionneur entretient avec lui-même et ses minéraux, et qui se joue des lignes de partage entre l’être et l’avoir pour les reposer autrement. Il semble que l’identité du collectionneur se prolonge dans ses possessions qui deviennent autant de morceaux de lui-même, dotés de volonté et de pouvoirs sur ses affects. On est frappé par l’assimilation métaphorique entre personne et cristaux à l’œuvre dans le discours des collectionneurs, par la fluidité des frontières entre les personnes et les choses. C’est l’émotion qui semble en jeu et leur permet d’expérimenter un certain rapport au sacré et au mystère. En cela, les collectionneurs ne sont pas très différents des cristalliers qui entretiennent avec les massifs montagneux et les cristaux, « pris dans les entrailles de la 28 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 montagne », une relation faite de passion et d'émotions, de dangers et de risques, de mystères et de secrets qui les conduisent sur la voie d'une forme de transcendance sauvage. Ontologie des êtres sonores Ce projet fait suite à d'autres, qui ont permis de consolider une approche de la musique en tant que « technique d'enchantement ». Ces travaux – portant notamment sur la ruse musicale, la virtuosité, l'immersion acoustique – avaient mis en évidence le flou qui entoure la notion d'« enchantement », tant dans la proposition initiale d'A. Gell que dans ses reprises ultérieures par d'autres anthropologues. La musique ouvre une perspective intéressante sur cette question. Ce qui semble être son matériau principal – le son – s'avère en effet remarquablement polymorphe. Entre la perception écologique d'un environnement, le langage verbal, et les entités que les mélomanes reconnaissent dans différentes musiques, l'acoustique « scientifique » peine souvent à tisser des liens. Ce projet admettra l'hypothèse que les vibrations de l'air ne constituent pas un objet unique, mais sont au contraire appréhendées selon une multitude d'ontologies (au sens de Viveiros de Castro et de Philippe Descola), culturellement et contextuellement variables. Il s'agit dès lors de croiser des données ethnographiques provenant de diverses traditions afin de décrire les translations par lesquelles l'audition gagne ou perd des dimensions pertinentes (par exemple la manière dont la musique crée son propre « espace », qui semble distinct de celui où elle est jouée). On s'interrogera parallèlement sur la manière dont certaines interactions (avec des humains ou non) sont favorisées ou inhibées dans ces différents mondes auditifs (V. Stoichita). Anthropologie et ontologie La question des frontières d’humains est associée à celles des relations entre les humains et d’autres êtres. Depuis quelques années, cette interrogation est traversée, comme on vient de le voir, par la question de « l'ontologie ». Quelles en sont les diverses formes et expressions ? Quelles en sont les gains et les pertes en termes d'intelligibilité (que gagne-t-on à parler d’être plutôt que de chose ou d’objet, pour décrire les situations qui nous intéressent) ? Quels types d'objets, anciens et nouveaux, sont travaillés ? Quelle place ce regard théorique laisse-t-il aux non-humains mais aussi aux humains ? C'est à ce travail de clarification qu’il serait pertinent de contribuer, en réfléchissant sur l'ensemble des enjeux théoriques, thématiques et méthodologiques, à partir d’un cycle de journées d’études. L’ontologie est au centre de diverses généalogies intellectuelles : agentivité, anthropologie de la nature, anthropologie symétrique, concernant surtout les « non-humains ». En quoi consisterait le « virage ontologique », si virage il y a ? Plusieurs points de débat surgissent quand le mot ontologie est sollicité en sciences sociales : il s’agit d’en cerner les contours. Un des premiers enjeux est de désengager la question de l’ontologie de celle de l’essentialisation et du déterminisme, et de prendre le mot « ontologie » au sens étymologique, « dé-historicisé » de la charge complexe et ambiguë qu’il a prise par l’histoire de la philosophie. Se pose également la question des méthodes. Il serait important de dégager la valeur heuristique de l’approche ontologique : A quoi peuvent servir les attributions d’ontologie ? Et l’idée de pluralité des mondes ? Et, pragmatiquement, quelles pourraient être les modalités d’une méthode « ontographique », en comparaison avec elles de l’ethnographie (Piette) ? A quelles échelles se placer ? Des comparaisons méthodologiques et des caractéristiques des « compagnons des humains » pourraient être envisagées. De même, un débat épistémologique pourrait être explicité sur ce que fait l’anthropologue avec les non-humains quant à leur description et analyse, et sur la façon dont il sollicite les disciplines concernées par ceux-ci. 29 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 D) Interactions et transmissions verbales et musicales Responsable : Jean Lambert Avec la collaboration de B. Lortat Jacob, Schéhérazade Hassan, A. Monod Becquelin Musique, affects et perception Après l'expérience du RTP Musique Cognition Sociétés (2004-2008), qui avait mis pour la première fois en présence l'ethnographie musicale et l'approche cognitive, et après la réalisation de plusieurs monographies sur l'émotion en rapport avec la musique, il semble nécessaire d'approfondir cette relation sur des bases plus objectives. On s'intéressera particulièrement aux phénomènes d'incorporation (embodiment) qui voient la musique devenir le vecteur d’une sensation collective, plus ou moins synchronisée dans les mouvements, et dans les sentiments qui y sont associés : sous quelles formes ces compétences sont-elles reconnues, partagées et / ou monopolisées par certains « auditeurs profonds » (Judith Becker) ? Comment sont-elles mises à profit par et dans les codes sociaux les plus intimes (le jeu, le défi, la coopération,...) : grandes cérémonies magico-religieuses, joutes poétiques, improvisations de jazz... Il s'agira de combiner l'analyse de la diversité culturelle des expressions émotionnelles et musicales avec l'identification de fonctions cognitives universelles. L’observation de ces pratiques s’intéressera, d'une part, aux rituels à forte charge émotionnelle, souvent conventionnelle (comme les mariages et les funérailles), préoccupation qui rejoint celles de l'axe 5, et, d'autre part, à des contextes où l’émotion est esthétisée selon des sentiments de nostalgie, d’harmonie, d'exil… A partir de leurs acquis des dernières années, les ethnomusicologues tenteront de pousser plus avant la collaboration avec des chercheurs en sciences cognitives pour mettre au point certains protocoles expérimentaux permettant de mesurer les implications corporelles de l'émotion : électrocardiogramme, images IRM, réponse galvanique cutanée, ou encore des méthodes mixtes comme l' « observation participante simulée » (avec M. Chemillier). Les résultats de ces expériences seront confrontés à leur tour à ceux de l'enquête ethnographique, avec l'ambition de proposer d’autres points de vue et de faire émerger de nouvelles données conduisant à revisiter certains concepts et hypothèses tirés de la seule expérimentation. A partir de travaux précédents sur le Yémen mettant en évidence les modalités émotionnelles d'une "transe esthétique", J. Lambert approfondira cette problématique sur un nouveau terrain, celui des séances de chant mystique zikr dans le soufisme musulman : dans quels termes l'émotion est-elle exprimée, en relation avec la transcendance ou non ? Comment cette expression s'articule-t-elle avec des techniques corporelles, comme la répétition chantée, le balancement rythmique du corps, l'hyperventilation ? En ce qui concerne F. Bonini Baraldi, après sa première approche monographique de la musique des tsiganes en Roumanie, son analyse de l'échange social d'émotions durant un rituel funéraire, et celle du geste musical au moyen d'outils multimédia ad hoc, il cherchera à analyser la variabilité culturelle des processus d’émotion musicale, tout en s'ouvrant à de nouveaux terrains comparatifs. Après son étude doctorale sur l'expression de l'émotion dans les chants de migration albanais, E. Pistrick élargira son analyse à la manipulation politique de l'émotion collective pendant la période communiste, en s'appuyant sur des documents d'archives de première main, et tentera une comparaison entre cette période et la période post-communiste. Partant d'un point de vue plus généraliste, mais attentif à la dimension musicale, E. de Vienne se consacrera au rapport entre chant, mémoire et émotion dans le Haut Xingu. A côté des grands corpus chantés, conçus comme immuables, on trouve des chants plus contextuels, sorte de commentaires ou de ragots musicaux qui suscitent des émotions allant de la colère au rire, en passant par la nostalgie. Ces chants ne sont pas éphémères pour autant, car ils peuvent se transmettre, mais selon des principes différents des chants "sacralisés", et plus à même d'assurer une forme de mémoire historique collective. Une soumission de projet à l'ANR est prévue. 30 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Changements de rythmes dans les interactions verbales et musicales Si le rythme peut être défini, en musique comme dans d'autres domaines, comme une dialectique de la répétition et de la variation, il va de soi que c'est la variation qui, par sa saillance, est la plus signifiante. En partant de ce constat, un ensemble de chercheurs regroupant ethnomusicologues, ethnolinguistes et ethnopoéticiens a souhaité rapprocher et comparer les modalités de fonctionnement du rythme à la fois dans le musical, le verbal et le social, en particulier dans les déclamations rituelles, et ce, en confrontant systématiquement les points de vue de ces trois champs disciplinaires voisins. Suivant trois recherches déjà effectuées dans ce cadre, dans le Haut Atlas marocain (B. Lortat-Jacob), au Yémen (J. Lambert) et en Epire (H. Delaporte) (voir bilan Axe 2), d'autres chercheurs vont s’attacher à développer cette problématique sur de nouveaux terrains et dans de nouvelles directions. Certains ethnologues généralistes ou ethnolinguistes souhaitent, eux aussi, mettre en relation des ruptures du rythme social, et notamment rituel, avec des ruptures du rythme langagier et du rythme musical. Ainsi, dans le cadre de l’analyse prosodique et sonore des discours rituels mayas (traitant de rituels thérapeutiques, agricoles, et de passation de charge, V. Vapnarsky et A. Monod Becquelin étudieront les changements de rythmes qui organisent ces discours et sont des moteurs essentiels de la performativité et du déroulement temporel et actionnel. Elles s’attacheront à une étude fine de l’articulation entre débit et rythme d’élocution, rythmes corporels, état émotionnel, et phases ou pics de transformation du contexte durant l’action rituelle - en relation également aux procédés compositionnels (parallélismes, cyclicité, itération, leitmotiv, scansion, ruptures, …) déployés dans ces discours. Enfin, inspirées par les études récentes sur la conversation et l’acquisition du langage, concernant l’adaptation et le phasage rythmique lors de l’interlocution, elles s’intéresseront à l’incidence des changements rythmiques sur les cadres participatifs lors de la performance. Pour sa part, E. de Vienne souhaite examiner la pertinence des approches ethnomusicologiques pour rendre compte des incantations thérapeutiques Trumai, qui présentent une forme minimale de musicalisation par le rythme. Cette parole dite "soufflée" inverse le rapport ordinaire entre acte et parole, la technique énonciative se voyant ici mise au premier plan et « physicalisant » le contenu sémantique de manière ostensible. A. de Sales, à partir d'un travail passé sur le langage rituel des chamanes d'une population tribale de l'ouest népalais, s'interroge sur le sens du déroulement d'une séance de chamanisme qui, rythmée par la répétition (parallélisme structurant la séance, vers chantés, battements de tambour), "s'emballe" de façon imprévisible pour se transformer en une sorte de "cacophonie" au moment de la transe. Ces "sorties" du rythme font surgir la présence des puissances surnaturelles dans l'espace rituel et concentrent l'attention de l'auditoire. Elle recherchera des collaborations pour examiner les aspects plus particulièrement musicaux de ce rituel. D'autres chercheurs sont plus orientés vers l'analyse de musiques d'art. Dans l’expression poétique et musicale du bhav (musique hindoustanie), J. Jugand s'efforcera de mener une analyse des procédés d’improvisation poétique, mélodique et rythmique, où seront observés les changements de rythme, en lien avec les nombreuses interactions entre la chanteuse et ses auditeurs. Pour sa part, A. Anisensel a montré que dans la performance de poésie chantée du Ca trù au Vietnam, le joueur de tambour, un lettré « connaisseur », réalise au tambour une "ponctuation" rythmique codée de la performance vocale d'une chanteuse. Aussi tentera-t-elle dans cette recherche de bien distinguer les deux fonctions principales de cette ponctuation : 1 / une fonction purement musicale et rythmique ; 2 / une sorte de commentaire esthétique de la performance consistant en des frappes conventionnelles exprimant l'approbation et d'autres exprimant la désapprobation. Quels sont exactement les codes de ces frappes et comment se distinguent-elles des autres ? Enfin, pour J.-P. Estival, dans l'aire où se pratique le coco, genre musico-chorégraphique afro-brésilien associant chant, danse et tambours, une observation attentive des rythmes et de leurs techniques (sur la 31 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 base d’enquêtes de terrain et d’archives) montre une grande diversité d'instanciations singulières dans la classe générale des rythmes, en particulier pour le tambour grave et soliste zabumba. Après une analyse fine des rythmes et des gestes musicaux qui les produisent (déjà en partie effectuée), il tentera : (a) de qualifier l'existence de modèles cognitifs sous-jacents ;(b) d'analyser le placement rythmique de la voix sur quelques exemples; (c) de caractériser les réseaux sociaux à l'oeuvre dans la production de ces rythmes différenciés ; (d) de qualifier les processus d'apprentissage (implicites et explicites), et les stratégies mises en œuvre pour mémoriser les rythmes et leurs variations. Cette perspective de recherche prolonge celle qui avait été commencée en collaboration avec le GREP (voir Bilan, axe 2). Approche comparative des systèmes musicaux du Maghreb à l'Asie Centrale Les dernières décennies ayant vu l'accumulation de monographies et de recherches de terrain sur les systèmes savants des espaces arabe, iranophone et turcophone, ainsi que sur les nombreuses traditions régionales ou locales qui se sont développées en leur sein ou à leur marge, il devient possible d'en envisager une étude comparative, ainsi qu'une mise en perspective diachronique de leurs transformations au cours de l'histoire. Les acquis de l'anthropologie et de l'ethnomusicologie permettront de récapituler les échanges et les délimitations culturelles qui se sont opérées entre ces diverses traditions, tant par la transmission orale que par l'intermédiaire de l'écrit. Contrairement à ce que l'on peut penser, les processus de différenciation identitaire n'ont pas commencé seulement à l'ère des nationalismes et à l'époque contemporaine, ils existaient déjà par exemple entre les grands empires ottoman et safavide. On s'interrogera également sur les techniques de mémorisation et les contraintes cognitives qui ont présidé à la transformation progressives de ces systèmes, du moins tels qu'ils sont connus dans les écrits théoriques : les instruments utilisés, la langue de travail, l'influence de la terminologie, les connaissances en physique acoustique à chaque époque. En partant d'un intérêt pour le rôle de la métrique poétique comme structure cognitive du chant, et même parfois des performances instrumentales dans les musiques du Moyen Orient et d'Asie centrale (voir bilan axe 2), J. Lambert projette d'approfondir cette problématique en testant l'application de la théorie du quanto syllabique, déjà élaborée à propos de la tradition arabe, à la poésie chantée en persan. Selon cette théorie, certains pieds métriques de la poésie et leurs variations représentent une panoplie de schèmes cognitifs pour la composition mélodique, à la fois dans les formes de récitatif et dans les formes rythmiques "boîteuses" qui s'y prêtent tout particulièrement. Cette analyse est en cours d'application à la poésie chantée tadjike du falak, dans le cadre de la publication des actes du colloque de Douchanbé de 2010 ; les recherches d'A. Zevaco au Tadjikistan permettront d'enrichir cette problématique. Cette collaboration entre arabisants et iranisants devra être éventuellement élargie à des linguistes, des littéraires et des spécialistes de la cognition musicale. Une autre manière d'examiner les relations entre deux traditions savantes du MoyenOrient est le contact historique entre musiciens turcs ottomans et musiciens persans 'ajamî (“de l’Est”) qui s'étaient expatriés à Istanbul au XVI-XVIIème siècle. Ces contacts sont l'occasion d'examiner de près comment ces deux traditions savantes se sont influencées, ou au contraire, se sont distinguées l'une de l'autre en rejetant certaines formes qui n'étaient pas considérées comme faisant partie de leur identité culturelle - dans le cas de la musique persane, de nombreux cycles rythmiques furent abandonnés sous la dynastie Safavide parce qu'ils n'étaient pas considérés comme persans (thèse en cours d'A. Mohafez). Par ailleurs se pose la question de la polysémie du fameux terme maqâm. En effet, ce concept peut recouvrir à la fois celui de "musique modale", de "mélodie”, “genre”, ou “suite de compositions”. J. During poursuivra ses travaux sur la déconstruction analytique des grandes Suites (maqâm, muqam, maqom) d’Asie centrale. Pour sa part, S. Hassan se propose 32 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 d’examiner, à partir de la polysémie du concept de maqam, multiple et superposé en Iraq, le système complexe sur lequel repose le genre vocal al Maqam al ‘Iraqi, et son répertoire qui est une synthèse de rencontres et une interaction d’éléments. Ceux-ci sont répartis sur une vaste aire géographique, située aussi bien à l’est du pays qu’à l’ouest, et représentés d’une manière originale dans cet ancien melting- pot qu’est la ville cosmopolite de Bagdad. Quant à J. Lambert, il mettra en évidence la fonction de classement modal des suites musicales du Yémen. S'agissant des musiques rurales du monde arabe - dont les principes de fonctionnement ne sont pas ancrés dans l'histoire des théories des musiques savantes et dont les systèmes restent encore le plus souvent à découvrir, les spécificités locales restent fortes, au point d'avoir freiné toute ambition comparative depuis plus d'un demi-siècle. Dans le même temps, les recherches menées jusqu'à présent permettent d'entrevoir l’existence de certaines similitudes entre différents répertoires du monde arabe, dont certains sont maintenant bien documentés. M. Rovsing Olsen poursuivra une réflexion autour des chants rituels de mariage de l'Atlas berbère au Maroc dans une perspective comparative, en particulier sur les paramètres mélodiques, rythmiques, poétiques et vocaux. Ces thèmes, qui seront développés dans les années à venir, seront déjà au coeur de la réunion du Study Group de l'ICTM pour le monde arabe, organisé par S. Hassan au Liban en mars 2013, sur le thème : “The Situation of Music in the Arab World in the New Millennium”. 33 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 AXE 4 – TEMPORALITES, MEMOIRE, HISTORICITES Responsables : Grégory Delaplace, Isabelle Rivoal, Emmanuel de Vienne Participants membres du LESC : B. Baptandier (émérite), M. Baussant, S. Blanchy, J.P. Chaumeil, I. Daillant, A. Da Cruz Lima, G. Delaplace, F. Dubois, F. Dupuy, Ph. Erikson, A. Esquerre, J. Galinier (émérite), C. Guillebaud, A. Herrou, M. Heintz, A. Helmlinger, G. Krauskopff, J. Lambert, S. Loncke, R. Martinez, A. Molinié (émérite), M.-D. Mouton, S. Pedron Colombani, N. Petesch, A. Piette N. Prévôt, R. Martinez, A.-M. Peatrik, I. Rivoal, A. de Sales, G. Tarabout, S. Trebinjac, V. Vapnarsky, E. de Vienne En collaboration avec Samuel Challéat (U. de Bourgogne), J-P. Desclés (U. Paris Sorbonne), Brice Faraud (Hôtel-Dieu), A. Monod-Becquelin, E. Mothré Doctorants du LESC et post-doctorants associés : Estelle Amy de la Bretèque, Aliénor Anisensel, A.-G. Bilhaut, Guy Bordin, Julie Carpentier, Boris Charcossey, Marie Chosson, Francis Ferrié, Séverine Gabry-Thienpont, Julien Jugand, K. Le Mentec, L. Lhoutellier, E. Rossé L’analyse du rapport de l’homme au temps est un domaine d’investigation fondamental de l’anthropologie. Les modalités d’exploration en sont multiples selon que l’on envisage la question sous l’angle de l’historicité des sociétés humaines, et de la construction culturelle de l’historicité elle-même (notamment sous la forme contemporaine d’un impératif de transmission, de constitution de patrimoines et d’archives, mais aussi sous la forme inverse d’une injonction plus ou moins coercitive à l’oubli), ou bien que l’on envisage les formes de « découpage » du temps (celui du jour et de la nuit, celui du temps rituel, des ruptures et des moments de transition), ou encore que l’on s’attache à explorer la manière dont on fait l’expérience du temps (formes d’attente, d’ennui, d’être plus ou moins dans son temps…). Ces problématiques sont l’objet de projets transversaux variés approfondissant des recherches déjà initiées, ayant produit des résultats, et qui se redéploient notamment autour des travaux des doctorants et post-docs. Elles seront aussi très largement développées dans le cadre du LABEX « Les passés dans le présent » dont le LESC est co-porteur. A) Anthropologie de la nuit Responsable : Emmanuel de Vienne Après avoir montré que la nuit est un véritable objet anthropologique (article dans Current Anthropology, 51, (6) 2010 ; colloque international Las cosas de la noche 2012 à México), l’atelier Anthropologie de la nuit entend travailler à partir d’un postulat, à savoir l’importance et la multiplicité de tous les éléments qui traversent les frontières du nycthémère pour configurer du nocturne et du diurne dans le temps réel, l'espace ou les catégories notionnelles. Pour cela, sera abordée la question des contraintes universelles du sommeil – et pour ce faire, la poursuite d’une association du LESC avec le centre « Médecine du sommeil et de la vigilance » de l'Hôtel Dieu s’est imposée. Ce qui forme les marges, les seuils et les transitions d’un état à un autre (nuit/jour, veille et vigilance/sommeil, activités nocturnes/ activités diurnes…) nous a amenés à utiliser la notion mathématique de « frontière épaisse », issue de la quasi-topologie. L’apport de cette réflexion permet de mieux appréhender la pénétration d'éléments d'une catégorie dans une autre, ainsi que les zones intermédiaires (« aube », « crépuscule »). Au-delà des réponses données aux activités, 34 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 comportements et transformations physiques nocturnes, la cible de notre recherche est le passage d’un ou de plusieurs éléments associés à la nuit vers le jour et réciproquement, et surtout l’ordre chronologique dans lequel se font ces passages d’une catégorie à l’autre. Ces deux voies d’approche pour aborder la nocturnité (étudier la part du sommeil et comprendre la configuration jour/ nocturnité/ nuit) obligent à poser un ensemble de questions associant une ethnographie fine et des procédures de recherche qui aboutissent à une analyse anthropologique, selon les cas, comparative et/ou typologique. En découlent les interrogations suivantes : quels aménagements fait-on subir au sommeil, comment les sociétés concilient-elles le fondamental du sommeil et celui de l’activité humaine ? Quelles sont les transitions et les voies tracées par chaque culture pour passer de la nuit au jour et du sommeil à la vigilance ? Quels impératifs gouvernent la partition de la vie quotidienne et de la vie rituelle en tâches ou rites diurnes et nocturnes ? On recherchera les invariants et leurs « variations » dans le domaine de l'aménagement du sommeil, enquête appuyée sur des exemples précis, qu’il s’agisse du travail de pêche au XXIème siècle (B. Charcossey), de rituels nocturnes amazoniens (E. de Vienne, A. Monod Becquelin) ou de fondements de la pensée cosmologique comme en Mésoamérique (J. Galinier, E. Mothré). A l’intérieur de ce projet global, trois grands dossiers seront ouverts : Un premier dossier concerne la physiologie des rythmes veille-sommeil en environnement extrême (en collaboration avec Brice Faraud, Hôtel Dieu). Les diverses études menées actuellement par les chercheurs de l’équipe « Anthropologie de la nuit » permettent aux physiologistes d’avoir un accès unique et privilégié à des conditions environnementales et des rythmes de vie sociaux éloignés de rythmes de vie habituels des sociétés occidentales. Les terrains d'études "extrêmes" et atypiques à partir desquels travaillent les anthropologues (Inuit, expédition en mer au long cours des marins pêcheurs, techniques zápara de l’endormissement) offrent aux physiologistes la possibilité de confronter leurs outils d'évaluation (actimètres, questionnaires adaptés) afin de mieux comprendre l'adaptation physiologique des rythmes veille-sommeil chez l’homme à ces environnements et organisations sociales spécifiques. Ils étudient l’environnement social et familial des travailleurs de nuit ainsi que leurs interactions en situation réelle de travail, ce qui contribue à mieux discerner l’impact des facteurs personnels sur le délicat équilibre auquel sont confrontés les travailleurs, soumis à une dette chronique de sommeil du fait de plages horaires de travail étendu et de nuit. Une première recherche interdisciplinaire intitulée « Négation de la nuit à bord du navire de pêche, épreuves des actimètres » a été entreprise dans ce contexte entre Brice Faraud et B. Charcossey. Les premiers résultats montrent des rythmes veille-sommeil poly-phasiques (alternance de plusieurs épisodes de court sommeil par 24 heures) surtout dans la période finale du séjour en mer d’une dizaine de jours, une diminution graduelle du temps de sommeil total par 24 heures conduisant à de très courts temps de sommeil, inférieurs à 4h par 24 heures, au cours des derniers jours de pêche. De telles conditions de rythmes veille-sommeil, associées à des épisodes de somnolence, outre le risque accidentel accru et à long terme, pourraient contribuer au développement de pathologies métaboliques et cardiovasculaires - l’approche anthropologique de ces marins pêcheurs au long cours a montré de son côté que ces derniers dénigraient l’aspect récupérateur pourtant essentiel du sommeil dans ces conditions extrêmes, et que ce sujet n’était jamais abordé ou considéré entre eux ou par leurs responsables. Les Inuit sont confrontés de manière ancestrale à une nuit quasi-permanente et à l’absence de lumière naturelle au plus fort de l’hiver, et à un jour quasi-permanent au plus fort de l’été. Guy Bordin, dans ses enquêtes chez les Inuit du nord de la terre de Baffin, rapporte que pendant la nuit polaire, ils adoptent un comportement qui vise à rester éveillés le plus possible. Comment alors s’adaptent l’horloge biologique et ses différent rythmes que 35 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 sont la sécrétion de mélatonine, la température, les rythmes veille-sommeil, dans ces conditions extrêmes pour l’homme ? Des données physiologiques existent mais proviennent essentiellement de l’animal soumis expérimentalement à illumination ou absence de lumière en continu. L’équipe de l’Hôtel Dieu, qui a par ailleurs effectué plusieurs études chez les aveugles, privés de lumière, est particulièrement intéressée par cette contre-situation d’exposition permanente à la lumière que vivent les Inuits. De même les projets de collaboration devraient réunir le Centre du Sommeil de l’Hôtel-Dieu et l’équipe « Anthropologie de la nuit » autour de la pollution lumineuse urbaine et ses conséquences sur la qualité du sommeil (avec S. Challéat, U. de Bourgogne). Un autre facteur environnemental est l’impact du bruit à la fois sur la durée de sommeil, sa qualité et son indice de fragmentation en lien avec les répercussions sur le système nerveux sympathique et cardiovasculaire. A.-G. Bilhaut mène à ce sujet une enquête en milieu urbain, à Iquitos (Amazonie péruvienne), connue pour sa pollution sonore continue et extrême (entre 90 et 100 dB dans la journée). Il est particulièrement pertinent de s’intéresser à l’impact de l’environnement sur le sommeil. La question du bruit est au centre des discussions sur l’urbanisation et sur son impact sur la santé. Une étude épidémiologique sur le sommeil de Brice Faraud (Hôtel Dieu) en collaboration avec A.-G. Bilhaut devrait permettre de mesurer l’exposition à laquelle sont soumis les habitants d’Iquitos. Ces premiers projets en cours dénotent tout l’intérêt que peut avoir à l’avenir ce type d’étude transdisciplinaire réunissant nos deux équipes. Un deuxième dossier traitera les facteurs environnementaux et stratégies de remédiation pour le sommeil (A.-G. Bilhaut). De nombreuses questions se posent par rapport au sommeil et à la fabrication de son environnement. Que signifie le manque de sommeil dans des sociétés (culturellement) diverses ? Pour travailler sur l’influence des facteurs environnementaux sur le sommeil, des spécialistes de l’équipe du Pr. Damien Léger du Centre de Médecine du sommeil et de la vigilance de l'Hôtel Dieu ont été associés au projet à partir de 2011. La complémentarité des compétences devrait permettre de saisir véritablement ce qui relève des facteurs environnementaux, des données (invariants) physiologiques et des stratégies locales pour y remédier. Suite à une demi-journée d’étude (2012), les membres des deux unités (LESC et Hôtel Dieu) ont élaboré des questionnaires à adapter aux terrains des anthropologues afin de construire des protocoles d’enquête utilisables. Ce travail, qui représente la première étape d’une collaboration transdisciplinaire, doit être poursuivi (en 2012-2013) afin d’aboutir à des questionnaires fiables et exploitables par les deux équipes. D’autres projets sont en cours d’élaboration. Tous supposent la mesure des temps de sommeil et de veille grâce aux outils fournis par le Centre du Sommeil, et sont servis par les enquêtes de terrain des anthropologues sur les techniques, les pratiques et les représentations du sommeil (comme de son manque et de sa récupération), et sur les stratégies de remédiation aux contraintes environnementales, thèmes de recherche sur lesquels se fonde cette collaboration. Un troisième dossier conduira aux frontières de la nuit (E. de Vienne, J.-P. Desclés, A. Monod Becquelin, J. Galinier) Selon le mathématicien J.-P. Desclés (directeur du laboratoire Langages, Logiques, Informatique, Cognition - LaLIC, Univ. Paris-Sorbonne), un certain nombre de situations d’ethnographie nécessite l’utilisation des concepts de la quasitopologie. Les rituels nocturnes du haut Xingu ont été étudiés en tant que rituels, sans qu’en soit décrite ni évaluée l’exigence de nocturnité. L’extrême sophistication des degrés construits par les Xinguanos entre ce qui s’exécute de jour ou de nuit et ce, pendant des mois, n’a jamais été questionnée, en dehors de constatations banales d’analogies entre des nomenclatures de chants et l’éthologie régionale. C’est là qu’intervient l’outil « frontière épaisse ». Ainsi, comme cela a été suggéré (Ateliers d’Anthropologie, n°37, 2012), certains 36 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 rites d’initiation des jeunes garçons dans le Haut Xingu se laissent appréhender à l’aide des transitions entre « lieux » (i.e. schèmes abstraits) munis de frontières internes et externes. On abordera selon la même approche le rituel féminin Yamorikuma : certains éléments du pôle féminin, pendant plusieurs mois, traversent une large frontière engendrant une quasi identification à l’autre extrême, le pôle masculin, pour s’arrêter au bord de la frontière externe du genre masculin, et revenir, au terme du rituel, au féminin et à la complémentarité sexuelle sans avoir franchi totalement la frontière - ce qui serait le signe d’une métamorphose qui ne se produit que dans le mythe d’origine de cette fête. Les chants xinguanos des Oï, peuple de géants mythiques dans la mythologie et le vécu Trumai, canoniques de ce qui ne peut se chanter en dehors de la nuit, sont une part d’un rituel trifonctionnel complexe, le Javari - alliance, funérailles, héroïsation - et seraient un des premiers champs d’étude des rituels de cette région (E. de Vienne, A. Monod Becquelin). L’approche quasi-topologique de nombreuses situations en sciences humaines, aussi bien en linguistique qu’en anthropologie, en ethnologie ou encore en philosophie, ouvre des voies opératoires intéressantes pour essayer de mieux conceptualiser des notions descriptives assez flexibles, qui vont bien au-delà des simples dispositifs descriptifs booléens (qui opèrent à l’aide de traits, soit positifs, soit négatifs, sans autres valeurs intermédiaires dans un seul et même temps). Une première illustration de l’application de la notion de frontière épaisse avait été donnée par K. Hamberger et s’applique à l’habitat amazonien. C’est dans cette perspective renouvelée de l’étude des rituels que l’atelier Nuit entend travailler. J. Galinier poursuivra sa recherche sur les topographies de la nuit, et notamment la question des seuils et transitions nocturnes, au regard de l’idéologie du dualisme otomi (Mexique oriental). Suite à ses enquêtes en cours, se pose la question de la congruence de ce dualisme avec les systèmes à « moitiés » attestés encore aujourd’hui en Mésoamérique. C’est à partir d’une « pensée de la nuit » que les scholiastes otomi offrent des clés permettant de différencier « à bas bruit » leur modèle dualiste d’autres formes des sociétés voisines, qu’elles se combinent avec elles ou qu’elles aient été occultées par la colonisation. L’idéologie d’un dualisme nocturne oblige à repenser la nature des transitions dans l’espace rituel, et plus largement toute la classification sociale, car le passage à l’obscurité permet de considérer à nouveaux frais l’hypothèse d’une opposition entre dualismes visibles et invisibles, tacites ou explicites, conscients et inconscients. B) Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles Responsables : Valentina Vapnarsky, Isabelle Daillant, Sophie Blanchy Les recherches qui seront menées dans ce sous-axe relèvent essentiellement de deux programmes qui ont déjà obtenu un financement et doivent démarrer prochainement : une ANR, La fabrique des « patrimoines » : mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui (Fabriq’Am), et un Labex regroupant lui-même plusieurs projets sous le titre Les passés dans le présent : Histoire, patrimoine et mémoire, porté par la MAE (voir le bilan axe 6 pour les deux programmes). Par ailleurs, le laboratoire est aussi partie prenante d’un GIS du Ministère de la Culture et de la Communication, le GIS Institutions Patrimoniales et Pratiques Interculturelles (IPAPIC, voir projet axe 1). Cette simultanéité témoigne d’une dynamique plus large née au sein du laboratoire et dont participent aussi plusieurs autres chercheurs. Au niveau collectif, elle procède d’un souci d’appréhender les phénomènes de « mise en patrimoine » que les chercheurs observent maintenant, parfois massivement, sur leurs terrains, à la lumière d’une analyse approfondie des régimes d’historicité des sociétés étudiées. Celles-ci contrastent en effet fortement en termes de conceptions et de pratiques mémorielles, depuis la Chine où des phénomènes de conservation et mise en valeur culturelle sont déjà très anciens, jusqu’à des sociétés qui procèdent à un travail constant 37 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 d’oblitération du passé historique, comme en Amazonie. Les unes et les autres répondent cependant à une vague pressante et globalisée – parfois médiatisée par des instances nationales plus ou moins lointaines – les poussant à patrimonialiser, qui des aspects matériels de leur culture, qui des aspects immatériels, qui encore la nature environnante, y compris sa variante territorialisée. Si les régimes de savoir, les représentations du passé, les modes de transmission, ou ceux de construction de la mémoire et de l’oubli informent ces processus, ils s’en trouvent aussi transformés en retour. L’étude de leurs interactions se révèle dès lors liée à la thématique du changement social et culturel tel qu’il s’opère dans un contexte d’enjeux identitaires remodelés, traversé par une panoplie de stratégies collectives, voire individuelles et parfois instrumentalisantes dans leurs visées politiques. Un trait largement partagé de tous ces processus est qu’ils sont bien souvent tenus de composer avec tout un éventail de paradoxes : qu’il s’agisse de devoir patrimonialiser des objets qui étaient pris dans des dispositifs d’oubli ou d’abandon ou, à l’inverse, de pousser dans un oubli accéléré ce qui n’est pas retenu pour patrimonialisation, qu’il s’agisse de paradoxes liés à la construction d’un patrimoine témoignant du caractère mobile et hétérogène de ses porteurs, ou de patrimonialiser de l’immatériel en créant des musées, ou encore de devoir passer par l’écrit, pléthorique et réglementé, pour sauvegarder l’oral ou des pratiques mémorielles intrinsèquement liées à d’autres supports (rituels, techniques…). Pour faire face à cette incongruité, notamment, mais aussi pour servir de passeur entre les différentes sphères sociales et institutionnelles en jeu, l’ethnologue peut se trouver sollicité. Parfois simplement en ce que ses travaux sont lus et utilisés, mais il se voit souvent bien plus directement impliqué, comme expert maîtrisant l’écrit et éventuellement, du moins mieux que ses interlocuteurs, les arcanes des rouages institutionnels. Plusieurs recherches engagent ainsi une participation de l’ethnologue à certains des phénomènes qu’il étudie, l’incitant à incorporer un volet réflexif à l’analyse – cette posture, déjà analysée dans le bilan de l’axe 7 de la période précédente, se retrouve aussi, avec une inflexion différente, dans l’axe 1 du présent projet pour la période 2014-2018. ANR Fabriq’Am : La fabrique des « patrimoines » : mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui Responsable général : Anath Ariel de Vidas (MASCIPO) ; responsable partenaire EREA du LESC : Valentina Vapnarsky Participants Centre EREA : I. Daillant, P. Deshayes, F. Dupuy, Ph. Erikson, S. Pédron Colombani, N. Petesch, V. Vapnarsky, E. de Vienne. Associés, doctorants et post-doctorants EREA : A.-G. Bilhaut, E. Camargo, J. Carpentier, M. Chosson, P. Cruz, G. Collomb, A. L. Gutierrez Choquevilca, V. Hirtzel, F. Tola, P. Virtanen. Ce projet, qui a obtenu un financement par l’ANR pour la période 2013-2016, est fondé sur un partenariat entre le LESC et le MASCIPO, porteur, et intègre la majorité des chercheurs du Centre EREA. Il constitue à ce titre un des piliers de sa recherche pour le prochain mandat et est présenté de façon plus détaillée au sein du Projet du Centre EREA. Les formes de transmission mémorielle des sociétés amérindiennes et des sociétés minorisées voisines ont une double dimension. D’une part, elles se construisent dans une matrice culturelle et sociale locale qui leur est propre. D’autre part, elles sont aussi, pour beaucoup, désormais investies au sein d’un monde globalisé en tant que ressources mobilisables pour conforter une identité collective, voire de nouvelles formes d’indianité. L’analyse des configurations patrimoniales que l’on peut observer sur le terrain demande une élucidation de ces formes d’imposition et d’adaptation mais aussi la compréhension de la manière dont les acteurs indigènes ont su, en retour, se réapproprier un droit à construire un discours propre sur leur culture et à l’instituer comme source d’une affirmation identitaire. Pour comprendre les diverses déclinaisons du processus de patrimonialisation culturelle dans 38 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 la trentaine de sociétés amérindiennes étudiées dans ce projet, l’enquête se développera selon trois angles d’analyse complémentaires : – les régimes de temporalité, d’historicité et de savoir ; – la « fabrique » des patrimoines, leur construction sociale et leurs usages politiques ; – les logiques institutionnelles et les formes locales de gouvernance multiculturelle. Le projet s’attache aux représentations catégorielles, aux cadres, aux relations, aux processus de construction de sens et de composition des discours. Deux niveaux de comparaison seront traités. Le premier s’attachera à trois ensembles régionaux de cas présentant en leur sein des contrastes marqués : (1) Guyanes orientales (Wayana, Apalaï, Kali’na, Wayampi) ; (2) groupes pano d’Amazonie occidentale (Cashinawa, Shipibo, Chacobo) ; (3) groupes mayas considérés dans leurs aires d’origine au Mexique et au Guatemala et dans leur migration aux États-Unis (Teenek, Yucatèques, Itza’, Tseltal, Tzutuhil). Le second niveau de comparaison permet une appréhension plus riche des phénomènes étudiés, par les variantes ou les points communs qu’ils présentent avec les trois ensembles de cas principaux. Il inclut une vingtaine d’autres groupes culturels d’Amazonie bolivienne, brésilienne, péruvienne, équatorienne (Chimane, Mosetene, Yurakaré, Apurinã, Manchineri, Trumai, Awetí, Suruí, Karaja, Tapirapé, Yalawapití, Zapara, Achuar, Quichua), des Andes boliviennes (Aymara, Uru), du Mexique (Nahua de la Huastèque) et des minorités noires et métisses (quilombolas, ribeirinhos d’Amazonie) (voir projet du centre EREA). Les enjeux de la patrimonialisation sur d’autres continents Plusieurs chercheurs contribuent à la réflexion qui articule ces problématiques à partir de cas ethnographiques provenant d’autres continents. Dans le contexte chinois – où les récentes quêtes de manne touristique et de reconnaissance mondiale se sont superposées à un souci mémorial très ancien, et où tout est, aujourd’hui, bon à patrimonialiser y compris ce qui ne l’avait jamais été – B. Baptandier mènera de pair deux volets de recherche : l’un, général, sur l’idée de patrimoine, sur son lien à l’idée de transmission, de mémoire et d’oubli, sur la temporalité et l’atemporalité qu’elle met en jeu ; l’autre, plus ciblé, sur la patrimonialisation de certains cultes. Dans ce processus qui consiste à faire passer un culte du statut de superstition (et donc prohibé) à celui d’élément de la religion « officielle », que réhabilite-t-on ? Que réinvente-t-on ? Et à quel prix promeut-on la religion dans un pays socialiste engagé désormais dans l’économie de marché ? Dans un tout autre contexte, espagnol, un rituel lui aussi naguère prohibé (ici par le franquisme), celui de Corpus Christi à Camuñas dans la Mancha, connaît depuis trente ans une évolution qui l’a mené d’une phase de réhabilitation à une progressive patrimonialisation toujours en cours. L’ethnologue, A. Molinié, mobilisée d’abord à travers ses écrits – en l’occurrence, une comparaison entre ce culte et son équivalent andin ayant donné lieu à une interprétation qui aura un impact sur sa célébration en Espagne –, a par la suite entamé avec les acteurs locaux une collaboration (éditoriale, muséographique…) plus active. Cela l’amènera à la fois à suivre l’évolution du rituel (qui aspire aujourd’hui au label officiel de « Patrimoine immatériel ») et à réfléchir à l’impact de la présence de l’ethnologue, à des questions d’éthique, à la mutation d’un rite « traditionnel » dans le cadre de sa mondialisation, à sa dimension mémorielle (traitement des Judíos, du tribunal de l’Inquisition). À Madagascar en revanche, des rituels qui sont eux aussi - avec les mythes - supports de mémoire locale et vecteurs de savoirs, ne sont pas admis au rang de « patrimoine » et demeurent délibérément ignorés comme tels à l’échelle du pays, ne faisant politiquement pas le poids face à des lieux de culte revendiqués par l’élite des Hautes Terres, ni même face à des sites naturels qui, bien qu’officiellement classés – sous l’impulsion de conservationnistes 39 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 internationaux –, peinent pourtant à imposer leur statut. Les recherches de S. Blanchy sur cette configuration tripartite se centreront particulièrement sur la patrimonialisation des lieux de culte ancestraux, en passant par une réflexion sur la pertinence et la signification, sur le terrain, de tels concepts mondialisés. E. Rossé étudiera, dans le volet localement jugé subalterne, la dynamique de cultes de possession qui, portant l’empreinte des événements politiques majeurs ayant affecté la région, représentent un cadre de transmission mémorielle, et L. Louthellier analysera quant à elle l’échec des politiques de gestion locale de l’environnement – du « patrimoine naturel ». La région montagneuse du Chouf, au Liban, illustre au contraire un cas où la patrimonialisation d’un espace a mieux fonctionné. Moins, cependant, par sa dimension écologique qui n’est que secondairement mobilisée, que par le succès d’une stratégie d’affirmation de pouvoir local qui s’y est déployée. À partir d’une étude ethnographique de la domination de la famille Joumblatt sur cette région, I. Rivoal entend en effet analyser l’importance particulière des logiques de patrimonialisation mises en place par un « seigneur de la Montagne » pour délimiter un territoire et lui donner une identité fondée à la fois sur la profondeur historique de la période des émirats et sur l’expression communautaire druze. Ce cas sera par ailleurs étudié en relation aux autres modalités de patrimonialisation mises en œuvre au Liban. Dans l’océan Indien occidental, moins marqué par la violence mais où l’instabilité croissante ramène la coopération nord-américaine - sous forme de financements de centres culturels -, l’île française de Mayotte (Comores), départementalisée en 2011 et subissant un changement socioéconomique accéléré, se trouve engagée dans une quête d’identité locale. Alors qu’elle n’avait jusqu’ici abordé son histoire que par l’évitement et le silence dans l’espace public francophone, et par les performances rituelles (musique, possession) dans l’espace social local, un projet de musée auquel participe S. Blanchy permet à celle-ci de suivre la construction de modes de représentation du passé qui s’y joue en s’ancrant dans des productions largement immatérielles. Ses recherches dans les autres îles des Comores la confrontent par ailleurs à la question des régimes d’historicité et de la mémoire collective à l’échelle contrastée des îles de l’archipel. La question des conceptions de soi dans un contexte de revendications identitaires naissantes sera aussi investiguée au Népal par A. de Sales auprès de populations tribales qui, contrairement à celles de l’Inde, sont ici intégrées à la hiérarchie des castes, y compris dans le code civil datant du XIXe siècle, ce qui donne lieu aujourd’hui à un jeu historique et sociologique sur les catégories. La recherche comprend l’analyse de grandes fêtes au cours desquelles différentes temporalités vécues simultanément sont ajustées, et qui apparaissent comme des moments privilégiés pour comprendre non seulement les changements contemporains mais ce que « changer » veut dire. Labex : Les passés dans le présent. Histoire, patrimoine et mémoire Ce Labex, obtenu pour 2012-2020, porte sur les enjeux d’une médiation dynamique du passé à partir d’objets complexes (archives, images, sons, objets…) et des conditions de leur intelligibilité auprès du public dans le contexte des technologies numériques. Interdisciplinaire et faisant porter sa réflexion sur l’impact du numérique sur la transmission patrimoniale, il s’inscrit donc dans les priorités de recherche définies par l’INSHS. Élaboré à la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie dont le LESC est une composante et porté par l’UPO, ce Labex associe 8 équipes (6 UMR, dont le LESC, 1 USR et la BDIC) dans une réflexion interdisciplinaire (ethnologues, historiens, archéologues, sociologues, politistes, philosophes, linguistes), en partenariat avec la BNF, le Musée du quai Branly, le MAN Saint-Germain, et plusieurs institutions ou réseaux étrangers. Il s’appuie en tout premier lieu sur les ressources patrimoniales importantes conservées la MAE (fonds en 40 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 ethnologie et archéologie) et à la BDIC (histoire contemporaine) et sur les travaux de memories studies des équipes. Cinq projets présentés par le laboratoire ont été retenus pour la première tranche de financements, acquis à partir de 2013, les autres seront soumis dans le courant 2013 : Financement acquis - Naissance de l’ethnologie française. Les premières missions ethnographiques en Afrique – projet qui sera conduit, à partir du fonds Archives des ethnologues de la Bibliothèque Éricde-Dampierre du LESC, par S. Blanchy, M.-D. Mouton et F. Dubois (cf. axe 1) - Les sources de l’ethnomusicologie – porté par la BNF, en partenariat avec le MQB et le centre CREM du LESC (A. Da Cruz Lima) (cf. axe 1) - La simulation historique (reenactment) et ses méthodes – Afin d’évaluer l’efficacité de la simulation historique en tant qu’outil de mise en présence du Passé, et de la questionner au prisme de l’histoire des dispositifs de simulation en général, ce projet initié par E. Grimaud se fondera notamment sur des enregistrements filmés. Une cinquantaine d’heures de rush a déjà été tournée lors des reconstitutions de Waterloo, d’Azincourt, de Teweksbury, mais aussi dans des lieux plus confinés ou moins spectaculaires où se sont jouées des simulations aussi diverses que l’enterrement d’un guerrier gaulois ou la reconstitution « en acte » des méthodes de la chirurgie médiévale. Le projet prévoit d’organiser des États généraux de la reconstitution historique, en plusieurs ateliers ou volets étalés sur 2 ans, qui aborderont le problème de la simulation dans ses dimensions techniques et anthropologiques, en invitant aussi bien des acteurs et des théoriciens du genre que des historiens, archéologues et anthropologues. - Qu’est-ce qui se joue dans la médiation de l’histoire ? Études de cas à l’échelle locale – coordonné par M. Baussant et S. Gensburger de l’ISP, le projet se propose de déplier la question de la médiation de l’histoire en travaillant à l’échelle locale. Il fait l’hypothèse que le choix d’une telle échelle permet une compréhension plus fine des mécanismes à l’œuvre, y compris lorsque ceux-ci relèvent de dynamiques transnationales ou strictement familiales. Il s’agira de répondre à plusieurs questions : qui s’investit dans la médiation de l’histoire ? Comment se construit cette médiation ? Sur quels supports matériels s’appuient ceux qui souhaitent se constituer comme ses artisans légitimes ? Deux terrains principaux construiront deux études de cas respectivement à Villeurbanne et à Paris ; des études comparatives avec des exemples chilien, colombien et nord-américain seront également menées. - Le patrimoine musical des habitants de Nanterre. N. Prévôt dirigera une formation de terrain des étudiants de master par une recherche-action (cf. axe 1). Soumission en 2013 - Musiques et politiques mémorielles : émergence, histoire, appropriations – coordonné par C. Guillebaud et mené en partenariat avec le GDRI « Histoire et Anthropologie des Arts », ce projet regroupe plusieurs chercheurs, doctorants et post-doctorants du CREM. Il porte sur les politiques mémorielles centrées sur la musique et les arts, qui se sont considérablement développées depuis le début du XXe siècle, des premières réformes des années 1930 définissant des musiques « nationales » en contexte colonial, jusqu’aux politiques patrimoniales des dernières décennies proposant de nouvelles formes de diffusion des arts en contexte de globalisation. Les travaux consisteront en des ethnographies de ces politiques, de leurs acteurs et médiateurs, des diverses représentations du passé qu’elles façonnent, ainsi que de leurs implications actuelles sur les modalités de production et de transmission des savoirs concernés. - Récits de fondation de la nation et réceptions des supports mémoriels – projet dont un premier volet, portant sur la Grèce, est mené en partenariat avec l’École française d’Athènes. À partir d’études de cas (étude ethnographique d’un musée et des archives locales, étude 41 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 d’une controverse sur un manuel d’histoire et étude d’un débat autour d’une série TV sur l’histoire de la guerre d’indépendance), M. Couroucli s’attachera à saisir concrètement comment le paradigme national sur l’histoire de la nation grecque se modifie dans le contexte des interactions entre historiens professionnels, autorités publiques et groupes d’opinion. - Juifs des pays arabes : entre récit unitaire, récits associatifs d’originaires et expériences individuelles. Ce projet s’inscrit dans la continuité des travaux de M. Baussant sur les représentations du passé chez des individus ayant connu dans leur histoire familiale au moins deux mouvements migratoires, généralement vécus comme « forcés » et précédés d’une phase de marginalisation sociale, économique et politique. Il visera à comprendre comment s’élabore l’unité de condition historique, sociologique et de devenir des juifs du monde musulman et des juifs en général. M. Baussant propose pour cela d’identifier les différents acteurs – membres d’associations, juristes, historiens – qui prennent en charge ou débattent de ce processus de redéfinition du passé, leurs différents niveaux d’interaction, et les effets de chaque positionnement sur les formes mémorielles. Il s’agira de resituer les étapes et les évolutions de ce processus, ses thématiques principales ainsi que les moyens mis en œuvre, en tenant compte des différents contextes sociaux/nationaux et de la question des générations. Les enquêtes seront réalisées en France et en Israël, autour de deux communautés au moins – celle d’Algérie et celle d’Égypte. C) Techniques d'Oubli Responsables : Gregory Delaplace et Sabine Trebinjac Le programme de recherche « Techniques d'Oubli » se consacrera aux pratiques sociales visant à l'occultation, la limitation, ou le refoulement de la mémoire collective. A quoi ressemblerait une société capable de se souvenir de tout ? Une société dont les membres, un peu comme Funes, le célèbre personnage de Borges, pourraient non seulement enregistrer l'intégralité des événements –jusqu'aux plus infimes– qui surviennent de leur vivant, mais seraient également chacun dépositaires de l'intégralité de ceux survenus dans le passé ? Cette société connaîtrait-elle le même sort –funeste– que Funes ? Si ces questions restent de l'ordre de la science-fiction, c'est bien sûr qu'aucune société humaine n'a encore trouvé le moyen d'enregistrer et de transmettre l'intégralité de son passé. Plus encore, il semble au contraire qu’un grand nombre d'entre elles aient mis au point des techniques permettant d'occulter une partie –ou certains aspects– des événements qui leur arrivent. Ces techniques d'oubli ont été mentionnées ponctuellement par des anthropologues travaillant sur les rituels funéraires et le deuil (A.C. Taylor, G. Delaplace), sur le changement social (P. Vitebsky) ou sur les politiques culturelles et ethniques (S. Trebinjac). Qu’il soit question de rituels visant à encadrer la mémoire des morts, en livrant certains d’entre eux ou certains aspects de ceux-ci à un oubli volontaire, ou qu’il s'agisse de mesures étatiques autoritaires visant à gommer la mémoire d'un répertoire culturel d’un groupe –ou le souvenir du groupe dans son ensemble– comme on fait disparaître un personnage d’un cliché photographique ou d’une peinture, tous les auteurs s'accordent à montrer que l’oubli ne va pas de soi. Occulter des souvenirs demande une attention particulière, des techniques appropriées, voire des supports d’oubli spécifiques (alcools, drogues). Néanmoins, les fantômes, les émotions irrépressibles (Vitebsky), de même que les versions clandestines de l’histoire (Humphrey) et « l’ambivalence de la mémoire » montrent les limites de l’oubli imposé ou volontaire. Ainsi, il s’agira dans cet axe de recherche, et à travers le séminaire qu’il propose, d’étudier à travers les sociétés humaines les pratiques visant à occulter volontairement une partie de la mémoire collective, de même que son resurgissement éventuel, sous des formes et dans des contextes le plus souvent inattendus : l’oubli, et l’échec de l’oubli. 42 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 A travers la diversité des situations envisagées, et en s’appuyant sur les avancées récentes en anthropologie de la mémoire (Severi, Déléage), il s’agira de montrer que l’oubli exige autant d’attention, et des techniques cognitives aussi subtiles, que la transmission culturelle. Autrement dit, l’enjeu de ce programme de recherche est de proposer les pratiques antimnémoniques comme un champ légitime de l’analyse anthropologique. L’équipe s’organisera autour d’un séminaire bimensuel, avec la participation d’intervenants extérieurs. D) Métamorphoses, ruptures et expérience du changement Responsables : Isabelle Rivoal, Anne de Sales Cet axe rassemble des perspectives de recherche contribuant toutes à l’analyse des métamorphoses sociales et culturelles, que la nature même de nombreux terrains contemporains place au cœur du travail ethnographique (Chine, Népal, Liban, Roumanie). Episodes révolutionnaires, transitions politiques, guerres civiles, posent la question des temporalités sociales et vécues (sous la forme évidente d’un avant / après, mais pas seulement), tout comme celle du déploiement du projet ethnographique dans l’appréhension de tels contextes. Pour comprendre « ce qui se passe » au-delà de l’évènement, il est d’abord nécessaire de rompre avec les approches linéaires des explications causales qui, parce qu’elles visent à mettre à jour des « logiques explicatives », sont privilégiées dès lors que l’on cherche à produire le sens de l’évènement. La volonté explicative, bien que nécessaire, ne peut jamais révéler complétement l’expérience du changement que constitue l’émergence de potentialités nouvelles, et qui demande à penser l’incertitude comme dimension fondamentale de l’évolution des sociétés humaines. En effet, la fiction de la causalité veut que l’histoire fasse l’homme, tandis que dans les contingences, envisagées comme des « restes » de l’ensemble des causalités que l’histoire a retenues, réside au contraire la possibilité de l’action humaine. Il nous semble essentiel de repenser le paradigme du changement pour rompre avec une perspective à vocation contextualisante de l’exposé des spécificités historiques, politiques, religieuses et économiques des sociétés, afin d’être mieux en mesure de restituer la dimension de l’expérience humaine particulière à ce type de contexte. La proposition développée dans cet axe est le prolongement d’une recherche sur le changement social menée dans le cadre d’un précédent séminaire thématique du laboratoire coordonné par A. de Sales et L. Atlani-Duault (voir bilan axe 1). L’évolution de cette problématique s’est notamment dessinée au cours de deux ateliers tenus dans des conférences internationales, qui ont posé les jalons des deux grands ensembles de questionnement produits autour de cette réflexion. Le premier porte sur la dimension biographique comme outil spécifique d’accès à l’expérience du changement, questionnée dans ses différentes échelles temporelles (du fait, notamment, de la possible discordance entre l’expérience du changement vécu par les acteurs et la propre trajectoire, forcément discontinue, de l’ethnologue sur le terrain). Le second ouvre des pistes pour une saisie concrète de l’expérience subjective des métamorphoses : que se passe-t-il quand on cesse de croire en, ou de croire que ? Comment saisir les phénomènes de désynchronisation / resynchronisation comme expériences du rapport à la norme temporelle (l’habitus d’une époque), d’un milieu, de prescriptions totalement opposées entre un avant et un après ? Le temps biographique – L’atelier organisé par M. Heintz et I. Rivoal lors du congrès de l’American Association of Anthropologists en novembre 2011 (publication dans Ethnologie Française (2014/3) intitulé : « Ethnographies à contretemps ») s’est proposé d’explorer les aspects méthodologiques de la dimension biographique, incontournable et implicite de toute enquête ethnographique : l’anthropologie peut-elle dire quelque chose sur le changement social en train de se faire quand les ethnologues arrivent sur le terrain à un moment T qui 43 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 succède souvent à, précède parfois, la période de rupture, alors que celle-ci traverse, en revanche, la biographie des protagonistes, qui sont « témoins » de la période pour ceux qui n’en n’ont pas fait l’expérience ? Dans cette perspective, durant le prochain contrat, I. Rivoal développera une réflexion sur la « suspension de l’écriture » qu’elle a observée chez les anthropologues ayant fait un terrain juste avant la guerre civile au Liban, dont ils n’ont publié les résultats qu’après la guerre, comme si le changement brutal de régime d’historicité et d’intelligibilité durant une période ouverte sur la violence empêchait l’écriture ethnographique. M. Heintz questionnera les traces laissées par les changements rapides induits par les révolutions de 1989 en Europe de l’est. Divisées en générations historiques dont le passé et le futur ne se présentent plus du tout dans le même rapport à la société, la Roumanie est caractérisée par une diversité de vécu générationnel (« générations perdues », « générations attendues ») qui rend problématique l’analyse de la parole recueillie au regard de la « réalité » partiellement observée. A. Herrou s’interrogera quant à elle sur les modalités de la survie pour les religieux taoïstes ayant traversée la période de la révolution culturelle en Chine. C’est en recueillant les biographies de moines retournés au monastère après quarante années de vie laïque qu’elle propose de revisiter l’histoire de la période et l’inscription du temps personnel dans cette histoire, tout en se demandant dans quelle mesure l’anthropologue peut se fier à ces reconstructions (programme ANR « SHIFU », dont elle est porteur –cf. axe 5 du présent projet). M. Baussant s’intéresse à la notion d’évènement, de situations, d’états ou de statuts, qui constituent des points de rupture dans la construction d’un récit biographique à partir des différents terrains qu’elle explore (sur les Pieds-noirs, les Grecs d’Asie mineure, les soignants dans les unités de soin palliatif et de réanimation, les migrants étrangers en prison au Liban, ou encore les Juifs d’Egypte), tout en s’interrogeant sur la manière dont ces expériences singulières peuvent constituer une mémoire collective. B. Baptandier, enfin, poursuit un travail qui, à partir de la vie de deux femmes ayant valeur de témoins du passage d’une société « traditionnelle » à la Chine contemporaine en passant par les mutations de la révolution culturelle, propose comme une traversée ethnologique de la Chine du XXe siècle. Synchronicités – L’atelier organisé par A. de Sales et I. Rivoal pour le Congrès de l’European Association for Social Anthropologists en juillet 2012 portait sur l’ethnographie fine de ce qui se passe lorsque l’on cesse de croire en quelque chose, ou dans les discours sur la réalité ; quand la dimension réflexive, critique, des individus, des groupes, se manifeste avant de se cristalliser sous forme de doute ou, au contraire, de disparaitre. Ces questions constituent la matrice d’une réflexion plus large sur la dimension vécue du temps. Cet Atelier débouche sur un programme de recherche centré sur une « anthropologie de la lose ».Ce projet doit permettre de saisir les logiques de désassociation sociale (loose) ou de désynchronisation temporelle. La recherche sur les logiques de synchronicités explorera le temps, non seulement dans ses rythmes et découpages, mais encore, dans l’expérience concrète que les individus font de rythmes plus ou moins prescrits. L’hypothèse consiste à penser cette relation entre acteur et mouvement collectif du temps (mobilité existentielle, accomplissement d’une vie, être ou non dans son temps, etc.) comme dimension essentielle pour saisir de manière concrète les métamorphoses en train de se faire, et l’expérience vécue à l’origine des formes de métamorphoses sociales et culturelles les plus variées. Dans son analyse du changement social de la société Kham Magar à la suite de l’insurrection maoïste, A. de Sales a notamment réalisé que lorsque les gens parlent du changement, ils parlent d’eux-mêmes. Son analyse s’attache à saisir l’incessante confrontation de plusieurs échelles de temps et de rythmes temporels auxquels les individus s’ajustent subjectivement au cours de leur existence. G. Delaplace essaiera d’appliquer la notion de désynchronisation à l’analyse d’un rituel chamanique bouriate en Mongolie, où les patients se voient attribuer par les esprits, parlant par la bouche de la chamane, un destin collectif d’infortune. La désynchronisation, ici, semble fonctionner à deux niveaux : dans la 44 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 présentation d’une identité d’exilés condamnés à subir individuellement les effets de leur histoire commune, d’une part, et par la configuration pragmatique du rituel, d’autre part, la chamane s’ingéniant par diverses techniques d’interaction à saper systématiquement tout terrain d’entente entre les participants. I. Rivoal s’attachera à l’analyse d’un matériel ethnographique (qu’il lui faudra compléter) sur les trajectoires des miliciens de la guerre civile libanaise au sortir de la guerre. Certains ont compris qu’il était nécessaire de changer pour conserver leur place (passer un diplôme pour rester homme de main du chef politique par ex.), d’autres ont continué à « fonctionner » selon les configurations relationnelles propres à la guerre, et se sont retrouvés être de plus en plus en décalage par rapport à la société de l’après-guerre. Dans une autre perspective, M. Heintz se demande si le doute se transmet et comment. Elle développera dans ce cadre une analyse de « crise de la trentaine » qui pousse dans une vie à des changements radicaux, familiaux ou professionnels, dans un terrain développant une comparaison entre France et Roumanie. Cette réflexion ouvre de manière plus générale sur la place de la biographie et de l’expérience vécue dans l’analyse anthropologique, au-delà de l’analyse des situations de changement et des métamorphoses sociales et culturelles. Sur ce point, A. Piette propose d’initier une réflexion sur les relations entre existence et modalités d’expérience dans le cadre d’un atelier évaluant les différentes traditions anthropologiques autour de ces notions. 45 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 AXE 5 : RELIGION ET RITUEL Responsables : A. Herrou, S. Pédron Colombani Participants membres du LESC : B. Baptandier (émérite), M. Baussant, J.-P. Chaumeil, D. Dehouve (émérite), P. Deshayes, Ph. Erikson, B. Formoso, G. Krauskopff, J. Lambert, R. Martinez, A. Molinié (émérite), M. Rovsing Olsen, A. de Sales Doctorants du LESC et post-docs associés : M. Chosson, E. Dupey Garcia, G. Favraud, S. Gabry-Thienpont, M. Gharasou, M. Guillot, D. Jabin, Ko Peiyi, Lee Mi-Ok, J. Pouchelon, A. Poujeau, E. Rossé, M. de Ruyter, Cl. Vidal En collaboration avec H. Ferran, H. Figuerola, B. Lortat-Jacob Phénomènes rituels et dynamiques du religieux continuent à être l’un des grands domaines de recherche des ethnologues, à plus fortes raisons quand le contexte de mondialisation et de globalisation a sensiblement modifié les paysages religieux aux prises avec de nouvelles économies, cartographies et contraintes. Les pratiques et les enjeux ayant trait au religieux changent aujourd’hui de façon significative, et il s’agit de les appréhender dans leur rapport à la modernité, et, par un jeu de miroir, à travers leur étude, d’avancer dans la compréhension de cette modernité. Il s’agira notamment d’interroger la tension particulièrement sensible dans le domaine du sacré entre une certaine quête de permanence et d’immuabilité, et une volonté - qui est aussi bien souvent une nécessité - de s’adapter aux préoccupations et situations de son temps. Le laboratoire entend contribuer à cette analyse des faits religieux et rituels contemporains par l’entremise de différents cas ethnographiques abordés sous l’angle de problématiques et réflexions communes. Ainsi, l’axe de recherche « Religion et rituel » s’organisera-t-il selon quatre orientations principales, ayant trait aux Pratiques, images et objets rituels ; aux Spécialistes religieux ; aux Dynamiques contemporaines liées aux processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux ; et aux Liens entre musiques et rituels. A) Pratiques, images et objets rituels Responsable : Philippe Erikson S’agissant des rituels, ce premier atelier thématique se propose d’interroger les objets (masques, dagues rituelles, ex-voto, instruments de musique, poteries, armes…) à travers toute une série d’usages qui s’y rapportent et servent à les façonner, allant de leur fabrication, leur matérialité, aux changements d’utilisation qui s’opèrent. Cette réflexion sur les rapports entre l’idéel et le matériel inclura une étude des images religieuses, à partir de codex, de peintures corporelles, d’illustrations au sein d’almanachs à vocation divinatoire, ou de livres contenant des prescriptions rituelles. Les pratiques mises en œuvre constituent un autre volet de ces recherches, qu’il s’agisse de cérémonies actuelles dans leur rapport aux rituels d’autrefois, ou de rituels de possession appréhendés dans leurs évolutions récentes, ou encore de prières. Une des perspectives 46 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 innovantes consistera à étudier ces pratiques au regard de leurs marges mais aussi en lien avec les mythes (ou les ratés des mythes) qui s’y rapportent. Les objets et les images du religieux L’étude de l’imbrication du matériel et du social, notamment à travers l’étude de la motivation symbolique des composantes des objets utilisés dans des contextes rituels, compte parmi les questions qui se sont avérées faire particulièrement sens ces dernières années, avec notamment la question du choix des matériaux entrant dans la composition d’objets d’usage rituel et/ou quotidien, tels les masques, les instruments de musique, les poteries, et les armes. Une réflexion sera menée à partir des données ethnographiques matis et chacobo, permettant de poursuivre des recherches sur les relations entre l’idéel (discours chamaniques, mythologiques, eschatologiques etc.) et le matériel tel qu’il se concrétise dans des objets particuliers, notamment les tambours chamaniques et les auges à bière destinées à abreuver les esprits lors des rituels de boisson (Philippe Erikson) Dans une autre perspective, les transformations que connaissent des artefacts qualifiés « d’art primitif » himalayen en Occident - arrachés à leurs lieux d’origine, ces objets rituels ont changé de statut et d’identité - on déjà fait l’objet d’un premier programme d’étude, dans le cadre de l’ANR Himalart (G. Krauskopff). L’un des éléments de réflexion est le rapport entre leur matérialité et les récits qui leurs sont attachés et donnent chair à leur existence. Au cours des prochaines années, l’étude plus spécifique des objets performatifs que sont les masques permettra d’aller plus loin dans cette réflexion, en s’attachant à ces éléments matériels (masques et costumes) tels qu’ils sont manipulés et agissent sur le public dans le cadre de pratiques théâtrales. Il s’agira de s’intéresser aux relations entre masque et grimage, et entre les masques et les récits qui s’y observent. Ce théâtre votif villageois sera étudié dans des aires distantes (district de Jhapa, Est du Népal et district de Goalpara, Assam, Inde), aux deux extrêmes de l’aire régionale où il est offert aux puissances invisibles tout en constituant un spectacle mêlant incarnation divine et dérision comique. L’étude des pratiques et des représentations des Nahua du Mexique central permettra, quant à elle, de conduire une réflexion sur les couleurs. Il s’agira de s’intéresser aux images des codex religieux du Mexique préhispanique, dont l'iconographie est associée au rituel puisque ces manuscrits étaient pour la plupart des almanachs à vocation divinatoire, ainsi que des livres contenant des prescriptions pour l'exécution des rites. Dans la même optique, l'étude des peintures corporelles des dieux, de leurs prêtres et de leurs dévots s’avère particulièrement instructive dans le cadre des fêtes religieuses des anciens Nahua. Par ailleurs, un nouveau champ de recherche sur les odeurs et la sensibilité olfactive chez les anciens Nahua conduira à une réflexion sur les rites faisant intervenir des fleurs et des matières aromatiques, en particulier sur des objets portés et utilisés par les spécialistes religieux chargés de réaliser ces rites, comme de petits sacs destinés à recevoir le copal et le "pericón" - des calebasses qui contenaient le tabac - et des encensoirs (E. Dupey Garcia). A l’autre pôle de la tension entre matériel et idéel, une étude portera la focale sur la prière et sur le rapport entre celle-ci et le rituel chez les Mayas Tzeltals des Hautes terres du Chiapas (Mexique). Les spécialistes rituels (ch’abajom et poxtawanej) considèrent la prière, non seulement comme une sorte de dialogue entre eux et les divinités, mais comme un être vivant chargé, comme le locuteur, d’une ontologie particulière dont le sens se trouve définis par les rapports autant sémiotiques que linguistiques avec le rituel (H. Figuerola). Les pratiques rituelles La réflexion menée par certains chercheurs du laboratoire sur des rites préhispaniques prend une importance particulière si elle est mise en perspective avec une hypothèse de travail plus générale selon laquelle des pratiques rituelles actuelles gagnent à être éclairées par l’étude de cérémonies anciennes. Cette méthodologie a été développée et affinée par 47 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 D. Dehouve, qui rapproche l’ethnographie de rites observés dans le Mexique indigène contemporain, et les cérémonies aztèques. Ces dernières comportaient de somptueuses représentations de mythes accompagnées de sacrifices humains et animaux : tout dans ces rituels était investi de signification, par exemple l’âge, le sexe et les caractéristiques corporelles des sacrifiés, leurs vêtements et leurs ornements, l’espèce des animaux mis à mort, les mets consommés et les gestes effectués. De nos jours, les rituels des Indiens contemporains continuent à accorder un sens précis à tous les composants des rituels et les cérémonies, d’hier et d’aujourd’hui, et se fondent sur un langage rituel au symbolisme foisonnant. Le projet pour la période 2014-2018 entend poursuivre l’étude des logiques de la mise en œuvre d’un tel symbolisme, en considérant que, malgré des changements évidents dus à l’impact de la Conquête espagnole, les rituels contemporains continuent à obéir à des principes anciens. Un des objectifs est de découvrir de tels principes régissant la mise en œuvre des constructions métaphoriques et métonymiques, et d'énoncer les règles d'un usage spécifique de la polysémie. Le rapport à l’histoire nourrit également une étude envisagée à Madagascar, mais selon une perspective théorique différente. Cette recherche concerne un phénomène de mutation et de régulation de la sphère des esprits, agissant dans le cadre de rituels de possession à visée thérapeutique dans la culture antandroy (sud de l’île). Après avoir interrogé de manière synchronique les termes de la cohabitation entre anciens esprits endémiques et esprits modernes venus de la région Sakalava, au nord du pays, il s’agira d’envisager le phénomène en corrélation avec des événements historiques dont nombre de discours et d’actions semblent se faire la mémoire. Si des événements politiques importants du début des années 1970 peuvent paraître avoir été déclencheurs d’une forme de crise du monde des esprits et des pratiques rituelles, différents éléments d’histoire plus ancienne sont réactivés, parfois à la frontière du mythe, à l’intérieur de récits, de discours para verbaux, de noms et caractéristiques d’esprits, d’actions jouées pendant les rituels, qui placent au centre les interactions récurrentes entre culture Antandroy et Sakalava. L’enjeu est d’explorer en quoi la possession participe à des enjeux sociaux qui la dépassent et, dans la manière qu’elle a d’évoquer la complexité du rapport à l’altérité, se fait le témoignage de fortes problématiques politiques contemporaines (E. Rossé). Enfin, un troisième modèle d’analyse orientera l’étude du cycle rituel de la Passion à Séville, qu’il s’agira de tenter d’éclairer à partir des théories freudiennes (A. Molinié). En Andalousie, les fêtes religieuses se succèdent tout au long de l'année, du carnaval à la semaine sainte, puis à la saison des corridas et à la feria, et enfin à la Fête Dieu. Officiellement ces cérémonies célèbrent les différents moments de la vie du Christ ainsi que les dogmes de la doctrine officielle. On peut cependant voir dans leurs marges des figures inconscientes dissimulées. L’idée est de chercher dans le rituel des ratés du mythe, comparables à des rêves, des lapsus, des oublis, des erreurs ou des mots d’esprit. Il s’agira également de chercher dans les marges du rite des manifestations de l’inconscient et de montrer que ces rituels mettent en scène des fantasmes originaires, des schèmes qui structurent la vie imaginaire de la société andalouse, suivant en cela Freud lui-même qui nous invite à cette démarche: si « au commencement était l’acte », comme il le proclame à la fin de Totem et tabou, pourquoi ne pas chercher les fondations des faits de culture en des actes observables par l’ethnographe, actes rituels dont Freud a montré le lien avec les comportements névrotiques ? Le cycle rituel de Séville sera ainsi examiné à la lumière du conflit œdipien, telle une mise en scène du parricide originel. 48 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 B) Les spécialistes religieux Responsable : Adeline Herrou Les travaux de ce second atelier thématique porteront sur des « virtuoses » du religieux (chamanes, moines, astrologues, devins, fakirs, géomanciens, nouveaux spécialistes cultuels etc.) en s’intéressant à leur contemporanéité comme à leur quotidienneté. Aborder le champ du religieux à travers le prisme de ceux que l’on tient pour des spécialistes de ce champ implique un questionnement sur les compétences et les singularités des identités mobilisées. Il s’agit plus spécifiquement de s’interroger sur la raison d’être de ces différents personnages appelés à agir dans les rituels, à être consultés en aparté, ou encore à livrer des enseignements de façon formelle ou informelle. Pour renouveler le regard que l’on porte sur ces figures clés dans différentes religions, il s’agira notamment d’étudier les accommodements qu’ils font entre traditions anciennes et sociétés modernes, et les nouveaux réseaux qu’ils contribuent à tracer. Trois angles d’approches seront privilégiés : leurs techniques et pratiques, la transmission entre vieux maîtres et nouvelles générations, et la signification plus large des formes de renoncement dans les sociétés actuelles - appréhendées en lien avec l’idée de passion. De la spécialité : techniques et pratiques Une première orientation visera à examiner la façon dont les techniques utilisées par les spécialistes religieux, ainsi que leurs pratiques quotidiennes, se modifient avec les changements et les déplacements que connaissent les groupes dans lesquels ils opèrent. Cela permettra de réfléchir à la nature des savoirs et savoir-faire qui sont les leurs, à la manière dont ceux-ci sont susceptibles (mais pas toujours) d’évoluer, en somme aux spécialités qui font les spécialistes. De quelle façon, par exemple, les techniques chamaniques d'une population tribale de l'ouest népalais se transforment-elles avec la féminisation (temporaire?) d'une fonction autrefois très majoritairement masculine ? Les activités chamaniques sont difficilement compatibles avec les travaux quotidiens dont les femmes ont la charge. La dimension spectaculaire des séances chamaniques tend à disparaître au profit d'un souci de pureté, qui éloigne d'autant le recours aux sacrifices sanglants : c’est une autre relation au divin qui se met en place, et qu'il s'agira d'analyser (A. de Sales) Autre exemple : la relocalisation du culte guatémaltèque de Maximón en contexte nordaméricain —à Los Angeles—, permettra d’analyser l’émergence de nouvelles figures de spécialistes de ce culte, qui élaborent leur personnage et définissent les limites de leurs pratiques dans un contexte déconnecté des communautés religieuses indiennes dont le culte est originaire. S. Pédron Colombani s’intéressera à leurs pratiques quotidiennes, à la façon dont ils redessinent les contours d’une pratique religieuse élaborée en d’autres lieux, et tentera de cerner le rôle joué par ces figures centrales du culte dans les processus de réélaboration d’une mémoire collective propre aux migrants centraméricains. Vieux maîtres et nouvelles générations de religieux Une seconde orientation consistera à interroger le paysage religieux à travers les différents spécialistes qui le composent, et de comprendre comment ceux-ci officient dans des sphères séparées ou parfois, au contraire, superposées, répondant à des demandes très différentes (ou se recoupant occasionnellement), se consacrant à part entière à leur charge ou ne s’y adonnant qu’à temps partiel : par ce biais il s’agira de réfléchir à ce qui « fait » chacune de ces figures. Le cas de la Chine s’avère particulièrement intéressant en ce qu’on y trouve, de longue date, toute une série de personnages religieux — du maître taoïste au moine bouddhiste en passant par le spécialiste de géomancie ou de divination, le médium, le bimo Yi, le musicien ritualiste…— qui, chacun à leur manière, occupent une place clé dans la société locale. Etant donnée la longue période d’interdiction des religions puis la phase 49 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 rapide de modernisation, les différences de mode de vie entre les vieux maîtres et les nouvelles générations sont importantes. Dans un contexte où la charge même de dignitaire religieux, et plus largement la scène religieuse, ont connu d’importantes mutations, il est intéressant de prendre pour sujet les différentes figures de ce que l’on a coutume d’appeler les religions chinoises — le taoïsme, le bouddhisme, le confucianisme, les religions locales — et de les mettre en regard dans leur existence présente. La focale sera portée de façon privilégiée sur les vieux maîtres de chacune de ces traditions, entrés en religion avant la Révolution culturelle et même, pour certains, avant la Libération (1949). Ils ne sont aujourd’hui plus qu’une poignée mais sont les seuls à pouvoir faire état de la manière dont ils pratiquaient autrefois certains rituels et techniques d’ascèse. Derniers dépositaires de ces savoirs et de ces techniques, qui pour certains sont sur le point de disparaître voire sont déjà tombés dans l’oubli, leur étude permettra de comprendre la situation d’aujourd’hui telle qu’elle s’est installée en partie dans la continuité mais aussi en rupture d’avec leurs traditions et leur époque. De façon plus large, cette étude comparatiste et pluridisciplinaire invitera à s’interroger sur les raisons d’être des différents maîtres religieux, aujourd’hui en Chine, et sur les virtuosités bien particulières qui les caractérisent dans ce contexte. Ces recherches se dérouleront dans le cadre d’un nouveau programme ANR (2013-2015) porté par le laboratoire, Vieux maîtres et nouvelles générations de spécialistes religieux en Chine aujourd’hui : ethnographie du quotidien et anthropologie du changement social – SHIFU (coord. A. Herrou). Une des pistes consiste à s’intéresser plus spécifiquement aux questions ayant trait à la réhabilitation des cultes et à la réinvention de la tradition. A titre d’exemple, un cas d’étude s’avère particulièrement signifiant : le processus de réhabilitation du culte de la déesse Linshui furen, l’un des grands cultes de la région du Minbei (actuellement le Fujian du nord), et de la tradition rituelle taoïste, empreinte de bouddhisme tantrique et de traces de confucianisme (piété filiale), qui lui est associée, le Lüshan pai (ou Sannai pai). Ce culte a fait l’objet de recherches menées par B. Baptandier, d’abord à Taïwan (en 1979), lieu de son émigration, puis au Fujian (à partir de 1986). Il s’agira dans les années à venir de faire apparaître, avec un recul d’une trentaine d’années et en deux lieux différents, la réinvention des traditions et des rôles attribués à chacun – ritualistes et communautés de fidèles- dans ce contexte. Un tel processus ne va pas, en effet, sans une part de mise aux normes, de réinterprétation de la tradition, mais aussi de transformation des rôles de chaque protagoniste qui ont créé toutes sortes de conflits, de malentendus et de rendez-vous manqués entre vieux maîtres et tenants des structures modernes. Les officiants rituels passèrent soudain du statut jugé subalterne de « maîtres des rituels », fashi, à celui de maîtres taoïstes, daoshi, recevant leur carte de l’Association Taoïste d’État : ils furent dès lors étroitement encadrés. Leurs textes, autrefois recopiés sur ceux de leur maître, parfois réinventés, toujours composites, furent reformatés aux normes orthodoxes du canon taoïste, tout comme leur costume rituel. Les médiums des divinités et leurs communautés de fidèles - communautés économiques et thérapeutiques - furent en revanche mis à l’écart et jugés suspects d’être des ferments séditieux, tout comme certains personnages au statut équivoque, « taoïstes de campagne » pourrait-on dire, car non initiés officiellement. Une autre piste consistera à interroger le renouveau du bouddhisme chinois à travers l'étude du pèlerinage du Putuoshan (sur l'archipel de Zhoushan, dans la province du Zhejiang), haut-lieu national et international voué au bodhisattva Guanyin, révéré dans toute l'Asie. Les transformations qu'a subies cette île depuis le début des années 1980, marquées par le développement touristique et les politiques de patrimonialisation (musées, expositions, fêtes), peuvent être appréhendées à travers l’étude d’un maître charismatique, Miao Shan (1909-2000), qui fut l’abbé du principal temple bouddhique de l’archipel et dont la trajectoire de vie et les actions donnent à penser cette modernisation. Au regard des phases de ruptures que la société chinoise a traversées durant le XXe siècle et dans le contexte 50 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 actuel de la construction d'une Chine puissante sur la scène internationale, la transmission apparaît au cœur des enjeux de la diffusion du bouddhisme en Chine, en Asie, et dans le reste du monde. Saisir les modalités d'apprentissage et d'enseignement bouddhique permettra de comprendre les nouvelles configurations des pratiques et des représentations du bouddhisme en Chine (Cl. Vidal) Il s’agira également de mener, au Hunan (Centre-Sud de la Chine), une recherche sur les transformations du monde religieux et de l’écologie du Pic du Sud. Cette montagne, partie prenante d’itinéraires des chamanes de l’antiquité, marqueur rituel du Sud de l'empire chinois et important centre historique de la sinisation de la région, abrite de longue date des communautés bouddhistes et taoïstes au centre de vastes réseaux de pèlerinage. Les points de vues des vieux maîtres vivant en ermites, spécialistes très respectés des techniques taoïstes de méditation et de travail sur le souffle, maîtrisant des rituels exorcistes et médicaux, ou grands connaisseurs en matière d’herboristerie, de géomancie et de géographie rituelle, apporteront des témoignages sur les processus contemporains qui transforment la montagne : construction de l’Association taoïste d’Etat et formation professionnelle des religieux, patrimonialisation et tourisme de masse, industries forestière et pharmaceutique (G. Favraud). Dans cette perspective, une autre ethnographie visera à recueillir et analyser le point de vue des vieux moines eux-mêmes (de l’ordre Quanzhen, au Shaanxi) sur les évolution de la vie monastique, notamment sur l’interdiction de certaines pratiques (l’astronomie calendaire, l’alchimie externe, certains rituels) en même temps que l’assouplissement des règles qui autrefois régissaient les communauté, et qui imposaient une tradition du secret - confinant certains savoirs dans un entre-soi qui s’est vu, de fait, grandement transformé. Par comparaison, l’étude sur quelques maîtres taoïstes Zhengyi de Shanghai (qui ne sont pas des moines mais peuvent se marier et ne logent pas dans les temples) s’avérera également significative, dans le sens où ceux ci doivent aujourd’hui exercer les rituels dans les temples et sont invités à y passer leurs journées alors que leurs prédécesseurs des années 1950 vivaient selon un mode de vie très différent - ils se rendaient chez les gens pour officier, en transportant les divinités sous différentes formes allant des peintures murales aux statues sur palanquin en passant par des panthéons en miniature portatifs, des objets cultuels qu’ils n’utilisent plus et dont il ne resterait que de rares spécimens (A. Herrou). Renoncement et passions Une troisième orientation consistera à s’interroger sur l’opportunité d’un rapprochement entre différents spécialistes religieux de par le monde, à travers une problématique commune ayant trait à l’articulation entre renoncement et passion. Alors que le renoncement aux émotions est prôné à différents stades de la pratique au sein de certaines traditions religieuses asiatiques (hindoues, bouddhistes, taoïstes…), l’idée même du détachement est au cœur de nombre de (de toutes les ?) traditions monastiques chrétiennes. Souvent perçu comme le « sans-passion », dans de nombreux contextes —mais pas toujours— le moine tend à se couper de toute attache et, quand bien même il continuerait à entretenir des relations avec ses proches, l’important n’est plus là mais de se consacrer à une quête de quelque chose de plus essentiel. Que peut signifier vouloir se défaire d’une certaine forme d’affectivité ou tenter de ne plus éprouver d’émotions, pour le moins au sens usuel (mondain) du terme ? Pourtant, il semblerait que cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de place pour la passion en contexte monastique. Au contraire, seul un tel renoncement pourrait permettre d’accéder à d’autres registres d’affects, voire à des formes (suprêmes?) d'exaltation. Cet atelier souhaite interroger le statut des sentiments, des émotions, et de l'intime, au sein de mondes monastiques divers et, pour poser la question des affects des moines, étudier la manière dont ces derniers les pensent, les éprouvent, les expriment, les modèrent, les réfrènent ou, au contraire, les exaltent. Il s’agira aussi de réfléchir au statut qu’ils confèrent 51 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 aux émotions et aux sentiments, ainsi qu’à leur maîtrise, laquelle est souvent tenue comme garante de la vie communautaire et, surtout, comme partie importante de l’ascèse et de la performance rituelle - et ce parfois différemment au fil d’une carrière monastique. On pourra, en dernière instance, se poser la question de l'existence d'une culture monastique des affects. Ce projet s’inscrit ainsi dans le prolongement d’un précédent séminaire de recherche, « Figures de moines et autres ascètes ou renonçants » ( coord. A. Herrou & A. Poujeau, cf. bilan axe 4). Opérations de recherche Cette réflexion rassemblera à la fois des chercheurs sur la base de leurs recherches individuelles (A. de Sales, S.Pédron Colombani), et dans le cadre d’une nouvelle équipe de recherche internationale (ANR Shifu, 2013-2015) coordonnée par A. Herrou et impliquant B. Baptandier, G. Favraud, C. Vidal, Ko Peiyi, en collaboration avec dix autres chercheurs en France, Angleterre, Etats-Unis et Chine. Outre l’organisation de journées d’étude et de colloques, ce programme constituera un fonds documentaire, élaborera un site internet dédié, et vise à la réalisation de plusieurs films. Il appuiera le séminaire « Figures de moines et autres ascètes ou renonçants » (coord. A. Herrou et A. Poujeau), initié en 2009, qui poursuivra ses travaux sur la base d’un séminaire mensuel. C) Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux Responsable : Sylvie Pédron Colombani Le développement de nouvelles technologies de l'information et de la communication, le caractère de plus en plus global de l'économie mondiale et les flux migratoires qu'elle a générés transforment nos sociétés, brisent les frontières, bouleversent les repères établis. Le religieux est lui aussi transformé, de façon aussi intense que rapide, par ces changements spatio-temporels. On observe une intensification de la circulation trans-territoriale des adeptes, des spécialistes religieux, des rituels, des symboles et des croyances qui auparavant appartenaient à une pratique religieuse en relation avec un contexte historico-géographique plus précis, avec ses propres implications identitaires, culturelles et politiques. Cette globalisation est faite de mouvements multiples qui impliquent des articulations complexes entre le local, le régional et le global, amenant certains auteurs à parler de « glocalisation ». D’autre part, elle signifie en grande partie le passage de l’international, pensé en termes interétatiques, au transnational : les stratégies d’expansion religieuse sont aujourd’hui beaucoup moins liées aux hégémonies politiques et relèvent souvent de nouvelles logiques qui ne dépendent plus des rapports entre les États. Dans cette perspective, un certain nombre de chercheurs du LESC ont centré leurs projets de recherche sur le thème de la mobilité du religieux, l’abordant à partir d’une pluralité de terrains et de questionnements. Religions transnationales : entre réseaux globaux et ancrages locaux Une première orientation abordera ces questions à partir de l’analyse des religions dites transnationales. En ce sens, les mouvements évangéliques, qui ont véritablement explosé au cours des vingt dernières années un peu partout dans le monde, apparaissent comme des mouvements particulièrement à même d’éclairer ces processus de globalisation religieuse. Ils sont sans doute parmi ceux qui fonctionnent le mieux selon des logiques de réseaux transnationaux, usant d’une visibilité médiatique, articulant tradition et modernité, inscription mondiale et quête identitaire, et se prêtant à l’hybridation des croyances et des pratiques. Des recherches se pencheront sur la dynamique d’expansion de certains de ces groupes afin de mieux cerner leur insertion dans des réseaux transnationaux. Au regard du développement exponentiel de ce type de groupes en Amérique latine et des transformations majeures que leur implantation a impliqué au cours des dernières décennies, ce sous-continent occupera une place particulière dans le projet. C’est ainsi que J.- 52 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 P. Chaumeil et P. Deshayes continueront leurs travaux sur la religion Israëlita. Cette dernière, mélange de messianisme biblique et de millénarisme inca, est née au milieu des années cinquante dans la région andine d’Arequipa au Pérou et regroupe aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers d’adeptes à la recherche de la Terre Promise dans la forêt amazonienne. Se considérant comme les représentants légitimes sur terre du peuple juif, le mouvement a pris l’appellation de « mission Israëlita » et s’étend désormais au-delà des frontières péruviennes (en Colombie, au Brésil, en Equateur). C’est la dynamique d’expansion transnationale de ce mouvement autochtone, appartenant à ce que J.-P. Bastian a appelé le « protestantisme populaire », qui retiendra leur attention. Parallèlement, les champs religieux locaux qui s’ouvrent rapidement et massivement aux nouvelles pratiques et représentations véhiculées par ces groupes religieux sont eux-mêmes travaillés par leur insertion. D’où l’intérêt d’articuler une réflexion en termes de réseaux transnationaux avec une prise en compte de la dimension locale du phénomène et des enjeux de leur relocalisation. C’est ainsi que le projet de J.-P. Chaumeil porte également sur l’expansion des églises évangéliques (adventistes en particulier) en Amazonie et sur les répercussions de leur implantation sur les nouvelles formes de leadership indigène en Amazonie péruvienne. La plupart des leaders indigènes actuels sont en effet issus du système d'éducation bilingue qui est longtemps resté aux mains des évangélistes. Il s’intéressera notamment à l’étude de la nature du discours adventiste concernant les modèles du leadership, dominé par la figure du "self made leader", où la loi de dieu remplace la loi de la communauté. Il examinera également la formation des "spécialistes culturels" indigènes, et le recours au néo-chamanisme et au rituel de l'ayahuasca pour devenir un "bon leader" ou un leader moderne. Des doctorants actuellement inscrits au LESC apporteront leur contribution à cet axe de réflexion. M. Chosson s’intéresse justement à la diversification de l'offre religieuse -et notamment à l’introduction des Eglises évangéliques- à Aguacatenango, village tseltal du Chiapas. Elle essaie de montrer qu’au-delà du seul changement de credo religieux, leur arrivée a bouleversé les relations qu’établissent les acteurs sociaux dans leur vie quotidienne et institutionnelle. Dans la continuité de son travail de thèse, elle analysera le morcellement des identités religieuses qui remet en question le principe l’unité de la communauté villageoise et a pour conséquence le développement de conflits, parfois violents. A partir d’une enquête de terrain centrée sur le point de vue des « traditionnalistes » –acteurs catholiques pris dans le système traditionnel des charges liées aux confréries héritées de la colonie-, elle tentera d’éclairer les possibles mécanismes d'adaptation de ces derniers à ce nouveau contexte socioreligieux. Et D. Jabin, dans sa thèse de doctorat portant sur un système d’esclavage indigène en Amazonie -à partir d’un travail de terrain mené chez les Yuqui de Bolivie-, se propose d’éclairer le phénomène en portant une attention particulière au contexte sociohistorique ayant provoqué la rencontre des Yuqui avec les missionnaires évangélistes de la New Tribes Mission et à l’influence de ces agents prosélytes au sein de la société yuqui. L’intervention des ethnomusicologues permettra également de prendre en compte la dimension musicale de cette expansion transnationale évangélique. En août 2012, H. Ferran a commencé à numériser la plus grande collection de musiques évangéliques éthiopiennes au monde (fonds des missionnaires canadiens Lila et Paul Balisky). Son objectif futur est de constituer une base de données interactive et accessible en ligne qui permette, en l’interrogeant, de saisir la manière dont ces musiques ont circulé et évolué dans le temps. Ces informations orienteront les enquêtes à venir et enrichiront les données collectées sur le terrain. Ses recherches postdoctorales portent d’ailleurs sur l'implantation et la diffusion musicale des protestantismes évangéliques en Éthiopie. À partir de l’étude ciblée de la Sudan Interior Mission (SIM), il tentera de cerner les stratégies d'évangélisation musicale mises en œuvre par les missionnaires dans les sociétés du Sud-ouest éthiopien, de 1930 à nos jours. La 53 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 SIM ayant recruté des missionnaires d’obédiences et de nationalités diverses, issus de traditions hymnologiques différentes, il est difficile de savoir quelles musiques ils ont employées sur le terrain éthiopien. Il importe donc de comprendre comment ces chants ont été reçus par les populations du Sud-ouest éthiopien ; quelle fut la participation des autochtones dans le travail d'inculturation musicale ; quelles musiques sont nées des interactions entre missionnaires et populations locales ; comment les hymnologies naissantes ont-elles circulé, avant d'interagir entre elles ou avec d'autres, sur des territoires de plus en plus grands ; dans quelle mesure les contextes politiques, les situations de pluralité religieuse et musicale, et tout autre facteur économique ou technologique, ont favorisé ou freiné le développement de ces musiques ? Une autre piste de réflexion tournera autour des religions afro-américaines, dont l’étude a fortement contribué à alimenter la réflexion sur la transnationalisation du religieux. Dans la lignée des travaux inaugurés par S. Capone avec qui elle réalise sa thèse de doctorat, M. Guillot étudie justement la transnationalisation des religions afro-brésiliennes au Portugal, où, depuis 1974, et la fin de la dictature et des colonies portugaises, une quarantaine de maisons de culte (terreiros) ont été ouvertes. Son terrain se situe plus spécifiquement dans la Région de Lisbonne, au sein de plusieurs terreiros de candomblé et d'umbanda rassemblant une population très largement portugaise, blanche, et ayant à leur tête des chefs de culte portugais ou brésiliens. Cette recherche part du postulat que la diffusion des religions afro-brésiliennes en terre portugaise s’inscrit en partie dans une longue tradition de circulations de croyances, pratiques et représentations au sein d’un espace -Portugal, Afrique, Brésil- façonné par l’esclavage, la (dé)colonisation et les mouvements migratoires. De fait, à partir de l’analyse des mécanismes et processus intrinsèques à cette transnationalisation contemporaine, l’ambition de cette recherche est de définir la complexité des rapports de pouvoir à l'œuvre aujourd’hui au Portugal dans cette rencontre culturelle, et de montrer en quoi la réappropriation des religions afro-brésiliennes par les initiés portugais convertit ces religions en héritage de leur propre histoire. La réflexion sur l’ensemble de ces mouvements religieux transnationaux permettra de mieux saisir la création de nouveaux métissages et nouveaux hybridismes, ainsi que la naissance de nouvelles formes de discours identitaires. Migrations, diasporas et religions Une seconde orientation se tournera vers l’analyse de la mobilité religieuse, à partir d’une réflexion autour de la migration et des logiques de diasporas. Depuis les années 1990, l’intensification des flux migratoires combinée à une visibilité croissante de la « religion des migrants » -notamment dans les villes d’accueil- ont poussé les chercheurs à s’intéresser au rôle des migrations dans la diffusion et la création religieuses -ainsi d’ailleurs qu’à la place des religions dans la compréhension des processus migratoires. Le réexamen du rôle de la religion dans les processus de remémoration, de recréation de la mémoire et de transmission du passé dans le cadre de la migration et de la diaspora, est une préoccupation centrale dans un certain nombre de recherches déjà engagées ou naissantes au sein du LESC. C’est ainsi que M. Baussant travaillera sur les liens entre reconstruction des représentations du passé partagées et affiliation religieuse à un groupe, à travers deux terrains – l’un sur les juifs d’Egypte en France, mené depuis plusieurs années et l’autre sur les leaders du MTA et des Comités Palestine. Les juifs en Egypte constituaient une population hétérogène, d’origines, de statuts, de nationalités et de rites divers, population qui, bien qu’installée depuis plusieurs siècles, s’est renouvelée et développée au début du 19eme siècle. Elle est ensuite partie en trois grandes vagues successives, après différents événements politiques (1948, 1954, 1967), pour aller s’installer dans différents pays, dont pour beaucoup la France et Israël. Il s’agit donc d’une population composée en grande partie de migrants venus en Egypte et qui, en partant du pays, se sont constitués en communauté nationale, « les juifs d’Egypte », là où les 54 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 identifications étaient autrefois multiples et davantage ancrées localement. En suivant les pistes développées par Maurice Halbwachs et de Roger Bastide, M. Baussant s’intéressera en particulier au rôle du religieux comme cadre social de la mémoire dans le présent– tant dans les rituels que dans les interactions et les pratiques relationnelles induites par l’affiliation religieuse – dans la redéfinition d’une judéité et d’un judaïsme égyptiens singuliers (Memmi, 1962), suite à l’exil d’Egypte et la dislocation de la communauté juive – exil convoqué par les juifs d’Egypte sous le terme de Second Exode-. Elle s’intéressera notamment aux paradoxes que soulève cette redéfinition, avec l’élimination de certains aspects de l’héritage culturel et cultuel et la valorisation d’autres, qui entend construire un imaginaire minimal de la continuité entre le passé, le présent et l’avenir. Parallèlement, elle souhaiterait débuter un autre terrain autour des mutations d’une identité « arabe » commune dans l’immigration vers une identité « musulmane » à travers la reconstruction des trajectoires biographiques de leaders du Mouvement des travailleurs arabes et des Comités Palestine. Dans le domaine américain, on voit émerger depuis quelques années des travaux axés sur les flux de migrants entre Amérique latine et Amérique du nord, suscitant une réflexion sur la place des religions dans ces processus migratoires. Le travail de S. Pédron Colombani se propose d’aborder les processus de trans-localisation que sont en train de vivre certaines religions connues comme « traditionnelles », issues du monde indigène, dans le cadre de cette migration. Elle pose elle aussi la question du rôle de la religion dans les processus de remémoration, de recréation de la mémoire et de transmission du passé. Dans cette perspective, elle a initié un travail sur la circulation transnationale d’un culte originaire d’une communauté indienne maya tzutuhil du Guatemala –le culte de Maximón- qu’elle envisage de poursuivre en privilégiant deux aspects. Elle souhaite analyser le lien entre la migration des centraméricains et la relocalisation de ce culte et s’intéresser à la dynamique d’inscription de celui-ci dans des réseaux de migrants centraméricains dans la ville de Los Angeles. Dans ce cadre, elle s’intéressera notamment au rôle joué par les botánicas - à la fois centres spirituels, commerces d’approvisionnement en objets religieux de provenances diverses et centres de santé alternatifs- et aux spécialistes religieux qui leur sont rattachés. Elle souhaite développer ce travail car ces espaces sont des univers où s’organise la circulation des pratiques et des croyances et où, justement, les formes de religiosités traditionnelles issues des pays d’origine de ces migrants entrent dans des réseaux de circulation transnationaux, se mêlant à différents courants. D’autre part, elle souhaite travailler sur les interactions entre la figure de Maximón –mais aussi d’autres figures de saints populaires latino-américains particulièrement vénérés par les migrants centraméricains- et les circuits néo-ésotériques ou les réseaux New-Age. A partir des années quatre-vingt, le New-Age –expression d’une religiosité de la globalisation- est entré en interaction avec diverses traditions religieuses syncrétiques et ethniques et a contribué à la réinterprétation de celles-ci à partir d’une matrice holistique, éclectique et universaliste. Sa rencontre avec des figures majeures du catholicisme populaire, les processus de resignifications et d’hybridation qu’elle implique, seront au cœur de sa réflexion. La circulation des migrants suscite donc de nouvelles dynamiques religieuses et en réactive d’anciennes. Ce phénomène est particulièrement visible dans le développement des diasporas, qui allient logique transnationale et processus d’insertion dans la terre d’accueil. Le travail de B. Formoso constitue une contribution à cette réflexion sur la mobilisation d’éléments religieux de la part de populations en situation de diasporas. Il poursuivra notamment la recherche qu’il a entreprise au cours de la période précédente auprès des Chinois de la diaspora établis dans les sociétés thaïlandaise et malaisienne ; ces contextes nationaux ayant été choisis du fait de leur caractère très contrasté sur le plan culturel (population dominante de Thaïs bouddhistes dans un cas et de Malais musulmans dans l’autre), et des politiques que les deux pays conduisent à l’endroit des communautés issues de l’immigration (assimilationnisme d’un côté, ségrégationnisme de l’autre). La recherche 55 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 portera sur les stratégies d’intégration sociopolitique à la société d’accueil, et de différentiation culturelle que mettent en œuvre les élites entrepreneuriales chinoises en utilisant pour ce faire les activités philanthropiques à caractère religieux. Ces activités philanthropiques sont aussi bien tournées vers la société d’accueil que vers la Chine et sont le motif de nouvelles formes de filiation non plus familiales, mais cultuelles au lieu d’origine. L’analyse portera également sur les formes de capital symbolique qu’accumulent les entrepreneurs par leurs dons multi-orientés aussi bien en Thaïlande ou Malaisie qu’en direction de leur lieu d’origine, et sur les implications de ce double investissement -dont il convient de préciser le degré d’intensité- sur leur positionnement identitaire. La dimension musicale de ces processus de réinvention des identités religieuses en contexte migratoire sera également abordée, notamment grâce à la collaboration d’H. Ferran (voir présentation supra) : à travers l'étude ciblée de la diaspora évangélique éthiopienne du Canada, il examinera tout particulièrement la manière dont la musique opère dans la migration des cultes et participe à la fabrique des sociétés multiculturelles comme le Canada. Religions et circuits médiatiques Dans le transnational, la mobilité du religieux n’est pas seulement « passage des frontières » et « parcours migratoires ». La circulation des imaginaires, des croyances et des pratiques doit aussi beaucoup à l’insertion des acteurs religieux dans des réseaux d’échanges par le biais d’outils modernes de communication tel internet. Traversant plusieurs recherches des membres du LESC –notamment S. Pédron Colombani qui s’intéressera aux sites internet dédiés à différentes figures de saints populaires, notamment San Simón-, cette thématique sera particulièrement développée par une jeune doctorante qui vient d’engager une thèse sous la direction de L. Caillet : Lee Mi-ok s’intéresse en effet au renouveau de la culture chamanique coréenne en lien avec le développement d’internet. Ce dernier a créé un véritable bouleversement dans le chamanisme coréen, car de pratique socialement et religieusement ambiguë et cachée, il est devenu brutalement accessible autrement que par le bouche à oreille. Il devient possible de connaître des centaines de chamanes, leurs pratiques et leurs spécialités. Certains chamanes coréens ont ouvert leurs propres sites, qui livrent quantité de renseignements tant par la documentation qu’ils proposent (textes, photos, films) que par la présence de pages d’échanges avec les clients. Aussi, à travers leur étude, elle se propose d’aborder la pratique moderne du chamanisme et son évolution au début du 21e siècle. La question des influences réciproques du net et du chamanisme sera au cœur de sa réflexion. Tous ces travaux seront discutés collectivement dans des journées d’études organisées par la responsable de ce sous-axe. D) Musiques et rituels Responsables : R. Martinez, J. Lambert La musique est omniprésente dans les rituels, dont elle constitue souvent une activité centrale, à tel point que, dans ces cas, la réalisation du rituel ne pourrait être envisagée sans elle. Paradoxalement, si de nombreuses monographies ethnomusicologiques et ethnologiques en témoignent, il y a eu jusqu'ici très peu de travaux théoriques (à l'exception du livre de Gilbert Rouget, La musique et la transe). Dans ces monographies, trois thèmes apparaissent de manière récurrente : les rapports entre musique et temporalité rituelle ; la relation avec l’invisible ; les interactions sociales. A partir de ces trois thèmes il s’agira de montrer comment les comportements musicaux autant que les productions sonores elles-mêmes participent activement à la création de la situation rituelle. Autrement dit, il s’agit de montrer que les pratiques musicales, dans ces contextes, sont des actions rituelles à part entière, en s’interrogeant sur ce qui, dans la nature même de l’acte de musique, tout comme dans la 56 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 nature même de la matière sonore, fait que les pratiques musicales sont des outils si largement privilégiés de la construction de l’activité cérémonielle. Cette perspective privilégie la musique en tant que faire, la musique en tant qu’agent de la transformation. Pour plusieurs auteurs (Bloch, Gell), le temps rituel est assimilé à un temps statique ou cyclique, un temps « pétrifié », qui s’opposerait au temps quotidien où seraient utilisées des notions universelles relatives à l'écoulement du temps et à la dégradation. La communication ritualisée serait donc liée fondamentalement à des modes spécifiques de formalisation de la temporalité entretenant la fiction d’une permanence (des groupes, des institutions), qui serait une forme de résistance à l'inexorable usure du temps, mais « répétitive parce qu'inefficace » (Bensa). La musique ferait donc partie de ces pratiques ritualisées qui, par leur retour récurrent (l’interprétation des mêmes répertoires aux mêmes moments), entretiendraient cette affirmation de la permanence. Toutefois, ce qui importe de mettre en avant ici, c’est le rôle de l’activité musicale en tant qu’outil de manipulation du temps rituel et de la création de sa spécificité. L'organisation du temps Des événements sonores sont universellement utilisés pour marquer le commencement, la fin d’un rituel, le changement d’une séquence à l’autre. Dans un très grand nombre de rites, la musique est jouée durant de longues séquences. Parfois celles-ci se doublent d’autres actions rituelles, dont la musique – et parfois la danse- constituent l’activité principale. Dans nombre de sociétés amérindiennes, mais également en Afrique et Asie, il existe des rituels dont la musique se déroule de manière presque ininterrompue du début jusqu’à la fin. Or, c’est en jouant avec l’enchaînement des pièces musicales que les acteurs produisent différentes perceptions du temps : écoulement d'un temps doté d'un début et d'une fin ; superposition de deux perceptions, l'une linéaire et l'autre cyclique ; création de formes, par exemple symétriques. L'organisation musicale modifie la perception de l’action rituelle qu’elle affecte : par exemple deux actions apparemment distinctes se font avec la même musique : entrée au village, sortie du village. Ainsi, par la musique, il est possible de rendre perceptible l’écoulement du temps rituel, et de créer en même temps une « conscience » de son organisation. Dans beaucoup de cas les ethnomusicologues se sont aperçus que les différentes musiques interprétées dans un rituel pouvaient être abordées en tant qu’organisation sonore globale, macro structurelle, qui peut être comprise comme une forme musicale en elle-même. Or, les formes musicales requièrent un mode de perception spécifique dont une des caractéristiques principales consiste à mémoriser d'abord des événements sonores successifs, pour en saisir ensuite la configuration. Ces événements se réorganisent dans une autre dimension qui constituerait le temps musical (Souris), sorte de « méta-conscience » du temps où les événements sonores acquièrent d’autres saillances et d’autres dimensions. Dans ce domaine, de nombreuses observations de terrain ont déjà été faites (Lambert, Martinez). Dans la même perspective, M. Rovsing Olsen poursuivra ses recherches sur les chants de femmes dans les rituels de mariage chez les Berbères du Haut Atlas au Maroc. Simultanément, de nouvelles enquêtes continueront à alimenter les comparaisons possibles. Ainsi, comme dans toutes les églises d'Orient, le rite copte orthodoxe d'Égypte est intégralement chanté. Les offices sont le contexte privilégié de ces pratiques musicales, cantillations, hymnes, psaumes, qui sont chantés différemment selon la saison liturgique à laquelle ils se rapportent. Après la soutenance de sa thèse (début 2013), S. Gabry-Thienpont étudiera les parallélismes entre les différents temps liturgiques et les tons utilisés, de même que les significations induites par ces choix. Compte tenu des études déjà réalisées, le projet pour la période 2014-2018 consistera surtout à les rapprocher afin de dégager les termes d’une comparaison systématique. 57 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 La qualification du temps rituel : relation avec l'invisible et expérience corporelle. En tant qu’expérience, les pratiques musicales contribuent de manière essentielle à qualifier ce « temps rituel », à lui donner une nature différente du temps normal, en créant un état des sens particulier, selon des modalités dont plusieurs sont présentées dans d'autres parties du présent projet (voir axes 2 et 3) : - La variation de la perception sonore dans la musique : chants, jeu des instruments, variations de l’instrumentation, saturation des timbres, changements de dynamique et saturation du volume. - Les autres expériences sensorielles accompagnant la musique (visuelles, tactiles, olfactives), redondantes ou non avec elle. - Effets psycho-physiologiques particuliers comme l'hyperventilation dans le jeu des flûtes, la désorientation spatiale produite par le balancement corporel, la transe. - Les émotions, codifiées culturellement et mises en relation avec des formes d’organisation de la matière sonore. - L'agentivité de certaines formes musicales à qui est attribuée la valeur d'êtres invisibles et actifs. Le temps rituel est ainsi vécu comme une expérience sensorielle, corporelle, qui se transforme continuellement, à travers un processus d’embodiment. Il se produit un événement fusionnel dont la puissance réside dans la force d'accumulation et de convergence des vécus corporels, sensoriels, émotionnels. La musique en tant qu'interaction. La récurrence de la musique comme un des moyens de l'interaction rituelle peut être comprise par la nature de la communication qu’elle est susceptible de produire : non verbale, émotionnelle, sensible, corporelle. Houseman a largement souligné le caractère secondaire de la communication verbale dans le rituel. Il se produirait ainsi une sorte de concordance entre le type de communication et d’interaction que la musique suscite, et la modalité communicationnelle de l’action rituelle. Si, dans les polyphonies de Sardaigne, comme dans nombre de musiques rituelles, l’architecture même de la construction musicale met en jeu une modalité de relations aux autres qui fait appel à la fois au partage et à la compétition (B. Lortat-Jacob), d'autres modes d'interactions sont également mis en évidence par les relations de la musique et du rituel. Dans d'autres cas de figure, la participation de plusieurs groupes ethniques ou linguistiques au même rituel permet une articulation de leurs relations d'une manière à la fois hiérarchisée et complémentaire. Dans une thèse en préparation sur les Pygmées Babongo au Gabon et leurs voisins non-pygmées, M. De Ruyter envisage les pratiques musicales rituelles comme moyen privilégié pour dégager les logiques relationnelles entre ces populations. L’approche s’effectue d'une part à l'échelle de la performance musicale au sein d’un rituel d’initiation masculine qui met en œuvre l’identité ethnique des voisins, d’autre part, à l’échelle macrostructurelle de ces rituels et de leurs organisations sonores prises comme unités. Au delà de sa thèse, elle s’interrogera sur un autre type de modèle relationnel hiérarchisé, celui entre hommes et femmes, à travers l’analyse du rituel d’initiation féminine. Dans une autre configuration encore, dans le cas des polymusiques, chaque personne ou groupe de personnes joue simultanément une pièce musicale sans se coordonner avec les autres, exprimant un message implicite que l'on peut formuler ainsi : « Nous sommes ensemble pour ne pas l’être ».Les recherches sur la polymusique étant encore peu connues et peu publiées, il s'agira de les promouvoir tout particulièrement et d'engager de nouvelles études de cas. Dans les cultes de possession zâr au Yémen comme en Iran, c'est dans la procession, zeffe, du début du rituel, que la polymusique exprime le désordre fondamental causé par les esprits "vents" du zâr, désordre dans lequel se trouve le patient à l'origine du 58 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 rituel, mais au delà, tous les adeptes. J. Lambert et M. Gharasou s'efforceront (respectivement au Yémen et en Iran) d'explorer les significations profondes de cette phase du rituel qui est cruciale pour sa compréhension d'ensemble. Au delà du "désordre", la musique participe aussi à des processus rituels agonistiques. Dans les confrontations musicales des Andes tinku, il se produit des batailles rituelles où le sang doit couler pour fertiliser la terre (A. Molinié), batailles menées une fois par an et qui, après que soient tombés des blessés, et parfois des morts, finissent par une réconciliation ritualisée. Les « combats musicaux » eux aussi finissent parfois mal, glissant vers des affrontements corporels. Mais ces interactions musicales ne sont pas le tinku, on fait comme si, elles participent à la création d’une fiction. Ceci nous renvoie à la notion de « cadre » (frame) proposée par Bateson, qui assimile les comportements rituels aux comportements ludiques, situations dans lesquelles comme le signale Piette, les limites entre fiction et réalité sont toujours faibles. Il s'agira de tester la validité du regard « batesonien » pour une nouvelle approche d’interactions musicales qui vont au-delà d’une modalité de l’être ensemble par la musique et posent la question de leur efficacité. Les travaux de R. Martínez porteront sur les « combats musicaux » chez les Tinkipaya dans la région de Potosí (Bolivie) qui, comme beaucoup de rituels andins, finissent fréquemment par des jeux collectifs fortement érotiques. 59 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 AXE 6 – GENRE ET PARENTE Responsables : Frédérique Fogel, Olivier Kyburz Chercheurs : Sophie Blanchy, Sylvaine Camelin, Isabelle Daillant, Frédérique Fogel, Bernard Formoso, Éric Garine, Olivier Kyburz, Ismaël Moya Doctorants du LESC et post-doc associés : Azita Bathaïe, Akila Bensetti, Juliette Cleuziou, Laurent Gabail, Chloé Violon Cet axe rassemble des questions classiques en anthropologie de la parenté, et d’autres qui le sont moins. Il propose plusieurs perspectives de renouvellement du domaine, en termes d’approche problématique, de méthodologie d’enquête et d’analyse théorique. Ces perspectives procèdent notamment de la prise en compte de la réalité relationnelle du genre et de la dimension transnationale des faits sociaux, et résultent aussi du développement d’outils informatiques de traitement et d’analyse des données. Ainsi, il est encore et toujours question de filiation et d’alliance, de consanguinité et d’affinité, de généalogie et de terminologie de parenté, mais en étudiant par exemple les faits portés et agis par les femmes dans des contextes idéologiquement patrilinéaires, en interrogeant les statuts et les fonctions en rapport avec la régulation sociale, en intégrant de nouvelles affiliations comme celles qui sont liées à la résidence et à l’échange. Les thématiques sont interrogées en corrélation, comme le genre, la parenté et la migration. Enfin, la comparaison atteint une nouvelle dimension dans le projet Kinsources, avec la création d’un outil spécifique à partir d’une question spécifique, celle de l’interaction entre généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des structures de parenté. Ces projets s’appuient sur des réseaux de recherche et des collaborations internationales, et font une part très importante à la diffusion des résultats, en prévoyant des séminaires réguliers, des colloques, des publications et le développement d’un site web attractif. A) Pratiques et représentations de la parenté Responsables : Isabelle Daillant, Olivier Kyburz Le champ des « Pratiques et représentations de la parenté » sera concerné au premier chef par la mise en œuvre du projet Kinsources qui démarrera début 2013. Toutefois, ce projet n’a pas vocation à absorber toutes les contributions relatives à ce domaine. Par exemple, S. Blanchy, qui a montré récemment que l’île de Ngazidja aux Comores présentait un exemple rare de société matrilinéaire, matrilocale et musulmane, examinera désormais plus précisément le cas de l’île voisine d’Anjouan. On y trouve en effet une forte implantation d’Arabes Hadhramis qui ont fourni à l’archipel depuis le XVIe siècle son élite urbaine musulmane lettrée, devenue grande propriétaire terrienne, et ses rois jusqu’à la colonisation française. Mais, là où à Ngazidja ceux-ci régnaient en vertu de leur appartenance à leur matrilignage, tout en étant généralement sharif par leur père, à Anjouan les patrilignages arabes sharifs se sont imposés. Or la matrilocalité y est toujours en vigueur et une transmission par les femmes, bien qu’occultée en première instance par le discours de l’élite urbaine patrilinéaire, existe également. On la trouve particulièrement dans les aires rurales, taxées d’arriérées par les cadis, où s’observe une résistance à l’application du droit personnel et familial musulman, et surtout à l’application de la sharia sur l’héritage au 60 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 bénéfice d’une transmission plus matrilinéaire des biens. L’essentiel des conflits soumis au cadi puis au tribunal dans cette île sont des conflits fonciers et des conflits intrafamiliaux d’héritage. S. Blanchy s’attachera à décrire et analyser l’organisation sociale urbaine et rurale et à évaluer leur hiatus, leur tension, en particulier dans la régulation sociale et ses instruments. Quant au projet Kinsources, il est porté par le LESC et a obtenu un financement de l’ANR-Corpus à hauteur de 350 000 euros environ. Il engage pour l’instant cinq membres du laboratoire : Olivier Kyburz, coordinateur du projet, Isabelle Daillant, Laurent Gabail (postdoc), Ismaël Moya et Chloé Violon (doctorante). Ce projet se situe dans le prolongement des activités du groupe TIP (Traitement informatique de la parenté www.kintip.net) et rassemble des anthropologues, du LESC et du LAS, et des historiens-démographes de l’EHESS-LaDéHis et du centre R. Mousnier (UP IV). Il compte également des partenaires internationaux : le Center for Social Anthropology and Computing (U. of Kent, Canterbury) avec Michael Fischer, la School of Social Science (U. of California, Irvine) avec Douglas White, le Department of Anthropology (U. of California, Los Angeles) avec Dwight Read, et enfin l’Institut Max Planck de Psycholinguistique (Nimègue) en la personne de Peter Withers, développeur du logiciel KinOath 2. L’objectif du projet est la mise en place d’une plateforme ouverte et interactive pour le partage et l’analyse des données de parenté (généalogiques, terminologiques et résidentielles) utilisées dans la recherche scientifique, notamment en anthropologie, en histoire et en démographie. Associant les fonctionnalités d’une archive de sources avec celle d’une boîte à outils mettant à la disposition des chercheurs les logiciels les plus avancés pour leur traitement, cette plateforme s’inscrit dans une perspective de recherche qui vise à comprendre l’interaction entre généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des structures de parenté. La plateforme garantira à la fois la pérennisation et le libre accès à des données dont le caractère scientifique sera validé par la communauté des chercheurs, tout en permettant aux auteurs et aux développeurs de compléter leurs données et de faire évoluer les services web intégrés. Avec l’ambition de réunir, à moyen terme, une grande part des données de parenté utilisées dans la recherche scientifique internationale, cette plateforme constituera un moyen important et inédit pour fournir aux études de la parenté une base empirique solide et un ensemble d’outils analytiques intégrés. Le projet comprendra quatre grandes tâches : – La création d’une plateforme interactive intégrant une base de données ainsi que des logiciels d’analyse dont Puck 3 et KinOath constitueront les pièces majeures de l’architecture. – Le codage et la saisie d’une série de corpus inédits qui s’ajouteront à la centaine de corpus déjà présents sur la plateforme Kinsources (en instance d’activation sur la grille TGE-Adonis qui a accepté d’héberger le projet, et pour l’instant accessible sur www.scizone.net/csac/wiki/kinsrc/KinSources/) et permettront d’atteindre une masse critique suffisante pour encourager les contributions volontaires et pérenniser ce processus. – Le développement de nouveaux outils (conceptuels et informatiques) d’analyse comparative à partir des corpus de la plateforme et dont les réalisations seront intégrées dans les services de celle-ci. – La mise en place d’un réseau de contributeurs-utilisateurs, à travers une série d’actions de valorisation et de sensibilisation à partir de la deuxième année du projet. 2 Logiciel qui interconnecte des données généalogiques et des données non généalogiques archivées sur divers supports (audio, vidéo, textes), disponible sur tla.mpi.nl/tools/tla-tools/kinoath. 3 Program for the use and computation of kinship data, développé par K. Hamberger (membre du groupe, équipe LAS) et disponible sous licence CeCILL sur kintip.net. 61 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Dans ce contexte novateur et ambitieux, les contributions personnelles des membres du LESC peuvent être présentées comme suit : O. Kyburz assurera le pilotage du projet, veillera à la coordination des partenaires scientifiques et se chargera (avec le soutien de l’équipe informatique de la MAE) du suivi des développements effectués sur la plateforme, dont une partie sera externalisée et une autre assurée par un ingénieur du LAS. Au titre de ses recherches personnelles sur les Haalpulaar’en du Sénégal, il complétera ses corpus généalogiques des artisans (boisseliers et tisserands) et tentera d’en constituer un de qualité comparable auprès de pêcheurs de la moyenne vallée du Sénégal, en vue d’une analyse comparée des pratiques matrimoniales de deux groupes « nobles » – Peuls et pêcheurs – d’une part, et de deux groupes « castés » – boisseliers et tisserands – d’autre part, ces catégories sociales étant apparentées deux-à-deux par des mythes d’origine (Peuls-boisseliers et pêcheurs-tisserands). Dans la même perspective d’ancrer une comparaison plus large dans des comparaisons de proximité, I. Daillant s’attachera à constituer le corpus généalogique (déjà amorcé) des Mosetene d’Amazonie bolivienne. Celui des Chimane voisins et apparentés existant déjà, il s’agit d’obtenir ainsi sur deux groupes très proches une paire de corpus qui contrastent pourtant à peu près à tout point de vue. Contrairement aux Chimane, les Mosetene ont en effet été « réduits » en missions au XIXe siècle, et les données provenant des registres de mission déjà traités témoignent d’un réseau profondément marqué non seulement par l’empreinte missionnaire mais aussi par les épidémies. Le codage des données (entamé pour l’une des ex-missions) devra se poursuivre, éventuellement avec des compléments d’enquête pour combler les vides importants laissés dans les registres paroissiaux des dernières décennies par la sécularisation croissante des pratiques. Dans le volet du projet visant à articuler données généalogiques et spatiales, L. Gabail complètera les corpus bassari (Guinée, Sénégal) et poursuivra l’analyse des données résidentielles. Il s’agira d’intégrer à l’analyse du réseau matrimonial des données relevant de l’appartenance à différents types d’unités sociales localisées : 1) les maisons, fondées sur une règle de résidence idéalement patri-virilocale censée maintenir la proximité entre les agnats ; 2) les groupes de travail, qui associent plusieurs maisons voisines et ne sont que partiellement fondés sur la parenté ; 3) les lieux rituels où les parents utérins suffisamment proches se regroupent pour un sacrifice annuel. Ces trois affiliations dessinent les contours de groupes de nature différente, mais tous spatialement définis et exogames. Le but est de mieux comprendre les pratiques matrimoniales en cernant les dynamiques spatiales de concentration et de dispersion des agnats et des utérins qu’elles favorisent. Cette recherche se fera en collaboration avec les collègues du LaDéHis, plus spécifiquement impliqués au sein du projet dans le développement d’outils d’analyse des données géo-référencées. Dans le volet de Kinsources dédié aux terminologies, I. Moya comparera des vocabulaires de parenté disponibles pour des sociétés du Sahel occidental musulman (Sénégal, Mali, Mauritanie). Sa recherche sera centrée sur la distinction de sexe et la nature de la relation frère-sœur et s’appuiera sur son analyse de la terminologie wolof où la relation sœur-frère n’est pas définie par la filiation, mais se comprend dans son opposition à la relation de mariage. Celle-ci lie en effet une paire frère-sœur à une épouse. Frère et sœur sont tous deux des « maris » pour leur épouse commune et le « mari féminin » de l’épouse est, littéralement, un « père féminin » pour les enfants issus du mariage. L’analyse a par ailleurs montré qu’une configuration homologue structure les rituels des âges de la vie. Or, dans la plupart des sociétés de la région, les sœurs du mari occupent une position rituelle comparable à celle observée en milieu wolof. La comparaison des vocabulaires de parenté permettra d’évaluer si la neutralisation de la distinction de sexe est aussi un trait général dans la région ou si, à l’inverse, nous devons comprendre le rôle clé des « maris féminins » du seul point de vue du rituel. Cette recherche sera menée en relation avec les collègues du LAS (L. Barry et K. Hamberger) impliqués dans le volet terminologique de Kinsources. 62 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Enfin, deux collègues, C. Violon, doctorante allocataire UPO, déjà familière des outils développés dans le cadre du groupe TIP, et E. Garine s’associeront au travail mené au sein de cet axe. Tous deux mènent des recherches clairement orientées vers l’analyse quantitative de données systématiquement collectées, tous deux prêtent un intérêt particulier à l’analyse des échanges dans des sociétés agraires au Nord-Cameroun (Duupa, Tupuri) et Tchad (Tupuri Moundang). Chloé Violon consacrera une partie de son travail à délimiter la place des relations de consanguinité et d’affinité dans les relations d’échange de biens et de services. Eric Garine s’attachera à analyser la place de la parenté dans la constitution et la recomposition des groupes de travail, au regard d’autres institutions telles que les classes d’âges dépendant de l’initiation ou les relations de voisinage. B) Genres, parentés, migrations Responsable : Frédérique Fogel Genre, parenté et migration définissent de façon classique les contextes singuliers d’anthropologies distinctes, aux parcours académiques et épistémologiques spécifiques. Cet axe propose de travailler ces trois domaines en corrélation, en articulation, pour ouvrir des perspectives méthodologiques et théoriques qui permettent de prendre véritablement et précisément en compte les problématiques de la mondialisation et du changement social. La mondialisation des échanges et des déplacements, comme le rapport localisé aux pratiques et aux représentations extérieures, a des conséquences sur toutes les configurations sociales dans lesquelles nous enquêtons, groupes, communautés, sociétés. Les effets sont perceptibles à différentes échelles. Nos recherches doivent aller au-delà de la considération des circulations migratoires comme des éléments contextuels de sociétés communément désignées comme « d’origine » ou « d’accueil », quand les phénomènes de circulation s’avèrent plus denses et plus complexes, et quand les conditions économiques, sociales, politiques, des déplacements et des installations modifient les modes de vie comme les identités individuelles, familiales, collectives, sur le plan national comme transnational. L’émigration, par exemple, entraîne des changements dans les relations de parenté et dans les relations de genre, chez les émigrés, entre les émigrés et leurs proches demeurant au pays, mais aussi entre ces derniers. La parenté, entendue ici comme relation entre des personnes qui se reconnaissent comme liées en fonction d’opérateurs pluriels, éléments (ou termes de la relation) d’un « système » (défini par la filiation, l’alliance, la résidence, la terminologie, l’attitude) ou d’une configuration groupale ou réticulaire de ces relations à partir d’un Ego, joue comme référence et comme valeur, tout en se modulant. Quant au genre, il apparaît dans nos recherches non pas comme un complément ou un élément de dialogue, ni un avatar des études féministes, mais comme un point de vue indispensable et intégré ethnographiquement et anthropologiquement parlant, toute relation étant genrée. Au point que les changements dans les relations de genre sont des indications majeures des changements sociaux. Plusieurs thématiques sont envisagées pour le prochain quinquennal. La première aborde la question de l’empowerment de femmes musulmanes. Akila Bensetti enquêtera sur les pratiques et les représentations de femmes sénégalaises installées en région parisienne, membres de la confrérie mouride, sur leur accès à l’autonomie par la migration et l’engagement religieux. Sophie Blanchy s’intéressera au cas de femmes engagées par des programmes internationaux pour travailler au règlement de conflits villageois, sur l’île d’Anjouan, aux Comores. Cet empowerment dans la régulation sociale constitue-t-il une irruption féminine dans le champ politique, masculin ? Et comment se situe-t-il face aux valeurs islamiques de la société anjouanaise ? Juliette Cleuziou étudiera le rapport conflictuel entre l’islamisation de la société tadjike et l’empowerment des femmes 63 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 d’émigrés, obligées d’endosser des rôles masculins et d’intervenir dans la sphère publique. Frédérique Fogel enquêtera sur les pratiques genrées de femmes musulmanes, Sans-papiers, en région parisienne. Comment construisent-elles leur propre registre de sociabilité ? Comment se positionnent-elles dans l’univers des règles de l’État français, laïque, quand les normes auxquelles elles doivent se soumettre pour obtenir leurs papiers, et les conserver, leur apparaissent en contradiction avec les valeurs islamiques ? À Dakar, Ismael Moya interrogera les relations entre genre et islam à partir des positions sociologiques des femmes, subordonnées aux hommes dans les relations à Dieu et au pouvoir politique, et prééminentes dans la sphère relationnelle, en particulier de parenté, et dans les circuits financiers informels. Il analysera les économies morales de l’autonomie féminine, en comparant les valeurs d’empowerment et celles de l’islam, notamment en rapport avec le militantisme islamique. Avec des collègues de l’université de Munster, nous préparons une réponse à l’appel d’offres pour l’ANR franco-allemand 2013 : « Les faits de matrifocalité dans les sociétés musulmanes contemporaines : reconsidérer les rapports de genre dans les pratiques, les idéologies et les législations ». La deuxième thématique interroge, dans des contextes migratoires pluriels, les aménagements et les reconfigurations auxquelles sont soumises les relations de parenté et de genre. Juliette Cleuziou enquêtera sur les relations de jeunes tadjikes, épouses d’émigrés qui travaillent en Russie, avec leur belle-famille chez qui elles vivent. Comment se répartissent les responsabilités et les tâches ? Quelles relations se mettent en place dans un foyer de femmes ? Ismael Moya questionnera la continuité des modes de sociabilité entre les sociétés de départ et les communautés transnationales, au Sénégal, au Mali et en Mauritanie. Les femmes étant les actrices fondamentales des cérémonies et de la parenté, caractérisées par l’omniprésence de l’argent comme forme privilégiée des relations, comment s’articulent les circuits financiers locaux et transnationaux, en particulier féminins ? Que deviennent ces relations, et l’action des femmes, au sein des communautés transnationales ? Azita Bathaïe poursuivra son étude sur les relations de parenté et de genre chez les migrants afghans par une enquête en Turquie, où l’État a mis en place dans les années quatre-vingt des conditions favorables aux populations turcophones d’Afghanistan. La troisième thématique aborde des stratégies d’intégration. Sylvaine Camelin enquêtera sur l’enjeu de la nationalité dans la migration, auprès de femmes arabes qualifiées, exerçant aux Émirats Arabes Unis. Yéménites, Palestiniennes, Irakiennes, elles ne peuvent obtenir la nationalité émiratie. D’où une « migration dans la migration » au Canada, aux USA ou en Australie, pour obtenir un passeport et pouvoir circuler librement. Frédérique Fogel abordera la naturalisation, auprès d’immigrés avec et sans papiers installés à Paris, en relation avec la possibilité (ou non) de conserver la nationalité de naissance, avec l’homogénéité (ou non) des statuts de migrants dans la famille, avec les stratégies de sortie de la précarité administrative. Bernard Formoso enquêtera auprès des élites entrepreneuriales chinoises de la diaspora, en Thaïlande et en Malaisie, sur des activités philanthropiques à caractère religieux, aussi bien tournées vers la société d’accueil que vers la Chine, et qui sont le motif de nouvelles formes de filiation non plus familiales, mais cultuelles au lieu d’origine. Quelles sont les implications de ce double investissement sur le positionnement identitaire des Chinois de la diaspora ? Comment conçoivent-ils, dans ce cadre, la complémentarité des fonctions liées au genre ? Enfin, Frédérique Fogel et Azita Bathaïe coordonneront le projet « Migrations temporaires et temporalités migratoires », répondant au projet européen coopératif 2013 (SSH.2013.3.1-1, Adressing European Governance of Temporary Migration and Mobility to Europe). Cette recherche porte sur les migrations temporaires en Europe méditerranéenne de populations d’Afrique et d’Asie, en focalisant sur le point de vue des migrant(e)s, et en 64 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 valorisant la perspective de genre. Par une approche comparative, pluridisciplinaire et multiscalaire, il s’agit d’étudier des perceptions et des pratiques du temps, individuelles et collectives, dans des configurations migratoires diverses marquées par des enchaînements de contraintes et d’opportunités. L’objectif est d’éclairer dans quelle mesure et selon quelles modalités les acteurs(trices) de la mobilité envisagent et réalisent leurs inscriptions dans les sociétés d’installation, à court, moyen ou long terme. L’ensemble des recherches de cet axe sera régulièrement discuté dans le cadre de l’Atelier – Séminaire de recherche et de formation, Genre, Parenté, Migration, institué en 2011, à l’initiative de F. Fogel et de A. Bathaïe, et fera l’objet d’un suivi sur le carnet de recherches électronique Ethnochronique. 65 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 CENTRE DE RECHERCHE EN ETHNOMUSICOLOGIE - CREM Responsable : Jean Lambert Membres statutaires permanents du LESC : Jean-Michel Beaudet, Anne-Florence Borneuf, Aude Da Cruz Lima, Jean-Pierre Estival, Vincent Dehoux, Jean During, Christine Guillebaud, Aurélie Helmlinger, Sandrine Loncke, Rosalia Martinez, Nicolas Prévôt, Miriam Rovsing Olsen, Joséphine Simonnot, Victor Stoichita A) Présentation générale Principal centre de recherche en ethnomusicologie en France, le centre CREM du laboratoire s'efforcera dans les prochaines années d'approfondir son approche généraliste de la musique afin d'englober toujours plus d'aspects de ce phénomène social et humain majeur, tout en laissant la catégorie "musique" la plus ouverte possible sur le plan conceptuel, notamment vis-à-vis du champ plus général du "sonore". En partant de la variabilité infinie des cultures musicales (dans la tradition du Musée de l’Homme), les chercheurs du CREM infléchiront de manière croissante leur réflexion vers l'analyse des facteurs communs à tous les Hommes musiquants, dans toutes leurs dimensions, géographiques (y compris la musique classique et les musiques populaires occidentales), historiques (la patrimonialisation), cognitives (l'oralité, l'écriture, la perception), et performatives (les rituels, les spectacles). Ces recherches s'appuieront en partie sur une plus grande accessibilité des archives sonores et audio-visuelles de l’équipe et sur une meilleure valorisation des publications en recourant aux nouvelles technologies, en particulier sur son site internet qui deviendra prochainement collaboratif. La redéfinition par les ethnomusicologues de l'objet musique, déjà largement entamée lors des cinq dernières années, va s'approfondir à travers de nombreuses recherches traitant des zones grises entre musique et langage, musique et danse, musique et perception acoustique, musique et environnement sonore. La confrontation entre l'expérience (de l'auditeur, du musicien ou dans d'autres arts) et l'expérimentation (selon des protocoles ad hoc) sera recherchée plus systématiquement. Simultanément, la qualité des enquêtes ethnographiques et musicales restera une exigence incontournable, y compris pour des terrains proches. Le recours à différents points de vue sera recherché, comme un exercice nécessaire à la production d'un savoir à la fois positif et fondamentalement humain sur les pratiques musicales et sonores. Ressources humaines Pour la période 2014-2018, un seul départ à la retraite d'un directeur de recherches au CNRS est prévu, celui de Jean During. Ayant demandé l’éméritat, il devrait pouvoir poursuivre ses activités de recherches. Depuis le 1er juin 2012, J-M. Beaudet (Pr.UPO) est venu renforcer le CREM et l'équipe des enseignants-chercheurs de l’université. Plusieurs étudiants ont soutenu leur thèse en 2012. Le CREM va les intégrer comme postdoc associés sur projets : E. Pistrick, S. Gabry-Thienpont, K. Morand. Le statut de chercheur associé sera mis à profit pour le développement du CREM en réseau, à la fois sur le plan national et sur le plan international, en nouant des collaborations sur programme avec des professionnels de haut niveau. C'est notamment le cas d'H. Ferran, post-doc à l'Université de Montréal, M. Leclair, conservateur au Musée d'Ethnographie de Genève, C. Pasqualino (IIAC), S. Hassan, M.-B. Le Gonidec (IIAC), C. Sandroni (U. de Bahia). 66 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Le PRES « Paris-Lumières » Dans le cadre de la constitution du PRES Paris-Lumières (UPO - Paris 8), spécialisé en art et sciences humaines, des contacts sont établis pour effectuer des rapprochements entre chercheurs et enseignants-chercheurs des deux universités partenaires. Du point de vue des ethnomusicologues, ce rapprochement présente en effet un intérêt particulier, car il renforce une situation déjà existante. En effet, le centre comprend depuis de nombreuses années parmi ses membres les plus actifs des enseignants-chercheurs de l'Université Paris VIII (R. Martinez, S. Loncke), aux côtés des enseignants-chercheurs de Paris Ouest (J-M. Beaudet, N. Prévôt, M. Rovsing Olsen). Depuis quelques années, les étudiants de Master 2 de Paris VIII et de Paris Ouest assistent au Séminaire du CREM et bénéficient de services divers comme le tutorat et l'accès privilégié à ses fonds documentaires. L'intérêt particulier de la nouvelle situation est que les futurs projets de recherches vont associer directement, pour la première fois, un département d'ethnologie et un département de musicologie. Dès à présent, le CREM est partie prenante d’un nouveau projet commun sur le thème "Philosophie, musique et écologie du son", proposé dans le cadre du Labex Arts H2H Laboratoire des Arts et Médiations Humaines (voir infra). Projet d’aménagement du CREM dans de nouveaux locaux Il est prévu que le CREM aménage dans le nouveau bâtiment SHS prévu par l’université à l’horizon 2015, qui lui permettra d'avoir enfin des locaux adaptés à l'exercice de ses missions, notamment des bureaux pour les chercheurs, un espace dédié au traitement du son et aux archives sonores, ainsi qu'un espace de documentation. Cette nouvelle configuration permettra la mutualisation de certaines tâches, ainsi que de certains espaces, notamment avec le centre EREA qui sera installé au même étage. Elle posera notamment le problème de la localisation spatiale de la bibliothèque du CREM, dont le catalogue est actuellement en cours d'adaptation au système de catalogage de la Bibliothèque Eric-de-Dampierre. B) Recherches Plusieurs des thèmes qui seront développés au cours des cinq prochaines années s'inscrivent dans le prolongement de la période précédente, mais ils seront approfondis selon des méthodes renouvelées et grâce à des collaborations accrues avec les autres chercheurs du laboratoire et des chercheurs extérieurs : le geste musical et dansé, la multi-sensorialité (axe 2), les limites du langage, de la voix et de la musique (axe 3), la patrimonialisation (axe 4), la relation entre musique et rituel (axe 5). D'autres thèmes sont plus nouveaux, du moins, au CREM, sous une forme collective : la recherche-action en ethnomusicologie, ou bien l'histoire et l'épistémologie de la discipline (axe 1) ; les environnements sonores (axe 2) ; l’agentivité musicale, ou la construction de l’émotion (axe 3). Ces programmes seront renforcés grâce à de nouveaux partenaires institutionnels extérieurs (ANR, Labex, GDRI, collectivités locales, etc.). Seront présentés ci-après les programmes de recherche plus spécifiques à l'ethnomusicologie, ou ceux qui, tout en s'intégrant aux axes du laboratoire, méritent un exposé plus approfondi. Musiques et politiques mémorielles. Emergence, histoire, appropriation Responsable : C. Guillebaud Dans le cadre du Labex "Les passés dans le présent", plusieurs membres du CREM ont élaboré une proposition de recherche visant à étudier les politiques mémorielles centrées sur la musique et les arts, qui se sont considérablement développées depuis le début du XXème siècle, des premières réformes des années 1930 définissant des musiques « nationales » en contexte colonial, jusqu’aux politiques patrimoniales des dernières décennies, proposant de nouvelles formes de diffusion des arts en contexte de globalisation. Les projets énumérés ci- 67 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 dessous consistent en ethnographies de ces politiques, de leurs acteurs et médiateurs, des diverses représentations du passé qu’elles façonnent, ainsi que de leurs implications actuelles sur les modalités de production et de transmission des savoirs concernés. Les thèmes transversaux retenus sont les suivants : Historicisation des classifications musicales L’émergence de la catégorisation des musiques - en arts « classique », « populaire », « urbain » etc. – sera analysée en différents contextes culturels. Il s’agira de comprendre comment ces classifications ont pu être utilisées comme emblèmes culturels par les politiques nationalistes peu avant les indépendances et jusqu’à nos jours. Micro-histoires des politiques culturelles Il s’agira de reconstituer de manière diachronique et synchronique les manières contrastées de fabriquer un folklore national, de construire un patrimoine, de diffuser une propagande ou encore de « revitaliser » des répertoires. Les processus varient au cours de l’histoire du XXe siècle et en fonction de moments clés tels que l’exode rural, le colonialisme, la fin des modèles soviétiques, les indépendances… On centrera notamment l’analyse sur certaines formes musicales emblématiques qui ont connu des formes de soutien très contrastées au cours de leur développement, de leur moralisation (voire de leur prohibition) jusqu’à leur institutionnalisation et patrimonialisation actuelles. Ces exemples permettront d’éclairer l’évolution du processus de sélection des formes musicales dans l’Histoire et selon les Etats (et situations culturelles) concernés. Analyse de leurs implications locales Seront étudiées les implications de ces politiques sur la manière dont se positionnent les musiciens dans ces nouveaux espaces de jeu : étude de l’évolution de leur statut (d’artisan à celui d’artiste, d’officiant rituel à celui de leader de troupes etc.) ; des formes de transmission par un élargissement du recrutement social (femmes et démocratisation par l’apprentissage institutionnel) et une transformation des normes esthétiques ; de leur réflexivité sur leurs savoirs (via la mise à l’écrit, l’archivage, la promotion dans les réseaux de festivals et circuits du disque et de la Vidéo) Ethnographies des différents espaces de patrimonialisation Seront considérés les multiples espaces dédiés à la patrimonialisation des musiques, tels les centres d’archives, les festivals et les compétitions, afin de mettre en valeur les processus concrets mis en œuvre (formatage, innovation, fragmentation, dissociation) ainsi que le travail des différents médiateurs de ces événements (intellectuels, artistes, tourneurs, folkloristes, scénographes, directeurs artistiques etc.) qui participent en amont à l’élaboration des représentations et à leur adaptation. Les participants travailleront sur les terrains suivants : C. Guillebaud : émergence de la catégorie folk music (Inde) ; J. Lambert : l'invention de la musique arabe (Egypte, Liban) ; E. Amy de la Bretèque : la mémoire sonore et visuelle de la déploration (Arménie, Azerbaïdjan et Turquie) ; A. Anisensel : la réappropriation du Ca Tru (Vietnam), S. Gabry-Thienpont : la patrimonialisation des chants coptes (Egypte) ; J. Jugand : la réappropriation de la musique classique hindoustanie (Inde). Le projet a été soumis au comité scientifique du Labex en vue d'un financement. Histoire de l'ethnomusicologie et épistémologie Responsables : J. Lambert, A. Julien Da Cruz Lima (axe 1) Grâce à l’accessibilité accrue des archives sonores en ethnomusicologie rendue possible par l'application Telemeta (ouverte en juin 2011, voir infra, III Archives sonores), la relation des ethnomusicologues à leurs matériaux de terrain est en train de connaître une véritable 68 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 révolution. Ils sont désormais en mesure d’englober de vastes quantités de données, d’opérer une plus grande contextualisation des documents (notamment vidéo), d’entreprendre plus facilement des recherches thématiques et comparatives, et des recherches diachroniques. Permettant également de faire une histoire des collections (qui sera notamment menée dans le cadre du Labex "Les passés dans le présent"), ces avancées en cascade ouvrent la possibilité que se constitue une histoire de la discipline qui s’appuierait en grande partie sur ces documents, et plus largement encore, une réflexion épistémologique qui permettrait de porter un regard réflexif plus approfondi sur la discipline. Sur le plan de l’histoire, il est clair que cette étape nécessite de faire appel à des historiens professionnels, ce qui a déjà été engagé avec Brice Gérard (EHESS) qui prépare une thèse sur l’histoire de l’ethnomusicologie au Musée de l’Homme à travers deux de ses fondateurs, André Schaeffner et Gilbert Rouget. A travers le volet épistémologique, il s’agira de mieux situer les problématiques actuelles de l'ethnomusicologie par rapport aux débats théoriques (musicologie comparée / ethnomusicologie / anthropologie de la musique) ainsi que la manière dont ceux-ci ont été affectés à la fois par les enjeux institutionnels (Musée de l’Homme / Musée des Arts et Traditions Populaires, création du Musée du Quai Branly) et les enjeux techniques (enregistrements sonores, vidéo). Dans un premier temps, il s’agira donc d’établir un dialogue approfondi avec les historiens et de mener des projets en commun, en particulier avec le CRAL (EHESS) - un premier colloque pourra être organisé en 2014 sur l’histoire de l’ethnomusicologie en France de 1930 à 2000. Philosophie, Musique et Ecologie du son Labex ARTS H2H Responsable : Makis Solomos (musicologue, E. A. 1572, Esthétique, musicologie, danse et création musicale) (Paris VIII) Membres du partenaire CREM : C. Guillebaud, R. Martinez, J-M. Beaudet Autres partenaires : E.A. 4010 (Équipe de recherche Esthétique des nouveaux médias/Laboratoire Arts des images et art contemporain) (Paris VIII) ; E.A. 4414 (HARp : Histoire des arts et des représentations) (UPO) Ce projet porté par l' E.A. 1572, a une double ambition : 1. proposer une réflexion interdisciplinaire sur les notions d’écologie et d’écosophie en relation avec la musique et le son, en tissant des liens entre musicologues, philosophes, musiciens, ethnomusicologues, ingénieurs ; 2. articuler recherche et création expérimentale en relation avec la réflexion sur ces notions. Dans les pratiques musicales contemporaines, les évolutions récentes ont conduit à l’émergence du son comme nœud de questionnements théoriques et pratiques. En explorant le timbre ou le bruit, en haussant l’espace en catégorie centrale, en proposant de nouveaux types d’expérimentation tels que l’immersion sonore, la musique d’aujourd’hui, conjointement aux arts sonores, renouvelle notre rapport au son d’une manière substantielle – et ceci, tant sur le plan de l’activité productive que sur celui de l’écoute. Qu’est-ce qu’un son (où commence-t-il, où finit-il ?), Quelles relations l’auditeur a-t-il avec lui ? Parmi ces questions, plusieurs portent sur l’interaction permanente du son avec ce qui l’entoure : l’espace physique, l’environnement, le milieu, l’auditeur. En partant du concept d'écologie sonore, le projet se propose de mettre en œuvre la musicologie en relation avec la philosophie et la création expérimentale : quels sont les liens de la musique ou du son avec l’environnement et la nature, avec la société, avec la subjectivité ? Et plus généralement, quels sont les liens entre musique-son et monde ? 69 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Le projet comprendra notamment un volet "Analyse des pratiques artistiques et anthropologie du sonore" qui requiert la participation des ethnomusicologues. Une demande de financement a été déposée dans le cadre du Labex Arts H2H. Colloque international "Le modèle et la modélisation en musique" Partenaires : MCAM et LIAM (Montréal), CREM Responsables : Nathalie Fernando et Caroline Traube ; coordinateur MCAM : H. Ferran Responsable partenaire CREM : A. Helmlinger ; chercheurs : J. Lambert, S. Loncke, B. Lortat-Jacob, V. Stoichita. Ce colloque international vise à engager un dialogue interdisciplinaire sur les questions de modèle et de modélisation en musique. Comment modéliser les aspects neurocognitifs, acoustiques, performanciels et socioculturels de la musique et dans quel but ? Comment croiser les regards et les modélisations pour rendre compte de la complexité des faits musicaux ? Dans quelle mesure les modèles obtenus constituent-ils de véritables représentations du réel ? En quoi la modélisation nous renseigne sur les capacités humaines et sur les conduites des chercheurs et des musiciens (compositeurs, interprètes, improvisateurs, enseignants ou apprenants) ? Comment les modèles circulent, interagissent et évoluent dans le temps et dans l’espace ? Par ces questionnements interdisciplinaires, ce colloque, qui aura lieu au printemps 2014, cherchera à mieux évaluer l’articulation entre le biologique et le culturel, les savoirs scientifiques et vernaculaires, ainsi que les dimensions systémiques et historiques de la musique. Cette problématique s’inscrit dans l’axe 3 du projet de laboratoire. Le Patrimoine musical des habitants de Nanterre Responsable : Nicolas Prévôt Ce projet se réalisera dans le cadre du Labex « les Passés dans le présent » -voir présentation des axes 1 et 4. Publications multimédia Comme le montrent les réalisations multimédia présentées dans le Bilan, la question de ce type de publication est aujourd'hui cruciale pour la présentation et la restitution des résultats de recherche en ethnomusicologie. Seul des usages intensifs du son, de l’image animée, et surtout leur combinaison avec des modes de représentation graphique, permettra de mieux rendre compte de la complexité de l’objet « musique », de ses aspects formels, techniques, performatifs et culturels. Ces modes de représentation peuvent être classiques (transcription musicale, texte chanté) ou innovantes (par exemple formes d'onde, courbes mélodiques modélisées), ou combinant les deux (utilisation de codes couleurs, défilement du son au moyen d'un curseur, surimposition d'outils graphiques sur l'image vidéo). Le projet de recherche-action « Le Patrimoine musical des habitants de Nanterre » porté par Nicolas Prévôt donnera lieu en 2014 à la réalisation d'un site présentant un webdocumentaire et rassemblant des portraits écrits et filmés de musiciens nanterriens, des documents historiques, des répertoires musicaux, des informations ethnographiques et ethnomusicologiques (financement Ville de Nanterre, CNC). Une autre réalisation en projet consistera en un DVD Rom expérimental (à mettre éventuellement en ligne) accompagné d'un support papier intitulé : "Chanter ensemble en Albanie". Dans cette publication sur les chants de compagnie polyphoniques, B. Lortat-Jacob présentera un ensemble de représentations graphiques de l'image et du son, ainsi que des analyses interactives (application Flash) portant sur l'ensemble de ses archives albanaises filmées, dont certaines ont été éditées dans le film "Musique d'un pays perdu". Cette production intégrée permettra d'expliquer et de visualiser les interactions sociales complexes auxquelles donnent lieu les chants de compagnie (chant polyphoniques "multi-parties"). 70 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 E. Pistrick contribuera à ce projet grâce à sa connaissance de la langue et de la culture albanaise. Grâce à l'Accord cadre CNRS-MCC, certaines de ces productions pourront être partiellement financées. Cependant, elles requièrent des moyens humains spécifiques en interne, la partie technique faisant appel à des compétences diverses et hautement spécialisées (pratique du son informatique et de la représentation graphique assistée par ordinateur, capacité de mise en ligne et de construction de sites). De plus, ces compétences doivent être mises au service d'une collaboration très étroite entre le technicien et les chercheurs, afin de répondre aux besoins de ces derniers -un poste d'ingénieur d'étude a été demandé au CNRS. C) Ressources documentaires, sonores et audiovisuelles Archives sonores et audiovisuelles L’expertise technique et scientifique de l’équipe, associée à la grande valeur patrimoniale de son fonds d’archives et à la réalisation de la plateforme web audio Telemeta, ont permis au CREM de se positionner comme un acteur majeur des SHS, engagé au sein de projets collectifs et interdisciplinaires. Les problématiques liées à la gestion et à la valorisation des archives d’ethnomusicologie convergent avec celles de nombreux partenaires institutionnels, culturels et scientifiques : conservateurs, archivistes, linguistes, sociologues, musicologues, historiens et historiens des arts, acousticiens, informaticiens, ingénieurs des connaissances, etc… Dans les cinq prochaines années, le traitement systématique des archives d’ethnomusicologie (son, vidéo, image) se poursuivra avec la plateforme web Telemeta dans le souci constant d’améliorer la valorisation du fonds auprès d’un public scientifique et plus large. Grâce au renouvellement de l’accord cadre CNRS-MCC pour la période 2012-2015, l’équipe sera notamment en mesure de poursuivre de manière soutenue la nécessaire mise à niveau documentaire (inventaire, catalogage, documentation, indexation), en collaboration avec les chercheurs spécialisés et les professionnels de la documentation multimédia. Le suivi des opérations de numérisation des collections sonores se fera en partenariat avec la BnF dans le cadre de la convention pour la conservation des archives du CREM (convention juridique CNRS-Bnf-MNHN). Il s’agira également d’assurer en parallèle l’enrichissement continu du fonds par des documents contemporains ou plus anciens déposés régulièrement, en répondant notamment aux besoins spécifiques concernant les documents vidéo produits par les acteurs de la recherche. Pour l'ethnomusicologie comme pour de nombreuses disciplines en SHS, l'archivage et la conservation des documents vidéo représentent une priorité et un enjeu majeur, en raison des spécificités techniques (diversité des formats), des besoins en espace de stockage numérique et en capacité de calcul (conservation des versions numériques HD et diffusion des versions compressées), de l’élaboration d’outils d'annotation ergonomiques et appropriés au mode de travail des chercheurs (accès à distance, travail collaboratif). Dans cette perspective, les ingénieurs du CREM participent depuis plusieurs années à des réflexions collectives dans ce domaine, avec plusieurs partenaires (l’IRI du Centre Pompidou, le TGE Adonis, le CNRS Image, la cellule audiovisuelle du IIAC, le laboratoire ICAR, l’équipe Escom-FMSH, l’INA) pour définir des bonnes pratiques, mutualiser les compétences et proposer des solutions innovantes et pérennes sur le plan scientifique et patrimonial. En lien avec les partenaires cités, le CREM travaillera en priorité à la mise en place d’actions de formation à destination des chercheurs en SHS (protocole de collecte, d’archivage et de traitement des données vidéo) et à élaborer des projets en recherche et développement (type ANR Corpus, Ateliers de Réflexion Prospectives, AAP des MSH). L’IRI serait particulièrement intéressé par un 71 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 projet pour la description et l’analyse du geste avec une dimension musicale et chorégraphique. Concernant les archives audiovisuelles du CREM et grâce au financement du MCC, la priorité sera d’opérer l’intégration des documents vidéo dans la chaîne de traitement mise en place avec la plateforme Telemeta : inventaire systématique des données produites par les chercheurs, catalogage rétrospectif des données vidéo inventoriées, réalisation des développements nécessaires au niveau logiciel et applicatif, sauvegarde des supports originaux et versions numériques, mise en ligne des fichiers compressés pour la diffusion. Si l’archivage de la vidéo pose des problèmes spécifiques, l’amélioration de la gestion et de la valorisation de documents numériques (natifs sonores ou audiovisuels) au sein de la plateforme Telemeta est une nécessité commune. En effet, si la réalisation en 2011 du projet Telemeta a permis au CREM de renforcer son expertise et d’opérer un tournant majeur pour la sauvegarde, le traitement et la valorisation de ses archives, cette nouvelle forme d’accès en ligne au catalogue et aux données nécessite de poursuivre les réflexions et les développements visant à l’amélioration générale de l’accessibilité, notamment en termes de fonctionnalités de recherche (vocabulaires d’indexation spécifiques à la discipline), de présentation des contenus (visualisation, contextualisation, historicité, multilinguisme), de flux de travail (raffinement des autorisations selon les profils d’accès), d’ergonomie (convivialité pour les usagers, renforcement des performances, etc..). Dans cette perspective, le CREM est un partenaire majeur de deux projets spécialisés : l’ANR DIADEMS (20132015), et le projet « Les sources de l’ethnomusicologie » du Labex « Les passés dans le présent » (2012-2020), dont les problématiques convergent avec un projet de consortium spécialisé auprès de la TGIR Corpus (prévision : 2013-2016). Le projet ANR DIADEMS (2013-2015) pour la Description, l’Indexation, et l’Accès aux Documents Ethnomusicologiques et Sonores est en partenariat avec plusieurs laboratoires de traitement du signal et d'informatique du CNRS (IRIT, LABRI, LIMSI) spécialisés sur l’analyse du son. Ce projet apportera des outils d'indexation des contenus audio (appliqués aux documents sonores et audiovisuels) qui pourront faciliter le traitement automatique et semi-automatique des archives, notamment la détection de zones de parole et de musique, la reconnaissance de langue, de locuteurs, l’identification de mots clés, l’identification de type musical (musique instrumentale, voix a cappella, voix et instruments, types d'instrument), la recherche de similarités (mélodique, rythmique, de timbre), la délimitation des zones intermédiaires (discours rituels, psalmodies, parlé-chanté). Cette collaboration avec les équipes d’informaticiens et d’acousticiens s’accompagnera d’une part d’une réflexion sur les classifications et les terminologies de descriptions, notamment des types de procédés et d’exécutions vocales, et d’autre part sur la visualisation des résultats d’analyses, l’ergonomie et les usages de la plateforme Telemeta, ainsi que la modélisation et la représentation des formes musicales. Le traitement des données sonores et la description des formes musicales est également une problématique majeure des musicologues et des acteurs du paysage numérique de la musique impliqués dans les projets d’encodage (pour les transcriptions : la Music Encoding Initiative) et d’extraction automatique (Music Information Retrieval), dont l’application aux musiques qui ne relèvent pas de la musicologie classique occidentale nécessite une approche plus complexe. Un premier regroupement de laboratoires CNRS comprenant le LESC (équipe CREM), le Centre des Etudes Supérieures de la Renaissances, le LAM et l’IRCAM est à l’étude pour constituer une demande de labellisation en 2013 auprès de la TGIR Corpus autour de trois axes communs de réflexion sur : la représentation de la musique (notation, transcription, modélisation) ; les enregistrements sonores (traitement et archivage) ; les instruments (organologie, indexation musicale au sens large regroupant instrument, voix, environnement). Ce consortium spécialisé permettrait de mettre en place des actions de formations (communes ou spécifiques), notamment sur l’utilisation des logiciels de 72 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 transcriptions musicales. Par la suite, un élargissement des partenaires avec des institutions hors CNRS serait envisageable, avec la BnF en particulier, et l équipe d’acoustique musicale de la Queen Mary University pour un projet d’ontologie multilingue des instruments de musique. La réflexion sur les vocabulaires d’indexation sera également un des enjeux du projet « Les sources de l’ethnomusicologie », en partenariat avec la BnF (département de l’audiovisuel) et le musée du quai Branly (médiathèque), pour faciliter l’accès aux fonds patrimoniaux historiques de la discipline auprès de différents publics et de permettre une plus large diffusion des traditions musicales et orales du monde grâce à des modes d’accès innovants pour des publications web. Ce projet propose de poursuivre le traitement de fonds d’archives prioritaires constitué par les grands évènements scientifiques (missions, enquêtes, expositions) et les grands producteurs, et de créer des liens entre des collections complémentaires conservées dans les différentes institutions, ainsi qu’à l’élaboration d’un référentiel ethnomusicologique commun (instrument de musique, voix, danse, environnement sonore) pour créer des passerelles entre les différentes collections. Ces deux axes de travail s’accompagneront d’une réflexion sur la mise en commun des corpus conservés dans les institutions partenaires afin de permettre un accès fédéré aux ressources en ligne ou au signalement des ressources réservées. Ce projet s’insère dans une perspective historique et épistémologique plus générale sur la constitution et le traitement des collections, et l’évolution de la discipline qui constitue un axe majeur du projet scientifique du laboratoire (cf. Axe 1). En plus du travail réalisé sur les archives inédites, Le CREM finalisera la mise en ligne de la collection phonographique « Les éditions du CNRS-Musée de l’Homme », collection emblématique de la discipline entreprise durant 55 ans au musée de l’Homme (successivement sur 78 tours, disques microsillons et CD). Cette opération s’inscrit pleinement dans la réflexion sur la publication et l’édition multimédia pour la valorisation de la recherche en ethnomusicologie dans le contexte des nouvelles technologies. Il s’agira notamment d’étudier la possibilité de relancer une collection éditoriale, éventuellement sous la forme de livre-disque avec des relais multimédia sur les réseaux mobiles (Internet et smartphones), en lien avec les recherches engagées au CREM depuis de nombreuses années sur les formes d’éditions multimédia (DVD, objets multimédia interactifs) pour représenter et analyser les formes musicales et chorégraphiques, et vulgariser les résultats de la recherche. Bibliothèque et gestion des publications Le CREM opère la migration du catalogue informatisé de sa bibliothèque vers le système Koha de la bibliothèque Eric-de-Dampierre (LESC), permettant une consultation en ligne et une gestion informatisée des emprunts. Il faudra effectuer manuellement la vérification des notices importées ainsi que l’indexation (auteur, géographique, matière). Cette étape participera à une réflexion plus générale sur l’élaboration d’un vocabulaire commun spécialisé pour l’ethnomusicologie. Des liens entre les notices de la bibliothèque et celles des archives sonores et audiovisuelles seront effectués afin de favoriser l’accès aux différents documents. Concernant les publications, il sera nécessaire d’effectuer un récolement des tirés à part présents dans la bibliothèque du CREM, un inventaire rétrospectif et une mise à jour systématique afin de s’assurer de la présence d’un exemplaire physique ou numérique de l’ensemble des publications des membres de l’équipe, historiques et actuels. Cette entreprise sera l’occasion d’initier une réflexion sur la gestion électronique des documents (GED) et de mettre en place une politique à l’échelle de l’équipe, en lien avec la bibliographie des membres proposée sur son site Internet. 73 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 CENTRE ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE EN ETHNOLOGIE AMERINDIENNE - EREA Responsable : Valentina Vapnarsky Membres statutaires permanents : Bonnie Chaumeil, Jean-Pierre Chaumeil, Isabelle Daillant, Patrick Deshayes, Francis Dupuy, Philippe Erikson, Nicolas Journet, Sylvie Pedron Colombani, Nathalie Petesch, Anne-Christine Taylor, Emmanuel de Vienne ; membre étranger : Eduardo Viveiros de Castro Le Centre EREA développera pour la durée du contrat 2014-2018 un certain nombre de thématiques qui s’inscrivent dans le prolongement des recherches de la période précédente, souvent en les consolidant par la mise en place de collaborations inter-institutionnelles et internationales, soutenues par des financements externes. Ainsi, les recherches concernant Ethno-histoires et Patrimonialisation (A) ont-elles abouti au projet Fabriq’am, avec financement ANR, qui démarrera en 2013, et celles sur la Fabrique du politique (B) seront élargies et renforcées par le GDRI APOCAMO, initié en 2012. De façon générale, les recherches menées à l’EREA ont vivement contribué à structurer thématiquement le projet du laboratoire, en particulier pour l’Axe 3 Communication, cognition, savoirs où des chercheurs EREA animent Agentivité et intentionnalité et participent de façon centrale à l’atelier Interactions et transmissions verbales et musicales, l’Axe 4 Temporalités, Mémoire, historicités, où ils sont responsables d’Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles, et l’Axe 5 Religion et rituel, où ils animent Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux. Des membres de l’EREA participent à la coordination générale de chacun de ces axes. Les autres programmes du Centre concerneront l’Anthropologie visuelle et numérique et l’Histoire de l’Américanisme. Les thématiques telles qu’elles seront abordée au sein de l’EREA sont détaillées à la suite. La plupart des recherches des membres du Centre EREA seront effectuées en collaboration avec le réseau des Associés du Centre, pour beaucoup des collègues étrangers des grandes universités et institutions de recherche d’Amérique Latine (voir la présentation faite dans le bilan). D’autres chercheurs associés, en France, spécialistes de l’aire et des thèmes d’investigation de l’EREA, collaborent souvent de longue date et viendront renforcer le réseau des interactions institutionnelles. A) Ethnohistoire et Patrimonialisation La fabrique des “patrimoines” : mémoires, savoirs et politique en Amérique indienne aujourd’hui (FABRIQ’AM), Programme ANR-CULT 2013-2016 (Axe 4) Ce projet comprend deux partenaires le MASCIPO (CERMA) (porteur, coordination A. Ariel de Vidas), et le LESC (EREA) qui en représente la part prépondérante en terme de chercheurs (80%) et d’implication scientifique (coordination V. Vapnarsky). La “mise en patrimoine” d’éléments culturels, matériels et immatériels, devient depuis plusieurs années l’un des moyens par lesquels les groupes amérindiens recherchent une visibilité et une reconnaissance dans un paysage social et politique marqué aujourd’hui dans la plupart des pays américains par le multiculturalisme institué en mode de gouvernance. Les phénomènes de patrimonialisation culturelle, amplement étudiés ailleurs (notamment en 74 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Amérique du nord) sont moins connus pour les espaces méso et sud américains et les sociétés amérindiennes. En leur sein, les conceptions de ce qui doit être conservé ou être oublié, les manières de transmettre les connaissances et les savoirs, les modes d’historicité semblent bien souvent aller à l’encontre de l’idée même de la patrimonialisation telle qu’on l’entend dans le monde europeano-centré. Par ailleurs, suivant des médiations et des formes d’inculcation de schèmes formulées en dehors des sociétés amérindiennes, celles-ci transforment aujourd’hui certaines de leurs pratiques quotidiennes en éléments d’un patrimoine culturel objectivable, transmissible et conservable. Ces procédures sont globalement liées à un discours procédant par objectivation, essentialisation et ethnicisation des cultures indigènes. Les formes de transmission mémorielle des sociétés amérindiennes et minorisées ont alors une double dimension. D’une part, elles se construisent dans une matrice culturelle et sociale locale qui leur est propre. D’autre part, elles sont aussi, pour beaucoup, désormais investies au sein d’un monde globalisé en tant que ressources mobilisables pour conforter une identité collective, voire de nouvelles formes d’indianité. L’analyse des configurations patrimoniales que l’on peut observer sur le terrain demande alors une élucidation de ces formes d’imposition et d’adaptation mais aussi la compréhension de la manière dont les acteurs indigènes ont su, en retour, se réapproprier un droit à construire un discours propre sur leur culture et à l’instituer comme source d’une affirmation identitaire. Pour comprendre les diverses déclinaisons du processus de patrimonialisation culturelle dans la trentaine de sociétés amérindiennes étudiées dans ce projet, l’enquête se développera selon trois angles d’analyse complémentaires : – les régimes de temporalité, d’historicité et de savoir ; – la “fabrique” des patrimoines, leur construction sociale et leurs usages politiques ; – les logiques institutionnelles et les formes locales de gouvernance multiculturelle. Le projet, résolument comparatif, ne s’attachera pas à dresser une typologie des similitudes et des différences entre les formes de mise en patrimoine mais plutôt à comparer des représentations catégorielles, des cadres, des relations, des processus de construction de sens et de composition des discours. À travers l’étude de la patrimonialisation culturelle, prise comme révélatrice de jeux d’acteurs, de stratégies de définition de soi et de construction du politique, l’enjeu est d’aborder deux phénomènes étroitement associés : d’une part, il s’agit d’appréhender les modalités de l’insertion des sociétés amérindiennes dans la modernité et leur capacité à l’investir, en mettant au jour les formes de cohabitation et de composition de régimes de savoirs et d’historicité générés à travers la patrimonialisation ; d’autre part, à travers l’analyse de ce processus, le projet entend éclairer la genèse et des développements contemporains des configurations multiculturelles qui caractérisent l’espace politique des régions méso et sud américaine. Deux niveaux de comparaisons seront traités : Le premier s’attachera à trois ensembles de cas, présentant des contrastes marqués (les chercheurs de l’EREA concernés – statutaires et associés - sont indiqués entre parenthèses). (1) Guyanes orientales : Wayana (Camargo, Collomb), Kali’na et Wayampi (Dupuy, Collomb), Apalaï et Zoe’; (2) groupes pano d’Amazonie occidentale : Cashinawa (Deshayes, Camargo), Shipibo, Chacobo (Erikson) ; (3) groupes mayas : Teenek ; Yucatèques et Itza’ (Vapnarsky) ; Tseltal (Figuerola, Chosson) ; Tzutuhil considérés dans leurs aires d’origine au Mexique et au Guatemala et dans leur migration aux Etats-Unis (Pédron Colombani). 75 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Le second ensemble de comparaison intègre des groupes permettant une appréhension plus riche des phénomènes étudiés, par les variantes ou les points communs qu’ils présentent avec les trois ensembles de cas principaux. - en Amazonie brésilienne, péruvienne et équatorienne : groupes Apurinã, Manchineri (Virtanen), Trumai (de Vienne), Awetí, Suruí, Karaja (Petesch), Tapirapé, Yalawapití, Zapara (Bilhaut), Achuar (Carpentier), Quichua (Gutierrez Choquevilca); - au Mexique : Nahua de la Huastèque, voisins des Teenek ; - en Bolivie tant dans les Hautes Terres : Aymara, Uru, que dans les Basses Terres Chimane et Moseten (Daillant), Yurakaré (Hirtzel). - minorités métisses se construisant une identité “indienne” ou “quilombola” (cas des ribeirinhos d’Amazonie). L’analyse sera menée à partir d’enquêtes de terrain, d’analyse de données ethnographiques et d’archives. La “fabrique” des patrimoines : constructions sociales, usages politiques Ce domaine de recherche (dont le responsable dans l’économie d’ensemble du projet ANR est G. Collomb, IIAC, associé à l’EREA) s’inscrit aussi, pour les chercheurs et doctorants de l’EREA qui y participent, dans l’Atelier thématique du projet de laboratoire Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles, que coordonnent V. Vapnarsky, I. Daillant et S. Blanchy. Les recherches qu’il est prévu d’y mener s’attacheront à ce que signifie “produire du patrimoine” ou “donner à voir sa culture” (les deux démarches restant la plupart du temps étroitement liées), à travers l’observation de phénomènes (ou programmes) de mise en musée, mise en spectacle, mise en image ou en écrit, ou de la fabrication de “lieux de mémoire” et de “monuments” de toute nature. On analysera les effets de ces opérations sur la culture des collectifs qui en sont à la fois agents et objets, et la manière dont elles contribuent à remodeler les rapports sociaux entre ces groupes et leurs extérieurs, mais aussi au sein des groupes concernés. Ces travaux seront complétés par d’autres recherches s’interrogeant plus particulièrement sur l’impact que peut avoir le global-politique sur les politiques nationales du patrimoine, et sur la mise en œuvre de ces politiques dans les espaces locaux. Si l’essor des politiques patrimoniales a historiquement été associé à la création des États nationaux, ces politiques sont aujourd’hui redéfinies à l’échelle mondiale et orchestrées par des entités supranationales. Le défi posé par la nécessité de comprendre l’impact des normes définies par les instances internationales sur la “gouvernance” du patrimoine, et non sur des éléments spécifiques, réside en effet dans l’adoption d’une approche capable d’analyser la fabrique du patrimoine à ses différentes échelles. Le caractère innovant de cet axe du projet est donc d’appréhender la patrimonialisation dans la complexité d’un réseau d’acteurs, normes et institutions qui, retraçant les connexions entre ces contextes différents, permet d’aller au-delà de la dichotomie global/local. La recherche sera centrée sur la Guyane française, le Brésil et le Mexique. Régimes de temporalité, d’historicité, de savoirs Les travaux développés dans cette perspective (sous la responsabilité de V. Vapnarsky) viseront à une compréhension des conceptions de l’histoire, de la transmission et de ce qui se transmet au sein de différentes cultures et sociétés étudiées dans le projet, ainsi que de la façon dont ces conceptions configurent et sont reconfigurées par les nouveaux processus de patrimonialisation. Il y sera notamment développé une analyse ethnolinguistique, pragmatique et cognitive, des discours indigènes dans toute leur épaisseur interactionnelle et temporelle permettant de mieux saisir la variété de stratégies, réponses, résistances et résiliences des sociétés amérindiennes face au changement culturel. Les résultats des 76 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 recherches contribueront plus largement à une meilleure compréhension des schèmes d’élaboration de l’histoire et de conceptualisation de l’action, de l’événement, et du changement (de ce qui peut constituer un fait mémorable ou une « nouveauté » et ce que l’on en fait, des régimes d’énonciations et de transmissions des savoirs); ainsi que de leurs manifestations variées suivant les contextes et pratiques auxquels ils sont attachés. L’analyse des pratiques discursives, et des nouvelles formes d’écrits sera associée à celle des pratiques rituelles, des objets et de leur destin, ainsi que des formes d’ancrage spatial de la mémoire et de leur redéfinition au sein des mises en patrimoine de lieux mythiques ou ancestraux. Dans le prolongement de l’Atelier Agentivité de la période précédente, et en articulation directe avec la thématique du Projet FABRIQ’AM, une partie des recherches menées par les membres du Centre EREA porteront sur l’agentivité historique. Ils articulent ensemble deux Ateliers thématiques du projet de laboratoire (Ethnohistoires..., déjà mentionné, et Agentivité et intentionnalité, coordonné par V. Vapnarsky). Un projet franco-argentin a été soumis pour un échange CNRS-CONICET (Argentine), il est en attente de résultat : Historicité, cosmologie et agentivité : Etude comparée des formes et des espaces d’action des humains et non humains dans les conceptions historiques des sociétés amérindiennes (2013-2014). Responsable pour la France : V. Vapnarsky. Ce projet s’attache à analyser, à partir d’une perspective anthropologique et ethnolinguistique, la façon dont les modes de construction de l’histoire, la cosmologie et les conceptions de l’agentivité s’articulent au sein de sociétés amérindiennes. A fin comparative, les sociétés étudiées se situent dans trois régions culturelles : le Grand Chaco, les Basses Terres Amazoniennes, la Mésoamérique. A partir de données ethnographiques et ethnolinguistiques, il s’agit de mieux comprendre les processus de construction de la mémoire collective en décryptant les rôles qu’y jouent les formes spécifiques de relations et d’attribution d’agentivité aux diverses entités du monde (humaines, non-humaines, spirituelles ou mythologiques). L’analyse se consacrera à l’étude des interactions verbales et non verbales, quotidiennes et rituelles, entre les humains et d’autres entités qui sont, ou non, considérées comme des sujets, doués de propriétés agentives et d’intentionnalité. Ces entités étant souvent ancrées à des espaces de la géographie terrestre et cosmique, il s’agira également d’élucider les différentes façons dont événement et lieu, mémoire et territoire, peuvent être co-structurés, dans le temps long de ce qui se transmet où celui plus émergent de l’expérience. Pour cela, seront étudiés les liens entre d’une part, les expériences vécues par les humains ou narrés à propos d’autres entités, et d’autre part les espaces transités, utilisés et perçus. L’analyse entend ainsi contribuer à l’étude des schèmes culturels amérindiens d’interprétation de l’expérience, passé et présente, en relation à leurs formes d’expression. B) La Fabrique du politique : Nouvelles formes de représentativité et positionnements interethniques Les dernières décennies ont vu surgir un phénomène sans précédent, dans l’histoire coloniale et postcoloniale de l’Amérique du Sud, de participation et d’intégration de leaders amérindiens à des fonctions gouvernementales décisives. Les recherches menées dans cet atelier thématique interrogent les éventuelles transformations des conceptions indigènes du politique qu’entraînent ces nouvelles formes de représentativité et d’implication politique, en associant la réflexion aux questions d’inter-ethnicité. Elles se concentrent sur les basses terres d'Amérique du Sud, depuis les régions péruviennes et colombiennes jusqu’aux Guyanes, incluant ainsi des situations historiques et politiques contrastées. 77 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Anthropologie politique contemporaine en Amazonie occidentale GDRI APOCAMO (2012-2016), coord. J.-. Chaumeil (partenaires LAS, MAEE, EHESS, Université Nationale de Colombie, Pontificia Universidad Católica de Lima) Ce Groupement de Recherche International, réunit des chercheurs et enseignants d’Universités du Pérou, de Colombie, ainsi que du LAS. Il a démarré en 2012 pour une durée de quatre ans, sous l’impulsion de J.-P. Chaumeil qui en est son coordinateur (jusqu’en 2014, puis sera remplacé par Ph. Erikson). Les recherches entendent analyser de manière comparative le processus actuel - et en partie inédit- de construction d'une représentativité politique indigène dans les basses terres d'Amérique du Sud, en essayant de démontrer les spécificités propres à chaque pays ou région et la façon dont s'y déplacent les frontières du politique aujourd'hui. En effet, depuis au moins trois décennies, les sociétés indigènes d’Amazonie sont devenues des sujets actifs pour ne pas dire des acteurs de premier plan - sur l’échiquier politique des pays amazoniens. Leurs revendications politiques trouvent également un large écho au niveau international. Ce phénomène de « fabrication du politique », ou si l’on préfère de politisation du mouvement indigène par les indigènes eux-mêmes, s’observe dans tous les pays andins avec des particularités et des intensités différentes selon les cas. Ce projet a pour objectif d’analyser de manière comparative ce processus de construction d’une représentativité politique indigène en essayant de montrer les spécificités propres à chaque pays concerné (Pérou et Colombie en particulier) et la façon dont s’y déplacent les frontières du politique aujourd’hui et s’y recompose l’exercice de la démocratie. Si la tendance générale est donc bien la participation du mouvement indigène au jeu politique national, il n’en demeure pas moins que la réalisation d’un tel projet demeure complexe. Les tentatives de récupération ou de corruption menées par les parties politiques en place sont nombreuses, tout comme les tentatives de création et de financement d’organisations indigènes parallèles sans représentativité pour affaiblir ou discréditer politiquement les organisations existantes et légalement reconnues. Il y a là tout un domaine d’études à développer pour comprendre ces processus dont l’importance est cruciale non seulement pour l’avenir du mouvement indigène mais aussi pour saisir les mutations actuelles du champ politique dans les pays andins. Ce qui paraît en tout cas intéressant, et en partie inédit, c’est la façon dont les communautés amazoniennes (au Pérou en particulier) parviennent à construire une représentativité politique en s’engageant simultanément dans des processus électoraux très officiels (mairie, représentation au Congrès, etc.), c’est-à-dire en se positionnant dans l’Etat et non plus face à l’Etat - tout en poursuivant dans des voies non gouvernementales et activistes pouvant déboucher sur des orientations en tout point contraires à celles préconisées par l’Etat. Cette tension entre ces différentes façons de produire du politique soulève de nombreuses interrogations, en particulier : comment ces formes actuelles du politique se construisent-elles en continuité (ou non) avec les modèles traditionnels des systèmes politiques autochtones? Quelles sont les stratégies symboliques et pratiques que ces nouveaux dirigeants mobilisent pour faire face à ces deux mondes, et pour légitimer leur statut dans les deux référentiels? Le programme APOCAMO, basé sur des travaux de terrains, sera organisé autour de rencontres bisannuelles de l’ensemble des participants. Deux journées ont déjà eu lieu cette année (à Lima en mai et à Leticia, Colombie en novembre) ; deux autres sont déjà programmées pour 2013 (à Lima, et à Quito). Un colloque international final sera organisé en France. 78 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 L’inter-ethnicité dans les Guyannes Coord. F. Dupuy, avec la collaboration de G. Collomb Les recherches sur l’inter-ethnicité, notamment dans la région des Guyanes (Guyane française et Surinam), abordent des questions de représentativité et d’implication politique liées à celles du GDRI APOCAMO, mais dans une situation postcoloniale et sociopolitique toute autre. En effet, la problématique de l’inter-ethnicité se décline dans les Guyanes à la fois au sein des « Amériques noires » (communautés marronnes : les Boni ou Aluku de la région du moyen Maroni, Guyane/Surinam, et les Ndjuka, de la région du Tapanahoni, Surinam), au sein des « Amériques amérindiennes » (les Wayana de la famille caribe, région du haut Maroni, Guyane), et entre « Amériques amérindiennes » et « Amériques noires ». Il s’agira de comprendre la gamme des relations entre les communautés concernées (complémentarité, hostilité), les différents regards croisés, la position changeante des frontières ethniques (avec des logiques de proximité et de différenciation inverse de la proximité culturelle) et les jeux d’opposition identité/altérité. C) Dynamiques religieuses transnationales en Amérique latine (cf. Axe 5) Responsable EREA : Sylvie Pédron Colombani Le champ religieux latino-américain a connu de profonds bouleversements depuis une cinquantaine d'années. Hégémonique depuis la fin du XVème siècle, le catholicisme a vu le monopole confessionnel qu'il détenait remis en cause par le renouveau de cultes d'origine africaine et la croissance rapide d’églises évangéliques. En quelques décennies, ces dernières ont acquis une visibilité incontestable dans le panorama religieux. L’extrême diversification interne au mouvement protestant évangélique lui donne les caractéristiques d’un ensemble religieux multiforme très difficile à saisir dans sa globalité. Dans la continuité de leurs travaux récents, plusieurs chercheurs de l’EREA situent leurs projets de recherche sur ce terrain effervescent– voir aussi l’axe 5 du projet de laboratoire. Le développement et l’impact des mouvements évangélistes constituent une première piste de recherche. Ainsi, J.-P. Chaumeil poursuivra son étude sur l’expansion des églises adventistes en Amazonie et sur les répercussions de leur implantation sur les nouvelles formes de leadership indigène en Amazonie péruvienne. Il s’intéresse notamment à l’étude de la nature du discours adventiste concernant les modèles du leadership, dominé par la figure du "self made leader", où la loi de dieu remplace la loi de la communauté. En outre, il s’agira de prolonger, avec P. Deshayes, ses recherches sur la religion Israëlita (voir bilan axe 4, et projet axe 5). De même, toujours en Amazonie, D. Jabin, se propose de porter une attention particulière au contexte socio-historique ayant provoqué la rencontre des Yuqui (Bolivie) avec les missionnaires évangélistes de la New Tribes Mission et à l’influence de ces agents prosélytes au sein de la société yuqui. Il s’attachera en particulier à comprendre les transformations suscitées par ce mouvement missionnaire sur le système d’esclavage indigène, original en Amazonie, qui caractérise cette société. Un autre phénomène qui sera abordé est celui de la diversification de l'offre religieuse, avec l’introduction quasi simultanée d’une multiplicité d’Eglises évangéliques, et les conséquences au niveau sociopolitique et des relations interindividuelles et interfamiliales. Un tel morcellement des identités religieuses qui remet en question le principe l’unité de la communauté villageoise peut être observé à Aguacatenango, village tseltal du Chiapas, Mexique. M. Chosson, dans la continuité de son travail de thèse, analysera ce cas précis, et en particulier le développement de conflits, parfois violents, qu’il a généré. A partir d’une enquête de terrain centrée sur le point de vue des « traditionnalistes » –acteurs catholiques pris dans le système traditionnel des charges liées aux confréries héritées de la colonie-, elle 79 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 entend éclairer les possibles mécanismes d'adaptation de ces derniers à ce nouveau contexte socioreligieux. La dynamique religieuse de l’Amérique latine ne se résumant pas à l’arrivée –ou à la naissance autochtone- de groupes évangéliques aussi divers soient-ils, certains membres de l’EREA cherchent à analyser les processus dynamiques de trans-localisation que des religions connues comme « traditionnelles » (de racines indigènes) sont également en train de vivre dans le contexte des flux globaux : S. Pédron Colombani coordonne sur ces questions l’un des principaux ateliers thématiques de l’axe 5. Ces divers travaux cernent les processus contemporains de redéfinitions identitaires dans le contexte de la globalisation et de l’intensification de la circulation trans-territoriale des adeptes, des spécialistes religieux, des rituels, des symboles et des croyances ; interrogeant l’articulation complexe entre le local, le régional et le global. Ces perspectives seront comparées dans le cadre de journées d’études organisées par l’EREA. D) Cognition, communication, savoirs (cf. Axe 3) Le Centre EREA joue un rôle majeur dans le développement des recherches en anthropologie linguistique et cognitive au sein du laboratoire. Ces champs, qui furent développés notamment dans le cadre du Programme Agentivité du précédent quinquennal, seront renforcés grâce à l’intégration d’E. de Vienne (MCF en anthropologie cognitive). Deux programmes sont proposés : le premier, Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de l’ethnographie, constitue une nouvelle phase des recherches sur l’Agentivité, où cognition et pragmatique sont intégrées de façon plus centrale, et associant de nouveaux participants du LESC ; le second, Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativité, genres et styles, renforce les collaborations entre chercheurs du CREM, du GERM et de l’EREA. Il s’intègre aux thématiques de l’atelier Interactions et transmissions verbales et musicales de l’axe 3. Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de l’ethnographie Développé dans l’axe 3. Responsables : Valentina Vapnarsky et Emmanuel de Vienne, en collaboration avec Michel de Fornel (EHESS). Après avoir exploré la pluralité des dimensions sémantiques qui configurent un agent (programme Agentivité de la période précédente), ce programme entend revenir sur l’équation entre agentivité et intentionnalité, noyau dur de théories en psychologie cognitive, pragmatique et anthropologie. Sans nier que la lecture des intentions soit une capacité universelle ni qu’elle joue partout un rôle dans la communication, il vise à explorer les variations interculturelles, mais aussi contextuelles, qui montrent que le couplage agent/intention est loin d’être rigide ou stable. Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativé, genres et styles Projet EREA/GERM dans le cadre de l’ANR DIADEMS, s’inscrit au sein de l’axe 3. Responsable : Valentina Vapnarsky : collaboration mayaniste: A. Monod Becquelin, A. Breton, C. Becquey (INALCO), M. Chosson La collaboration entreprise avec les partenaires de l’ANR DIADEMS sur le traitement sonore informatisé, est l’occasion de développer l’étude du vaste corpus de discours rituels mayas recueilli par des membres du LESC depuis plus de 40 ans. Ces discours présentent des caractéristiques de chanté parlé ; le présent projet en propose une analyse des dimensions prosodique et plus largement sonores. Celle-ci, qui a peu fait l’objet d’attention des chercheurs jusqu’à présent, est essentielle sur plusieurs plans. Elle permettra d’offrir des 80 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 éléments de compréhension nouveaux quant aux qualités performative de ces discours au sein de l’interaction verbale rituelle dont ils sont constitutifs, ainsi que du point de vue stylistique et démarcatif des genres de discours mayas. Les points de recherche développés à partir de l’analyse sonore du corpus seront les suivants : a/ Caractéristiques sonores des chanté-parlé ou dictions rituelles cantilées de chacun des grands genres du corpus (dialogues rituels -passation de charge --, prières de guérison, prières agricoles invoquant les esprits-gardiens, épopée) ; b/ rôle de la prosodie et des variations sonores d’un point de vue pragmatique et performatif : lien avec le déroulement de l’action rituelle et la transformation du contexte ; c/ rôles de la prosodie et des variations d’intonations, de débit, de rythmes, d’accents, de contours, de tons de voix (type falsetto) etc. en tant qu’éléments démarcatifs entre genres du discours, et de styles au sein d’un même genre d’un point de vue rhétorique et esthétique ; d/ élucidation des critères sonores impliqués dans la reconnaissance par les Mayas euxmêmes des genres et des styles personnels, en dehors des indices du texte ; e/ comparaisons des caractéristiques entre langues mayas ; f/ comparaisons des caractéristiques au cours du temps (transformation des genres); et parfois au cours de la vie même d’un orateur (évolution stylistique) (ex. évolution sur une trentaine d’années des styles des pat’o’tan du tseltal) ; Le corpus est composé de 50 h. de discours rituels dans cinq langues mayas (maya tseltal, ch’orti, k’iche’, chol, yucatèque) par différents locuteurs et pour différents rituels dans le cadre d'une même langue, enregistrés des années 1970 à nos jours dans différentes régions du Mexique et du Guatemala. E) L’Américanisme en question Histoire de l’Américanisme Responsables : Jean-Pierre Chaumeil, en collaboration avec Pascal Riviale Les recherches en sciences humaines reposent essentiellement sur les enquêtes de terrain et sur les analyses qui en sont faites, mais elles font aussi nécessairement référence aux travaux antérieurs et se positionnent vis-à-vis de ces derniers. Il paraît dès lors primordial de saisir dans quel contexte ont été effectuées ces études, quels en ont été les modes opératoires, les schémas interprétatifs, etc. L’analyse critique des sources premières permet souvent de capter un « arrière-plan », et des informations fondamentales n’apparaissant pas dans les versions publiées. Ce programme, par une mise en perspective épistémologique, historiographique et iconographique, propose un travail d’interrogation des sources, d’identification, d’interprétation et de relecture des écrits produits dans le champ américaniste. Ce projet prolonge des recherches réalisées dans le cadre de deux programmes de coopération scientifique internationale France-Espagne (PAI « Histoire de la constitution d’une communauté américaniste », puis PICS n°3070 « Les Sentiers Iconographiques : production des images dans les Amériques du XVIe siècle au début du XXe (Mésoamérique, Pays andins, Amazonie, sous la responsabilité de J.-P. Chaumeil et F. Del Pino). Chacun a donné lieu à la tenue d’un colloque international (dont les actes ont été tous les deux publiés en 2005 et 2009). Les membres du Centre EREA ayant jusqu’ici animé ces programmes de recherches poursuivront leurs investigations en développant une réflexion historiographique sur les origines et les évolutions de la recherche américaniste (tant en anthropologie qu’en archéologie, histoire et géographie). Les recherches auront pour objectif d’interroger la chaîne opératoire du savoir, au travers de ses différentes étapes, ainsi que ses diverses 81 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 applications (la collecte des informations, l'exploitation des résultats, les systèmes de représentation des cultures indigènes et métisses). D. Jabin s’associera à cet axe en approfondissant ses recherches sur les travaux anthropologiques menés en Bolivie orientale au milieu du XXe siècle. Faisant suite à de récentes publications (dont l'Atlas Geográfico del Perú, eds. J.-P. Chaumeil, J. M. Delgado, avec la collaboration de P. Riviale), d’autres sont en cours d’avancement, en particulier : le Guide historique des photographies amazonienne au Perou 1860-1950 (Chaumeil et Juan Carlos la Serna, historien de l’UNMSM) ; et l’édition du Journal de Théodore Ber au Pérou (1864-1896). Coédition Ginkgo-Ville de Figeac (Riviale). Alfred Métraux : Relectures transatlantiques [PICS] Responsable : Philippe Erikson En prévision du cinquantième anniversaire du décès d’Alfred Métraux (1904-1964), Ph. Erikson a élaboré un projet de recherche regroupant un groupe de chercheurs émanant des pays où il est né (Suisse), où il a travaillé (France), et où il a enquêté (Argentine, Bolivie). L’objectif en serait non seulement de rendre hommage à la mémoire de Métraux, figure majeure de l’américanisme du XX° siècle, mais encore remettre à l’ordre du jour certaines des thématiques qui lui étaient chères, notamment les questions liées au messianisme, aux spécificités du chamanisme amérindien, et à la nécessité d’envisager les ressemblances autant que les différences entre les sociétés de l’Amazonie et du Chaco, en dépit des contrastes environnementaux entre les milieux dans lesquels elles évoluent. Jusqu’ici, on a surtout retenu le volet empirique des travaux de Métraux, la figure de Métraux ethnographe l’emportant nettement sur celle de Métraux théoricien. Malgré la postérité qu’il a pu avoir à travers les œuvres d’éminents chercheurs tels P. Clastres ou L. Sebag, tout se passe comme si la vague structuraliste avait en quelque sorte occultée les traces de Métraux. Un demi-siècle après, on s’aperçoit pourtant qu’une partie importante de la recherche américaniste contemporaine redécouvre, sans toujours s’en rendre compte, certaines des pistes qu’il avait jadis ouvertes. La demande de PICS déposée au CNRS a récemment été acceptée (fin 2012). F) Anthropologie visuelle et numérique Responsable : Patrick Deshayes Plusieurs chercheurs de l’EREA développeront leur travail et réflexion sur l’anthropologie visuelle, et initieront un nouveau chantier sur l’anthropologie numérique visuelle. En effet, le numérique sous toutes ses formes a bouleversé l’anthropologie visuelle. La circulation des images via le web ; la facilité à produire des images et des sons à l’aide de petites caméras voire des téléphones portables, ainsi que la diffusion dans « l’immédiateté » que permettent ces techniques récentes, viennent modifier les méthodes de travail du chercheur et soulever de nouvelles question sur le statut de l’image, du point de vue tant de l’argumentation scientifique que de l’utilisation par les sujets filmés. Une réflexion sur l’importance croissante de l’audiovisuel en anthropologie a conduit P. Deshayes à présider deux rencontres de films de chercheurs sur l’esclavage ainsi qu’à participer aux journées d’études internationales sur liens et hyperliens en Oralité, en y questionnant la posture et les enjeux épistémologiques de l’anthropologie visuelle : il projette de poursuivre sa réflexion dans le cadre du séminaire « L’Amérique pour l’image et par l’image », qu’il organise (en collaboration avec H. Figuerola) au Musée du quai Branly. Le projet est de faire de ce séminaire une extension des Rencontres de film de chercheurs. 82 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Par ailleurs, P. Deshayes et C. Crauste participent à l’élaboration d’un projet d’ANR dont le but est de concevoir un Observatoire « Mémoires Visuelles » (MSH Paris Nord, porteur du projet ; Partenariat LESC ; LAVUE ; INA ; Lhivic/EHESS ; Médiation, Communication, Information ; CEMTI EA Paris 8 ; UQUAM/LAVAL/UQAC Québec) 4. Le projet « Mémoires Visuelles » a pour objet la production d’images vidéo liée aux mobilisations sociales contemporaines. Ses finalités sont le recensement, l’analyse des usages, la documentation et l’archivage-catalogage de ces vidéos. Les outils qui seront développés sont un site collaboratif, une vidéothèque en ligne, des instruments d’écriture visuelle en ligne et un dispositif de stockage et catalogage de masse. Le projet mobilise donc plusieurs disciplines notamment l’anthropologie politique, l’anthropologie visuelle, les sciences de l’information et de la communication. L’apport des chercheurs EREA du laboratoire sera principalement de deux ordres : d’une part, ils développeront une recherche à partir de l’image sur les nouveaux phénomènes sociaux en Amérique Latine (par exemple, la relation des révoltes des mineurs andins avec les nouvelles formes de construction politicoreligieuses). D’autre part, et plus amplement, leur contribution portera sur la manière de constituer des accès « intelligents » et analytiques à ces nouvelles sources d’enquêtes. Enfin, un projet sur l’impact de l’image en particulier cinématographique dans la construction ou la reconstruction de l’histoire sera développé, avec pour sujet le mouvement religieux « Israelitas » (Chaumeil, Deshayes). Une démarche similaire sera poursuivie dans le cadre de l’ANR Fabriq’am, où s’ajoute une réflexion sur la production de films par les Amérindiens eux-mêmes, qui résulte tant de processus de réappropriation de leur histoire, face aux anthropologues notamment, que de réponses diverses aux dynamiques patrimonialisantes (Deshayes, Pétesch, de Vienne). G) Moyens Le Centre EREA a intégré depuis l’été 2012 un nouvel enseignant-chercheur du département d’ethnologie de l’UPO (E. de Vienne), et quatre post-doc et associés sur programme (A. L. Gutierrez Choquevilca, MC à l’EPHE ; V. Hirtzel, post-doc Lelong ; A. G. Bilhaut post doc à l’Université de Liège ; O. Allard, ATER à l’Université d’Amiens). Pour la période 2014-2018, deux départs à la retraite de membres CNRS sont prévus, celui de Jean-Pierre Chaumeil, directeur de recherche, et de Bonnie Chaumeil, ITA. J.-P. Chaumeil ayant demandé son éméritat, il devrait pouvoir poursuivre ses activités de recherches dans ces conditions. Le départ en mai 2014 de Mme Chaumeil, seule ITA de l’EREA, entraînera quant à lui un réaménagement certain de l’organisation des tâches de secrétariat scientifique et d’accueil des étrangers, de documentation et d’administration qu’elle y assure depuis plus de 30 ans. Certaines fonctions devraient pouvoir être mutualisées, mais pas avec la même facilité tant que l’EREA sera sur un site éloigné de Nanterre (voir infra). Nous espérons que ce départ à la retraite puisse être néanmoins l’occasion d'effectuer une conversion de poste pour répondre à un nouveau besoin de documentaliste en Archivage audio/vidéo (voir infra Projet Archivage). Une demande de recrutement IE a été présentée en ce sens par le laboratoire dans la demande de moyens pour 2013. 4 USR (MSH Paris Nord) porteur, hébergeur, soutien technique ; UMR 7218 Laboratoire Architecture Ville Urbanisme Environnement ; UMR Laboratoire Ethnologie et Sociologie Comparative ; Institut National de l’Audio VisuelNA pour archivage ; Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine (Lhivic/EHESS) ; Médiation, Communication, Information, Art (EA 4426) ; Centre d’Etude sur les Médias, les Technologies et l’Internationalisation (CEMTI EA Paris 8) ; Centre interuniversitaire de recherche sur les lettres, les arts et les traditions (Québec UQUAM/LAVAL/UQAC). 83 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Installation du Centre EREA à Nanterre Il est prévu que le Centre EREA rejoigne le campus de Nanterre, au sein du nouveau bâtiment SHS construit par l’université, où les unités de la MAE (dont le LESC) se partageront un étage. La livraison de ce bâtiment est prévue pour 2015. L’installation de l’EREA sur le site de Nanterre devrait rendre plus aisée la mutualisation des postes d’ingénieurs, et permettre un meilleur échange entre les collègues et étudiants des composantes du laboratoire. Il facilitera également le déroulement des programmes de recherche communs. Le déménagement de l’EREA implique non seulement le déplacement des bureaux des chercheurs, mais aussi de son fonds bibliothécaire/documentaire. Celui-ci se trouve actuellement à la bibliothèque AGH ; son système séparé de cote devra permettre une extraction facile. Il couvre 300 m. de rayonnage, à réinstaller dans les nouveaux locaux. Consolidation de l’archivage audio/vidéo et constitution et traitement d'une base de données à partir de corpus oraux en langues amérindiennes Le Centre EREA du LESC cherche à développer depuis plusieurs années la constitution d'une base de données audio et audiovisuelles avec les données ethnographiques de ses chercheurs. Ces données, d’une richesse majeure, concernent des pratiques et des langues, parfois éteintes ou en voie de disparition, de nombreuses sociétés amérindiennes. Or, faute de moyens humains, ce projet n’a pu aboutir. Le poste IE demandé permettrait de mettre en place, en collaboration avec V. Vapnarsky, une telle base de données, consultable par des publics experts ou plus largement dans le domaine de l’ethnologie, de l’ethnolinguistique et la linguistique et de sciences humaines connexes. Cette initiative exceptionnelle en France dans le domaine de l’ethnologie pourrait être étendue, dans les années suivantes, pour intégrer les corpus oraux recueillis par d’autres membres du LESC et éventuellement d’autres chercheurs. Le projet sera élaboré en tenant compte des systèmes d’archivages de corpus oraux existant, tel que celui du CRDO, Cocoon (Adonis), ou Pangloss du Lacito. L’implication de l’EREA au sein du consortium IRCOM vient soutenir le développement d’un tel projet. Numérisation et archivage d’autres Fonds Le Centre EREA continuera à alimenter son fonds propre de documentation. Le centre souhaite également réaliser la numérisation et l’archivage de matériaux de première mains de ses chercheurs (notamment pour la conservation de diapositives et photos de terrain des années 1970 à 1990) ainsi que celle de deux fonds dont il est dépositaire : celui de Bernard Lelong constitué d’ouvrages (déjà référencés), de photographies et de films sur les Lamista (à numériser), et celui de Mireille Guyot constitué de carnets de terrain, de notes et de bandes magnétiques sur les Bora mirañ (Amazonie, Colombie, Pérou). Une série de 900 diapositives sur les Wayana (Guyane française) doit aussi être archivée. Ces fonds pourraient se greffer à terme au grand fonds d’archives de la bibliothèque E. de Dampierre du LESC. La réalisation de ce programme dépendra notamment des moyens en personnel mis à disposition. 84 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 GROUPE D’ENSEIGNEMENTS ET DE RECHERCHE SUR LA MESOAMERIQUE - GERM Le GERM, Groupe Enseignement et Recherche Maya, devient le Groupe d’Enseignements et de Recherche sur la Mésoamérique Responsable pour le laboratoire : Valentina Vapnarsky A) Projets généraux Le GERM poursuivra son élargissement pour s'affirmer comme un groupe de recherche sur la Mésoamérique et non plus centré principalement sur l’aire maya. Il s’agit de mieux comprendre ce qui confère à la Mésoamérique une certaine unité culturelle, au-delà et avec les liens variés de contraste et de continuité que chaque groupe culturel entretient avec ses voisins ou d’autres plus lointains. La perspective de recherche reste essentiellement pluridisciplinaire, et anime des ateliers thématiques faisant collaborer ethnologues, (ethno)linguistes, sociologues, archéologues, historiens, épigraphistes, géographes. Le GERM, qui regroupe des membres de plusieurs laboratoires français (LESC, ArchAm, LAS, MASCIPO, ILPGA, CELIA/SeDyl, Université Paris 8, Musée du Quai Branly,) et entretient des échanges soutenus avec des institutions de recherche du Mexique et du Guatemala, entend accroître la représentativité de certaines disciplines en son sein, telles que l’histoire et la géographie. Le GERM sera coordonné durant les prochaines années par trois chercheurs : Valentina Vapnarsky, chercheur mayaniste en ethnolinguistique (EREA-LESC), Philippe Nondédéo, archéologue sur l’aire maya (laboratoire Archéologie des Amériques, ArchAm), et Perig Pitrou, anthropologue sur le Mexique central (LAS). S’ajoute Marie Chosson, jeune docteur en ethnologie avec visée ethnohistorique (post doc associée EREA) qui s’occupera notamment de la relation avec les étudiants et post-docs ainsi que de la visibilité des activités de recherche. Plusieurs ateliers, présentés plus bas, démarreront courant 2013 et se poursuivront après 2014, notamment : « Frontière temporelles », « Récits bibliques et narrations indigènes en Mésoamérique », « Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativité, genres et styles », « Le dindon en Mésoamérique. Approches anthropologiques, ethnohistoriques et archéologiques ». Ils donneront lieu à plusieurs journées d'études ; des colloques internationaux et publications sont également prévus. Sur le modèle des activités précédentes du GERM mayaniste, ces rencontres seront l'occasion d'inviter des collègues internationaux des diverses disciplines, et accorderont une importance significative à la comparaison thématique hors de la Mésoamérique. Par ailleurs, le GERM qui, malgré ses nombreux travaux collaboratifs (ACI, colloques, publications) et sa reconnaissance internationale, s’est toujours présenté comme un groupe informel, projette dans un futur assez proche d’affermir son statut et ses liens étroits avec plusieurs institutions mésoaméricaines (UNAM, CIESAS, CEMCA, Universidad Rafael Landivar, etc.) par une demande de GDRI, ou de groupement institutionnalisé d'ordre similaire. 85 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 Enfin, les activités de formations se poursuivront, notamment dans le cadre du cursus maya pluridisciplinaire de l'INALCO (voir GERM, au sein du bilan du laboratoire) où, après avoir œuvré plusieurs années en ce sens, il est espéré obtenir un poste d’enseignantchercheur statutaire. Après le succès de la session 2012, les enseignants mayanistes de l’Inalco prévoient également de développer les stages intensifs (langue/culture/ épigraphie), ce qui requerra la mise en place de financements récurrents pour la venue d’enseignants mayas du Mexique ou du Guatemala (collaborations avec l’Institut Culturel du Mexique, l’Institut des Amériques, etc.). Ces stages sont l’occasion de toucher un plus large ensemble d’étudiants mais également de diffuser un savoir solide à des publics plus amateurs. Plus généralement, le GERM continuera d’encadrer les étudiants de master et doctorat et de les intégrer aux activités de recherche. B) Ateliers de recherche (sélection) Frontières Temporelles Dans le prolongement de la réflexion menée au sein du séminaire « Frontières Epaisses » de la période précédente (voir section GERM du bilan du laboratoire), il s’agira de s’interroger plus spécifiquement sur la nature de ce qui configure des frontières temporelles, et peut opérer comme déclencheur de changement catégoriel, qu’il s’agisse de temporalités (cycles, périodes, phases, événements…) ou de catégories autres, informées par les attributs et les décours temporels où elles s’inscrivent. Partant d’une notion de frontière d’épaisseur variable et de composition hétérogène, les qualités de porosité, déplacement, passage aller ou aller-retour, soumises à l’analyse pour rendre compte de ce qui délimite les catégories, ont conduit à concevoir ces dernières en terme d’états (état d’avoir ou de manifester telle ou telle propriété, essentielle ou accessoire), que l’on pénètre ou d’où l’on sort, de façon inéluctable, provisoire ou liminaire, et le plus souvent par transformations complexes et étirées (voir Ateliers d’Anthropologie, n°37, « Frontières Epaisses », dir. A. Monod Becquelin). La frontière catégorielle définie en termes de changements d’état, ou de devenir, saisis dans la durée, il reste à comprendre le vaste éventail de chronotypes, de schèmes processuels et évènementiels susceptibles d’opérer de tels changements et ainsi d’animer et le temps et les choses et leurs qualités : évènement ponctuel, singulier ou pris dans une itération, définissant éventuellement une cyclicité ; déroulement processuel, continu ou progressif ; phases d’anticipation, de projection, de rétrospection ou d’achèvement, etc. Ce travail d’irisation temporelle de ce qui constitue des « moments charnières » s’appliquera à différentes échelles, depuis l’histoire et ses périodes ou cycles, qu’elle soit envisagée du point de vue emic des sociétés indigènes ou etic des archéologues et ethno-historiens ; jusqu’au temps des activités, interactions, paroles et comportements du quotidien et de leurs mutations brusques ou progressives au cours des cycles diurne et nocturne. Il s’agira ainsi d’aborder d’un regard nouveau des notions fondamentales de l’historicité et du vécu des sociétés mésoaméricaines : crises, ruptures, début et fin de cycles, fondations, … et, ce faisant, de (ré)analyser des frontières élaborées culturellement telles que le wayeb maya, les mythes de l’aube, les rites de fondation, les mises en mouvements de figures d’autorité, etc. L’analyse s’attachera également à mieux comprendre les modalités (du discours, des gestes, de disposition et mouvement des objets et des corps...) de création de l’espace-temps rituel, ainsi que les articulations entre des rites distancés dans le temps, mais s’intégrant à des séries ou cycles rituels majeurs, et déployant une ample progression temporelle et transformationnelle sous-jacente. Ces travaux seront étroitement liés à ceux développés dans l’atelier Anthropologie de la nuit du laboratoire (axe 4), qui s’attache aux transformations suscités par les phénomènes de nocturnité (c’est-à-dire la pénétration d’objets diurnes dans l’ensemble nocturne et réciproquement), et à ceux menés dans le cadre de l’ANR Fabriq’am sur les régimes 86 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018 d’historicité des sociétés et cultures Amérindiennes (définition des évènements mémorables, cadres temporels). Récits bibliques et narrations indigènes en Mésoamérique Les mythes racontés au sein de sociétés mésoaméricaines contemporaines renvoient souvent à des épisodes bibliques de l'ancien ou du nouveau testament. Des fragments de ces textes apportés par les évangélisateurs s'imbriquent dans des récits où des héros culturels mésoaméricains sont assimilés aux héros culturels bibliques (divinités, saints, prophètes...), des personnages bibliques sont renommés selon une nomenclature autochtone ou des épisodes miraculeux de part et d'autre trouvent des similitudes frappantes. Les mythes mésoaméricains contemporains sont évidemment le reflet de croyances déjà inscrites dans plusieurs traditions religieuses. Plutôt que de quêter les analogies entre les discours et récits de chaque tradition, il s’agit de tenter de saisir les processus d’attribution – en étroite relation avec le social – de nouveaux sens et contenus aux mythes mésoaméricains. Qu’a-t-il été reconnu de « bon à penser » dans les récits bibliques, pour qu‘ils aient pu si bien s’entrelacer aux mythes locaux ? Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativé, genres et styles Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre ethnologues, ethnolinguistes et ethnomusicologues. Elle sera réalisée en partie au sein de l’ANR Diadems (2013-2016), et se trouve décrite de façon plus détaillée dans la section 3.4 du projet du laboratoire (Changements de rythmes) ainsi que dans le projet du Centre EREA. Les chercheurs mayanistes du LESC y participeront selon des modalités diverses (Alain Breton, Aurore Monod Becquelin, Valentina Vapnarsky, associé : Helios Figuerola, jeune docteur : Marie Chosson). Le dindon en Mésoamérique. Approches anthropologiques, ethnohistoriques et archéologiques En s’appuyant sur des travaux anthropologiques récents consacrés aux relations que les humains établissent avec leur environnement naturel et avec les animaux, cette journée d’étude entend réfléchir à la place occupée par le dindon – animal mésoaméricain par excellence –, dans les sociétés amérindiennes, depuis la période préhispanique jusqu’à nos jours. Les analyses chercheront à mettre en relation de façon systématique des ordres de faits tels que la mythologie, le rite, les techniques et pratiques de domestication et de soin, les discours et les représentations, notamment pour mieux saisir la spécificité du dindon par rapport à d'autres volatiles. Dans cette perspective, des données ethnographiques, archéologiques, ethnohistoriques et ethnolinguistiques seront mobilisées pour favoriser un dialogue pluridisciplinaire et peut-être également pour engager une réflexion comparatiste à l’échelle du continent américain. L’ensemble de ces ateliers de recherche feront l’objet de journées d’études, dont les premières sont prévues en 2013. 87 UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018