L’Œuvre en scène
Lubin Baugin l’oublieux
par Sophie Nauleau
Avec la participation amicale de
Jacques Bonnaffé, Nadeije Laneyrie-Dagen,
Brigitte de Malau, Ernest Pignon-Ernest et
Alain Rey
C’est une «Œuvre en scène» inédite
que celle-ci qui conjugue histoire de l’art
et fiction jusqu’à réorienter le destin du
Dessert de gaufrettes, la célèbre nature
morte du XVIIesiècle attribuée à Lubin
Baugin (Pithiviers, vers 1612 – Paris,
1663). Explorant tour à tour le rôle du
tableau dans le roman de Pascal
Quignard, Tous les matins du monde,
et sa présence décisive dans le film réalisé
par Alain Corneau, Sophie Nauleau met
en lumière l’influence qu’une peinture
peut avoir, à des siècles de distance,
sur l’imagination d’un romancier,
et comment un cinéaste, donnant vie à
l’inanimé, parvient à en faire le décor
d’une fascinante résurrection.
Mais l’investigation ne s’arrête pas là.
Un dévoilement s’opère en effet en retour
qui soudain change le regard sur l’œuvre
elle-même, et va jusqu’à révéler l’énigme
qui l’habitait. La fiction écrite et la fiction
filmée viennent ainsi surprendre l’histoire
de l’art et mettre fin à l’étrange méprise
entretenue autour de cette «peinture
coite». Car cette nature morte signée
Baugin apparaît, sous ce nouvel éclairage,
aussi méconnue que célèbre, et l’enquête
rigoureuse restitue l’intention ignorée du
peintre. En utilisant à égalité les armes du
spécialiste, celles du lecteur passionné et
celles du cinéphile averti, on en vient à
cerner et à élucider ce qu’il faut bien
appeler «le secret» du Dessert de
gaufrettes. En reconsidérant le sens, la
portée et jusqu’au titre de ce chef d’œuvre
du Louvre, nous découvrirons qu’en fait
de gaufrettes enroulées Baugin a peint
cette poignée de gourmandises, cette
main, que l’on criait en son temps de par
les rues de Paris sous le nom d’oublies.
Si l’érudition joue ici sa partie,
l’originalité essentielle de la démarche
tient d’abord d’un élan, d’une capacité
à décrypter le «perdu» cher à Pascal
Quignard, à traquer les indices,
à questionner toute sorte de témoins,
à réécrire enfin l’histoire vraie d’une
«vanité» des années 1630. Voici donc
le récit d’une trouvaille imprévue, qui
prouve avec éclat qu’une œuvre de génie
demeure un ferment d’enchantement et
de vie à qui sait voir comme au premier
matin du monde.
Note biographique
Docteur en Littérature française et
diplômée de l’École du Louvre,
Sophie Nauleau est l’auteur de La main
d’oublies (Galilée, 2007), récit de cette
enquête inspirée par Tous les matins du
monde autant que par la célèbre nature
morte du Louvre.
Spécialiste des écritures contemporaines,
elle a récemment publié un essai sur la
poésie équestre d’André Velter dans
le sillage de Bartabas (Un verbe à cheval,
L’Atelier des Brisants, 2008) et La voie de
l’écuyer, livre d’art consacré à l’Académie
du spectacle équestre de Versailles (Actes
Sud, 2008).
Cavalière, copilote de rallye-raid,
clarinettiste et chroniqueuse au magazine
Muze, elle a également composé plusieurs
anthologies littéraires et poétiques.
Productrice sur France Culture depuis
2004, elle anime Ça rime à quoi, rendez-
vous poétique et radiophonique tous
les samedis à 19 heures.
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Saison 2009 |10