La fabrique réactionnaire antisémitisme, spoliations et corporatismes dans le cuir. 1930-1950.
Copyright © La Cliothèque 3/3
juifs pour beaucoup, suscite des réactions antisémites que l’arrivée de Vichy institutionnalise. Les
responsables des syndicats patronaux de la branche profitent de cette aryanisation économique
pour éliminer leurs concurrents et réaliser à leur profit une spoliation. Florent le Bot en démonte
ainsi le mécanisme impitoyable, destiné clairement à éliminer une population qui ne semble pas
avoir manifesté d’autre défaut que son acharnement au travail.
L’aryanisation du secteur
L’aryanisation du secteur
Toutefois, malgré le zèle des français, le processus de spoliation et d’aryanisation semble avoir été
conduit, en zone occupée tout le moins, directement par les services allemands. Pourtant, et sans
doute dans une tentative de garder la main sur le processus, les services de l’État, mettent en
œuvre au niveau du ministère de la production industrielle, une structure de pilotage dirigée par
Yves Regelsperger, ancien administrateur de la Banque de France.
La structure est très professionnelle et les comités d’organisation permettent de mettre en place
des administrateurs d’entreprises « juives », eux-mêmes issus de la « famille » du cuir. On imagine
sans peine les intérêts puissants qui pouvaient animer ces individus.
Toutefois, dans cet océan de bassesses et d’intérêts particulier, on pouvait aussi rencontrer des
« justes », comme cette Mlle Renault, qui a pris en charge les intérêts de Jacobsen Zélick, fourreur
à Béthune, qui a caché sa petite fille de trois ans, la faisant ainsi échapper à la déportation. La
lettre de Jacobsen au ministère des finances en date du 21 août 1945, fait l’éloge de cette
administratrice provisoire.
Toutefois, pour ce qui concerne la grande entreprise Bata, le processus d’aryanisation a été conduit
directement pas les autorités allemandes. L’origine tchèque de ses fondateurs, et son implantation
sur tous les territoires occupés, Grand Reich compris, en faisaient une proie rêvée pour les
allemands.
Restitutions et restructuration
Restitutions et restructuration
La dernière partie de l’ouvrage évoque comment, dans le cadre des restitutions, cette branche
d’activité a été de fait restructurée. Les disparitions de familles, les départs volontaires des
survivants, n’ont pas permis à cette nébuleuse de petites entreprises de subsister. Peu à peu, les
mécanismes de concentration se sont mis en place pour aboutir à une restructuration du secteur au
profit des plus grandes. La pénurie de cuir après guerre, l’inflation des années quarante portent un
coup fatal aux PME du secteur. Ce processus se traduit par une mutation radicale que les
historiens de l’économie apprécieront. On passe ainsi d’une économie de l’offre, où la qualité crée
les débouchés, à une économie de la demande où l’on doit sans cesse conquérir de nouveaux
marchés. À cette égard, l’étude exhaustive de Florent Le Bot mérite certainement d’être
appréhendée comme une contribution majeure à l’histoire économique. Elle est également riche de
sources précises et de documents, comme celui-cité plus hait, qui montre comment, l’occupation
ne s’est pas limitée à ses aspects répressifs sur le terrain politique, mais a également permis aux
chefs d’entreprises, aux responsables de syndicats patronaux d’en tirer avantage. Les services de
l’Etat vichyste ont également été partie prenante du processus et ont donc, de ce point de vue
participé à ce pillage en règle que les autorités d’occupation ont mis en œuvre dans les territoires
qui étaient sous leur contrôle. Le secteur français du cuir pouvait alors susciter des convoitises, en
raison de la réputation de qualité qui était la sienne. On se souvent de l’intérêt de Rommel tenant
à offrir des chaussures de Paris à son épouse, en même temps que se préparait le débarquement de
Normandie. Dans le même temps, les grandes entreprises du secteur comme Bata pouvaient être
placées sous contrôle du Reich dans le cadre d’une démarche dirigiste qui cohabitait avec une
perception plus libérale de l’économie dont le patronat allemand bénéficiait, dès lors qu’il mettait
ses capacités productives au service du IIIe Reich.
© Clionautes - Bruno Modica