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Laboratoire d’ethnologie
et de
sociologie comparative
Contrat quinquennal
janvier 2007 – juin 2012
Volume 1a – Résultats
Volume 1b – Production scientifique
Volume 2a – Projet 2014-2018
Volume 2b – Fiches individuelles
Maison Archéologie et Ethnologie – René-Ginouvès – 21, allée de l’université – 92023 Nanterre cedex
tél. : 33 (0) 1 46 69 25 90 – fax : 33 (0) 1 46 69 25 91 – [email protected] – http://www.mae.u-paris10.fr/lesc/
Unités de recherche
Rapport AERES 2012
Projet 2014-2018
Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative – UMR 7186
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
1. Présentation de l’unité
a. Historique
Le Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative (LESC) est une unité de recherche mixte du
CNRS et de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense qui présente à la fois les caractéristiques d’un
héritage ancien – il a été fondé en 1967 par le professeur Éric de Dampierre – et d’une configuration
récemment renouvelée : la fusion, en 2006, avec l’UPR 324 (Enseignement et Recherche en Ethnologie
Amérindienne – devenu Centre EREA), puis, en 2007, avec l’UMR 7173 (Laboratoire d’Ethnomusicologie
situé au Musée de l’Homme - devenu Centre de Recherche en Ethnomusicologie, CREM), a été l’occasion
de repenser à neuf le projet de laboratoire pour le contrat en cours en intégrant les questionnements et les
compétences de ces deux équipes, au fort prestige international. L’évolution démographique naturelle a
renforcé le processus de renouvellement et la moyenne d’âge des membres du laboratoire est actuellement
plus jeune qu’elle ne l’était en 2007.
L’unité est répartie sur trois sites : son implantation principale est la Maison de l’archéologie et de
l’ethnologie René-Ginouvès (MAE), tandis que les ethnomusicologues, qui occupaient encore jusqu’en 2009
des locaux précaires du Musée de l’Homme, ont pu intégrer des locaux, temporaires mais convenablement
équipés, au bâtiment C de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. L’autre centre spécialisé, l’EREA, a
ses bureaux et sa documentation dans le centre André-Georges Haudricourt, sur le campus de Villejuif. La
réalisation à Nanterre d’un nouveau bâtiment SHS, où le CREM et l’EREA viendraient occuper des surfaces
sensiblement égales à celles qui sont actuellement les leurs, était prévue pour le contrat en cours ; elle est
repoussée à l’horizon 2015, ce qui retarde d’autant la possibilité du rapprochement des trois composantes, en
particulier du centre EREA.
Dès sa conception, le laboratoire a été indissociable de la formation des étudiants à l’université. Les
enseignants-chercheurs de l’unité (avec l’appui de plusieurs chercheurs, ATER, et doctorants) assurent les
cours et l’encadrement à tous les niveaux, depuis la licence jusqu’au doctorat. L’une des principales missions
du laboratoire est de fournir le cadre de recherche à cette formation (voir bilan). Les doctorants en
particulier, au nombre d’une centaine, sont intégrés – dans la limite des moyens matériels - à tous les aspects
de la vie de l’unité.
b. Caractérisation de la recherche
La présentation des caractéristiques de l’unité et de ses missions a été faite dans le bilan ; elles ne sont pas
appelées à se modifier dans la perspective du contrat 2014-2018. Rappelons-en les grandes lignes :
- vocation généraliste et comparatiste s’appuyant sur une multiplicité de terrains de recherche : Afrique,
Amériques Asie, Europe, Moyen-Orient, Océan Indien ; alliance entre pratique de terrain étayée par la
connaissance de la langue, et spéculations théoriques.
- construction d’objets transdisciplinaires, pratique de l’interdisciplinarité sous forme de collaborations.
- intégration entre recherche et formation.
- documentation spécialisée et politique active vis-à-vis des archives des ethnologues, considérées comme
objets scientifiques à part entière.
- communication scientifique s’appuyant sur des sites internet et sur une revue (classée AERES).
- réflexion sur le rôle de l’ethnologue dans la société, politique d’ouverture vers le milieu scolaire,
développement d’un programme de recherche-action ; pour autant, la caractérisation du laboratoire relève
avant tout de la recherche fondamentale.
c. Organigramme fonctionnel et règlement intérieur
L’organigramme est attaché à la suite du présent document. Par rapport à celui qui montrait la situation au
30 juin (voir bilan), il s’est étoffé d’un AI pour la gestion (et le secrétariat du CREM), fonction assurée
auparavant en CLD, et d’un IE en documentation (Bibliothèque Éric-de-Dampierre). Deux points, par
rapport au bilan, méritent d’être soulignés :
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Unités de recherche
- L’Assemblée générale et le Conseil de Laboratoire ont élu comme directeur pressenti Philippe Erikson.
Cette proposition sera soumise aux tutelles.
- plusieurs ITA occupant des postes cruciaux approchent de l’âge de la retraite ; la documentaliste de
l’EREA et la responsable de la bibliothèque partiront en 2014, la secrétaire de l’unité au plus tard en 2016,
l’administratrice responsable de l’ensemble de la gestion en 2016. L’organisation de leur remplacement est
d’ores et déjà une priorité : l’IE récemment recruté en documentation permettra d’assurer la continuité au
niveau de la bibliothèque ; un poste a été demandé au CNRS pour assurer le travail au sein de l’EREA,
redéfini cependant pour tenir compte de l’évolution des pratiques, d’une mutualisation possible de certaines
tâches en 2015 (si la réalisation du nouveau bâtiment SHS à Nanterre est effectivement achevée), ainsi que
des nouveaux besoins de ce centre spécialisé (traitement informatique de corpus oraux dans des langues
rares).
La réforme de la gouvernance de l’unité a fait l’objet d’une très grande attention au cours des dernières
années. Si la définition des conditions de fonctionnement des deux centres spécialisés au sein de l’unité n’ont
pas été touchées (elles sont régies par un accord énoncé et validé par une AG de 2006), plusieurs
remaniements de fond ont été opérés qui ont abouti à la réécriture du règlement intérieur (validé par le CNRS
en 2012) :
- réaffirmation de la qualité de membre du laboratoire de tous les doctorants ; « gel », puis suppression,
du statut particulier de « doctorant associé » bénéficiant (avec les doctorants allocataires) du soutien
financier du laboratoire à l’exclusion des autres doctorants ; ouverture à tous les doctorants de la possibilité
d’un financement de recherches sur le terrain, sur projet ;
- transformation du « Conseil interne », nommé, en Conseil de laboratoire, dont la moitié au moins des
membres sont élus (trois collèges : chercheurs et enseignants-chercheurs ; ITA ; doctorants).
- définition d’un statut de « chercheur affilié » pour des chercheurs membres statutaires d’autres
institutions, à leur demande.
Parallèlement, les centres spécialisés ont leurs propres règles (dans le cadre du R.I. général de l’unité)
concernant le soutien aux doctorants et les chercheurs et post-docs associés.
Les règles de renouvellement et de désignation des membres de la commission (nommée) chargée
d’arbitrer les demandes de soutien pour les missions, les colloques et les traductions, feront l’objet de
prochaines réformes, en 2013.
En matière d’hygiène et de sécurité, le règlement de l’université s’applique. Il est complété par celui de la
MAE pour la partie du laboratoire qui y est implantée. L’ensemble des dispositions est précisé dans le
règlement intérieur de l’unité. Il faut mentionner dans ce cadre la préoccupation que représente la saturation
actuelle des locaux de la bibliothèque et le peu de perspectives ouvertes par la proposition actuelle
d’extension faite par la direction de la MAE lorsque le nouveau bâtiment SHS de l’université sera réalisé.
Comme indiqué dans le bilan, les pratiques des chercheurs suivent les recommandations formulées dans
les « Ethical guidelines for good research » par l’Association of Social Anthropologists of the UK and the
Commonwealth. Nous travaillons par ailleurs à l’élaboration d’un modèle de valorisation des archives qui
soit respectueux des normes déontologiques et éthiques.
2. Analyse SWOT et objectifs scientifiques de l’unité
Le bilan (« rapport d’autoévaluation ») exposait en préliminaire une politique scientifique, et concluait au
renforcement de cette dernière selon quatre directions :
- un renforcement de sa cohésion interne de l’unité par la vitalité des discussions scientifiques, dans le
cadre d’axes thématiques dont les problématiques ont été longuement débattues (voir projet) ;
- le recours à des dispositifs techniques innovants et complexes, dans le cadre de partenariats ;
- le soutien aux domaines dans lesquels le LESC possède une expertise reconnue et unique ;
- l’inscription forte dans des réseaux de collaborations locales, nationales et internationales.
Nous revenons rapidement ici sur l’analyse de conjoncture qui justifie ces choix. C’est une question à
laquelle nous avons attentivement réfléchi, et qui a notamment fait l’objet d’une séance de séminaire général,
« Essai de prospective : l’environnement institutionnel de l’anthropologie et ses évolutions » (mars 2010,
l’enregistrement est en ligne). Parmi les intervenants figuraient le DAS anthropologie de l’INSHS, le délégué
régional du CNRS, le directeur de l’UFR SSA de Paris Ouest (où les enseignements d’ethnologie et
d’ethnomusicologie sont dispensés), et un membre du Conseil scientifique de l’European Research Council.
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Unités de recherche
Nous ne reprendrons pas ici l’ensemble des diagnostics exposés au cours de cette journée, et qui sont parfois
critiques, mais seulement ceux qui nous ont aidé à élaborer une stratégie scientifique :
- les classements liés à la mondialisation de la recherche imposent une modulation du « modèle français »
et le rapprochement EPST – universités ; une UMR doit développer une politique active de site.
- le resserrement général des finances publiques conduit à diminution durable du soutien de base ; la
LOLF induit une logique de projet ; les ressources d’un laboratoire sont donc largement à trouver dans des
financements sur programmes.
- le développement de réseaux nationaux et internationaux est non seulement lié à l’expertise reconnue
des chercheurs d’un laboratoire, mais également au financement d’échanges : outre le recours aux ressources
sur contrats qui vient d’être mentionné, il est important de développer, au moyen des programmes d’échange
disponibles, l’accueil de chercheurs étrangers.
- l’évolution des formations vers la professionnalisation correspond à une volonté politique qui n’affecte
pas seulement l’enseignement universitaire ; le laboratoire a une responsabilité à cet égard, et doit assurer
une information et une réflexion sur les débouchés professionnels.
- la prospective menée au niveau du Comité national et de la CNU souligne l’importance de maintenir
une expertise sur des domaines ou des aires culturelles particulièrement menacés ; le renforcement de la
position du laboratoire dans les réseaux « aires culturelles », et de son soutien à des spécialités peu
représentées en France et où les compétences de ses chercheurs sont particulièrement reconnues
(anthropologie linguistique, ethnomusicologie), est une priorité.
- il existe au niveau du CNRS une volonté croissante de promouvoir des programmes de recherche
interdisciplinaires, et d’élaborer de nouveaux objets de recherche à la croisée de domaines disciplinaires
différents.
La définition du projet scientifique a été orientée par cette analyse, et par les orientations ainsi dégagées.
- Le renforcement de la cohésion scientifique interne, objectif découlant de l’intégration de deux équipes
en 2006 et 2007, d’une recommandation formulée par l’AERES en 2008, et de l’autoévaluation effectuée
aujourd’hui (voir bilan), a été assurée par des discussions collectives sur près d’une année, par le
resserrement des thématiques, et par l’ancrage de la grande majorité des propositions dans des programmes
de travail communs. L’équilibre entre axes thématiques et centres spécialisés, lesquels animent plusieurs des
recherches dans les axes, a été maintenu et nous semble – à l’expérience - très efficace : la structuration par
axes assure la cohésion de l’unité et le renouvellement des questionnements ; les centres spécialisés
conservent leur expertise particulière et leur fonctionnement selon des réseaux professionnels internationaux.
- l’élaboration de nouveaux objets à la frontière de plusieurs disciplines est fortement encouragée (cf.
projet scientifique) et, s’accompagne dans plusieurs cas, comme il a été dit, du recours à des dispositifs
techniques innovants et complexes.
- le laboratoire est engagé dans une politique active de partenariats et de réseaux, que ce soit au niveau
local de l’université (« politique de site »), ou au niveau national et international (cf. bilan).
L’analyse SWOT que l’on peut faire du projet de l’unité (cf. partie suivante, et annexe scientifique)
découle des constats et des choix précédents :
•
Points forts (éléments internes) : réflexion avancée sur la conjoncture et réalisme de la stratégie ;
réussite du processus d’intégration des centres CREM et EREA ; forte production, notamment à
l’international (cf.bilan) ; équilibre entre approfondissement des thématiques et invention de nouveaux
objets ; expérience ancienne de collaboration avec d’autres disciplines ; capacité à monter des projets
financés, dans le cadre des thématiques retenues ; qualité de l’équipe des ingénieurs et techniciens ; solidité
des partenariats et des réseaux nationaux et internationaux ; qualité reconnue de l’enseignemeent et de
l’encadrement ; dynamisme des doctorants.
•
Points faibles (éléments internes) : les prochains départs à la retraite ou les fins d’éméritat
menacent certains domaines (Asie, Amériques), vont affecter l’anthropologie linguistique (en pointe au
niveau international), et poseront de graves difficutlés si certains postes-clé ITA ne sont pas pourvus à
temps ; le renouvellement au niveau de la direction (direction-adjointe, sous-directeurs pour les centres
spécialisés) devra être réglé avant le début de contrat ; certains aspects de la gouvernance (commission des
missions) doivent être améliorés afin d’impliquer davantage les jeunes chercheurs dans la gestion du
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laboratoire ; le niveau d’anglais personnel de nombreux chercheurs ne leur permet pas d’écrire des textes
directement publiables dans cette langue (et le soutien financier du laboratoire aux traductions est
nécessairement limité) ; il manque enfin un ingénieur pour le traitement des bases de données audio et vidéo
de l’EREA (langues rares ou en voie de disparition).
•
Risques liés au contexte : tous les frais de fonctionnement ne peuvent être pris sur les ressources
propres, ce qui lie une partie de la performance du laboratoire au niveau du soutien de base ; le retard dans la
construction d’un nouveau bâtiment SHS freine les possibiités d’interaction entre composantes ; la saturation
actuelle des locaux de la bibliothèque Éric-de-Dampierre et l’absence de perspective sérieuse d’extension
hypothèque la bonne intégration future de la documention de l’EREA ou de celle du CREM au sein d’une
bibliothèque commune.
•
Possibilités liées au contexte : l’unité est soutenue par les tutelles et présente de l’attractivité pour
les jeunes chercheurs ; elle bénéficie de conventions avantageuses (MCC, MNHN, MQB) et collabore avec
de nombreuses institutions de prestige en France et à l’étranger ; sa volonté de lancer des projets innovants à
la rencontre d’autres disciplines rencontre un intérêt identique chez nos partenaires – ce sont parfois eux les
premiers demandeurs ; le soutien apporté par le CNRS aux aires culturelles est une opportunité pour le
laboratoire de s’intégrer à de nouveaux réseaux spécialisés ; les financements assurés par les contrats de
recherche s’avèrent être des chances exceptionnelles dès lors qu’ils sont intégrés par avance à des
problématiques de recherche de l’unité ; le développement de l’internet procure des outils de recherche, de
développement, et de communication inédits, et souvent peu coûteux.
Dans l’ensemble, l’unité paraît être dans de bonnes conditions pour mener à bien le programme qu’elle
s’est fixé – sous réserve de la résolution des difficultés mentionnées. Elle vise clairement à se positionner au
sein de la recherche française et internationale comme un laboratoire innovant, fortement appuyé sur les
nouvelles technologies, internationalement en pointe sur des domaines précis, et présent autant au niveau
local de l’université qu’au plan des grands réseaux de recherche.
3. Mise en œuvre du projet
Le projet scientifique proprement dit, élaboré collectivement sur près d’une année, se répartit en 6 axes,
chacun composé de 2 à 4 Ateliers thématiques. Chaque niveau est cordonné par un ou plusieurs responsables
(nous n’indiquerons ici que les noms des coordinateurs de l’ensemble d’un axe). La plupart comportent des
indications de programmes financés, acquis ou à soumettre, destinés à dynamiser les recherches
correspondantes, ainsi que des projets de séminaires – les projets de publication vont sans dire. Ces six axes
sont les suivants (voir l’argumentation scientifique et le détail des projets en annexe) :
- Axe 1 : Epistémologie et exercices de l’anthropologie
- Axe 2 : Espaces sociaux, espaces sensibles
- Axe 3 : Cognition, communication, savoirs
- Axe 4 : Temporalités, mémoire, historicités
- Axe 5 : Religion et rituel
- Axe 6 : Genre et parenté
Axe 1 : Épistémologie et exercices de l’anthropologie (Responsables : B. Buob, E. Grimaud, S. Houdart,
V. Manceron)
La nature et le spectre de l'enquête ethnographique sont en constante redéfinition, soit en raison des objets
que l’enquête se donne, soit des outils auxquels elle recourt ou des contextes dans lesquels elle a lieu.
L’objectif de ce programme de travail est de prendre acte de cette hétérogénéité des formes d’enquête et des
dispositifs et de l’accompagner par des relais techniques et réflexifs appropriés, à toutes les étapes du
processus de recherche. Il comportera, entre autre, la conception d’objets collaboratifs qui mêlent le terrain
au sens classique et l’élaboration de véritables dispositifs de captation, ainsi que des ateliers visant à ancrer
la discussion épistémologique dans une réflexion pratique sur les techniques de l’enquête et de l’expérience
anthropologique. Cet axe devrait déboucher sur la constitution d’un pôle de réflexion épistémologique, non
pas de manière purement théorique mais en favorisant et encourageant de manière pragmatique l’émergence
de nouveaux dispositifs. Quatre ateliers thématiques :
Les changements d’échelle dans les pratiques de savoir (collaboration institutionnelle avec F93 - Centre
de Culture Scientifique Technique et Industrielle de la Seine-Saint-Denis). Cet atelier thématique fédèrera le
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séminaire déjà existant sur « Les changements d’échelle » avec les interrogations déployées dans des
groupes de travail d’autres institutions (LAS, MNHN) sur la question animale ou sur les utopies et la nature.
Une soumission ANR commune est envisagée à moyen terme.
Dispositifs et mesures. La conception de dispositifs expérimentaux inédits, proprement anthropologiques,
s’effectuera dans le cadre de partenariats avec des laboratoires d’autres disciplines bénéficiant d’un plateau
technique et d’expertises spécialisées. Une collaboration est déjà engagée avec le Laboratoire des Usages en
Technologies d'Information Numérique (Lutin), habitué à mener des expérimentations en psychologie
cognitive en utilisant des techniques Temps Réel de recueil de données (oculométrie, EEG, EFRPs,…). Un
projet commun a été soumis dans le cadre du PRES UPOND – Paris 8. Une soumission de projet ANR est en
préparation. Outre ce partenariat, en développement, le LESC (ses centres spécialisés CREM et EREA)
participe à une ANR « Diadems » avec deux laboratoires d’informatique (IRIT porteur, LabRI), un
laboratoire d’informatique et mécanique (LIMSI) et un laboratoire d’acoustique musicale (LAM - JLRA). Le
programme de travail, par nature très collaboratif, se déploiera également à travers des séminaires de
recherche, dont plusieurs sont déjà initiés.
Recherche-action en anthropologie et ethnomusicologie. Le projet « Patrimoine musical des habitants »,
mené à Nanterre par des étudiants du master EMAD sur les pratiques musicales des habitants (en
collaboration avec la ville), est un projet de recherche-action dans le sens où il recouvre les trois aspects que
sont la collaboration (avec les Nanterriens), l'engagement (du chercheur dans sa cité), et l'intervention
(l'organisation d'événements culturels avec les habitants pour valoriser leur pratique et créer du lien social).
Un développement de ce projet a été accepté pour financement dans le cadre du Labex « Les Passés dans le
présent ». De la recherche-action relève aussi l’organisation de lieux de débats visant à rapprocher des
entreprises les futurs ethnologues et portant sur le retour des analyses anthropologiques vers les organisations
étudiées, dans la continuité de l’atelier expérimental « L’ethnologue en entreprise » organisé en collaboration
avec le Centre des Relations avec les Entreprises et de la Formation Permanente de l’Université. Plusieurs
projets d’enseignement viennent enfin appuyer ce travail : projet de DU anthropologie et psychanalyse, cours
« interventions de professionnels » dans le master EMAD (Ethnomusicologie et Anthropologie de la Danse),
cours de professionnalisation et d’anthropologie appliquée en master Anthropologie.
Archives, Corpus &Texte. Les réflexions méthodologiques, menées sur la nature des matériaux de terrain
archivés et sur les questions de droits et d’éthiques qu’elle soulève, prennent en compte les possibilités
offertes par les nouvelles technologies en matière de diffusion sur le web et de projets collaboratifs avec les
pays du sud. L’un des cadres institutionnels où pourront se déployer les projets du LESC est le Labex « Les
passés dans le présent », dans le cadre duquel la réalisation de deux portails (en partenariat avec la BNF et le
MQB) est déjà acceptée pour financement. Cette expérimentation sera accompagnée d’une étude de la
réception de ces portails auprès des publics cibles, étude qui s’insèrera dans la problématique récemment
initiée au laboratoire des conditions d’un usage non scientifique des archives, de l’appropriation des données
par des créateurs et des artistes, et des conséquences d’un usage décontextualisé des données. De même sera
poursuivie la réflexion autour d’une éventuelle participation aux mouvements européens de partage des
données scientifiques et des répercussions de telles réalisations sur la recherche (DARIAH).
Axe 2 : Espaces sociaux, espaces sensibles (Responsables : C. Guillebaud, V. Milliot, F. Wateau)
Cet axe est articulé autour de trois grands thèmes : la perception, l’environnement et le politique.
Organisé en quatre Ateliers thématiques (Corps et sensorialité ; Anthropologie de la ville, circulation,
espaces publics ; Pluralités, fabrique du politique et zones frontières ; Environnement et emprises politiques
sur le biologique), il invite à interroger, depuis l’espace sensoriel de l’individu jusqu’aux milieux les plus
englobants, naturels et urbains, les rapports qui se nouent entre espaces et sociétés. Les travaux porteront une
attention particulière au corps, ses gestes et mouvements, ses mises à l’épreuve en certaines situations
extrêmes, festives ou sportives ainsi que leur inscription dans des contextes relationnels structurants. Les
environnements considérés sont divers : ils concernent la rue, les quartiers, les espaces publics, mais aussi les
forêts à protéger, les parcs naturels, certains espaces intermédiaires ou périphériques. La fabrique du
politique, enfin, est l’axe transversal à l’ensemble des approches qui questionneront les emprises sur le
biologique et l’environnement ; les modalités sensibles de hiérarchisation sociale, la construction des genres
et des classes d’âges ; la réaction des populations à l’imposition des normes internationales ; les controverses
sur le bien-être des humains et des animaux ou sur le « droit » à la ville.
L’originalité de cet axe est de développer des recherches ethnographiques dans des contextes marqués par
l’indétermination – du fait de la diversité, de la mobilité ou des situations de crises. Pour penser les mondes
qui se créent dans un nouveau rapport à l’environnement (naturel ou urbain), des méthodes innovantes seront
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mises en œuvre, à l’articulation entre différentes approches du social et du sensible et à l’interface entre
sciences humaines et biologiques. Les ethnomusicologues contribueront à un renouvellement de
l’anthropologie du sensible en abordant avec une même problématique des objets de recherche jusqu’ici
tenus séparés (musique, ambiance sonore, danse, théâtre, sport). La redéfinition de ces frontières ouvrira de
nouvelles perspectives de collaboration au sein du laboratoire, en particulier en ce qui concerne l’analyse des
modalités de perception des espaces publics urbains, dans leurs dimensions sensorielles, sociales et
politiques. Les recherches sur les circulations (des personnes, des objets, de l’argent, des idées) et les zones
frontalières ouvriront des comparaisons entre les espaces naturels et urbains.
Corps et sensorialité. Projets : Dépôt de projet ANR 2013 : programme MILSON « Pour une
anthropologie des MILieux SONores ». Partenariats : Continuation des travaux « Domaine visuel, Domaine
sonore : intersections » (GDRI Histoire et anthropologie de Arts, MQB) ; projet de collaboration avec le
Réseau International Ambiances ; participation au projet « Philosophie, musique et écologie du son » du
Labex Art H2H. Université Paris 8 ; projet de collaboration avec l’axe « Corps et sciences sociales » de la
MSH Paris Nord et du RT 17 de l’AFS.
Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics. Projets : Atelier mensuel « Ce que la ville fait à
l’anthropologie » ; journées d’études « Shoping malls » prévues en janvier 2014 ; colloque « Propreté et
saleté des espaces urbains : une analyse comparée de l’urbanité », 2014 ; projet d’École Thématique sur
l’espace public, 2015. Partenariats : Collaboration au projet « Justice spatiale » (PRES UPO-Paris8).
Pluralités, fabrique du politique et zones frontières. Projets : Journées de recherche sur les « Etudes de la
pragmatique du plurilinguisme ». Partenariats : continuation d’un GDRI créé en 2012 : « Anthropologie
Politique Contemporaine en Amazonie Occidentale » (APOCAMO) ; coordination d’un projet scientifique et
éditorial avec l’IRASEC, Bangkok.
Environnement et emprises politiques sur le biologique. Projets : Dépôt de projet ANR 2013 sur les
indicateurs locaux de changement global dans les collectivités de plusieurs pays (États-Unis, France,
Cameroun, Zimbabwe) ; projet ANR envisagé pendant le quinquennal sur la fabrique du bien-être animal.
Partenariats : projet Partner University Fund à lancer en 2013 ou 2014 avec l’université UMASS Boston
(suite du projet Région-Ile-de-France 2011-2012) sur le thème « Ville et Environnement » ; séminaire de
recherche « Durabilité et sociétés » en collaboration avec l’Institut du Développement Durable et des
Relations Internationales (IDDRI) et l’Institut Ecologie et Environnement (INEE) ; projet de séminaire
doctoral avec la Casa de Velázquez à Madrid et l’Université de València (Espagne).
Axe 3 : Cognition, communication, savoirs (Responsables : M. Heintz, J. Lambert, V. Vapnarsky)
Cet axe regroupe des projets de nature interdisciplinaire basés essentiellement sur le dialogue avec les
sciences cognitives. Que ce soit autour du domaine de la morale, des émotions, de l’agentivité ou des
frontières entre humains et non humains, l’anthropologie dépasse ici ses limites disciplinaires pour
renouveler ses modes d’observation et puiser dans les théories linguistiques et cognitives des appuis
explicatifs pour ses données de terrain, afin de reposer la question de l’unité de l’humain. Cette identité
anthropo-logique est explorée de plusieurs manières : en interrogeant les frontières de l’humain
(désanthropocentrer les recherches) ; en approfondissant des caractéristiques considérées comme le propre de
l’homme (la morale, l’émotion, l’empathie, l’intentionnalité); en décryptant les différentes modalités de la
communication et de la transmission; en analysant de nouvelles propriétés (circuits faibles, minimalité,
changement de rythme). Les problématiques des projets contenus dans cet axe relèvent à la fois de la théorie
(agentivité, ontologies) et de la méthodologie (comment concilier recherches de laboratoire et recherches de
terrain, observation et expérience), tout en s’appuyant sur une approche interactionniste des phénomènes
inter- et infra- individuels, qu’ils soient de nature verbale, musicale, phénoménologique ou sociale.
Morale et cognition. Plusieurs thématiques organisent la réflexion : Les modes d’existence des valeurs
morales : langagiers, sensoriels, expérientiels ; Les "supports" ou "matérialisations" de la morale ; L’étude
des valeurs morales dans une perspective d’économie des valeurs. Le programme se développera, dans la
continuation de précédents séminaires et d’un colloque à Cerisy en 2013 (demande d’Ecole thématique), en
vue de déposer un projet de recherche interdisciplinaire associant anthropologues sociaux et spécialistes en
sciences cognitives pour mener ensemble des enquêtes concrètes autour de la question des valeurs morales.
Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de
l’ethnographie. Ce programme s’inscrit dans la continuité des Programmes « Agentivité : relations humains
– non humains » et « Agentivité : Anthropologie et Linguistique » menés au cours du contrat actuel. Il
s’attachera dans cette nouvelle phase à repenser l’équation souvent affirmée entre agent et intention et sera
organisé autour de journées d’études annuelles ou bisannuelles. Une grande importance sera accordée au
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Unités de recherche
dialogue interdisciplinaire, en particulier avec des chercheurs en psychologie et cognition, pragmatique,
socialisation, philosophie du langage et éthologie.
Anthropologie et frontières d’humanité. Plusieurs thématiques : Pour une anthropologie de la robotique ;
Circuits faibles. Aux frontières de la communication ; Les êtres génériques ; Relations homme-cristaux ;
Ontologie des êtres sonores ; Anthropologie et ontologie. Des séries d’ateliers sont prévues. Une
collaboration est déjà engagée (sur la question des êtres génériques) avec le Laboratoire d’Etude de
l’Architecture Potentielle (LEAP), à Montréal. Un projet ERC sera soumis en 2013, sous l’intitulé « Careers
of humanoids », afin de développer une plateforme de collaboration permettant à des roboticiens, des
anthropologues et des artistes de travailler ensemble sur des projets communs et de monter des dispositifs
expérimentaux (deux ont déjà été conçus par des membres du projet). Ces recherches s’appuieront sur la
plate-forme collaborative Artmap (http://www.artmap-research.com/), fondée par E. Grimaud et D. Vidal
(institutions partenaires : LESC, URMIS, Musée du Quai Branly, École nationale supérieure de création
industrielle – voir aussi bilan axe 6).
Interactions et transmissions verbales et musicales. Plusieurs thématiques : Musique, affects et
perception (une soumission de projet à l'ANR est prévue) ; Changements de rythmes dans les interactions
verbales et musicales (prolonge la collaboration commencée avec le Groupe de Recherche en Ethnopoétique,
GREP - voir bilan, axe 2) ; Approche comparative des systèmes musicaux du Maghreb à l'Asie Centrale (ces
thèmes, qui seront développés dans les années à venir, sont déjà au cœur de la réunion du Study Group de
l'International Council for Traditional Music – ICTM - pour le monde arabe, en 2013, sur le thème : “The
Situation of Music in the Arab World in the New Millennium”).
Axe 4 – Temporalités, mémoire, historicités (Responsables : Grégory Delaplace, Isabelle Rivoal, Emmanuel
de Vienne)
L’analyse du rapport de l’homme au temps est un domaine d’investigation fondamental de
l’anthropologie. Les modalités d’exploration en sont multiples. On peut envisager la question sous l’angle de
l’historicité des sociétés humaines, et de la construction culturelle de l’historicité elle-même (notamment
sous la forme contemporaine d’un impératif de transmission, de constitution de patrimoines et d’archives,
mais aussi sous la forme inverse d’une injonction plus ou moins coercitive à l’oubli). On peut aussi
s’intéresser aux formes de « découpage » du temps (celui du jour et de la nuit, celui du temps rituel, des
ruptures et des moments de transition). On peut enfin s’attacher à explorer la manière dont on fait
l’expérience de la durée (formes d’attente, d’ennui, d’être plus ou moins dans son temps…). Ces
problématiques sont l’objet de projets transversaux variés, approfondissant dans certains cas des recherches
déjà initiées, qui seront très largement développés dans le cadre du LABEX « Les passés dans le présent ».
Anthropologie de la nuit. Un premier dossier concerne la physiologie des rythmes veille-sommeil en
environnement extrême (collaboration avec l’équipe du Centre du Sommeil de l’Hôtel Dieu). Un deuxième
dossier traitera des facteurs environnementaux et des stratégies de remédiation pour le sommeil (même
collaboration). D’autres projets sont en cours d’élaboration. Tous supposent la mesure des temps de sommeil
et de veille grâce aux outils fournis par le Centre du Sommeil, et sont servis par les enquêtes de terrain des
anthropologues sur les techniques, les pratiques et les représentations du sommeil (comme de son manque et
de sa récupération), ainsi que sur les stratégies de remédiation aux contraintes environnementales. Un
troisième dossier conduira aux frontières de la nuit. Un certain nombre de situations d’ethnographie
nécessite l’utilisation des concepts de la quasi-topologie, comme la « frontière épaisse », au maniement
desquels le mathématicien J.-P. Desclés (directeur du laboratoire Langages, Logiques, Informatique,
Cognition - LaLIC, Univ. Paris-Sorbonne) a initié l’équipe, dans une collaboration déjà engagée. Une
première illustration de l’application de la notion de « frontière épaisse » avait d’ailleurs été donnée par
K. Hamberger pour l’habitat amazonien. C’est dans cette perspective renouvelée que l’atelier Nuit
travaillera.
Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles. Ce programme s’appuiera notamment sur
l’ANR (2013-2016) « La fabrique des ‘patrimoines’ : mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne
aujourd’hui » (Fabriq’Am), portée par le MASCIPO mais où le LESC a une participation prépondérante
(cf. projet de centre EREA). Autres thématiques : Les enjeux de la patrimonialisation sur d’autres
continents ; différents projets financés dans le cadre du Labex « Les passés dans le présent. Histoire,
patrimoine et mémoire », qui porte sur les enjeux d’une médiation dynamique du passé à partir d’objets
complexes (archives, images, sons, objets…) et des conditions de leur intelligibilité auprès du public dans le
contexte des technologies numériques.
Techniques d'Oubli : il s’agira d’étudier à travers les sociétés humaines les pratiques visant à occulter
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Unités de recherche
volontairement une partie de la mémoire collective, de même que son resurgissement éventuel, sous des
formes et dans des contextes le plus souvent inattendus : l’oubli, et l’échec de l’oubli. A travers la diversité
des situations envisagées, et en s’appuyant sur les avancées récentes en anthropologie de la mémoire, il
s’agira de montrer que l’oubli exige autant d’attention, et des techniques cognitives aussi subtiles, que la
transmission culturelle. Autrement dit, l’enjeu de ce programme de recherche est de proposer les pratiques
antimnémoniques comme un champ légitime de l’analyse anthropologique. L’équipe s’organisera autour
d’un séminaire bimensuel, avec la participation d’intervenants extérieurs.
Métamorphoses, ruptures et expérience du changement. Ce programme se réalisera à travers deux
principaux projets, tous deux préparés par des panels lors de conférences récentes : Le temps biographique ;
Synchronicités. Le programme sur les biographies s’appuiera pour partie sur un programme ANR
commençant en 1013 « Vieux maîtres et nouvelles générations de spécialistes religieux en Chine
aujourd’hui : ethnographie du quotidien et anthropologie du changement social – SHIFU » (voir aussi projet
axe 5), et deux projets du Labex « Les passés dans le présent » (un financé, un soumis). Le programme
« synchronicités » prendra la forme d’un atelier débouchant sur une soumission de projet ANR sur une
« anthropologie de la lose », permettant de saisir les logiques de désassociation sociale (loose) ou de
désynchronisation temporelle. L’ensemble du travail mené selon ces deux perspectives converge vers l’étude
de la place de la biographie et de l’expérience vécue dans l’analyse anthropologique, au-delà de la prise en
compte des situations de changement et des métamorphoses sociales et culturelles. Sur ce point, une
réflexion sur les relations entre existence et modalités d’expérience sera poursuivie dans le cadre d’un atelier
régulier évaluant les différentes traditions anthropologiques autour de ces notions.
Axe 5 : Religion et rituel (Responsables : A. Herrou, S. Pédron Colombani)
Phénomènes rituels et dynamiques du religieux continuent à être l’un des grands domaines de recherche
des ethnologues, à plus forte raison quand le contexte de mondialisation et de globalisation a sensiblement
modifié les paysages religieux aux prises avec de nouvelles économies, cartographies et contraintes. Les
pratiques et les enjeux ayant trait au religieux changent aujourd’hui de façon significative, et il s’agit de les
appréhender dans leur rapport à la modernité, et, par un jeu de miroir, à travers leur étude, d’avancer dans la
compréhension de celle-ci. Il s’agira notamment d’interroger la tension, particulièrement sensible dans ce
domaine, entre une certaine quête de permanence et d’immuabilité et une volonté - qui est aussi bien souvent
une nécessité - de s’adapter aux préoccupations et situations de son temps. Le laboratoire entend contribuer à
cette analyse des faits religieux et rituels contemporains par l’entremise de différents cas ethnographiques
abordés sous l’angle de problématiques et réflexions communes. Ainsi, l’axe de recherche « Religion et
rituel » s’organisera-t-il selon quatre orientations principales, ayant trait aux Pratiques, images et objets
rituels ; aux Spécialistes religieux ; aux Dynamiques contemporaines liés aux processus de migrations, de
diaspora et de globalisation du religieux ; et aux Liens entre musiques et rituels.
Pratiques, images et objets rituels. Cet atelier se propose d’interroger les objets (masques, dagues
rituelles, ex-votos, instruments de musique, poteries, armes…) à travers toute une série d’usages qui s’y
rapportent et servent à les façonner, allant de leur fabrication, leur matérialité, aux changements d’utilisation
qui s’opèrent. Cette réflexion sur les rapports entre l’idéel et le matériel inclura une étude des images
religieuses, à partir de codex, de peintures corporelles, d’illustrations au sein d’almanachs à vocation
divinatoire, ou de livres contenant des prescriptions rituelles. Les pratiques mises en œuvre constituent un
autre volet de ces recherches, qu’il s’agisse de cérémonies actuelles dans leur rapport aux rituels d’autrefois,
ou de rituels de possession appréhendés dans leurs évolutions récentes, ou encore de prières. Une des
perspectives innovantes consistera à étudier ces pratiques au regard de leurs marges mais aussi en lien avec
les mythes qui s’y rapportent.
Les spécialistes religieux. Trois angles d’approches seront privilégiés : leurs techniques et pratiques, la
transmission entre vieux maîtres et nouvelles générations, et la signification plus large des formes de
renoncement dans les sociétés actuelles - appréhendées en lien avec l’idée de passion. Cette réflexion
rassemblera à la fois des chercheurs sur la base de leurs recherches individuelles, et dans le cadre d’une
nouvelle équipe de recherche internationale (ANR Shifu, 2013-2015). Outre l’organisation de journées
d’étude et de colloques, ce programme constituera un fonds documentaire, élaborera un site internet dédié, et
vise à la réalisation de plusieurs films. Il appuiera le séminaire « Figures de moines et autres ascètes ou
renonçants », initié en 2009, qui poursuivra ses travaux sur la base d’un séminaire mensuel.
Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux. Différentes thématiques :
Religions transnationales : entre réseaux globaux et ancrages locaux ; Migrations, diasporas et religions ;
Religions et circuits médiatiques. Dans ces travaux, la dimension musicale des processus de réinvention des
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Unités de recherche
identités religieuses en contexte migratoire sera prise en compte, ainsi que de nouvelles formes de circulation
des imaginaires, des croyances et des pratiques : l’insertion des acteurs religieux dans des réseaux
d’échanges par le biais d’outils modernes de communication tel internet. Les recherches menées dans cet
Atelier thématique seront régulièrement discutées collectivement dans le cadre d’une série de journées
d’études.
Musiques et rituels. Trois projets : L'organisation du temps (compte tenu des études déjà réalisées, le
projet pour la période 2014-2018 consistera surtout à les rapprocher afin de dégager les termes d’une
comparaison systématique) ; La qualification du temps rituel : relation avec l'invisible et expérience
corporelle ; La musique en tant qu'interaction.
Axe 6 – Genre et parenté (Responsables : F. Fogel, O. Kyburz)
Cet axe rassemble des questions classiques en anthropologie de la parenté, et d’autres qui le sont moins. Il
propose plusieurs perspectives de renouvellement du domaine, en termes d’approche problématique, de
méthodologie d’enquête et d’analyse théorique. Ces perspectives procèdent notamment de la prise en compte
de la réalité relationnelle du genre et de la dimension transnationale des faits sociaux, et résultent aussi du
développement d’outils informatiques de traitement et d’analyse des données. Ainsi, il est encore et toujours
question de filiation et d’alliance, de consanguinité et d’affinité, de généalogie et de terminologie de parenté,
mais en étudiant par exemple les faits portés et agis par les femmes dans des contextes idéologiquement
patrilinéaires, en interrogeant les statuts et les fonctions en rapport avec la régulation sociale, en intégrant de
nouvelles affiliations comme celles qui sont liées à la résidence et à l’échange. Les thématiques sont
interrogées en corrélation, comme le genre, la parenté et la migration. Enfin, la comparaison atteint une
nouvelle dimension dans le projet Kinsources, avec la création d’un outil spécifique à partir d’une question
spécifique, celle de l’interaction entre généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des structures de
parenté. Ces projets s’appuient sur des réseaux de recherche et des collaborations internationales, et font une
part très importante à la diffusion des résultats, en prévoyant des séminaires réguliers, des colloques, des
publications et le développement d’un site web attractif.
Pratiques et représentations de la parenté. Le champ des « Pratiques et représentations de la parenté »
sera concerné au premier chef par la mise en œuvre du projet Kinsources qui démarrera début 2013.
Toutefois, ce projet n’a pas vocation à absorber toutes les contributions relatives à ce domaine. Ce projet se
situe dans le prolongement des activités du groupe TIP (Traitement informatique de la parenté
www.kintip.net) et rassemble des anthropologues, du LESC et du LAS, et des historiens-démographes de
l’EHESS-LaDéHis et du centre R. Mousnier (U. Paris IV). Il compte également des partenaires
internationaux : le Center for Social Anthropology and Computing (U. of Kent, Canterbury) avec Michael
Fischer, la School of Social Science (U. of California, Irvine) avec Douglas White, le Department of
Anthropology (U. of California, Los Angeles) avec Dwight Read, et enfin l’Institut Max Planck de
Psycholinguistique (Nimègue) en la personne de Peter Withers, développeur du logiciel KinOath.
Genres, parentes, migrations. Enfin, F. Fogel et A. Bathaïe (post-doc) coordonnent le projet « Migrations
temporaires et temporalités migratoires » soumis pour répondre à l’appel d’offre du projet européen
coopératif 2013 (SSH.2013.3.1-1, Adressing European Governance of Temporary Migration and Mobility to
Europe). Cette recherche porte sur les migrations temporaires en Europe méditerranéenne de populations
d’Afrique et d’Asie, en focalisant sur le point de vue des migrant(e)s, et en valorisant la perspective de
genre. Par une approche comparative, pluri-disciplinaire et multi-scalaire, il s’agit d’étudier des perceptions
et des pratiques du temps, individuelles et collectives, dans des configurations migratoires diverses marquées
par des enchaînements de contraintes et d’opportunités. L’objectif est d’éclairer dans quelles mesures et
selon quelles modalités les acteurs(trices) de la mobilité envisagent et réalisent leurs inscriptions dans les
sociétés d’installation, à court, moyen ou long terme. L’ensemble des recherches de cet axe sera
régulièrement discuté dans le cadre du Séminaire de recherche et de formation, Genre, Parenté, Migration,
institué en 2011, à l’initiative de F. Fogel et de A. Bathaïe, et fera l’objet d’un suivi sur le carnet de
recherches électronique « Ethnochronique » (sur Hypotheses).
Le projet de laboratoire qui vient d’être évoqué trace un certain nombre de perspectives nouvelles pour la
recherche anthropologique. Il s’appuie sur une forte expérience acquise au cours des années précédentes – en
particulier durant le contrat actuel – qui permet d’envisager avec confiance la mise en œuvre de ce
programme de travail. Et ce d’autant que cette expérience est une pratique collaborative, avec de très
nombreux partenaires français ou étrangers qui apportent des compétences que les membres de l’unité n’ont
pas forcément - ainsi que, souvent, des perspectives et des méthodologies disciplinaires différentes. Par
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Unités de recherche
ailleurs, la pratique, bien établie, de chercher à financer des programmes déjà engagés, et donc inscrits dans
les choix scientifiques du laboratoire, aboutit assez régulièrement à acquérir la marge de manœuvre
budgétaire permettant aux projets collectifs financés d’acquérir une ampleur internationale – en renforçant la
dynamique d’ensemble de l’unité. Rappelons brièvement quelques-uns des partenariats acquis pour le
projet :
- Renouvellement en 2012 de l’accord-cadre MCC-CNRS (bénéficie au centre CREM) ; 40 000€/an
- Convention de dépôt et de numérisation des archives ethnomusicologiques MNHN-CNRS-BNF
- Programme ANR « Kinsources », Janv 2013-déc 2015, plateforme ouverte de stockage et d’analyse de
données de parenté à usage scientifique ; le laboratoire est porteur ; 243 776€
- Programme ANR « SHIFU », Janv 2013-déc 2015, Vieux maîtres en Chine et nouvelles générations de
spécialistes religieux en Chine aujourd’hui : ethnographie du quotidien et anthropologie du changement
social ; le laboratoire est porteur ; 300 000€
- Consortium « Archives des ethnologues », IR Corpus ; le laboratoire est porteur
- Consortium « Corpus Oraux et Multimodaux – IRCOM », IR Corpus ; participation du laboratoire
(centre EEA) ;
- Programme ANR « DIFFCERAM », Janv 2013-déc 2015, Dynamiques de diffusion des techniques et
styles céramiques : données comparatives actualistes et modélisation multi-agents ; participation du
laboratoire ; 28 288€
- Programme ANR « DIADEMS », Janv 2013-déc 2015, Description, Indexation, Accès aux Documents
Ethnomusicologiques et Sonores ; participation du laboratoire ; 82 680€
- Programme ANR « FABRIQU’AM », fév 2013-jan 2016, La fabrique des « patrimoines » :mémoires,
savoirs et politique en Amérique indienne aujourd’hui ; participation du laboratoire (centre EREA) ;
195 000€
- GDRI APOCAMO (2012-2016), coordonné par le laboratoire (centre EREA), partenaires LAS, MAEE,
EHESS, Université Nationale de Colombie, Pontificia Universidad Católica de Lima
- LABEX « Les Passés dans le présent » : 5 projets du LESC financés à partir de 2013
- GDRI « Anthropologie et histoire des arts », le laboratoire est porteur au niveau de l’UPO ;
- Participation au projet « Justice spatiale » du PRES « Paris Lumières » (UPO – Paris 8)
Projets de partenariats déjà soumis et en attente de réponse (sans compter la préparation actuelle de
plusieurs soumissions à l’ANR) :
- Demande de reconnaissance comme Ecole thématique du colloque de Cerisy septembre 2013
« Morale et cognition : l’épreuve du terrain ».
- Demande de PICS pour le projet « Alfred Métraux : Relectures transatlantiques »
- Projet « Dispositifs et mesures « soumis au PRES « Paris-Lumières » (UPO-Paris 8)
- Projet de DU Anthropologie et psychanalyse, UPO
- LABEX « Les passés dans le présent », deux nouveaux projets.
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Projet de laboratoire 2014-2018
Annexes scientifiques
AXE 1 : ÉPISTEMOLOGIE ET EXERCICES DE L’ANTHROPOLOGIE
A) Les changements d’échelle dans les pratiques de savoir
B) Dispositifs et mesures
C) Recherche-action en anthropologie et ethnomusicologie
D) Archives, Corpus &Texte
p3
p4
p6
p7
p9
AXE 2 : ESPACES SOCIAUX, ESPACES SENSIBLES
A) Corps et sensorialité
B) Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics
C) Pluralité, fabrique du politique et zones frontières
D) Environnement et emprises politiques sur le biologique
p 12
p 13
p 15
p 17
p 20
AXE 3 : COGNITION, COMMUNICATION, SAVOIRS
A) Morale et cognition
B) Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à
l’épreuve de l’ethnographie.
C) Anthropologie et frontières d’humanité
D) Interactions et transmissions verbales et musicales
p 22
p 22
p 26
p 30
AXE 4 – TEMPORALITES, MEMOIRE, HISTORICITES
A) Anthropologie de la nuit
B) Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles
C) Techniques d'Oubli
D) Métamorphoses, ruptures et expérience du changement
p 34
p 34
p 37
p 42
p 43
AXE 5 : RELIGION ET RITUEL
A) Pratiques, images et objets rituels
B) Les spécialistes religieux
C) Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux
D) Musiques et rituels
p 46
p 46
p 49
p 52
p 56
AXE 6 – GENRE ET PARENTE
A) Pratiques et représentations de la parenté
B) Genres, parentés, migrations
p 60
p 60
p 63
CENTRE DE RECHERCHE EN ETHNOMUSICOLOGIE – CREM
A) Présentation générale
B) Recherches
C) Ressources documentaires, sonores et audiovisuelles
p 66
p 66
p 67
p 71
1
UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
CENTRE ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE EN ETHNOLOGIE AMERINDIENNE – EREA
A) Ethnohistoire et Patrimonialisation
B) La Fabrique du politique : Nouvelles formes de représentativité et positionnements
interethniques
p 74
p 74
C) Dynamiques religieuses transnationales en Amérique
D) Langage et Cognition
E) L’Américanisme en question
F) Anthropologie visuelle et numérique
G) Moyens
p 77
p 79
p 80
p 81
p 82
p 83
GROUPE D’ENSEIGNEMENTS ET DE RECHERCHE SUR LA MESOAMERIQUE – GERM
A) Projets généraux
B) Ateliers de recherche (sélection)
p 85
p 85
p 86
2
UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
AXE 1 : ÉPISTEMOLOGIE ET EXERCICES DE L’ANTHROPOLOGIE
Responsables : B. Buob, E. Grimaud, S. Houdart, V. Manceron
Chercheurs du LESC : Brigitte Baptandier (émérite), Michèle Baussant, Margaret Bucknet,
Jean-Michel Beaudet, Sophie Blanchy, Florence Borneuf, Margaret Buckner, Jean-Pierre
Chaumeil, Aude Da Cruz Lima, Danièle Dehouve (émérite), Patrick Deshayes, Frédéric
Dubois, Philippe Erikson, Arnault Esquerre, Jacques Galinier, E. Garine, Emmanuel
Grimaud, Monica Heintz, Aurélie Helmlinger, Sophie Houdart, Gisèle Krauskopff, Jean
Lambert, Vanessa Manceron, Rosalia Martinez, Virginie Milliot, Antoinette Molinié
(émérite), Marie-Dominique Mouton, Anne-Marie Peatrik, Albert Piette, Nicolas Prévôt,
Gilles Raveneau, Joséphine Simonnot, Victor Stoichita, Gilles Tarabout, Valentina
Vapnarsky, Fabienne Wateau
Doctorants du LESC et post-doc associés : T. Beltrame, A. Cohen, P. Tastevin, A. Vallard
L'objectif de cet axe de recherche est de réfléchir aux modalités d'exercice de l'enquête
ethnographique, dans un monde où le champ des objets dignes d'investigation
anthropologique ne cesse de s'élargir pour inclure des objets de plus en plus fins et
hétéroclites (atelier thématique : Changements d'Echelle dans les Pratiques de Savoir).
L'originalité de ce projet est de lier l'enquête sur les savoirs, les instruments de captation, les
outils de mesure et les dispositifs expérimentaux auxquels d'autres savoirs que
l'anthropologie ont recours, et la mise en place de nouvelles formes d'enquête spécifiquement
anthropologiques, sur des objets particulièrement difficiles à capter et qui demandent la mise
au point de protocoles particuliers (atelier thématique : Dispositifs et Mesures). La volonté
de favoriser des projets collaboratifs et innovants est au cœur de cet axe de recherche, de
même que la nécessité de réinventer les conditions dans lesquelles la pluridisciplinarité peut
s’exercer, et la mise en place de nouveaux protocoles de recherche-action (atelier
thématique : Recherche Action en Anthropologie et Ethnomusicologie). Enfin, il s'agira de
poursuivre la mise en perspective historique des pratiques de la discipline, à travers la
réflexion sur les matériaux de terrain, leurs modalités d'exploitation, de partage et de
visibilité (atelier thématique : Archive, Corpus et Texte).
Si la nature et le spectre de l'enquête ethnographique sont en constante redéfinition, soit
en raison des objets que l’enquête se donne, soit des outils auxquels elle recourt ou des
contextes dans lesquels elle a lieu, l’objectif de ce projet est de véritablement prendre acte de
cette hétérogénéité des formes d’enquête et des dispositifs et de l’accompagner par des relais
techniques et réflexifs appropriés, à toutes les étapes du processus de recherche. D’où la
mise au point de plateformes visant la mutualisation des outils (vidéo, son, etc.), la
conception d’objets collaboratifs qui mêlent le terrain au sens classique et l’élaboration de
véritables dispositifs de captation, ainsi que des ateliers visant à ancrer la discussion
épistémologique dans une réflexion pratique sur les techniques de l’enquête et de
l’expérience anthropologique. Cet axe devrait donc déboucher sur la constitution d’un
véritable pôle de réflexion épistémologique, non pas de manière purement théorique, mais en
favorisant et encourageant de manière pragmatique l’émergence de nouveaux dispositifs.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
A) Les changements d’échelle dans les pratiques de savoir
Responsables : Sophie Houdart & Vanessa Manceron
Avec la participation de F. Keck (LAS), C. Jungen (IIAC) et D. Vidal (IRD, affilié LESC).
Collaboration institutionnelle : Fondation 93 (F93), Centre de Culture Scientifique
Technique et Industrielle de la Seine-Saint-Denis.
S’est constitué il y a trois ans un groupe de travail qui a pour objectif de réfléchir aux
modes de production des savoirs dans les sociétés contemporaines, et notamment aux
relations qu’elles entretiennent avec la question de l’échelle – ce, dans des champs de savoir
et des contextes culturels diversifiés. Un séminaire thématique du LESC, l’Atelier Petits
Etres, coordonné par S. Houdart, C. Jungen (IIAC), T. Beltrame et A. Cohen (alors
doctorantes LESC) est depuis lors en cours, dans lequel il s’agit de mettre en commun et de
comparer des situations dans lesquelles les acteurs concernés, scientifiques, experts,
ingénieurs, technologues, mettent en œuvre des opérations et des dispositifs pour observer,
comprendre, appréhender, manipuler des entités qui sont problématiques en raison de leur
taille. Il est devenu plus récemment le séminaire Les changements d’échelle (coord. Houdart,
Jungen, Manceron).
Qu’elles soient trop petites – invisibles parfois – ou bien au contraire trop grandes, de
telles entités permettent d’interroger les manières extrêmement variées par lesquelles elles
sont mises à échelle pour entrer en interaction avec les hommes. Comment les fait-on
coexister avec l'échelle humaine de perception et de manipulation ? Et comment sont opérés
les passages entre le microscopique et le macroscopique, entre des ordres de grandeur
incommensurables dont la gestion participe de la relation des humains au monde ? Il est fait
l’hypothèse, dans ce groupe de travail, que ces entités, parce que trop petites ou trop grandes
pour être immédiatement ou facilement saisissables, ont des propriétés, des qualités ou des
régimes d'action propres qui entrent pour une part active dans les processus d’innovation et
de création, comme dans les processus de diffusion. Les exemples abondent, au cœur des
développements scientifiques et techniques actuels, dans lesquels l’identité réglementaire,
technique et politique de telles entités est manifestement incertaine.
Les nanoparticules manufacturées, par exemple, ne sont que partiellement prises en
compte dans les réglementations existantes des produits chimiques, et les incertitudes sur
leurs risques potentiels sont directement liées aux difficultés rencontrées pour assurer une
caractérisation physico-chimique univoque. De même pour les nucléides qui, au sortir d’une
catastrophe nucléaire, semblent offrir de la résistance aux programmes de mesures et partant,
aux efforts pour qualifier la contamination et définir l’échelle de l’événement. C’est
précisément cet aspect qu’abordera S. Houdart dans le projet qu’elle entame sur la gestion,
au Japon, de ce qu’on appelle aujourd’hui le « post-Fukushima », en partenariat avec la
Fondation 93 (F93), Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle de la SeineSaint-Denis. L’entrée par la question de l’échelle lui permettra de saisir ensemble les
opérations de gestion du microscopique (les contaminants dans l’espace public) et
l’appréhension des effets macroscopiques (les modélisations de leur diffusion à l’échelle de
la planète, qui viennent croiser d’autres phénomènes macro, comme les séismes ou les
transformations atmosphériques). V. Manceron, quant à elle, approfondira une recherche
qu’elle mène depuis longtemps sur les zones humides en France et en Angleterre, en
choisissant, comme objet et prisme de compréhension de ces milieux, les différents états de
l’eau, vaporeux, liquide, ou composé atomique. Il s’agira de décrire les différents dispositifs
scientifiques, techniques et sensibles, mis en place pour évaluer la dangerosité du milieu et
qui ont pris l’eau des marais comme objet d’étude.
En prenant l'échelle physique comme un paramètre pertinent pour comprendre les
pratiques de savoir contemporaines, il s'agit donc de suivre très concrètement, au moyen de
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
l'observation ethnographique, une variété de dispositifs et de modes d'action qui opèrent
matériellement sur et à partir du monde. En la matière, G. Raveneau, poursuivant son travail
sur la microminéralogie, s’intéressera plus particulièrement aux déplacements, tant du point
de vue des représentations que des pratiques, auxquels obligent les collectes de
microminéraux qui ne peuvent s’accomplir qu’en laboratoire, sous l’œil du microscope.
Croisant l’art, la science, la technique et l’ingénierie, il se propose d’étudier les opérations
mises en œuvre pour le passage à l’existence de ces nouveaux objets, tant sur le plan
scientifique, que technique ou esthétique.
La compréhension des systèmes techniques contemporains, au moyen desquels émergent
des entités nouvelles, doit également en passer par la description détaillée des modes
d’assemblage ou de composition qui permettent de s’en saisir en opérant des sauts
épistémologiques parfois subtils, parfois manifestes. Qu’est-ce qui, dans un système
technique, est susceptible de modifier la portée d’un savoir ? C’est cette piste que creusera
E. Grimaud qui entame, en collaboration avec D. Vidal et P. Tastevin, un projet sur la
tension entre « low tech » et « high tech ». Se donnant pour objectif de cartographier des
modes de composition en identifiant et en confrontant des manières inédites d’assembler des
objets techniques ou des parts d’objets techniques, E. Grimaud et ses collègues chercheront à
identifier les opérateurs techniques et sociaux qui font passer du low tech au high tech, mais
aussi du petit au grand ou du simple au complexe (un projet en réponse à l’ANR blanc sera
déposé sur ces questions en 2013). Sur la base du travail d’enquête qu’elle a mené
récemment sur le Grand collisionneur de particules (LHC, Large Hadron Collider) du
CERN, à la frontière franco-suisse, S. Houdart s’intéressera, quant à elle, à l’écart entre la
« Big Physics », qui sert à désigner tout à la fois un mode d’expansion économique,
multidisciplinaire, multinational, mais aussi l’échelle des instruments eux-mêmes et leur
emprise géographique, et les « Small Particles » qui, du fait de leur invisibilité et de leur
instabilité, requièrent précisément des dispositifs colossaux pour pouvoir être rendues
manifestes. Au-delà de l’enquête ethnographique, ce travail, qui s’effectue en collaboration
avec F93, doit donner lieu à une exposition.
Cet atelier thématique fédèrera le séminaire sur « Les changements d’échelle », animé par
S. Houdart, V. Manceron et C. Jungen (IIAC/LAU) et auquel, parmi les membres du
laboratoire, participent déjà E. Grimaud, G. Raveneau (ainsi que T. Beltrame, A. Cohen et
A. Vallard, jeunes docteurs du LESC) ; mais aussi les interrogations déployées dans le
groupe de travail coordonné par V. Manceron et F. Keck (LAS) sur la question animale,
ainsi que le séminaire coordonné par V. Manceron et M. Roué (MNHN) sur les utopies et la
nature. Il recoupe en outre les préoccupations sur l’ontologie portées par A. Piette et
V. Stoichita (voir le projet de l’axe 3), ainsi que l’atelier thématique coordonné par
E. Grimaud et B. Buob sur les dispositifs de mesure (au sein de l’axe 1).
Outre le séminaire mensuel qui accueillera le travail au long cours sur ces questions
complexes, des journées d’étude annuelles seront organisées pour explorer et rendre compte
des problèmes d’échelles. Plusieurs cycles ont d’ores et déjà été identifiés : 1/ A échelle
humaine ; 2/ Agir dans les micromondes ; 3/ Les matières comme environnements ; 4/
Traitements des incommensurables.
Dans une version préliminaire, une version de ce projet a été proposée en réponse aux
appels d’offre de l’ANR-Blanc (en 2011 puis 2012). En vue de rendre possible sa réalisation,
et dans le but de laisser le projet parvenir à maturité, une demande de subvention a été
déposée auprès de la Fondation Fyssen en hiver 2012 (coord. C. Jungen). La rédaction d’un
ouvrage collectif est projetée à l’horizon 2017. La réflexion qui accompagnera la mise en
œuvre de cet ouvrage sera présentée sur le site du laboratoire, en interaction avec la plateforme de recherche collective Artmap (www.artmap-research.com) fondée par E. Grimaud et
D. Vidal.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
B) Dispositifs et mesures
Responsables : E.Grimaud & B.Buob
Le projet Dispositifs & Mesures consiste à réfléchir, d’une part, sur des objets
particulièrement difficiles à capter, à se représenter ou à modéliser (aussi divers que l’air, la
musique, la présence, les mouvements oculaires, le danger, les aléas, etc.). Aussi hétérogènes
puissent-ils paraître, tous supposent le recours à des outils de captation ou à des instruments
de mesure. D’autre part, il s’agit d’expérimenter des instruments spécifiques (audiovisuels,
mesure physiologique, etc.), et de mettre en place des protocoles expérimentaux afin de
saisir et de restituer ce qui échapperait, au moins en partie, à la perception habituelle et à la
représentation. Ainsi, il s’agit d’associer la réflexion sur les procédures de mesure et l’usage
concret d’outils de captation, dans la perspective d’une ethnographie expérimentale.
Dans le prolongement de plusieurs recherches amorcées au sein du laboratoire sur les
techniques (notamment sur les techniques de comptage), les chercheurs concernés
s’interrogent sur les usages sociaux des instruments de mesure, de captation et de
représentation mis en place par des communautés diverses. L’étude des modalités employées
pour appréhender des « objets » particulièrement difficiles à saisir et à représenter relève de
domaines aussi divers et spécifiques que la mesure du danger (S. Houdart, V. Manceron, en
collaboration avec S. Revet), les dispositifs de comptage et de mesure et leur part d’aléatoire
(D. Dehouve, A. Esquerre, F. Wateau), les systèmes de représentation graphiques des
phénomènes sonores (V. Stoichita), les techniques de mesure de la radioactivité et leur
impact dans la praxis environnementale au Japon (S. Houdart) ou encore les techniques de
représentation graphique des ondes, des énergies et des forces (A.Esquerre, E.Grimaud,
S.Houdart).
Parallèlement à ces investigations sur les usages sociaux des instruments de mesure, des
chercheurs s’efforcent d’utiliser des dispositifs de captation, d’objectivation et de restitution
dans leur propre démarche, associant leurs expériences à une réflexion plus générale sur la
mesure, la captation et les modes de représentation. Cette seconde orientation,
complémentaire de la première, doit déboucher sur une réflexion autant pratique que
théorique sur les techniques de captation/représentation (qu’elles soient « classiques » ou
expérimentales) et leurs usages, en anthropologie mais aussi, au-delà, dans les disciplines
voisines (de la psychologie expérimentale à la robotique en passant par les neurosciences). Il
s’agira, d’une part, de développer une perspective anthropologique sur les outils de captation
audiovisuels et physiologiques (caméras « classiques », embarquées, miniaturisées et haute
vitesse, enregistreurs audios, oculomètres, actimètres, etc.) qui permettent de saisir des
aspects de l’expérience humaine échappant totalement ou partiellement à l’audiovision
directe, tout en s’interrogeant sur les outils de modélisation (logiciels notamment, analyse du
son, de l’image, analyses informatiques de corpus, etc.) et sur les formes que peut prendre la
simulation expérimentale en anthropologie. Il est prévu, d’autre part, d’encourager de
nouvelles formes de rendus, de visualisations, de simulations et de modélisations. Une
attention particulière sera notamment portée aux modalités de « traçage » graphique de
certains aspects de l’expérience sensible (association des prototypes de l’image et du modèle
sur un même support), de restitution multimédia et à l’invention de nouveaux modes
d'écriture et d’analyse.
La conception de dispositifs expérimentaux inédits, proprement anthropologiques, pourra
s’effectuer dans le cadre de partenariats avec des laboratoires d’autres disciplines bénéficiant
d’une expertise spécifique et de plateformes techniques déjà constituées (rompues aux
dispositifs expérimentaux comme la psychologie expérimentale ou les sciences cognitives).
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Une collaboration ponctuelle a déjà été engagée par E. Grimaud avec le Laboratoire des
Usages en Technologies d'Information Numérique (Lutin), habitué à mener des
expérimentations en psychologie cognitive en utilisant des techniques cognitives Temps Réel
de recueil de données (oculométrie, EEG, EFRPs,…) et qui bénéficie d'une plateforme
technique importante à la Cité des Sciences pour la conduite d'expériences et la
modélisation. Un projet commun LESC-LUTIN a été soumis dans le cadre du PRES
nouvellement créé « Paris Lumières » (UPOND – Paris 8).
Outre ce partenariat, en développement, les recherches de cet Atelier thématique pourront
s’appuyer au début sur deux programmes ANR qui viennent de commencer et auxquels des
membres du laboratoire participent, « Diffceram » (participation A.-M. Peatrik) et
« Diadems » (participation des centres CREM et EREA). Une soumission de projet est en
préparation, « Dispositifs et mesures », dont le laboratoire serait porteur (B. Buob, E.
Grimaud).
Le programme de travail, par nature très collaboratif, se déploiera également à travers
plusieurs séminaires de recherche, dont plusieurs sont déjà initiés :
- « Praxis 2.0 » (B. Buob, E. Grimaud, V. Stoichita)
- « Initiation au film ethnographique » (B. Buob, E. Grimaud)
- « Cinéma des ethnologues », (B. Buob, E.Grimaud)
- « La mesure du danger » (S. Houdart et V. Manceron)
- « Comptage et Instruments de mesure » (F. Wateau)
- « Energies, forces, ondes : Cartographier les oscillations » (A.Esquerre, E.Grimaud)
C) Recherche-action en anthropologie et ethnomusicologie
Responsables : Monica Heintz & Nicolas Prévôt
Que ce soit en anthropologie ou en ethnomusicologie, un mouvement se dessine dans le
monde entier pour repenser à nouveaux frais une préoccupation récurrente, celle de
l’engagement du scientifique dans la société qu'il étudie, qu’il s’agisse des conditions
sociales et politiques de l’élaboration de son savoir, ou des choix d’applications qui peuvent
en être faits. Cet atelier de recherche se propose de stimuler des débats épistémologiques,
méthodologiques et éthiques liés à la « recherche-action » 1 en anthropologie sociale et en
ethnomusicologie, à travers des séminaires, cours et activités de vulgarisation/diffusion de la
connaissance.
Si l'anthropologie appliquée est envisagée comme la recherche, pour l'intérêt de tous,
d'applications concrètes de l'anthropologie « pure et désintéressée », la recherche-action en
anthropologie est une forme particulière d'anthropologie appliquée, caractérisée par un
engagement civique, voire politique, du chercheur, et par le fait qu'elle mobilise des acteurs
rencontrés sur le terrain. Elle se définit également par la volonté et la conscience du
chercheur d'agir sur le monde, de transformer par conviction une réalité (tout en analysant
ces transformations). En ce sens, la recherche-action en anthropologie peut aussi être
qualifiée d'anthropologie impliquée ou engagée. Mais en dehors d'un engagement parfois
idéologique, l'anthropologie et l'ethnomusicologie peuvent trouver des domaines
d'application très variés.
Que ce soit dans la société qu’il étudie ou dans sa propre société, là où il vit et cherche sa
place en tant qu'ethnomusicologue par la recherche-action, le chercheur est amené à se poser
la question de sa légitimité à vouloir « changer le monde », sans pouvoir trouver de réponse
évidente. Prétend-on produire du travail dans l'intérêt des populations que l'on étudie? Faut-il
1 On doit l'expression « recherche-action » (action research) au psychologue Kurt Lewin (1946) avant
qu'elle ne fût développée comme méthode par plusieurs courants de la sociologie.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
attendre une situation de crise pour prendre position ou devoir prendre position?
De la collaboration ou co-construction du savoir à l'intervention en passant par
l'engagement, nous pouvons déjà donner quelques exemples des champs possibles de la
recherche action :
- Si la science ne se construit pas uniquement à partir d’une prise de distance avec les
faits, on peut également envisager d’associer d’une manière ou d’une autre les acteurs à la
production de la connaissance, permettant une forme de co-construction des savoirs entre
acteurs et chercheurs. Le terme intervention doit être entendu comme l’acceptation du
chercheur à s’inscrire dans une relation d’aide et de transformation. Participant à une
situation, l’ethnologue en propose une lecture dont les effets (de contenu ou de processus)
peuvent participer d’une transformation de cette situation. Cette posture peut s’appliquer à
des domaines variés. G. Raveneau propose de réfléchir aux pratiques d’intervention et de
recherche-action, et à une anthropologie d’intervention, dans le cadre de ses recherches sur la
protection de l'enfance (dans la perspective des travaux et de la réflexion conduite dans le
cadre de l’équipe « Grepethno » coordonnée par F. Fogel et G. Raveneau ces dernières
années). Mais la problématique de la co-construction des savoirs est aussi au cœur du GIS
Institutions patrimoniales et pratiques interculturelles (IPAPIC, Ministère de la Culture et de
la Communication), dont le LESC est un membre actif : l’idée force en est de faire interagir
chercheurs, institutions patrimoniales et milieu associatif, comme forme nouvelle de
production des connaissances. C’est dans cette perspective que peuvent alors se situer un
certain nombre de réflexions actuelles sur le retour ou partage des archives aux
communautés d'origine, les muséographies locales, les collaborations avec ou la formation
d'acteurs sur le terrain : en ethnologie (Bibliothèque Éric-de-Dampierre, centre EREA)
comme en ethnomusicologie (centre CREM). C’est aussi le sens de l’intervention de
S. Blanchy dans le cadre du projet du Musée de Mayotte, où elle étudiera, avec les acteurs
mahorais, la place et la réception des textes anthropologiques et d’autres matériaux publiés
ou archivés. Les travaux de réflexion et de collecte menés en amont avec les acteurs
mahorais, et l’observation du déroulement du projet, en font un cas de recherche action très
lié aux enjeux du Labex « Les Passés dans le présent », porté par la MAE, et à ceux du GIS
IPAPIC.
- Autre possibilité, s’engager et contribuer à donner une légitimité à des points de vue
jusque-là inaudibles. Sur ces terrains, la relation ethnographique est lourde de choix
éthiques : qu’il le veuille ou non l’ethnologue est impliqué, il doit rendre des comptes et
assumer la responsabilité de la connaissance produite. Pour ne pas se laisser enfermer dans la
figure de l’expert ou du porte-parole, le chercheur doit mettre en œuvre ce que Jean Métral
définissait comme une démarche d’implication vigilante, et Michel Agier comme un
« engagement raisonné ». Afin de maintenir cette nécessaire distance critique, Virginie
Milliot propose de participer à cette réflexion commune en prenant l'exemple de ses modes
d’engagement sur un terrain concret, le comité de soutien des biffins en Ile de France,
Collectif Réservoir à Penser la Goutte d’Or. Il s’agira d’analyser dans un double mouvement
l’impact des recherches sur le terrain et l’implication de ces engagements sur la production
de la connaissance. Dans certaines situations, d’ailleurs, l'implication avec les populations
étudiées peut mener à la défense des droits humains ou des minorités, prises de position sur
les questions de propriété intellectuelle ou de patrimonialisation, allant parfois jusqu'à des
implications juridiques.
- L'ethnomusicologie, plus particulièrement, permet l'organisation d'événements musicaux à
partir de recherches et de réflexions anthropologiques et musicologiques. Le projet
« Patrimoine musical des habitants » (coord. N. Prévôt), mené à Nanterre par des étudiants
du master EMAD sur les pratiques musicales des habitants (en collaboration avec la ville de
Nanterre), est un projet de recherche-action dans le sens où il recouvre les trois aspects que
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sont la collaboration (avec les Nanterriens), l'engagement (du chercheur dans sa cité), et
l'intervention (l'organisation d'événements culturels avec les habitants pour valoriser leur
pratique et créer du lien social). Un développement de ce projet a été accepté pour
financement dans le cadre du Labex « Les Passés dans le présent », porté par la MAE.
- De la recherche-action relève aussi l’organisation des lieux de débats visant à rapprocher
les futurs ethnologues des entreprises et portant sur le retour des analyses anthropologiques
vers les organisations étudiées. La réflexion qui sera menée s’inscrira dans la continuité de
l’atelier expérimental « L’ethnologue en entreprise » (2011-2012, voir bilan axe 7, et carnets
de recherche arede.hypotheses.org), organisé par M. Heintz et des collègues du Centre des
Relations avec les Entreprises et de la Formation Permanente de l’Université
- Enfin un certain nombre de formations dispensées à des professionnels (souvent du
domaine de la santé) par les membres du LESC s’inscrivent dans cet engagement réflexif qui
vise à la fois une action dans la société, et un retour sur les concepts et les pratiques de
l’ethnologie. Dans cette perspective, le LESC et le département d’Ethnologie, préhistoire et
ethnomusicologie montent un partenariat avec l’équipe de psychopathologie clinique de
l’université pour créer un DU « Anthropologie et psychanalyse » qui vise avant tout à la
formation de personnels de l’institution psychiatrique, dans le cadre d’un dialogue-recherche
entre les deux disciplines.
L’anthropologie sociale trouve, de fait, des applications dans la vie des entreprises, les
projets des organisations internationales ou les actions de la société civile locale. Les savoirs,
théories et concepts nés de l'ethnomusicologie peuvent trouver des applications dans des
domaines aussi variés que la pédagogie, la muséographie, la programmation culturelle, par
ailleurs autant de voies professionnelles pour les ethnomusicologues en dehors de
l'académie. Dès lors que ces applications sont accompagnées d'une réflexion sur leurs
implications sociales, et que ces domaines sont pensés comme des moyens d'action sur « la
société », elles deviennent une forme de recherche-action pour autant qu'elles fassent
participer des acteurs rencontrés sur le terrain de recherche et qu'elles tiennent compte de
leurs propres aspirations.
Le but des cours universitaires et débats dans cet axe devient alors également de
développer une réflexion sur ces voies professionnelles : cours « interventions de
professionnels » dans le master EMAD, cours de professionnalisation et d’anthropologie
appliquée en master Anthropologie, projet de mise en place d'ateliers musicaux
expérimentaux à partir de notions ethnomusicologiques.
D) Archives, Corpus & Texte
Responsables : A. Da Cruz Lima, F. Dubois, V. Milliot, M.-D. Mouton, S. Blanchy
Depuis plusieurs années la réflexion sur le travail de sauvegarde, d’archivage et de mise à
disposition des matériaux de terrain comme objet anthropologique à part entière s’impose
comme l’une des spécificités du LESC, et ceci dans ses trois composantes, les « Archives
des ethnologues » de la bibliothèque Eric-de-Dampierre, les archives sonores du CREM, et
les corpus oraux américanistes de l’EREA. La mise à disposition de ces archives a donné
lieu à des réalisations originales et performantes comme la plateforme Telemeta du CREM,
plateforme collaborative pour l’écoute du son.
Les fonds conservés se caractérisent par leur nature patrimoniale, leur richesse et leur
diversité, l’amplitude chronologique qu’ils recouvrent. On trouve en effet des sources
textuelles, sonores, visuelles et audiovisuelles, créées ou collectées depuis les débuts de
l’ethnographie de terrain, dans les années 1930, jusqu’à de récentes missions. La variété des
corpus trouve sa cohérence dans la nature des fonds, constitués principalement de matériaux
de terrain d’ethnologues. Ces matériaux présentent, en effet, la caractéristique principale et
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
corpus trouve sa cohérence dans la nature des fonds, constitués principalement de matériaux
de terrain d’ethnologues. Ces matériaux présentent, en effet, la caractéristique principale et
commune d’être le produit de la relation entre l’ethnologue et les personnes (informateurs)
ou groupes avec lequel il travaille, et ceci, quelles que soient les particularités du terrain, le
type d’enquête, la situation géopolitique.
Les réflexions méthodologiques, menées sur la nature des matériaux de terrain et sur les
questions de droits et d’éthiques qu’elle soulève, prennent en compte les possibilités offertes
par les nouvelles technologies en matière de diffusion sur le web et de projets collaboratifs
avec les pays du sud. L’un des cadres institutionnels où pourront se déployer les projets du
LESC est le Labex « Les passés dans le présent », porté par la MAE et dont S. Blanchy est
membre du comité de pilotage. Ce Labex porte sur les enjeux d’une médiation dynamique du
passé, à partir d’objets complexes (archives, images, sons, objets …) et des conditions de
leur intelligibilité auprès du public dans le contexte des technologies numériques.
A court terme, deux portails financés par le Labex seront réalisés par le laboratoire en
partenariat avec la BNF et le MQB. Ils permettront d’expérimenter de nouveaux modes de
mise à disposition des documents d’archives et d’atteindre, voire d’impliquer (tags et
annotations), des publics différents ou éloignés, selon une perspective axée sur la
collaboration plutôt que sur la restitution :
- Naissance de l’ethnologie française. Les premières missions ethnographiques en Afrique –
projet qui sera conduit, à partir du fonds Archives des ethnologues de la Bibliothèque Éricde-Dampierre du LESC, par S. Blanchy, M.-D. Mouton et F. Dubois. Il s’agit de réaliser un
portail qui présentera les premières missions ethnographiques en Afrique par des corpus
sélectionnés et contextualisés, et par l’accès à une série de métadonnées, y compris
provenant de fonds conservés dans d’autres institutions. Le but est d’offrir à un public varié,
scientifique et non scientifique, une information la plus complète possible sur des
évènements et des personnages clés de la naissance de l’ethnologie en France par une
présentation concrète des méthodes, préparatifs, travaux de terrain, exploitation, écriture,
publications, échanges scientifiques, impacts sociaux et culturels, effets sur la longue durée.
Il s’agit aussi d’expérimenter un mode de valorisation d’un type d’archives « sensibles »
dans le respect des normes éthiques.
- Les sources de l’ethnomusicologie – porté par la BNF, en partenariat avec le MQB et le
centre CREM du LESC (A. Da Cruz Lima), qui gèrent des corpus ethnomusicologiques
communs et complémentaires, inhérents à l’histoire institutionnelle des collections. Ce projet
ouvrira deux actions : (1) le traitement numérique de fonds d’archives prioritaires : grands
évènements scientifiques (missions, enquêtes, expositions) et grands producteurs, avec
création de liens entre des collections complémentaires conservées dans les différentes
institutions ; (2) l’élaboration d’un référentiel ethnomusicologique commun (instruments de
musique, voix, danse, etc.) pour créer des passerelles entre les différentes collections.
Par ailleurs le laboratoire est fortement impliqué dans deux consortiums IR Corpus, l’un
comme porteur (consortium des « Archives des ethnologues »), l’autre comme participant
(consortium IRCOM, participation du centre EREA).
Cette expérimentation sera accompagnée d’une étude de la réception de ces portails
auprès des publics cibles, étude qui s’insèrera dans la problématique récemment initiée au
laboratoire des conditions d’un usage non scientifique des archives, de l’appropriation des
données par des créateurs et des artistes, et des conséquences d’un usage décontextualisé des
données (F. Dubois, M-D Mouton). Dans la ligne des travaux de ré-analyse des données de
terrain, menés dans le cadre de l’ANR Diadems (CREM, Joséphine Simmonot), de nouvelles
expérimentations pourront être tentées grâce au développement des logiciels de
reconnaissance multi-script. De même sera poursuivie la réflexion autour d’une éventuelle
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
participation aux mouvements européens de partage des données scientifiques et des
répercussions de telles réalisations sur la recherche (DARIAH).
A côté de ces expérimentations sur les matériaux conservés au laboratoire, d’autres
travaux individuels ou collectifs, fondés eux aussi sur les archives, vont se développer dans
trois directions principales : l’histoire de l’anthropologie, la réflexion anthropologique sur
des corpus créés ou étudiés, les travaux autour de l’écriture.
Les travaux d’épistémologie et d’histoire de la discipline seront poursuivis, de manière
individuelle et collective, et porteront aussi bien sur le parcours d’ethnologues (Fabienne
Wateau sur les ethnologues portugais ; Antoinette Molinié sur la correspondance Julian PittRivers/Julio Caro Baroja et l’importance de ces deux chercheurs dans la naissance de
l’anthropologie espagnole ; Margie Buckner qui associe à des travaux de mise en valeur des
archives de la Mission Sociologique du Haut Oubangui des recherches sur Éric de
Dampierre) que sur de larges pans de la discipline (Interrogation des sources, et
réinterprétation des écrits produits dans le champ américaniste, sous la direction de JeanPierre Chaumeil ; Réflexion sur les grands auteurs qui ont marqué la discipline, Ph. Erikson ;
Histoire des anciennes collections phonographiques du Musée de l’Homme et réflexion sur
la publication et l’édition multimédia pour la valorisation de la recherche en
ethnomusicologie dans le contexte des nouvelles technologies, A. Da Cruz Lima).
Un deuxième axe permettra de dégager la spécificité du regard anthropologique sur des
corpus constitués à des fins d’analyse. Ainsi dans le cadre de ses recherches sur les
communautés juives égyptiennes, Michèle Baussant travaillera sur les processus de
patrimonialisation et d’élaboration des représentations du passé à partir d’un corpus de
publications scientifiques, fictionnelles ou autobiographiques et de littérature grise ; Gisèle
Krauskopff poursuivra l’archivage de sources bibliographiques et photographiques sur des
productions plastiques himalayennes devenues des objets de collections et la réflexion sur
l’usage de ces sources photographiques dans l’enquête de terrain.
Anne-Marie Peatrik, quant à elle, s’interrogera sur les relations entre histoire et archives,
vues à partir des pays du Sud et, prenant l’exemple précis du Kenya, sur l’institution de la
culture, versus la coutume, comme nouvelle arène de la modernité en Afrique. Sa réflexion
sur la question des sources écrites et de l'héritage arabo-musulman dans le monde côtier
swahili rejoint le troisième volet de notre atelier thématique. Ce dernier, animé par Brigitte
Baptandier, propose l’analyse du texte comme objet anthropologique à travers la déclinaison
de toute une série de pratiques textuelles (relation de l’écrit avec la genèse et la divination ;
processus de la création artistique et technique ; utilisation de l’écriture dans le cadre du
chamanisme en Chine ; manœuvres de l’État détenteur de la norme graphique pour maintenir
sous son autorité les groupes « minoritaires » ou les individus (femmes, enfants) ; destin et
autobiographie).
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AXE 2 : ESPACES SOCIAUX, ESPACES SENSIBLES
Responsables : C. Guillebaud, V. Milliot, F. Wateau
Participants membres du LESC : M. Baussant, J.-M. Beaudet, S. Blanchy, Fl. Borneuf,
B. Buob, S. Camelin, J.-P. Chaumeil, M. Couroucli, F. Dupuy, Ph. Erikson, A. Esquerre,
B. Formoso, E. Garine, A. Helmlinger, J. Lambert, S. Loncke, V. Manceron, R. Martinez,
V. Milliot, I. Moya, A.-M. Peatrik, N. Prévôt, G. Raveneau, V. Stoichita, G. Tarabout,
F.Wateau,
Doctorants du LESC et post-doc associés : E. Amy de la Bretèque, L. Assaf, C. Biermann,
N. Benarrosh, J-I Cano-Catellanos, J. Carpentier, M. Champy, J. Cleuziou, A. Figari,
N. Gernez, M. Guiguen, E. Guitard, V. Héritier-Salama, L. Fléty, S. Khoury, S. Le Courant,
L. Lhoutellier, G. Marmone, D. Ozel, E. Pistrick, J. Pouchelon V. Vandenabeele, M.
Vidalain, Ch.Violon, J. Wencelius.
Cet axe qui rapproche des anthropologues et des ethnomusicologues est articulé autour de
trois grands thèmes : la perception, l’environnement et le politique. Organisé en quatre
Ateliers thématiques (Corps et sensorialité ; Anthropologie de la ville, circulation, espaces
publics ; Pluralité, fabrique du politique et zones frontières ; Environnement et emprises
politiques sur le biologique), il invite à interroger, de l’espace sensoriel de l’individu aux
milieux les plus englobants, naturels et urbains, les rapports qui se nouent entre espaces et
sociétés. Les travaux porteront une attention particulière au corps, ses gestes et mouvements,
ses mises à l’épreuve en certaines situations extrêmes, festives ou sportives ainsi que leur
inscription dans des contextes relationnels structurants. Les environnements considérés sont
divers : ils concernent les quartiers, la rue, les espaces publics, mais aussi les forêts à
protéger, les parcs naturels, certains espaces intermédiaires ou périphériques. La fabrique du
politique, enfin, est l’axe transversal à l’ensemble des approches qui questionneront les
emprises sur le biologique et l’environnement ; les modalités sensibles de hiérarchisation
sociale, la construction des classes d’âges ; la réaction des populations à l’imposition des
normes internationales ; les controverses sur le bien-être des humains et des animaux ou sur
le « droit » à la ville.
L’originalité de cet axe est de développer des recherches ethnographiques dans des
contextes marqués par l’indétermination – du fait de la pluralité, de la mobilité ou des
situations de crises. Pour penser les mondes qui se créent dans un nouveau rapport à
l’environnement (naturel ou urbain), des méthodes innovantes seront mises en œuvre, à
l’articulation entre différentes approches du social et du sensible et à l’interface entre
sciences humaines et biologiques. Les ethnomusicologues contribueront à un renouvellement
de l’anthropologie du sensible en abordant avec une même problématique des objets de
recherche jusqu’ici tenus séparés (musique, ambiance sonore, danse, théâtre, sport). La
redéfinition de ces frontières ouvrira de nouvelles perspectives de collaboration au sein du
laboratoire, en particulier en ce qui concerne l’analyse des modalités de perception des
espaces publics urbains, dans leurs dimensions sensorielles, sociales et politiques. Les
recherches sur les circulations (des personnes, des objets, de l’argent, des idées) et les zones
frontalières ouvriront des comparaisons entre les espaces naturels et urbains. Enfin des
programmes internationaux sur la ville et l’environnement pourront fédérer des équipes et
des étudiants au sein du laboratoire et à l’extérieur de ce dernier.
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A) Corps et sensorialité
Responsables : Christine Guillebaud, Gilles Raveneau
Centré sur le corps, et dans la perspective récente des travaux d’anthropologie sensorielle,
cet atelier thématique regroupe des recherches centrées sur les perceptions du milieu ambiant
- et les catégories spatiales qu’il contribue à redéfinir - ; sur le geste et le mouvement – avec
le développement du champ de l’anthropologie de la danse ; et enfin, sur des pratiques
artistiques et sportives qui explorent de nouvelles frontières entre nos catégories sensorielles
(vue, ouïe, toucher, goût, odorat) et leur hiérarchie vécue.
Anthropologie des milieux sonores
Dans la perspective d’une anthropologie du sonore, il s’agira d’intégrer la notion
d’espace, de paysage et d’environnement comme opérateurs du sensible. Ce champ trouve
ses racines dans un débat contemporain de la naissance de l’ethnomusicologie. En effet, dès
le début, les chercheurs ont fait face à des problèmes de terminologie. Les objets qu’ils se
proposaient de traiter comme de la « musique » relevaient localement de catégories
vernaculaires autres, le concept étant d’ailleurs parfois absent dans certaines sociétés. Fallaitil traiter sur un même niveau d’analyse (celui de la musicalité) les voix jodelées des Pygmées
lors de leurs activités de chasses, les appels aux troupeaux des bergers en Europe, les pleurs
individuels et collectifs des cérémonies funéraires rencontrés en différentes régions du
monde? Ou encore les nombreuses cantillations rituelles défiant les catégories vocales par
leur usage combiné du crié, chanté et parlé ? Pour répondre à ce questionnement, certains
ethnomusicologues ont explicitement renoncé au projet de construire une anthropologie de la
« musique », – concept s’avérant trop ethnocentrique - pour travailler de manière plus
générale sur la façon dont chaque société construit son « monde sonore », sa « géographie
acoustique », son « écologie acoustique » ou « acoustémologie » (Guillebaud). Par ces
expressions, de nouveaux objets d’investigations se sont fait jour, telles les formes sonores
de la voix parlée, du rire, des dispositifs sonores, ou encore plus globalement des sons
environnants.
Ces recherches, dont le centre CREM du laboratoire sera porteur, regroupent :
- Un programme collectif, déjà initié en 2011 (avec le soutien de la Fondation Fyssen),
intitulé MILSON « Pour une anthropologie des milieux sonores » (coordination Ch.
Guillebaud), qui regroupe des chercheurs et des artistes. Dans une perspective
anthropologique, il s’agit de réfléchir aux confins généralement attribués au sonore, et
d’explorer les productions vocales dans les espaces publics ou d’autres modes d’interactions
sonores observables sur les marchés, dans les îlots de quartiers, les lieux de culte, les gares
etc. Ces sites sont abordés comme de véritables dispositifs d’interaction sociale qui
impliquent des processus de perception sonore et des découpages singuliers de l’espace. En
s’appuyant sur les acquis d’autres disciplines (acoustique, architecture et urbanisme, histoire,
linguistique, art, informatique), il s'agit d'interroger certaines modalités de construction
sensible de la vie sociale sur la base d’enquêtes de terrain effectuées en différents contextes
culturels (Inde, Italie, France, Roumanie). Outre les travaux ethnographiques menés, ce
programme de recherche développera une réflexion autour des concepts (son, silence, bruit
etc.), des outils méthodologiques (logiciel d’annotation e-sonoclaste), et des formes de
restitution sensible de ses travaux par le biais du multimédia. Ce projet sera soumis au
programme Blanc de l’ANR en 2013. Il participera en outre aux activités de différents
réseaux de recherche internationaux dans lesquels il déjà officiellement intégré (EASA,
Réseau International Ambiances), et projette un partenariat avec le Labex Art H2H (Paris 8).
Voir le site de l’équipe http://milson.fr.
- Des travaux personnels centrés sur les usages de la voix en différents espaces sociaux et
culturels ; et sur la manière dont les classifications locales en font un media d’identification
spatiale, mémorielle ou de production d’effets émotionnels spécifiques. Une attention
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
particulière est donnée aux formes vocales cultivant des usages combinés et/ou ambigus de
différentes catégories vocales : récitations coraniques (J. Lambert, monde arabo-musulman),
lamentations funéraires et paroles mélodisées (E. Amy de la Bretèque, Caucase), jeux de
syllabes sans significations (V. Stoichita, Balkans), voix publiques (Ch. Guillebaud, Inde)
etc.
Anthropologie du mouvement et du geste (arts vivants, danse et sport)
Dépassant les approches plus classiques de l’anthropologie du corps (conceptions de la
personne, de la maladie et de la santé, conception de la matière et des humeurs…), les
recherches envisagées traitent du corps en mouvement, des modalités de la perception et de
l’expression sensibles. A travers la confrontation de différents cas ethnographiques, il s’agira
de produire une réflexion pouvant contribuer au développement d’une anthropologie du
sensible (voir aussi l’axe du 3). Les travaux concerneront :
- les problèmes inhérents à la caractérisation de la danse et de façon plus générale d’un
système de mouvements, et de la difficulté à les décrire et les restituer. Dans cette
perspective, J-M. Beaudet se propose d’appréhender les gestes dansés et non dansés d’un
village amazonien en tenant compte des métissages, des « interlocutions de mouvements ».
Une approche comparable sera effectuée sur le terrain des danses urbaines andines (L. Fléty).
- l’articulation entre mouvements dansés et enjeux sociaux. Comment le corps, les
mouvements, fabriquent du social ? Quelle serait la nature de ce « social » produit par les
corps ? Comment la danse incorpore-t-elle des catégories socio-culturelles ? Comme crée-telle du politique ? (Cl. Biermann, L. Fléty, Ch. Guillebaud).
- le rapport entre la danse et les états de la personne, telle l’empathie émotionnelle et
kinésique, et la question de l’efficacité dans le rituel. On peut également inclure ici les
interrogations sur la nature de la communication dansée (Cl. Biermann, L. Fléty, S. Khoury,
J. Lambert, J. Pouchelon).
- l’étude comparée du « beau geste » dans le sport et dans le spectacle vivant (théâtre,
danse, performance). L’objectif est d’étudier les dispositifs où le geste se pose comme forme
esthétique ou constitutive d’un processus créatif. Seront étudiées la corporéité des actions et
de l’expérience sensible des artistes et des sportifs, des incarnations esthétiques de
l’imaginaire qu’ils produisent, des gestes qu’ils exécutent dans les dispositifs de contraintes
corporelles qu’ils s’imposent (G. Raveneau).
Explorations des frontières sensorielles
Modalités et expressions sensibles : intersections. Un des défis à soulever sera celui de
créer un appareil conceptuel permettant de dépasser le traditionnel découpage disciplinaire
(ethnomusicologie, anthropologie de l’art, anthropologie de la danse). Outre son caractère
arbitraire et ethnocentré, ce découpage nuit à la compréhension de faits esthétiques dont la
spécificité réside précisément dans la multiplicité de registres sensibles qu’ils mettent en jeu.
Sont abordées ici différents types d’intersection entre des expressions sensibles - telles la
musique, l’image ou encore la danse - qui peuvent se produire dans un même espace/temps
ou de façon différée. Les intersections peuvent être envisagées dans leur dimension
cognitive, sensorielle, notamment à travers les notions de multisensorialité et de synesthésie,
et/ou sémantique. Dans ce cadre sont analysées des arts de la performance in situ : rituels,
fêtes villageoises, défilés urbains, récitations épiques etc., et ce, dans différents espaces
culturels : Inde (Guillebaud), Amériques (Beaudet, Biermann, Fléty, Martinez), monde
arabo-musulman (Lambert, Pouchelon), Afrique de l’Est (Marmone, Peatrik). Analysant la
danse et la musique en tant qu’activités multisensorielles, les procédés de croisement
mettront en lumière des manières inédites de présentifier le divin, de définir des rapports de
genre, des catégories d’âge, ou encore de mobiliser des réseaux de sociabilité. Ces
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
catégories sensorielles seront aussi abordées dans le cadre de pratiques artisanes, telles la
lutherie et l’étalonnage cinématographique (Buob).
Les sens mis à l’épreuve. Il s’agit d’interroger la prise de risque et la mise en danger
comme expérience sensorielle totale, activateur de sensations et recherche d’intensité dans
trois directions : celle d’une activité de cueillette engagée (recherche de cristaux), de sports
extrêmes, de conduites d’excès chez les adolescents (Raveneau). En explorant la catégorie
« Jeune » dans cette perspective, lors des nombreuses sorties et soirées qui sont l’occasion de
jeux, de conduites d’excès et de recherche d’intensité, il s’agit d’interroger directement le jeu
des sensations et d’entrer dans les affects pour comprendre les épreuves que traversent les
adolescents et la manière dont ils se construisent. Dans la même direction, la recherche
passionnée de sensations, de contact physique intense avec le monde qui caractérise les
conduites à risque se retrouve également dans l’univers du sport contemporain, en particulier
dans les activités de pleine nature et les sports qualifiés d’extrêmes. Il s’agira ici d’explorer
les modalités sensibles et cinesthésiques de l’expérience sportive de la plongée sous-marine
et de l’alpinisme (Raveneau), du parachutisme et de la chute libre (Buob). Par ailleurs,
l’appréhension du dégoût et des matières corporelles sera poursuivie dans un programme de
recherche mené en partenariat avec la MSH Paris Nord et le RT 17 de l’Association
Française de Sociologie (coord. D. Memmi, G. Raveneau et E. Taïeb), notamment par
l’organisation d’une série de sessions lors du prochain congrès de l’AFS.
Outre la poursuite des recherches « Domaine visuel, Domaine sonore : intersections » au
sein du GDRI Histoire et anthropologie des Arts, porté par le musée du quai Branly et dont
l’Université Paris Ouest est partenaire (Martinez et Guillebaud), plusieurs nouveaux
partenariats et financements seront préparés:
- Projet de collaboration avec le Réseau International Ambiances (Guillebaud) et
participation au projet « Philosophie, musique et écologie du son » du Labex Art H2H.
Université Paris 8 (Guillebaud, Martinez)
- Projet de collaboration avec l’axe « Corps et sciences sociales » de la MSH Paris Nord et
du RT 17 de l’AFS (Raveneau).
- Dépôt de projet ANR 2013 : programme MILSON « Pour une anthropologie des MILieux
SONores » (pilotée par Guillebaud).
B) Anthropologie de la ville, circulation, espaces publics
Responsables : Sylvaine Camelin, Virginie Milliot
Depuis 2010, des journées d’étude sur l’espace public et des ateliers d’anthropologie
urbaine (lectures et discussions de travaux en cours) rassemblent chercheurs et doctorants du
laboratoire et d’ailleurs. Le succès et la qualité de ces séminaires ont incité à mettre en place
une équipe autour des questions d’anthropologie urbaine. En partant d’une démarche
résolument comparative, l’objectif est d’ouvrir un espace de réflexion sur l’anthropologie
urbaine et la pratique de l’ethnologie en ville.
Ce que la ville fait à l’anthropologie
En France, l’ethnologie urbaine soulève les mêmes débats depuis les années 1980 : la
méthode ethnographique est-elle adaptée au contexte urbain ? L’ethnologue peut-il avoir une
vision de la ville autre que parcellaire et fragmentaire ? Doit-on parler d’ethnologie de la
ville, dans la ville ou du citadin ? Le chercheur est-il confronté à un système social
spécifique ou à des contextes culturels chaque fois particuliers ? Il nous paraît évident que
ces débats portent en fait sur la nature du savoir anthropologique et nous proposons d’ouvrir
un espace de discussion sur ce que la ville fait à l’anthropologie. Il s’agira de confronter
différentes perspectives anthropologiques sur la ville. Nous inviterons des chercheurs (M.
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Agier, B. Buob, S. Camelin, D. Céfaï, F. Mermier, V. Milliot, I. Moya, M. Péraldi, A.
Raulin, etc.) à présenter leurs terrains, les méthodes qu’ils ont mis en œuvre et leur analyse
de la spécificité du fait urbain. Ces séances prendront la forme d’un séminaire régulier
doublé d’un atelier de lecture autour de textes majeurs de l’anthropologie urbaine.
Une approche comparative
A l’échelle mondiale les villes affichent peu d’universaux et de régularité (Hannerz) dans
leur organisation spatiale, sociale et politique. L’urbanité, la citadinité, l’espace public sont
des notions extrêmement variables en fonction des contextes historiques et culturels. Face à
cette diversité, l’analyse comparative est un outil indispensable pour saisir la spécificité de
chaque terrain ethnographique et préciser nos concepts. Mais il nous faut également penser
au-delà de ces différences, pour saisir les dynamiques anthropologiques que nous étudions
localement. Les villes sont toujours des contextes caractérisés par la densité, la fluidité et
l’hétérogénéité (Wirth) des espaces de coprésence d’une pluralité de mondes (Park), des
systèmes sociaux organisés par une diversité de domaines de rôles (Hannerz), des centralités
connectées en réseaux à d’autres espaces… La comparaison est donc un outil également
indispensable pour saisir les récurrences urbaines.
L’objectif est de réfléchir simultanément aux spécificités de l’organisation sociale urbaine
dans des contextes culturels particuliers (Dakar, Fès, Dubaï, Paris, etc.) et à l’universalité de
ce mode de vie, aux continuités et aux changements observables dans les espaces urbains. I.
Moya propose ainsi de considérer la situation urbaine comme un révélateur sociologique qui
accentue ou met en évidence des traits moins visibles, latents ou implicites en milieu rural,
mais pourtant fondamentaux. A partir de l’étude d’objets classiques en anthropologie sociale,
il propose de s’intéresser non pas à tant à la singularité de la société urbaine qu’aux
redéfinitions que la situation urbaine nous impose de faire à l’idée même de la société dans
le contexte du Sahel Occidental musulman, en général, et du milieu wolof, en particulier. V.
Milliot et S. Camelin proposent de poursuivre une réflexion et une analyse comparative de la
notion d’espace public qui a pour objectif de saisir les spécificités des sociétés urbaines et
leurs récurrences.
Circulations, espaces urbains
Les recherches comparatives porteront sur la question des circulations –des personnes,
des objets, de l’argent, des idées- et des espaces urbains, comme lieux d’ancrage, de passage,
nœuds de réseaux, espaces négociés, disputés.
Une attention particulière sera portée aux marchés urbains. Par une ethnographie du bazar
de la ville de Fès au Maroc et en particulier de son économie touristique, une analyse des «
êtres transfrontaliers » qui, par leur circulation entre différents ensembles, actualisent et
mettent au jour différents types de rapports (économiques, sociaux, familiaux, culturels) sera
poursuivie (Buob). L’ethnographie des marchés informels à Paris permettra d’approfondir
une réflexion en cours sur le cosmopolitisme populaire. Ces marchés rassemblent des acteurs
de différentes origines (maghrébins, rroms, chinois, pakistanais, français, etc.) qui sont en
concurrence les uns avec les autres mais sont également reliés, du fait même de la
dynamique marchande, par des logiques d’échanges (Milliot). Les shopping malls aux
Émirats Arabes Unis fera aussi l’objet d’une analyse approfondie (Camelin). Les
négociations tour à tour commerciales et morales auxquelles donnent lieu ces différentes
transactions marchandes feront ainsi l’objet d’une analyse comparative.
La question des migrations sera abordée dans une double perspective. Elle sera
questionnée dans le cadre d’une réflexion sur la question du pluralisme et de l’espace public,
de la rue comme espace de frottement d’altérité et d’émergence de valeurs partagées
(Milliot), et par une ethnographie des trajectoires migratoires : les migrations arabes dans le
Golfe Persique et plus particulièrement dans les Émirats Arabes Unis, les différentes
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
manières de vivre en migration, les stratégies d’ancrage mises en place par des femmes
d’origine palestinienne, yéménite et irakienne feront l‘objet d’une analyse approfondie
(Camelin). Les relations qui constituent et organisent les communautés transnationales seront
questionnées à partir de différents terrains. I. Moya a montré, dans le cas sénégalais, qu’elles
présentent une continuité remarquable avec les modes de sociabilité propres à Dakar,
caractérisés par l’omniprésence de l’argent et le rôle fondamental des femmes, opératrices
des relations dans le temps et dans l’espace. Par l’étude systématique des réseaux financiers
et de parenté liés à la migration sur son terrain principal à Dakar et, dans un second temps,
auprès de migrants issus de ce terrain, il cherchera à comprendre les relations liées à la
migration comme une composante de la socialité dakaroise. Plus largement, il s’interrogera
sur la pertinence de la notion de localité pour comprendre la socialité urbaine dakaroise.
Projets
- Atelier mensuel : « Ce que la ville fait à l’anthropologie »
- Journées d’études sur les shoping malls prévue en janvier 2014 (Camelin et Assaf)
- Colloque « Propreté et saleté des espaces urbains : une analyse comparée de l’urbanité »
(Milliot et Guitard) en 2014. Publication en 2015
- École Thématique sur l’espace public prévue en 2015.
Partenariats
- Collaboration au projet de recherche et de formation interdisciplinaire « Justice spatiale »
rassemblant des chercheurs de Paris Ouest Nanterre La Défense et de Paris 8 Vincennes
Saint-Denis (sont associés le LESC, Sophiapol –EA3932- l’IREPH –EA373-le LAVUE –
UMR 7218-, l’ISP -UMR7220- le CTAD –UMR7074- et CEH –UPR 299- et le CRASPPA –
UMR 7217) dans le cadre du PRES Paris Lumières.
- Projet de collaboration avec le Réseau International Ambiances (Milliot)
C) Pluralité, fabrique du politique et zones frontières
Responsable : Michèle Baussant
Cet Atelier thématique se propose d’interroger les articulations entre la gestion politique
du culturel et les espaces où elle se fabrique et qu’elle contribue en retour à construire. Ces
espaces peuvent être compris en termes de territoires, de circulations, d’espaces vécus où se
déploient des processus et des dispositifs de délimitation, de contrôle, d’exclusion et
d’inclusion, des « logiques de marquage » informés par des États, d’un côté, et, de l’autre,
par les pratiques des acteurs. A travers ces différentes articulations envisagées à des échelles
distinctes, à la fois locales, régionales, nationales et transnationales, il s’agit ici d’élaborer
une anthropologie de la fabrique du politique dans des contextes pluriculturels et
plurilingues.
Ce programme de recherche fédère différents travaux qui tentent de comprendre comment
la complexité de ces interactions, - en s’intéressant au plus près aux ancrages et aux
mobilités, aux processus d’échanges et de communications ou au contraire d’exclusions et de
fermeture -, sont en lien avec les transformations socio-historiques. Quelles configurations
politiques se concrétisent-elles dans de nouveaux espaces « translocaux », où s’élaborent des
formes de savoir, de pouvoir, d’appartenance, des représentations, des logiques d’intégration
ou des stratégies de détournement des contraintes ? Dans quelle mesure, et comment, cellesci se surimposent-elles à ou cohabitent-elles avec d’autres formes normatives liées aux
aspects institutionnels, juridiques et politiques, et participent-elles en quelque sorte à faire
émerger des « pays » autres à l’intérieur des États ? Comment des pratiques, des valeurs, des
symboles, qui circulent par-delà les frontières et sont désignés par les États et/ou par les
acteurs sociaux comme représentatifs d’une culture propre, peuvent-ils être réinvestis et
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
appropriés pour produire des formes de proximité - en dépit de la différence culturelle, ou de
différenciation -, et une image de soi pour soi et pour autrui ?
Dans le cadre de ce questionnement, les zones frontalières constituent un champ
privilégié pour mettre en évidence la gestion politique du culturel et les nouvelles formes de
représentativité qui en découlent. Elles seront appréhendées sur des terrains variés, à
l’échelle internationale (Borneuf, Chaumeil, Dupuy, Baussant, Formoso, Peatrik) :
- À partir des chants de compagnie de type ganga pratiqués sur un territoire situé de part
et d’autre de la frontière séparant au sud Croatie et Bosnie-Herzégovine, une première
réflexion sur les modalités d’exploitation d’une pratique culturelle dans le domaine du
politique sera menée. Ce chant est revendiqué par les Croates depuis la guerre civile de
1990-1995 en ex-Yougoslavie, qui s’en affirment les seuls détenteurs. Or on sait par ailleurs
que Serbes et Musulmans le pratiquent aussi. Il s’agira dès lors de comprendre comment ce
répertoire est musicalement redéfini de façon à exclure de son corpus les variantes non
croates. Il sera aussi procédé - alors qu’une large famille de chants à laquelle appartient la
ganga vient d’être inscrite à la demande de la Croatie sur la liste du patrimoine culturel
immatériel de l’Unesco - à l’analyse des situations polémiques créées par la sollicitation de
chanteurs croates originaires non pas de Croatie mais de Bosnie-Herzégovine pour
représenter la ganga. Ce chant, autrefois entonné dans des contextes de convivialité, s’avère
aujourd’hui en mesure de fabriquer du politique (Borneuf).
- À partir de l’étude ethno-historique et socio-anthropologique d’une autre région
frontalière (le Triangle amazonien entre le Pérou, la Colombie et le Brésil), il s’agira de
s’intéresser de près à la façon dont sont négociés ou redéfinis les espaces, les formes de
savoir, de pouvoir, d’appartenance et les pratiques d’actions mises en œuvre par les sociétés
peuplant ces frontières. Cela consistera aussi à explorer les effets et les enjeux des
transformations sociales, politiques et religieuses des sociétés amazoniennes
contemporaines, appréhendés notamment par le prisme de l’extension des nouvelles églises
évangéliques et des cultes messianiques amérindiens, et des nouvelles formes et pratiques
des leaders et des représentants amérindiens actuels (Chaumeil). Mais la gestion des
particularismes culturels par des États, d’une part, et la manière dont les individus et les
groupes auxquels ils s’identifient expriment, construisent et tentent d’« homogénéiser » une
appartenance et une culture particulière et partagée, d’autre part, peuvent aussi s’appréhender
au cœur même des espaces nationaux. L’idée d’une unité entre « un peuple », « une
langue », une « culture », est constamment mise en tension avec les forces plurielles
existantes au sein d’une même société.
Cette attention sur la fabrique du politique à l’articulation entre le local et le national,
réunira un second ensemble de recherches. Les relations interethniques entre trois ensembles
situés dans l’intérieur guyanais - les Wayana (Amérindiens de la famille caribe, région du
haut Maroni, Guyane), les Boni ou Aluku (Noirs Marrons, région du moyen Maroni,
Guyane/Surinam) et les Ndjuka (autres Noirs Marrons, région du Tapanahoni, Surinam)
seront aussi à l’étude. Il s’agira d’explorer les relations de complémentarité entre
Amérindiens et Noirs Marrons, et les relations d’hostilité entre Noirs Marrons des deux
communautés, soit deux lignes de force permettant de comprendre comment sont produites
des logiques de proximité ou de différenciation au sein de la société guyanaise (Dupuy).
- Concernant les Chinois de la diaspora établis dans les sociétés thaïlandaise et
malaisienne, la recherche portera sur les stratégies d’intégration sociopolitique à la société
d’accueil et de différentiation culturelle que mettent en œuvre les élites entrepreneuriales
chinoises en utilisant pour ce faire les activités philanthropiques à caractère religieux. Ces
activités sont aussi bien tournées vers la société d’accueil que vers la Chine et sont le motif
de nouvelles formes de filiation non plus familiales, mais cultuelles au lieu d’origine.
L’analyse porte également sur les formes de capital symbolique qu’accumulent les
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entrepreneurs par leurs dons multi-orientés aussi bien en Thaïlande ou Malaisie qu’en
direction de leur lieu d’origine et sur les implications que ce double investissement, dont il
convient de préciser le degré d’intensité, joue sur leur positionnement identitaire (Formoso).
- Dans le prolongement d’une recherche déjà amorcée qui associe une équipe
pluridisciplinaire et internationale et porte sur la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge, le
Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie, il s’agira aussi de s’intéresser à la manière dont
s’articulent ou se confrontent dans plusieurs pays de la région deux types de sociétés civiles.
L’une de ces sociétés civiles est pilotée par l’État au travers d’une nébuleuse d’organisations
qu’il contrôle étroitement (ce que Michael Frolic appelle des state-led societies à partir de
l’exemple chinois). L’autre, à l’inverse, émane de la base sociale des nations de la région. Ce
second type de société civile se développe au travers d’initiatives citoyennes et est inspiré
soit par les valeurs éthico-religieuses et traditions locales, soit par les valeurs libérales et les
modes d’action civique émanant de l’Occident, avec dans certains cas un savant dosage des
deux. La compréhension des rapports de coopération ou de compétition qui se nouent entre
ces deux types de sociétés civiles est, en toute hypothèse, cruciale pour saisir les défis
sociopolitiques auxquels sont aujourd’hui confrontés les États-nations de la région et les
manières variables dont ils y répondent (Formoso, en collaboration avec l’IRASEC).
- De même, pendant la crise récente, la place de la Grèce dans l’Union européenne a été
remise en question, tant localement que par les partenaires de l’Union. L’étude d’un corpus
constitué d’analyses, discours et récits autour de la crise écrits dans ce contexte, et qui
reprennent des représentations du passé national, et notamment de la période de la deuxième
guerre mondiale et de la guerre froide, éclairera les renégociations de la mémoire des années
1940-1989 (Couroucli).
- Selon un approche légèrement différente, non plus entre groupes et ethnies mais au sein
d’une même communauté, il s’agira de s’intéresser à la manière dont se construit en exil une
culture spécifique plus large, qui est désormais pensée aussi comme nationale. Elle porte sur
le cas des juifs d’Egypte qui, partis d’Egypte entre 1948 et 1967, se sont attachés à élaborer
une identité et une culture communes, une fois que celles-ci, hors du contexte égyptien,
n’allait plus de soi d’un point de vue social. Il s’agit de comprendre pourquoi, comment et
quand s’est construite, notamment en France, une histoire commune rendant compte de
l'hétérogénéité et des contradictions qui traversaient les communautés juives locales, de la
diversité des parcours et des identifications, de la complexité et de l'ambigüité des liens
entretenus avec le monde arabe, l'Egypte puis Israël ; de qui cette construction est le fait et
quels sont les contenus donnés à cette histoire, en s’intéressant ici en particulier aux statuts et
formes de mobilisation des différentes langues utilisées par les juifs d’Egypte–français,
arabe, hébreu, espagnol…- tant dans leurs écrits que dans leurs échanges et interactions
sociales (Baussant).
- La question du plurilinguisme est aussi reprise sous une autre latitude, notamment en
Tanzanie, pays connu pour ses choix linguistiques radicaux au moment de son indépendance.
Comment procéder pour créer une nation autour d’une langue –le kiswahili-- qui devrait
prendre le pas sur toutes les autres langues en usage ? Un demi-siècle après, le bilan paraît
plutôt mitigé : les milieux académiques s’interrogent - discrètement car c’est anti-patriotique
-, sur les niveaux de compétence des élèves et des étudiants, et sur les effets culturels d’une
« kiswahilisation » volontariste. Il s’agira d’enquêter sur la pragmatique du plurilinguisme
chez les waHehe. Connus pour leur attachement à la cohérence nationale, ils n’en cultivent
pas moins discrètement leurs particularismes culturels. Ce thème s’inscrit aussi dans une
réflexion plus large sur le nouveau statut de la culture, au sens de l'institution de la culture en
Afrique de l’est (Peatrik, Gernez).
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Projets
- Continuation de l’étude qui a donné lieu à une participation au PIR Amazonie FranceBrésil (CNRS-IRD) en 2008-2011 (Chaumeil)
- Journées de recherche prévues sur les « Etudes de la pragmatique du plurilinguisme »
(Peatrik)
Partenariats
- Continuation d’un GDRI créé en 2012 : « Anthropologie Politique Contemporaine en
Amazonie Occidentale » (APOCAMO), Institut Français d’Etudes Andines de Lima IFEA
(piloté par Chaumeil)
- Coordination d’un projet scientifique et éditorial avec l’IRASEC, Bangkok (Formoso)
D) Environnement et emprises politiques sur le biologique
Responsables : Éric Garine, Fabienne Wateau
Il s’agit d’étudier, à partir de données empiriques précises et diversifiées, les modes de
perception et d’adaptation locale aux programmes internationaux et aux politiques publiques
relatives à l’environnement et au biologique. Qu’il s’agisse d’explorer la fabrique politique
du bien-être des êtres humains ou des animaux, - cette dernière étant entrée en politique il y a
une vingtaine d’années (Raveneau, Manceron)-, ou de regarder comment les programmes
dits de développement durable, préconisés depuis 25 ans, sont récupérés et mis en place sur
le terrain (Wateau), l’approche anthropologique proposée ici ouvre sur la diversité sociale et
biologique des situations. Elle concernent des populations confrontées à la protection de
leurs forêts à Madagascar (Blanchy), des collectivités paysannes cherchant à préserver les
ressources génétiques des plantes cultivées nécessaires à leur subsistance au Cameroun
(Garine), des collectifs engagés dans une réflexion appliquée sur l’habitat alternatif,
l’écologie et la participation citoyenne en France (Raveneau), des individus regroupés dans
des mouvements de naturalistes amateurs en Angleterre (Manceron), ou de jeunes ingénieurs
se lançant dans l’agroécologie en Espagne (Wateau). Cette approche, menée aujourd’hui par
une poignée de chercheurs au sein du laboratoire, est suivie par un nombre assez important
d’étudiants, doctorants et post-doctorants, qui seront invités à se regrouper au sein d’un
séminaire de recherche (à organiser avec l’IDDRI et l’INEE) pour y présenter leurs travaux,
qui portent : sur la patrimonialisation des espaces, dont la formation de parcs nationaux à
Madagascar et en Chine (Lhoutellier, Vandenabeele) ou la protection des forêts au Mexique
(Cano-Catellanos) ; la gestion des déchets en Afrique (Guitard) et de l’eau au Maroc et en
Italie (Héritier-Salama) ; l’architecture durable en Inde ou en France (Ozel, Vidalain) ; le
tourisme communautaire en Amazonie (Carpentier) ; l’agriculture biologique et les AMAP
en France (Guiguen), la symbolique des plantes cultivées (Wencelius) et les réseaux de
circulation des ressources génétiques au Nord du Cameroun (Violon). Un premier
programme de recherche comparatif sera soumis à l’ANR en janvier 2013. Un programme
collectif sur la ville et l’environnement (en collaboration avec l’atelier thématique sur la
ville) est aussi envisagé. Enfin, divers projets de colloques et de publications sont prévus.
La question du bien-être appliquée aux êtres humains et aux animaux permet à la fois de
reconstituer sa genèse et son destin mouvementé, et d’interroger les métamorphoses du
biologique et les systèmes de classement mobilisés dans les processus de naturalisation et de
biologisation des questions sociales. Concernant l’être humain, l’approche originale sur le
« mouvement paléo » (Raveneau) - à mi-chemin entre politiques publiques de santé et
thérapies alternatives -, vise à étudier la manière dont la vogue actuelle « bio » conduit à
intégrer dans les représentations du corps des humains des éléments des représentations de la
nature et des organismes d’autres espèces qui l’habitent. L’engouement pour les éco-lieux,
éco-centres ou éco-villages relève de cette même sensibilisation. C’est aussi dans cette veine
qu’une écologie comportementale humaine de la paresse est envisagée, considérée comme
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phénomène de contournement de la gestion politique du biologique (Garine). Concernant les
non humains, l’observation minutieuse et systématique de la biodiversité par les naturalistes
amateurs anglais (Manceron), devenus les relais, pour l’observation des êtres vivants, des
institutions formelles de production de savoir dans le domaine des sciences du vivant, invite
aussi à s’intéresser de près à l’acte de compter et d’inventorier les vivants, à la croisée de
politiques publiques, de mobilisations citoyennes, de préoccupations scientifiques et de
relations éprouvées à la nature (voir aussi axe 1). Le bien-être des animaux d’élevage en
Europe soulève différemment la question des croisements et des combinaisons d’enjeux
entre les différents interlocuteurs, instances ministérielles, recherche et associations de
particuliers.
Les situations de controverse et de mobilisation citoyenne sont aussi au cœur des
collectifs engagés, lesquels expriment des points de vue politiques et parfois dérangeants,
comme ceux des associations militantes pour la protection animale (Manceron) ou les prises
de distance avec le marché immobilier par des collectifs qui revendiquent leur participation à
la conception et à la construction d’habitats plus respectueux de l’environnement (Raveneau,
Vidalain). L’absence de contestation est aussi étudiée, quant à l’occasion de la construction
d’un barrage au Portugal, et au moyen de réunions de participation publique habilement
menées, les déplacés d’un village sont invités à valoriser l’infrastructure au nom du devenir
du pays (Wateau). Dans les pays du Sud riches en biodiversité comme Madagascar, une
résistance tacite s’exprime de manière détournée au sein des rapports de force politiques qui
caractérisent les mises en réserves et en parcs, où s’opposent différentes visions des relations
hommes-environnement (Blanchy).
Dans l’ensemble, c’est un intérêt pour ce que signifie et représente le « biologique » au
sens large du terme (biodiversité, biologie évolutive humaine, agriculture écologique, habitat
alternatif, bien-être) - à différentes échelles et à plusieurs niveaux d’interlocuteurs, depuis les
politiques globales jusqu’aux individus - qui constitue le lien entre les approches réunies au
sein de cet axe. C’est aussi un examen critique de la pertinence de cette notion dans les
sociétés étudiées, où le biologique, le social et le spirituel sont liés. Fidèle à une approche
anthropologique nourrie de pluridisciplinarité, il s’agit donc moins ici de s’arrêter aux
concepts et aux politiques que d’observer et d’analyser en finesse ce que les individus et les
groupes en disent et en font. De manière tantôt autonome et tantôt coordonnée, les
chercheurs ici rassemblés font donc le pari qu’une réflexion simultanée sur le
fonctionnement des vivants, les humains et les autres, enrichira des analyses qui gagneront
de toutes manières à l’approche comparative inscrite de manière irrémédiable dans l’ADN de
notre laboratoire.
Partenariats projetés
- Projet PUF (Partner University Fund) 2013 ou 2014 avec l’université UMASS Boston
(dans la continuité du projet Région-Ile-de-France 2011-2012) sur le thème « Ville et
Environnement » (Wateau, Bacqué & Milliot).
- Séminaire de recherche « Durabilité et sociétés » en collaboration avec l’Institut du
développement durable et des relations internationales (IDDRI) et l’Institut Ecologie et
Environnement (INEE) (Wateau & Euzen).
- Dépôt de projet ANR 2013 : programme de recherche comparatif sur les indicateurs locaux
de changement global dans les collectivités de plusieurs pays (États-Unis, France,
Cameroun, Zimbabwé) (Garine)
- Projet ANR envisagé pendant le quinquennal sur la fabrique du bien-être animal
(Manceron)
- Projet de séminaire doctoral avec la Casa de Velázquez à Madrid et l’Université de
València (Espagne) (Wateau & Moncúsi).
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
AXE 3 : COGNITION, COMMUNICATION, SAVOIRS
Responsables : Monica Heintz, Jean Lambert, Valentina Vapnarsky
Participants membres du LESC : S. Blanchy, Fl. Borneuf, V. Dehoux, G. Delaplace,
I. Daillant, J. During, E. Garine, E. Grimaud, A. Helmlinger, S. Houdart, S. Loncke,
A. Piette, G. Raveneau, I. Rivoal, M. Rovsing Olsen, A. de Sales, V. Stoichita, G. Tarabout,
E. de Vienne
Doctorants du LESC et post-docs associés : Aliénor Anisensel, Filippo Bonini Baraldi,
Hélène Delaporte, Julien Jugand, Arash Mohafez, Eckehard Pistrick, Ariane Zevaco
Cet axe regroupe des projets de nature interdisciplinaire basés essentiellement sur le
dialogue avec les sciences cognitives. Que ce soit autour du domaine de la morale, des
émotions, de l’agentivité ou des frontières entre humains et non humains, l’anthropologie
dépasse ici ses limites disciplinaires pour renouveler ses modes d’observation et puiser dans
les théories linguistiques et cognitives des appuis explicatifs pour ses données de terrain, afin
de reposer la question de l’unité de l’humain. Cette identité anthropo-logique est explorée de
plusieurs manières : en interrogeant les frontières de l’humain (désanthropocentrer les
recherches) ; en approfondissant des caractéristiques considérées comme le propre de
l’homme (la morale, l’émotion, l’empathie, l’intentionnalité); en décryptant les différentes
modalités de la communication et de la transmission; en analysant de nouvelles propriétés
(circuits faibles, minimalité, changement de rythme). Les problématiques des projets
contenus dans cet axe relèvent à la fois de la théorie (agentivité, ontologies) et de la
méthodologie (comment concilier recherches de laboratoire et recherches de terrain,
observation et expérience), tout en s’appuyant sur une approche interactionniste des
phénomènes inter- et infra- individuels, qu’ils soient de nature verbale, musicale,
phénoménologique ou sociale.
A) Morale et cognition
Responsable : Monica Heintz .
La dernière décennie a vu fleurir une importante littérature en sciences sociales portant
sur les valeurs morales. Confrontée à l’ancien débat entre universalisme et relativisme
culturel, elle a besoin de s’appuyer sur les recherches récentes en sciences cognitives et en
économie comportementale pour affiner ses méthodes d’observation de la réalité sociale.
L’épreuve du terrain pose un défi méthodologique constant aux anthropologues et
sociologues se penchant sur cet aspect social, longtemps caché par l’équation durkheimienne
« le social = le moral ». De leur côté, les chercheurs en sciences cognitives, que les méthodes
de recherches restreignent souvent au laboratoire, s’efforcent de sensibiliser la communauté
des sciences sociales à la nécessité de tester leurs hypothèses sur des terrains culturellement
différents. Il s’agira de confronter dans le cadre de ce programme les hypothèses et méthodes
de travail développées par des chercheurs issus de traditions disciplinaires différentes, dans
le souci d’ouvrir la voie pour une collaboration en équipes interdisciplinaires enquêtant sur
les valeurs morales comme concepts clés dans la compréhension de la réalité sociale.
Bien que ce programme de recherche ait une vocation immédiatement interdisciplinaire,
le LESC reste le lieu principal dans lequel se développe son travail de réflexion. Pendant la
période 2011-2012, il a pris la forme de journées d'étude organisées sur un rythme biannuel
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
pour examiner différents aspects qu'implique la relation entre anthropologie morale et
cognition (l’émotion, l’origine de la morale, les défis méthodologiques posés par le terrain
ethnographique), ainsi que la forme d’une école thématique (prévue à Cerisy, septembre
2013). Des carnets de recherche comprenant le compte rendu des journées et un forum de
discussion ont été mis en ligne à l’adresse https://sites.google.com/site/moraleetcognition/.
Pendant le prochain exercice quinquennal, ces rencontres seront complétées par le dépôt
d'un ou de plusieurs projets de recherche interdisciplinaires. En effet, la visée principale du
programme est d'amener anthropologues sociaux et spécialistes en sciences cognitives à
mener ensemble des enquêtes concrètes autour de la question des valeurs morales. La
période 2014-2018 sera donc consacrée au développement de ces projets, qui accueilleront
dans leur sein des conférences ou journées d'étude.
Les thématiques autour desquelles se structurent notre réflexion :
Les modes d’existence des valeurs morales : langagiers, sensoriels, expérientiels. Les
"supports" ou "matérialisations" de la morale
Partant du constat qu’il existe des objets complexes du point de vue sensoriel qui peuvent
être des instances de valeurs morales, V. Stoichita propose d’analyser la surcharge éthique
existante dans les constructions sonores (la musique). Ayant travaillé précédemment sur les
notions de "ruse" et de "malice" chez les musiciens tsiganes de Roumanie, il se propose de
voir comment une mélodie, un rythme ou un timbre instrumental, se voient chargés, dans
certaines traditions musicales, de valeurs éthiques. Cette recherche entend croiser des
exemples provenant de plusieurs "terrains" ethnographiques. Le discours des mélomanes
roumains, d'une part, pour lesquels certains airs sont plus « rusés » que d'autres. Les
commentaires des amateurs de musique techno, d'autre part (qu'est-ce qu'une « méchante
basse » par exemple ?). Un troisième matériau serait le vaste corpus théorico-philosophique
produit, depuis l'Antiquité, autour des ethoi et des vertus morales attribuées aux modes
mélodiques dans le bassin méditerranéen (modes grecs, maqamat arabes/persans, etc.). G.
Raveneau se propose d’étudier le visuel (image, expression corporelle) et les valeurs morales
auxquelles il peut renvoyer. Le mauvais œil, très présent en Méditerranée (malocchio ou
jettatura en Italie, aïn au Maghreb et dans la diaspora maghrébine), qu’il rencontre sur ses
terrains en Corse, Sardaigne, Tunisie et Maroc en particulier, renvoie à l’envie, par une
organisation symbolique sous-tendue par des croyances, des pratiques (de protection) et des
objets (corail, main de Fatima, khemsa, etc.). La force qui se dégage des yeux peut porter
préjudice à autrui à travers la violence qui en jaillit : c’est le mauvais œil. Le regard étant un
toucher à distance, les yeux d’autrui atteignent le visage sans défense et, de manière
métonymique, touchent la personne dans sa totalité. Il faut alors faire écran avec un objet : le
corail, double de la figure de Méduse, mobilise l’efficacité symbolique nécessaire. M. Heintz
s’intéressera à l’intégration de l’expérience morale passée dans l’analyse des interactions
présentes, au poids du « déjà vu » et du « déjà jugé » qui font entrave à la spontanéité et au
renouveau du raisonnement moral. L’expérience passée joue le rôle d’un catalyseur de
l’interaction présente, dû à la tentation des raccourcis cognitifs qu’elle propose. La résolution
des impasses morales rencontrées sur le terrain en Roumanie et Moldavie constitue un
matériel d’analyse riche en défis.
Interroger les aspects implicites langagiers, sensoriels ou expérientiels, place ces
recherches dans une perspective infra-individualiste, pour laquelle les données des sciences
cognitives s’avèrent nécessaires.
L’étude des valeurs morales dans une perspective d’économie des valeurs
Un autre volet de coopération interdisciplinaire avec les sciences cognitives et l’économie
comportementale s’est ouvert depuis quelques décennies autour des concepts de coopération,
d’échange, de réciprocité, vus dans une perspective évolutionniste et comparatiste, mais dans
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
ce cadre les études sont restées assez discrètes. E. de Garine s'intéresse aux relations de
réciprocité dans les processus d'échanges (en particulier des travaux collectifs dans des
civilisations agraires). Il conduira l’analyse d’un important corpus de données quantifiées sur
la coopération aux travaux agricoles dans le cadre des tâches réalisées lors des travaux
collectifs conduits de manière routinière dans les communautés paysannes Duupa (Nord du
Cameroun). L’existence de ce corpus (plusieurs milliers d’évènements concernant plusieurs
milliers de personnes) permettra de confronter les pratiques de don et de contre-don en
travail, aux discours qui les justifient et les instituent. L’analyse visera notamment à relever,
et à faire commenter par les acteurs eux-mêmes, les décalages qui existent entre les règles
explicites qui instituent la réciprocité et les pratiques individuelles qui visent parfois
(souvent ?) à les subvertir au profit de stratégies d’optimisation - dont il cherchera à obtenir
un modèle explicite (toujours des acteurs eux-mêmes).
G. Raveneau, partant d’une recherche ethnographique parmi les cristalliers des Alpes
(France, Italie, Suisse), se propose de traiter des processus d'attribution de la valeur des
cristaux et minéraux. Il envisage le prix des cristaux sous l’angle de l’échange agonistique.
En ce sens, les conduites et les croyances économiques ne se font pas sur le modèle uniforme
et rationnel de l’univers marchand, mais elles s’enracinent dans un substrat affectif. Il y a
ainsi unité entre la circulation des biens et des affects. Ce n’est peut-être pas tant l’argent qui
compte dans les conflits et les rivalités, le prix à la vente sur le marché économique, mais
aussi la valeur sociale et identitaire des cristaux, engagée par les dimensions de
reconnaissance, d’estime, de dignité, de virilité, d’honneur, de respect, de pouvoir. Ce point,
qui produit et organise la rivalité, a moins pour règle le profit que la reconnaissance. Il se
fonde sur la capacité à gagner et à perdre, jusque dans l’épreuve ultime de la mort pour les
cristalliers et dans celle de l’appropriation et du prix des cristaux pour les collectionneurs. I.
Rivoal propose de développer une étude comparée des notions anthropologiques de
« valeur » ou « d’idée-valeur » (Dumont) et de « bien en soi comme clôture possible du bien
public » (Boltanski, Dodier) comme cadre d’analyse des morales pratiques. Cette
problématique sera appréhendée dans le cadre spécifique de la société libanaise dont la
tendance à la fermeture communautaire rend constamment problématique l’horizon d’un
« bien en soi » de type bien public (l’Etat, la possibilité d’une société civile, etc.), et dont les
différentes communautés religieuses expriment des valeurs morales de manière contrastée. A
partir d’une analyse ethnographique d’un système de pouvoir local, la domination de la
famille Joumblatt sur la région du Chouf, il s’agira de déterminer l’articulation entre une
morale de la compétition politique et l’horizon problématique d’une économie des valeurs
libanaises.
B) Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à
l’épreuve de l’ethnographie.
Responsables : Valentina Vapnarsky et Emmanuel de Vienne
En collaboration avec Aurore Monod Becquelin et Michel de Fornel (EHESS)
Ce programme s’inscrit dans la continuité des Programmes Agentivité : relations humains
– non humains et Agentivité : Anthropologie et Linguistique (voir Bilan Axe 2 et le bilan du
centre EREA). Les travaux développés en leur sein s’étaient attachés à questionner
l’association constitutive entre l’agentivité et certaines propriétés telles que l’instigation de
l’action et l’intentionnalité. À l’aune de théories en linguistique cognitive notamment, et à
partir d’analyses fines des discours dans toute leur épaisseur linguistique et contextuelle,
d’autres dimensions sémantiques susceptibles d’être incarnées par un agent telles que la
causalité, la volition, l’animéité, le contrôle, la responsabilité, etc., avaient été envisagées.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
L’idée était de concevoir l’agent comme une catégorie aux traits culturellement et
contextuellement variables plutôt qu’invariablement nécessaires et suffisants.
Ce nouveau programme poursuit cette recherche. Après avoir exploré la pluralité des
dimensions sémantiques qui configurent un agent, il entend revenir sur l’équation entre
agentivité et intentionnalité, noyau dur de théories en psychologie cognitive, pragmatique et
anthropologie. Descola, à la suite de Gell, s’intéresse par exemple à la manière dont certains
objets sont investis d’une « agence » (de l’anglais agency), définie comme une capacité
d’agir de manière intentionnelle. Les psychologues du développement montrent de leur côté
que la « théorie de l’esprit », la capacité qu’ont les humains à interpréter les actions d’autrui
en termes d’états mentaux, se construit en grande partie autour de la notion d’intentionnalité,
depuis la reconnaissance de mouvements dirigés vers un but (goal directedness) jusqu’à
l’imputation de désirs et de volonté aux autres agents sociaux. Les théoriciens du langage, à
leur tour, depuis Austin et Grice, jusqu’à Levinson ou Sperber et Wilson, ont accordé une
place prépondérante à la notion d’intention communicative pour rendre compte des échanges
linguistiques. Sans nier que la lecture des intentions soit une capacité universelle ni qu’elle
joue partout un rôle dans la communication, ce programme vise à explorer les variations
interculturelles, mais aussi contextuelles, qui montrent que le couplage agent/intention est
loin d’être rigide ou stable. On examinera ainsi :
- Les théories de la communication et les idéologies linguistiques locales qui contredisent le
principe gricéen de la communication comme échange d'intentions communicatives, ou qui
remettent en cause l’idée d’une intentionnalité individuelle. Dans le Pacifique en particulier,
la « doctrine de l’opacité de l’esprit » (Robbins et Rumsey), qui interdit de spéculer
ouvertement sur ce que pense autrui, semble limiter effectivement la lecture des intentions
dans la communication, et influe directement sur les pratiques de socialisation linguistique.
- Plus largement, dans quelle mesure la prise en compte du caractère central, pour
l’ethnopragmatique, des inférences conversationnelles généralisées conduit-elle à repenser la
place de l’échange d’intentions communicatives dans la communication ? On interrogera
aussi le point de vue selon lequel la capacité à signifier et à reconnaître des états
intentionnels est un pré-requis de toute interaction.
D’autre part, à partir de l’étude des marques, manifestations et traces (musicales,
verbales, rhétoriques, corporelles, émotionnelles, …) qui agissent comme indice et outil des
attributions d’intentionnalité, et de qui agit dans le contexte de la performance, on analysera :
- La variabilité de l’association intentionnalité-agentivité selon la nature des entités en
présence, les contextes/situations et les régimes interactionnels
- Les procédés de dés-intentionnalisation qui caractérisent certains modes de communication
et d’action, notamment en contexte rituel
- Les formes de distribution, de déflexion, voire de dislocation des propriétés
d’intentionnalité et d’agentivité sur plusieurs acteurs, la nature et l’orientation des chaînes
causales induites.
Ce faisant, la réflexion est étendue dans plusieurs directions. Il s’agit de considérer
l’agentivité de celui qui fait/agit mais aussi celle de celui qui fait en tant qu’il parle, du
locuteur comme agent d’actes de paroles au sens le plus large de la théorie austinienne. Dans
un déploiement inverse, la communication telle qu’envisagée, embrasse, au-delà de
l’exercice du langage, ce qui se transmet par la musique, d’autres modes d’émission sonore,
le mouvement, la gestuelle et la disposition spatiale (en ce sens, le programme s’articulera
aussi avec les réflexions proposées dans l’atelier du même axe, Musique, affects et
perception (cf. infra). Enfin, la recherche allie désormais l’ethnosyntaxe à
l’ethnopragmatique, avec pour double ambition de contribuer à ce champ par de nouvelles
données sur des terrains et situations variés, tout en apportant des éléments pour une
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
meilleure compréhension de thèmes classiques de l’anthropologie, dont la performativité
rituelle, les propriétés cognitives et communicatives ainsi que les modalités d’action
attribuées aux entités divines ou spirituelles.
La recherche se fondera sur l’analyse des théories locales de la communication dans le
quotidien ainsi que sur l’étude ethnographique approfondie, et le cas échéant
ethnolinguistique ou ethnomusicologique, de cas variés mettant en jeu des articulations
complexes entre intentionnalité et agentivité, notamment :
- les présages (prenant la forme d’une communication entre humain et animal dont on
s’efforce de vider l’intentionnalité afin de se protéger contre l’infortune) et la cure
chamanique (dont l’efficacité est souvent envisagée en termes d’ajout et de privation
d’intentionnalité) chez les Trumai d’Amazonie brésilienne (de Vienne) ;
- les stratégies de non engagement et de non assertion sur les actions de soi et d’autrui chez
les Mayas yucatèques ; les propriétés ambivalentes des esprits super-agents omniscients de
très faible intentionnalité et les effets de distribution d’agentivité et d’intentionnalité lors des
rituels qui les convoquent (Vapnarsky) ;
- l’agentivité des héros mythiques chimane (Amazonie bolivienne), et leurs formules
magiques inefficaces dénuées d’intentionnalité puissante (Daillant) ;
- l’agentivité imputée aux ancêtres et aux esprits à Madagascar, la nature de l’engagement et
de l’intentionnalité individuels dans les interactions avec eux, notamment dans les paires
frère ainé- frère cadet ou époux-épouse engagés de manière substitutive et complémentaire
dans ces relations (Blanchy) ;
- les ambiguïtés du traitement judiciaire de l’agentivité des dieux en Inde, ceux-ci étant
pourvus d’une personnalité juridique (disposition héritée de la période britannique) dans un
pays à constitution laïque (Tarabout) ;
- les différentes modalités d'attribution de l'intentionnalité dans les cultes de possession afroarabe zâr (Yémen, côte nord-ouest de l'Océan Indien), où l’existence des êtres invisibles est
principalement concrétisée par la musique, les instruments étant perçus comme leur « voix »
et / ou leur réceptacle ; la distinction entre agentivité interne vs. externe (Gell) pour en
rendre compte (Lambert) ;
- la dimension intentionnelle et agentive des patterns expressifs d’enfants non-parlants dans
le cadre de consultations d’analgésie ; la négociation collective de cette dimension en
situation d’incertitude épistémique forte.
Le programme sera organisé autour de journées d’études annuelles ou bisannuelles, où
seront présentés les travaux des chercheurs du LESC, tout en mettant à contribution des
invités extérieurs. Une grande importance sera accordée au dialogue interdisciplinaire, en
particulier avec des chercheurs en psychologie et cognition, pragmatique, socialisation,
philosophie du langage et éthologie.
C) Anthropologie et frontières d’humanité
Responsables : Emmanuel Grimaud, Albert Piette, Victor A. Stoichiţă
En collaboration avec Bernd Brabec de Mori (Univ. de Graz, Autriche), D. Vidal (IRD,
affilié LESC)
L'une des questions majeures soulevées par les sciences humaines et sociales au cours des
vingt dernières années résulte de l'extension de la qualité d'agent – réservée jusque-là aux
seuls humains – à un ensemble plus vaste d'entités. Ce mouvement, qui concerne aussi bien
l'anthropologie et la sociologie que les sciences cognitives et des domaines d'innovation
technologique comme la robotique, résulte d'une conjonction de propositions théoriques et
méthodologiques, dont la compatibilité n'est pas toujours assurée mais qui toutes interrogent
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
la notion même d'humain. Le souci de mieux définir à la fois les jeux ontologiques qui se
trament autour d'entités diverses (humains, animaux, objets, machines, etc.) et des protocoles
de « désanthropocentrisation » sont au cœur des projets réunis ici, qui se concentrent sur des
zones liminaires où les catégories ontologiques se croisent. En abordant les frontières de
l'humain, l'enjeu est aussi bien de comprendre les interactions qui se nouent dans ces espaces
que les traits caractéristiques des entités auxquelles l'anthropologie a affaire.
Pour une anthropologie de la robotique
Les processus de conception de créatures artificielles font l’objet de plus en plus de
travaux, à cheval entre la sociologie des sciences et l’anthropologie. E. Grimaud a lui-même
contribué à ouvrir ce champ à travers plusieurs terrains et publications, seul ou en
collaboration (Zaven Paré, Denis Vidal. L’objectif de ce projet est de continuer à développer
ce nouveau champ de l’anthropologie, en créant un cadre comparatif permettant d’évaluer les
créatures artificielles dans leurs propriétés ontologiques, qu’il s’agisse de véritables
substituts à l’être humain ou bien de créatures inédites, inspirées du règne animal ou végétal
(bio-mimétisme). Il s’agira de suivre la panoplie la plus variée de créatures, qu’elles soient
inspirées par l’être humain (humanoïdes) ou bien par l’animal (animats), dans les contextes
de réception et d’utilisation culturellement les plus variés (Asie, Inde, Europe, etc.).
Un projet ERC sera soumis en 2013, sous l’intitulé « Careers of humanoids », afin de
développer une plateforme de collaboration permettant à des roboticiens, des anthropologues
et des artistes de travailler ensemble sur des projets communs et de monter des dispositifs
expérimentaux comme celui conçu par Z. Paré et E. Grimaud autour du Geminoïd (2012) ou
celui conçu par D. Vidal et Joffrey Becker autour du robot Berenson (2012). Les robots
posent un grand nombre de questions à l’anthropologie, et elles ne sauraient être résolues
sans passer, non seulement par l’enquête, mais aussi par l’organisation de véritables débats :
jusqu’où doit-on déléguer certaines tâches et comment envisager cette délégation ? Avec
quelles créatures voulons-nous interagir dans le futur ? Et de quoi voulons-nous nous
entourer ? Dans les cinq ans qui viennent, cette équipe devrait aboutir à un cadre comparatif
transculturel qui manque sérieusement dans le champ des études de l’interaction hommerobot.
Ces recherches s’appuieront sur la plate-forme collaborative Artmap (http://www.artmapresearch.com/), fondée par E. Grimaud et D. Vidal (institutions partenaires : LESC, URMIS,
musée du Quai Branly, École nationale supérieure de création industrielle – voir aussi bilan
axe 6).
Circuits faibles. Aux frontières de la communication
Ce projet a pour but d’aborder la notion de communication à partir de cas empiriques qui
constituent des objets frontières ou des « cas limites » du point de vue de la communication
interhumaine: communication chez les oiseaux, cris d’animaux, communication avec des
« fantômes », communication avec des robots, « trans-communication » (magnétisme et
spiritisme), etc. Il s’agit de réévaluer les modèles classiques de l’échange d’information en
s’intéressant à trois domaines, au moins, dont on peut déplorer qu’ils n’aient jamais été
vraiment confrontés ou comparés : la communication animale (ou les communications entre
les hommes et les animaux), la communication avec des présences invisibles (bruitologie du
spiritisme de Kardec, sémantique de la présence des fantômes, etc.), et la communication au
sens des technologies de l’information et de la communication (TIC, radio, télé-robotique,
etc.). Le groupe de travail s’intéressera à ces efforts produits pour établir ce que l’on propose
d’appeler ici des circuits faibles, c’est-à-dire des systèmes ou des dispositifs de
communication dont les connexions sont incertaines ou qui demandent un gros travail pour
en éprouver la fiabilité. Il se demandera aussi dans quelle mesure cette notion permet de
reconsidérer la façon dont sont envisagés ordinairement les réseaux entre humains, mais
aussi les relations qu’ils établissent avec la matière, avec les divers êtres vivants, avec les
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invisibles. Il favorisera également des approches s’appuyant sur des descriptions
ethnographiques de cas ou de situations : 1/ où il existe une incertitude sur la nature de ce qui
s’échange, et comment ; 2/ où la notion même de signal (ou l’articulation signal/bruit) n’est
pas suffisante pour rendre compte de ce qui s’échange ; 3/ où est impliqué un décentrement
sensoriel dans la confrontation avec des créatures dotées d’une autre sensibilité que la nôtre
(animaux, plantes, etc.) ; 4/ où sont impliqués des équipements ou des appareils visant à
établir une communication avec un être ou une entité dont les modalités de présence ne vont
pas de soi (esprits, fantômes, robots, etc.).
Un premier atelier est prévu en 2013, ainsi qu’un numéro de la revue Ateliers
d’Anthropologie (fin 2013), pour engager cette réflexion qui pourra se poursuivre dans le
cadre d’un projet ANR.
Les êtres génériques
A la suite du travail d’enquête qu’elle a mené sur les pratiques architecturales, et
notamment la conception des dessins en perspective qui servent à donner forme à un projet
au moyen des outils numériques, S. Houdart propose de travailler sur la notion d’être
générique en s’intéressant aux multiples façons d’introduire de l’humain dans une image
composée. Tout au long de l’histoire de l’art et de l’architecture, la recherche de mesures
parfaites a conduit ponctuellement peintres et architectes à chercher une représentation idéale
de l’homme. Du très ancien « Homme de Vitruve », de Léonard de Vinci (1490), au célèbre
« Modulor », breveté, de Le Corbusier (1945), jusqu’aux « prototypes humains », Joe et
Joséphine, conçus par l'architecte Henry Dreyfuss, de nombreuses tentatives ont été faites
pour affranchir les humains de leur diversité et les transformer en outils de proportion
harmonieuse. En partant des catalogues d’êtres humains utilisés par les architectes pour
peupler leurs figurations, S. Houdart cherchera à étendre l’analyse aux êtres paradigmatiques
qui, dans d’autres champs que le champ architectural, sont appelés à remplir une fonction
univoque du fait de leur minimalité. En physique et en sciences de la communication, par
exemple, les figures d’Alice et de Bob sont utilisées depuis longtemps pour occuper les
places respectives de l’émettrice et du récepteur. Et la conception d’êtres génériques,
capables de supporter des actions universelles, est au cœur des pratiques en design et
ergonomie. L’histoire et les transformations contemporaines de ces figures humaines restent
globalement à faire.
Pour mener à bien cette étude, S. Houdart a récemment engagé un travail de collaboration
avec l’architecte Jean-Pierre Chupin, du Laboratoire d’Etude de l’Architecture Potentielle
(LEAP), à Montréal.
Relations homme-cristaux
Poursuivant sa recherche sur les cristalliers (terrain déjà engagé dans les Alpes depuis
plusieurs années, et nouveau terrain prévu en 2013 au Népal), G. Raveneau envisage de
s’intéresser au mode d’existence des cristaux et au devenir des minéraux quand ils sont
réappropriés par d'autres en particulier (collectionneurs privés, musées, etc.). Il s'agit de
saisir les ressorts et les facettes d’une activité complexe qui paraît transformer profondément
le rapport identitaire que le collectionneur entretient avec lui-même et ses minéraux, et qui se
joue des lignes de partage entre l’être et l’avoir pour les reposer autrement. Il semble que
l’identité du collectionneur se prolonge dans ses possessions qui deviennent autant de
morceaux de lui-même, dotés de volonté et de pouvoirs sur ses affects. On est frappé par
l’assimilation métaphorique entre personne et cristaux à l’œuvre dans le discours des
collectionneurs, par la fluidité des frontières entre les personnes et les choses. C’est
l’émotion qui semble en jeu et leur permet d’expérimenter un certain rapport au sacré et au
mystère. En cela, les collectionneurs ne sont pas très différents des cristalliers qui
entretiennent avec les massifs montagneux et les cristaux, « pris dans les entrailles de la
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montagne », une relation faite de passion et d'émotions, de dangers et de risques, de mystères
et de secrets qui les conduisent sur la voie d'une forme de transcendance sauvage.
Ontologie des êtres sonores
Ce projet fait suite à d'autres, qui ont permis de consolider une approche de la musique en
tant que « technique d'enchantement ». Ces travaux – portant notamment sur la ruse
musicale, la virtuosité, l'immersion acoustique – avaient mis en évidence le flou qui entoure
la notion d'« enchantement », tant dans la proposition initiale d'A. Gell que dans ses reprises
ultérieures par d'autres anthropologues. La musique ouvre une perspective intéressante sur
cette question. Ce qui semble être son matériau principal – le son – s'avère en effet
remarquablement polymorphe. Entre la perception écologique d'un environnement, le
langage verbal, et les entités que les mélomanes reconnaissent dans différentes musiques,
l'acoustique « scientifique » peine souvent à tisser des liens. Ce projet admettra l'hypothèse
que les vibrations de l'air ne constituent pas un objet unique, mais sont au contraire
appréhendées selon une multitude d'ontologies (au sens de Viveiros de Castro et de Philippe
Descola), culturellement et contextuellement variables. Il s'agit dès lors de croiser des
données ethnographiques provenant de diverses traditions afin de décrire les translations par
lesquelles l'audition gagne ou perd des dimensions pertinentes (par exemple la manière dont
la musique crée son propre « espace », qui semble distinct de celui où elle est jouée). On
s'interrogera parallèlement sur la manière dont certaines interactions (avec des humains ou
non) sont favorisées ou inhibées dans ces différents mondes auditifs (V. Stoichita).
Anthropologie et ontologie
La question des frontières d’humains est associée à celles des relations entre les humains
et d’autres êtres. Depuis quelques années, cette interrogation est traversée, comme on vient
de le voir, par la question de « l'ontologie ». Quelles en sont les diverses formes et
expressions ? Quelles en sont les gains et les pertes en termes d'intelligibilité (que gagne-t-on
à parler d’être plutôt que de chose ou d’objet, pour décrire les situations qui nous intéressent)
? Quels types d'objets, anciens et nouveaux, sont travaillés ? Quelle place ce regard théorique
laisse-t-il aux non-humains mais aussi aux humains ? C'est à ce travail de clarification qu’il
serait pertinent de contribuer, en réfléchissant sur l'ensemble des enjeux théoriques,
thématiques et méthodologiques, à partir d’un cycle de journées d’études. L’ontologie est au
centre de diverses généalogies intellectuelles : agentivité, anthropologie de la nature,
anthropologie symétrique, concernant surtout les « non-humains ».
En quoi consisterait le « virage ontologique », si virage il y a ? Plusieurs points de débat
surgissent quand le mot ontologie est sollicité en sciences sociales : il s’agit d’en cerner les
contours. Un des premiers enjeux est de désengager la question de l’ontologie de celle de
l’essentialisation et du déterminisme, et de prendre le mot « ontologie » au sens
étymologique, « dé-historicisé » de la charge complexe et ambiguë qu’il a prise par l’histoire
de la philosophie. Se pose également la question des méthodes. Il serait important de dégager
la valeur heuristique de l’approche ontologique : A quoi peuvent servir les attributions
d’ontologie ? Et l’idée de pluralité des mondes ? Et, pragmatiquement, quelles pourraient
être les modalités d’une méthode « ontographique », en comparaison avec elles de
l’ethnographie (Piette) ? A quelles échelles se placer ? Des comparaisons méthodologiques
et des caractéristiques des « compagnons des humains » pourraient être envisagées. De
même, un débat épistémologique pourrait être explicité sur ce que fait l’anthropologue avec
les non-humains quant à leur description et analyse, et sur la façon dont il sollicite les
disciplines concernées par ceux-ci.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
D) Interactions et transmissions verbales et musicales
Responsable : Jean Lambert
Avec la collaboration de B. Lortat Jacob, Schéhérazade Hassan, A. Monod Becquelin
Musique, affects et perception
Après l'expérience du RTP Musique Cognition Sociétés (2004-2008), qui avait mis pour
la première fois en présence l'ethnographie musicale et l'approche cognitive, et après la
réalisation de plusieurs monographies sur l'émotion en rapport avec la musique, il semble
nécessaire d'approfondir cette relation sur des bases plus objectives. On s'intéressera
particulièrement aux phénomènes d'incorporation (embodiment) qui voient la musique
devenir le vecteur d’une sensation collective, plus ou moins synchronisée dans les
mouvements, et dans les sentiments qui y sont associés : sous quelles formes ces
compétences sont-elles reconnues, partagées et / ou monopolisées par certains « auditeurs
profonds » (Judith Becker) ? Comment sont-elles mises à profit par et dans les codes sociaux
les plus intimes (le jeu, le défi, la coopération,...) : grandes cérémonies magico-religieuses,
joutes poétiques, improvisations de jazz... Il s'agira de combiner l'analyse de la diversité
culturelle des expressions émotionnelles et musicales avec l'identification de fonctions
cognitives universelles. L’observation de ces pratiques s’intéressera, d'une part, aux rituels à
forte charge émotionnelle, souvent conventionnelle (comme les mariages et les funérailles),
préoccupation qui rejoint celles de l'axe 5, et, d'autre part, à des contextes où l’émotion est
esthétisée selon des sentiments de nostalgie, d’harmonie, d'exil… A partir de leurs acquis
des dernières années, les ethnomusicologues tenteront de pousser plus avant la collaboration
avec des chercheurs en sciences cognitives pour mettre au point certains protocoles
expérimentaux permettant de mesurer les implications corporelles de l'émotion :
électrocardiogramme, images IRM, réponse galvanique cutanée, ou encore des méthodes
mixtes comme l' « observation participante simulée » (avec M. Chemillier). Les résultats de
ces expériences seront confrontés à leur tour à ceux de l'enquête ethnographique, avec
l'ambition de proposer d’autres points de vue et de faire émerger de nouvelles données
conduisant à revisiter certains concepts et hypothèses tirés de la seule expérimentation.
A partir de travaux précédents sur le Yémen mettant en évidence les modalités
émotionnelles d'une "transe esthétique", J. Lambert approfondira cette problématique sur un
nouveau terrain, celui des séances de chant mystique zikr dans le soufisme musulman : dans
quels termes l'émotion est-elle exprimée, en relation avec la transcendance ou non ?
Comment cette expression s'articule-t-elle avec des techniques corporelles, comme la
répétition chantée, le balancement rythmique du corps, l'hyperventilation ? En ce qui
concerne F. Bonini Baraldi, après sa première approche monographique de la musique des
tsiganes en Roumanie, son analyse de l'échange social d'émotions durant un rituel funéraire,
et celle du geste musical au moyen d'outils multimédia ad hoc, il cherchera à analyser la
variabilité culturelle des processus d’émotion musicale, tout en s'ouvrant à de nouveaux
terrains comparatifs. Après son étude doctorale sur l'expression de l'émotion dans les chants
de migration albanais, E. Pistrick élargira son analyse à la manipulation politique de
l'émotion collective pendant la période communiste, en s'appuyant sur des documents
d'archives de première main, et tentera une comparaison entre cette période et la période
post-communiste. Partant d'un point de vue plus généraliste, mais attentif à la dimension
musicale, E. de Vienne se consacrera au rapport entre chant, mémoire et émotion dans le
Haut Xingu. A côté des grands corpus chantés, conçus comme immuables, on trouve des
chants plus contextuels, sorte de commentaires ou de ragots musicaux qui suscitent des
émotions allant de la colère au rire, en passant par la nostalgie. Ces chants ne sont pas
éphémères pour autant, car ils peuvent se transmettre, mais selon des principes différents des
chants "sacralisés", et plus à même d'assurer une forme de mémoire historique collective.
Une soumission de projet à l'ANR est prévue.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Changements de rythmes dans les interactions verbales et musicales
Si le rythme peut être défini, en musique comme dans d'autres domaines, comme une
dialectique de la répétition et de la variation, il va de soi que c'est la variation qui, par sa
saillance, est la plus signifiante. En partant de ce constat, un ensemble de chercheurs
regroupant ethnomusicologues, ethnolinguistes et ethnopoéticiens a souhaité rapprocher et
comparer les modalités de fonctionnement du rythme à la fois dans le musical, le verbal et le
social, en particulier dans les déclamations rituelles, et ce, en confrontant systématiquement
les points de vue de ces trois champs disciplinaires voisins. Suivant trois recherches déjà
effectuées dans ce cadre, dans le Haut Atlas marocain (B. Lortat-Jacob), au Yémen (J.
Lambert) et en Epire (H. Delaporte) (voir bilan Axe 2), d'autres chercheurs vont s’attacher à
développer cette problématique sur de nouveaux terrains et dans de nouvelles directions.
Certains ethnologues généralistes ou ethnolinguistes souhaitent, eux aussi, mettre en
relation des ruptures du rythme social, et notamment rituel, avec des ruptures du rythme
langagier et du rythme musical. Ainsi, dans le cadre de l’analyse prosodique et sonore des
discours rituels mayas (traitant de rituels thérapeutiques, agricoles, et de passation de charge,
V. Vapnarsky et A. Monod Becquelin étudieront les changements de rythmes qui organisent
ces discours et sont des moteurs essentiels de la performativité et du déroulement temporel et
actionnel. Elles s’attacheront à une étude fine de l’articulation entre débit et rythme
d’élocution, rythmes corporels, état émotionnel, et phases ou pics de transformation du
contexte durant l’action rituelle - en relation également aux procédés compositionnels
(parallélismes, cyclicité, itération, leitmotiv, scansion, ruptures, …) déployés dans ces
discours. Enfin, inspirées par les études récentes sur la conversation et l’acquisition du
langage, concernant l’adaptation et le phasage rythmique lors de l’interlocution, elles
s’intéresseront à l’incidence des changements rythmiques sur les cadres participatifs lors de
la performance. Pour sa part, E. de Vienne souhaite examiner la pertinence des approches
ethnomusicologiques pour rendre compte des incantations thérapeutiques Trumai, qui
présentent une forme minimale de musicalisation par le rythme. Cette parole dite "soufflée"
inverse le rapport ordinaire entre acte et parole, la technique énonciative se voyant ici mise
au premier plan et « physicalisant » le contenu sémantique de manière ostensible. A. de
Sales, à partir d'un travail passé sur le langage rituel des chamanes d'une population tribale
de l'ouest népalais, s'interroge sur le sens du déroulement d'une séance de chamanisme qui,
rythmée par la répétition (parallélisme structurant la séance, vers chantés, battements de
tambour), "s'emballe" de façon imprévisible pour se transformer en une sorte de
"cacophonie" au moment de la transe. Ces "sorties" du rythme font surgir la présence des
puissances surnaturelles dans l'espace rituel et concentrent l'attention de l'auditoire. Elle
recherchera des collaborations pour examiner les aspects plus particulièrement musicaux de
ce rituel.
D'autres chercheurs sont plus orientés vers l'analyse de musiques d'art. Dans
l’expression poétique et musicale du bhav (musique hindoustanie), J. Jugand s'efforcera de
mener une analyse des procédés d’improvisation poétique, mélodique et rythmique, où
seront observés les changements de rythme, en lien avec les nombreuses interactions entre la
chanteuse et ses auditeurs. Pour sa part, A. Anisensel a montré que dans la performance de
poésie chantée du Ca trù au Vietnam, le joueur de tambour, un lettré « connaisseur », réalise
au tambour une "ponctuation" rythmique codée de la performance vocale d'une chanteuse.
Aussi tentera-t-elle dans cette recherche de bien distinguer les deux fonctions principales de
cette ponctuation : 1 / une fonction purement musicale et rythmique ; 2 / une sorte de
commentaire esthétique de la performance consistant en des frappes conventionnelles
exprimant l'approbation et d'autres exprimant la désapprobation. Quels sont exactement les
codes de ces frappes et comment se distinguent-elles des autres ? Enfin, pour J.-P. Estival,
dans l'aire où se pratique le coco, genre musico-chorégraphique afro-brésilien associant
chant, danse et tambours, une observation attentive des rythmes et de leurs techniques (sur la
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base d’enquêtes de terrain et d’archives) montre une grande diversité d'instanciations
singulières dans la classe générale des rythmes, en particulier pour le tambour grave et
soliste zabumba. Après une analyse fine des rythmes et des gestes musicaux qui les
produisent (déjà en partie effectuée), il tentera : (a) de qualifier l'existence de modèles
cognitifs sous-jacents ;(b) d'analyser le placement rythmique de la voix sur quelques
exemples; (c) de caractériser les réseaux sociaux à l'oeuvre dans la production de ces
rythmes différenciés ; (d) de qualifier les processus d'apprentissage (implicites et explicites),
et les stratégies mises en œuvre pour mémoriser les rythmes et leurs variations.
Cette perspective de recherche prolonge celle qui avait été commencée en
collaboration avec le GREP (voir Bilan, axe 2).
Approche comparative des systèmes musicaux du Maghreb à l'Asie Centrale
Les dernières décennies ayant vu l'accumulation de monographies et de recherches de
terrain sur les systèmes savants des espaces arabe, iranophone et turcophone, ainsi que sur
les nombreuses traditions régionales ou locales qui se sont développées en leur sein ou à leur
marge, il devient possible d'en envisager une étude comparative, ainsi qu'une mise en
perspective diachronique de leurs transformations au cours de l'histoire. Les acquis de
l'anthropologie et de l'ethnomusicologie permettront de récapituler les échanges et les
délimitations culturelles qui se sont opérées entre ces diverses traditions, tant par la
transmission orale que par l'intermédiaire de l'écrit. Contrairement à ce que l'on peut penser,
les processus de différenciation identitaire n'ont pas commencé seulement à l'ère des
nationalismes et à l'époque contemporaine, ils existaient déjà par exemple entre les grands
empires ottoman et safavide. On s'interrogera également sur les techniques de mémorisation
et les contraintes cognitives qui ont présidé à la transformation progressives de ces systèmes,
du moins tels qu'ils sont connus dans les écrits théoriques : les instruments utilisés, la langue
de travail, l'influence de la terminologie, les connaissances en physique acoustique à chaque
époque.
En partant d'un intérêt pour le rôle de la métrique poétique comme structure cognitive du
chant, et même parfois des performances instrumentales dans les musiques du Moyen Orient
et d'Asie centrale (voir bilan axe 2), J. Lambert projette d'approfondir cette problématique en
testant l'application de la théorie du quanto syllabique, déjà élaborée à propos de la tradition
arabe, à la poésie chantée en persan. Selon cette théorie, certains pieds métriques de la poésie
et leurs variations représentent une panoplie de schèmes cognitifs pour la composition
mélodique, à la fois dans les formes de récitatif et dans les formes rythmiques "boîteuses"
qui s'y prêtent tout particulièrement. Cette analyse est en cours d'application à la poésie
chantée tadjike du falak, dans le cadre de la publication des actes du colloque de Douchanbé
de 2010 ; les recherches d'A. Zevaco au Tadjikistan permettront d'enrichir cette
problématique. Cette collaboration entre arabisants et iranisants devra être éventuellement
élargie à des linguistes, des littéraires et des spécialistes de la cognition musicale.
Une autre manière d'examiner les relations entre deux traditions savantes du MoyenOrient est le contact historique entre musiciens turcs ottomans et musiciens persans 'ajamî
(“de l’Est”) qui s'étaient expatriés à Istanbul au XVI-XVIIème siècle. Ces contacts sont
l'occasion d'examiner de près comment ces deux traditions savantes se sont influencées, ou
au contraire, se sont distinguées l'une de l'autre en rejetant certaines formes qui n'étaient pas
considérées comme faisant partie de leur identité culturelle - dans le cas de la musique
persane, de nombreux cycles rythmiques furent abandonnés sous la dynastie Safavide parce
qu'ils n'étaient pas considérés comme persans (thèse en cours d'A. Mohafez).
Par ailleurs se pose la question de la polysémie du fameux terme maqâm. En effet, ce
concept peut recouvrir à la fois celui de "musique modale", de "mélodie”, “genre”, ou “suite
de compositions”. J. During poursuivra ses travaux sur la déconstruction analytique des
grandes Suites (maqâm, muqam, maqom) d’Asie centrale. Pour sa part, S. Hassan se propose
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d’examiner, à partir de la polysémie du concept de maqam, multiple et superposé en Iraq, le
système complexe sur lequel repose le genre vocal al Maqam al ‘Iraqi, et son répertoire qui
est une synthèse de rencontres et une interaction d’éléments. Ceux-ci sont répartis sur une
vaste aire géographique, située aussi bien à l’est du pays qu’à l’ouest, et représentés d’une
manière originale dans cet ancien melting- pot qu’est la ville cosmopolite de Bagdad. Quant
à J. Lambert, il mettra en évidence la fonction de classement modal des suites musicales du
Yémen.
S'agissant des musiques rurales du monde arabe - dont les principes de fonctionnement ne
sont pas ancrés dans l'histoire des théories des musiques savantes et dont les systèmes restent
encore le plus souvent à découvrir, les spécificités locales restent fortes, au point d'avoir
freiné toute ambition comparative depuis plus d'un demi-siècle. Dans le même temps, les
recherches menées jusqu'à présent permettent d'entrevoir l’existence de certaines similitudes
entre différents répertoires du monde arabe, dont certains sont maintenant bien documentés.
M. Rovsing Olsen poursuivra une réflexion autour des chants rituels de mariage de l'Atlas
berbère au Maroc dans une perspective comparative, en particulier sur les paramètres
mélodiques, rythmiques, poétiques et vocaux.
Ces thèmes, qui seront développés dans les années à venir, seront déjà au coeur de la
réunion du Study Group de l'ICTM pour le monde arabe, organisé par S. Hassan au Liban en
mars 2013, sur le thème : “The Situation of Music in the Arab World in the New
Millennium”.
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AXE 4 – TEMPORALITES, MEMOIRE, HISTORICITES
Responsables : Grégory Delaplace, Isabelle Rivoal, Emmanuel de Vienne
Participants membres du LESC : B. Baptandier (émérite), M. Baussant, S. Blanchy, J.P. Chaumeil, I. Daillant, A. Da Cruz Lima, G. Delaplace, F. Dubois, F. Dupuy, Ph. Erikson,
A. Esquerre, J. Galinier (émérite), C. Guillebaud, A. Herrou, M. Heintz, A. Helmlinger,
G. Krauskopff, J. Lambert, S. Loncke, R. Martinez, A. Molinié (émérite), M.-D. Mouton,
S. Pedron Colombani, N. Petesch, A. Piette N. Prévôt, R. Martinez, A.-M. Peatrik, I. Rivoal,
A. de Sales, G. Tarabout, S. Trebinjac, V. Vapnarsky, E. de Vienne
En collaboration avec Samuel Challéat (U. de Bourgogne), J-P. Desclés (U. Paris
Sorbonne), Brice Faraud (Hôtel-Dieu), A. Monod-Becquelin, E. Mothré
Doctorants du LESC et post-doctorants associés : Estelle Amy de la Bretèque, Aliénor
Anisensel, A.-G. Bilhaut, Guy Bordin, Julie Carpentier, Boris Charcossey, Marie Chosson,
Francis Ferrié, Séverine Gabry-Thienpont, Julien Jugand, K. Le Mentec, L. Lhoutellier,
E. Rossé
L’analyse du rapport de l’homme au temps est un domaine d’investigation fondamental
de l’anthropologie. Les modalités d’exploration en sont multiples selon que l’on envisage la
question sous l’angle de l’historicité des sociétés humaines, et de la construction culturelle
de l’historicité elle-même (notamment sous la forme contemporaine d’un impératif de
transmission, de constitution de patrimoines et d’archives, mais aussi sous la forme inverse
d’une injonction plus ou moins coercitive à l’oubli), ou bien que l’on envisage les formes de
« découpage » du temps (celui du jour et de la nuit, celui du temps rituel, des ruptures et des
moments de transition), ou encore que l’on s’attache à explorer la manière dont on fait
l’expérience du temps (formes d’attente, d’ennui, d’être plus ou moins dans son temps…).
Ces problématiques sont l’objet de projets transversaux variés approfondissant des
recherches déjà initiées, ayant produit des résultats, et qui se redéploient notamment autour
des travaux des doctorants et post-docs. Elles seront aussi très largement développées dans le
cadre du LABEX « Les passés dans le présent » dont le LESC est co-porteur.
A) Anthropologie de la nuit
Responsable : Emmanuel de Vienne
Après avoir montré que la nuit est un véritable objet anthropologique (article dans
Current Anthropology, 51, (6) 2010 ; colloque international Las cosas de la noche 2012 à
México), l’atelier Anthropologie de la nuit entend travailler à partir d’un postulat, à savoir
l’importance et la multiplicité de tous les éléments qui traversent les frontières du
nycthémère pour configurer du nocturne et du diurne dans le temps réel, l'espace ou les
catégories notionnelles. Pour cela, sera abordée la question des contraintes universelles du
sommeil – et pour ce faire, la poursuite d’une association du LESC avec le centre
« Médecine du sommeil et de la vigilance » de l'Hôtel Dieu s’est imposée. Ce qui forme les
marges, les seuils et les transitions d’un état à un autre (nuit/jour, veille et vigilance/sommeil,
activités nocturnes/ activités diurnes…) nous a amenés à utiliser la notion mathématique de
« frontière épaisse », issue de la quasi-topologie. L’apport de cette réflexion permet de
mieux appréhender la pénétration d'éléments d'une catégorie dans une autre, ainsi que les
zones intermédiaires (« aube », « crépuscule »). Au-delà des réponses données aux activités,
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comportements et transformations physiques nocturnes, la cible de notre recherche est le
passage d’un ou de plusieurs éléments associés à la nuit vers le jour et réciproquement, et
surtout l’ordre chronologique dans lequel se font ces passages d’une catégorie à l’autre.
Ces deux voies d’approche pour aborder la nocturnité (étudier la part du sommeil et
comprendre la configuration jour/ nocturnité/ nuit) obligent à poser un ensemble de
questions associant une ethnographie fine et des procédures de recherche qui aboutissent à
une analyse anthropologique, selon les cas, comparative et/ou typologique. En découlent les
interrogations suivantes : quels aménagements fait-on subir au sommeil, comment les
sociétés concilient-elles le fondamental du sommeil et celui de l’activité humaine ? Quelles
sont les transitions et les voies tracées par chaque culture pour passer de la nuit au jour et du
sommeil à la vigilance ? Quels impératifs gouvernent la partition de la vie quotidienne et de
la vie rituelle en tâches ou rites diurnes et nocturnes ?
On recherchera les invariants et leurs « variations » dans le domaine de l'aménagement du
sommeil, enquête appuyée sur des exemples précis, qu’il s’agisse du travail de pêche au
XXIème siècle (B. Charcossey), de rituels nocturnes amazoniens (E. de Vienne, A. Monod
Becquelin) ou de fondements de la pensée cosmologique comme en Mésoamérique (J.
Galinier, E. Mothré).
A l’intérieur de ce projet global, trois grands dossiers seront ouverts :
Un premier dossier concerne la physiologie des rythmes veille-sommeil en environnement
extrême (en collaboration avec Brice Faraud, Hôtel Dieu). Les diverses études menées
actuellement par les chercheurs de l’équipe « Anthropologie de la nuit » permettent aux
physiologistes d’avoir un accès unique et privilégié à des conditions environnementales et
des rythmes de vie sociaux éloignés de rythmes de vie habituels des sociétés occidentales.
Les terrains d'études "extrêmes" et atypiques à partir desquels travaillent les anthropologues
(Inuit, expédition en mer au long cours des marins pêcheurs, techniques zápara de
l’endormissement) offrent aux physiologistes la possibilité de confronter leurs outils
d'évaluation (actimètres, questionnaires adaptés) afin de mieux comprendre l'adaptation
physiologique des rythmes veille-sommeil chez l’homme à ces environnements et
organisations sociales spécifiques. Ils étudient l’environnement social et familial des
travailleurs de nuit ainsi que leurs interactions en situation réelle de travail, ce qui contribue
à mieux discerner l’impact des facteurs personnels sur le délicat équilibre auquel sont
confrontés les travailleurs, soumis à une dette chronique de sommeil du fait de plages
horaires de travail étendu et de nuit. Une première recherche interdisciplinaire intitulée «
Négation de la nuit à bord du navire de pêche, épreuves des actimètres » a été entreprise dans
ce contexte entre Brice Faraud et B. Charcossey. Les premiers résultats montrent des
rythmes veille-sommeil poly-phasiques (alternance de plusieurs épisodes de court sommeil
par 24 heures) surtout dans la période finale du séjour en mer d’une dizaine de jours, une
diminution graduelle du temps de sommeil total par 24 heures conduisant à de très courts
temps de sommeil, inférieurs à 4h par 24 heures, au cours des derniers jours de pêche. De
telles conditions de rythmes veille-sommeil, associées à des épisodes de somnolence, outre
le risque accidentel accru et à long terme, pourraient contribuer au développement de
pathologies métaboliques et cardiovasculaires - l’approche anthropologique de ces marins
pêcheurs au long cours a montré de son côté que ces derniers dénigraient l’aspect
récupérateur pourtant essentiel du sommeil dans ces conditions extrêmes, et que ce sujet
n’était jamais abordé ou considéré entre eux ou par leurs responsables.
Les Inuit sont confrontés de manière ancestrale à une nuit quasi-permanente et à
l’absence de lumière naturelle au plus fort de l’hiver, et à un jour quasi-permanent au plus
fort de l’été. Guy Bordin, dans ses enquêtes chez les Inuit du nord de la terre de Baffin,
rapporte que pendant la nuit polaire, ils adoptent un comportement qui vise à rester éveillés
le plus possible. Comment alors s’adaptent l’horloge biologique et ses différent rythmes que
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sont la sécrétion de mélatonine, la température, les rythmes veille-sommeil, dans ces
conditions extrêmes pour l’homme ? Des données physiologiques existent mais proviennent
essentiellement de l’animal soumis expérimentalement à illumination ou absence de lumière
en continu. L’équipe de l’Hôtel Dieu, qui a par ailleurs effectué plusieurs études chez les
aveugles, privés de lumière, est particulièrement intéressée par cette contre-situation
d’exposition permanente à la lumière que vivent les Inuits. De même les projets de
collaboration devraient réunir le Centre du Sommeil de l’Hôtel-Dieu et l’équipe
« Anthropologie de la nuit » autour de la pollution lumineuse urbaine et ses conséquences
sur la qualité du sommeil (avec S. Challéat, U. de Bourgogne).
Un autre facteur environnemental est l’impact du bruit à la fois sur la durée de sommeil,
sa qualité et son indice de fragmentation en lien avec les répercussions sur le système
nerveux sympathique et cardiovasculaire. A.-G. Bilhaut mène à ce sujet une enquête en
milieu urbain, à Iquitos (Amazonie péruvienne), connue pour sa pollution sonore continue et
extrême (entre 90 et 100 dB dans la journée). Il est particulièrement pertinent de s’intéresser
à l’impact de l’environnement sur le sommeil. La question du bruit est au centre des
discussions sur l’urbanisation et sur son impact sur la santé. Une étude épidémiologique sur
le sommeil de Brice Faraud (Hôtel Dieu) en collaboration avec A.-G. Bilhaut devrait
permettre de mesurer l’exposition à laquelle sont soumis les habitants d’Iquitos.
Ces premiers projets en cours dénotent tout l’intérêt que peut avoir à l’avenir ce type
d’étude transdisciplinaire réunissant nos deux équipes.
Un deuxième dossier traitera les facteurs environnementaux et stratégies de remédiation
pour le sommeil (A.-G. Bilhaut). De nombreuses questions se posent par rapport au sommeil
et à la fabrication de son environnement. Que signifie le manque de sommeil dans des
sociétés (culturellement) diverses ? Pour travailler sur l’influence des facteurs
environnementaux sur le sommeil, des spécialistes de l’équipe du Pr. Damien Léger du
Centre de Médecine du sommeil et de la vigilance de l'Hôtel Dieu ont été associés au projet à
partir de 2011. La complémentarité des compétences devrait permettre de saisir
véritablement ce qui relève des facteurs environnementaux, des données (invariants)
physiologiques et des stratégies locales pour y remédier. Suite à une demi-journée d’étude
(2012), les membres des deux unités (LESC et Hôtel Dieu) ont élaboré des questionnaires à
adapter aux terrains des anthropologues afin de construire des protocoles d’enquête
utilisables. Ce travail, qui représente la première étape d’une collaboration transdisciplinaire,
doit être poursuivi (en 2012-2013) afin d’aboutir à des questionnaires fiables et exploitables
par les deux équipes.
D’autres projets sont en cours d’élaboration. Tous supposent la mesure des temps de
sommeil et de veille grâce aux outils fournis par le Centre du Sommeil, et sont servis par les
enquêtes de terrain des anthropologues sur les techniques, les pratiques et les représentations
du sommeil (comme de son manque et de sa récupération), et sur les stratégies de
remédiation aux contraintes environnementales, thèmes de recherche sur lesquels se fonde
cette collaboration.
Un troisième dossier conduira aux frontières de la nuit (E. de Vienne, J.-P. Desclés, A.
Monod Becquelin, J. Galinier) Selon le mathématicien J.-P. Desclés (directeur du laboratoire
Langages, Logiques, Informatique, Cognition - LaLIC, Univ. Paris-Sorbonne), un certain
nombre de situations d’ethnographie nécessite l’utilisation des concepts de la quasitopologie. Les rituels nocturnes du haut Xingu ont été étudiés en tant que rituels, sans qu’en
soit décrite ni évaluée l’exigence de nocturnité. L’extrême sophistication des degrés
construits par les Xinguanos entre ce qui s’exécute de jour ou de nuit et ce, pendant des
mois, n’a jamais été questionnée, en dehors de constatations banales d’analogies entre des
nomenclatures de chants et l’éthologie régionale. C’est là qu’intervient l’outil « frontière
épaisse ». Ainsi, comme cela a été suggéré (Ateliers d’Anthropologie, n°37, 2012), certains
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rites d’initiation des jeunes garçons dans le Haut Xingu se laissent appréhender à l’aide des
transitions entre « lieux » (i.e. schèmes abstraits) munis de frontières internes et externes. On
abordera selon la même approche le rituel féminin Yamorikuma : certains éléments du pôle
féminin, pendant plusieurs mois, traversent une large frontière engendrant une quasi
identification à l’autre extrême, le pôle masculin, pour s’arrêter au bord de la frontière
externe du genre masculin, et revenir, au terme du rituel, au féminin et à la complémentarité
sexuelle sans avoir franchi totalement la frontière - ce qui serait le signe d’une
métamorphose qui ne se produit que dans le mythe d’origine de cette fête. Les chants
xinguanos des Oï, peuple de géants mythiques dans la mythologie et le vécu Trumai,
canoniques de ce qui ne peut se chanter en dehors de la nuit, sont une part d’un rituel
trifonctionnel complexe, le Javari - alliance, funérailles, héroïsation - et seraient un des
premiers champs d’étude des rituels de cette région (E. de Vienne, A. Monod Becquelin).
L’approche quasi-topologique de nombreuses situations en sciences humaines, aussi bien
en linguistique qu’en anthropologie, en ethnologie ou encore en philosophie, ouvre des voies
opératoires intéressantes pour essayer de mieux conceptualiser des notions descriptives assez
flexibles, qui vont bien au-delà des simples dispositifs descriptifs booléens (qui opèrent à
l’aide de traits, soit positifs, soit négatifs, sans autres valeurs intermédiaires dans un seul et
même temps). Une première illustration de l’application de la notion de frontière épaisse
avait été donnée par K. Hamberger et s’applique à l’habitat amazonien. C’est dans cette
perspective renouvelée de l’étude des rituels que l’atelier Nuit entend travailler.
J. Galinier poursuivra sa recherche sur les topographies de la nuit, et notamment la
question des seuils et transitions nocturnes, au regard de l’idéologie du dualisme otomi
(Mexique oriental). Suite à ses enquêtes en cours, se pose la question de la congruence de ce
dualisme avec les systèmes à « moitiés » attestés encore aujourd’hui en Mésoamérique. C’est
à partir d’une « pensée de la nuit » que les scholiastes otomi offrent des clés permettant de
différencier « à bas bruit » leur modèle dualiste d’autres formes des sociétés voisines,
qu’elles se combinent avec elles ou qu’elles aient été occultées par la colonisation.
L’idéologie d’un dualisme nocturne oblige à repenser la nature des transitions dans l’espace
rituel, et plus largement toute la classification sociale, car le passage à l’obscurité permet de
considérer à nouveaux frais l’hypothèse d’une opposition entre dualismes visibles et
invisibles, tacites ou explicites, conscients et inconscients.
B) Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles
Responsables : Valentina Vapnarsky, Isabelle Daillant, Sophie Blanchy
Les recherches qui seront menées dans ce sous-axe relèvent essentiellement de deux
programmes qui ont déjà obtenu un financement et doivent démarrer prochainement : une
ANR, La fabrique des « patrimoines » : mémoires, savoirs et politiques en Amérique
indienne aujourd’hui (Fabriq’Am), et un Labex regroupant lui-même plusieurs projets sous
le titre Les passés dans le présent : Histoire, patrimoine et mémoire, porté par la MAE (voir
le bilan axe 6 pour les deux programmes). Par ailleurs, le laboratoire est aussi partie prenante
d’un GIS du Ministère de la Culture et de la Communication, le GIS Institutions
Patrimoniales et Pratiques Interculturelles (IPAPIC, voir projet axe 1). Cette simultanéité
témoigne d’une dynamique plus large née au sein du laboratoire et dont participent aussi
plusieurs autres chercheurs.
Au niveau collectif, elle procède d’un souci d’appréhender les phénomènes de « mise en
patrimoine » que les chercheurs observent maintenant, parfois massivement, sur leurs
terrains, à la lumière d’une analyse approfondie des régimes d’historicité des sociétés
étudiées. Celles-ci contrastent en effet fortement en termes de conceptions et de pratiques
mémorielles, depuis la Chine où des phénomènes de conservation et mise en valeur
culturelle sont déjà très anciens, jusqu’à des sociétés qui procèdent à un travail constant
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d’oblitération du passé historique, comme en Amazonie. Les unes et les autres répondent
cependant à une vague pressante et globalisée – parfois médiatisée par des instances
nationales plus ou moins lointaines – les poussant à patrimonialiser, qui des aspects matériels
de leur culture, qui des aspects immatériels, qui encore la nature environnante, y compris sa
variante territorialisée. Si les régimes de savoir, les représentations du passé, les modes de
transmission, ou ceux de construction de la mémoire et de l’oubli informent ces processus,
ils s’en trouvent aussi transformés en retour. L’étude de leurs interactions se révèle dès lors
liée à la thématique du changement social et culturel tel qu’il s’opère dans un contexte
d’enjeux identitaires remodelés, traversé par une panoplie de stratégies collectives, voire
individuelles et parfois instrumentalisantes dans leurs visées politiques.
Un trait largement partagé de tous ces processus est qu’ils sont bien souvent tenus de
composer avec tout un éventail de paradoxes : qu’il s’agisse de devoir patrimonialiser des
objets qui étaient pris dans des dispositifs d’oubli ou d’abandon ou, à l’inverse, de pousser
dans un oubli accéléré ce qui n’est pas retenu pour patrimonialisation, qu’il s’agisse de
paradoxes liés à la construction d’un patrimoine témoignant du caractère mobile et
hétérogène de ses porteurs, ou de patrimonialiser de l’immatériel en créant des musées, ou
encore de devoir passer par l’écrit, pléthorique et réglementé, pour sauvegarder l’oral ou des
pratiques mémorielles intrinsèquement liées à d’autres supports (rituels, techniques…). Pour
faire face à cette incongruité, notamment, mais aussi pour servir de passeur entre les
différentes sphères sociales et institutionnelles en jeu, l’ethnologue peut se trouver sollicité.
Parfois simplement en ce que ses travaux sont lus et utilisés, mais il se voit souvent bien plus
directement impliqué, comme expert maîtrisant l’écrit et éventuellement, du moins mieux
que ses interlocuteurs, les arcanes des rouages institutionnels. Plusieurs recherches engagent
ainsi une participation de l’ethnologue à certains des phénomènes qu’il étudie, l’incitant à
incorporer un volet réflexif à l’analyse – cette posture, déjà analysée dans le bilan de l’axe 7
de la période précédente, se retrouve aussi, avec une inflexion différente, dans l’axe 1 du
présent projet pour la période 2014-2018.
ANR Fabriq’Am : La fabrique des « patrimoines » : mémoires, savoirs et politiques en
Amérique indienne aujourd’hui
Responsable général : Anath Ariel de Vidas (MASCIPO) ; responsable partenaire EREA du
LESC : Valentina Vapnarsky
Participants Centre EREA : I. Daillant, P. Deshayes, F. Dupuy, Ph. Erikson, S. Pédron
Colombani, N. Petesch, V. Vapnarsky, E. de Vienne.
Associés, doctorants et post-doctorants EREA : A.-G. Bilhaut, E. Camargo, J. Carpentier, M.
Chosson, P. Cruz, G. Collomb, A. L. Gutierrez Choquevilca, V. Hirtzel, F. Tola, P. Virtanen.
Ce projet, qui a obtenu un financement par l’ANR pour la période 2013-2016, est fondé
sur un partenariat entre le LESC et le MASCIPO, porteur, et intègre la majorité des
chercheurs du Centre EREA. Il constitue à ce titre un des piliers de sa recherche pour le
prochain mandat et est présenté de façon plus détaillée au sein du Projet du Centre EREA.
Les formes de transmission mémorielle des sociétés amérindiennes et des sociétés
minorisées voisines ont une double dimension. D’une part, elles se construisent dans une
matrice culturelle et sociale locale qui leur est propre. D’autre part, elles sont aussi, pour
beaucoup, désormais investies au sein d’un monde globalisé en tant que ressources
mobilisables pour conforter une identité collective, voire de nouvelles formes d’indianité.
L’analyse des configurations patrimoniales que l’on peut observer sur le terrain demande une
élucidation de ces formes d’imposition et d’adaptation mais aussi la compréhension de la
manière dont les acteurs indigènes ont su, en retour, se réapproprier un droit à construire un
discours propre sur leur culture et à l’instituer comme source d’une affirmation identitaire.
Pour comprendre les diverses déclinaisons du processus de patrimonialisation culturelle dans
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la trentaine de sociétés amérindiennes étudiées dans ce projet, l’enquête se développera selon
trois angles d’analyse complémentaires :
– les régimes de temporalité, d’historicité et de savoir ;
– la « fabrique » des patrimoines, leur construction sociale et leurs usages politiques ;
– les logiques institutionnelles et les formes locales de gouvernance multiculturelle.
Le projet s’attache aux représentations catégorielles, aux cadres, aux relations, aux
processus de construction de sens et de composition des discours. Deux niveaux de
comparaison seront traités. Le premier s’attachera à trois ensembles régionaux de cas
présentant en leur sein des contrastes marqués : (1) Guyanes orientales (Wayana, Apalaï,
Kali’na, Wayampi) ; (2) groupes pano d’Amazonie occidentale (Cashinawa, Shipibo,
Chacobo) ; (3) groupes mayas considérés dans leurs aires d’origine au Mexique et au
Guatemala et dans leur migration aux États-Unis (Teenek, Yucatèques, Itza’, Tseltal,
Tzutuhil). Le second niveau de comparaison permet une appréhension plus riche des
phénomènes étudiés, par les variantes ou les points communs qu’ils présentent avec les trois
ensembles de cas principaux. Il inclut une vingtaine d’autres groupes culturels d’Amazonie
bolivienne, brésilienne, péruvienne, équatorienne (Chimane, Mosetene, Yurakaré, Apurinã,
Manchineri, Trumai, Awetí, Suruí, Karaja, Tapirapé, Yalawapití, Zapara, Achuar, Quichua),
des Andes boliviennes (Aymara, Uru), du Mexique (Nahua de la Huastèque) et des minorités
noires et métisses (quilombolas, ribeirinhos d’Amazonie) (voir projet du centre EREA).
Les enjeux de la patrimonialisation sur d’autres continents
Plusieurs chercheurs contribuent à la réflexion qui articule ces problématiques à partir de
cas ethnographiques provenant d’autres continents.
Dans le contexte chinois – où les récentes quêtes de manne touristique et de
reconnaissance mondiale se sont superposées à un souci mémorial très ancien, et où tout est,
aujourd’hui, bon à patrimonialiser y compris ce qui ne l’avait jamais été – B. Baptandier
mènera de pair deux volets de recherche : l’un, général, sur l’idée de patrimoine, sur son lien
à l’idée de transmission, de mémoire et d’oubli, sur la temporalité et l’atemporalité qu’elle
met en jeu ; l’autre, plus ciblé, sur la patrimonialisation de certains cultes. Dans ce processus
qui consiste à faire passer un culte du statut de superstition (et donc prohibé) à celui
d’élément de la religion « officielle », que réhabilite-t-on ? Que réinvente-t-on ? Et à quel
prix promeut-on la religion dans un pays socialiste engagé désormais dans l’économie de
marché ?
Dans un tout autre contexte, espagnol, un rituel lui aussi naguère prohibé (ici par le
franquisme), celui de Corpus Christi à Camuñas dans la Mancha, connaît depuis trente ans
une évolution qui l’a mené d’une phase de réhabilitation à une progressive patrimonialisation
toujours en cours. L’ethnologue, A. Molinié, mobilisée d’abord à travers ses écrits – en
l’occurrence, une comparaison entre ce culte et son équivalent andin ayant donné lieu à une
interprétation qui aura un impact sur sa célébration en Espagne –, a par la suite entamé avec
les acteurs locaux une collaboration (éditoriale, muséographique…) plus active. Cela
l’amènera à la fois à suivre l’évolution du rituel (qui aspire aujourd’hui au label officiel de
« Patrimoine immatériel ») et à réfléchir à l’impact de la présence de l’ethnologue, à des
questions d’éthique, à la mutation d’un rite « traditionnel » dans le cadre de sa
mondialisation, à sa dimension mémorielle (traitement des Judíos, du tribunal de
l’Inquisition).
À Madagascar en revanche, des rituels qui sont eux aussi - avec les mythes - supports de
mémoire locale et vecteurs de savoirs, ne sont pas admis au rang de « patrimoine » et
demeurent délibérément ignorés comme tels à l’échelle du pays, ne faisant politiquement pas
le poids face à des lieux de culte revendiqués par l’élite des Hautes Terres, ni même face à
des sites naturels qui, bien qu’officiellement classés – sous l’impulsion de conservationnistes
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internationaux –, peinent pourtant à imposer leur statut. Les recherches de S. Blanchy sur
cette configuration tripartite se centreront particulièrement sur la patrimonialisation des lieux
de culte ancestraux, en passant par une réflexion sur la pertinence et la signification, sur le
terrain, de tels concepts mondialisés. E. Rossé étudiera, dans le volet localement jugé
subalterne, la dynamique de cultes de possession qui, portant l’empreinte des événements
politiques majeurs ayant affecté la région, représentent un cadre de transmission mémorielle,
et L. Louthellier analysera quant à elle l’échec des politiques de gestion locale de
l’environnement – du « patrimoine naturel ».
La région montagneuse du Chouf, au Liban, illustre au contraire un cas où la
patrimonialisation d’un espace a mieux fonctionné. Moins, cependant, par sa dimension
écologique qui n’est que secondairement mobilisée, que par le succès d’une stratégie
d’affirmation de pouvoir local qui s’y est déployée. À partir d’une étude ethnographique de
la domination de la famille Joumblatt sur cette région, I. Rivoal entend en effet analyser
l’importance particulière des logiques de patrimonialisation mises en place par un « seigneur
de la Montagne » pour délimiter un territoire et lui donner une identité fondée à la fois sur la
profondeur historique de la période des émirats et sur l’expression communautaire druze. Ce
cas sera par ailleurs étudié en relation aux autres modalités de patrimonialisation mises en
œuvre au Liban.
Dans l’océan Indien occidental, moins marqué par la violence mais où l’instabilité
croissante ramène la coopération nord-américaine - sous forme de financements de centres
culturels -, l’île française de Mayotte (Comores), départementalisée en 2011 et subissant un
changement socioéconomique accéléré, se trouve engagée dans une quête d’identité locale.
Alors qu’elle n’avait jusqu’ici abordé son histoire que par l’évitement et le silence dans
l’espace public francophone, et par les performances rituelles (musique, possession) dans
l’espace social local, un projet de musée auquel participe S. Blanchy permet à celle-ci de
suivre la construction de modes de représentation du passé qui s’y joue en s’ancrant dans des
productions largement immatérielles. Ses recherches dans les autres îles des Comores la
confrontent par ailleurs à la question des régimes d’historicité et de la mémoire collective à
l’échelle contrastée des îles de l’archipel.
La question des conceptions de soi dans un contexte de revendications identitaires
naissantes sera aussi investiguée au Népal par A. de Sales auprès de populations tribales qui,
contrairement à celles de l’Inde, sont ici intégrées à la hiérarchie des castes, y compris dans
le code civil datant du XIXe siècle, ce qui donne lieu aujourd’hui à un jeu historique et
sociologique sur les catégories. La recherche comprend l’analyse de grandes fêtes au cours
desquelles différentes temporalités vécues simultanément sont ajustées, et qui apparaissent
comme des moments privilégiés pour comprendre non seulement les changements
contemporains mais ce que « changer » veut dire.
Labex : Les passés dans le présent. Histoire, patrimoine et mémoire
Ce Labex, obtenu pour 2012-2020, porte sur les enjeux d’une médiation dynamique du
passé à partir d’objets complexes (archives, images, sons, objets…) et des conditions de leur
intelligibilité auprès du public dans le contexte des technologies numériques.
Interdisciplinaire et faisant porter sa réflexion sur l’impact du numérique sur la transmission
patrimoniale, il s’inscrit donc dans les priorités de recherche définies par l’INSHS.
Élaboré à la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie dont le LESC est une composante
et porté par l’UPO, ce Labex associe 8 équipes (6 UMR, dont le LESC, 1 USR et la BDIC)
dans une réflexion interdisciplinaire (ethnologues, historiens, archéologues, sociologues,
politistes, philosophes, linguistes), en partenariat avec la BNF, le Musée du quai Branly, le
MAN Saint-Germain, et plusieurs institutions ou réseaux étrangers. Il s’appuie en tout
premier lieu sur les ressources patrimoniales importantes conservées la MAE (fonds en
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ethnologie et archéologie) et à la BDIC (histoire contemporaine) et sur les travaux de
memories studies des équipes.
Cinq projets présentés par le laboratoire ont été retenus pour la première tranche de
financements, acquis à partir de 2013, les autres seront soumis dans le courant 2013 :
Financement acquis
- Naissance de l’ethnologie française. Les premières missions ethnographiques en Afrique –
projet qui sera conduit, à partir du fonds Archives des ethnologues de la Bibliothèque Éricde-Dampierre du LESC, par S. Blanchy, M.-D. Mouton et F. Dubois (cf. axe 1)
- Les sources de l’ethnomusicologie – porté par la BNF, en partenariat avec le MQB et le
centre CREM du LESC (A. Da Cruz Lima) (cf. axe 1)
- La simulation historique (reenactment) et ses méthodes – Afin d’évaluer l’efficacité de la
simulation historique en tant qu’outil de mise en présence du Passé, et de la questionner au
prisme de l’histoire des dispositifs de simulation en général, ce projet initié par E. Grimaud
se fondera notamment sur des enregistrements filmés. Une cinquantaine d’heures de rush a
déjà été tournée lors des reconstitutions de Waterloo, d’Azincourt, de Teweksbury, mais
aussi dans des lieux plus confinés ou moins spectaculaires où se sont jouées des simulations
aussi diverses que l’enterrement d’un guerrier gaulois ou la reconstitution « en acte » des
méthodes de la chirurgie médiévale. Le projet prévoit d’organiser des États généraux de la
reconstitution historique, en plusieurs ateliers ou volets étalés sur 2 ans, qui aborderont le
problème de la simulation dans ses dimensions techniques et anthropologiques, en invitant
aussi bien des acteurs et des théoriciens du genre que des historiens, archéologues et
anthropologues.
- Qu’est-ce qui se joue dans la médiation de l’histoire ? Études de cas à l’échelle locale –
coordonné par M. Baussant et S. Gensburger de l’ISP, le projet se propose de déplier la
question de la médiation de l’histoire en travaillant à l’échelle locale. Il fait l’hypothèse que
le choix d’une telle échelle permet une compréhension plus fine des mécanismes à l’œuvre, y
compris lorsque ceux-ci relèvent de dynamiques transnationales ou strictement familiales. Il
s’agira de répondre à plusieurs questions : qui s’investit dans la médiation de l’histoire ?
Comment se construit cette médiation ? Sur quels supports matériels s’appuient ceux qui
souhaitent se constituer comme ses artisans légitimes ? Deux terrains principaux construiront
deux études de cas respectivement à Villeurbanne et à Paris ; des études comparatives avec
des exemples chilien, colombien et nord-américain seront également menées.
- Le patrimoine musical des habitants de Nanterre. N. Prévôt dirigera une formation de
terrain des étudiants de master par une recherche-action (cf. axe 1).
Soumission en 2013
- Musiques et politiques mémorielles : émergence, histoire, appropriations – coordonné par
C. Guillebaud et mené en partenariat avec le GDRI « Histoire et Anthropologie des Arts »,
ce projet regroupe plusieurs chercheurs, doctorants et post-doctorants du CREM. Il porte sur
les politiques mémorielles centrées sur la musique et les arts, qui se sont considérablement
développées depuis le début du XXe siècle, des premières réformes des années 1930
définissant des musiques « nationales » en contexte colonial, jusqu’aux politiques
patrimoniales des dernières décennies proposant de nouvelles formes de diffusion des arts en
contexte de globalisation. Les travaux consisteront en des ethnographies de ces politiques, de
leurs acteurs et médiateurs, des diverses représentations du passé qu’elles façonnent, ainsi
que de leurs implications actuelles sur les modalités de production et de transmission des
savoirs concernés.
- Récits de fondation de la nation et réceptions des supports mémoriels – projet dont un
premier volet, portant sur la Grèce, est mené en partenariat avec l’École française d’Athènes.
À partir d’études de cas (étude ethnographique d’un musée et des archives locales, étude
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d’une controverse sur un manuel d’histoire et étude d’un débat autour d’une série TV sur
l’histoire de la guerre d’indépendance), M. Couroucli s’attachera à saisir concrètement
comment le paradigme national sur l’histoire de la nation grecque se modifie dans le
contexte des interactions entre historiens professionnels, autorités publiques et groupes
d’opinion.
- Juifs des pays arabes : entre récit unitaire, récits associatifs d’originaires et expériences
individuelles. Ce projet s’inscrit dans la continuité des travaux de M. Baussant sur les
représentations du passé chez des individus ayant connu dans leur histoire familiale au moins
deux mouvements migratoires, généralement vécus comme « forcés » et précédés d’une
phase de marginalisation sociale, économique et politique. Il visera à comprendre comment
s’élabore l’unité de condition historique, sociologique et de devenir des juifs du monde
musulman et des juifs en général. M. Baussant propose pour cela d’identifier les différents
acteurs – membres d’associations, juristes, historiens – qui prennent en charge ou débattent
de ce processus de redéfinition du passé, leurs différents niveaux d’interaction, et les effets
de chaque positionnement sur les formes mémorielles. Il s’agira de resituer les étapes et les
évolutions de ce processus, ses thématiques principales ainsi que les moyens mis en œuvre,
en tenant compte des différents contextes sociaux/nationaux et de la question des
générations. Les enquêtes seront réalisées en France et en Israël, autour de deux
communautés au moins – celle d’Algérie et celle d’Égypte.
C) Techniques d'Oubli
Responsables : Gregory Delaplace et Sabine Trebinjac
Le programme de recherche « Techniques d'Oubli » se consacrera aux pratiques sociales
visant à l'occultation, la limitation, ou le refoulement de la mémoire collective. A quoi
ressemblerait une société capable de se souvenir de tout ? Une société dont les membres, un
peu comme Funes, le célèbre personnage de Borges, pourraient non seulement enregistrer
l'intégralité des événements –jusqu'aux plus infimes– qui surviennent de leur vivant, mais
seraient également chacun dépositaires de l'intégralité de ceux survenus dans le passé ? Cette
société connaîtrait-elle le même sort –funeste– que Funes ?
Si ces questions restent de l'ordre de la science-fiction, c'est bien sûr qu'aucune société
humaine n'a encore trouvé le moyen d'enregistrer et de transmettre l'intégralité de son passé.
Plus encore, il semble au contraire qu’un grand nombre d'entre elles aient mis au point des
techniques permettant d'occulter une partie –ou certains aspects– des événements qui leur
arrivent. Ces techniques d'oubli ont été mentionnées ponctuellement par des anthropologues
travaillant sur les rituels funéraires et le deuil (A.C. Taylor, G. Delaplace), sur le changement
social (P. Vitebsky) ou sur les politiques culturelles et ethniques (S. Trebinjac). Qu’il soit
question de rituels visant à encadrer la mémoire des morts, en livrant certains d’entre eux ou
certains aspects de ceux-ci à un oubli volontaire, ou qu’il s'agisse de mesures étatiques
autoritaires visant à gommer la mémoire d'un répertoire culturel d’un groupe –ou le souvenir
du groupe dans son ensemble– comme on fait disparaître un personnage d’un cliché
photographique ou d’une peinture, tous les auteurs s'accordent à montrer que l’oubli ne va
pas de soi. Occulter des souvenirs demande une attention particulière, des techniques
appropriées, voire des supports d’oubli spécifiques (alcools, drogues). Néanmoins, les
fantômes, les émotions irrépressibles (Vitebsky), de même que les versions clandestines de
l’histoire (Humphrey) et « l’ambivalence de la mémoire » montrent les limites de l’oubli
imposé ou volontaire.
Ainsi, il s’agira dans cet axe de recherche, et à travers le séminaire qu’il propose,
d’étudier à travers les sociétés humaines les pratiques visant à occulter volontairement une
partie de la mémoire collective, de même que son resurgissement éventuel, sous des formes
et dans des contextes le plus souvent inattendus : l’oubli, et l’échec de l’oubli.
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A travers la diversité des situations envisagées, et en s’appuyant sur les avancées récentes
en anthropologie de la mémoire (Severi, Déléage), il s’agira de montrer que l’oubli exige
autant d’attention, et des techniques cognitives aussi subtiles, que la transmission culturelle.
Autrement dit, l’enjeu de ce programme de recherche est de proposer les pratiques
antimnémoniques comme un champ légitime de l’analyse anthropologique.
L’équipe s’organisera autour d’un séminaire bimensuel, avec la participation
d’intervenants extérieurs.
D) Métamorphoses, ruptures et expérience du changement
Responsables : Isabelle Rivoal, Anne de Sales
Cet axe rassemble des perspectives de recherche contribuant toutes à l’analyse des
métamorphoses sociales et culturelles, que la nature même de nombreux terrains
contemporains place au cœur du travail ethnographique (Chine, Népal, Liban, Roumanie).
Episodes révolutionnaires, transitions politiques, guerres civiles, posent la question des
temporalités sociales et vécues (sous la forme évidente d’un avant / après, mais pas
seulement), tout comme celle du déploiement du projet ethnographique dans l’appréhension
de tels contextes. Pour comprendre « ce qui se passe » au-delà de l’évènement, il est d’abord
nécessaire de rompre avec les approches linéaires des explications causales qui, parce
qu’elles visent à mettre à jour des « logiques explicatives », sont privilégiées dès lors que
l’on cherche à produire le sens de l’évènement. La volonté explicative, bien que nécessaire,
ne peut jamais révéler complétement l’expérience du changement que constitue l’émergence
de potentialités nouvelles, et qui demande à penser l’incertitude comme dimension
fondamentale de l’évolution des sociétés humaines. En effet, la fiction de la causalité veut
que l’histoire fasse l’homme, tandis que dans les contingences, envisagées comme des
« restes » de l’ensemble des causalités que l’histoire a retenues, réside au contraire la
possibilité de l’action humaine. Il nous semble essentiel de repenser le paradigme du
changement pour rompre avec une perspective à vocation contextualisante de l’exposé des
spécificités historiques, politiques, religieuses et économiques des sociétés, afin d’être mieux
en mesure de restituer la dimension de l’expérience humaine particulière à ce type de
contexte.
La proposition développée dans cet axe est le prolongement d’une recherche sur le
changement social menée dans le cadre d’un précédent séminaire thématique du laboratoire
coordonné par A. de Sales et L. Atlani-Duault (voir bilan axe 1). L’évolution de cette
problématique s’est notamment dessinée au cours de deux ateliers tenus dans des
conférences internationales, qui ont posé les jalons des deux grands ensembles de
questionnement produits autour de cette réflexion. Le premier porte sur la dimension
biographique comme outil spécifique d’accès à l’expérience du changement, questionnée
dans ses différentes échelles temporelles (du fait, notamment, de la possible discordance
entre l’expérience du changement vécu par les acteurs et la propre trajectoire, forcément
discontinue, de l’ethnologue sur le terrain). Le second ouvre des pistes pour une saisie
concrète de l’expérience subjective des métamorphoses : que se passe-t-il quand on cesse de
croire en, ou de croire que ? Comment saisir les phénomènes de désynchronisation /
resynchronisation comme expériences du rapport à la norme temporelle (l’habitus d’une
époque), d’un milieu, de prescriptions totalement opposées entre un avant et un après ?
Le temps biographique – L’atelier organisé par M. Heintz et I. Rivoal lors du congrès de
l’American Association of Anthropologists en novembre 2011 (publication dans Ethnologie
Française (2014/3) intitulé : « Ethnographies à contretemps ») s’est proposé d’explorer les
aspects méthodologiques de la dimension biographique, incontournable et implicite de toute
enquête ethnographique : l’anthropologie peut-elle dire quelque chose sur le changement
social en train de se faire quand les ethnologues arrivent sur le terrain à un moment T qui
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succède souvent à, précède parfois, la période de rupture, alors que celle-ci traverse, en
revanche, la biographie des protagonistes, qui sont « témoins » de la période pour ceux qui
n’en n’ont pas fait l’expérience ?
Dans cette perspective, durant le prochain contrat, I. Rivoal développera une réflexion
sur la « suspension de l’écriture » qu’elle a observée chez les anthropologues ayant fait un
terrain juste avant la guerre civile au Liban, dont ils n’ont publié les résultats qu’après la
guerre, comme si le changement brutal de régime d’historicité et d’intelligibilité durant une
période ouverte sur la violence empêchait l’écriture ethnographique. M. Heintz questionnera
les traces laissées par les changements rapides induits par les révolutions de 1989 en Europe
de l’est. Divisées en générations historiques dont le passé et le futur ne se présentent plus du
tout dans le même rapport à la société, la Roumanie est caractérisée par une diversité de vécu
générationnel (« générations perdues », « générations attendues ») qui rend problématique
l’analyse de la parole recueillie au regard de la « réalité » partiellement observée. A. Herrou
s’interrogera quant à elle sur les modalités de la survie pour les religieux taoïstes ayant
traversée la période de la révolution culturelle en Chine. C’est en recueillant les biographies
de moines retournés au monastère après quarante années de vie laïque qu’elle propose de
revisiter l’histoire de la période et l’inscription du temps personnel dans cette histoire, tout
en se demandant dans quelle mesure l’anthropologue peut se fier à ces reconstructions
(programme ANR « SHIFU », dont elle est porteur –cf. axe 5 du présent projet). M. Baussant
s’intéresse à la notion d’évènement, de situations, d’états ou de statuts, qui constituent des
points de rupture dans la construction d’un récit biographique à partir des différents terrains
qu’elle explore (sur les Pieds-noirs, les Grecs d’Asie mineure, les soignants dans les unités
de soin palliatif et de réanimation, les migrants étrangers en prison au Liban, ou encore les
Juifs d’Egypte), tout en s’interrogeant sur la manière dont ces expériences singulières
peuvent constituer une mémoire collective. B. Baptandier, enfin, poursuit un travail qui, à
partir de la vie de deux femmes ayant valeur de témoins du passage d’une société
« traditionnelle » à la Chine contemporaine en passant par les mutations de la révolution
culturelle, propose comme une traversée ethnologique de la Chine du XXe siècle.
Synchronicités – L’atelier organisé par A. de Sales et I. Rivoal pour le Congrès de
l’European Association for Social Anthropologists en juillet 2012 portait sur l’ethnographie
fine de ce qui se passe lorsque l’on cesse de croire en quelque chose, ou dans les discours sur
la réalité ; quand la dimension réflexive, critique, des individus, des groupes, se manifeste
avant de se cristalliser sous forme de doute ou, au contraire, de disparaitre. Ces questions
constituent la matrice d’une réflexion plus large sur la dimension vécue du temps.
Cet Atelier débouche sur un programme de recherche centré sur une « anthropologie de la
lose ».Ce projet doit permettre de saisir les logiques de désassociation sociale (loose) ou de
désynchronisation temporelle. La recherche sur les logiques de synchronicités explorera le
temps, non seulement dans ses rythmes et découpages, mais encore, dans l’expérience
concrète que les individus font de rythmes plus ou moins prescrits. L’hypothèse consiste à
penser cette relation entre acteur et mouvement collectif du temps (mobilité existentielle,
accomplissement d’une vie, être ou non dans son temps, etc.) comme dimension essentielle
pour saisir de manière concrète les métamorphoses en train de se faire, et l’expérience vécue
à l’origine des formes de métamorphoses sociales et culturelles les plus variées.
Dans son analyse du changement social de la société Kham Magar à la suite de
l’insurrection maoïste, A. de Sales a notamment réalisé que lorsque les gens parlent du
changement, ils parlent d’eux-mêmes. Son analyse s’attache à saisir l’incessante
confrontation de plusieurs échelles de temps et de rythmes temporels auxquels les individus
s’ajustent subjectivement au cours de leur existence. G. Delaplace essaiera d’appliquer la
notion de désynchronisation à l’analyse d’un rituel chamanique bouriate en Mongolie, où les
patients se voient attribuer par les esprits, parlant par la bouche de la chamane, un destin
collectif d’infortune. La désynchronisation, ici, semble fonctionner à deux niveaux : dans la
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
présentation d’une identité d’exilés condamnés à subir individuellement les effets de leur
histoire commune, d’une part, et par la configuration pragmatique du rituel, d’autre part, la
chamane s’ingéniant par diverses techniques d’interaction à saper systématiquement tout
terrain d’entente entre les participants. I. Rivoal s’attachera à l’analyse d’un matériel
ethnographique (qu’il lui faudra compléter) sur les trajectoires des miliciens de la guerre
civile libanaise au sortir de la guerre. Certains ont compris qu’il était nécessaire de changer
pour conserver leur place (passer un diplôme pour rester homme de main du chef politique
par ex.), d’autres ont continué à « fonctionner » selon les configurations relationnelles
propres à la guerre, et se sont retrouvés être de plus en plus en décalage par rapport à la
société de l’après-guerre. Dans une autre perspective, M. Heintz se demande si le doute se
transmet et comment. Elle développera dans ce cadre une analyse de « crise de la trentaine »
qui pousse dans une vie à des changements radicaux, familiaux ou professionnels, dans un
terrain développant une comparaison entre France et Roumanie.
Cette réflexion ouvre de manière plus générale sur la place de la biographie et de
l’expérience vécue dans l’analyse anthropologique, au-delà de l’analyse des situations de
changement et des métamorphoses sociales et culturelles. Sur ce point, A. Piette propose
d’initier une réflexion sur les relations entre existence et modalités d’expérience dans le
cadre d’un atelier évaluant les différentes traditions anthropologiques autour de ces notions.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
AXE 5 : RELIGION ET RITUEL
Responsables : A. Herrou, S. Pédron Colombani
Participants membres du LESC : B. Baptandier (émérite), M. Baussant, J.-P. Chaumeil,
D. Dehouve (émérite), P. Deshayes, Ph. Erikson, B. Formoso, G. Krauskopff, J. Lambert,
R. Martinez, A. Molinié (émérite), M. Rovsing Olsen, A. de Sales
Doctorants du LESC et post-docs associés : M. Chosson, E. Dupey Garcia, G. Favraud,
S. Gabry-Thienpont, M. Gharasou, M. Guillot, D. Jabin, Ko Peiyi, Lee Mi-Ok, J. Pouchelon,
A. Poujeau, E. Rossé, M. de Ruyter, Cl. Vidal
En collaboration avec H. Ferran, H. Figuerola, B. Lortat-Jacob
Phénomènes rituels et dynamiques du religieux continuent à être l’un des grands
domaines de recherche des ethnologues, à plus fortes raisons quand le contexte de
mondialisation et de globalisation a sensiblement modifié les paysages religieux aux prises
avec de nouvelles économies, cartographies et contraintes. Les pratiques et les enjeux ayant
trait au religieux changent aujourd’hui de façon significative, et il s’agit de les appréhender
dans leur rapport à la modernité, et, par un jeu de miroir, à travers leur étude, d’avancer dans
la compréhension de cette modernité. Il s’agira notamment d’interroger la tension
particulièrement sensible dans le domaine du sacré entre une certaine quête de permanence et
d’immuabilité, et une volonté - qui est aussi bien souvent une nécessité - de s’adapter aux
préoccupations et situations de son temps. Le laboratoire entend contribuer à cette analyse
des faits religieux et rituels contemporains par l’entremise de différents cas ethnographiques
abordés sous l’angle de problématiques et réflexions communes. Ainsi, l’axe de recherche
« Religion et rituel » s’organisera-t-il selon quatre orientations principales, ayant trait aux
Pratiques, images et objets rituels ; aux Spécialistes religieux ; aux Dynamiques
contemporaines liées aux processus de migrations, de diaspora et de globalisation du
religieux ; et aux Liens entre musiques et rituels.
A) Pratiques, images et objets rituels
Responsable : Philippe Erikson
S’agissant des rituels, ce premier atelier thématique se propose d’interroger les objets
(masques, dagues rituelles, ex-voto, instruments de musique, poteries, armes…) à travers
toute une série d’usages qui s’y rapportent et servent à les façonner, allant de leur
fabrication, leur matérialité, aux changements d’utilisation qui s’opèrent. Cette réflexion sur
les rapports entre l’idéel et le matériel inclura une étude des images religieuses, à partir de
codex, de peintures corporelles, d’illustrations au sein d’almanachs à vocation divinatoire, ou
de livres contenant des prescriptions rituelles.
Les pratiques mises en œuvre constituent un autre volet de ces recherches, qu’il s’agisse
de cérémonies actuelles dans leur rapport aux rituels d’autrefois, ou de rituels de possession
appréhendés dans leurs évolutions récentes, ou encore de prières. Une des perspectives
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
innovantes consistera à étudier ces pratiques au regard de leurs marges mais aussi en lien
avec les mythes (ou les ratés des mythes) qui s’y rapportent.
Les objets et les images du religieux
L’étude de l’imbrication du matériel et du social, notamment à travers l’étude de la
motivation symbolique des composantes des objets utilisés dans des contextes rituels,
compte parmi les questions qui se sont avérées faire particulièrement sens ces dernières
années, avec notamment la question du choix des matériaux entrant dans la composition
d’objets d’usage rituel et/ou quotidien, tels les masques, les instruments de musique, les
poteries, et les armes. Une réflexion sera menée à partir des données ethnographiques matis
et chacobo, permettant de poursuivre des recherches sur les relations entre l’idéel (discours
chamaniques, mythologiques, eschatologiques etc.) et le matériel tel qu’il se concrétise dans
des objets particuliers, notamment les tambours chamaniques et les auges à bière destinées à
abreuver les esprits lors des rituels de boisson (Philippe Erikson)
Dans une autre perspective, les transformations que connaissent des artefacts qualifiés
« d’art primitif » himalayen en Occident - arrachés à leurs lieux d’origine, ces objets rituels
ont changé de statut et d’identité - on déjà fait l’objet d’un premier programme d’étude, dans
le cadre de l’ANR Himalart (G. Krauskopff). L’un des éléments de réflexion est le rapport
entre leur matérialité et les récits qui leurs sont attachés et donnent chair à leur existence. Au
cours des prochaines années, l’étude plus spécifique des objets performatifs que sont les
masques permettra d’aller plus loin dans cette réflexion, en s’attachant à ces éléments
matériels (masques et costumes) tels qu’ils sont manipulés et agissent sur le public dans le
cadre de pratiques théâtrales. Il s’agira de s’intéresser aux relations entre masque et grimage,
et entre les masques et les récits qui s’y observent. Ce théâtre votif villageois sera étudié
dans des aires distantes (district de Jhapa, Est du Népal et district de Goalpara, Assam, Inde),
aux deux extrêmes de l’aire régionale où il est offert aux puissances invisibles tout en
constituant un spectacle mêlant incarnation divine et dérision comique.
L’étude des pratiques et des représentations des Nahua du Mexique central permettra,
quant à elle, de conduire une réflexion sur les couleurs. Il s’agira de s’intéresser aux images
des codex religieux du Mexique préhispanique, dont l'iconographie est associée au rituel
puisque ces manuscrits étaient pour la plupart des almanachs à vocation divinatoire, ainsi
que des livres contenant des prescriptions pour l'exécution des rites. Dans la même optique,
l'étude des peintures corporelles des dieux, de leurs prêtres et de leurs dévots s’avère
particulièrement instructive dans le cadre des fêtes religieuses des anciens Nahua. Par
ailleurs, un nouveau champ de recherche sur les odeurs et la sensibilité olfactive chez les
anciens Nahua conduira à une réflexion sur les rites faisant intervenir des fleurs et des
matières aromatiques, en particulier sur des objets portés et utilisés par les spécialistes
religieux chargés de réaliser ces rites, comme de petits sacs destinés à recevoir le copal et le
"pericón" - des calebasses qui contenaient le tabac - et des encensoirs (E. Dupey Garcia).
A l’autre pôle de la tension entre matériel et idéel, une étude portera la focale sur la prière
et sur le rapport entre celle-ci et le rituel chez les Mayas Tzeltals des Hautes terres du
Chiapas (Mexique). Les spécialistes rituels (ch’abajom et poxtawanej) considèrent la prière,
non seulement comme une sorte de dialogue entre eux et les divinités, mais comme un être
vivant chargé, comme le locuteur, d’une ontologie particulière dont le sens se trouve définis
par les rapports autant sémiotiques que linguistiques avec le rituel (H. Figuerola).
Les pratiques rituelles
La réflexion menée par certains chercheurs du laboratoire sur des rites préhispaniques
prend une importance particulière si elle est mise en perspective avec une hypothèse de
travail plus générale selon laquelle des pratiques rituelles actuelles gagnent à être éclairées
par l’étude de cérémonies anciennes. Cette méthodologie a été développée et affinée par
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
D. Dehouve, qui rapproche l’ethnographie de rites observés dans le Mexique indigène
contemporain, et les cérémonies aztèques. Ces dernières comportaient de somptueuses
représentations de mythes accompagnées de sacrifices humains et animaux : tout dans ces
rituels était investi de signification, par exemple l’âge, le sexe et les caractéristiques
corporelles des sacrifiés, leurs vêtements et leurs ornements, l’espèce des animaux mis à
mort, les mets consommés et les gestes effectués. De nos jours, les rituels des Indiens
contemporains continuent à accorder un sens précis à tous les composants des rituels et les
cérémonies, d’hier et d’aujourd’hui, et se fondent sur un langage rituel au symbolisme
foisonnant. Le projet pour la période 2014-2018 entend poursuivre l’étude des logiques de la
mise en œuvre d’un tel symbolisme, en considérant que, malgré des changements évidents
dus à l’impact de la Conquête espagnole, les rituels contemporains continuent à obéir à des
principes anciens. Un des objectifs est de découvrir de tels principes régissant la mise en
œuvre des constructions métaphoriques et métonymiques, et d'énoncer les règles d'un usage
spécifique de la polysémie.
Le rapport à l’histoire nourrit également une étude envisagée à Madagascar, mais selon
une perspective théorique différente. Cette recherche concerne un phénomène de mutation et
de régulation de la sphère des esprits, agissant dans le cadre de rituels de possession à visée
thérapeutique dans la culture antandroy (sud de l’île). Après avoir interrogé de manière
synchronique les termes de la cohabitation entre anciens esprits endémiques et esprits
modernes venus de la région Sakalava, au nord du pays, il s’agira d’envisager le phénomène
en corrélation avec des événements historiques dont nombre de discours et d’actions
semblent se faire la mémoire. Si des événements politiques importants du début des années
1970 peuvent paraître avoir été déclencheurs d’une forme de crise du monde des esprits et
des pratiques rituelles, différents éléments d’histoire plus ancienne sont réactivés, parfois à la
frontière du mythe, à l’intérieur de récits, de discours para verbaux, de noms et
caractéristiques d’esprits, d’actions jouées pendant les rituels, qui placent au centre les
interactions récurrentes entre culture Antandroy et Sakalava. L’enjeu est d’explorer en quoi
la possession participe à des enjeux sociaux qui la dépassent et, dans la manière qu’elle a
d’évoquer la complexité du rapport à l’altérité, se fait le témoignage de fortes
problématiques politiques contemporaines (E. Rossé).
Enfin, un troisième modèle d’analyse orientera l’étude du cycle rituel de la Passion à
Séville, qu’il s’agira de tenter d’éclairer à partir des théories freudiennes (A. Molinié). En
Andalousie, les fêtes religieuses se succèdent tout au long de l'année, du carnaval à la
semaine sainte, puis à la saison des corridas et à la feria, et enfin à la Fête Dieu.
Officiellement ces cérémonies célèbrent les différents moments de la vie du Christ ainsi que
les dogmes de la doctrine officielle. On peut cependant voir dans leurs marges des figures
inconscientes dissimulées. L’idée est de chercher dans le rituel des ratés du mythe,
comparables à des rêves, des lapsus, des oublis, des erreurs ou des mots d’esprit. Il s’agira
également de chercher dans les marges du rite des manifestations de l’inconscient et de
montrer que ces rituels mettent en scène des fantasmes originaires, des schèmes qui
structurent la vie imaginaire de la société andalouse, suivant en cela Freud lui-même qui
nous invite à cette démarche: si « au commencement était l’acte », comme il le proclame à la
fin de Totem et tabou, pourquoi ne pas chercher les fondations des faits de culture en des
actes observables par l’ethnographe, actes rituels dont Freud a montré le lien avec les
comportements névrotiques ? Le cycle rituel de Séville sera ainsi examiné à la lumière du
conflit œdipien, telle une mise en scène du parricide originel.
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B) Les spécialistes religieux
Responsable : Adeline Herrou
Les travaux de ce second atelier thématique porteront sur des « virtuoses » du religieux
(chamanes, moines, astrologues, devins, fakirs, géomanciens, nouveaux spécialistes cultuels
etc.) en s’intéressant à leur contemporanéité comme à leur quotidienneté. Aborder le champ
du religieux à travers le prisme de ceux que l’on tient pour des spécialistes de ce champ
implique un questionnement sur les compétences et les singularités des identités mobilisées.
Il s’agit plus spécifiquement de s’interroger sur la raison d’être de ces différents personnages
appelés à agir dans les rituels, à être consultés en aparté, ou encore à livrer des
enseignements de façon formelle ou informelle. Pour renouveler le regard que l’on porte sur
ces figures clés dans différentes religions, il s’agira notamment d’étudier les
accommodements qu’ils font entre traditions anciennes et sociétés modernes, et les nouveaux
réseaux qu’ils contribuent à tracer.
Trois angles d’approches seront privilégiés : leurs techniques et pratiques, la transmission
entre vieux maîtres et nouvelles générations, et la signification plus large des formes de
renoncement dans les sociétés actuelles - appréhendées en lien avec l’idée de passion.
De la spécialité : techniques et pratiques
Une première orientation visera à examiner la façon dont les techniques utilisées par les
spécialistes religieux, ainsi que leurs pratiques quotidiennes, se modifient avec les
changements et les déplacements que connaissent les groupes dans lesquels ils opèrent. Cela
permettra de réfléchir à la nature des savoirs et savoir-faire qui sont les leurs, à la manière
dont ceux-ci sont susceptibles (mais pas toujours) d’évoluer, en somme aux spécialités qui
font les spécialistes.
De quelle façon, par exemple, les techniques chamaniques d'une population tribale de
l'ouest népalais se transforment-elles avec la féminisation (temporaire?) d'une fonction
autrefois très majoritairement masculine ? Les activités chamaniques sont difficilement
compatibles avec les travaux quotidiens dont les femmes ont la charge. La dimension
spectaculaire des séances chamaniques tend à disparaître au profit d'un souci de pureté, qui
éloigne d'autant le recours aux sacrifices sanglants : c’est une autre relation au divin qui se
met en place, et qu'il s'agira d'analyser (A. de Sales)
Autre exemple : la relocalisation du culte guatémaltèque de Maximón en contexte nordaméricain —à Los Angeles—, permettra d’analyser l’émergence de nouvelles figures de
spécialistes de ce culte, qui élaborent leur personnage et définissent les limites de leurs
pratiques dans un contexte déconnecté des communautés religieuses indiennes dont le culte
est originaire. S. Pédron Colombani s’intéressera à leurs pratiques quotidiennes, à la façon
dont ils redessinent les contours d’une pratique religieuse élaborée en d’autres lieux, et
tentera de cerner le rôle joué par ces figures centrales du culte dans les processus de
réélaboration d’une mémoire collective propre aux migrants centraméricains.
Vieux maîtres et nouvelles générations de religieux
Une seconde orientation consistera à interroger le paysage religieux à travers les
différents spécialistes qui le composent, et de comprendre comment ceux-ci officient dans
des sphères séparées ou parfois, au contraire, superposées, répondant à des demandes très
différentes (ou se recoupant occasionnellement), se consacrant à part entière à leur charge ou
ne s’y adonnant qu’à temps partiel : par ce biais il s’agira de réfléchir à ce qui « fait »
chacune de ces figures. Le cas de la Chine s’avère particulièrement intéressant en ce qu’on y
trouve, de longue date, toute une série de personnages religieux — du maître taoïste au
moine bouddhiste en passant par le spécialiste de géomancie ou de divination, le médium, le
bimo Yi, le musicien ritualiste…— qui, chacun à leur manière, occupent une place clé dans
la société locale. Etant donnée la longue période d’interdiction des religions puis la phase
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
rapide de modernisation, les différences de mode de vie entre les vieux maîtres et les
nouvelles générations sont importantes. Dans un contexte où la charge même de dignitaire
religieux, et plus largement la scène religieuse, ont connu d’importantes mutations, il est
intéressant de prendre pour sujet les différentes figures de ce que l’on a coutume d’appeler
les religions chinoises — le taoïsme, le bouddhisme, le confucianisme, les religions locales
— et de les mettre en regard dans leur existence présente. La focale sera portée de façon
privilégiée sur les vieux maîtres de chacune de ces traditions, entrés en religion avant la
Révolution culturelle et même, pour certains, avant la Libération (1949). Ils ne sont
aujourd’hui plus qu’une poignée mais sont les seuls à pouvoir faire état de la manière dont
ils pratiquaient autrefois certains rituels et techniques d’ascèse. Derniers dépositaires de ces
savoirs et de ces techniques, qui pour certains sont sur le point de disparaître voire sont déjà
tombés dans l’oubli, leur étude permettra de comprendre la situation d’aujourd’hui telle
qu’elle s’est installée en partie dans la continuité mais aussi en rupture d’avec leurs traditions
et leur époque. De façon plus large, cette étude comparatiste et pluridisciplinaire invitera à
s’interroger sur les raisons d’être des différents maîtres religieux, aujourd’hui en Chine, et
sur les virtuosités bien particulières qui les caractérisent dans ce contexte. Ces recherches se
dérouleront dans le cadre d’un nouveau programme ANR (2013-2015) porté par le
laboratoire, Vieux maîtres et nouvelles générations de spécialistes religieux en Chine
aujourd’hui : ethnographie du quotidien et anthropologie du changement social – SHIFU
(coord. A. Herrou).
Une des pistes consiste à s’intéresser plus spécifiquement aux questions ayant trait à la
réhabilitation des cultes et à la réinvention de la tradition. A titre d’exemple, un cas d’étude
s’avère particulièrement signifiant : le processus de réhabilitation du culte de la déesse
Linshui furen, l’un des grands cultes de la région du Minbei (actuellement le Fujian du nord),
et de la tradition rituelle taoïste, empreinte de bouddhisme tantrique et de traces de
confucianisme (piété filiale), qui lui est associée, le Lüshan pai (ou Sannai pai). Ce culte a
fait l’objet de recherches menées par B. Baptandier, d’abord à Taïwan (en 1979), lieu de son
émigration, puis au Fujian (à partir de 1986). Il s’agira dans les années à venir de faire
apparaître, avec un recul d’une trentaine d’années et en deux lieux différents, la réinvention
des traditions et des rôles attribués à chacun – ritualistes et communautés de fidèles- dans ce
contexte. Un tel processus ne va pas, en effet, sans une part de mise aux normes, de
réinterprétation de la tradition, mais aussi de transformation des rôles de chaque protagoniste
qui ont créé toutes sortes de conflits, de malentendus et de rendez-vous manqués entre vieux
maîtres et tenants des structures modernes. Les officiants rituels passèrent soudain du statut
jugé subalterne de « maîtres des rituels », fashi, à celui de maîtres taoïstes, daoshi, recevant
leur carte de l’Association Taoïste d’État : ils furent dès lors étroitement encadrés. Leurs
textes, autrefois recopiés sur ceux de leur maître, parfois réinventés, toujours composites,
furent reformatés aux normes orthodoxes du canon taoïste, tout comme leur costume rituel.
Les médiums des divinités et leurs communautés de fidèles - communautés économiques et
thérapeutiques - furent en revanche mis à l’écart et jugés suspects d’être des ferments
séditieux, tout comme certains personnages au statut équivoque, « taoïstes de campagne »
pourrait-on dire, car non initiés officiellement.
Une autre piste consistera à interroger le renouveau du bouddhisme chinois à travers
l'étude du pèlerinage du Putuoshan (sur l'archipel de Zhoushan, dans la province du
Zhejiang), haut-lieu national et international voué au bodhisattva Guanyin, révéré dans toute
l'Asie. Les transformations qu'a subies cette île depuis le début des années 1980, marquées
par le développement touristique et les politiques de patrimonialisation (musées, expositions,
fêtes), peuvent être appréhendées à travers l’étude d’un maître charismatique, Miao Shan
(1909-2000), qui fut l’abbé du principal temple bouddhique de l’archipel et dont la
trajectoire de vie et les actions donnent à penser cette modernisation. Au regard des phases
de ruptures que la société chinoise a traversées durant le XXe siècle et dans le contexte
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
actuel de la construction d'une Chine puissante sur la scène internationale, la transmission
apparaît au cœur des enjeux de la diffusion du bouddhisme en Chine, en Asie, et dans le reste
du monde. Saisir les modalités d'apprentissage et d'enseignement bouddhique permettra de
comprendre les nouvelles configurations des pratiques et des représentations du bouddhisme
en Chine (Cl. Vidal)
Il s’agira également de mener, au Hunan (Centre-Sud de la Chine), une recherche sur les
transformations du monde religieux et de l’écologie du Pic du Sud. Cette montagne, partie
prenante d’itinéraires des chamanes de l’antiquité, marqueur rituel du Sud de l'empire
chinois et important centre historique de la sinisation de la région, abrite de longue date des
communautés bouddhistes et taoïstes au centre de vastes réseaux de pèlerinage. Les points de
vues des vieux maîtres vivant en ermites, spécialistes très respectés des techniques taoïstes
de méditation et de travail sur le souffle, maîtrisant des rituels exorcistes et médicaux, ou
grands connaisseurs en matière d’herboristerie, de géomancie et de géographie rituelle,
apporteront des témoignages sur les processus contemporains qui transforment la montagne :
construction de l’Association taoïste d’Etat et formation professionnelle des religieux,
patrimonialisation et tourisme de masse, industries forestière et pharmaceutique
(G. Favraud). Dans cette perspective, une autre ethnographie visera à recueillir et analyser le
point de vue des vieux moines eux-mêmes (de l’ordre Quanzhen, au Shaanxi) sur les
évolution de la vie monastique, notamment sur l’interdiction de certaines pratiques
(l’astronomie calendaire, l’alchimie externe, certains rituels) en même temps que
l’assouplissement des règles qui autrefois régissaient les communauté, et qui imposaient une
tradition du secret - confinant certains savoirs dans un entre-soi qui s’est vu, de fait,
grandement transformé.
Par comparaison, l’étude sur quelques maîtres taoïstes Zhengyi de Shanghai (qui ne sont
pas des moines mais peuvent se marier et ne logent pas dans les temples) s’avérera
également significative, dans le sens où ceux ci doivent aujourd’hui exercer les rituels dans
les temples et sont invités à y passer leurs journées alors que leurs prédécesseurs des années
1950 vivaient selon un mode de vie très différent - ils se rendaient chez les gens pour
officier, en transportant les divinités sous différentes formes allant des peintures murales aux
statues sur palanquin en passant par des panthéons en miniature portatifs, des objets cultuels
qu’ils n’utilisent plus et dont il ne resterait que de rares spécimens (A. Herrou).
Renoncement et passions
Une troisième orientation consistera à s’interroger sur l’opportunité d’un rapprochement
entre différents spécialistes religieux de par le monde, à travers une problématique commune
ayant trait à l’articulation entre renoncement et passion. Alors que le renoncement aux
émotions est prôné à différents stades de la pratique au sein de certaines traditions religieuses
asiatiques (hindoues, bouddhistes, taoïstes…), l’idée même du détachement est au cœur de
nombre de (de toutes les ?) traditions monastiques chrétiennes. Souvent perçu comme le
« sans-passion », dans de nombreux contextes —mais pas toujours— le moine tend à se
couper de toute attache et, quand bien même il continuerait à entretenir des relations avec ses
proches, l’important n’est plus là mais de se consacrer à une quête de quelque chose de plus
essentiel. Que peut signifier vouloir se défaire d’une certaine forme d’affectivité ou tenter de
ne plus éprouver d’émotions, pour le moins au sens usuel (mondain) du terme ? Pourtant, il
semblerait que cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de place pour la passion en contexte
monastique. Au contraire, seul un tel renoncement pourrait permettre d’accéder à d’autres
registres d’affects, voire à des formes (suprêmes?) d'exaltation.
Cet atelier souhaite interroger le statut des sentiments, des émotions, et de l'intime, au
sein de mondes monastiques divers et, pour poser la question des affects des moines, étudier
la manière dont ces derniers les pensent, les éprouvent, les expriment, les modèrent, les
réfrènent ou, au contraire, les exaltent. Il s’agira aussi de réfléchir au statut qu’ils confèrent
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aux émotions et aux sentiments, ainsi qu’à leur maîtrise, laquelle est souvent tenue comme
garante de la vie communautaire et, surtout, comme partie importante de l’ascèse et de la
performance rituelle - et ce parfois différemment au fil d’une carrière monastique. On
pourra, en dernière instance, se poser la question de l'existence d'une culture monastique des
affects. Ce projet s’inscrit ainsi dans le prolongement d’un précédent séminaire de recherche,
« Figures de moines et autres ascètes ou renonçants » ( coord. A. Herrou & A. Poujeau, cf.
bilan axe 4).
Opérations de recherche
Cette réflexion rassemblera à la fois des chercheurs sur la base de leurs recherches
individuelles (A. de Sales, S.Pédron Colombani), et dans le cadre d’une nouvelle équipe de
recherche internationale (ANR Shifu, 2013-2015) coordonnée par A. Herrou et impliquant
B. Baptandier, G. Favraud, C. Vidal, Ko Peiyi, en collaboration avec dix autres chercheurs
en France, Angleterre, Etats-Unis et Chine. Outre l’organisation de journées d’étude et de
colloques, ce programme constituera un fonds documentaire, élaborera un site internet
dédié, et vise à la réalisation de plusieurs films. Il appuiera le séminaire « Figures de moines
et autres ascètes ou renonçants » (coord. A. Herrou et A. Poujeau), initié en 2009, qui
poursuivra ses travaux sur la base d’un séminaire mensuel.
C) Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux
Responsable : Sylvie Pédron Colombani
Le développement de nouvelles technologies de l'information et de la communication, le
caractère de plus en plus global de l'économie mondiale et les flux migratoires qu'elle a
générés transforment nos sociétés, brisent les frontières, bouleversent les repères établis. Le
religieux est lui aussi transformé, de façon aussi intense que rapide, par ces changements
spatio-temporels. On observe une intensification de la circulation trans-territoriale des
adeptes, des spécialistes religieux, des rituels, des symboles et des croyances qui auparavant
appartenaient à une pratique religieuse en relation avec un contexte historico-géographique
plus précis, avec ses propres implications identitaires, culturelles et politiques. Cette
globalisation est faite de mouvements multiples qui impliquent des articulations complexes
entre le local, le régional et le global, amenant certains auteurs à parler de « glocalisation ».
D’autre part, elle signifie en grande partie le passage de l’international, pensé en termes
interétatiques, au transnational : les stratégies d’expansion religieuse sont aujourd’hui
beaucoup moins liées aux hégémonies politiques et relèvent souvent de nouvelles logiques
qui ne dépendent plus des rapports entre les États. Dans cette perspective, un certain nombre
de chercheurs du LESC ont centré leurs projets de recherche sur le thème de la mobilité du
religieux, l’abordant à partir d’une pluralité de terrains et de questionnements.
Religions transnationales : entre réseaux globaux et ancrages locaux
Une première orientation abordera ces questions à partir de l’analyse des religions dites
transnationales. En ce sens, les mouvements évangéliques, qui ont véritablement explosé au
cours des vingt dernières années un peu partout dans le monde, apparaissent comme des
mouvements particulièrement à même d’éclairer ces processus de globalisation religieuse.
Ils sont sans doute parmi ceux qui fonctionnent le mieux selon des logiques de réseaux
transnationaux, usant d’une visibilité médiatique, articulant tradition et modernité,
inscription mondiale et quête identitaire, et se prêtant à l’hybridation des croyances et des
pratiques. Des recherches se pencheront sur la dynamique d’expansion de certains de ces
groupes afin de mieux cerner leur insertion dans des réseaux transnationaux.
Au regard du développement exponentiel de ce type de groupes en Amérique latine et des
transformations majeures que leur implantation a impliqué au cours des dernières décennies,
ce sous-continent occupera une place particulière dans le projet. C’est ainsi que J.-
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
P. Chaumeil et P. Deshayes continueront leurs travaux sur la religion Israëlita. Cette
dernière, mélange de messianisme biblique et de millénarisme inca, est née au milieu des
années cinquante dans la région andine d’Arequipa au Pérou et regroupe aujourd’hui
plusieurs dizaines de milliers d’adeptes à la recherche de la Terre Promise dans la forêt
amazonienne. Se considérant comme les représentants légitimes sur terre du peuple juif, le
mouvement a pris l’appellation de « mission Israëlita » et s’étend désormais au-delà des
frontières péruviennes (en Colombie, au Brésil, en Equateur). C’est la dynamique
d’expansion transnationale de ce mouvement autochtone, appartenant à ce que J.-P. Bastian a
appelé le « protestantisme populaire », qui retiendra leur attention.
Parallèlement, les champs religieux locaux qui s’ouvrent rapidement et massivement aux
nouvelles pratiques et représentations véhiculées par ces groupes religieux sont eux-mêmes
travaillés par leur insertion. D’où l’intérêt d’articuler une réflexion en termes de réseaux
transnationaux avec une prise en compte de la dimension locale du phénomène et des enjeux
de leur relocalisation. C’est ainsi que le projet de J.-P. Chaumeil porte également sur
l’expansion des églises évangéliques (adventistes en particulier) en Amazonie et sur les
répercussions de leur implantation sur les nouvelles formes de leadership indigène en
Amazonie péruvienne. La plupart des leaders indigènes actuels sont en effet issus du système
d'éducation bilingue qui est longtemps resté aux mains des évangélistes. Il s’intéressera
notamment à l’étude de la nature du discours adventiste concernant les modèles du
leadership, dominé par la figure du "self made leader", où la loi de dieu remplace la loi de la
communauté. Il examinera également la formation des "spécialistes culturels" indigènes, et
le recours au néo-chamanisme et au rituel de l'ayahuasca pour devenir un "bon leader" ou un
leader moderne.
Des doctorants actuellement inscrits au LESC apporteront leur contribution à cet axe de
réflexion. M. Chosson s’intéresse justement à la diversification de l'offre religieuse -et
notamment à l’introduction des Eglises évangéliques- à Aguacatenango, village tseltal du
Chiapas. Elle essaie de montrer qu’au-delà du seul changement de credo religieux, leur
arrivée a bouleversé les relations qu’établissent les acteurs sociaux dans leur vie quotidienne
et institutionnelle. Dans la continuité de son travail de thèse, elle analysera le morcellement
des identités religieuses qui remet en question le principe l’unité de la communauté
villageoise et a pour conséquence le développement de conflits, parfois violents. A partir
d’une enquête de terrain centrée sur le point de vue des « traditionnalistes » –acteurs
catholiques pris dans le système traditionnel des charges liées aux confréries héritées de la
colonie-, elle tentera d’éclairer les possibles mécanismes d'adaptation de ces derniers à ce
nouveau contexte socioreligieux. Et D. Jabin, dans sa thèse de doctorat portant sur un
système d’esclavage indigène en Amazonie -à partir d’un travail de terrain mené chez les
Yuqui de Bolivie-, se propose d’éclairer le phénomène en portant une attention particulière
au contexte sociohistorique ayant provoqué la rencontre des Yuqui avec les missionnaires
évangélistes de la New Tribes Mission et à l’influence de ces agents prosélytes au sein de la
société yuqui.
L’intervention des ethnomusicologues permettra également de prendre en compte la
dimension musicale de cette expansion transnationale évangélique. En août 2012, H. Ferran
a commencé à numériser la plus grande collection de musiques évangéliques éthiopiennes au
monde (fonds des missionnaires canadiens Lila et Paul Balisky). Son objectif futur est de
constituer une base de données interactive et accessible en ligne qui permette, en
l’interrogeant, de saisir la manière dont ces musiques ont circulé et évolué dans le temps. Ces
informations orienteront les enquêtes à venir et enrichiront les données collectées sur le
terrain. Ses recherches postdoctorales portent d’ailleurs sur l'implantation et la diffusion
musicale des protestantismes évangéliques en Éthiopie. À partir de l’étude ciblée de la Sudan
Interior Mission (SIM), il tentera de cerner les stratégies d'évangélisation musicale mises en
œuvre par les missionnaires dans les sociétés du Sud-ouest éthiopien, de 1930 à nos jours. La
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
SIM ayant recruté des missionnaires d’obédiences et de nationalités diverses, issus de
traditions hymnologiques différentes, il est difficile de savoir quelles musiques ils ont
employées sur le terrain éthiopien. Il importe donc de comprendre comment ces chants ont
été reçus par les populations du Sud-ouest éthiopien ; quelle fut la participation des
autochtones dans le travail d'inculturation musicale ; quelles musiques sont nées des
interactions entre missionnaires et populations locales ; comment les hymnologies naissantes
ont-elles circulé, avant d'interagir entre elles ou avec d'autres, sur des territoires de plus en
plus grands ; dans quelle mesure les contextes politiques, les situations de pluralité religieuse
et musicale, et tout autre facteur économique ou technologique, ont favorisé ou freiné le
développement de ces musiques ?
Une autre piste de réflexion tournera autour des religions afro-américaines, dont l’étude a
fortement contribué à alimenter la réflexion sur la transnationalisation du religieux. Dans la
lignée des travaux inaugurés par S. Capone avec qui elle réalise sa thèse de doctorat,
M. Guillot étudie justement la transnationalisation des religions afro-brésiliennes au
Portugal, où, depuis 1974, et la fin de la dictature et des colonies portugaises, une
quarantaine de maisons de culte (terreiros) ont été ouvertes. Son terrain se situe plus
spécifiquement dans la Région de Lisbonne, au sein de plusieurs terreiros de candomblé et
d'umbanda rassemblant une population très largement portugaise, blanche, et ayant à leur
tête des chefs de culte portugais ou brésiliens. Cette recherche part du postulat que la
diffusion des religions afro-brésiliennes en terre portugaise s’inscrit en partie dans une
longue tradition de circulations de croyances, pratiques et représentations au sein d’un
espace -Portugal, Afrique, Brésil- façonné par l’esclavage, la (dé)colonisation et les
mouvements migratoires. De fait, à partir de l’analyse des mécanismes et processus
intrinsèques à cette transnationalisation contemporaine, l’ambition de cette recherche est de
définir la complexité des rapports de pouvoir à l'œuvre aujourd’hui au Portugal dans cette
rencontre culturelle, et de montrer en quoi la réappropriation des religions afro-brésiliennes
par les initiés portugais convertit ces religions en héritage de leur propre histoire.
La réflexion sur l’ensemble de ces mouvements religieux transnationaux permettra de
mieux saisir la création de nouveaux métissages et nouveaux hybridismes, ainsi que la
naissance de nouvelles formes de discours identitaires.
Migrations, diasporas et religions
Une seconde orientation se tournera vers l’analyse de la mobilité religieuse, à partir d’une
réflexion autour de la migration et des logiques de diasporas. Depuis les années 1990,
l’intensification des flux migratoires combinée à une visibilité croissante de la « religion des
migrants » -notamment dans les villes d’accueil- ont poussé les chercheurs à s’intéresser au
rôle des migrations dans la diffusion et la création religieuses -ainsi d’ailleurs qu’à la place
des religions dans la compréhension des processus migratoires. Le réexamen du rôle de la
religion dans les processus de remémoration, de recréation de la mémoire et de transmission
du passé dans le cadre de la migration et de la diaspora, est une préoccupation centrale dans
un certain nombre de recherches déjà engagées ou naissantes au sein du LESC. C’est ainsi
que M. Baussant travaillera sur les liens entre reconstruction des représentations du passé
partagées et affiliation religieuse à un groupe, à travers deux terrains – l’un sur les juifs
d’Egypte en France, mené depuis plusieurs années et l’autre sur les leaders du MTA et des
Comités Palestine. Les juifs en Egypte constituaient une population hétérogène, d’origines,
de statuts, de nationalités et de rites divers, population qui, bien qu’installée depuis plusieurs
siècles, s’est renouvelée et développée au début du 19eme siècle. Elle est ensuite partie en
trois grandes vagues successives, après différents événements politiques (1948, 1954, 1967),
pour aller s’installer dans différents pays, dont pour beaucoup la France et Israël. Il s’agit
donc d’une population composée en grande partie de migrants venus en Egypte et qui, en
partant du pays, se sont constitués en communauté nationale, « les juifs d’Egypte », là où les
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
identifications étaient autrefois multiples et davantage ancrées localement. En suivant les
pistes développées par Maurice Halbwachs et de Roger Bastide, M. Baussant s’intéressera en
particulier au rôle du religieux comme cadre social de la mémoire dans le présent– tant dans
les rituels que dans les interactions et les pratiques relationnelles induites par l’affiliation
religieuse – dans la redéfinition d’une judéité et d’un judaïsme égyptiens singuliers (Memmi,
1962), suite à l’exil d’Egypte et la dislocation de la communauté juive – exil convoqué par
les juifs d’Egypte sous le terme de Second Exode-. Elle s’intéressera notamment aux
paradoxes que soulève cette redéfinition, avec l’élimination de certains aspects de l’héritage
culturel et cultuel et la valorisation d’autres, qui entend construire un imaginaire minimal de
la continuité entre le passé, le présent et l’avenir. Parallèlement, elle souhaiterait débuter un
autre terrain autour des mutations d’une identité « arabe » commune dans l’immigration vers
une identité « musulmane » à travers la reconstruction des trajectoires biographiques de
leaders du Mouvement des travailleurs arabes et des Comités Palestine.
Dans le domaine américain, on voit émerger depuis quelques années des travaux axés sur
les flux de migrants entre Amérique latine et Amérique du nord, suscitant une réflexion sur
la place des religions dans ces processus migratoires. Le travail de S. Pédron Colombani se
propose d’aborder les processus de trans-localisation que sont en train de vivre certaines
religions connues comme « traditionnelles », issues du monde indigène, dans le cadre de
cette migration. Elle pose elle aussi la question du rôle de la religion dans les processus de
remémoration, de recréation de la mémoire et de transmission du passé. Dans cette
perspective, elle a initié un travail sur la circulation transnationale d’un culte originaire d’une
communauté indienne maya tzutuhil du Guatemala –le culte de Maximón- qu’elle envisage
de poursuivre en privilégiant deux aspects. Elle souhaite analyser le lien entre la migration
des centraméricains et la relocalisation de ce culte et s’intéresser à la dynamique
d’inscription de celui-ci dans des réseaux de migrants centraméricains dans la ville de Los
Angeles. Dans ce cadre, elle s’intéressera notamment au rôle joué par les botánicas - à la fois
centres spirituels, commerces d’approvisionnement en objets religieux de provenances
diverses et centres de santé alternatifs- et aux spécialistes religieux qui leur sont rattachés.
Elle souhaite développer ce travail car ces espaces sont des univers où s’organise la
circulation des pratiques et des croyances et où, justement, les formes de religiosités
traditionnelles issues des pays d’origine de ces migrants entrent dans des réseaux de
circulation transnationaux, se mêlant à différents courants. D’autre part, elle souhaite
travailler sur les interactions entre la figure de Maximón –mais aussi d’autres figures de
saints populaires latino-américains particulièrement vénérés par les migrants
centraméricains- et les circuits néo-ésotériques ou les réseaux New-Age. A partir des années
quatre-vingt, le New-Age –expression d’une religiosité de la globalisation- est entré en
interaction avec diverses traditions religieuses syncrétiques et ethniques et a contribué à la
réinterprétation de celles-ci à partir d’une matrice holistique, éclectique et universaliste. Sa
rencontre avec des figures majeures du catholicisme populaire, les processus de
resignifications et d’hybridation qu’elle implique, seront au cœur de sa réflexion.
La circulation des migrants suscite donc de nouvelles dynamiques religieuses et en
réactive d’anciennes. Ce phénomène est particulièrement visible dans le développement des
diasporas, qui allient logique transnationale et processus d’insertion dans la terre d’accueil.
Le travail de B. Formoso constitue une contribution à cette réflexion sur la mobilisation
d’éléments religieux de la part de populations en situation de diasporas. Il poursuivra
notamment la recherche qu’il a entreprise au cours de la période précédente auprès des
Chinois de la diaspora établis dans les sociétés thaïlandaise et malaisienne ; ces contextes
nationaux ayant été choisis du fait de leur caractère très contrasté sur le plan culturel
(population dominante de Thaïs bouddhistes dans un cas et de Malais musulmans dans
l’autre), et des politiques que les deux pays conduisent à l’endroit des communautés issues
de l’immigration (assimilationnisme d’un côté, ségrégationnisme de l’autre). La recherche
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
portera sur les stratégies d’intégration sociopolitique à la société d’accueil, et de
différentiation culturelle que mettent en œuvre les élites entrepreneuriales chinoises en
utilisant pour ce faire les activités philanthropiques à caractère religieux. Ces activités
philanthropiques sont aussi bien tournées vers la société d’accueil que vers la Chine et sont
le motif de nouvelles formes de filiation non plus familiales, mais cultuelles au lieu
d’origine. L’analyse portera également sur les formes de capital symbolique qu’accumulent
les entrepreneurs par leurs dons multi-orientés aussi bien en Thaïlande ou Malaisie qu’en
direction de leur lieu d’origine, et sur les implications de ce double investissement -dont il
convient de préciser le degré d’intensité- sur leur positionnement identitaire.
La dimension musicale de ces processus de réinvention des identités religieuses en
contexte migratoire sera également abordée, notamment grâce à la collaboration d’H. Ferran
(voir présentation supra) : à travers l'étude ciblée de la diaspora évangélique éthiopienne du
Canada, il examinera tout particulièrement la manière dont la musique opère dans la
migration des cultes et participe à la fabrique des sociétés multiculturelles comme le Canada.
Religions et circuits médiatiques
Dans le transnational, la mobilité du religieux n’est pas seulement « passage des
frontières » et « parcours migratoires ». La circulation des imaginaires, des croyances et des
pratiques doit aussi beaucoup à l’insertion des acteurs religieux dans des réseaux d’échanges
par le biais d’outils modernes de communication tel internet. Traversant plusieurs recherches
des membres du LESC –notamment S. Pédron Colombani qui s’intéressera aux sites internet
dédiés à différentes figures de saints populaires, notamment San Simón-, cette thématique
sera particulièrement développée par une jeune doctorante qui vient d’engager une thèse
sous la direction de L. Caillet : Lee Mi-ok s’intéresse en effet au renouveau de la culture
chamanique coréenne en lien avec le développement d’internet. Ce dernier a créé un
véritable bouleversement dans le chamanisme coréen, car de pratique socialement et
religieusement ambiguë et cachée, il est devenu brutalement accessible autrement que par le
bouche à oreille. Il devient possible de connaître des centaines de chamanes, leurs pratiques
et leurs spécialités. Certains chamanes coréens ont ouvert leurs propres sites, qui livrent
quantité de renseignements tant par la documentation qu’ils proposent (textes, photos, films)
que par la présence de pages d’échanges avec les clients. Aussi, à travers leur étude, elle se
propose d’aborder la pratique moderne du chamanisme et son évolution au début du 21e
siècle. La question des influences réciproques du net et du chamanisme sera au cœur de sa
réflexion.
Tous ces travaux seront discutés collectivement dans des journées d’études organisées par
la responsable de ce sous-axe.
D) Musiques et rituels
Responsables : R. Martinez, J. Lambert
La musique est omniprésente dans les rituels, dont elle constitue souvent une activité
centrale, à tel point que, dans ces cas, la réalisation du rituel ne pourrait être envisagée sans
elle. Paradoxalement, si de nombreuses monographies ethnomusicologiques et ethnologiques
en témoignent, il y a eu jusqu'ici très peu de travaux théoriques (à l'exception du livre de
Gilbert Rouget, La musique et la transe). Dans ces monographies, trois thèmes apparaissent
de manière récurrente : les rapports entre musique et temporalité rituelle ; la relation avec
l’invisible ; les interactions sociales. A partir de ces trois thèmes il s’agira de montrer
comment les comportements musicaux autant que les productions sonores elles-mêmes
participent activement à la création de la situation rituelle. Autrement dit, il s’agit de montrer
que les pratiques musicales, dans ces contextes, sont des actions rituelles à part entière, en
s’interrogeant sur ce qui, dans la nature même de l’acte de musique, tout comme dans la
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
nature même de la matière sonore, fait que les pratiques musicales sont des outils si
largement privilégiés de la construction de l’activité cérémonielle. Cette perspective
privilégie la musique en tant que faire, la musique en tant qu’agent de la transformation.
Pour plusieurs auteurs (Bloch, Gell), le temps rituel est assimilé à un temps statique ou
cyclique, un temps « pétrifié », qui s’opposerait au temps quotidien où seraient utilisées des
notions universelles relatives à l'écoulement du temps et à la dégradation. La communication
ritualisée serait donc liée fondamentalement à des modes spécifiques de formalisation de la
temporalité entretenant la fiction d’une permanence (des groupes, des institutions), qui serait
une forme de résistance à l'inexorable usure du temps, mais « répétitive parce qu'inefficace »
(Bensa). La musique ferait donc partie de ces pratiques ritualisées qui, par leur retour
récurrent (l’interprétation des mêmes répertoires aux mêmes moments), entretiendraient cette
affirmation de la permanence. Toutefois, ce qui importe de mettre en avant ici, c’est le rôle
de l’activité musicale en tant qu’outil de manipulation du temps rituel et de la création de sa
spécificité.
L'organisation du temps
Des événements sonores sont universellement utilisés pour marquer le commencement,
la fin d’un rituel, le changement d’une séquence à l’autre. Dans un très grand nombre de
rites, la musique est jouée durant de longues séquences. Parfois celles-ci se doublent d’autres
actions rituelles, dont la musique – et parfois la danse- constituent l’activité principale. Dans
nombre de sociétés amérindiennes, mais également en Afrique et Asie, il existe des rituels
dont la musique se déroule de manière presque ininterrompue du début jusqu’à la fin. Or,
c’est en jouant avec l’enchaînement des pièces musicales que les acteurs produisent
différentes perceptions du temps : écoulement d'un temps doté d'un début et d'une fin ;
superposition de deux perceptions, l'une linéaire et l'autre cyclique ; création de formes, par
exemple symétriques. L'organisation musicale modifie la perception de l’action rituelle
qu’elle affecte : par exemple deux actions apparemment distinctes se font avec la même
musique : entrée au village, sortie du village. Ainsi, par la musique, il est possible de rendre
perceptible l’écoulement du temps rituel, et de créer en même temps une « conscience » de son
organisation.
Dans beaucoup de cas les ethnomusicologues se sont aperçus que les différentes
musiques interprétées dans un rituel pouvaient être abordées en tant qu’organisation sonore
globale, macro structurelle, qui peut être comprise comme une forme musicale en elle-même.
Or, les formes musicales requièrent un mode de perception spécifique dont une des
caractéristiques principales consiste à mémoriser d'abord des événements sonores successifs,
pour en saisir ensuite la configuration. Ces événements se réorganisent dans une autre
dimension qui constituerait le temps musical (Souris), sorte de « méta-conscience » du temps
où les événements sonores acquièrent d’autres saillances et d’autres dimensions. Dans ce
domaine, de nombreuses observations de terrain ont déjà été faites (Lambert, Martinez).
Dans la même perspective, M. Rovsing Olsen poursuivra ses recherches sur les chants de
femmes dans les rituels de mariage chez les Berbères du Haut Atlas au Maroc.
Simultanément, de nouvelles enquêtes continueront à alimenter les comparaisons possibles.
Ainsi, comme dans toutes les églises d'Orient, le rite copte orthodoxe d'Égypte est
intégralement chanté. Les offices sont le contexte privilégié de ces pratiques musicales,
cantillations, hymnes, psaumes, qui sont chantés différemment selon la saison liturgique à
laquelle ils se rapportent. Après la soutenance de sa thèse (début 2013), S. Gabry-Thienpont
étudiera les parallélismes entre les différents temps liturgiques et les tons utilisés, de même
que les significations induites par ces choix.
Compte tenu des études déjà réalisées, le projet pour la période 2014-2018 consistera
surtout à les rapprocher afin de dégager les termes d’une comparaison systématique.
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La qualification du temps rituel : relation avec l'invisible et expérience corporelle.
En tant qu’expérience, les pratiques musicales contribuent de manière essentielle à
qualifier ce « temps rituel », à lui donner une nature différente du temps normal, en créant
un état des sens particulier, selon des modalités dont plusieurs sont présentées dans d'autres
parties du présent projet (voir axes 2 et 3) :
- La variation de la perception sonore dans la musique : chants, jeu des instruments,
variations de l’instrumentation, saturation des timbres, changements de dynamique et
saturation du volume.
- Les autres expériences sensorielles accompagnant la musique (visuelles, tactiles,
olfactives), redondantes ou non avec elle.
- Effets psycho-physiologiques particuliers comme l'hyperventilation dans le jeu des flûtes,
la désorientation spatiale produite par le balancement corporel, la transe.
- Les émotions, codifiées culturellement et mises en relation avec des formes d’organisation
de la matière sonore.
- L'agentivité de certaines formes musicales à qui est attribuée la valeur d'êtres invisibles et
actifs.
Le temps rituel est ainsi vécu comme une expérience sensorielle, corporelle, qui se
transforme continuellement, à travers un processus d’embodiment. Il se produit un
événement fusionnel dont la puissance réside dans la force d'accumulation et de convergence
des vécus corporels, sensoriels, émotionnels.
La musique en tant qu'interaction.
La récurrence de la musique comme un des moyens de l'interaction rituelle peut être
comprise par la nature de la communication qu’elle est susceptible de produire : non verbale,
émotionnelle, sensible, corporelle. Houseman a largement souligné le caractère secondaire
de la communication verbale dans le rituel. Il se produirait ainsi une sorte de concordance
entre le type de communication et d’interaction que la musique suscite, et la modalité
communicationnelle de l’action rituelle.
Si, dans les polyphonies de Sardaigne, comme dans nombre de musiques rituelles,
l’architecture même de la construction musicale met en jeu une modalité de relations aux
autres qui fait appel à la fois au partage et à la compétition (B. Lortat-Jacob), d'autres modes
d'interactions sont également mis en évidence par les relations de la musique et du rituel.
Dans d'autres cas de figure, la participation de plusieurs groupes ethniques ou linguistiques
au même rituel permet une articulation de leurs relations d'une manière à la fois hiérarchisée
et complémentaire. Dans une thèse en préparation sur les Pygmées Babongo au Gabon et
leurs voisins non-pygmées, M. De Ruyter envisage les pratiques musicales rituelles comme
moyen privilégié pour dégager les logiques relationnelles entre ces populations. L’approche
s’effectue d'une part à l'échelle de la performance musicale au sein d’un rituel d’initiation
masculine qui met en œuvre l’identité ethnique des voisins, d’autre part, à l’échelle macrostructurelle de ces rituels et de leurs organisations sonores prises comme unités. Au delà de
sa thèse, elle s’interrogera sur un autre type de modèle relationnel hiérarchisé, celui entre
hommes et femmes, à travers l’analyse du rituel d’initiation féminine.
Dans une autre configuration encore, dans le cas des polymusiques, chaque personne ou
groupe de personnes joue simultanément une pièce musicale sans se coordonner avec les
autres, exprimant un message implicite que l'on peut formuler ainsi : « Nous sommes
ensemble pour ne pas l’être ».Les recherches sur la polymusique étant encore peu connues et
peu publiées, il s'agira de les promouvoir tout particulièrement et d'engager de nouvelles
études de cas. Dans les cultes de possession zâr au Yémen comme en Iran, c'est dans la
procession, zeffe, du début du rituel, que la polymusique exprime le désordre fondamental
causé par les esprits "vents" du zâr, désordre dans lequel se trouve le patient à l'origine du
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
rituel, mais au delà, tous les adeptes. J. Lambert et M. Gharasou s'efforceront
(respectivement au Yémen et en Iran) d'explorer les significations profondes de cette phase
du rituel qui est cruciale pour sa compréhension d'ensemble.
Au delà du "désordre", la musique participe aussi à des processus rituels agonistiques.
Dans les confrontations musicales des Andes tinku, il se produit des batailles rituelles où le
sang doit couler pour fertiliser la terre (A. Molinié), batailles menées une fois par an et qui,
après que soient tombés des blessés, et parfois des morts, finissent par une réconciliation
ritualisée. Les « combats musicaux » eux aussi finissent parfois mal, glissant vers des
affrontements corporels. Mais ces interactions musicales ne sont pas le tinku, on fait comme
si, elles participent à la création d’une fiction. Ceci nous renvoie à la notion de « cadre »
(frame) proposée par Bateson, qui assimile les comportements rituels aux comportements
ludiques, situations dans lesquelles comme le signale Piette, les limites entre fiction et réalité
sont toujours faibles. Il s'agira de tester la validité du regard « batesonien » pour une
nouvelle approche d’interactions musicales qui vont au-delà d’une modalité de l’être
ensemble par la musique et posent la question de leur efficacité. Les travaux de R. Martínez
porteront sur les « combats musicaux » chez les Tinkipaya dans la région de Potosí (Bolivie)
qui, comme beaucoup de rituels andins, finissent fréquemment par des jeux collectifs
fortement érotiques.
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AXE 6 – GENRE ET PARENTE
Responsables : Frédérique Fogel, Olivier Kyburz
Chercheurs : Sophie Blanchy, Sylvaine Camelin, Isabelle Daillant, Frédérique Fogel,
Bernard Formoso, Éric Garine, Olivier Kyburz, Ismaël Moya
Doctorants du LESC et post-doc associés : Azita Bathaïe, Akila Bensetti, Juliette
Cleuziou, Laurent Gabail, Chloé Violon
Cet axe rassemble des questions classiques en anthropologie de la parenté, et d’autres qui
le sont moins. Il propose plusieurs perspectives de renouvellement du domaine, en termes
d’approche problématique, de méthodologie d’enquête et d’analyse théorique. Ces
perspectives procèdent notamment de la prise en compte de la réalité relationnelle du genre
et de la dimension transnationale des faits sociaux, et résultent aussi du développement
d’outils informatiques de traitement et d’analyse des données.
Ainsi, il est encore et toujours question de filiation et d’alliance, de consanguinité et
d’affinité, de généalogie et de terminologie de parenté, mais en étudiant par exemple les faits
portés et agis par les femmes dans des contextes idéologiquement patrilinéaires, en
interrogeant les statuts et les fonctions en rapport avec la régulation sociale, en intégrant de
nouvelles affiliations comme celles qui sont liées à la résidence et à l’échange. Les
thématiques sont interrogées en corrélation, comme le genre, la parenté et la migration.
Enfin, la comparaison atteint une nouvelle dimension dans le projet Kinsources, avec la
création d’un outil spécifique à partir d’une question spécifique, celle de l’interaction entre
généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des structures de parenté.
Ces projets s’appuient sur des réseaux de recherche et des collaborations internationales,
et font une part très importante à la diffusion des résultats, en prévoyant des séminaires
réguliers, des colloques, des publications et le développement d’un site web attractif.
A) Pratiques et représentations de la parenté
Responsables : Isabelle Daillant, Olivier Kyburz
Le champ des « Pratiques et représentations de la parenté » sera concerné au premier chef
par la mise en œuvre du projet Kinsources qui démarrera début 2013. Toutefois, ce projet n’a
pas vocation à absorber toutes les contributions relatives à ce domaine.
Par exemple, S. Blanchy, qui a montré récemment que l’île de Ngazidja aux Comores
présentait un exemple rare de société matrilinéaire, matrilocale et musulmane, examinera
désormais plus précisément le cas de l’île voisine d’Anjouan. On y trouve en effet une forte
implantation d’Arabes Hadhramis qui ont fourni à l’archipel depuis le XVIe siècle son élite
urbaine musulmane lettrée, devenue grande propriétaire terrienne, et ses rois jusqu’à la
colonisation française. Mais, là où à Ngazidja ceux-ci régnaient en vertu de leur
appartenance à leur matrilignage, tout en étant généralement sharif par leur père, à Anjouan
les patrilignages arabes sharifs se sont imposés. Or la matrilocalité y est toujours en vigueur
et une transmission par les femmes, bien qu’occultée en première instance par le discours de
l’élite urbaine patrilinéaire, existe également. On la trouve particulièrement dans les aires
rurales, taxées d’arriérées par les cadis, où s’observe une résistance à l’application du droit
personnel et familial musulman, et surtout à l’application de la sharia sur l’héritage au
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bénéfice d’une transmission plus matrilinéaire des biens. L’essentiel des conflits soumis au
cadi puis au tribunal dans cette île sont des conflits fonciers et des conflits intrafamiliaux
d’héritage. S. Blanchy s’attachera à décrire et analyser l’organisation sociale urbaine et
rurale et à évaluer leur hiatus, leur tension, en particulier dans la régulation sociale et ses
instruments.
Quant au projet Kinsources, il est porté par le LESC et a obtenu un financement de
l’ANR-Corpus à hauteur de 350 000 euros environ. Il engage pour l’instant cinq membres du
laboratoire : Olivier Kyburz, coordinateur du projet, Isabelle Daillant, Laurent Gabail (postdoc), Ismaël Moya et Chloé Violon (doctorante).
Ce projet se situe dans le prolongement des activités du groupe TIP (Traitement
informatique de la parenté www.kintip.net) et rassemble des anthropologues, du LESC et du
LAS, et des historiens-démographes de l’EHESS-LaDéHis et du centre R. Mousnier
(UP IV). Il compte également des partenaires internationaux : le Center for Social
Anthropology and Computing (U. of Kent, Canterbury) avec Michael Fischer, la School of
Social Science (U. of California, Irvine) avec Douglas White, le Department of Anthropology
(U. of California, Los Angeles) avec Dwight Read, et enfin l’Institut Max Planck de
Psycholinguistique (Nimègue) en la personne de Peter Withers, développeur du logiciel
KinOath 2.
L’objectif du projet est la mise en place d’une plateforme ouverte et interactive pour le
partage et l’analyse des données de parenté (généalogiques, terminologiques et
résidentielles) utilisées dans la recherche scientifique, notamment en anthropologie, en
histoire et en démographie. Associant les fonctionnalités d’une archive de sources avec celle
d’une boîte à outils mettant à la disposition des chercheurs les logiciels les plus avancés pour
leur traitement, cette plateforme s’inscrit dans une perspective de recherche qui vise à
comprendre l’interaction entre généalogie, terminologie et espace dans l’émergence des
structures de parenté. La plateforme garantira à la fois la pérennisation et le libre accès à des
données dont le caractère scientifique sera validé par la communauté des chercheurs, tout en
permettant aux auteurs et aux développeurs de compléter leurs données et de faire évoluer
les services web intégrés. Avec l’ambition de réunir, à moyen terme, une grande part des
données de parenté utilisées dans la recherche scientifique internationale, cette plateforme
constituera un moyen important et inédit pour fournir aux études de la parenté une base
empirique solide et un ensemble d’outils analytiques intégrés.
Le projet comprendra quatre grandes tâches :
– La création d’une plateforme interactive intégrant une base de données ainsi que des
logiciels d’analyse dont Puck 3 et KinOath constitueront les pièces majeures de l’architecture.
– Le codage et la saisie d’une série de corpus inédits qui s’ajouteront à la centaine de corpus
déjà présents sur la plateforme Kinsources (en instance d’activation sur la grille TGE-Adonis
qui a accepté d’héberger le projet, et pour l’instant accessible sur
www.scizone.net/csac/wiki/kinsrc/KinSources/) et permettront d’atteindre une masse
critique suffisante pour encourager les contributions volontaires et pérenniser ce processus.
– Le développement de nouveaux outils (conceptuels et informatiques) d’analyse
comparative à partir des corpus de la plateforme et dont les réalisations seront intégrées dans
les services de celle-ci.
– La mise en place d’un réseau de contributeurs-utilisateurs, à travers une série d’actions de
valorisation et de sensibilisation à partir de la deuxième année du projet.
2
Logiciel qui interconnecte des données généalogiques et des données non généalogiques archivées
sur divers supports (audio, vidéo, textes), disponible sur tla.mpi.nl/tools/tla-tools/kinoath.
3
Program for the use and computation of kinship data, développé par K. Hamberger (membre du
groupe, équipe LAS) et disponible sous licence CeCILL sur kintip.net.
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Dans ce contexte novateur et ambitieux, les contributions personnelles des membres du
LESC peuvent être présentées comme suit :
O. Kyburz assurera le pilotage du projet, veillera à la coordination des partenaires
scientifiques et se chargera (avec le soutien de l’équipe informatique de la MAE) du suivi
des développements effectués sur la plateforme, dont une partie sera externalisée et une autre
assurée par un ingénieur du LAS. Au titre de ses recherches personnelles sur les
Haalpulaar’en du Sénégal, il complétera ses corpus généalogiques des artisans (boisseliers et
tisserands) et tentera d’en constituer un de qualité comparable auprès de pêcheurs de la
moyenne vallée du Sénégal, en vue d’une analyse comparée des pratiques matrimoniales de
deux groupes « nobles » – Peuls et pêcheurs – d’une part, et de deux groupes « castés » –
boisseliers et tisserands – d’autre part, ces catégories sociales étant apparentées deux-à-deux
par des mythes d’origine (Peuls-boisseliers et pêcheurs-tisserands).
Dans la même perspective d’ancrer une comparaison plus large dans des comparaisons de
proximité, I. Daillant s’attachera à constituer le corpus généalogique (déjà amorcé) des
Mosetene d’Amazonie bolivienne. Celui des Chimane voisins et apparentés existant déjà, il
s’agit d’obtenir ainsi sur deux groupes très proches une paire de corpus qui contrastent
pourtant à peu près à tout point de vue. Contrairement aux Chimane, les Mosetene ont en
effet été « réduits » en missions au XIXe siècle, et les données provenant des registres de
mission déjà traités témoignent d’un réseau profondément marqué non seulement par
l’empreinte missionnaire mais aussi par les épidémies. Le codage des données (entamé pour
l’une des ex-missions) devra se poursuivre, éventuellement avec des compléments d’enquête
pour combler les vides importants laissés dans les registres paroissiaux des dernières
décennies par la sécularisation croissante des pratiques.
Dans le volet du projet visant à articuler données généalogiques et spatiales, L. Gabail
complètera les corpus bassari (Guinée, Sénégal) et poursuivra l’analyse des données
résidentielles. Il s’agira d’intégrer à l’analyse du réseau matrimonial des données relevant de
l’appartenance à différents types d’unités sociales localisées : 1) les maisons, fondées sur une
règle de résidence idéalement patri-virilocale censée maintenir la proximité entre les agnats ;
2) les groupes de travail, qui associent plusieurs maisons voisines et ne sont que
partiellement fondés sur la parenté ; 3) les lieux rituels où les parents utérins suffisamment
proches se regroupent pour un sacrifice annuel. Ces trois affiliations dessinent les contours
de groupes de nature différente, mais tous spatialement définis et exogames. Le but est de
mieux comprendre les pratiques matrimoniales en cernant les dynamiques spatiales de
concentration et de dispersion des agnats et des utérins qu’elles favorisent. Cette recherche
se fera en collaboration avec les collègues du LaDéHis, plus spécifiquement impliqués au
sein du projet dans le développement d’outils d’analyse des données géo-référencées.
Dans le volet de Kinsources dédié aux terminologies, I. Moya comparera des
vocabulaires de parenté disponibles pour des sociétés du Sahel occidental musulman
(Sénégal, Mali, Mauritanie). Sa recherche sera centrée sur la distinction de sexe et la nature
de la relation frère-sœur et s’appuiera sur son analyse de la terminologie wolof où la relation
sœur-frère n’est pas définie par la filiation, mais se comprend dans son opposition à la
relation de mariage. Celle-ci lie en effet une paire frère-sœur à une épouse. Frère et sœur
sont tous deux des « maris » pour leur épouse commune et le « mari féminin » de l’épouse
est, littéralement, un « père féminin » pour les enfants issus du mariage. L’analyse a par
ailleurs montré qu’une configuration homologue structure les rituels des âges de la vie. Or,
dans la plupart des sociétés de la région, les sœurs du mari occupent une position rituelle
comparable à celle observée en milieu wolof. La comparaison des vocabulaires de parenté
permettra d’évaluer si la neutralisation de la distinction de sexe est aussi un trait général dans
la région ou si, à l’inverse, nous devons comprendre le rôle clé des « maris féminins » du
seul point de vue du rituel. Cette recherche sera menée en relation avec les collègues du LAS
(L. Barry et K. Hamberger) impliqués dans le volet terminologique de Kinsources.
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Enfin, deux collègues, C. Violon, doctorante allocataire UPO, déjà familière des outils
développés dans le cadre du groupe TIP, et E. Garine s’associeront au travail mené au sein
de cet axe. Tous deux mènent des recherches clairement orientées vers l’analyse quantitative
de données systématiquement collectées, tous deux prêtent un intérêt particulier à l’analyse
des échanges dans des sociétés agraires au Nord-Cameroun (Duupa, Tupuri) et Tchad
(Tupuri Moundang). Chloé Violon consacrera une partie de son travail à délimiter la place
des relations de consanguinité et d’affinité dans les relations d’échange de biens et de
services. Eric Garine s’attachera à analyser la place de la parenté dans la constitution et la
recomposition des groupes de travail, au regard d’autres institutions telles que les classes
d’âges dépendant de l’initiation ou les relations de voisinage.
B) Genres, parentés, migrations
Responsable : Frédérique Fogel
Genre, parenté et migration définissent de façon classique les contextes singuliers
d’anthropologies distinctes, aux parcours académiques et épistémologiques spécifiques. Cet
axe propose de travailler ces trois domaines en corrélation, en articulation, pour ouvrir des
perspectives méthodologiques et théoriques qui permettent de prendre véritablement et
précisément en compte les problématiques de la mondialisation et du changement social. La
mondialisation des échanges et des déplacements, comme le rapport localisé aux pratiques et
aux représentations extérieures, a des conséquences sur toutes les configurations sociales
dans lesquelles nous enquêtons, groupes, communautés, sociétés. Les effets sont perceptibles
à différentes échelles.
Nos recherches doivent aller au-delà de la considération des circulations migratoires
comme des éléments contextuels de sociétés communément désignées comme « d’origine »
ou « d’accueil », quand les phénomènes de circulation s’avèrent plus denses et plus
complexes, et quand les conditions économiques, sociales, politiques, des déplacements et
des installations modifient les modes de vie comme les identités individuelles, familiales,
collectives, sur le plan national comme transnational. L’émigration, par exemple, entraîne
des changements dans les relations de parenté et dans les relations de genre, chez les
émigrés, entre les émigrés et leurs proches demeurant au pays, mais aussi entre ces derniers.
La parenté, entendue ici comme relation entre des personnes qui se reconnaissent comme
liées en fonction d’opérateurs pluriels, éléments (ou termes de la relation) d’un « système »
(défini par la filiation, l’alliance, la résidence, la terminologie, l’attitude) ou d’une
configuration groupale ou réticulaire de ces relations à partir d’un Ego, joue comme
référence et comme valeur, tout en se modulant. Quant au genre, il apparaît dans nos
recherches non pas comme un complément ou un élément de dialogue, ni un avatar des
études féministes, mais comme un point de vue indispensable et intégré ethnographiquement
et anthropologiquement parlant, toute relation étant genrée. Au point que les changements
dans les relations de genre sont des indications majeures des changements sociaux.
Plusieurs thématiques sont envisagées pour le prochain quinquennal. La première aborde
la question de l’empowerment de femmes musulmanes. Akila Bensetti enquêtera sur les
pratiques et les représentations de femmes sénégalaises installées en région parisienne,
membres de la confrérie mouride, sur leur accès à l’autonomie par la migration et
l’engagement religieux. Sophie Blanchy s’intéressera au cas de femmes engagées par des
programmes internationaux pour travailler au règlement de conflits villageois, sur l’île
d’Anjouan, aux Comores. Cet empowerment dans la régulation sociale constitue-t-il une
irruption féminine dans le champ politique, masculin ? Et comment se situe-t-il face aux
valeurs islamiques de la société anjouanaise ? Juliette Cleuziou étudiera le rapport
conflictuel entre l’islamisation de la société tadjike et l’empowerment des femmes
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d’émigrés, obligées d’endosser des rôles masculins et d’intervenir dans la sphère publique.
Frédérique Fogel enquêtera sur les pratiques genrées de femmes musulmanes, Sans-papiers,
en région parisienne. Comment construisent-elles leur propre registre de sociabilité ?
Comment se positionnent-elles dans l’univers des règles de l’État français, laïque, quand les
normes auxquelles elles doivent se soumettre pour obtenir leurs papiers, et les conserver, leur
apparaissent en contradiction avec les valeurs islamiques ? À Dakar, Ismael Moya
interrogera les relations entre genre et islam à partir des positions sociologiques des femmes,
subordonnées aux hommes dans les relations à Dieu et au pouvoir politique, et prééminentes
dans la sphère relationnelle, en particulier de parenté, et dans les circuits financiers
informels. Il analysera les économies morales de l’autonomie féminine, en comparant les
valeurs d’empowerment et celles de l’islam, notamment en rapport avec le militantisme
islamique.
Avec des collègues de l’université de Munster, nous préparons une réponse à l’appel
d’offres pour l’ANR franco-allemand 2013 : « Les faits de matrifocalité dans les sociétés
musulmanes contemporaines : reconsidérer les rapports de genre dans les pratiques, les
idéologies et les législations ».
La deuxième thématique interroge, dans des contextes migratoires pluriels, les
aménagements et les reconfigurations auxquelles sont soumises les relations de parenté et de
genre. Juliette Cleuziou enquêtera sur les relations de jeunes tadjikes, épouses d’émigrés qui
travaillent en Russie, avec leur belle-famille chez qui elles vivent. Comment se répartissent
les responsabilités et les tâches ? Quelles relations se mettent en place dans un foyer de
femmes ? Ismael Moya questionnera la continuité des modes de sociabilité entre les sociétés
de départ et les communautés transnationales, au Sénégal, au Mali et en Mauritanie. Les
femmes étant les actrices fondamentales des cérémonies et de la parenté, caractérisées par
l’omniprésence de l’argent comme forme privilégiée des relations, comment s’articulent les
circuits financiers locaux et transnationaux, en particulier féminins ? Que deviennent ces
relations, et l’action des femmes, au sein des communautés transnationales ? Azita Bathaïe
poursuivra son étude sur les relations de parenté et de genre chez les migrants afghans par
une enquête en Turquie, où l’État a mis en place dans les années quatre-vingt des conditions
favorables aux populations turcophones d’Afghanistan.
La troisième thématique aborde des stratégies d’intégration. Sylvaine Camelin enquêtera
sur l’enjeu de la nationalité dans la migration, auprès de femmes arabes qualifiées, exerçant
aux Émirats Arabes Unis. Yéménites, Palestiniennes, Irakiennes, elles ne peuvent obtenir la
nationalité émiratie. D’où une « migration dans la migration » au Canada, aux USA ou en
Australie, pour obtenir un passeport et pouvoir circuler librement. Frédérique Fogel abordera
la naturalisation, auprès d’immigrés avec et sans papiers installés à Paris, en relation avec la
possibilité (ou non) de conserver la nationalité de naissance, avec l’homogénéité (ou non)
des statuts de migrants dans la famille, avec les stratégies de sortie de la précarité
administrative. Bernard Formoso enquêtera auprès des élites entrepreneuriales chinoises de
la diaspora, en Thaïlande et en Malaisie, sur des activités philanthropiques à caractère
religieux, aussi bien tournées vers la société d’accueil que vers la Chine, et qui sont le motif
de nouvelles formes de filiation non plus familiales, mais cultuelles au lieu d’origine.
Quelles sont les implications de ce double investissement sur le positionnement identitaire
des Chinois de la diaspora ? Comment conçoivent-ils, dans ce cadre, la complémentarité des
fonctions liées au genre ?
Enfin, Frédérique Fogel et Azita Bathaïe coordonneront le projet « Migrations
temporaires et temporalités migratoires », répondant au projet européen coopératif 2013
(SSH.2013.3.1-1, Adressing European Governance of Temporary Migration and Mobility to
Europe). Cette recherche porte sur les migrations temporaires en Europe méditerranéenne de
populations d’Afrique et d’Asie, en focalisant sur le point de vue des migrant(e)s, et en
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valorisant la perspective de genre. Par une approche comparative, pluridisciplinaire et
multiscalaire, il s’agit d’étudier des perceptions et des pratiques du temps, individuelles et
collectives, dans des configurations migratoires diverses marquées par des enchaînements de
contraintes et d’opportunités. L’objectif est d’éclairer dans quelle mesure et selon quelles
modalités les acteurs(trices) de la mobilité envisagent et réalisent leurs inscriptions dans les
sociétés d’installation, à court, moyen ou long terme.
L’ensemble des recherches de cet axe sera régulièrement discuté dans le cadre de
l’Atelier – Séminaire de recherche et de formation, Genre, Parenté, Migration, institué en
2011, à l’initiative de F. Fogel et de A. Bathaïe, et fera l’objet d’un suivi sur le carnet de
recherches électronique Ethnochronique.
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CENTRE DE RECHERCHE EN ETHNOMUSICOLOGIE - CREM
Responsable : Jean Lambert
Membres statutaires permanents du LESC : Jean-Michel Beaudet, Anne-Florence
Borneuf, Aude Da Cruz Lima, Jean-Pierre Estival, Vincent Dehoux, Jean During, Christine
Guillebaud, Aurélie Helmlinger, Sandrine Loncke, Rosalia Martinez, Nicolas Prévôt,
Miriam Rovsing Olsen, Joséphine Simonnot, Victor Stoichita
A) Présentation générale
Principal centre de recherche en ethnomusicologie en France, le centre CREM du
laboratoire s'efforcera dans les prochaines années d'approfondir son approche généraliste de
la musique afin d'englober toujours plus d'aspects de ce phénomène social et humain majeur,
tout en laissant la catégorie "musique" la plus ouverte possible sur le plan conceptuel,
notamment vis-à-vis du champ plus général du "sonore". En partant de la variabilité infinie
des cultures musicales (dans la tradition du Musée de l’Homme), les chercheurs du CREM
infléchiront de manière croissante leur réflexion vers l'analyse des facteurs communs à tous
les Hommes musiquants, dans toutes leurs dimensions, géographiques (y compris la musique
classique et les musiques populaires occidentales), historiques (la patrimonialisation),
cognitives (l'oralité, l'écriture, la perception), et performatives (les rituels, les spectacles).
Ces recherches s'appuieront en partie sur une plus grande accessibilité des archives sonores
et audio-visuelles de l’équipe et sur une meilleure valorisation des publications en recourant
aux nouvelles technologies, en particulier sur son site internet qui deviendra prochainement
collaboratif.
La redéfinition par les ethnomusicologues de l'objet musique, déjà largement entamée
lors des cinq dernières années, va s'approfondir à travers de nombreuses recherches traitant
des zones grises entre musique et langage, musique et danse, musique et perception
acoustique, musique et environnement sonore. La confrontation entre l'expérience (de
l'auditeur, du musicien ou dans d'autres arts) et l'expérimentation (selon des protocoles ad
hoc) sera recherchée plus systématiquement. Simultanément, la qualité des enquêtes
ethnographiques et musicales restera une exigence incontournable, y compris pour des
terrains proches. Le recours à différents points de vue sera recherché, comme un exercice
nécessaire à la production d'un savoir à la fois positif et fondamentalement humain sur les
pratiques musicales et sonores.
Ressources humaines
Pour la période 2014-2018, un seul départ à la retraite d'un directeur de recherches au
CNRS est prévu, celui de Jean During. Ayant demandé l’éméritat, il devrait pouvoir
poursuivre ses activités de recherches. Depuis le 1er juin 2012, J-M. Beaudet (Pr.UPO) est
venu renforcer le CREM et l'équipe des enseignants-chercheurs de l’université.
Plusieurs étudiants ont soutenu leur thèse en 2012. Le CREM va les intégrer comme postdoc associés sur projets : E. Pistrick, S. Gabry-Thienpont, K. Morand.
Le statut de chercheur associé sera mis à profit pour le développement du CREM en
réseau, à la fois sur le plan national et sur le plan international, en nouant des collaborations
sur programme avec des professionnels de haut niveau. C'est notamment le cas d'H. Ferran,
post-doc à l'Université de Montréal, M. Leclair, conservateur au Musée d'Ethnographie de
Genève, C. Pasqualino (IIAC), S. Hassan, M.-B. Le Gonidec (IIAC), C. Sandroni (U. de
Bahia).
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Le PRES « Paris-Lumières »
Dans le cadre de la constitution du PRES Paris-Lumières (UPO - Paris 8), spécialisé en
art et sciences humaines, des contacts sont établis pour effectuer des rapprochements entre
chercheurs et enseignants-chercheurs des deux universités partenaires. Du point de vue des
ethnomusicologues, ce rapprochement présente en effet un intérêt particulier, car il renforce
une situation déjà existante. En effet, le centre comprend depuis de nombreuses années parmi
ses membres les plus actifs des enseignants-chercheurs de l'Université Paris VIII (R.
Martinez, S. Loncke), aux côtés des enseignants-chercheurs de Paris Ouest (J-M. Beaudet,
N. Prévôt, M. Rovsing Olsen). Depuis quelques années, les étudiants de Master 2 de Paris
VIII et de Paris Ouest assistent au Séminaire du CREM et bénéficient de services divers
comme le tutorat et l'accès privilégié à ses fonds documentaires. L'intérêt particulier de la
nouvelle situation est que les futurs projets de recherches vont associer directement, pour la
première fois, un département d'ethnologie et un département de musicologie.
Dès à présent, le CREM est partie prenante d’un nouveau projet commun sur le thème
"Philosophie, musique et écologie du son", proposé dans le cadre du Labex Arts H2H Laboratoire des Arts et Médiations Humaines (voir infra).
Projet d’aménagement du CREM dans de nouveaux locaux
Il est prévu que le CREM aménage dans le nouveau bâtiment SHS prévu par l’université
à l’horizon 2015, qui lui permettra d'avoir enfin des locaux adaptés à l'exercice de ses
missions, notamment des bureaux pour les chercheurs, un espace dédié au traitement du son
et aux archives sonores, ainsi qu'un espace de documentation. Cette nouvelle configuration
permettra la mutualisation de certaines tâches, ainsi que de certains espaces, notamment avec
le centre EREA qui sera installé au même étage. Elle posera notamment le problème de la
localisation spatiale de la bibliothèque du CREM, dont le catalogue est actuellement en cours
d'adaptation au système de catalogage de la Bibliothèque Eric-de-Dampierre.
B) Recherches
Plusieurs des thèmes qui seront développés au cours des cinq prochaines années
s'inscrivent dans le prolongement de la période précédente, mais ils seront approfondis selon
des méthodes renouvelées et grâce à des collaborations accrues avec les autres chercheurs du
laboratoire et des chercheurs extérieurs : le geste musical et dansé, la multi-sensorialité (axe
2), les limites du langage, de la voix et de la musique (axe 3), la patrimonialisation (axe 4), la
relation entre musique et rituel (axe 5). D'autres thèmes sont plus nouveaux, du moins, au
CREM, sous une forme collective : la recherche-action en ethnomusicologie, ou bien
l'histoire et l'épistémologie de la discipline (axe 1) ; les environnements sonores (axe 2) ;
l’agentivité musicale, ou la construction de l’émotion (axe 3).
Ces programmes seront renforcés grâce à de nouveaux partenaires institutionnels
extérieurs (ANR, Labex, GDRI, collectivités locales, etc.). Seront présentés ci-après les
programmes de recherche plus spécifiques à l'ethnomusicologie, ou ceux qui, tout en
s'intégrant aux axes du laboratoire, méritent un exposé plus approfondi.
Musiques et politiques mémorielles. Emergence, histoire, appropriation
Responsable : C. Guillebaud
Dans le cadre du Labex "Les passés dans le présent", plusieurs membres du CREM ont
élaboré une proposition de recherche visant à étudier les politiques mémorielles centrées sur
la musique et les arts, qui se sont considérablement développées depuis le début du XXème
siècle, des premières réformes des années 1930 définissant des musiques « nationales » en
contexte colonial, jusqu’aux politiques patrimoniales des dernières décennies, proposant de
nouvelles formes de diffusion des arts en contexte de globalisation. Les projets énumérés ci-
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dessous consistent en ethnographies de ces politiques, de leurs acteurs et médiateurs, des
diverses représentations du passé qu’elles façonnent, ainsi que de leurs implications actuelles
sur les modalités de production et de transmission des savoirs concernés. Les thèmes
transversaux retenus sont les suivants :
Historicisation des classifications musicales
L’émergence de la catégorisation des musiques - en arts « classique », « populaire »,
« urbain » etc. – sera analysée en différents contextes culturels. Il s’agira de comprendre
comment ces classifications ont pu être utilisées comme emblèmes culturels par les
politiques nationalistes peu avant les indépendances et jusqu’à nos jours.
Micro-histoires des politiques culturelles
Il s’agira de reconstituer de manière diachronique et synchronique les manières
contrastées de fabriquer un folklore national, de construire un patrimoine, de diffuser une
propagande ou encore de « revitaliser » des répertoires. Les processus varient au cours de
l’histoire du XXe siècle et en fonction de moments clés tels que l’exode rural, le
colonialisme, la fin des modèles soviétiques, les indépendances… On centrera notamment
l’analyse sur certaines formes musicales emblématiques qui ont connu des formes de soutien
très contrastées au cours de leur développement, de leur moralisation (voire de leur
prohibition) jusqu’à leur institutionnalisation et patrimonialisation actuelles. Ces exemples
permettront d’éclairer l’évolution du processus de sélection des formes musicales dans
l’Histoire et selon les Etats (et situations culturelles) concernés.
Analyse de leurs implications locales
Seront étudiées les implications de ces politiques sur la manière dont se positionnent les
musiciens dans ces nouveaux espaces de jeu : étude de l’évolution de leur statut (d’artisan à
celui d’artiste, d’officiant rituel à celui de leader de troupes etc.) ; des formes de transmission
par un élargissement du recrutement social (femmes et démocratisation par l’apprentissage
institutionnel) et une transformation des normes esthétiques ; de leur réflexivité sur leurs
savoirs (via la mise à l’écrit, l’archivage, la promotion dans les réseaux de festivals et
circuits du disque et de la Vidéo)
Ethnographies des différents espaces de patrimonialisation
Seront considérés les multiples espaces dédiés à la patrimonialisation des musiques, tels
les centres d’archives, les festivals et les compétitions, afin de mettre en valeur les processus
concrets mis en œuvre (formatage, innovation, fragmentation, dissociation) ainsi que le
travail des différents médiateurs de ces événements (intellectuels, artistes, tourneurs,
folkloristes, scénographes, directeurs artistiques etc.) qui participent en amont à l’élaboration
des représentations et à leur adaptation.
Les participants travailleront sur les terrains suivants : C. Guillebaud : émergence de la
catégorie folk music (Inde) ; J. Lambert : l'invention de la musique arabe (Egypte, Liban) ; E.
Amy de la Bretèque : la mémoire sonore et visuelle de la déploration (Arménie, Azerbaïdjan
et Turquie) ; A. Anisensel : la réappropriation du Ca Tru (Vietnam), S. Gabry-Thienpont : la
patrimonialisation des chants coptes (Egypte) ; J. Jugand : la réappropriation de la musique
classique hindoustanie (Inde).
Le projet a été soumis au comité scientifique du Labex en vue d'un financement.
Histoire de l'ethnomusicologie et épistémologie
Responsables : J. Lambert, A. Julien Da Cruz Lima (axe 1)
Grâce à l’accessibilité accrue des archives sonores en ethnomusicologie rendue possible
par l'application Telemeta (ouverte en juin 2011, voir infra, III Archives sonores), la relation
des ethnomusicologues à leurs matériaux de terrain est en train de connaître une véritable
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révolution. Ils sont désormais en mesure d’englober de vastes quantités de données, d’opérer
une plus grande contextualisation des documents (notamment vidéo), d’entreprendre plus
facilement des recherches thématiques et comparatives, et des recherches diachroniques.
Permettant également de faire une histoire des collections (qui sera notamment menée
dans le cadre du Labex "Les passés dans le présent"), ces avancées en cascade ouvrent la
possibilité que se constitue une histoire de la discipline qui s’appuierait en grande partie sur
ces documents, et plus largement encore, une réflexion épistémologique qui permettrait de
porter un regard réflexif plus approfondi sur la discipline. Sur le plan de l’histoire, il est clair
que cette étape nécessite de faire appel à des historiens professionnels, ce qui a déjà été
engagé avec Brice Gérard (EHESS) qui prépare une thèse sur l’histoire de
l’ethnomusicologie au Musée de l’Homme à travers deux de ses fondateurs, André
Schaeffner et Gilbert Rouget.
A travers le volet épistémologique, il s’agira de mieux situer les problématiques actuelles
de l'ethnomusicologie par rapport aux débats théoriques (musicologie comparée /
ethnomusicologie / anthropologie de la musique) ainsi que la manière dont ceux-ci ont été
affectés à la fois par les enjeux institutionnels (Musée de l’Homme / Musée des Arts et
Traditions Populaires, création du Musée du Quai Branly) et les enjeux techniques
(enregistrements sonores, vidéo).
Dans un premier temps, il s’agira donc d’établir un dialogue approfondi avec les
historiens et de mener des projets en commun, en particulier avec le CRAL (EHESS) - un
premier colloque pourra être organisé en 2014 sur l’histoire de l’ethnomusicologie en France
de 1930 à 2000.
Philosophie, Musique et Ecologie du son
Labex ARTS H2H
Responsable : Makis Solomos (musicologue, E. A. 1572, Esthétique, musicologie, danse et
création musicale) (Paris VIII)
Membres du partenaire CREM : C. Guillebaud, R. Martinez, J-M. Beaudet
Autres partenaires : E.A. 4010 (Équipe de recherche Esthétique des nouveaux
médias/Laboratoire Arts des images et art contemporain) (Paris VIII) ; E.A. 4414 (HARp :
Histoire des arts et des représentations) (UPO)
Ce projet porté par l' E.A. 1572, a une double ambition : 1. proposer une réflexion
interdisciplinaire sur les notions d’écologie et d’écosophie en relation avec la musique et le
son, en tissant des liens entre musicologues, philosophes, musiciens, ethnomusicologues,
ingénieurs ; 2. articuler recherche et création expérimentale en relation avec la réflexion sur
ces notions.
Dans les pratiques musicales contemporaines, les évolutions récentes ont conduit à
l’émergence du son comme nœud de questionnements théoriques et pratiques. En explorant
le timbre ou le bruit, en haussant l’espace en catégorie centrale, en proposant de nouveaux
types d’expérimentation tels que l’immersion sonore, la musique d’aujourd’hui,
conjointement aux arts sonores, renouvelle notre rapport au son d’une manière substantielle
– et ceci, tant sur le plan de l’activité productive que sur celui de l’écoute. Qu’est-ce qu’un
son (où commence-t-il, où finit-il ?), Quelles relations l’auditeur a-t-il avec lui ? Parmi ces
questions, plusieurs portent sur l’interaction permanente du son avec ce qui l’entoure :
l’espace physique, l’environnement, le milieu, l’auditeur. En partant du concept d'écologie
sonore, le projet se propose de mettre en œuvre la musicologie en relation avec la
philosophie et la création expérimentale : quels sont les liens de la musique ou du son avec
l’environnement et la nature, avec la société, avec la subjectivité ? Et plus généralement,
quels sont les liens entre musique-son et monde ?
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Le projet comprendra notamment un volet "Analyse des pratiques artistiques et
anthropologie du sonore" qui requiert la participation des ethnomusicologues. Une demande
de financement a été déposée dans le cadre du Labex Arts H2H.
Colloque international "Le modèle et la modélisation en musique"
Partenaires : MCAM et LIAM (Montréal), CREM
Responsables : Nathalie Fernando et Caroline Traube ; coordinateur MCAM : H. Ferran
Responsable partenaire CREM : A. Helmlinger ; chercheurs : J. Lambert, S. Loncke, B.
Lortat-Jacob, V. Stoichita.
Ce colloque international vise à engager un dialogue interdisciplinaire sur les questions
de modèle et de modélisation en musique. Comment modéliser les aspects neurocognitifs,
acoustiques, performanciels et socioculturels de la musique et dans quel but ? Comment
croiser les regards et les modélisations pour rendre compte de la complexité des faits
musicaux ? Dans quelle mesure les modèles obtenus constituent-ils de véritables
représentations du réel ? En quoi la modélisation nous renseigne sur les capacités humaines
et sur les conduites des chercheurs et des musiciens (compositeurs, interprètes,
improvisateurs, enseignants ou apprenants) ? Comment les modèles circulent, interagissent
et évoluent dans le temps et dans l’espace ? Par ces questionnements interdisciplinaires, ce
colloque, qui aura lieu au printemps 2014, cherchera à mieux évaluer l’articulation entre le
biologique et le culturel, les savoirs scientifiques et vernaculaires, ainsi que les dimensions
systémiques et historiques de la musique. Cette problématique s’inscrit dans l’axe 3 du projet
de laboratoire.
Le Patrimoine musical des habitants de Nanterre
Responsable : Nicolas Prévôt
Ce projet se réalisera dans le cadre du Labex « les Passés dans le présent » -voir
présentation des axes 1 et 4.
Publications multimédia
Comme le montrent les réalisations multimédia présentées dans le Bilan, la question
de ce type de publication est aujourd'hui cruciale pour la présentation et la restitution des
résultats de recherche en ethnomusicologie. Seul des usages intensifs du son, de l’image
animée, et surtout leur combinaison avec des modes de représentation graphique, permettra
de mieux rendre compte de la complexité de l’objet « musique », de ses aspects formels,
techniques, performatifs et culturels. Ces modes de représentation peuvent être classiques
(transcription musicale, texte chanté) ou innovantes (par exemple formes d'onde, courbes
mélodiques modélisées), ou combinant les deux (utilisation de codes couleurs, défilement du
son au moyen d'un curseur, surimposition d'outils graphiques sur l'image vidéo).
Le projet de recherche-action « Le Patrimoine musical des habitants de Nanterre » porté
par Nicolas Prévôt donnera lieu en 2014 à la réalisation d'un site présentant un
webdocumentaire et rassemblant des portraits écrits et filmés de musiciens nanterriens, des
documents historiques, des répertoires musicaux, des informations ethnographiques et
ethnomusicologiques (financement Ville de Nanterre, CNC).
Une autre réalisation en projet consistera en un DVD Rom expérimental (à mettre
éventuellement en ligne) accompagné d'un support papier intitulé : "Chanter ensemble en
Albanie". Dans cette publication sur les chants de compagnie polyphoniques, B. Lortat-Jacob
présentera un ensemble de représentations graphiques de l'image et du son, ainsi que des
analyses interactives (application Flash) portant sur l'ensemble de ses archives albanaises
filmées, dont certaines ont été éditées dans le film "Musique d'un pays perdu". Cette
production intégrée permettra d'expliquer et de visualiser les interactions sociales complexes
auxquelles donnent lieu les chants de compagnie (chant polyphoniques "multi-parties").
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
E. Pistrick contribuera à ce projet grâce à sa connaissance de la langue et de la culture
albanaise.
Grâce à l'Accord cadre CNRS-MCC, certaines de ces productions pourront être
partiellement financées. Cependant, elles requièrent des moyens humains spécifiques en
interne, la partie technique faisant appel à des compétences diverses et hautement
spécialisées (pratique du son informatique et de la représentation graphique assistée par
ordinateur, capacité de mise en ligne et de construction de sites). De plus, ces compétences
doivent être mises au service d'une collaboration très étroite entre le technicien et les
chercheurs, afin de répondre aux besoins de ces derniers -un poste d'ingénieur d'étude a été
demandé au CNRS.
C) Ressources documentaires, sonores et audiovisuelles
Archives sonores et audiovisuelles
L’expertise technique et scientifique de l’équipe, associée à la grande valeur patrimoniale
de son fonds d’archives et à la réalisation de la plateforme web audio Telemeta, ont permis
au CREM de se positionner comme un acteur majeur des SHS, engagé au sein de projets
collectifs et interdisciplinaires. Les problématiques liées à la gestion et à la valorisation des
archives d’ethnomusicologie convergent avec celles de nombreux partenaires institutionnels,
culturels et scientifiques : conservateurs, archivistes, linguistes, sociologues, musicologues,
historiens et historiens des arts, acousticiens, informaticiens, ingénieurs des connaissances,
etc…
Dans les cinq prochaines années, le traitement systématique des archives
d’ethnomusicologie (son, vidéo, image) se poursuivra avec la plateforme web Telemeta dans
le souci constant d’améliorer la valorisation du fonds auprès d’un public scientifique et plus
large. Grâce au renouvellement de l’accord cadre CNRS-MCC pour la période 2012-2015,
l’équipe sera notamment en mesure de poursuivre de manière soutenue la nécessaire mise à
niveau documentaire (inventaire, catalogage, documentation, indexation), en collaboration
avec les chercheurs spécialisés et les professionnels de la documentation multimédia. Le
suivi des opérations de numérisation des collections sonores se fera en partenariat avec la
BnF dans le cadre de la convention pour la conservation des archives du CREM (convention
juridique CNRS-Bnf-MNHN). Il s’agira également d’assurer en parallèle l’enrichissement
continu du fonds par des documents contemporains ou plus anciens déposés régulièrement,
en répondant notamment aux besoins spécifiques concernant les documents vidéo produits
par les acteurs de la recherche.
Pour l'ethnomusicologie comme pour de nombreuses disciplines en SHS, l'archivage et la
conservation des documents vidéo représentent une priorité et un enjeu majeur, en raison des
spécificités techniques (diversité des formats), des besoins en espace de stockage numérique
et en capacité de calcul (conservation des versions numériques HD et diffusion des versions
compressées), de l’élaboration d’outils d'annotation ergonomiques et appropriés au mode de
travail des chercheurs (accès à distance, travail collaboratif). Dans cette perspective, les
ingénieurs du CREM participent depuis plusieurs années à des réflexions collectives dans ce
domaine, avec plusieurs partenaires (l’IRI du Centre Pompidou, le TGE Adonis, le CNRS
Image, la cellule audiovisuelle du IIAC, le laboratoire ICAR, l’équipe Escom-FMSH, l’INA)
pour définir des bonnes pratiques, mutualiser les compétences et proposer des solutions
innovantes et pérennes sur le plan scientifique et patrimonial. En lien avec les partenaires
cités, le CREM travaillera en priorité à la mise en place d’actions de formation à destination
des chercheurs en SHS (protocole de collecte, d’archivage et de traitement des données
vidéo) et à élaborer des projets en recherche et développement (type ANR Corpus, Ateliers
de Réflexion Prospectives, AAP des MSH). L’IRI serait particulièrement intéressé par un
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
projet pour la description et l’analyse du geste avec une dimension musicale et
chorégraphique.
Concernant les archives audiovisuelles du CREM et grâce au financement du MCC, la
priorité sera d’opérer l’intégration des documents vidéo dans la chaîne de traitement mise en
place avec la plateforme Telemeta : inventaire systématique des données produites par les
chercheurs, catalogage rétrospectif des données vidéo inventoriées, réalisation des
développements nécessaires au niveau logiciel et applicatif, sauvegarde des supports
originaux et versions numériques, mise en ligne des fichiers compressés pour la diffusion.
Si l’archivage de la vidéo pose des problèmes spécifiques, l’amélioration de la gestion et
de la valorisation de documents numériques (natifs sonores ou audiovisuels) au sein de la
plateforme Telemeta est une nécessité commune. En effet, si la réalisation en 2011 du projet
Telemeta a permis au CREM de renforcer son expertise et d’opérer un tournant majeur pour
la sauvegarde, le traitement et la valorisation de ses archives, cette nouvelle forme d’accès en
ligne au catalogue et aux données nécessite de poursuivre les réflexions et les
développements visant à l’amélioration générale de l’accessibilité, notamment en termes de
fonctionnalités de recherche (vocabulaires d’indexation spécifiques à la discipline), de
présentation des contenus (visualisation, contextualisation, historicité, multilinguisme), de
flux de travail (raffinement des autorisations selon les profils d’accès), d’ergonomie
(convivialité pour les usagers, renforcement des performances, etc..). Dans cette perspective,
le CREM est un partenaire majeur de deux projets spécialisés : l’ANR DIADEMS (20132015), et le projet « Les sources de l’ethnomusicologie » du Labex « Les passés dans le
présent » (2012-2020), dont les problématiques convergent avec un projet de consortium
spécialisé auprès de la TGIR Corpus (prévision : 2013-2016).
Le projet ANR DIADEMS (2013-2015) pour la Description, l’Indexation, et l’Accès aux
Documents Ethnomusicologiques et Sonores est en partenariat avec plusieurs laboratoires de
traitement du signal et d'informatique du CNRS (IRIT, LABRI, LIMSI) spécialisés sur
l’analyse du son. Ce projet apportera des outils d'indexation des contenus audio (appliqués
aux documents sonores et audiovisuels) qui pourront faciliter le traitement automatique et
semi-automatique des archives, notamment la détection de zones de parole et de musique, la
reconnaissance de langue, de locuteurs, l’identification de mots clés, l’identification de type
musical (musique instrumentale, voix a cappella, voix et instruments, types d'instrument), la
recherche de similarités (mélodique, rythmique, de timbre), la délimitation des zones
intermédiaires (discours rituels, psalmodies, parlé-chanté). Cette collaboration avec les
équipes d’informaticiens et d’acousticiens s’accompagnera d’une part d’une réflexion sur les
classifications et les terminologies de descriptions, notamment des types de procédés et
d’exécutions vocales, et d’autre part sur la visualisation des résultats d’analyses, l’ergonomie
et les usages de la plateforme Telemeta, ainsi que la modélisation et la représentation des
formes musicales.
Le traitement des données sonores et la description des formes musicales est également
une problématique majeure des musicologues et des acteurs du paysage numérique de la
musique impliqués dans les projets d’encodage (pour les transcriptions : la Music Encoding
Initiative) et d’extraction automatique (Music Information Retrieval), dont l’application aux
musiques qui ne relèvent pas de la musicologie classique occidentale nécessite une approche
plus complexe. Un premier regroupement de laboratoires CNRS comprenant le LESC
(équipe CREM), le Centre des Etudes Supérieures de la Renaissances, le LAM et l’IRCAM
est à l’étude pour constituer une demande de labellisation en 2013 auprès de la TGIR Corpus
autour de trois axes communs de réflexion sur : la représentation de la musique (notation,
transcription, modélisation) ; les enregistrements sonores (traitement et archivage) ; les
instruments (organologie, indexation musicale au sens large regroupant instrument, voix,
environnement). Ce consortium spécialisé permettrait de mettre en place des actions de
formations (communes ou spécifiques), notamment sur l’utilisation des logiciels de
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
transcriptions musicales. Par la suite, un élargissement des partenaires avec des institutions
hors CNRS serait envisageable, avec la BnF en particulier, et l équipe d’acoustique musicale
de la Queen Mary University pour un projet d’ontologie multilingue des instruments de
musique.
La réflexion sur les vocabulaires d’indexation sera également un des enjeux du projet
« Les sources de l’ethnomusicologie », en partenariat avec la BnF (département de
l’audiovisuel) et le musée du quai Branly (médiathèque), pour faciliter l’accès aux fonds
patrimoniaux historiques de la discipline auprès de différents publics et de permettre une
plus large diffusion des traditions musicales et orales du monde grâce à des modes d’accès
innovants pour des publications web. Ce projet propose de poursuivre le traitement de fonds
d’archives prioritaires constitué par les grands évènements scientifiques (missions, enquêtes,
expositions) et les grands producteurs, et de créer des liens entre des collections
complémentaires conservées dans les différentes institutions, ainsi qu’à l’élaboration d’un
référentiel ethnomusicologique commun (instrument de musique, voix, danse,
environnement sonore) pour créer des passerelles entre les différentes collections. Ces deux
axes de travail s’accompagneront d’une réflexion sur la mise en commun des corpus
conservés dans les institutions partenaires afin de permettre un accès fédéré aux ressources
en ligne ou au signalement des ressources réservées. Ce projet s’insère dans une perspective
historique et épistémologique plus générale sur la constitution et le traitement des
collections, et l’évolution de la discipline qui constitue un axe majeur du projet scientifique
du laboratoire (cf. Axe 1).
En plus du travail réalisé sur les archives inédites, Le CREM finalisera la mise en ligne
de la collection phonographique « Les éditions du CNRS-Musée de l’Homme », collection
emblématique de la discipline entreprise durant 55 ans au musée de l’Homme
(successivement sur 78 tours, disques microsillons et CD). Cette opération s’inscrit
pleinement dans la réflexion sur la publication et l’édition multimédia pour la valorisation de
la recherche en ethnomusicologie dans le contexte des nouvelles technologies. Il s’agira
notamment d’étudier la possibilité de relancer une collection éditoriale, éventuellement sous
la forme de livre-disque avec des relais multimédia sur les réseaux mobiles (Internet et
smartphones), en lien avec les recherches engagées au CREM depuis de nombreuses années
sur les formes d’éditions multimédia (DVD, objets multimédia interactifs) pour représenter
et analyser les formes musicales et chorégraphiques, et vulgariser les résultats de la
recherche.
Bibliothèque et gestion des publications
Le CREM opère la migration du catalogue informatisé de sa bibliothèque vers le système
Koha de la bibliothèque Eric-de-Dampierre (LESC), permettant une consultation en ligne et
une gestion informatisée des emprunts. Il faudra effectuer manuellement la vérification des
notices importées ainsi que l’indexation (auteur, géographique, matière). Cette étape
participera à une réflexion plus générale sur l’élaboration d’un vocabulaire commun
spécialisé pour l’ethnomusicologie. Des liens entre les notices de la bibliothèque et celles des
archives sonores et audiovisuelles seront effectués afin de favoriser l’accès aux différents
documents.
Concernant les publications, il sera nécessaire d’effectuer un récolement des tirés à part
présents dans la bibliothèque du CREM, un inventaire rétrospectif et une mise à jour
systématique afin de s’assurer de la présence d’un exemplaire physique ou numérique de
l’ensemble des publications des membres de l’équipe, historiques et actuels. Cette entreprise
sera l’occasion d’initier une réflexion sur la gestion électronique des documents (GED) et de
mettre en place une politique à l’échelle de l’équipe, en lien avec la bibliographie des
membres proposée sur son site Internet.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
CENTRE ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE
EN ETHNOLOGIE AMERINDIENNE - EREA
Responsable : Valentina Vapnarsky
Membres statutaires permanents : Bonnie Chaumeil, Jean-Pierre Chaumeil, Isabelle
Daillant, Patrick Deshayes, Francis Dupuy, Philippe Erikson, Nicolas Journet, Sylvie Pedron
Colombani, Nathalie Petesch, Anne-Christine Taylor, Emmanuel de Vienne ; membre
étranger : Eduardo Viveiros de Castro
Le Centre EREA développera pour la durée du contrat 2014-2018 un certain nombre de
thématiques qui s’inscrivent dans le prolongement des recherches de la période précédente,
souvent en les consolidant par la mise en place de collaborations inter-institutionnelles et
internationales, soutenues par des financements externes. Ainsi, les recherches concernant
Ethno-histoires et Patrimonialisation (A) ont-elles abouti au projet Fabriq’am, avec
financement ANR, qui démarrera en 2013, et celles sur la Fabrique du politique (B) seront
élargies et renforcées par le GDRI APOCAMO, initié en 2012.
De façon générale, les recherches menées à l’EREA ont vivement contribué à structurer
thématiquement le projet du laboratoire, en particulier pour l’Axe 3 Communication,
cognition, savoirs où des chercheurs EREA animent Agentivité et intentionnalité et
participent de façon centrale à l’atelier Interactions et transmissions verbales et musicales,
l’Axe 4 Temporalités, Mémoire, historicités, où ils sont responsables d’Ethnohistoires,
patrimonialisation et politiques culturelles, et l’Axe 5 Religion et rituel, où ils animent
Processus de migrations, de diaspora et de globalisation du religieux. Des membres de
l’EREA participent à la coordination générale de chacun de ces axes. Les autres programmes
du Centre concerneront l’Anthropologie visuelle et numérique et l’Histoire de
l’Américanisme. Les thématiques telles qu’elles seront abordée au sein de l’EREA sont
détaillées à la suite.
La plupart des recherches des membres du Centre EREA seront effectuées en
collaboration avec le réseau des Associés du Centre, pour beaucoup des collègues étrangers
des grandes universités et institutions de recherche d’Amérique Latine (voir la présentation
faite dans le bilan). D’autres chercheurs associés, en France, spécialistes de l’aire et des
thèmes d’investigation de l’EREA, collaborent souvent de longue date et viendront renforcer
le réseau des interactions institutionnelles.
A) Ethnohistoire et Patrimonialisation
La fabrique des “patrimoines” : mémoires, savoirs et politique en Amérique indienne
aujourd’hui
(FABRIQ’AM), Programme ANR-CULT 2013-2016 (Axe 4)
Ce projet comprend deux partenaires le MASCIPO (CERMA) (porteur, coordination
A. Ariel de Vidas), et le LESC (EREA) qui en représente la part prépondérante en terme de
chercheurs (80%) et d’implication scientifique (coordination V. Vapnarsky).
La “mise en patrimoine” d’éléments culturels, matériels et immatériels, devient depuis
plusieurs années l’un des moyens par lesquels les groupes amérindiens recherchent une
visibilité et une reconnaissance dans un paysage social et politique marqué aujourd’hui dans
la plupart des pays américains par le multiculturalisme institué en mode de gouvernance. Les
phénomènes de patrimonialisation culturelle, amplement étudiés ailleurs (notamment en
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Amérique du nord) sont moins connus pour les espaces méso et sud américains et les
sociétés amérindiennes. En leur sein, les conceptions de ce qui doit être conservé ou être
oublié, les manières de transmettre les connaissances et les savoirs, les modes d’historicité
semblent bien souvent aller à l’encontre de l’idée même de la patrimonialisation telle qu’on
l’entend dans le monde europeano-centré. Par ailleurs, suivant des médiations et des formes
d’inculcation de schèmes formulées en dehors des sociétés amérindiennes, celles-ci
transforment aujourd’hui certaines de leurs pratiques quotidiennes en éléments d’un
patrimoine culturel objectivable, transmissible et conservable. Ces procédures sont
globalement liées à un discours procédant par objectivation, essentialisation et ethnicisation
des cultures indigènes.
Les formes de transmission mémorielle des sociétés amérindiennes et minorisées ont
alors une double dimension. D’une part, elles se construisent dans une matrice culturelle et
sociale locale qui leur est propre. D’autre part, elles sont aussi, pour beaucoup, désormais
investies au sein d’un monde globalisé en tant que ressources mobilisables pour conforter
une identité collective, voire de nouvelles formes d’indianité. L’analyse des configurations
patrimoniales que l’on peut observer sur le terrain demande alors une élucidation de ces
formes d’imposition et d’adaptation mais aussi la compréhension de la manière dont les
acteurs indigènes ont su, en retour, se réapproprier un droit à construire un discours propre
sur leur culture et à l’instituer comme source d’une affirmation identitaire.
Pour comprendre les diverses déclinaisons du processus de patrimonialisation culturelle
dans la trentaine de sociétés amérindiennes étudiées dans ce projet, l’enquête se développera
selon trois angles d’analyse complémentaires :
– les régimes de temporalité, d’historicité et de savoir ;
– la “fabrique” des patrimoines, leur construction sociale et leurs usages politiques ;
– les logiques institutionnelles et les formes locales de gouvernance multiculturelle.
Le projet, résolument comparatif, ne s’attachera pas à dresser une typologie des
similitudes et des différences entre les formes de mise en patrimoine mais plutôt à comparer
des représentations catégorielles, des cadres, des relations, des processus de construction de
sens et de composition des discours. À travers l’étude de la patrimonialisation culturelle,
prise comme révélatrice de jeux d’acteurs, de stratégies de définition de soi et de
construction du politique, l’enjeu est d’aborder deux phénomènes étroitement associés :
d’une part, il s’agit d’appréhender les modalités de l’insertion des sociétés amérindiennes
dans la modernité et leur capacité à l’investir, en mettant au jour les formes de cohabitation
et de composition de régimes de savoirs et d’historicité générés à travers la
patrimonialisation ; d’autre part, à travers l’analyse de ce processus, le projet entend éclairer
la genèse et des développements contemporains des configurations multiculturelles qui
caractérisent l’espace politique des régions méso et sud américaine.
Deux niveaux de comparaisons seront traités :
Le premier s’attachera à trois ensembles de cas, présentant des contrastes marqués (les
chercheurs de l’EREA concernés – statutaires et associés - sont indiqués entre parenthèses).
(1) Guyanes orientales : Wayana (Camargo, Collomb), Kali’na et Wayampi (Dupuy,
Collomb), Apalaï et Zoe’;
(2) groupes pano d’Amazonie occidentale : Cashinawa (Deshayes, Camargo), Shipibo,
Chacobo (Erikson) ;
(3) groupes mayas : Teenek ; Yucatèques et Itza’ (Vapnarsky) ; Tseltal (Figuerola,
Chosson) ; Tzutuhil considérés dans leurs aires d’origine au Mexique et au Guatemala et
dans leur migration aux Etats-Unis (Pédron Colombani).
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Le second ensemble de comparaison intègre des groupes permettant une appréhension
plus riche des phénomènes étudiés, par les variantes ou les points communs qu’ils présentent
avec les trois ensembles de cas principaux.
- en Amazonie brésilienne, péruvienne et équatorienne : groupes Apurinã, Manchineri
(Virtanen), Trumai (de Vienne), Awetí, Suruí, Karaja (Petesch), Tapirapé, Yalawapití,
Zapara (Bilhaut), Achuar (Carpentier), Quichua (Gutierrez Choquevilca);
- au Mexique : Nahua de la Huastèque, voisins des Teenek ;
- en Bolivie tant dans les Hautes Terres : Aymara, Uru, que dans les Basses Terres Chimane
et Moseten (Daillant), Yurakaré (Hirtzel).
- minorités métisses se construisant une identité “indienne” ou “quilombola” (cas des
ribeirinhos d’Amazonie).
L’analyse sera menée à partir d’enquêtes de terrain, d’analyse de données
ethnographiques et d’archives.
La “fabrique” des patrimoines : constructions sociales, usages politiques
Ce domaine de recherche (dont le responsable dans l’économie d’ensemble du projet
ANR est G. Collomb, IIAC, associé à l’EREA) s’inscrit aussi, pour les chercheurs et
doctorants de l’EREA qui y participent, dans l’Atelier thématique du projet de laboratoire
Ethnohistoires, patrimonialisation et politiques culturelles, que coordonnent V. Vapnarsky,
I. Daillant et S. Blanchy. Les recherches qu’il est prévu d’y mener s’attacheront à ce que
signifie “produire du patrimoine” ou “donner à voir sa culture” (les deux démarches restant
la plupart du temps étroitement liées), à travers l’observation de phénomènes (ou
programmes) de mise en musée, mise en spectacle, mise en image ou en écrit, ou de la
fabrication de “lieux de mémoire” et de “monuments” de toute nature. On analysera les
effets de ces opérations sur la culture des collectifs qui en sont à la fois agents et objets, et la
manière dont elles contribuent à remodeler les rapports sociaux entre ces groupes et leurs
extérieurs, mais aussi au sein des groupes concernés.
Ces travaux seront complétés par d’autres recherches s’interrogeant plus particulièrement
sur l’impact que peut avoir le global-politique sur les politiques nationales du patrimoine, et
sur la mise en œuvre de ces politiques dans les espaces locaux. Si l’essor des politiques
patrimoniales a historiquement été associé à la création des États nationaux, ces politiques
sont aujourd’hui redéfinies à l’échelle mondiale et orchestrées par des entités
supranationales. Le défi posé par la nécessité de comprendre l’impact des normes définies
par les instances internationales sur la “gouvernance” du patrimoine, et non sur des éléments
spécifiques, réside en effet dans l’adoption d’une approche capable d’analyser la fabrique du
patrimoine à ses différentes échelles. Le caractère innovant de cet axe du projet est donc
d’appréhender la patrimonialisation dans la complexité d’un réseau d’acteurs, normes et
institutions qui, retraçant les connexions entre ces contextes différents, permet d’aller au-delà
de la dichotomie global/local. La recherche sera centrée sur la Guyane française, le Brésil et
le Mexique.
Régimes de temporalité, d’historicité, de savoirs
Les travaux développés dans cette perspective (sous la responsabilité de V. Vapnarsky)
viseront à une compréhension des conceptions de l’histoire, de la transmission et de ce qui se
transmet au sein de différentes cultures et sociétés étudiées dans le projet, ainsi que de la
façon dont ces conceptions configurent et sont reconfigurées par les nouveaux processus de
patrimonialisation. Il y sera notamment développé une analyse ethnolinguistique,
pragmatique et cognitive, des discours indigènes dans toute leur épaisseur interactionnelle et
temporelle permettant de mieux saisir la variété de stratégies, réponses, résistances et
résiliences des sociétés amérindiennes face au changement culturel. Les résultats des
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
recherches contribueront plus largement à une meilleure compréhension des schèmes
d’élaboration de l’histoire et de conceptualisation de l’action, de l’événement, et du
changement (de ce qui peut constituer un fait mémorable ou une « nouveauté » et ce que l’on
en fait, des régimes d’énonciations et de transmissions des savoirs); ainsi que de leurs
manifestations variées suivant les contextes et pratiques auxquels ils sont attachés. L’analyse
des pratiques discursives, et des nouvelles formes d’écrits sera associée à celle des pratiques
rituelles, des objets et de leur destin, ainsi que des formes d’ancrage spatial de la mémoire et
de leur redéfinition au sein des mises en patrimoine de lieux mythiques ou ancestraux.
Dans le prolongement de l’Atelier Agentivité de la période précédente, et en articulation
directe avec la thématique du Projet FABRIQ’AM, une partie des recherches menées par les
membres du Centre EREA porteront sur l’agentivité historique. Ils articulent ensemble deux
Ateliers thématiques du projet de laboratoire (Ethnohistoires..., déjà mentionné, et Agentivité
et intentionnalité, coordonné par V. Vapnarsky).
Un projet franco-argentin a été soumis pour un échange CNRS-CONICET (Argentine), il
est en attente de résultat : Historicité, cosmologie et agentivité : Etude comparée des formes
et des espaces d’action des humains et non humains dans les conceptions historiques des
sociétés amérindiennes (2013-2014). Responsable pour la France : V. Vapnarsky.
Ce projet s’attache à analyser, à partir d’une perspective anthropologique et
ethnolinguistique, la façon dont les modes de construction de l’histoire, la cosmologie et les
conceptions de l’agentivité s’articulent au sein de sociétés amérindiennes. A fin comparative,
les sociétés étudiées se situent dans trois régions culturelles : le Grand Chaco, les Basses
Terres Amazoniennes, la Mésoamérique. A partir de données ethnographiques et
ethnolinguistiques, il s’agit de mieux comprendre les processus de construction de la
mémoire collective en décryptant les rôles qu’y jouent les formes spécifiques de relations et
d’attribution d’agentivité aux diverses entités du monde (humaines, non-humaines,
spirituelles ou mythologiques). L’analyse se consacrera à l’étude des interactions verbales et
non verbales, quotidiennes et rituelles, entre les humains et d’autres entités qui sont, ou non,
considérées comme des sujets, doués de propriétés agentives et d’intentionnalité. Ces entités
étant souvent ancrées à des espaces de la géographie terrestre et cosmique, il s’agira
également d’élucider les différentes façons dont événement et lieu, mémoire et territoire,
peuvent être co-structurés, dans le temps long de ce qui se transmet où celui plus émergent
de l’expérience. Pour cela, seront étudiés les liens entre d’une part, les expériences vécues
par les humains ou narrés à propos d’autres entités, et d’autre part les espaces transités,
utilisés et perçus. L’analyse entend ainsi contribuer à l’étude des schèmes culturels
amérindiens d’interprétation de l’expérience, passé et présente, en relation à leurs formes
d’expression.
B) La Fabrique du politique : Nouvelles formes de représentativité et positionnements
interethniques
Les dernières décennies ont vu surgir un phénomène sans précédent, dans l’histoire
coloniale et postcoloniale de l’Amérique du Sud, de participation et d’intégration de leaders
amérindiens à des fonctions gouvernementales décisives. Les recherches menées dans cet
atelier thématique interrogent les éventuelles transformations des conceptions indigènes du
politique qu’entraînent ces nouvelles formes de représentativité et d’implication politique, en
associant la réflexion aux questions d’inter-ethnicité. Elles se concentrent sur les basses
terres d'Amérique du Sud, depuis les régions péruviennes et colombiennes jusqu’aux
Guyanes, incluant ainsi des situations historiques et politiques contrastées.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Anthropologie politique contemporaine en Amazonie occidentale
GDRI APOCAMO (2012-2016), coord. J.-. Chaumeil (partenaires LAS, MAEE, EHESS,
Université Nationale de Colombie, Pontificia Universidad Católica de Lima)
Ce Groupement de Recherche International, réunit des chercheurs et enseignants
d’Universités du Pérou, de Colombie, ainsi que du LAS. Il a démarré en 2012 pour une durée
de quatre ans, sous l’impulsion de J.-P. Chaumeil qui en est son coordinateur (jusqu’en 2014,
puis sera remplacé par Ph. Erikson).
Les recherches entendent analyser de manière comparative le processus actuel - et en
partie inédit- de construction d'une représentativité politique indigène dans les basses terres
d'Amérique du Sud, en essayant de démontrer les spécificités propres à chaque pays ou
région et la façon dont s'y déplacent les frontières du politique aujourd'hui. En effet, depuis
au moins trois décennies, les sociétés indigènes d’Amazonie sont devenues des sujets actifs pour ne pas dire des acteurs de premier plan - sur l’échiquier politique des pays amazoniens.
Leurs revendications politiques trouvent également un large écho au niveau international. Ce
phénomène de « fabrication du politique », ou si l’on préfère de politisation du mouvement
indigène par les indigènes eux-mêmes, s’observe dans tous les pays andins avec des
particularités et des intensités différentes selon les cas. Ce projet a pour objectif d’analyser
de manière comparative ce processus de construction d’une représentativité politique
indigène en essayant de montrer les spécificités propres à chaque pays concerné (Pérou et
Colombie en particulier) et la façon dont s’y déplacent les frontières du politique aujourd’hui
et s’y recompose l’exercice de la démocratie.
Si la tendance générale est donc bien la participation du mouvement indigène au jeu
politique national, il n’en demeure pas moins que la réalisation d’un tel projet demeure
complexe. Les tentatives de récupération ou de corruption menées par les parties politiques
en place sont nombreuses, tout comme les tentatives de création et de financement
d’organisations indigènes parallèles sans représentativité pour affaiblir ou discréditer
politiquement les organisations existantes et légalement reconnues. Il y a là tout un domaine
d’études à développer pour comprendre ces processus dont l’importance est cruciale non
seulement pour l’avenir du mouvement indigène mais aussi pour saisir les mutations
actuelles du champ politique dans les pays andins.
Ce qui paraît en tout cas intéressant, et en partie inédit, c’est la façon dont les
communautés amazoniennes (au Pérou en particulier) parviennent à construire une
représentativité politique en s’engageant simultanément dans des processus électoraux très
officiels (mairie, représentation au Congrès, etc.), c’est-à-dire en se positionnant dans l’Etat et non plus face à l’Etat - tout en poursuivant dans des voies non gouvernementales et
activistes pouvant déboucher sur des orientations en tout point contraires à celles préconisées
par l’Etat. Cette tension entre ces différentes façons de produire du politique soulève de
nombreuses interrogations, en particulier : comment ces formes actuelles du politique se
construisent-elles en continuité (ou non) avec les modèles traditionnels des systèmes
politiques autochtones? Quelles sont les stratégies symboliques et pratiques que ces
nouveaux dirigeants mobilisent pour faire face à ces deux mondes, et pour légitimer leur
statut dans les deux référentiels?
Le programme APOCAMO, basé sur des travaux de terrains, sera organisé autour de
rencontres bisannuelles de l’ensemble des participants. Deux journées ont déjà eu lieu cette
année (à Lima en mai et à Leticia, Colombie en novembre) ; deux autres sont déjà
programmées pour 2013 (à Lima, et à Quito). Un colloque international final sera organisé
en France.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
L’inter-ethnicité dans les Guyannes
Coord. F. Dupuy, avec la collaboration de G. Collomb
Les recherches sur l’inter-ethnicité, notamment dans la région des Guyanes (Guyane
française et Surinam), abordent des questions de représentativité et d’implication politique
liées à celles du GDRI APOCAMO, mais dans une situation postcoloniale et sociopolitique
toute autre. En effet, la problématique de l’inter-ethnicité se décline dans les Guyanes à la
fois au sein des « Amériques noires » (communautés marronnes : les Boni ou Aluku de la
région du moyen Maroni, Guyane/Surinam, et les Ndjuka, de la région du Tapanahoni,
Surinam), au sein des « Amériques amérindiennes » (les Wayana de la famille caribe, région
du haut Maroni, Guyane), et entre « Amériques amérindiennes » et « Amériques noires ». Il
s’agira de comprendre la gamme des relations entre les communautés concernées
(complémentarité, hostilité), les différents regards croisés, la position changeante des
frontières ethniques (avec des logiques de proximité et de différenciation inverse de la
proximité culturelle) et les jeux d’opposition identité/altérité.
C) Dynamiques religieuses transnationales en Amérique latine (cf. Axe 5)
Responsable EREA : Sylvie Pédron Colombani
Le champ religieux latino-américain a connu de profonds bouleversements depuis une
cinquantaine d'années. Hégémonique depuis la fin du XVème siècle, le catholicisme a vu le
monopole confessionnel qu'il détenait remis en cause par le renouveau de cultes d'origine
africaine et la croissance rapide d’églises évangéliques. En quelques décennies, ces dernières
ont acquis une visibilité incontestable dans le panorama religieux. L’extrême diversification
interne au mouvement protestant évangélique lui donne les caractéristiques d’un ensemble
religieux multiforme très difficile à saisir dans sa globalité. Dans la continuité de leurs
travaux récents, plusieurs chercheurs de l’EREA situent leurs projets de recherche sur ce
terrain effervescent– voir aussi l’axe 5 du projet de laboratoire.
Le développement et l’impact des mouvements évangélistes constituent une première
piste de recherche. Ainsi, J.-P. Chaumeil poursuivra son étude sur l’expansion des églises
adventistes en Amazonie et sur les répercussions de leur implantation sur les nouvelles
formes de leadership indigène en Amazonie péruvienne. Il s’intéresse notamment à l’étude
de la nature du discours adventiste concernant les modèles du leadership, dominé par la
figure du "self made leader", où la loi de dieu remplace la loi de la communauté. En outre, il
s’agira de prolonger, avec P. Deshayes, ses recherches sur la religion Israëlita (voir bilan axe
4, et projet axe 5). De même, toujours en Amazonie, D. Jabin, se propose de porter une
attention particulière au contexte socio-historique ayant provoqué la rencontre des Yuqui
(Bolivie) avec les missionnaires évangélistes de la New Tribes Mission et à l’influence de
ces agents prosélytes au sein de la société yuqui. Il s’attachera en particulier à comprendre
les transformations suscitées par ce mouvement missionnaire sur le système d’esclavage
indigène, original en Amazonie, qui caractérise cette société.
Un autre phénomène qui sera abordé est celui de la diversification de l'offre religieuse,
avec l’introduction quasi simultanée d’une multiplicité d’Eglises évangéliques, et les
conséquences au niveau sociopolitique et des relations interindividuelles et interfamiliales.
Un tel morcellement des identités religieuses qui remet en question le principe l’unité de la
communauté villageoise peut être observé à Aguacatenango, village tseltal du Chiapas,
Mexique. M. Chosson, dans la continuité de son travail de thèse, analysera ce cas précis, et
en particulier le développement de conflits, parfois violents, qu’il a généré. A partir d’une
enquête de terrain centrée sur le point de vue des « traditionnalistes » –acteurs catholiques
pris dans le système traditionnel des charges liées aux confréries héritées de la colonie-, elle
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
entend éclairer les possibles mécanismes d'adaptation de ces derniers à ce nouveau contexte
socioreligieux.
La dynamique religieuse de l’Amérique latine ne se résumant pas à l’arrivée –ou à la
naissance autochtone- de groupes évangéliques aussi divers soient-ils, certains membres de
l’EREA cherchent à analyser les processus dynamiques de trans-localisation que des
religions connues comme « traditionnelles » (de racines indigènes) sont également en train
de vivre dans le contexte des flux globaux : S. Pédron Colombani coordonne sur ces
questions l’un des principaux ateliers thématiques de l’axe 5.
Ces divers travaux cernent les processus contemporains de redéfinitions identitaires dans
le contexte de la globalisation et de l’intensification de la circulation trans-territoriale des
adeptes, des spécialistes religieux, des rituels, des symboles et des croyances ; interrogeant
l’articulation complexe entre le local, le régional et le global. Ces perspectives seront
comparées dans le cadre de journées d’études organisées par l’EREA.
D) Cognition, communication, savoirs (cf. Axe 3)
Le Centre EREA joue un rôle majeur dans le développement des recherches en
anthropologie linguistique et cognitive au sein du laboratoire. Ces champs, qui furent
développés notamment dans le cadre du Programme Agentivité du précédent quinquennal,
seront renforcés grâce à l’intégration d’E. de Vienne (MCF en anthropologie cognitive).
Deux programmes sont proposés : le premier, Agentivité et intentionnalité : théories de
l’esprit et théories de la communication à l’épreuve de l’ethnographie, constitue une
nouvelle phase des recherches sur l’Agentivité, où cognition et pragmatique sont intégrées de
façon plus centrale, et associant de nouveaux participants du LESC ; le second, Les
dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativité, genres et styles,
renforce les collaborations entre chercheurs du CREM, du GERM et de l’EREA. Il s’intègre
aux thématiques de l’atelier Interactions et transmissions verbales et musicales de l’axe 3.
Agentivité et intentionnalité : théories de l’esprit et théories de la communication à
l’épreuve de l’ethnographie
Développé dans l’axe 3. Responsables : Valentina Vapnarsky et Emmanuel de Vienne, en
collaboration avec Michel de Fornel (EHESS).
Après avoir exploré la pluralité des dimensions sémantiques qui configurent un agent
(programme Agentivité de la période précédente), ce programme entend revenir sur
l’équation entre agentivité et intentionnalité, noyau dur de théories en psychologie cognitive,
pragmatique et anthropologie. Sans nier que la lecture des intentions soit une capacité
universelle ni qu’elle joue partout un rôle dans la communication, il vise à explorer les
variations interculturelles, mais aussi contextuelles, qui montrent que le couplage
agent/intention est loin d’être rigide ou stable.
Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativé, genres et
styles
Projet EREA/GERM dans le cadre de l’ANR DIADEMS, s’inscrit au sein de l’axe 3.
Responsable : Valentina Vapnarsky : collaboration mayaniste: A. Monod Becquelin,
A. Breton, C. Becquey (INALCO), M. Chosson
La collaboration entreprise avec les partenaires de l’ANR DIADEMS sur le traitement
sonore informatisé, est l’occasion de développer l’étude du vaste corpus de discours rituels
mayas recueilli par des membres du LESC depuis plus de 40 ans. Ces discours présentent
des caractéristiques de chanté parlé ; le présent projet en propose une analyse des dimensions
prosodique et plus largement sonores. Celle-ci, qui a peu fait l’objet d’attention des
chercheurs jusqu’à présent, est essentielle sur plusieurs plans. Elle permettra d’offrir des
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
éléments de compréhension nouveaux quant aux qualités performative de ces discours au
sein de l’interaction verbale rituelle dont ils sont constitutifs, ainsi que du point de vue
stylistique et démarcatif des genres de discours mayas.
Les points de recherche développés à partir de l’analyse sonore du corpus seront les
suivants :
a/ Caractéristiques sonores des chanté-parlé ou dictions rituelles cantilées de chacun des
grands genres du corpus (dialogues rituels -passation de charge --, prières de guérison,
prières agricoles invoquant les esprits-gardiens, épopée) ;
b/ rôle de la prosodie et des variations sonores d’un point de vue pragmatique et performatif :
lien avec le déroulement de l’action rituelle et la transformation du contexte ;
c/ rôles de la prosodie et des variations d’intonations, de débit, de rythmes, d’accents, de
contours, de tons de voix (type falsetto) etc. en tant qu’éléments démarcatifs entre genres du
discours, et de styles au sein d’un même genre d’un point de vue rhétorique et esthétique ;
d/ élucidation des critères sonores impliqués dans la reconnaissance par les Mayas euxmêmes des genres et des styles personnels, en dehors des indices du texte ;
e/ comparaisons des caractéristiques entre langues mayas ;
f/ comparaisons des caractéristiques au cours du temps (transformation des genres); et
parfois au cours de la vie même d’un orateur (évolution stylistique) (ex. évolution sur une
trentaine d’années des styles des pat’o’tan du tseltal) ;
Le corpus est composé de 50 h. de discours rituels dans cinq langues mayas (maya tseltal,
ch’orti, k’iche’, chol, yucatèque) par différents locuteurs et pour différents rituels dans le
cadre d'une même langue, enregistrés des années 1970 à nos jours dans différentes régions
du Mexique et du Guatemala.
E) L’Américanisme en question
Histoire de l’Américanisme
Responsables : Jean-Pierre Chaumeil, en collaboration avec Pascal Riviale
Les recherches en sciences humaines reposent essentiellement sur les enquêtes de terrain
et sur les analyses qui en sont faites, mais elles font aussi nécessairement référence aux
travaux antérieurs et se positionnent vis-à-vis de ces derniers. Il paraît dès lors primordial de
saisir dans quel contexte ont été effectuées ces études, quels en ont été les modes opératoires,
les schémas interprétatifs, etc. L’analyse critique des sources premières permet souvent de
capter un « arrière-plan », et des informations fondamentales n’apparaissant pas dans les
versions publiées. Ce programme, par une mise en perspective épistémologique,
historiographique et iconographique, propose un travail d’interrogation des sources,
d’identification, d’interprétation et de relecture des écrits produits dans le champ
américaniste.
Ce projet prolonge des recherches réalisées dans le cadre de deux programmes de
coopération scientifique internationale France-Espagne (PAI « Histoire de la constitution
d’une communauté américaniste », puis PICS n°3070 « Les Sentiers Iconographiques :
production des images dans les Amériques du XVIe siècle au début du XXe (Mésoamérique,
Pays andins, Amazonie, sous la responsabilité de J.-P. Chaumeil et F. Del Pino). Chacun a
donné lieu à la tenue d’un colloque international (dont les actes ont été tous les deux publiés
en 2005 et 2009). Les membres du Centre EREA ayant jusqu’ici animé ces programmes de
recherches poursuivront leurs investigations en développant une réflexion historiographique
sur les origines et les évolutions de la recherche américaniste (tant en anthropologie qu’en
archéologie, histoire et géographie). Les recherches auront pour objectif d’interroger la
chaîne opératoire du savoir, au travers de ses différentes étapes, ainsi que ses diverses
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
applications (la collecte des informations, l'exploitation des résultats, les systèmes de
représentation des cultures indigènes et métisses). D. Jabin s’associera à cet axe en
approfondissant ses recherches sur les travaux anthropologiques menés en Bolivie orientale
au milieu du XXe siècle.
Faisant suite à de récentes publications (dont l'Atlas Geográfico del Perú, eds. J.-P.
Chaumeil, J. M. Delgado, avec la collaboration de P. Riviale), d’autres sont en cours
d’avancement, en particulier : le Guide historique des photographies amazonienne au Perou
1860-1950 (Chaumeil et Juan Carlos la Serna, historien de l’UNMSM) ; et l’édition du
Journal de Théodore Ber au Pérou (1864-1896). Coédition Ginkgo-Ville de Figeac
(Riviale).
Alfred Métraux : Relectures transatlantiques [PICS]
Responsable : Philippe Erikson
En prévision du cinquantième anniversaire du décès d’Alfred Métraux (1904-1964),
Ph. Erikson a élaboré un projet de recherche regroupant un groupe de chercheurs émanant
des pays où il est né (Suisse), où il a travaillé (France), et où il a enquêté (Argentine,
Bolivie). L’objectif en serait non seulement de rendre hommage à la mémoire de Métraux,
figure majeure de l’américanisme du XX° siècle, mais encore remettre à l’ordre du jour
certaines des thématiques qui lui étaient chères, notamment les questions liées au
messianisme, aux spécificités du chamanisme amérindien, et à la nécessité d’envisager les
ressemblances autant que les différences entre les sociétés de l’Amazonie et du Chaco, en
dépit des contrastes environnementaux entre les milieux dans lesquels elles évoluent.
Jusqu’ici, on a surtout retenu le volet empirique des travaux de Métraux, la figure de
Métraux ethnographe l’emportant nettement sur celle de Métraux théoricien. Malgré la
postérité qu’il a pu avoir à travers les œuvres d’éminents chercheurs tels P. Clastres ou
L. Sebag, tout se passe comme si la vague structuraliste avait en quelque sorte occultée les
traces de Métraux. Un demi-siècle après, on s’aperçoit pourtant qu’une partie importante de
la recherche américaniste contemporaine redécouvre, sans toujours s’en rendre compte,
certaines des pistes qu’il avait jadis ouvertes.
La demande de PICS déposée au CNRS a récemment été acceptée (fin 2012).
F) Anthropologie visuelle et numérique
Responsable : Patrick Deshayes
Plusieurs chercheurs de l’EREA développeront leur travail et réflexion sur
l’anthropologie visuelle, et initieront un nouveau chantier sur l’anthropologie numérique
visuelle.
En effet, le numérique sous toutes ses formes a bouleversé l’anthropologie visuelle. La
circulation des images via le web ; la facilité à produire des images et des sons à l’aide de
petites caméras voire des téléphones portables, ainsi que la diffusion dans « l’immédiateté »
que permettent ces techniques récentes, viennent modifier les méthodes de travail du
chercheur et soulever de nouvelles question sur le statut de l’image, du point de vue tant de
l’argumentation scientifique que de l’utilisation par les sujets filmés. Une réflexion sur
l’importance croissante de l’audiovisuel en anthropologie a conduit P. Deshayes à présider
deux rencontres de films de chercheurs sur l’esclavage ainsi qu’à participer aux journées
d’études internationales sur liens et hyperliens en Oralité, en y questionnant la posture et les
enjeux épistémologiques de l’anthropologie visuelle : il projette de poursuivre sa réflexion
dans le cadre du séminaire « L’Amérique pour l’image et par l’image », qu’il organise (en
collaboration avec H. Figuerola) au Musée du quai Branly. Le projet est de faire de ce
séminaire une extension des Rencontres de film de chercheurs.
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UMR 7186 – vague D, campagne d'évaluation 2012-2013, projet de laboratoire 2014-2018
Par ailleurs, P. Deshayes et C. Crauste participent à l’élaboration d’un projet d’ANR dont
le but est de concevoir un Observatoire « Mémoires Visuelles » (MSH Paris Nord, porteur
du projet ; Partenariat LESC ; LAVUE ; INA ; Lhivic/EHESS ; Médiation, Communication,
Information ; CEMTI EA Paris 8 ; UQUAM/LAVAL/UQAC Québec) 4. Le projet
« Mémoires Visuelles » a pour objet la production d’images vidéo liée aux mobilisations
sociales contemporaines. Ses finalités sont le recensement, l’analyse des usages, la
documentation et l’archivage-catalogage de ces vidéos. Les outils qui seront développés sont
un site collaboratif, une vidéothèque en ligne, des instruments d’écriture visuelle en ligne et
un dispositif de stockage et catalogage de masse. Le projet mobilise donc plusieurs
disciplines notamment l’anthropologie politique, l’anthropologie visuelle, les sciences de
l’information et de la communication. L’apport des chercheurs EREA du laboratoire sera
principalement de deux ordres : d’une part, ils développeront une recherche à partir de
l’image sur les nouveaux phénomènes sociaux en Amérique Latine (par exemple, la relation
des révoltes des mineurs andins avec les nouvelles formes de construction politicoreligieuses). D’autre part, et plus amplement, leur contribution portera sur la manière de
constituer des accès « intelligents » et analytiques à ces nouvelles sources d’enquêtes.
Enfin, un projet sur l’impact de l’image en particulier cinématographique dans la
construction ou la reconstruction de l’histoire sera développé, avec pour sujet le mouvement
religieux « Israelitas » (Chaumeil, Deshayes). Une démarche similaire sera poursuivie dans
le cadre de l’ANR Fabriq’am, où s’ajoute une réflexion sur la production de films par les
Amérindiens eux-mêmes, qui résulte tant de processus de réappropriation de leur histoire,
face aux anthropologues notamment, que de réponses diverses aux dynamiques
patrimonialisantes (Deshayes, Pétesch, de Vienne).
G) Moyens
Le Centre EREA a intégré depuis l’été 2012 un nouvel enseignant-chercheur du
département d’ethnologie de l’UPO (E. de Vienne), et quatre post-doc et associés sur
programme (A. L. Gutierrez Choquevilca, MC à l’EPHE ; V. Hirtzel, post-doc Lelong ; A.
G. Bilhaut post doc à l’Université de Liège ; O. Allard, ATER à l’Université d’Amiens).
Pour la période 2014-2018, deux départs à la retraite de membres CNRS sont prévus,
celui de Jean-Pierre Chaumeil, directeur de recherche, et de Bonnie Chaumeil, ITA. J.-P.
Chaumeil ayant demandé son éméritat, il devrait pouvoir poursuivre ses activités de
recherches dans ces conditions. Le départ en mai 2014 de Mme Chaumeil, seule ITA de
l’EREA, entraînera quant à lui un réaménagement certain de l’organisation des tâches de
secrétariat scientifique et d’accueil des étrangers, de documentation et d’administration
qu’elle y assure depuis plus de 30 ans. Certaines fonctions devraient pouvoir être
mutualisées, mais pas avec la même facilité tant que l’EREA sera sur un site éloigné de
Nanterre (voir infra). Nous espérons que ce départ à la retraite puisse être néanmoins
l’occasion d'effectuer une conversion de poste pour répondre à un nouveau besoin de
documentaliste en Archivage audio/vidéo (voir infra Projet Archivage). Une demande de
recrutement IE a été présentée en ce sens par le laboratoire dans la demande de moyens pour
2013.
4
USR (MSH Paris Nord) porteur, hébergeur, soutien technique ; UMR 7218 Laboratoire Architecture
Ville Urbanisme Environnement ; UMR Laboratoire Ethnologie et Sociologie Comparative ; Institut
National de l’Audio VisuelNA pour archivage ; Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine
(Lhivic/EHESS) ; Médiation, Communication, Information, Art (EA 4426) ; Centre d’Etude sur les
Médias, les Technologies et l’Internationalisation (CEMTI EA Paris 8) ; Centre interuniversitaire de
recherche sur les lettres, les arts et les traditions (Québec UQUAM/LAVAL/UQAC).
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Installation du Centre EREA à Nanterre
Il est prévu que le Centre EREA rejoigne le campus de Nanterre, au sein du nouveau
bâtiment SHS construit par l’université, où les unités de la MAE (dont le LESC) se
partageront un étage. La livraison de ce bâtiment est prévue pour 2015. L’installation de
l’EREA sur le site de Nanterre devrait rendre plus aisée la mutualisation des postes
d’ingénieurs, et permettre un meilleur échange entre les collègues et étudiants des
composantes du laboratoire. Il facilitera également le déroulement des programmes de
recherche communs.
Le déménagement de l’EREA implique non seulement le déplacement des bureaux des
chercheurs, mais aussi de son fonds bibliothécaire/documentaire. Celui-ci se trouve
actuellement à la bibliothèque AGH ; son système séparé de cote devra permettre une
extraction facile. Il couvre 300 m. de rayonnage, à réinstaller dans les nouveaux locaux.
Consolidation de l’archivage audio/vidéo et constitution et traitement d'une base de
données à partir de corpus oraux en langues amérindiennes
Le Centre EREA du LESC cherche à développer depuis plusieurs années la constitution
d'une base de données audio et audiovisuelles avec les données ethnographiques de ses
chercheurs. Ces données, d’une richesse majeure, concernent des pratiques et des langues,
parfois éteintes ou en voie de disparition, de nombreuses sociétés amérindiennes. Or, faute
de moyens humains, ce projet n’a pu aboutir. Le poste IE demandé permettrait de mettre en
place, en collaboration avec V. Vapnarsky, une telle base de données, consultable par des
publics experts ou plus largement dans le domaine de l’ethnologie, de l’ethnolinguistique et
la linguistique et de sciences humaines connexes. Cette initiative exceptionnelle en France
dans le domaine de l’ethnologie pourrait être étendue, dans les années suivantes, pour
intégrer les corpus oraux recueillis par d’autres membres du LESC et éventuellement
d’autres chercheurs. Le projet sera élaboré en tenant compte des systèmes d’archivages de
corpus oraux existant, tel que celui du CRDO, Cocoon (Adonis), ou Pangloss du Lacito.
L’implication de l’EREA au sein du consortium IRCOM vient soutenir le développement
d’un tel projet.
Numérisation et archivage d’autres Fonds
Le Centre EREA continuera à alimenter son fonds propre de documentation. Le centre
souhaite également réaliser la numérisation et l’archivage de matériaux de première mains
de ses chercheurs (notamment pour la conservation de diapositives et photos de terrain des
années 1970 à 1990) ainsi que celle de deux fonds dont il est dépositaire : celui de Bernard
Lelong constitué d’ouvrages (déjà référencés), de photographies et de films sur les Lamista
(à numériser), et celui de Mireille Guyot constitué de carnets de terrain, de notes et de
bandes magnétiques sur les Bora mirañ (Amazonie, Colombie, Pérou). Une série de 900
diapositives sur les Wayana (Guyane française) doit aussi être archivée. Ces fonds pourraient
se greffer à terme au grand fonds d’archives de la bibliothèque E. de Dampierre du LESC.
La réalisation de ce programme dépendra notamment des moyens en personnel mis à
disposition.
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GROUPE D’ENSEIGNEMENTS ET DE RECHERCHE
SUR LA MESOAMERIQUE - GERM
Le GERM, Groupe Enseignement et Recherche Maya, devient le Groupe
d’Enseignements et de Recherche sur la Mésoamérique
Responsable pour le laboratoire : Valentina Vapnarsky
A) Projets généraux
Le GERM poursuivra son élargissement pour s'affirmer comme un groupe de recherche
sur la Mésoamérique et non plus centré principalement sur l’aire maya. Il s’agit de mieux
comprendre ce qui confère à la Mésoamérique une certaine unité culturelle, au-delà et avec
les liens variés de contraste et de continuité que chaque groupe culturel entretient avec ses
voisins ou d’autres plus lointains. La perspective de recherche reste essentiellement
pluridisciplinaire, et anime des ateliers thématiques faisant collaborer ethnologues,
(ethno)linguistes, sociologues, archéologues, historiens, épigraphistes, géographes. Le
GERM, qui regroupe des membres de plusieurs laboratoires français (LESC, ArchAm, LAS,
MASCIPO, ILPGA, CELIA/SeDyl, Université Paris 8, Musée du Quai Branly,) et entretient
des échanges soutenus avec des institutions de recherche du Mexique et du Guatemala,
entend accroître la représentativité de certaines disciplines en son sein, telles que l’histoire et
la géographie.
Le GERM sera coordonné durant les prochaines années par trois chercheurs : Valentina
Vapnarsky, chercheur mayaniste en ethnolinguistique (EREA-LESC), Philippe Nondédéo,
archéologue sur l’aire maya (laboratoire Archéologie des Amériques, ArchAm), et Perig
Pitrou, anthropologue sur le Mexique central (LAS). S’ajoute Marie Chosson, jeune docteur
en ethnologie avec visée ethnohistorique (post doc associée EREA) qui s’occupera
notamment de la relation avec les étudiants et post-docs ainsi que de la visibilité des activités
de recherche.
Plusieurs ateliers, présentés plus bas, démarreront courant 2013 et se poursuivront après
2014, notamment : « Frontière temporelles », « Récits bibliques et narrations indigènes en
Mésoamérique », « Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie,
performativité, genres et styles »,
« Le dindon en Mésoamérique. Approches
anthropologiques, ethnohistoriques et archéologiques ». Ils donneront lieu à plusieurs
journées d'études ; des colloques internationaux et publications sont également prévus. Sur le
modèle des activités précédentes du GERM mayaniste, ces rencontres seront l'occasion
d'inviter des collègues internationaux des diverses disciplines, et accorderont une importance
significative à la comparaison thématique hors de la Mésoamérique.
Par ailleurs, le GERM qui, malgré ses nombreux travaux collaboratifs (ACI, colloques,
publications) et sa reconnaissance internationale, s’est toujours présenté comme un groupe
informel, projette dans un futur assez proche d’affermir son statut et ses liens étroits avec
plusieurs institutions mésoaméricaines (UNAM, CIESAS, CEMCA, Universidad Rafael
Landivar, etc.) par une demande de GDRI, ou de groupement institutionnalisé d'ordre
similaire.
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Enfin, les activités de formations se poursuivront, notamment dans le cadre du cursus
maya pluridisciplinaire de l'INALCO (voir GERM, au sein du bilan du laboratoire) où, après
avoir œuvré plusieurs années en ce sens, il est espéré obtenir un poste d’enseignantchercheur statutaire. Après le succès de la session 2012, les enseignants mayanistes de
l’Inalco prévoient également de développer les stages intensifs (langue/culture/ épigraphie),
ce qui requerra la mise en place de financements récurrents pour la venue d’enseignants
mayas du Mexique ou du Guatemala (collaborations avec l’Institut Culturel du Mexique,
l’Institut des Amériques, etc.). Ces stages sont l’occasion de toucher un plus large ensemble
d’étudiants mais également de diffuser un savoir solide à des publics plus amateurs. Plus
généralement, le GERM continuera d’encadrer les étudiants de master et doctorat et de les
intégrer aux activités de recherche.
B) Ateliers de recherche (sélection)
Frontières Temporelles
Dans le prolongement de la réflexion menée au sein du séminaire « Frontières Epaisses »
de la période précédente (voir section GERM du bilan du laboratoire), il s’agira de
s’interroger plus spécifiquement sur la nature de ce qui configure des frontières temporelles,
et peut opérer comme déclencheur de changement catégoriel, qu’il s’agisse de temporalités
(cycles, périodes, phases, événements…) ou de catégories autres, informées par les attributs
et les décours temporels où elles s’inscrivent.
Partant d’une notion de frontière d’épaisseur variable et de composition hétérogène, les
qualités de porosité, déplacement, passage aller ou aller-retour, soumises à l’analyse pour
rendre compte de ce qui délimite les catégories, ont conduit à concevoir ces dernières en
terme d’états (état d’avoir ou de manifester telle ou telle propriété, essentielle ou accessoire),
que l’on pénètre ou d’où l’on sort, de façon inéluctable, provisoire ou liminaire, et le plus
souvent par transformations complexes et étirées (voir Ateliers d’Anthropologie, n°37,
« Frontières Epaisses », dir. A. Monod Becquelin). La frontière catégorielle définie en
termes de changements d’état, ou de devenir, saisis dans la durée, il reste à comprendre le
vaste éventail de chronotypes, de schèmes processuels et évènementiels susceptibles
d’opérer de tels changements et ainsi d’animer et le temps et les choses et leurs qualités :
évènement ponctuel, singulier ou pris dans une itération, définissant éventuellement une
cyclicité ; déroulement processuel, continu ou progressif ; phases d’anticipation, de
projection, de rétrospection ou d’achèvement, etc. Ce travail d’irisation temporelle de ce qui
constitue des « moments charnières » s’appliquera à différentes échelles, depuis l’histoire et
ses périodes ou cycles, qu’elle soit envisagée du point de vue emic des sociétés indigènes ou
etic des archéologues et ethno-historiens ; jusqu’au temps des activités, interactions, paroles
et comportements du quotidien et de leurs mutations brusques ou progressives au cours des
cycles diurne et nocturne. Il s’agira ainsi d’aborder d’un regard nouveau des notions
fondamentales de l’historicité et du vécu des sociétés mésoaméricaines : crises, ruptures,
début et fin de cycles, fondations, … et, ce faisant, de (ré)analyser des frontières élaborées
culturellement telles que le wayeb maya, les mythes de l’aube, les rites de fondation, les
mises en mouvements de figures d’autorité, etc. L’analyse s’attachera également à mieux
comprendre les modalités (du discours, des gestes, de disposition et mouvement des objets et
des corps...) de création de l’espace-temps rituel, ainsi que les articulations entre des rites
distancés dans le temps, mais s’intégrant à des séries ou cycles rituels majeurs, et déployant
une ample progression temporelle et transformationnelle sous-jacente.
Ces travaux seront étroitement liés à ceux développés dans l’atelier Anthropologie de la
nuit du laboratoire (axe 4), qui s’attache aux transformations suscités par les phénomènes de
nocturnité (c’est-à-dire la pénétration d’objets diurnes dans l’ensemble nocturne et
réciproquement), et à ceux menés dans le cadre de l’ANR Fabriq’am sur les régimes
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d’historicité des sociétés et cultures Amérindiennes (définition des évènements mémorables,
cadres temporels).
Récits bibliques et narrations indigènes en Mésoamérique
Les mythes racontés au sein de sociétés mésoaméricaines contemporaines renvoient
souvent à des épisodes bibliques de l'ancien ou du nouveau testament. Des fragments de ces
textes apportés par les évangélisateurs s'imbriquent dans des récits où des héros culturels
mésoaméricains sont assimilés aux héros culturels bibliques (divinités, saints, prophètes...),
des personnages bibliques sont renommés selon une nomenclature autochtone ou des
épisodes miraculeux de part et d'autre trouvent des similitudes frappantes. Les mythes
mésoaméricains contemporains sont évidemment le reflet de croyances déjà inscrites dans
plusieurs traditions religieuses. Plutôt que de quêter les analogies entre les discours et récits
de chaque tradition, il s’agit de tenter de saisir les processus d’attribution – en étroite relation
avec le social – de nouveaux sens et contenus aux mythes mésoaméricains. Qu’a-t-il été
reconnu de « bon à penser » dans les récits bibliques, pour qu‘ils aient pu si bien s’entrelacer
aux mythes locaux ?
Les dimensions sonores des discours rituels mayas : Prosodie, performativé, genres et
styles
Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre ethnologues,
ethnolinguistes et ethnomusicologues. Elle sera réalisée en partie au sein de l’ANR Diadems
(2013-2016), et se trouve décrite de façon plus détaillée dans la section 3.4 du projet du
laboratoire (Changements de rythmes) ainsi que dans le projet du Centre EREA. Les
chercheurs mayanistes du LESC y participeront selon des modalités diverses (Alain Breton,
Aurore Monod Becquelin, Valentina Vapnarsky, associé : Helios Figuerola, jeune docteur :
Marie Chosson).
Le dindon en Mésoamérique. Approches anthropologiques, ethnohistoriques et
archéologiques
En s’appuyant sur des travaux anthropologiques récents consacrés aux relations que les
humains établissent avec leur environnement naturel et avec les animaux, cette journée
d’étude entend réfléchir à la place occupée par le dindon – animal mésoaméricain par
excellence –, dans les sociétés amérindiennes, depuis la période préhispanique jusqu’à nos
jours. Les analyses chercheront à mettre en relation de façon systématique des ordres de faits
tels que la mythologie, le rite, les techniques et pratiques de domestication et de soin, les
discours et les représentations, notamment pour mieux saisir la spécificité du dindon par
rapport à d'autres volatiles. Dans cette perspective, des données ethnographiques,
archéologiques, ethnohistoriques et ethnolinguistiques seront mobilisées pour favoriser un
dialogue pluridisciplinaire et peut-être également pour engager une réflexion comparatiste à
l’échelle du continent américain.
L’ensemble de ces ateliers de recherche feront l’objet de journées d’études, dont les
premières sont prévues en 2013.
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