SPEECH/98/222
Yves-Thibault de SILGUY
Membre de la Commission responsable des affaires économiques,
monétaires et financières
L'euro est une opportunité pour la
Chine
Séminaire euro organisé par la Banque de Chine
Pékin, le 30 octobre 1998
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Dans deux mois l’Europe, première puissance commerciale du monde, aura sa
monnaie, l’euro, qui deviendra aussi une grande monnaie internationale.
C’est pour moi un honneur et un plaisir de pouvoir vous rencontrer en ce moment
historique. L’euro aura des effets concrets importants pour les européens car il est
le complément indispensable du marché unique.
Par ailleurs, sa naissance constitue une étape nouvelle et essentielle pour la
construction européenne. Au-delà, son avènement concerne également tous les
partenaires de l’Europe.
Elles doivent la saisir, dans le cadre d’un partenariat renforcé, afin de rechercher
plus de stabilité dans le système monétaire international.
Ce sont les deux aspects que je souhaite développer dans cet exposé.
I. L’arrivée de l’euro est une opportunité pour l’Europe et pour la Chine
A. L’euro, une monnaie pour l’Europe
L’euro est là, et son introduction se réalise sur des bases solides. Quelles en
seront les conséquences pour l’Europe ?
1. Tout d’abord, l’euro est la consécration d’un long processus. Ce n’est pas un
saut dans l’inconnu. Aujourd’hui, tout est prêt pour une transition sans heurt.
La convergence économique entre les Etats membres de l’Union européenne a
permis d’atteindre les objectifs de stabilité des prix, de rigueur budgétaire et de
poursuite du désendettement des Etats. L’assainissement des finances
publiques sera pérennisé grâce au pacte de stabilité et de croissance conclu
entre les Etats membres. Celui-ci fixe, en effet, comme objectif à l’horizon 2002,
l’équilibre des finances publiques.
Le cadre juridique de l’introduction de l’euro est en place depuis juillet 1997. Il
apporte une totale sécurité à ses utilisateurs et garantit la continuité des
contrats, la conversion à parité de l’écu vers l’euro ainsi que les règles
applicables en matière d’arrondis. Il s’appliquera naturellement à l’Union, mais
aussi aux pays tiers, en vertu du principe international, «aucun Etat ne légifère
sur la monnaie d’un autre Etat». Les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont
installé la Banque Centrale Européenne, le 1er juin 1998, à Francfort. Elle
gérera la zone euro pour garantir la stabilité, condition nécessaire à des taux
d’intérêts durablement bas.
L’euro est déjà bien accueilli par les marchés. J’en veux pour preuve le
dynamisme des émissions d’emprunts en euro et la remarquable stabilité des
monnaies européennes, malgré la tourmente financière actuelle. L’euro
possède ainsi dès sa naissance, les atouts nécessaires pour être une monnaie
stable et crédible.
Mais l’euro est important pour l’Europe à un autre titre.
2. L’euro représente, en effet, un progrès important pour la construction
européenne. Il est le complément indispensable du marché unique, qu’il permet
de renforcer.
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L’objectif de libre circulation des personnes, des biens, des services et des
capitaux à l’intérieur de l’Union est aujourd’hui globalement atteint. Les réformes
structurelles concernant l’harmonisation des réglementations en matière
d’emploi et de fiscalité sont en cours. Elles seront accélérées par l’effet
intégrateur de l’euro.
L’utilisation d’une même monnaie et la transparence accrue qui en résultera,
notamment pour les prix, inciteront à la poursuite du rapprochement des
économies et des réglementations européennes. Cet approfondissement de
l’intégration européenne, permettra à l’Union de consolider son unité
économique, monétaire et politique.
L’Europe subit ou ressent, comme tout un chacun, les perturbations actuelles du
système financier international. Mais elle souhaite travailler à l’établissement
d’un nouvel équilibre mondial. Elle y contribue, aujourd’hui, en jouant son rôle
pour alimenter la croissance, puisqu’elle connaîtra en 1999 et en 2000 une
croissance supérieure à celle des Etats-Unis et du Japon. Les avantages de
l’euro débordent le territoire européen.
B.L’euro représente une opportunité pour la Chine tant sur le plan
commercial que de sécurité financière
1. Un débouché commercial important
La Chine est le 3ème client non européen de l’Union, après les Etats-Unis et le
Japon. L’Union est le quatrième fournisseur de la Chine après le Japon, Hong-
Kong et les Etats-Unis. La Chine enregistre un excédent commercial croissant
avec l’Union (20 milliards d’Ecus en 1997, en hausse de 26% sur 1998). Les
entreprises chinoises pourront, demain, travailler sur un marché européen
unique au lieu des quinze marchés nationaux actuels.
Pour ces entreprises, cela signifiera simplification administrative et d’importantes
économies de coûts de prospection, d’installation et de couverture de risque de
change.
Bien sûr, cela nécessite une adaptation des entreprises et des banques, par
exemple, pour modifier les logiciels, mais il sera ensuite, pour les entreprises
chinoises, plus simple de travailler avec une seule monnaie. L'introduction de
l'euro aura des répercussions sur l’offre et sur la demande.
Du côté de l'offre, la transparence accrue des prix accroîtra la capacité des pays
tiers à exploiter leurs avantages comparatifs. La stabilité monétaire de l’Union
européenne leur assurera une visibilité et une sécurité plus grandes dans la
conduite de leurs affaires et le développement de leurs échanges. Du côté de la
demande, l'euro se traduira par un dynamisme de l’économie européenne, dont
les pays partenaires pourraient bénéficier.
Je souhaite ici répondre clairement à des interrogations dont la presse chinoise
s’est faite l’écho.
Un euro fort conduirait les autorités européennes à prendre des mesures
protectionnistes qui handicaperaient les exportations chinoises. Cette crainte
n’est pas fondée.
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Tout d’abord l’Union européenne ne souhaite ni un euro fort, ni un euro faible
mais la plus grande stabilité possible de sa monnaie, gage de sa crédibilité.
Mais surtout, l’expérience a suffisamment prouvé l’importance du
développement du commerce mondial comme facteur de croissance.
L’Union européenne, espace commercial le plus ouvert du monde, ne peut donc
envisager conduire un jour une politique protectionniste. Ce serait contraire à
ses intérêts.
Je voudrais être ici d’autant plus clair sur nos intentions, que je connais
l’importance pour la Chine du lien étroit entre sa politique courageuse de
réformes et l’ouverture de son économie au commerce mondial.
Ce lien est naturel, et il sera encore plus efficace s’il est possible de
l’accompagner de davantage de stabilité financière au niveau mondial.
2. Une sécurité financière renforcée
Le système monétaire international, brutalement secoué ces derniers mois, est
en déséquilibre. Plus de 25 ans après la fin du système de Bretton Woods, le
dollar intervient encore dans 64% des réserves de change, 56% des
exportations commerciales et près de la moitié des transactions de change
mondiales, alors que la part des Etats-Unis dans le commerce mondial est de
l’ordre de 17%. Un tel déquilibre n’est pas un facteur de stabilité monétaire.
Les perturbations actuelles le montrent clairement.
Avec l’arrivée de l’euro, un rééquilibrage devrait se produire. L’euro devrait, en
effet, devenir rapidement une grande monnaie internationale, non seulement
dans la zone euro, mais au-delà :
dans les autres Etats membres de l’Union européenne ne participant pas à
l’euro, mais qui ont également vocation à l’adopter : leurs principales entreprises
ont déjà mis en place leur plan de basculement et d’incitation de leurs clients et
de leurs fournisseurs à travailler en euro;
en Europe centrale et orientale : la plupart des pays, candidats à l’adhésion,
ancrent déjà, en fait ou en droit, leur monnaie à une ou plusieurs monnaies
européennes;
dans le pourtour méditerranéen : l’euro sera rapidement utilisé comme monnaie
de facturation, dans la perspective d’une zone de libre échange avec l’Union
européenne en 2010;
dans la zone CFA : l’euro va officiellement remplacer le Franc français comme
monnaie de référence.
D’autre part, la politique macro-économique de stabilité poursuivie par les Etats
membres et la politique de la Banque Centrale Européenne, orientée vers la
stabilité des prix, sont des facteurs de confiance pour les opérateurs financiers.
La taille du marché financier de l’euro et la concurrence accrue entre les
institutions financières permettront, en outre, d’abaisser le coût d’utilisation de
l’euro à un niveau voisin de celui du dollar.
Plus de 100 milliards d’euros (soit près de 1000 milliards de yuans) d’obligations
ont déjà été émis, notamment par des émetteurs souverains non européens,
comme l’Argentine, le Brésil, ou l’Ukraine. Selon certaines estimations, en
particulier celle du Professeur Bergsten de l’université d’Harvard, plus de 700
milliards de dollars d’obligations devraient être ainsi, à terme, libellés en euro.
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Enfin, le volume des emprunts d’Etat en euros deviendra rapidement supérieur
à celui des Etats Unis ou du Japon, et plusieurs banques centrales envisagent
de rééquilibrer leurs réserves en euros.
Pour toutes ces raisons, et par effet d’entraînement, l’euro deviendra
progressivement une grande monnaie internationale, aux côtés du dollar
américain. Ainsi l’euro pourrait représenter demain, selon diverses estimations,
environ 30% des réserves de change et des transactions commerciales
mondiales.
L’utilisation de l’euro serait alors plus conforme au poids, dans le commerce
mondial, de chacune des entités économiques.
Dans ces conditions, l’euro représente pour la Chine une opportunité de
diversifier ses risques, que ce soit en l’utilisant dans le libellé de ses réserves de
change ou dans le règlement de ses opérations commerciales.
Le marché financier européen, vaste et liquide, devrait être attractif pour les
investisseurs, les commerçants, les entreprises ou les administrations chinois,
soucieux d’élargir leurs sources de financement. A ce titre, je voudrais souligner
que les atouts financiers de la Chine, notamment son fort taux d’épargne et
l’importance de ses réserves de change, rendent d’autant plus appréciable la
sécurité financière offerte par une diversification des devises utilisées.
Au delà des opportunités qu’il représente, l’euro peut fournir une occasion
d’améliorer la stabilité du système monétaire international. C’est le second point
que je voudrais évoquer maintenant.
II. L’arrivée de l’euro fournit l’occasion d'œuvrer ensemble à
l’adaptation du système financier et monétaire international
L’Union européenne et la Chine poursuivent les mêmes objectifs de croissance et
de stabilité monétaire à l’échelle mondiale.
Elles peuvent, ensemble, utilement contribuer à l’adaptation du système monétaire
international au contexte économique actuel.
A.La Chine et l’Union européenne, moteurs de la croissance et
promoteurs de la stabilité du système monétaire
La croissance mondiale va être alimentée, dans les deux années à venir, par
quelques grandes régions, en particulier par la Chine et par l’Union européenne.
1. L’assainissement des finances publiques et la convergence des économies
européennes ont fortement progressé.
Ainsi, les déficits publics sont tombés, en moyenne européenne, de 6.1% du
PIB en 1993 à 2.3% en 1997. L’introduction de l’euro s’accompagnera d’une
coordination plus étroite des politiques économiques et devrait, ainsi, favoriser
un environnement macro-économique plus stable.
Cette amélioration de la situation des finances publiques a redynamisé la
croissance en Europe, en libérant l’épargne au profit de l’investissement. En
effet, elle a rassuré investisseurs et consommateurs et elle a créé un cadre
attractif pour l’épargne mondiale.
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