2 - Texte - La philosophie tardive

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HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE - 5ème PÉRIODE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LA PHILOSOPHIE TARDIVE
Le temps des syncrétismes
CYCLE DE COURS PAR ÉRIC LOWEN
Les Tétrarques, sculpture en porphyre du IVe siècle du palais impérial de Constantinople,
aujourd’hui installée à l'angle de la basilique Saint-Marc de Venise.
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
code 4306
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LA PHILOSOPHIE À ROME
Cycle de cours par Éric Lowen réalisé du 16 mars 2009 au 13 juillet 2009
à la Maison de la philosophie à Toulouse
L’ultime partie de l’histoire de la philosophie antique est celle de l’Antiquité tardive,
période de déclin comprise entre la fin du 3ème siècle et le 6ème siècle. Cette période de
mutations profondes - christianisation de l’Empire, partition de l’Empire, invasions
barbares, chute de Rome - va aussi affecter la philosophie, marquée par des tendances
syncrétiques et mystiques. Ce sont les dernières lumières d’une aventure spirituelle
millénaire, inaugurée par Thalès de Milet au 6ème siècle AJC et qui s’achèvera en 529.
Ce cycle de cours traitera des particularités de la philosophie de cette période, entre fin
de l’Antiquité et début des âges obscurs pour l’Occident.
Cote enseignement : 4306, RPR : Éric Lowen 2009
© La philosophie tardive, et ce cycle de cours sont la propriété d’Aldéran
International, N° éditeur : 2-911856.
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SOMMAIRE
N°1
LA PHILOSOPHIE À LA FIN DE L'ANTIQUITÉ
page 7
N°2
LES PARTICULARITÉS DE LA PHILOSOPHIE
page 13
N°3
ATHÉNÉE ET LE BANQUET DES SOPHISTES
page 17
N°4
LE NÉOPLATONICISME, DE PLOTIN À ÉTIENNE D'ALEXANDRIE
page 63
N°5
PLOTIN ET L'ENNÉADE
page 69
N°6
LE NÉOPYTHAGORICISME ET APOLLONIUS DE TYANE
page 77
N°7
SAINT-AUGUSTIN, UN CHRISTIANISME PLATONICIEN
page 103
N°8
MACROBE ET LES LETTRES SAVANTES PHILOSOPHANTES
page 115
N°9
JEAN DE STOBÉE ET LA DOXOGRAPHIE
page 131
N°10
BOECE, DERNIER PHILOSOPHE ROMAIN
page 145
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PREMIER SUJET
LA PHILOSOPHIE TARDIVE
LA PHILOSOPHIE DE LA FIN DE L’ANTIQUITÉ
I
LA PHILOSOPHIE TARDIVE DANS L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
1 - La cinquième période de l'histoire de la philosophie
2 - La seconde période qui n'est plus "gréco-grecque"
3 - Un développement à partir de la philosophie de la période romaine
4 - Des changements majeurs de la philosophie antique et pour la philosophie
II
LA PÉRIODE HISTORIQUE DE LA PHILOSOPHIE TARDIVE
1 - Le début de l’Antiquité tardive : la fin du IIIème siècle
2 - La crise du IIIe siècle débute avec la mort Sévère Alexandre en 235, une anarchie militaire
3 - À l’Orient, la montée de la Perse sassanide (224-651)
4 - À l’Occident, la montée des invasions barbares du 3ème siècle
6 - La partition de l’Empire par Dioclétien en 286, puis en 395 par Théodose
7 - Deux empires, deux destins différents
8 - Les invasions barbares du 5ème siècle : 406, sac de Rome en 410, Attila en 452
9 - La fin de l’Empire romain d’Occident en 476
10 - Pour l’Empire romain d’Orient, consolidation et transformation
11 - Le règne de Justinien (527-565)
12 - Le passage à l’Empire byzantin en 565, désormais Empire romain grec
III
LES CADRES CIVILISATIONNELS DE CETTE ÉPOQUE
1 - La question de la décadence, thèse longtemps avancée
2 - Une période de transition entre trois modes civilisationnels
3 - Sur le plan de l’Empire
A - Déclin et fragmentation de l'empire romain classique
B - L’affaiblissement du pouvoir impérial par des querelles de successions
C - La pax romana est finie, la menace constante de la guerre
D - Les invasions barbares, entre migration et intégration dans la romanité
E - Le sac de Rome, symbole de la fin de l’ancienne romanité
4 - Sur le plan politique, les modifications de l’Empire
A - La fin du Principat, le temps du dominat ou pouvoir absolu
B - La nouvelle idéologie divine des empereurs
C - Constantinople, nouvelle capitale et nouveau foyer culturel à partir de 330
D - La création progressive de l’identité byzantine
5 - La christianisation de la romanité, fait culturel majeur matériel et spirituel
A - La montée du christianisme, la christianisation progressive de l’Empire
B - Le poids des querelles religieuses
C - Le nouvel axe du pouvoir : l’empereur et l’église, les tentations du césaropapisme
D - La montée des structures sociales chrétiennes
E - A partir du 4ème siècle, l’interdiction progressive du paganisme
6 - Sur le plan social, l’état des villes
A - Le maintien de la cité, cœur de la Romanité
B - Les principales villes de la Romanité
C - Le déclin de l’empire entraîne le déclin des bâtiments anciens
D - Les villes s’enferment dans des remparts
E - La construction d’édifices chrétiens
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7 - Sur le plan culturel
A - Le maintien des savoirs antiques parle maintien de l’éducation classique
B - Le maintien de cette éducation dans le cadre chrétien
C - De grandes villes universitaires, capitales intellectuelles
D - La perte du bilinguisme gréco-romain, le déclin du grec en Occident
E - L’apparition du livre, du codex.
F - La place de l’écrit est toujours aussi importante, renforcé par le christianisme
G - L’apparition d’une littérature chrétienne
IV
LES SOURCES A NOTRE DISPOSITION
1 - Les sources historiques sur cette période
A - Dexippe et l’Histoire universelle (au 3ème siècle)
B - Eusèbe de Césarée et l’histoire Ecclésiastique
C - Ammien Marcellin et la Res Gestae (au 4ème siècle)
D - Eutrope et son Abrégé de l'histoire romaine (au 4ème siècle)
E - Zosime (vers 460-mort ?)
F - Jordanès et son Histoire des Goth
G - Grégoire de Tours et l’Historia Francorum (538-594)
2 - Les principales sources philosophiques sur la philosophie à cette époque
1 - Eunape de Sardes et la vie des sophistes (395)
2 - Libanios et la rhétorique (au 4ème siècle)
3 - Les textes des philosophes concernés
4 - Les textes de leurs adversaires chrétiens
V
LES PHILOSOPHES CONCERNÉS PAR L’APPELLATION PHILOSOPHIE TARDIVE
1 - Un paysage philosophique radicalement différent
2 - Une double population : philosophes païens et chrétiens philosophisants
3 - Les principaux philosophes de cette période
- Ammonios Saccas (IIIème siècle)
- Plotin (vers 205-270)
- Porphyr de Tyr (234-305?)
- Jamblique de Chalcis (vers 242-325)
- Maxime d'Éphèse (apogée vers 351)
- Julien le philosophe (331-363)
- Macrobe (370-?)
- Plutarque d'Athènes (fondateur de l'école néoplatonicienne d'Athènes, vers 400)
- Chalcidius (5ème)
- Syrianos (mort vers 438, Vème siècle)
- Hiéroclès d'Alexandrie, dit Hiéroclès le Pythagoricien (5ème)
- Hermias d'Alexandrie (Vème siècle)
- Olympiodore le péripatéticien (apogée vers 430)
- Proclos le diadoque (412-485)
- Marinus de Neapolis (apogée vers 485, 5ème siècle)
- Ammonius d'Alexandrie, fils d'Hermias (aprox 435/445-517)
- Jean de Stobée (millieu du 5ème siècle)
- Horapollon (deuxième moitié du Vème siècle)
- Isidore de Gaza vers 490
- Hégias (fin du Vème siècle)
- David de Nerken (Ve siècle et VIe siècle)
- Boéce (480-525)
- Damascios le Diadoque (458-538)
- Davit Anhaght (né vers 570-mort vers 550-560)
- Olympiodore le Jeune (vers 495-vers 565)
- Simplicios de Cilicie (vers 480-549)
- Asclépios de Tralles (VIème siècle)
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3 - Les principaux chrétiens philosophants
- Tertullien (vers 150-240)
- Basile de Césarée (329-379)
- Grégoire de Nysse (331-394)
- Nemésius (350-420)
- Augustin d'Hippone (354-430)
- Zacharias (mort vers 553)
- Jean Philopon (vers 490-566)
VI
CONCLUSION
1 - Une période de transition entre trois civilisations, à partir de l’héritage antique
2 - La dernière période pour la philosophie antique
ORA ET LABORA
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livres sur la fin de l’Antiquité
- L'empire gréco-romain, Paul Veyne, Seuil, 2005
- L’évolution du monde de l’Antiquité tardive, Peter Garnsey et Caroline Humfress, La Découverte, 2004
- Genèse de l’Antiquité tardive, Paul Veyne, Peter Brown, Aline Rousselle, Gallimard, 2001
- L’empire romain en mutation, des Sévères à Constantin, Jean-Michel Carrié et Aline Rousselle, Seuil, 1999
- Le Haut-Empire roman en Occident, D’Auguste aux Sévères, Patrick LeRoux, Seuil, 1998
- L'antiquité tardive, Bertrand Lançon, Que sais-je ?, 1997
- Rome dans l'antiquité tardive (312-604), Bertrand Lançon, Éditions la vie quotidienne - civilisations &
sociétés, 1995
- Les institutions du Bas Empire romain de Constantin à Justinien, Roland Delmaire, Cerf, 1995
- Le monde romain tardif, Bertrand Lançon, Éditions Armand Colin, 1992
- Histoire des goth, Herwig Wolfram, Éditions Albin Michel, 1990
- Genèse culturelle de l’Europe, Michel Banniard, Seuil, 1989
- La formation de l'Europe et les invasions barbares, Emilienne Demougeot, Édition Montaigne, 1979
- Les institutions romaines, Jean Rougé, Collection U, Armand Colin, 1969
- La Paix Romaine, Paul Petit, Éditions PUF, 1967
- Les invasions barbares, Pierre Riché, PUF, 1964
- Rome et le Moyen-Âge jusqu'en 1328, M. Arondel , J.Bouillon, J. le Goff et J.Rudel, Édition Collection
d'histoire Louis Girard, 1964
- Précis d'Histoire Ancienne, Paul Petit, Édition PUF, 1962
Quelques livres d’historiens antiques
- Ammien Marcellin, Res Gestae / Histoire, Édition Les Belles Lettres, 2003
- Zosime, commenté par François Paschoud, Édition Les Belles Lettres, 2003
- Jordanès, Histoire des Goth, commenté par Olivier Devillers, Éditions Les Belles Lettres, 1995
Sur les questions historiographiques
- Décadence romaine ou Antiquité tardive ?, Henri-Irénée Marrou, Seuil, 1977
- Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Henri-Irénée Marrou, Seuil, 1948
- Histoire du déclin et de la chute de l'Empire Romain, Tome I - Tome II, Edward Gibbon, rééditions Édition
Bouquins, 2000
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DEUXIÈME SUJET
LES PARTICULARITÉS DE LA PHILOSOPHIE
LORS DE L’ANTIQUITÉ TARDIVE
I
UNE TERRIBLE INTERROGATION :
L’ABSENCE DE PREUVE EST-ELLE UNE PREUVE DE L’ABSENCE ?
1 - Des sources quantitativement insignifiantes au regard de la période
2 - Les indications à notre disposition sont-elles significatives ?
3 - Transmission fidèle ou sélection d’auteurs antiques ?
4 - Une interrogation sans possibilité de réponse
5 - Les cours se baseront donc sur la vraisemblance positive des sources
II
LA PRÉSENCE DE LA PHILOSOPHIE
1 - La philosophie est bien présente durant cette période dans la romanité
2 - Même jusqu’à la fin de l’Antiquité, le cas du Pseudo-Elias du 6/7ème siècle
3 - La philosophie reste un passage obligatoire dans le cadre de toute éducation supérieure
4 - Les références de la philosophie sont toujours grecques
5 - Les lieux de la philosophie restent pour l’essentiel les lieux classiques
A - Athènes
B - Alexandrie
C - Rome
D - Constantinople
E - Les autres grandes villes de l’Empire : Carthage, Pergame, etc.
6 - Le nombre important d’écoles de philosophie durant cette période
A - Écoles ponctuelles
B - Écoles pérennes
1 - L’école de Rome : Ammonios, Saccas, Plotin, Porphyre, Jamblique
2 - L’école d’Athènes, école néoplatonicienne (de 400 à 529)
3 - L’école d’Alexandrie, école néoplatonicienne d'Alexandrie (5ème-7ème siècle)
III
UN PAYSAGE PHILOSOPHIQUE BIEN DIFFÉRENT
1 - Des écoles oui... mais d’une nature différente
2 - La réduction de la diversité philosophique : la quasi-disparition des écoles philosophiques
3 - Le courant marquant de cette époque : le néoplatonicisme
4 - Le néoplatonicisme comme courant philosophique nouveau
5 - La rivalité des écoles a laissé place à la rivalité avec le christianisme
6 - Les réactions philosophiques : Julien et Saloustios, le Des dieux et des hommes
IV
LES ORIENTATIONS THÉMATIQUES, LE TEMPS DES SYNCRÉTISMES
1 - La grande particularité de cette époque : les tendances syncrétiques
A - Un phénomène plus large culturellement, une caractéristique de cette époque
B - Une attitude qui commence avec la philosophie de la période romaine
C - Dans le cadre philosophique, un syncrétisme intraphilosophique
D - Dans le cadre religieux, les syncrétismes philosophico-religieux
E - Dans le cadre chrétien, les syncrétismes philosophico-chrétiens
F - Les syncrétisme gnostiques
2 - L’exemple le plus frappant : la volonté de concilier Aristote et Platon
3 - Est-ce la conséquence de la volonté païenne de résister au christianisme ?
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4 - La “monothéisation” de la philosophie, le problème de l’Un pensé monothéistement
5 - La religionisation de la philosophie
6 - Mais aussi l’influence de la philosophie sur le christianisme
7 - La synthèse christo-platonicienne augustinienne, un néo-néoplatonicisme
V
LES MODIFICATIONS DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE
1 - Retour sur la pratique philosophique dans les périodes antérieures
2 - La pratique de la philosophie comme formation intellectuelle supérieure
3 - Mais moins comme école de vie - en tout cas avec les éléments à notre disposition
4 - La naissance de l’usage chrétien de la philosophie, annexée à la religion
5 - Phénomène amplifié dans le cadre byzantin
6 - Intégration et réfutation chrétienne de la philosophie, une continuité sophistique
VI
CONCLUSION
1 - Une formalisation de la philosophie qui passera à la période médiévale
2 - Une période charnière pour la philosophie entre l’Antiquité et le Moyen-Âge
3 - Une période peu estimée mais stratégique pour l’évolution ultérieure de la philosophie
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livres sur la philosophie à Rome
- Littérature latine, H. Zehnacker et J.C. Fredouille, PUF, 1993
- Les genres littéraires à Rome, R. Martin et Y. Gaillard, Nathan, 1981
- La philosophie à Rome, J.-M. André, PUF, 1977
Livres d’auteurs antiques de cette période
- Une initiation à la philosophie de l'Antiquité tardive, Les leçons du Pseudo-Elias, trad. et présentation de
Pascal Mueller-Jourdan, CERF - Academic Press Fribourg, 2008
- Des dieux et du monde, Saloustios, Les Belles Lettres, 2003
Livres sur la philosophie antique tardive
- La philosophie de la culture grecque, Jean-Marc Gabaude, L'Harmattan, 2005
- Apprendre à philosopher dans l'Antiquité, Pierre Hadot, LGF, 2004
- Philon d'Alexandrie, un penseur en diaspora, Mireille Hadas-Lebel, Fayard, 2003
- Les philosophes grecs, Françoise Fontanel, Éditions de La Martiniere, 2003
- Histoire de la philosophie 1 vol. 2, sous la direction de Brice Parain, Gallimard, Folio, 1999
- Les grands courants de la pensée antique, France Farago, Armand Colin, 1998
- La philosophie grecque, Monique Canto-Sperber, PUF, 1998
- Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Pierre Hadot, Gallimard, 1995
-Alexandrina - Hellénisme, judaïsme et christianisme à Alexandrie, Mélanges offerts au P. Claude Mondésert,
CERF, 1987
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TROISIÈME SUJET
ATHÉNÉE DE NAUCRATIS ET LE BANQUET DES SOPHISTES
Un exemple de lettres savantes philosophiques
I
LES LETTRES SAVANTES
1 - La notion de lettres savantes, une littérature de connaissances
2 - Des lettres qui puisent dans les différents domaines culturels et savants
3 - Une sorte de diffusion au deuxième degré, auprès d’un public non spécialiste
4 - Quelques auteurs représentatifs de ces lettres savantes
- Lucien de Samosate
- Les néosophistes
- Athénée de Naucratis
- Jean de Stobée
II
ATHÉNÉE DE NAUCRATIS
1 - Présentation d’Athénaios de Naucratis, dit Athénée de Naucratis
2 - L’auteur d’un livre exceptionnel
3 - Les rares sources le concernant
4 - Indications biographiques (vers 170-mort après 223)
5 - Ses oeuvres connues
- Le Banquet des Sophistes
- Histoire des rois de Syrie
- Un commentaire des Poissons d’Archippos
III
LE BANQUET DES SOPHISTES, LES DEIPNOSOPHISTES
1 - L’ouvrage : le Deipnosophistaí, le banquet des sophistes
2 - La transmission byzantine, grâce au manuscrit Marcianus Venetus 447 et un Épitomé byzantin
3 - La rédaction à Rome, certainement après 223 sous le règne d’Alexandre Sévère
4 - Les modèles littéraires : Platon et Plutarque
- Platon : le Banquet
- Plutarque : Propos de Table, Banquet de Sept sages
5 - Le récit se présente comme un dialogue entre Athénée et Timocrate, qui lui raconte le banquet
6 - Un banquet organisé par le mécène romain Livius Larentis sous Commode entre 181-182
7 - Le contenu : une collection de citations, d'anecdotes et de réflexions en tout genre
8 - Les convives : des lettrés illustres de son temps et de l’Antiquité classique
9 - La composition : 15 livres qui suivent le menu du banquet, suscitant des réflexions variées
10 - Les sujets traités : le fil conducteur des plaisirs de la table mène à tout
11 - Une œuvre de distraction pour un public cultivé et érudit
12 - Sa notoriété et sa postérité
IV
L’OUVRAGE COMME ŒUVRE LITTÉRAIRE
1 - Une oeuvre littéraire à part entière et pas seulement une anthologie
2 - Une littérature alexandrine, une bibliothèque plus qu’un banquet !
3 - Athénée plus lecteur qu’écrivain
4 - Le goût de l’érudition et de l’anecdote
5 - Pas de plan d’ensemble, un itinéraire libre qui se découvre à la lecture
6 - Des références présentées comme explicites pour ses lecteurs
7 - Un matériel de qualité, la question de sa documentation
8 - Un exemple de littérature hellénistique de cette époque
9 - Une ode à la Grèce éternelle, à la Grèce classique ?
10 - Le banquet et la mode des compilations : Athénée, un Diogène Laërce littéraire ?
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V
L’INTÉRÊT HISTORIQUE DE L’OUVRAGE
1 - Une somme d’indications précieuses sur le monde antique, ses usages et ses pratiques
2 - La plus grande anthologie des lettres antiques (et nous n’en avons que la moitié !)
3 - L’indication d’un immense univers de lettres aujourd’hui disparu
4 - Une encyclopédie littéraire : près de 2500 ouvrages cités, pour environ 700 auteurs indiqués
5 - D’importants éclairages sur les lettres grecques
6 - Un livre unique, on ne connaît pas de compilation de ce genre auparavant
7 - Un éclairage aussi sur la civilité des symposiums et leurs pratiques
8 - Une littérature de salon, se mettant elle-même en scène et en abîme
9 - De nombreuses indications sur la philosophie et son histoire
VI
CONCLUSION
1 - L’aperçu vertigineux d’une tradition littéraire de 12 siècles
2 - Pour la philosophie, une indication de sa socialisation dans la culture hellénistique
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Document 1 : Exemplaire d’une édition ancienne du Banquet des sophistes, de 1789, par Lefebvre de
Villebrune, intitulé Banquet des savants.
Document 2 : Liste des principaux convives mentionnés dans le Banquet, regroupés par disciplines.
1 - Les hommes de lettres
A - Zoïle, un célèbre critique d'Homère
B - Plutarque de Chéronée (cité pour ses oeuvres littéraires)
C - Mordus, poète
D - Léonide d'Elide
E - Emilien de Mauritanie
2 - Les philosophes
A - Pontien
B - Démocrite (de Nicomédie)
C - Philadelphe de Ptolémaïde
D - Cynulque le cynique, et une troupe de cyniques
3 - Des juristes
A - Ulpien de Tyr, Ulpien le juriste
B - Masurius Sabinus, l'un des auteurs utilisé dans le Digeste justinien
4 - Des rhéteurs
5 - Les médecins
A - Daphnus d'Éphèse
B - Rufin de Nicée
C - Galien de Pergame
6 - Musiciens
A - Alcide d'Alexandrie
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Document 3 : Les 15 livres du banquet des sophistes suivent le déroulement festif du banquet,
accompagné chacun du thème principal thèmes variés. Les 15 livres conservés jusqu’à nos jours ne
représentent que la moitié de ce que l’ouvrage complet faisait.
- Livre I : la littérature gastronomique, le vin et la nourriture dans l'œuvre d'Homère, le vin
- Livre II : les hors d'œuvres et le pain
- Livre III : les hors d'œuvres et le pain
- Livres IV : l'organisation des repas et la musique
- Livre V : luxe et ostentation
- Livre VI : parasites et flatterie
- Livres VII : le poisson
- Livre VIII : le poisson
- Livre IX : la viande et la volaille
- Livre X : la gloutonnerie, le vin
- Livre XI : les coupes
- Livre XII : les conventions sociales
- Livre XIII : l'amour
- Livre XIV : la musique, les desserts
- Livre XV : couronnes et parfums
Document 4 : Le banquet des sophistes est une véritable encyclopédie des lettres grecques antiques, avec
près de 2500 ouvrages cités, pour environ 700 auteurs mentionnés (dont la moitié nous sont inconnus).
Pour exemple, voici un petit inventaire des auteurs cités dans le chapitre I, dans l’ordre de leur apparition
dans le texte. Il va s’en dire que bien des auteurs comme Homère, Aristote, ou Antiphane sont cités de
multiples fois. Par contre, cette liste ne fait référence qu’aux écrivains, car sinon il conviendrait de rajouter
une pléthore de personnages historiques, d’hommes d’états, de chefs militaires, de personnages d’Homère,
de héros ou de personnages légendaires.
- Euripide
- Aristote
- Théophraste
- Nélée
- Antiphane
- Pindare
- Apollodore
- Empédocle
- Tellias d'Agrigente
- Cléarque
- Charmus de Syracuse
- Homère
- Cléanthe de Tarente
- Aristophane
- Archestrate de Syracuse ou de Gela
- Chrysippe
- Lyncée
- Callimaque
- Timachidas de Rhodes
- Numenius d'Héraclée, élève du médecin Dieuchus
- Metreas de Pitane, poète parodique
- Egémon de Thase, surnommé la lentille (ancienne comédie)
- Philoxène de Leucade
- Platon le comique
- Crobyle
- Théophile
- Phanias
- Philoxène de Cythère
- Aristoxène de Cyrène
- Euphron
- Archiloque de Paros
- Cratinus
- Archiloque
- Eubule le comique
- Ameipsias
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- Homère
- Philochore
- Cantharus
- Aristomène
- Philémon
- Eschyle
- Zénodode
- Cæclus d'Argos
- Numenius d’Héraclée
- Pancratius d'Arcadie
- Posidonius de Corinthe
- Oppien de Cilicie
- Seleucus de Tarse
- Léonide de Byzance
- Démodocus
- Phémius
- Agallis, grammairienne de Corcyre
- Dicæarque
- Hippase
- Démotèle
- Damoxène
- Ctésibius de Chalcide
- Timocrate le lacédémonien
- Xénophon I
- Ératosthène
- Appion d'Alexandrie
- Sophocle
- Eupolis
- Hermippe
- Alexis
- Phylarque
- Cléon le musicien
- Polémon
- Aristoxène
- Pythagore
- Seleucus
- Aristonicus
- Socrate
- Anacréon
- Ion
- Hermippus
- Platon
- Sapho
- Amphis
- Philétère
- Hermippus
- Théocrite de Chio
- Anaximène
- Callistrate, disciple d'Aristophane
- Aristophane
- Thespias
- Phryniques
- Pratinas
- Cratinus
- Chaméléon
- Eumèle
- Aretinus de Corinthe
- Callias
- Timon de Phlionte
- Ctésias
- Mnésithée d'Athènes
- Alcée de Mitylène (poete lyrique)
- Protagoras
- Thucydide
- Philippide
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- Charès de Mitylène
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- Polyzèle
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- Phanias d'Erèse
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- Hellanicus
- Apollodore de Cariste
- Nicocharis
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Document 5 : Le livre XII du Banquet des philosophes est consacré à la question du luxe. Pour améliorer
l’analyse du texte, les auteurs cités sont marqués en gras, et les ouvrages cités en italique.
LIVRE XII - DU LUXE
1. J'ai l'humble impression, mon cher Timocrate, que, s'il faut se fier à Alexis dans son
Tyndare, tu es un authentique Cyrénéen.
«Qu'un hôte convie un homme à dîner, et aussitôt, surgissent, de-ci, de-là, dix-huit
autres péquins, dix chariots et quinze paires de chevaux. En vérité, il eût mieux
valu offrir quelques miettes de nourriture à ces gens-là et n'inviter personne !»
Et dans mon propre cas, aussi, il eût mieux valu me taire, et ne point me lancer dans une
accumulation de nouveaux sujets, surtout après ceux que nous avons déjà traités ; mais
devant ton insistance à obtenir de moi quelques mots sur ces quidams fameux pour leur
goût du luxe - et pour leur vie de rêve -, eh bien....
2. Le plaisir est en effet à mettre en rapport avec le désir, puis avec son assouvissement.
Le poète Sophocle, un adepte du luxe s'il en est, se défendant contre l'idée qu'il
vieillissait, attribuait à la sagesse ses échecs répétés dans le domaine sexuel, et déclarait
qu'il était heureux d'être enfin délivré d'un maître aussi virulent.
Quant à moi, j'affirme que le jugement de Paris, comme le confirment d'ailleurs les poètes
anciens, symbolise à lui seul le procès du plaisir contre la vertu. Comme c'est Aphrodite
qui fut choisie - n'incarne-t-elle point la volupté - la conséquence inévitable fut un
désordre sans nom. Pour ce qui concerne l'histoire d'Héraclès et de la Vertu, Xénophon
l'a inventée pour le même motif.
Selon Empédocle :
«Chez eux, point de dieu de la Guerre, ni de la fureur de la bataille, point de Zeus,
point de Kronos, point de Poséidon : leur unique souveraine est Aphrodite. Le
peuple se la concilie au moyen de pieuses offrandes : animaux peints, onguents
artificiels, dons de myrrhe et d'encens parfumé, dont on verse sur le sol les
libations de leur miel blond.»
Ménandre, dans son Joueur de cithare, dit en parlant d'un homme qui jouait d'un
instrument de musique :
«Il est amoureux de son art et joue toujours de voluptueuses mélopées.»
3. D'aucuns prétendent que le plaisir est naturel, et que toutes choses ici-bas sont
forcément sous son emprise. Cependant, force de constater que la lâcheté, la crainte, et
bien d'autres sentiments encore, ne se trouvent pas chez monsieur-tout-le monde,
puisque ceux qui se plient à leur raison peuvent aisément les refouler. Se lancer dans la
quête éperdue des plaisirs, c'est partir à la chasse aux tourments. De fait, Homère,
soucieux de vilipender le relâchement, déclare que les dieux - eux aussi sensibles à son
appel -, étaient châtiés avec la plus grande vigueur quand ils se retrouvaient dans une
mauvaise passe à cause de lui. Tous les projets que Zeus avaient échafaudés en faveur
des Troyens s'écroulèrent tout de bon quand il fut terrassé par la volupté. Même Arès, le
plus vaillant de tous, fut recouvert de chaînes par le frêle Héphaïstos, et contraint à
s'humilier et à s'amender pour s'être fourvoyé dans des passions déraisonnables. Voici
les mots qu'il adressa aux dieux quand ces derniers le virent dans une semblable
posture :
«Les actions nuisibles sont condamnées à l'échec, si bien que le faiblard peut
surpasser le fortiche : voyez le souffreteux Héphaïstos, ce boiteux, qui, par son art,
a pris dans ses filets Arès lui-même, le plus athlétique des dieux que l'Olympe
possède. Et depuis ce temps, Arès doit lui verser une rançon.»
Nul n'oserait prétendre que la vie d'Aristide fut une partie de plaisir. Par contre, la vie de
Sminduridès le Sybarite et de celle de Sardanapale le fut sans conteste.
Théophraste dans son traité sur le Plaisir nous livre son avis :
«Si l'on jette un coup d'œil sur la personnalité d'Aristide, on constate qu'il était bien
plus brillant que tous ces gens, et qu'il ne se vautrait pas, lui, dans la volupté.
Personne ne prétend non plus que la vie d'Agésilas, roi de Sparte, fut une sinécure
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de volupté ; en revanche, celle d'Ananis le fut sans nul doute, et c'est un parfait
inconnu. Personne ne se risquerait à dire que la vie des demi-dieux qui
combattirent à Troie fut relaxante à l'extrême : or on peut le dire de nos
contemporains. Et à juste titre. Dans les temps antiques, la vie matérielle était des
plus limitées ; du fait de cette pénurie, la liberté sexuelle était brimée, et les arts
n'avaient pas atteint une telle perfection. Bref tout cela pour dire que la vie
moderne est tout entière une incitation à la facilité, à la jouissance et aux pires
excentricités.»
4. Platon dit dans son Philèbe :
«Le plaisir est le mensonge personnifié. Et on a coutume de dire que, dans les
grâces de l'amour - la plus éminente de toutes les voluptés - les dieux sont
infiniment enclins à l'indulgence, les plaisirs étant considérés comme des enfants
écervelés.»
Dans le livre VIII de la République, Platon est encore le premier à justifier ce célèbre
principe énoncé par les Épicuriens :
«Il y a des plaisirs naturels et nécessaires, d'autres naturels et non nécessaires et
d'autres encore non naturels et non nécessaires.»
Il écrit encore :
«Le désir de manger, tout au moins dans la mesure où la santé et l'entretien de la
force physique le nécessitent, bref ce désir de s'alimenter tout bonnement, n'est-il
point indispensable à la gent humaine ? Oui, le désir de se restaurer est
nécessaire pour deux raisons : parce qu'il est utile et parce que, sans lui, on ne
pourrait guère subsister.»
- Oui.
Même chose en ce qui concerne les assaisonnements, pourvu qu'il contribue à
maintenir nos forces.»
- Parfaitement.
Mais le désir qui se galvaude et se porte sur des mets plus raffinés, désir qui, par
ailleurs, peut s'évacuer de nous-mêmes si nous avons pris soin de le réprimer dès
l'enfance grâce à l'éducation, ce désir détestable à notre organisme, tout aussi
nocif pour l'âme sous l'angle de la modération, ne devrions-nous pas le qualifier
avec justesse de superflu ?
- C'est tout à fait vrai, je le conçois !»
5. Héraclide du Pont, dans son livre sur le Plaisir, a ces mots :
«Les tyrans et les rois, qui attirent à eux tous les meilleures choses de la vie, et qui
ont tout essayé, placent le plaisir sur un piédestal, parce que, d'après eux, celui-ci
rend l'homme plus généreux. Aussi, les personnages qui honorent la volupté et
sont les plus ardents partisans du luxe sont-ils tous par nature des êtres fiers et
magnanimes, à l'instar des Perses et des Mèdes. Et, en effet, plus que tous les
autres peuples, ceux-ci s'adonnent volontiers au plaisir et aux délices, tout en se
révélant dans le même temps les plus courageux et le plus généreux des barbares.
Car goûter au plaisir est un signe de liberté ; c'est un délassement qui redonne
vigueur et exalte l'âme ; en revanche, une vie éreintante est le propre des esclaves
et des individus de basse extraction : ce qui explique leur esprit étriqué. La cité
d'Athènes, tant qu'elle fut éprise du luxe, fut florissante et engendra une galerie de
personnages de la plus haute valeur. Les Athéniens d'alors se calfeutraient sous
des riches manteaux de pourpre, et revêtaient par-dessous des tuniques brodées ;
ils relevaient leurs cheveux grâce à de précieux bandeaux et ornaient leur front de
cigales d'or ; des esclaves les accompagnaient partout, munis de sièges pliants,
afin que leurs maîtres pussent s'asseoir confortablement, et en toutes
circonstances. Tels étaient les hommes qui triomphèrent à Marathon, les seuls qui
pourfendirent la puissance de l'Asie.»
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Même les personnes qui se distinguent pour leur infinie sagesse, indique Héraclide,
soulignent les vertus de la volupté. Ainsi, le poète Simonide, qui dit ceci :
«Quelle vie parmi des mortels est digne d'envie, si le plaisir n'y est pas de mise ?
Quelle tyrannie aussi ? Sans le plaisir, la vie des dieux ne serait guère
appréciable.»
Pindare, louant Hiéron, la tyran de Syracuse, écrit à son tour :
«Va, ne délaisse pas les plaisirs de la vie ; à l'homme ce qu'il faut, c'est être sans
souci.»
Homère affirme que la joie et les réjouissances sont une excellente fin en soi
«Quand les convives écoutent un aède, et qu'autour d'eux, les invités sont légion.»
S'agissant des dieux, Homère assure que leur vie est légère, comme s'ils tentaient de
nous prouver que le pire à redouter dans l'existence est un labeur rude et pénible.
6. C'est la raison pour laquelle Mégacléidès blâme tous ces poètes qui succédèrent à
Homère et à Hésiode, ces poètes qui nous racontent qu'Héraclès était un chef militaire
et un preneur de villes.
«Celui-ci a passé sa vie terrestre en faisant le plus grand cas de la volupté,
épousant une cohorte de femmes et engrossant en catimini tant de vierges.»
S'il est parmi vous des avis qui contredisent ces traditions, je rétorquerai ceci :
«Comment se fait-il, chers amis, que vous lui attribuez une tel appétit, un tel goût
pour la bonne chère ? Et d'où provient l'habitude qu'ont les hommes de ne jamais
laisser une goutte de vin au fond de la coupe ? La raison en est assurément
qu'Héraclès aimait les plaisirs sensuels. Comment se fait-il encore que les
hommes s'accordent sur le fait que les bains chauds, issus des entrailles de la
terre, sont consacrés à Héraclès, et que les lits tendres et moelleux sont appelés «lits
d'Héraclès» ? Ce n'est sûrement pas parce qu'il dédaignait les gens voluptueux. ?»
C'est ce héros, dit Mégacléidès, que les poètes les plus récents imaginent sous l'aspect
d'un vulgaire bandit de grands chemins, portant massue et arc et affublé d'une peau de
lion. Le premier à avoir esquissé ce portrait fut Stésichore d'Himère. Et Pourtant, le
poète lyrique Xanthos, plus ancien que Stésichore, comme ce dernier en témoigne, sur
la foi de Mégacléidès, n'habille point notre héros de cette manière ; non, il le voit bien
plutôt sous l'apparence décrite jadis par Homère. Nombre de poésies de Xanthos ont été
imitées par Stésichore, telle cette Orestéia qu'on lui attribue.
Antisthène, lui aussi, a dit que le plaisir est un bien, en ajoutant qu'il ne fallait pas s'en
culpabiliser.
7. Chez Homère, Ulysse semble s'être jeté sur la voie du plaisir, selon la définition
d'Épicure : c'est tout au moins ce qui transparaît dans ces vers :
«Nul n'est plus suave, à mon goût ! La joie étreint tout ce peuple, et les convives,
assis en rang dans ton palais, écoutent les chants de l'aède. Les tables débordent
de pains et de viandes ; l'échanson, faisant couler le vin du cratère, verse ce
nectar dans les coupes et le distribue. Quel insigne plaisir pour l'âme que de
goûter pareille vision !»
Toutefois, Mégacléidès ajoute qu'Ulysse se pliait tout simplement aux circonstances et
qu'il feignait de faire siennes les coutumes des Phéaciens et de partager leur mode de
vie luxurieux, parce qu'il avait eu vent de la phrase d'Alcinoos :
«Les repas sont notre joie, de même que la cithare, les danses, les mises toujours
renouvelées, les bains chauds et les lits moelleux.»
C'est en vivant comme eux seulement qu'il espérait ainsi se les concilier.
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C'est un tel type d'homme qui loue le garçon répondant au nom d'Amphilochos :
«Enfant, toi dont l'esprit est semblable à la peau de la créature vivant dans les
récifs, tu t'ébats à travers toutes les villes ; tu es volontiers complaisant à l'égard de celui
que tu rencontres, et tes pensées se modifient en fonction de l'endroit où tu te trouves.»
De même, Sophocle dit dans son Iphigénie :
«Tel le polype qui prend la couleur de la roche où il se pose, tu te ranges à l'avis de
l'homme dont la pensée sonne vraie.»
Et Théognis :
«Il a les manières du polype aux replis multiples.»
Selon certains, Homère partagerait cette opinion, les vers qui suivent montrant la
supériorité d'une vie de plaisir sur une vie austère.
«Les Dieux entourant Zeus étaient tous assemblés sur le pavage d'or, la vénérable
Hèbè versait le nectar, et ils buvaient dans des coupes d'or.»
Ménélas a également ces mots dans Homère :
«Rien ne pourrait nous défaire de notre amour, de notre bonheur réciproque.»
Il dit encore :
«Nous avons pris quelques repos dans un festin de viandes abondantes et de vin doux.»
Pour toutes ces raisons, Ulysse envisage, qu'à la cour d'Alcinoos, le luxe et la volupté
sont la seule finalité de l'existence.
8. Les premiers hommes dans l'histoire célèbres pour leur vie fastueuse furent les
Perses, dont les rois passaient l'hiver à Suse et l'été à Ecbatane (selon Aristoboulos et
Charès, Suse devrait son nom à la beauté de son emplacement ; «suson» en grec se dit
«krinon», le lys) ; en automne, ils résidaient à Persépolis et le reste de l'année à
Babylone. Même chose pour les rois parthes qui goûtent le printemps à Rhagae, et
passent l'hiver à Babylone, (lacune) le reste de l'année se déroulant à Hécatompylos. La
distinction que les rois de Perse portent sur leurs têtes est loin de réfuter l'idée d'une
quelconque condamnation du luxe, bien au contraire. Dinon dit à ce sujet :
«Il est fait de myrrhe et se nomme labyzos. En fait, le labyzos est un parfum plus
coûteux que la myrrhe. Dès que le roi descend de son char, il s'épargne de sauter,
même si la distance qui le conduit au sol est minime ; en outre, il ne daigne point
s'appuyer sur une épaule ; on installe donc un tabouret en or, et, c'est sur cet objet
qu'il pose son pied. Aussi, le porteur de tabouret suit-il sans cesse le roi pour cette
commodité.»
Héraclide de Cumes dans le premier livre de ses Persiques dit :
«Trois mille femmes le côtoient : toute la journée, elles dorment, car elles ont pour
devoir de rester éveillées toute la nuit, moment au cours duquel, à la lueur des
torches, elles chantent et jouent de la harpe ; pour le roi, elles font office de
concubines... (lacune) par la cour des porteurs de pommes. Ceux-ci constituent sa
garde du corps ; ils sont tous originaires de Perse, leurs lances se terminant par
des pommes d'or ; ils sont mille, et recrutés au sein des dix mille Perses que l'on
surnomme «lmmortels». C'est au milieu de cette cour que le roi se déplace, après
que l'on ait pris soin de jeter sur le sol des tapis de Sardes, tapis que nul autre
homme, hormis le prince, ne se doit de fouler. Une fois parvenu à la dernière cour,
il se dresse sur son char ou monte à cheval ; nul ne l'a jamais vu marcher hors des
limites de son palais. Quand il s'en va chasser, son harem l'accompagne. Le trône
sur lequel il siège pour diriger les affaires de son empire est en or ; ce trône est
entouré de quatre colonnes, en or également, et incrustées de pierres précieuses ;
enfin, un ample étoffe de pourpre brodée recouvre la totalité du trône.»
9. Dans le livre IV de ses Vies, Cléarchos de Soles évoque la vie somptueuse des
Mèdes - une des raisons qui explique qu'ils aient puisé tant d'eunuques dans les nations
voisines - et continue son récit en assurant que la pratique des «porteurs de pommes»
fut transmise chez les Perses par les Mèdes, non seulement par vengeance - ils avaient
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subi bien des souffrances - mais aussi pour montrer à quel degré de veulerie ces gardes
du corps étaient tombés sous les effets de la mollesse. Tant il est vrai qu'une vie trop
luxurieuse transforme des soldats en mauviettes. Ensuite Cléarchos écrit :
«Ceux qui lui servaient des plats délicats recevaient une récompense pour leurs
efforts. Mais il se dispensait bien de partager son repas avec d'autres, soucieux de
le savourer égoïstement, ce qui était fort judicieux de sa part ! C'est cette manière
de faire qui est sans doute à l'origine de ce dicton : «Une part pour Zeus, une part
aussi pour le roi.»
Dans le livre V de son Histoire d'Alexandre, Charès de Mitylène écrit ce qui suit :
«Les souverains de Perse ont une propension au luxe telle que, non loin de la couche
royale, au niveau la tête du prince, on trouve une chambre qui n'est pas loin de contenir
cinq lits, et où sont entassés quelques 5000 talents de pièces d'or : cette fortune remplit
toute la salle dite «salle du Trésor». Au niveau des pieds, s'étend un deuxième
appartement renfermant trois lits et 3000 talents d'argent, et que l'on appelle le
«Marchepied du roi». Quant à la chambre à coucher en elle-même, on y voit une vigne
d'or sertie de pierreries, dont les enlacements s'élèvent au-dessus du lit.»
Amyntas affirme dans ses Itinéraires que cette vigne étrange présentait des grappes
ornées des pierres les plus précieuses qui soient. À proximité, était posé un cratère
entièrement en or, un travail de Théodoros de Samos. Dans le livre III de son ouvrage
Sur Cyzique, Agathoclès déclare que, chez les Perses, il existe une eau appelée «eau
d'or» : celle-ci se diffuse au moyen de soixante-dix fontaines, dont l'usage est réservé
exclusivement au roi et à son fils aîné ; qu'un étranger se désaltère avec cette eau et,
aussitôt, il est mis à mort.
10. Dans le livre VIII de sa Cyropédie, Xénophon dit :
«À cette époque, en effet, les Perses usaient encore de modération dans leurs
mœurs, bien qu'ils eussent déjà adopté la robe et le luxe des Mèdes. Aujourd'hui,
les rudes vertus perses sont obsolètes au profit de la mollesse caractéristique des
mèdes. Mais je me dois de vous livrer les preuves de ce laisser-aller général.
Coucher sur des coussins moelleux ne leur suffit plus, il veulent désormais que les
pieds du lit reposent sur d'épais tapis, ce qui leur permet de moins ressentir la
dureté du sol. S'agissant des pâtisseries, ils n’ont, certes, rien abandonné de leurs
spécialités traditionnelles, mais ils en ont rajouté dans la sophistication ; même
chose pour les ragoûts ; ils ont même des inventeurs à gages dans les deux
genres. En hiver, ils ne se contentent plus de se couvrir simplement la tête, le
corps et les pieds, ils se procurent maintenant des gants de fourrure. En été, ils ne
recherchent plus l'ombrage des arbres et des rochers, ils ont à leur disposition - et
sous ces mêmes abris, par dessus le marché - des serviteurs qui leur dispensent
une ombre factice.»
Dans les paragraphes suivants, Xénophon dit aussi d'eux :
«Dorénavant, ils déposent plus de couvertures sur leurs chevaux que sur leurs lits ;
leur préoccupation n'est plus de se maintenir fermement sur leur monture, mais
d'être confortablement installés. Maintenant ils ont des portiers, des boulangers,
des cuisiniers, des échansons, des maîtres de bain, des esclaves pour servir et
desservir les plats, pour coucher les maîtres, pour les réveiller, des valets de chambre
qui vous font le contour yeux, maquillent, et s’occupent des soins de beauté...»
11. Les Lydiens se sont hissés à un tel niveau de volupté qu'ils furent à la pointe en
matière de contraception féminine : c'est ce que nous confie Xanthos de Lydie, ou tout
au moins l'auteur des histoires qui lui sont attribuées, dont le nom serait Dionysios
Scytobrachrion, selon le témoignage d'Artémon de Cassandréia dans sa Collection de
livres. Notons toutefois que ce dernier auteur ignore totalement le fait que l'historien
Éphore considère Xanthos comme l'aîné d'Artémon, et comme ayant fourni des
sources à Hérodote. Quoi qu'il en soit, Xanthos dit dans le livre II de son Histoire de
Lydie, qu'Adramytès, roi de Lydie, fut à l'origine de l'ablation des ovaires des femmes, à
seule fin de voir celles-ci remplacer les eunuques dans leur fonction. Cléarchos raconte
la chose suivante dans le livre IV de ses Vies :
«Par plaisir et par mollesse, les Lydiens ont créé des parcs magnifiques et
fortement ombragés, partant de l'idée qu'il était d'un goût exquis de ne point subir
l'ardeur des rayons du soleil. Comble de leur orgueil, ils allèrent jusqu'à rassembler
femmes mariées et jeunes filles dans un lieu qu'ils nommèrent, par dérision, «lieu
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de la purification», et où ils les violaient ouvertement. Pour finir, leur degré
d'efféminement fut si grand qu'ils adoptèrent le mode de vie des femmes. La
conséquence normale d'un tel comportement fut la prise du pouvoir par une femme
tyran, une des donzelles qui avait été préalablement outragée, et dont le nom était
Omphale. La première décision qu'elle prit fut de châtier les Lydiens. Reconnaissons
qu'ils l'avaient bien cherché ! Ce règne violent est à mettre en relation avec la
violence de ces gens. Ils eurent affaire à une créature impulsive, désireuse
uniquement de se venger des humiliations qu'elle avait endurées. C'est ainsi qu'elle
offrit spontanément en mariage des esclaves aux filles des maîtres, et ce à
l'endroit même où elle avait été violentée par eux. Après avoir réuni tout ce beau
monde, elle donna l'ordre aux filles de famille de baiser avec leurs esclaves. Plus
tard, les Lydiens, atténuant le piquant de la chose, appelèrent ce lieu - par
euphémisme - la Douce Étreinte. Il n'y a pas que les Lydiennes qui se soient ainsi
offertes au premier venu, il y a aussi les Locriennes Occidentales, les femmes de
Chypre, bref les donzelles de tous les peuples qui ont coutume de prostituer les
jeunes filles. De telles situations sont consécutives à un outrage fort ancien et ne
sont mues que par une volonté de vengeance.
C'est d'ailleurs pour se venger que se révolta un noble lydien, opprimé par le
despotisme de Midas, prince qui, par goût de la luxure, collectionnait les longues
robes pourpres, astreignant les femmes à travailler sans cesse la laine sur leur
métier à tisser, pendant que, dans le même temps, Omphale massacrait à qui
mieux mieux tous les étrangers qui l'avaient souillée. Notre aristocrate les punit
alors tous les deux, et tira les oreilles de Midas devenu complètement idiot, lui qui
par sa sottise avait été affublé du nom de l'animal le plus stupide au monde ; quant
à Omphale...» (lacune)
12. Les Lydiens furent également les inventeurs d'une sauce spéciale composée de sang
et d'épices qu'on appelle karykê, mixture que divers auteurs de traités d'art culinaire ont
mentionné, tels Glaucos de Locres, Mithécos, Dionysios, mais aussi deux Syracusains
appelés les Héraclides, Agis, Épénétos, Dionysios, Hégésippos, Érasistratos,
Euthydémos, et Criton ; citons encore Stéphanos, Archytas, Acestios, Acésias, Dioclès
et Philistion. Je crois avoir fait la liste de tous les auteurs d'Art culinaire. Les Lydiens ont
également confectionné un plat que, dans leur langue, on nomme «kandaulos», dont il existe
trois variantes, ce qui est normal de la part d'un peuple tellement obsédé par le luxe.
Hégésippos de Tarente assure qu'il est composé de viande bouillie, de miettes de pain, de
fromage de Phrygie, d'anis, et de bouillon gras. Alexis en parle dans son Vigile, à moins
que ce ne soit dans ses Tisserands ; un cuisinier est l'interlocuteur du dialogue :
«LE CUISINIER : En outre, nous te servirons un kandaulos.
B. Un kandaulos ? J'ai jamais mangé ça ! Je connais même pas !
A. C'est une de mes spécialités les plus prisées ; si je t'en donne, tu iras jusqu'à te
bouffer les doigts, tellement tu apprécieras. Allons ! préparons un bon boudin !
B. Mon cher, ces boudins, est-ce que tu les fait blancs, regarde à... (lacune)
A. Ensuite, pour poissons, nous choisirons un esturgeon salé, pour rôtis, quelques...
(lacune) directement des chaudrons.... Je mettrai devant toi un pain cuit deux fois et
un œuf dur sur le pain, du petit lait, une fiole de miel pour tartiner les crêpes, du
fromage frais de Cythnios soigneusement tranché, une grappe de raisins, une panse
farcie, et une bolée de vin liquoreux : c'est cela d'ordinaire que l'on sert comme
second plat, mais, là, ça constituera le plat principal.
B. Moques-toi ! Veux-tu bien me foutre la paix quand tu me parles de tes
kandaulos, de tes panses farcies et de tes chaudrons, ça me fout la nausée !»
Philémon fait également allusion au kandaulos dans le Voisin en ces termes :
«Tout le monde est témoin dans le patelin que je suis le seul à faire un bon boudin,
un kandaulos, ou une omelette dans une pièce. Est-ce là un crime assurément ?»
Même chose pour Nicostratos dans le Cuisinier :
«Il ne savait pas faire le bouillon noir, mais il était expert en omelette ou en kandaulos.»
Ménandre dans son Trophonios :
«Et l'Ionien, gâté de richesse, se fait préparer comme plat principal du kandaulos
et diverses nourritures aphrodisiaques.»
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Enfin, quand les Lydiens s'en vont en guerre, ils aiment à défiler en s'accompagnant de
flûtes de Pan et de pipeaux, comme Hérodote nous le rappelle :
«Les Lacédémoniens se jettent sur l'ennemi au son des flûtes, comme les
Crétois le font au son de la lyre.»
13. Héracléidès de Cumes, l'auteur d'une Histoire de la Perse, raconte dans la section
de l'ouvrage intitulée Équipement, que le roi de la contrée productrice d'encens gouverne
en toute indépendance, et n'est sous le joug d'aucun potentat. Voici ce qu'il ajoute :
«Ce prince surpasse tous les autres par son oisiveté sans égal. En fait, il ne sort
jamais de son palais, passant le plus clair de son temps à dépenser sans compter ;
il ne s'occupe de rien, ne se risque jamais à se montrer en public, et délègue tous
ses pouvoirs à des juges. Si un homme estime que ces juges ont émis un verdict
injuste, voici comment il se pourvoit : il y a une fenêtre dans la partie la plus élevée
du palais, et à celle-ci est attachée une chaîne. Celui qui prétend avoir été
injustement condamné s'empare de la chaîne et tire dessus ; dès le roi s'est
aperçu de la chose, il fait venir le plaignant et examine lui-même l'affaire en
question. S'il s'avère que les juges ont commis une bourde, ils sont sur-le-champ
exécutés. Mais si leur sentence est justifiée, alors, celui qui a secoué la fenêtre est
mis à mort. Quant aux dépenses quotidiennes du roi, de ses épouses et de ses
proches, elles atteignent la somme de quinze talents babyloniens.»
14. Chez les Étrusques, voluptueux comme il n'est pas possible, Timée dit dans son livre
I, que les petites esclaves servent les hommes dans le plus simple appareil.
Théopompe, dans le livre XLIII de ses Histoires, ajoute qu'il est monnaie courante chez
ces populations de mettre les femmes en commun ; celles-ci prennent un soin particulier
à leur corps, n'hésitant pas à s'exercer en compagnie des hommes, ou entre elles. En
effet, les femmes n'éprouvent aucune honte à se montrer nues. Lors des banquets, elles
se mettent à table, non point aux cotés de leur maris, mais indifféremment auprès du
premier convive qui se présente, donnant un toast à qui bon leur semble. Du reste,
dotées d'une rare beauté, elles sont aussi de sacrées buveuses.
Les Étrusques élèvent sans distinction tous les enfants qui naissent sans se préoccuper
de savoir qui est le père de chacun d'eux. À leur tour, ces gamins reprennent le mode de
vie de leurs nourriciers, se précipitant dans des beuveries sans fin et baisant avec
n'importe quelle femme. Il n'y a rien d'infamant pour les Étrusques à être surpris en train
de copuler en public. C'est la coutume de ce peuple. Loin d'eux l'idée de mal faire, au
point que, lorsqu'un maître de maison baise, et qu'un visiteur s'enquiert de lui, le serviteur
lui répond qu'il fait «crac-crac» sans aucun problème !
Quand ils se paient des gourgandines ou toute autre personne, voici ce qu'ils font :
d'abord, ayant cessé de boire, ils se décident à rejoindre leur couche ; aussitôt, à la lueur
des flambeaux, les esclaves leur amènent des putes ou de charmants gitons, quelquefois
aussi leurs épouses ; une fois qu'ils ont bien joui, les esclaves font alors venir des
hommes particulièrement robustes, qui les enculent. Bref ils ont des rapports sexuels très
fréquents, et se livrent parfois à leurs ébats à la vue de tous. Toutefois, dans la plupart
des cas, ils installent des paravents autour des lits ; ces paravents sont faits de baguettes
tressées, au-dessus desquelles sont attachés les manteaux.
Ils prennent leur pied surtout avec les femmes, mais il en est qui se délectent de frais
adolescents. Il est vrai que, dans leur pays, ces derniers sont très beaux, la raison en
étant qu'ils se vautrent dans le luxe très tôt et qu'ils s'épilent le corps. En fait, tous les
Barbares des contrées occidentales s'arrachent les poils en utilisant de la poix ou en se
les rasant ; et chez les Étrusques, on trouve des échoppes d'artisans qui correspondent à
nos barbiers. Quand nos jolis garçons pénètrent dans ces locaux, ils s'offrent alors sans
réserves, indifférents au regard des voyeurs ou des simples passants. Cette coutume est
typique également des Grecs habitant l'Italie, parce qu'ils la tiennent des Samnites et des
Messapiens. Voluptueux jusqu'au bout des ongles, les Étrusques, comme le rapporte
Alcimos, pétrissent le pain, boxent et supplicient les condamnés au son de la flûte.
15. Les tables des Siciliens sont fameuses pour leur somptuosité, ces mêmes Siciliens
qui vantent la douceur maritime de leur rivages, si bien qu'ils apprécient au plus haut
point les nourritures qu'ils y pêchent ; c'est ce que nous confie Cléarchos dans le livre V
de ses Vies. Venons-en maintenant aux Sybarites. Que dire à leur propos ? Eh bien,
qu'ils sont les premiers en titre à avoir conçu des verseurs d'eau dans les bains, et les
premiers encore à avoir créer la fonction de garçons de bains, des individus qu'on avait
pour habitude de lier les pieds afin de les empêcher de marcher trop vite et de brûler les
baigneurs en passant.
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Les Sybarites furent également les promoteurs d'une loi visant à bannir de la cité les
artisans exerçant un métier trop bruyant, comme les forgerons, les charpentiers, et autres
travailleurs du même acabit : en effet, ils désiraient que rien ne troublât le calme de leur
sommeil, et ce en toutes circonstances. Même les coqs furent proscrits à l'intérieur de la
ville.
Timée nous raconte qu'un jour, un homme de Sybaris ayant aperçu des paysans creuser
la terre dans une champ, il dit à ses compagnons que cette seule vue lui avait donné une
hernie ; un autre citoyen de notre cité, ayant entendu sa plainte, s'écria à son tour : «Moi,
rien qu'à t'écouter, je ressens déjà un point de côté !»
À Crotone, un athlète travaillait à aplanir le sol à l'endroit où les jeux allaient se dérouler,
lorsque soudain, des Sybarites, qui se tenaient tout près de là, montrèrent leur
stupéfaction devant le fait qu'une cité aussi prestigieuse n'avait à sa disposition aucun
esclave capable de préparer la palestre. Un autre Sybarite se rendit à Sparte où il fut
invité aux Phidities, c'est à dire aux repas en commun. Alors qu'il s'asseyait sur un banc
de bois pour partager la pitance des Spartiates, il fit la remarque suivante : «J'étais
époustouflé par les exploits prodigieux des Spartiates, mais le spectacle que je vois
m'oblige à penser qu'ils n'ont décidément rien d'extraordinaires ! L'homme le plus poltron
du monde préférerait se tuer plutôt que de supporter de telles conditions de vie.»
16. Chez les Sybarites, il était d'usage que, jusqu'à l'âge de l'éphébie, les garçons
portassent des robes de pourpre, et que leurs cheveux fussent tressés avec des
ornements d'or. Une autre de leurs coutumes locales, conséquence de leur volupté
exacerbée, était de posséder des poupées et des nains, comme nous le rappelle Timée,
des nains qui, chez eux, portent le nom de «stilpones» ; de même, ils aimaient s'entourer
de petits chiens de Malte, qui les suivaient partout, même jusqu'au gymnase. À ces genslà, comme à tous ceux qui ont de semblables manies, on peut appliquer une fine répartie
que leur fit Massinissa, roi de Maurétanie, bon mot que nous a conservée Ptolémée dans
le livre VIII de ses Commentaires. Des Sybarites étaient venus dans son royaume afin d'y
acheter une grande quantité de singes. Voici ce que le roi leur dit :
«Dans votre pays, mes amis, il n'y aurait donc pas de femmes pour faire des enfants ?»
Massinissa adorait les enfants, et lui-même vivait dans son palais en compagnie des
rejetons de de ses fils et de ses filles. Il les élevait tous jusqu'à ce qu'ils eussent trois ans
révolus ; ensuite il les confiait à leurs parents, d'autres venant les remplacer. Le poète
comique Euboulos parle dans le même esprit que Massinissa dans sa comédie des
Grâces :
«Voyons ! pour un homme de noble condition, Il est de loin plus intelligent d'élever
un enfant jusqu'à ce qu'il devienne un homme, pourvu qu'il en ait les moyens, que
d'engraisser une oie qui barbotte dans l'eau avec ses ailes et criaille sans cesse,
ou un moineau, ou un singe, toujours en train de faire le pitre !»
Athénodoros, dans son livre Fantaisie et Sérieux, nous informe qu'Archytas de Tarente,
qui était à la fois chef d'État et philosophe, avait à son service de nombreux esclaves
dont il appréciait la compagnie, au point de les laisser circuler librement, sans chaînes,
dans la salle à manger quand il prenait ses repas. Les Sybarites, au contraire,
n'éprouvaient d'affection qu'envers les chiots maltais et pour des ébauches d'êtres
humains.
17. En outre, les Sybarites, portaient des manteaux tissés en laine de Milet : d'ailleurs, ce
fut ainsi que des alliances se nouèrent entre les nations, s'il faut en croire Timée. Parmi
les peuples d'Italie qui avaient leur préférence, il faut citer les Étrusques ; s'agissant des
peuples orientaux, leur goût les portait principalement vers les Ioniens ; cela n'a rien
d'étonnant, sachant les prédispositions à la mollesse de ces deux peuples.
Les cavaliers sybarites, qui étaient au nombre de cinq mille, défilaient revêtus de leurs
manteaux couleur safran qui recouvraient leurs cuirasses. Pendant l'été, toute la fine fleur
de la jeunesse sybarite se pressait dans les grottes des nymphes, à proximité du fleuve
Lusias, où ils s'abandonnaient à toutes sortes de débauches.
Quand un homme un peu opulent décidait de partir quelque temps en villégiature, il
parcourait en trois jours l'itinéraire qui, normalement, ne nécessitait qu'une seule journée
de voyage ; et pourtant, ils disposaient de chariots et de routes en dur.
La plupart de ces gens fortunés étaient propriétaires de caves à vin, creusées près de la
côte, le vin étant envoyé, grâce à un réseau de canalisations, de leurs domaines
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jusqu'aux caves. Les Sybarites vendaient une partie de ce vin dans les contrées
voisines ; l'autre partie était destinée à la cité, et amenée par voie maritime.
L'organisation de banquets publics étaient une de leurs occupations favorites, et ils
offraient des couronnes d'or à quiconque s'y était distingué, allant jusqu'à publier leurs
noms aux sacrifices et aux jeux civiques : à la vérité, ce qu'ils récompensaient, ce n'était
sûrement pas leur loyauté envers la cité, mais l'élégance vestimentaire qu'ils avaient
arborée lors des festins. On rapporte qu'ils honoraient même les cuisiniers, s'ils s'étaient
surpassés dans la confection de mets particulièrement délicats.
Enfin, on trouvait chez les Sybarites des baignoires où ils se relaxaient ; ils aimaient aussi
se détendre dans les bains de vapeur. Ajoutons qu'on leur doit l'invention des pots de
chambre, dont ils ne se séparaient jamais, pas même dans les banquets.
Ils trouvaient ridicule le fait de s'éloigner de leur patrie, et ils se faisaient une gloire de
n'avoir vieilli qu'entre les ponts de leurs deux fleuves, le Crathis et le Sybaris.
18. Une telle prospérité de leur part s'explique par la région même où ils habitent, car la
plus grande partie de la côte environnante ne signale aucun port ; ils ont pour eux la
totalité des fruits que la terre produit, et que seuls les indigènes partagent avec eux. Il ne
faut pas oublier non plus la situation de leur ville. Il semblerait que l'oracle du dieu les ait
favorisé dans leur penchant pour la volupté et leur propension à une vie déjantée : en
effet, leur ville est bâtie dans une cuvette ; de fait, en été, ils jouissent d'une grande
fraîcheur le matin et le soir, tandis qu'à midi, ils subissent une chaleur étouffante. Pour
ces raisons, ils considèrent que boire abondamment est un gage de bonne santé ; tant et
si bien qu'à Sybaris nul quidam ne souhaite mourir sans avoir auparavant contemplé le
lever ou le coucher du soleil.
Un jour, ils envoyèrent une délégation de citoyens - parmi lesquels figurait Amyris - au
temple de la divinité poliade pour demander à l'oracle combien de temps encore ils
jouiraient de leur prospérité. La Pythie leur répondit :
«Heureux, toi le Sybarite, tu baigneras toujours dans l'abondance, tant que tu
honoreras la race des immortels. Mais dès que tu craindras un mortel plus qu'un
dieu, alors la guerre et les dissensions civiles déferleront sur toi.»
À cette réponse, les Sybarites en conclurent que le dieu leur promettait une vie de plaisir
perpétuelle, persuadés que jamais ils n'oseraient honorer un mortel plus qu'une dieu. Or
leur fortune périclita quand, un jour, un homme se mit à fouetter l'un de ses esclaves, et
qu'il continua à la supplicier, même après que celui-ci se fut réfugié à l'intérieur des
sanctuaires ; quand le malheureux fut parvenu à rejoindre la sépulture du père de son
maître, l'homme le laissa partir honteusement. À partir de ce moment, leur surenchère
effrénée de voluptés les mena à leur perte, Sybaris s'efforçant toujours de rivaliser avec
les autres cités dans la quête des plaisirs. Bientôt, des signes avant-coureurs de leur
ruine imminente leur apparurent. Mais il n'y a pas urgence à relater ces faits ; en résumé,
disons qu'ils furent anéantis.
19. Ils en étaient arrivés à un tel degré d'excentricité qu'ils avaient dressés leurs chevaux
à danser dans les banquets au son de la flûte. Lorsque la chose parvint aux oreilles des
gens de Crotone, ces derniers déclarèrent la guerre aux Sybarites, comme Aristote le
relate dans sa Constitution : et c'est au cours de la bataille qu'ils entonnèrent l'air sur
lequel les chevaux avaient appris à danser (les Crotoniens avaient, en effet, incorporé
dans leur armée des joueurs de flûte déguisés en soldats) : dès que les chevaux
entendirent le son des flûtes, ils se mirent spontanément à danser, alors qu'ils portaient
les cavaliers sybarites sur leur dos, et ils rejoignirent le camp des Crotoniens. Charon de
Lampsaque, dans second livre de ses Annales, nous raconte la même histoire, mais
pour les gens de Cardia.
«Les Bisaltiens firent campagne contre Cardia et furent victorieux. Naris était le
chef des Bisaltiens. Quand il était enfant, il fut vendu comme esclave à un citoyen
de Cardia et devint barbier. Un oracle avait prédit aux Cardiens que les Bisaltiens
les attaqueraient. Très vite, on ne parla plus que de cet oracle dans l'échoppe du
barbier. Naris s'échappa bientôt de Cardia et revint dans sa terre natale où il incita
ses compatriotes à marcher contre leur rivale. Il fut alors nommé général en chef
de leur armée par les Bisaltiens. On savait que, pour les banquets, les Cardiens
avaient dressé leurs chevaux à danser au son des flûtes, et à se dresser sur leurs
pattes arrières ; ils dansaient donc en suivant scrupuleusement le rythme de la
mélodie. Informé de cet usage, Naris acheta une joueuse de flûte d'origine
cardienne, qui fut chargée d'apprendre à un groupe de Bisaltiens les airs de flûte
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qui étaient familiers aux Cardiens ; et c'est avec ces musiciens qu'il partit attaquer
la cité ennemie. Quand la bataille débuta, il donna l'ordre de jouer toutes les
mélodies que les chevaux de Cardia connaissaient par cœur. Dès que le son des
flûtes se mit à retentir, les chevaux se dressèrent sur leurs pattes arrières et
commencèrent à danser ; et comme la puissance des Cardiens provient de leur
cavalerie, ces derniers furent naturellement défaits.»
Un jour, un Sybarite, désireux de naviguer de sa ville jusqu'à Crotone, loua un
bateau pour son usage personnel, stipulant qu'il ne voulait pas être éclaboussé, ni
voyager avec qui que ce soit. En outre, il exigeait d'embarquer son cheval à bord.
Le capitaine accepta ces conditions. Alors, notre Sybarite fit monter son cheval sur
le bateau et ordonna d'étendre une litière pour l'animal. Il demanda ensuite à celui
qui l'avait escorté de faire le voyage en sa compagnie, en arguant du fait qu'il
s'était préalablement arrangé avec le capitaine pour qu'il naviguât au plus près du
rivage. Mais l'homme répondit : «J'aurais à peine esquissé une réponse, si tu avais
eu l'intention de faire un voyage terrestre par mer, au lieu d'une croisière maritime
par terre.»
20. Dans le livre XXV de ses Histoires, Phylarchos nous apprend que, chez les
Syracusains, il y existait une loi qui interdisait à la femme de se parer de bijoux et d'or et
de porter des robes chamarrées, ou tout autre vêtement bordé de pourpre, à moins
d'admettre qu'elle était une vulgaire prostituée ; ailleurs, il dit qu'il y avait une autre loi qui
interdisait à un homme de se maquiller ou de revêtir des habits par trop ostentatoires,
sauf s'il avouait être un noceur ou un pédéraste ; en outre, cette législation défendait à
une matrone libre de prendre l'air après le coucher du soleil, car c'était la présomption
d'une vie déréglée ; même dans la journée, elle ne pouvait sortir sans la permission de
ses gardiens, et encore, accompagnée au moins d'une servante. Voici ce que dit encore
Phylarchos :
«Les Sybarites, étreints par leur folie du luxe, passèrent une loi selon laquelle les
femmes étaient conviées d'emblée aux solennités publiques ; de fait, les hérauts
chargés d'annoncer les sacrifices avaient l'obligation de le faire une année à
l'avance, pour que les femmes puissent à loisir broder leurs robes et se procurer
toute la joaillerie nécessaire pour participer aux cérémonies. Si un cuisinier
inventait de nouvelles et succulentes recettes, nul autre de ses confrères n'était
autorisé à les mettre en pratique pendant une année, lui seul ayant le privilège de
confectionner librement son plat : le but avoué de la chose était d'encourager les
autres cuisiniers à se concurrencer dans la confection de mets toujours plus
raffinés. Selon ce principe, les marchands d'anguilles ne payaient pas d'impôts, ni
ceux qui les avaient pêchées. De même, les teinturiers de la pourpre marine, tout
comme leurs importateurs, étaient également exemptés d'impôts.»
21. Les Sybarites s'abandonnèrent à une telle folie arrogante qu'ils n'hésitèrent pas,
lorsque trente ambassadeurs vinrent de Crotone, à les assassiner purement et
simplement, à jeter leurs cadavres sous les murs de leur cité, et à les laisser dévorer par
les bêtes sauvages. C'est à partir de ce moment que commença pour eux le désastre,
parce qu'ils avaient provoqué la colère divine. On sait maintenant que, quelques jours
après leur forfait, les magistrats firent le même rêve au cours de la même nuit : ils virent
la déesse Héra en plein milieu de l'agora qui déversait une bile rageuse, et une fontaine
de sang qui jaillissait à l'intérieur de son temple. Pourtant, malgré ces prodiges, leur
orgueil démesuré ne faillit pas, et il fallut attendre pour cela qu'ils fussent écrasés par les
Crotoniates. À ce propos, Héracléidès du Pont nous dit ces mots dans son livre sur la
Justice :
«Après la chute du gouvernement tyrannique de Télys, les Sybarites supplicièrent
ses collaborateurs sur les marches des autels divins... Face à ces massacres, la
statue d'Héra se retourna, et, soudain, du sol, on vit s'écouler une fontaine de sang
si abondante qu'ils furent obligés de bloquer tout l'espace adjacent avec des portes
d'airain pour essayer d'arrêter les flux sanglants. Bref tout cela conduisit à la ruine
et la destruction de ces gens qui avait poussé la honte jusqu'à vouloir assombrir
l'éclat des jeux olympiques. En effet, après avoir attendu l'ouverture des
compétitions, ils tentèrent, en offrant des salaires mirobolants, de faire venir dans
leur patrie les athlètes les plus chevronnés.»
22. Mais il semble, selon Timée, que les Crotoniates eux-mêmes se soient laissés ronger
par le luxe, dès aussitôt la chute de Sybaris, puisque, dit-on, leur archonte sillonna la ville
enveloppé d'une longue robe pourpre, la tête ceinte d'une couronne d'or, avec, aux pieds,
des bottes blanches. Toutefois, il est des auteurs qui ne voit point dans cette épisode une
manifestation d'extravagance : en effet, la responsabilité en reviendrait au médecin
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Démocédès. Celui-ci était originaire de Crotone ; après avoir rejoint Polycrate, tyran de
Samos, il fut fait prisonnier lorsque son maître fut tué par Oroétès ; il fut alors emmené
auprès du grand roi. Et c'est ainsi que Démocédès guérit Atossa, épouse de Darius et
fille de Cyrus, qui souffrait d'une tumeur au sein. Pour prix de ses bienfaits, il demanda à
regagner la Grèce, promettant néanmoins son retour en Perse. Il obtint cette faveur et
revint à Crotone. Il aurait désiré s'y fixer définitivement, mais un Perse mit la main sur lui,
et lui rappela qu'il n'était que l'esclave du grand roi. Alors, les Crotoniates libérèrent
Démocédès, et, dépouillant le Perse de ses vêtements, ils le reléguèrent comme
domestique auprès du magistrat suprême. Depuis lors, l'archonte a pour usage de se
rendre aux autels le septième jour de chaque mois en arborant une tenue exclusivement
perse. La chose n'a rien d'une marque d'excentricité ou d'une bravade : non, le but est de
salir l'honneur des Perses. Plus tard cependant, les gens de Crotone, toujours d'après
Timée, essayèrent de ternir les jeux olympiques en organisant, en même temps que
ceux-ci, leurs propres compétitions, promettant aux athlètes des prix grassement
rémunérés. D'autres auteurs disent que ce sont les Sybarites qui imaginèrent ce
stratagème.
23. Dans le livre IV de ses Vies, Cléarchos affirme qu'une fois qu'ils eurent acquis
richesse et puissance, les gens de Tarente se jetèrent dans une frénésie de luxe telle
qu'ils se mirent à s'épiler tour le corps afin de le rendre doux et lisse : c'est ainsi qu'ils
furent les propagateurs chez les autres nations de cette mode qui consistait à se raser le
crâne. Les hommes, poursuit-il, portaient un manteau transparent avec des franges de
pourpre, en fait une parure vestimentaire qui est considérée de nos jours comme le fin du
fin parmi la gent féminine.
Plus tard, leur goût du luxe les ayant transformé en des êtres effrontés et arrogants, ils
mirent à sac Carbina, une ville de l'Iapygie ; puis ils rassemblèrent les adolescents, les
jeunes filles et les femmes dans les temples de la cité, et, comme dans un spectacle, ils
exhibèrent leur nudité devant la foule des badauds pendant une journée entière ; celui
qui en ressentait l'envie pouvait librement, tel un loup sur une brebis, se jeter sur ces
malheureux et assouvir ses pulsions lubriques sur la beauté de son choix. Or, tandis que
la foule regardait, nul ne se doutait que les dieux, eux aussi, étaient vigilants ; en effet,
les puissances supérieures furent si courroucées qu'elles foudroyèrent les Tarentins qui
avaient commis un tel sacrilège. Et, aujourd'hui encore, à Tarente, chaque maison
possède autant de colonnes devant ses portes que de personnes qui furent envoyées en
Iapigie, et, à chaque anniversaire du foudroiement, les Tarentins ne versent aucune larme
sur leurs défunts, et ne leur consacrent aucune libation ; non, ils sacrifient seulement à
Zeus Tonnant.
24. Parlons encore de ces Iapyges. Ils étaient originaires de Crète, mais, un jour, à la
quête de Glaucos, ils s'établirent en Italie. Leurs descendants, qui avaient vite renoncé à
la vie âpre de leurs ancêtres crétois relâchèrent leurs mœurs, puis furent rongés par un
orgueil sans pareil. On raconte qu'ils furent les premiers à se maquiller et à porter des
perruques ; habillés de longues robes aux couleurs vives, ils finirent par mépriser le
travail et la peine. La plupart d'entre eux avaient une demeure qui dépassait en splendeur
les temples. Quant au prince des Iapyges, avec une honteuse désinvolture, il pilla sans
vergogne les statues sacrées, sous le prétexte fallacieux qu'elles seraient en sécurité
ailleurs. Aussi, pour prix de leur crimes, les Iapiges furent-ils frappés par une foudre de
feu et de cuivre : la postérité a d'ailleurs gardé le nom de ce drame ((le cuivre du ciel).
Pour prouver la réalité de l'évènement, on montra pendant longtemps les projectiles de
cuivre rejetés par le ciel. Depuis cette époque, les descendants des Iapiges ont le cheveu
coupé à ras, portent des habits de deuil, et mènent une vie rude, dépourvue de tous les
attraits dont leurs ancêtres avaient joui.
25. En ce qui concerne les Ibères, il faut savoir qu'ils ont beau se pavaner dans de fines
et longues robes et porter des tuniques qui descendent jusqu'aux pieds, ils ont
néanmoins prouvé leur valeur au cours des guerres. En revanche, les Massiliotes,
travestis comme les Ibères, furent de vraies femmelettes. À cause de leur veulerie, ils
faisaient montre d'une outrageuse indécence : bref ils étaient efféminés parce que gâtés
par la luxure ; d'où le proverbe fameux : «Eh ! eh ! tu vas à Massilia !»
Quant aux gens qui s'installèrent à Siris, ville qui fut d'abord occupée par des réfugiés
troyens avant de l'être par des hommes de Colophon - Timée et Aristote l'attestent - bref
ces gens-là aussi se laissèrent dominer par le luxe, et à un degré aussi élevé que les
Sybarites. Dans leur pays, c'est la spécialité que de porter des tuniques hautes en
couleur, liées avec de riches ceintures : de ce fait, on les appelle «tuniques à ceintures»
en référence à Homère qui parle des «hommes sans ceintures». Le poète Archiloque ne
tarissait point d'éloges à l'égard du pays des Sirites en raison de sa prospérité. Décrivant
l'île de Thasos comme un endroit moins avenant que Siris, il dit :
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«Pour celui qui l'ignore, il existe là-bas une terre exquise, désirable, ou aimable
comme celle qui gît près des flots du Siris.»
La cité, s'il faut suivre Timée, mais aussi Euripide dans sa Mélanippe enchaînée, tirait
son nom d'une femme nommée Siris ; or Archiloque croit que Siris était plutôt le nom
d'une rivière. Déjà grande par le luxe et la prospérité, cette région devint grande par la
population, tant et si bien que presque toutes les colonies grecques d'Italie furent
baptisées «Grande Grèce».
26. Les Milésiens, tant qu'ils ne se vautrèrent pas dans le luxe, restèrent supérieurs aux
Scythes, aux dires d'Éphore : ils fondèrent des villes sur les bords de l'Hellespont et
parsemèrent le Pont- Euxin de cités splendides, qui gardèrent un rapport étroit avec leur
métropole. Mais dès qu'ils succombèrent à la facilité et au luxe, la virilité de l'état s'en alla
à vau-l'eau, comme le proclama Aristote. Un proverbe leur fut alors dédié :
«Autrefois, il y a très longtemps, les Milésiens étaient des hommes virils.»
Héracléidès du Pont, dans le livre II de La Justice dit :
«La ville de Milet s'enfonça dans le malheur à la suite de ses penchants funestes pour le
luxe, mais aussi à cause de la guerre civile ; refusant toute modération envers leurs
ennemis, ils se montrèrent impitoyables envers eux. Les possédants provoquèrent
l'animosité du peuple, qu'ils appelaient les Gergithes ; d'abord, ce fut les classes
laborieuses qui l'emportèrent et, après avoir expulsé les nantis de leur cité, le peuple ravit
les enfants des bannis, les entassèrent dans des granges, puis les firent piétiner par des
boeufs, leur procurant une mort atroce. Bientôt, les riches revinrent sur le devant de la
scène, enduisirent de poix hommes, femmes et enfants, bref ceux qui avaient le malheur
de tomber entre leurs mains, et il les firent brûler vifs. Pendant leur supplice, une foule de
prodiges se manifesta, telle l'apparition d'un olivier qui s'embrasa d'un coup. En raison de
ces horreurs, le dieu se refusa pendant longtemps à donner des oracle, et quand les
gens de Milet demandèrent la raison de ce rejet, il leur répondit : «Je suis toujours aussi
atterré par le massacre de ces pauvres Gergithes sans défense, par leur sort tragique,
eux qui furent enduits de poix ; et je n'ai pas oublié non plus l'arbre fleuri.»
Dans le livre IV de ses Vies, Cléarchos dit que les Milésiens rivalisaient dans le luxe
avec les gens de Colophon et qu'ils transmirent cette tendance à leurs voisins. Comme,
plus tard, on leur reprochait leur relâchement, ils rétorquèrent :
«Ce qui est de Milet et des contrées environnantes nous appartient en propre et
n'est pas pour le tout à chacun !»
27. Un peu plus loin, Cléarchos dit ceci à propos des Scythes :
«La nation scythe, seule, adopta les premières lois égalitaires. Hélas, ces peuples
devinrent les plus détestables d'entre tous à cause de leur insolence. Ils se vautrèrent
dans un luxe outrancier, comme on en a rarement vu ailleurs, mollesse de vie qui trouve
son origine dans la surabondance de richesses qui s'abattirent sur eux. Leur mode
vestimentaire et leur conduite de vie ont toujours cours chez leurs chefs. Une fois
sombrés dans les délices de la volupté, et après avoir été les premiers des hommes à se
jeter tête baissée dans d'insatiables excentricités, ils perdirent tout complexe, au point de
trancher le nez à tous les hommes dont ils envahissaient le pays ; les descendants de
ces malheureux, qui, aujourd'hui, se sont disséminés un peu partout, se font appeler
"Rhinocorrutites", souvenir des sévices jadis infligés.
Quant aux femmes des Scythes, elles s'amusaient à tatouer le corps des femmes
Thraces qui habitaient les régions voisines du nord-ouest, et ce au moyen d'une aiguille.
Quelques années plus tard, soucieuses d'effacer ces marques d'humiliation, ces pauvres
femmes tatouées eurent l'idée de peindre sur le reste de leur corps de nouvelles figures,
de sorte que les signes caractéristiques de leur ignominie furent noyés dans la masse
des nouveaux motifs dessinés, qui devenaient ainsi un détail décoratif parmi d'autres.
Quant au chef des Scythes, son orgueil et sa violence firent que chaque effort déployé
par les esclaves en leur faveur étaient une suite d'indicibles souffrances : d'où le dicton
où se trouve le mot Scythe, bien connu de tout le monde.
Finalement, le Scythes furent la proie d'une multitude d'épreuves, si bien que dans leur
deuil, ils renoncèrent à la mollesse de leur vie d'antan, et firent le sacrifice de leur longs
cheveux. Cette pratique est, d'ailleurs, à l'origine d'un verbe «aposcythiser», mot forgé
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par les peuples frontaliers aux Scythes, et que l'on emploie pour signifier le fait de couper
les cheveux des autres en vue de les humilier.»
28. Callias (ou Dioclès) raille tous les Ioniens sans exception dans son Cyclope :
«Alors, raconte, que peut bien faire aujourd'hui la luxueuse Ionie aux tables
onctueuses ?»
Quant aux habitants d'Abydos (une colonie de Milet), ils se distinguent par la négligence
de leurs manières et leur abrutissement notoire : Hermippos le souligne assez
clairement dans ses Soldats :
«A. Salut, bataillon d'outre-mer, qu'allons-nous faire de vous ? Rien qu'à vous
regarder, je vois que vous êtes de sacrés mollassons : voyez-moi ces bouclettes
de jeunes dandys, et ces bras de minets....
B. Ne sais-tu qu'un natif d'Abydos ne s'est jamais comporté en homme vrai ?»
Aristophane, dans son Triphallos, est très incisif aussi à l'égard des Ioniens :
«Ensuite, tous les étrangers distingués le talonnaient et le sollicitaient sans arrêt,
l'un pour savoir quel chemin il prendrait pour aller vendre l'enfant, un autre lui
demandant comment il le vendrait à Clazomènès, un autre encore, comment il le
vendrait à Éphèse, un autre enfin, comment il le vendrait à Abydos. Avec eux, on
assiste à une profusion de «comment» !»
Concernant les habitants d'Abydos, Antiphon dit ceci dans le discours Contre Alcibiade,
composé lors d'un procès de diffamation :
«Quand tu eus atteint la majorité, et après approbation de tes tuteurs, tu t'es fait
remettre un domaine, et tu es parti vers la lointaine Abydos, non pas dans
l'intention d'éteindre tes dettes, ni d'obtenir une proxénie, mais bien plutôt pour
t'instruire auprès des femmes du mode de vie abydinien, celui qui correspond le
mieux à ton tempérament brouillon et licencieux, et à seule fin d'en tirer profit dans
ta future carrière.»
29. Les Magnésiens, ceux vivant près du Méandre, s'effondrèrent du fait de leur folie du
luxe, comme le déclare Callinos de ses Élégies, et Archiloque ; en effet, ils furent
vaincus par les Éphésiens. Quant à ces derniers, Démocrite d'Éphèse, dans le premier
de ses deux livres consacrés au temple d'Éphèse, décrit leur richesse, et les vêtements
chamarrés qu'ils portaient :
«Les vêtements des Ioniens sont teints en violet, en rouge et en jaune, et sont
tissés avec des motifs en forme de losange ; mais sur les bords supérieurs, des
thèmes animaliers sont peints à intervalles réguliers. Il ont aussi de longues robes
appelées sarapéis, teintes en vert-pomme, en rouge, en blanc, quelquefois en
pourpre. En outre, ils ont à leur disposition des robes (kalasireis) de fabrication
corinthienne ; certaines d'entre elles sont de couleur pourpre, d'autre de couleur
violette ou rouge foncé ; il en est qui sont couleur de feu ou vert d'eau. Mais les
vêtements les plus beaux sont certainement les kalasiréis perses. On trouve
également chez les Éphésiens des aktaiai, les robes perses la plus onéreuses, qui
sont tissées dans une seule pièce afin de les rendre à la fois solides et légères :
l'aktaiai est parsemée de perles d'or, toutes fixées du côté intérieur de la robe
grâce à une corde pourpre attachée au milieu.»
Démocrite souligne que les Éphésiens ont besoin de tout cet attirail pour assouvir leur
goût du luxe.
30. Parlant du luxe des Samiens, Douris cite des vers d'Asios prouvant qu'ils portaient
des bracelets aux bras, et que, lorsqu'ils assistaient aux fêtes d'Héra, ils arboraient une
longue chevelure très soignée qui tombait jusqu'à la poitrine. Il est question de cette
coutume dans le proverbe suivant : «Marcher vers l'Héraion avec les cheveux tressés.»
Mais que je vous livre les hexamètres d'Asios :
«Une fois peignée leur belle toison, ils se pressent dans l'enclos d'Héra, le corps
enveloppé dans de splendides habits rituels, avec des tuniques couleur de neige
qui frôlent le sol, et que maintiennent de riches fibules en forme de cigales. Sous
leurs rubans d'or, une brise caresse mollement leur tresses légères ; les bracelets
finement ciselés entourent leurs bras... un guerrier abrité sous son bouclier.»
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31. Dans son livre Sur le Plaisir, Héracléidès du Pont déclare que les habitants de
Samos, après avoir vécu dans un luxe tapageur, périrent comme les Sybarites, en raison
de leur mesquinerie réciproque.
Les habitants de Colophon, selon Phylarchos, menaient jusque-là une vie basée sur une
austère discipline ; mais ils s'engouffrèrent très vite dans la manie du luxe, dès qu'une
traité d'alliance eut été conclu avec les Lydiens : dès lors, on ne les vit plus paraître en
public qu'avec une chevelure artistiquement arrangée et semée d'ornements précieux ;
ce qui explique la réaction vigoureuse de Xénophane :
«N'ayant que trop bien assimilé les leçons inutiles autant que funestes des Lydiens
en matière d'excentricités, en un temps où la tyrannie leur était encore épargnée,
ils se rendaient à l'assemblée, affublés de manteaux de pourpre, tétanisés par le
raffinement avec lequel ils avaient paré leur chevelure, tout imprégnée d'onguents
exquisément préparés.»
Bref leurs mœurs furent à ce point dissolues qu'ils s'attardaient honteusement dans les
festins, si bien que la plupart de ces gens ne voyaient plus le coucher, ni le lever du
soleil ! Ils établirent même une loi, toujours en vigueur de nos jours, d'après laquelle les
joueuses de flûte, de harpe et autres pourvoyeurs en divertissements, ne devaient être
payés que soit le matin, à midi, soit le soir, dès que les lampes étaient allumées ; de ce
fait, leurs nuits n'étaient qu'une suite de beuveries ininterrompues.
Théopompe indique, dans le livre XV de ses Histoires, que des milliers d'entre eux se
promenaient dans les rues de la ville, portant de longues robes pourpres ; à l'époque, il
faut dire que cette couleur était une denrée rare, même pour des princes, et qu'elle était
fort recherchée. Le pourpre était estimé à l'équivalent à son poids en argent. En raison
d'un mode de vie aussi dissipé, ils se laissèrent aller aux divisions civiles, tâtèrent de la
tyrannie et finalement sombrèrent avec leur patrie. Diogène de Babylone ne dit pas
autre chose dans le livre I de ses Lois. Quant à Antiphanès, dans son Dodona , il fait les
remarques suivantes :
«D'où viennent-ils et où habitent-ils ? Serait-ce une foule d'Ioniens habillés
somptueusement, des hommes délicats, adonnés au plaisir, qui arrivent en ces lieux ?»
Théophraste, aussi, dans son livre sur le Plaisir, dit que les Ioniens, ainsi que d'autres
peuples, à cause de leur excès de luxe... (lacune)... encore aujourd'hui le proverbe d'or a
survécu.
32. Théopompe raconte, dans le huitième livre de son Histoire de Philippe, que certains
peuples vivant sur les bords de l'Océan sont efféminés. Il évoque également les gens de
Byzance et de Chalcédoine en ces termes :
«Les Byzantins ont longtemps bénéficié d'un régime démocratique ; leur ville était
un comptoir commercial apprécié, et ils passaient le plus clair de leur temps à
traîner sur les marchés et le long du port ; ce qui explique qu'ils se soient vite
accoutumés à l'indolence, aux amours faciles et aux bons coups dans les troquets.
Quant aux gens de Chalcédoine, avant de gouverner avec les Byzantins, ils étaient en
quête d'une vie plus favorable ; or, quand ils eurent goûté aux libertés démocratiques
des citoyens de Byzance, ils se laissèrent annihilés par le luxe et la corruption, si
bien que dans leur vie quotidienne, de sobres et mesurés qu'ils étaient, ils
devinrent ivrognes et dispendieux.»
Dans le livre XXI de son Histoire de Philippe, Théopompe ajoute que la nation
ombrienne (proche de l'Adriatique) se caractérise aussi par ses mœurs efféminées, et
par une vie comparable à celle des Lydiens, parce qu'ils possèdent une terre féconde qui
leur a donné la prospérité.
33. Parlant des Thessaliens dans le livre IV, il écrit ceci :
«Certains d'entre eux passent l'essentiel de leur temps à batifoler en compagnie
des danseuses et des joueuses de flûte, tandis que les autres passent la sainte
journée à jouer, à s'enivrer, bref à mener une vie turbulente, plus soucieux d'avoir
des tables surchargées de plats fastueux que de policer leur esprit ! Mais de tous
les hommes du monde, convenons que les habitants de Pharsale sont les plus
paresseux et les plus dépensiers qui soient.»
Toutefois, il faut bien avouer que les Thessaliens, comme le confirme également Critias,
sont à eux seul les plus extravagants des Grecs dans le choix de leur nourriture et dans
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le raffinement de leur mise ; c'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, les Perses
attaquèrent la Grèce, furieux de voir les Thessaliens imiter leur luxe et leur exubérance.
En ce qui concerne les Étoliens, Polybe, dans le livre XIII de ses Histoires, déclare qu'à
la suite de leurs débauches et de leurs guerres sans fin, ils croulèrent sous les dettes.
Agatharchidès, dans le le livre XII de ses Histoires, nous confie ceci :
«Les Étoliens sont les plus prompts à se confronter à la mort, dans la mesure où ils
s'évertuent à nager dans le stupre avec une rage plus accrue qu'aucun autre peuple.»
34. Les Grecs de Sicile étaient également fameux pour leur luxe, en particulier les
Syracusains. Aristophane ne dit-il pas dans ses Fêtards :
«Ce n'est pas du tout ce qu'on lui a inculqué quand je l'ai mis à l'école ; il a plutôt
appris à boire de bons coups, à chanter des airs salaces, à dresser une bonne
table syracusaine, à se goinfrer comme les Sybarites, et à ingurgiter des vins de
Chios, de Laconie...»
Et Platon dans ses Lettres dit :
«C'est avec cette intention que j'ai décidé de visiter l'Italie et la Sicile pour la
première fois. Mais dès que je fus arrivé, leur mode de vie me révulsa : pensez
donc ! une vie où l'on mange jusqu'à se rassasier deux fois par jour, et où, la nuit,
on ne peut jamais être tranquille ; et que dire encore des autres pratiques qui sont
liées à cette existence ! Avec de telles coutumes, nul homme sous le ciel ne
pourrait faire cure de sagesse, surtout si leur usage remonte à l'enfance. Bref, làbas, il est quasiment impossible d'apprendre la vertu, ni même ses rudiments !»
Et dans le livre III de la République, il écrit ceci :
«La gastronomie syracusaine, les mets si riches de Sicile, j'ai l'impression, mon `
ami, que tu les condamnes.
- En effet !
- Tu n'approuveras pas non plus que des hommes désirant préserver leur vigueur
couchent avec des coquines de Corinthe ?
- Sûrement pas.
- Tu refuseras évidemment qu'ils savourent les chefs-d'oeuvre de la pâtisserie
attique.»
35. Dans le livre XVI de ses Histoires, Posidonios d'Apamée parle des villes de Syrie,
ainsi que de leur luxe effréné, en ces termes :
«Les gens de ces cités, qui bénéficiaient d'un surabondance de terres, étaient
donc loin d'être dans le besoin ; d'où leur habitude à se retrouver entre eux, et à
festoyer sans cesse, en utilisant le gymnase comme s'il s'agissait d'un bain public ;
ils se parfumaient d'huile et de parfums aux essences rares, et se vautraient dans
des grammatéia - c'est ainsi qu'ils appelaient leurs salles de banquet - comme si
c'était leur vraie foyer ; toute leur journée se passait dans ces lieux, où ils se
remplissaient avidement la panse de vin et et de mets de toutes sortes, qu'ils
ramenaient ensuite chez eux. En outre, il se flattaient l'oreille avec le vacarme
assourdissant d'une lyre fabriquée avec la carapace d'une tortue, un instrument
dont toute la ville devait subir le tintamarre.»
Et Agatharchidès, dans le livre XXXV de son Histoire de l'Europe dit ceci :
«Les Arycandiens de Lycie, peuple limitrophe des Limyriens, ont fini par s'endetter
du fait de leur vie dissipée. Bientôt, incapable d'éponger leurs dettes, parce que
rongés par une vie faite d'indolence et de sensualité exacerbée, ils s'empêtrèrent
dans les manigances de Mithridate avec l'idée qu'ils obtiendrait pour prix de leur
alliance l'extinction de leurs dettes.»
C'est pour cette raison que, dans le livre XXI, le même auteur ajoute que les Zacynthiens
étaient des bons à rien du point de vue militaire, vu qu'ils vivaient somptueusement,
pourris par la richesse.
36. Dans le livre VII de son Histoire, Polybe écrit que les gens de Capoue, en Campanie,
amassèrent tant de richesses dues à la fertilité de leurs terres qu'ils affichèrent une
mollesse et un luxe si effrontés qu'ils surpassèrent la réputation déjà sulfureuse des
Crotoniates et des Sybarites. Leur opulence leur étant bientôt insupportable, ils
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appelèrent Hannibal dans leur ville : dès lors, les Romains leur fit endurer les plus rudes
épreuves. À l'inverse, les Pétélénins, loyaux envers les Romains, furent assiégés par
Hannibal. On sait qu'ils firent preuve au cours de ce siège d'un courage et d'une
opiniâtreté sans égal, à tel point que, pour survivre, ils allèrent jusqu'à dévorer tous les
cuirs qui se trouvaient dans leur cité, et à consommer les écorces et les jeunes pousses
des arbres. Enfin, au bout de onze mois d'un siège harassant, ne recevant aucun renfort,
ils furent contraints à se rendre aux Carthaginois, avec, cependant, le consentement des
Romains, qui furent sensibles à leur indéfectible témoignage de fidélité.
37. Citant Eschyle, Phylarchos dit dans le livre XI de ses Histoires que les Curètes
auraient été ainsi nommés en raison de leur goût du luxe :
«En guise d'ornement, ils se font boucler les cheveux comme de jeunes coquettes ;
c'est à cause de cette pratique qu'ils se font appeler les "Curètes" (de Kouros).»
Dans Thyeste, Agathon présente les prétendants à la main de la fille de Pronax, parés
comme des idoles, et arborant une coiffure artistiquement bouclée. Toutefois, n'obtenant
pas ce qu'ils convoitaient, ils se seraient exclamés :
«Nous avons fait le sacrifice de nos cheveux, gages de notre luxe, une chose qui
nous était chère quand nos cœurs étaient heureux. Mais, désormais, nous avons
gagné un nouveau titre de gloire, celui d'un nouveau nom, les "Curètes", puisque
nos crânes sont tondus (kourimos).»
Ajoutons que les habitants de Cumes, en Italie, s'il faut en croire Hypérochos - ou
l'auteur de l'Histoire de Cumes qu'on lui attribue - arboraient des tenues superbes et d'or,
aux couleurs chatoyantes, et se plaisaient à se pavaner avec leurs épouses dans des
chariots tirés par deux chevaux.
38. Voilà donc tout ce que j'ai retenu s'agissant du luxe des peuples et des cités.
Maintenant, je m'en vais orienter mon propos sur des personnalités. Dans le livre III de
son Histoire de Perse, Ctésias rapporte que tous les potentats d'Asie se sont livrés à la
volupté, en particulier Ninyas, le fils de Ninus et de Sémiramis. On raconte que ce prince
restait toujours confiné dans son palais, ne se montrant qu'à ses eunuques et à ses
femmes.
Telle fut aussi la caractéristique de Sardanapale, rejeton d'Anacyndaraxès, selon les uns,
d'Anabaraxarès, selon les autres. Un jour, Arbacès, Mède de naissance, et l'un des
généraux de notre monarque, obtint, par l'intermédiaire de l'eunuque Sparamezès, le
privilège de voir Sardanapale. Ajoutons que ce ne fut point sans rechigner que le roi
honora sa demande. Lorsque le Mède entra, il découvrit un prince outrageusement fardé
et couvert de bijoux féminins, filant de la laine pourpre en compagnie de ses concubines,
les jambes en l'air, portant la robe des femme, le menton glabre, et le visage
soigneusement poli à la pierre ponce. Son teint était plus blanc que le lait, et ses sourcils
étaient peints en noir. Quand il aperçut Arbacès, il reprit du blanc et s'en humecta le
visage. Presque tous les historiens, notamment Douris, disent que cet Arbacès, horrifié
d'être le sujet d'un tel individu, le poignarda à mort.
De son côté, Ctésias affirme que Sardanapale, attaqué par ce même Arbacès, leva une
armée considérable contre lui, mais qu'il fut finalement vaincu. C'est alors qu'il se se fit
brûler dans son palais, au milieu d'un bûcher colossal de quatre cents pieds de haut, où il
entassa cent cinquante divans en or, et autant de tables, en or également. Sur le bûcher,
il fit construire une chambre en bois de quelques cent pieds de long, dans laquelle il
entreposa tous les divans : sur l'un, il s'allongea aux côtés de la reine, les autres étant
occupés par ses hétaïres. Quant à ses trois fils et à deux filles, dès qu'il s'était su en
mauvaise posture, il les avait envoyé au roi de Ninive, en leur confiant trois mille talents
en or.
Il fit recouvrir la chambre de poutres très épaisses, et amoncela d'énormes bûches qui
obstruaient toutes les sorties. Il jeta à l'intérieur dix millions de talents d'or, cent millions
d'argent, des habits, des étoffes de pourpre, et une grande variété de robes. Quand tout
fut prêt, Sardanapale ordonna d'embraser le bûcher, qui se consuma quinze jours durant.
Le peuple, stupéfait par la fumée âcre qui s'élevait au loin s'imaginait que leur monarque
offrait des sacrifices ; seul l'eunuque était dans le secret du prince. C'est ainsi donc que
Sardanapale, celui qui fut le plus frénétiquement voluptueux de tous les rois, quitta ce
monde avec une noblesse incomparable.
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39. Cléarchos, dans son histoire du Roi des Perses, dit :
«Il récompensait grassement ceux qui lui fournissaient les mets les plus
alléchants... montrant son esprit ; d'où l'origine du proverbe : «Un morceau pour
Zeus, en même temps un morceau pour le roi !» Ce prince qui, durant son
existence, n'eut de cesse que de jouir de tous les plaisirs possibles et imaginables,
montra aussi, à l'instant de sa mort, par l'acte qu'il fit sur son tombeau, à savoir un
claquement de doigts, que les choses humaines étaient dérisoires et qu'elles ne
valaient, en fin de compte, guère plus qu'un claquement de doigts : c'est dans cette
attitude qu'il est représenté à deux reprises, dans le chœur... Toutefois, il est avéré
qu'il porta son attention sur d'autres sujets que le plaisir ; en effet, Sardanapale
n'était pas seulement un monument d'indolence, comme le prouve son épitaphe :
«Sardanapale fils d'Anacyndaraxès construisit Anchiale et Tarse en seul jour :
pourtant il est mort quand-même !»
Dans le livre III de ses Étapes, Amyntas nous apprend qu'à Ninive, se trouvait un tertre
colossal, que Cyrus fit raser, afin d'y élever à la place une vaste terrasse pour mieux
surveiller remparts, lors du siège de la ville. Ce tertre était, dit-on, le mausolée de
Sardanapale, roi de Ninive ; au sommet, on avait dressé une colonne de pierre, où l'on
pouvait lire des inscriptions en chaldéen, que Chœrilos, plus tard, a traduite en vers
grecs : je vous la livre :
«J'ai régné, et, tant que j'ai pu contempler les feux ardents du soleil, j'ai bu, j'ai
mangé à satiété, j'ai joui des bienfaits de Cypris, car je savais que le temps imparti
au mortels est bref, sujet à mille vicissitudes, et que d'autres jouiraient des plaisirs
que je laisse. C'est pourquoi chaque journée que j'ai vécue ne s'achevait pas sans
avoir goûté au moins une volupté.»
Clitarchios, dans le livre IV de son Histoire d'Alexandre, prétend, lui, que Sardanapale
mourut fort vieux, après qu'il eût été renversé de son trône de Syrie. Voici
qu'Aristoboulos nous confie :
«À Anchiale, cité bâtie par Sardanapale, Alexandre installa son campement, au
temps où il luttait contre les Perses. Non loin de cet endroit, il aperçut le tombeau
de Sardanapale où était gravé une image du roi, représenté visiblement en train de
faire claquer ses doigts. Dessous, étaient inscrits ces mots en caractères
assyriens : «Sardanapale, fils d'Anacyndaraxès, a construit Anchiale et Tarse en un
jour. Mangez, buvez, et jouissez ! le reste importe peu !» Telle est la signification,
semble-t-il, du claquement de doigts.»
40. Notons cependant que Sardanapale n'était pas le seul à se «la couler douce» ! Parmi
les voluptueux, il faut citer également Androcottos le Phrygien : lui aussi portait des
vêtements à fleurs et se pomponnait autant, sinon plus qu'une femme : c'est en tout cas
ce que révèle Mnaséas dans un passage du livre III de son traité Sur l'Europe. Quant à
Cléarchos, il écrit dans le livre V de ses Vies que Sagaris le Mariandyne, poussait le vice
jusqu'à se nourrir, et ce jusqu'à ses vieux jours, par le «canal» des lèvres de sa nourrice,
parce qu'il ne pouvait souffrir l'idée de mâcher ses aliments ! D'ailleurs, il ne porta jamais
la main plus bas que son nombril. Sur un cas de la même veine, citons Aristote, qui se
moquait de Xénocrate de Chalcédon, qui pissait, dit-il, en évitant de toucher à son
organe. Lisez plutôt :
«Mes mains sont pures, seul mon esprit est corrompu !»
Ctésias parle aussi d'Annaros, vice-roi de Perse et satrape de Babylone, qui s'affublait
d'habits féminins, et qui, malgré sa position de subalterne par rapport au Grand Roi,
festoyait toujours avec ce dernier, accompagné d'une escorte de cent-cinquante femmes,
qui jouaient de la harpe et chantaient pendant toute la durée du banquet.
Le poète Phœnix de Colophon, évoquant le personnage de Ninus dans le premier livre
de ses Iambes, écrit ceci :
«Il y avait un homme répondant au nom de Ninus, qui, d'après ce que j'ai entendu
dire, était Assyrien ; il disposait d'un océan d'or, et des talents bien plus nombreux
que les sables de la Caspienne ; il ne s'est jamais surpris à observer une étoile, et,
si, d'aventure, la chose arrivait, il ne cherchait point à en cerner le mystère ; il était
indifférent au feu sacré et dédaignait les prêtres, qui, comme c'était l'usage,
invoquait humblement le dieu en levant les bras avec leurs baguettes ; ce n'était
pas un orateur, encore moins un législateur, et il se moquait vertement de savoir
parler à la foule pour obtenir ses faveurs ; non, ce qu'il savait le mieux faire au
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monde, c'était manger, boire et baiser, le reste étant jeté ouvertement aux orties !
Quand cet homme mourut, il laissa, en guise de testament, ces vers, dans lesquels
il dévoilait à l'humanité ce qu'il était advenu de lui, Ninus. Voici le contenu du texte
qui était inscrit sur les murs de son tombeau : «Écoute, que tu sois Assyrien, Mède,
Coraxien ou Sindien chevelu des marais nordiques ; jadis, j'étais un souffle appelé
Ninus, maintenant je ne suis que poussière. Je ne possède que ce que j'ai obtenu
dans les banquets, les chants, les amours... Les ennemis sont venus, et ont pillé
nos richesses, comme les Bacchantes déchirent la chair crue d'un enfant. Moi, je
suis descendu dans l'Hadès, en n'emmenant ni mon or, ni mon cheval, ni mon
chariot d'argent ; et moi qui portait la tiare, je gis ici, humble tas de cendres.»
41. Dans le livre XV de son Histoire de Philippe, Théopompe dit que Straton, roi de
Sidon, fut le plus luxurieux de tous les hommes. Les fêtes relatées par Homère dans sa
description des Phéaciens, où il les décrit s'enivrant et se gargarisant sans cesse avec le
son de la harpe et les chants des aèdes, correspondaient tout à fait aux sauteries
qu'organisait Straton. En effet, ce prince ne cessa de se rassasier de plaisirs. Alors que
les Phéaciens, si l'on suit Homère, festoyaient en compagnie de leurs épouses et de
leurs filles, Straton, lui, s'acoquinait avec les petites joueuses de flûte, les chanteuses et
les belles harpistes ; en outre, il aimait à s'entourer d'une cohorte de filles de petite vertu
arrivant du Péloponnèse, de chanteuses ioniennes, mais aussi de mijaurées venues des
quatre coins de la Grèce, qu'elles fussent chanteuses ou danseuses. Il ne se gênait guère
pour les partager avec ses amis ; bref il passait la plus grande partie de son temps entre
les bras des prostituées : c'était le mode de vie qu'il préférait, tant il était l'esclave de ses
vices. Mais il avait aussi en tête l'idée de rivaliser avec Nicoclès dans le stupre : d'où leur
jalousie réciproque, chacun d'eux cherchant à surpasser l'autre dans les voluptés ; ils en
arrivèrent à une telle concurrence que, d'après ouï dire, ils questionnaient leurs convives au
sujet de leurs biens et de la pompe de leurs sacrifices, pour mieux ensuite les surpasser.
Leur dessein était de se donner une apparence d'opulence outrancière et de bonheur
sans borne. Mais force est de constater qu'ils ne furent jamais heureux dans leur vie, et
ils périrent tous deux de mort violente. Voyons plutôt ce qu'écrit Anaximène, dans son
livre sur les Vicissitudes des rois : après avoir narré les mêmes faits décrits plus haut,
notre auteur ajoute que la folle rivalité dans laquelle s'engagèrent Straton et Nicoclès, roi
de Salamis de Chypre, provoqua leur chute à tous deux.
42. Dans le premier livre de son Histoire de Philippe, Théopompe parle en ces termes de
Philippe :
«En deux jours de temps, il arriva à Onocarsis, une région de Thrace où il y avait
un endroit superbe, tout à fait agréable pour y séjourner, surtout l'été. C'était l'un
des lieux favoris de Cotys, qui, plus que tous les autres rois de Thrace, avait une
prédisposition pour le luxe : c'est pour cette raison que, chaque fois qu'il était en
villégiature et qu'il découvrait des coins charmeurs, ombragés, plantureux, et
sillonnés par de frais ruisseaux, il les transformait aussitôt en place festive, les
visitant alternativement, au gré de ses envies, y faisant des sacrifices aux dieux et
y rassemblant ses courtisans. De fait, il fut le plus heureux des princes, jusqu'à ce
qu'il commît un sacrilège envers Athéna.»
L'historien dit plus loin que Cotys organisa un banquet où il voulut célébrer ses noces
avec Athéna. Quand la chambre nuptiale fut installée, il attendit la déesse, alors même
qu'il était déjà sous l'emprise du vin. Devenu complètement ivre, il envoya un de ses
gardes du corps pour voir si la déesse était arrivée dans l'alcôve. Quand le pauvre soldat
revint, et lui annonça qu'Athéna avait visiblement fait faux bon, Cotys entra dans une
rage folle, et tua l'homme à coups de flèches ; ceci fait, il envoya un deuxième garde qu'il
massacra encore pour la même raison. Le troisième s'avéra plus astucieux, et signifia au
roi que la déesse était depuis longtemps sur les lieux et qu'elle commençait à se
morfondre. Ajoutons que ce même souverain, miné par la jalousie, avait jadis tué sa
femme de ses propres mains, puis l'avait découpée en morceaux, en commençant cet
horrible besogne par son sexe !
43. Dans le livre XIII de son Histoire de Philippe, Théopompe racontant l'histoire de
Chabrias d'Athènes, nous dit ceci :
«Il ne pouvait sérieusement vivre dans cette ville, du fait de la vie de patachon qu'il
menait et des dépenses qu'occasionnait un tel mode vie ; en outre, les Athéniens
sont très antipathiques envers tout le monde ; aussi, leurs citoyens les plus éminents
préfèrent-ils s'expatrier : c'est ainsi que Iphicrate s'établit en Thrace, Conan à
Chypre, Timothéos à Lesbos, Charès à Sigée, et Chabrias lui-même en Égypte.»
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De Charès, il ajoute dans le livre XL de son ouvrage :
«Charès était fort mollasson, malgré sa trépidante vie de débauches ; quand il se
lançait dans des opérations militaires, il était accompagné de joueuses de flûte et de
harpe, et même de prostituées ; quant aux richesses qu'il obtenait à la suite des
pillages, il faut bien avouer qu'il en dilapidait une partie pour assouvir ses penchants
orgiaques, le reste de cet argent étant destiné aux orateurs et aux hommes publics,
ainsi qu'aux particuliers dont les jugements étaient en suspens. Malgré tout, les
Athéniens ne furent jamais indignés par ce comportement ; au contraire même, les
citoyens l'aimaient d'autant plus, car, à travers lui, c'est eux-mêmes qui se
reconnaissaient : d'abord, les jeunes gens qui se défoulaient dans des maisons de
passe avec des musiciennes fort complaisantes ; les plus vieux aussi, qui s'enivraient
dans les tavernes et se livraient à des jeux douteux ou à des occupations minables ;
enfin, le peuple dans sa globalité, qui dépensait des fortunes en banquets publics et en
distribution de viande, au lieu de s'intéresser aux affaires de l'État.»
De plus, dans le livre de ce même Théopompe, intitulé Sur les richesses enlevées à
Delphes, il ajoute :
«Grâce à l'intervention de Lysandre, Charès d'Athènes fit don de soixante talents.
Avec cette somme, il régala les Athéniens dans l'Agora, et organisa maints
sacrifices pour célébrer sa victoire remportée sur les mercenaires de Philippe.»
Ces derniers étaient sous l'autorité d'Adaéos, surnommé le Coq, personnage dont fait
mention Héracléidès le comique dans l'une de ses comédies :
«Il s'est payé le coq de Philippe, parce que l'animal avait chanté trop tôt, et qu'il
errait dans les environs : c'est ainsi qu'il l'a déplumé et mis dans un sale état, au
point qu'il n'avait plus de crête ! Certes, Charès n'a taillé en pièce qu'une toute
petite armée, mais il a réussi à contenter beaucoup d'Athéniens à cette occasion.
Ah ! quelle générosité !»
Les mêmes faits sont évoqués également par Douris.
44. Idoménée indique que les Pisistratides, Hippias et Hipparque, inventèrent des
banquets et des fêtes d'un genre nouveau : la conséquence en fut une recrudescence de
chevaux à Athènes, mais aussi un gouvernement des plus tyranniques. Quant à leur père
Pisistrate, il fut un adepte plus modéré des plaisirs ; Théompope dit même, dans son
livre XXI, qu'il refusait de placer des gardes à l'entrée de ses domaines, si bien que toute
le monde pouvait les visiter librement. C'est ce que fit plus tard Cimon, qui suivait son
exemple. En ce qui concerne ce personnage, Théopompe nous livre ce témoignage
dans le livre X de son Histoire de Philippe :
«Cimon d'Athènes ne posta aucun garde dans ses domaines et ses jardins, et
refusait qu'on surveillât les récoltes de ses vergers ; il voulait que tous les citoyens
qui le souhaitaient entrassent dans ces lieux et y cueillissent tous les fruits dont ils
avaient besoin. Enfin, sa demeure était ouverte à tous ; une table frugale y était
toujours dressée pour régaler les visiteurs, en particulier les plus pauvres d'entre
eux. Cimon était très affable, même à l'égard de ceux qui venaient tous les jours
réclamer une aide matérielle. On raconte qu'il avait sans cesse à ses côtés deux
ou trois jeunes gens, chargés de distribuer des pièces à quiconque signifiait son
besoin d'assistance. On affirme qu'il contribua également aux dépenses funèbres,
et, souvent, quand il apercevait un citoyen en guenilles, il ordonnait à l'un ses
acolytes d'échanger ses vêtements avec lui. Par cette conduite, il acquit l'estime de
tous les Athéniens, si bien qu'il fut longtemps le premier d'entre eux.»
Revenons à Pisistrate. Il s'avère qu'il pouvait se montrer fort cruel en certains cas, à tel
point que l'on croyait retrouver en lui les traits furieux de Dionysos.
45. Au sujet de Périclès l'Olympien, Héracléidès du Pont déclare, dans son livre Sur le
Plaisir, que le grand homme répudia son épouse et se consacra dès lors à une vie de
plaisirs ; c'est ainsi qu'il entretint une liaison avec la belle Aspasie, une courtisane de
Mégare, et qu'il dépensa des fortunes pour elle.
Avant lui, Thémistocle, à une époque où les Athéniens n'étaient pas encore touchés par
la dépravation et ne fréquentaient pas les putains, attela ouvertement quatre courtisanes
à un char, et se fit conduire ainsi jusqu'au quartier du Céramique, alors noir de monde.
Idomémée se demande s'il a réellement mis le joug à ces quatre créatures, ou s'il les a
fait monter dans son char. Dans le livre III de son Histoire de Magnésie, Possis dit que
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Thémistocle, ayant bien honoré sa charge à Magnésie, obtint le droit de ceindre une
couronne, puis de faire des sacrifices à Athéna - qui devinrent ensuite la fête des
Panathénées - ainsi qu'à Dionysos Choopotès, instituant par là même la fête des
Cruches.
Cléarchos, dans le livre I de son ouvrage Sur l'Amitié, affirme que Thémistocle, bien qu'il
eût fait construire un magnifique triclinium, estimait que son plaisir n'en aurait été que
plus grand s'il avait pu simplement s'amuser entre amis.
46. Chaméléon du Pont, dans son livre Sur Anacréon, citant ce vers,
«L'infâme Artémon a jeté son grappin sur le blond Eurypyle.»
explique qu'Artémon avait été affublé de ce surnom pour sa vie scandaleuse, et parce
qu'il se faisait porter en litière. Dans les vers qui suivent, Anacréon nous apprend qu'il
était passé du stade d'indigent à celui de riche voluptueux :
«Jadis, il était vêtu d'une loque si étroite qu'elle le boudinait ; il portait aux oreilles des
boucles en bois ; sur le côté, il avait une peau de bœuf élimée, et, pour couvrir son
bouclier, il ne disposait que d'un bout d'étoffe crasseux ; ce répugnant Artémon
couchait avec des boulangères et des putes de bas étage, et vivait dans le
mensonge. Souvent, son cou avait connu les affres du carcan, et son dos avait été
lacéré par les coups de fouet ; on avait aussi arraché par touffes sa pauvre
chevelure et les poils de sa barbe. Mais aujourd'hui, fils de Cycê, il se pavane sur un
char, arbore des colliers d'or, et possède un parasol d'ivoire, pareil à une femme.»
47. Sur le bel Alcibiade Satyros raconte :
«On dit que, lorsqu'il se rendit en Ionie, il se montra plus voluptueux que les Ioniens ;
quand il vint à Thèbes, il devint plus Béotien que le Thébains eux-mêmes dans les
exercices du corps ; en Thessalie, il s'occupait bien davantage des chevaux et des
courses de chars que les Aléades ; À Sparte, il surpassa les gens de ce pays par sa
résistance physique et la rudesse de son mode de vie ; enfin, en Thrace, il se livra à
des beuveries telles qu'il en fit pâlir les hommes de cette région.
Un jour, pour mettre à l'épreuve la fidélité de son épouse, il lui envoya mille
dariques d'or sous un autre nom que le sien.
Alcibiade était d'une grande beauté, bien qu'il se laissât pousser les cheveux toute
sa vie durant ; il portait des souliers du dernier cri, qui, depuis furent appelés
«alcibiades».
Quand, en tant que chorège, il venait au théâtre avec sa petite cour de mignons et
d'amis, les hommes comme les femmes se pâmaient d'admiration.
Pour toutes ces qualités, Antisthène, disciple de Socrate, qui avait eu le privilège
de voir Alcibiade de ses propres yeux, déclara que cet homme cumulait en lui la
force, la virilité, l'intelligence et le courage ; en outre, il ajouta qu'il avait su
préserver sa beauté à toutes les étapes de sa vie.
Chaque fois qu'il voyageait à l'étranger, chacune des quatre villes alliées d'Athènes
se comporta à son égard comme de dévouées servantes : ainsi, les habitants
d'Éphèse lui dressaient à chaque visite une somptueuse tente persane, ceux de
Chios approvisionnaient ses chevaux en fourrage, ceux de Cyzique lui offraient
des animaux pour les sacrifices et pour ses repas personnels ; enfin, le vin qu'il
consommait quotidiennement était un présent des gens de Lesbos.
Un jour, revenant d'Olympie, il fit don à Athènes de deux tableaux, oeuvres peintes
par Aglaophon : le premier le représentait aux jeux olympiques et pythiques
couronné pour ses victoires ; sur le second, on le voyait assis sur les genoux de
Némée avec un visage si lumineux qu'il surpassait en beauté celui des femmes.
Quand il fut commandant d'armée, il tint à sauvegarder une mise élégante, portant
sur lui, par exemple, un bouclier fait d'or et d'ivoire, sur lequel figurait l'emblème
d'Éros lançant la foudre à la manière d'un javelot.
Une fois, il entra sans se faire annoncer chez Anytos, son très riche ami de cœur
qui organisait chez lui une partie fine avec l'un de ses gitons, Thrasyllos, un
garçon sans le sou : Alcibiade porta alors un toast à Thrasyllos, vida à lui seul la
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moitié des coupes qui se trouvaient là, et ordonna à l'un de ses domestiques de
porter l'autre moitié chez Thrasyllos ; une fois cette preuve d'amour accomplie, il se
retira. Et quand des gens critiquèrent cette attitude pour le moins désinvolte,
Anytos répondit avec tout le savoir-vivre qu'on lui connaît, mais aussi avec toute
l'affection qu'il éprouvait pour Alcibiade : «Non, non, par Zeus, il s'est comporté
dignement : il n'a pris que la moitié des coupes alors qu'il pouvait toutes les vider !»
48. L'orateur Lysias, parlant de sa vie déréglée, raconte l'histoire suivante :
«Axiochos et Alcibiade vinrent en Hellespont, et se marièrent avec la même fille,
une certaine Médontis d'Abydos, dont il se partageait les faveurs. Plus tard,
Médontis donna naissance à une fille, et nos deux compères firent mine d'en nier
la paternité. Mais une fois qu'elle fut nubile, ils couchèrent de bon cœur avec elle ;
chaque fois qu'Alcibiade la baisait, il disait qu'elle était la fille d'Axiochos ; mais,
quand c'était au tour d'Axiochos de le faire, celui-ci prétendait qu'elle était la fille
d'Albidiade.»
Il fut aussi raillé par Eupolis dans sa pièce intitulée les Flatteurs, où il est décrit comme
un homme à femmes :
«A : Alcibiade ! Cesse d'être une femme.
Alcibiade : Tu es dingue ! Va plutôt tisonner ta régulière !»
Et Phérécrate dit :
«Alcibiade, paraît-il, n'est pas un homme, mais il est aujourd'hui le seul mec de
toutes les femmes.»
À Sparte, il séduisit Timéa, épouse du roi Agis ; quand des voix s'élevèrent contre ce
forfait, il déclara n'avoir pas baisé sous l'effet d'une sensualité exacerbée, mais pour que
l'enfant qu'elle porterait de lui : en effet, ce dernier deviendrait roi de Sparte, et ne se
prétendrait plus descendant d'Héraclès mais d'Alcibiade.
Quand il commandait l'armée, il était toujours accompagné par Timandra, mère de Laïs la
Corinthienne et de Theodotê, la fameuse courtisane athénienne.
49. Dans son exil, il rendit les Athéniens maîtres de l'Hellespont, et il offrit à sa cité plus
de cinq mille Péloponnésiens qu'il avait faits prisonniers ; plus tard, de retour dans sa
patrie, il jeta sur les trirèmes athéniennes des branches de feuillages, des rubans et des
bandelettes, et fit remorquer par des chevaux les navires capturés, auxquels il avait
préalablement brisé les éperons. Tous ces vaisseaux avaient été remplis à ras bord avec
les armes et le butin saisi aux Spartiates et aux Péloponnésiens. La trirème où il avait
pris place s'avança jusqu'au Pirée, toutes voiles déployées. Celle-ci, une fois arrivée au
port, les rameurs prirent leurs rames ; Chrysogonos, revêtu d'une robe delphienne, se mit
à chanter l'air traditionnel des trières, pendant que Callippidès, en tenue de tragédien,
battait la mesure. Soudain, quelqu'un lança, non sans esprit : «Sparte ne pouvait subir
deux Lysandres, et Athènes deux Alcibiades.»
Alcibiade copia complaisamment Pausanias dans ses manières perses, et pour gagner
les faveurs de Pharnabaze, il s'habilla de la robe longue et légère des Orientaux et apprit
la langue perse, comme l'avait fait autrefois Thémistocle.
50. Dans le livre XXII de ses Histoires, Douris écrit :
«Pausanias, roi de Sparte, se débarrassa du manteau traditionnel de son pays et se
vêtit de la robe des perses. Denys, tyran de Sicile, endossa, lui aussi, une longue robe,
porta une une couronne d'or, et s'afficha même avec l'habit prestigieux des acteurs
tragiques. Quant à Alexandre, devenu le maître absolu de l'Asie, il décida de s'habiller
à la perse. Mais il faut bien convenir que ce fut Démétrios qui les surpassa tous, se
chaussant avec des souliers fort coûteux, sortes de bottines de feutre et de pourpre
précieuse, tissée avec un soin extrême avec des motifs en fil d'or. Ses chlamydes, qui
étaient de couleur grise, étincelaient de mille feux, et représentaient des astres dorés
et les douze signes du zodiaque. Sa tiare était parsemée de paillettes d'or, et
maintenait droit un chapeau de pourpre ; les longues franges de sa cape tombaient
dans son dos. Quand les fêtes du Déméter furent célébrées à Athènes, il fut
représenté sur l'une des fresques du proscenium, en train de chevaucher le monde
habité.»
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Dans le livre VI de son ouvrage consacré à sa patrie, Nymphis d'Héraclée dit :
«Pausanias, qui défia Mardonios à Platées, délaissa pour toujours les usages
spartiates. À Byzance, il se montra d'un orgueil démesuré, poussant l'impudence
jusqu'à faire inscrire sur la coupe en bronze consacrée aux dieux - je sais que
cette coupe est encore visible de nos jours - l'épigramme suivante, dans laquelle il
se présentait sans complexe comme son seul et unique dédicataire : «Pausanias,
gouverneur de la Grèce aux horizons majestueux, du Pont-Euxin, natif de
Lacédémone, fils de Cléombrotos, de l'antique race d'Héraclès, a dédié cet objet,
témoignage de sa force invincible, au grand dieu Poséidon.»
51. Pharax le Spartiate aima également l'opulence, comme le rapporte Théopompe dans
son livre XL ; en effet, il se jeta dans le stupre avec tant de frénésie qu'on finit par
confondre ce Spartiate de naissance avec un Grec de Sicile.
Dans son livre LII, Théopompe avance qu'un autre Spartiate, Archidamos, s'affranchit, lui
aussi, des usages locaux pour adopter des coutumes étrangères et efféminées : il le fit si
bien qu'il ne put bientôt plus supporter de vivre dans sa propre patrie : d'où ses efforts
multipliés pour se rendre en terre étrangère afin d'assouvir ses envies de débauche.
Ainsi, quand les Tarentins envoyèrent une ambassade en vue d'aboutir à une alliance, il
ne demanda pas son reste pour leur offrir tout ce qu'ils voulaient. Une fois arrivée en
Sicile, il trouva la mort au cours d'une bataille, mais il n'eut même pas droit à des
honneurs funèbres, bien que les gens de Tarente aient proposé à l'ennemi de coquettes
sommes d'argent pour rapatrier son corps.
Dans le livre X de ses Histoires, Phylarchos indique qu'Isanthès, roi de la tribu des
Thraces appelée les Crobyzi, fut un adepte effronté du luxe, au point surpasser même
ses contemporains dans ce domaine. Il était riche et beau.
De même, dans le livre XXII de ce même auteur, il est dit que Ptolémée, deuxième du
nom, souverain d'Égypte, le plus remarquable de tous les monarques, qui était d'une
érudition éblouissante et d'une culture inépuisable, fut aussi celui dont l'esprit fut
tellement aveuglé et corrompu par une passion infinie pour le luxe, qu'il crut ne jamais
mourir, prétendant avoir découvert, dans sa folie, le secret de l'immortalité. Après avoir
souffert plusieurs jours d'une attaque de goutte particulièrement douloureuse, il se sentit
mieux ; soudain, voyant par la fenêtre du palais un groupe d'Égyptiens mollement
étendus sur une plage, occupés à manger une nourriture frugale, il s'écria : «Malheureux
que je suis ! Dire que jamais je ne serai l'un des leurs !»
52. De Callias et de ses flatteurs, nous avons déjà parlé plus haut ; toutefois, comme
Héracléidès du Pont, dans son livre Sur le Plaisir, nous narre quelques faits édifiants sur
sa personne, je vais reprendre depuis le début :
«Lorsque les Perses déferlèrent sur l'Eubée pour la première fois, il y avait à Érétrie
un homme du nom de Diomnestos, qui était le trésorier du stratège. Il advint que
l'officier avait installé son campement au cœur du domaine qui appartenait à
Diomnestos, et avait caché sa fortune dans une des pièces de la maison. Quand tout
le monde eut périt, Diomnestos se retrouva seuil détenteur de cet or, sans que
personne, par ailleurs, ne fut au courant. Mais quand le roi des Perses envoya une
nouvelle armée à Érétrie, avec l'ordre formel de la raser intégralement, les habitants
les plus riches mirent leur argent en sécurité. C'est pourquoi les survivants de la
famille de Diomnestos expédièrent leurs biens à Athènes, et les remirent entre les
mains d'Hipponicos, surnommé Ammon, fils de Callias. Quand les Perses eurent
dispersé toute la population érétréenne, cet argent fut placé sous la garde
d'Hippinicos et de son père Callias : or Diomnestos disposait d'une fortune
fabuleuse. En conséquence, Hipponicos, qui était le petit-fils du destinataire du
dépôt, demanda un jour aux Athéniens un emplacement sur l'Acropole pour y
construire un entrepôt et y déposer l'argent, en arguant du fait qu'une si grosse
somme n'était pas en sécurité dans une demeure privée. Les Athéniens lui en
donnèrent la permission ; mais ses amis l'ayant mis en garde, il changea d'avis. Et
c'est ainsi que Callias s'empara de tout ce pactole et se livra au plaisir. Dès lors, des
foules de parasites et de flatteurs s'agglutinèrent autour de lui. Ah ! combien de
sommes folles ne jeta-t-il point par les fenêtres pour étancher sa soif de luxe ?
Finalement, ses dépenses extravagantes aboutirent à un retournement de situation
tel qu'il se retrouva seul et pauvre aux côtés d'une vieille pocharde, et qu'il mourut
dans le plus grand dénuement. Qui a perdu la fortune de Nicias de Pergase ou celle
d'Ischomaque ? N'était-ce pas Autoclès et Épiclès, qui choisirent de vivre l'un avec
l'autre et qui considéraient que chaque chose avait moins d'importance que le plaisir,
et qui, après avoir tout dilapidé en boisson, se suicidèrent ?»
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53. Au rapport d'Éphippos d'Olynthe, dans son livre Sur la mort d'Héphestion et
d'Alexandre, ce dernier se fit ériger un trône en or massif dans ses jardins, ainsi que des
divans aux pieds argent, où il prenait place pour discuter des affaires avec ses
compagnons.
Nicobulê, lui, déclare que pendant les repas, une meute d'acteurs chevronnés se
dépensaient corps et âme pour distraire leur hôte ; il raconte aussi que le roi Alexandre,
lors de son ultime banquet, récita et joua de mémoire une scène de l'Andromède
d'Euripide, et qu'il porta des toasts avec un bel entrain, en obligeant ses convives à faire
comme lui.
Éphippos nous dit encore qu'Alexandre disposait de toute une garde robe sacrée pour
paraître dans les festins : tantôt, il mettait la robe pourpre d'Ammon, les escarpins
déchiquetés et les cornes du dieu Ammon ; tantôt, lorsqu'il montait sur son char, il
endossait la robe d'Artémis, mais aussi un costume typiquement perse, laissant voir audessus de ses épaules l'arc et la lance de la déesse ; une autre fois, il apparut en
Hermès. Cependant, la plupart du temps, et pour son usage quotidien, il portait une
chlamyde pourpre, une tunique aux rayures blanches et le chapeau macédonien,
environné du diadème royal. Pour les grandes occasions, il mettait à ses pieds les
sandales ailées d'Hermès, le chapeau à larges bords sur la tête, et tenait le caducée du
dieu dans la main. Très souvent aussi, il se travestissait en Héraclès, couvert de la peau
de lion et tenant la massue. De fait, il n'y a pas de quoi être éberlué à la vue, de nos
jours, de l'empereur Commode se montrant dans son char, muni de la massue d'Hercule
avec, à ses pieds, une peau de lion, ordonnant qu'on le nommât Hercule, alors que le
grand Alexandre en personne, disciple d'Aristote, prenait l'accoutrement de tant de dieux,
et même d'une déesse (Artémis) !
Alexandre faisait également arroser le sol de parfums rares et de vin délectable. En son
honneur, on faisait brûler de la myrrhe et des encens délicats ; un silence religieux, où se
mêlait de la crainte, saisissaient tous ceux qui se trouvaient en sa présence. C'était un
être intraitable et sanguinaire, mais il avait tendance à sombrer dans la mélancolie.
À Ecbatane, il organisa une fête pour honorer Dionysos, et il offrit à cette occasion un
repas des plus somptueux, pendant lequel le satrape Satrabatès s'évertua à divertir les
troupes. Éphippos raconte qu'une foule se massa pour suivre le spectacle ; on fit des
proclamations gonflées de vantardise, n'ayant rien à envier aux déclarations orgueilleuses
des Perses : parmi ces proclamations qui, toutes, avaient pour dessein de flatter la
personne royale, il y eut celle d'un garde, qui obtint la palme de la flatterie la plus éhontée :
de connivence avec Alexandre, il envoya le héraut proclamer que «Gorgos, le gardien des
armes, avait offert à Alexandre, fils d'Ammon, trois mille pièces d'or, et lui promettait, s'il
prenait Athènes, de lui envoyer dix mille armures complètes, autant de catapultes, et mille
autres accessoires indispensables pour la poursuite de la guerre.»
54. Charès, dans le livre X de ses Histoires d'Alexandre, dit :
«Après sa victoire sur Darius, il arrangea de toutes pièces des mariages pour lui et
ses compagnons d'armes, et, à cet effet, fit aménager quatre-vingt douze couches
nuptiales au même endroit. La salle des banquets pouvait contenir cent divans,
chacun d'entre eux étant décorés d'ornements nuptiaux en argent d'une valeur de
vingt mines ; quant au divan d'Alexandre, il était en or. Au festin qui suivit les noces, il
convia tous ses proches, et les fit installer sur des divans devant lui et les mariés. Il
n'oublia pas de traiter avec beaucoup d'affabilité tous les membres de son armée,
qu'elle soit terrestre ou navale, les ambassades et les étrangers de passage. La
salle était magnifiquement décorée de riches draperies et d'étoffes d'un grand prix, et
le sol était jonché des tapis pourpres et cramoisis entrelacés d'or. Cette tente était
soutenue par des colonnes de trente pieds de haut, en or, en argent et incrustées de
pierres précieuses. Pour la fermer, il y avait des tentures brodés d'or, représentant
des animaux, dont les extrémités se terminaient par des tringles dorées et
argentées. L'enceinte en elle-même ne mesurait pas moins de quatre stades. À
chaque mariage célébré, mais aussi à chaque libation versée, on faisait retentir le
buccin, de sorte que l'armée était informé de tout ce qui se passait.»
Ces noces durèrent cinq jours, et une foule de gens, aussi bien Barbares que Grecs, furent
de service ; on sait que les jongleurs indiens furent particulièrement appréciés ; même chose
pour Scymnos de Tarente, Philistidès de Syracuse, et Héraclite de Mytilène ; on écouta avec
beaucoup d'émotion le récital donné par le rhapsode Alexis de Tarente. Furent également
sollicités des virtuoses de la harpe, tels Cratinos de Méthymne, Aristonymos d'Athènes et
Athénodore de Téos ; Héraclite de Tarente et Aristocratès de Thèbes chantèrent, eux, en
s'accompagnant de la harpe, tandis que Denys d'Héraclée et Hyperbolos de Cyzique
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interprétèrent des hymnes au son de la flûte ; des flûtistes éblouissants entre tous jouèrent
des mélodies pythiennes ; puis, ce fut la prestation des chœurs et des danseurs : parmi eux
figuraient Timothéos, Phrynicos, Caphisias, Diophante et Évios de Chalcis. Depuis ces
festivités, la foule, qu'on avait l'habitude d'appeler «flatteurs de Denys» fut dénommée
«flatteurs d'Alexandre», à cause des présents multiples et fastueux que leur offrit ce roi si
prodigue. Des pièces furent également jouées par d'éminents tragédiens, comme Thessalos,
Athénodoros et Aristocritos, et par les comiques Lycon, Phormion et Ariston. Le génial joueur
de harpe Phasimélos était aussi de la partie. Le coût des couronnes apportées par les
ambassadeurs et autres délégations furent évaluées à quinze mille talents.»
55. Dans le livre VIII de ses Histoires, Polycléitos de Larissa nous apprend
qu'Alexandre couchait dans un lit d'or, et que dans son campement, des joueurs de
flûtes, filles ou garçons, le divertissaient et qu'ils se livraient en leur compagnie à des
beuveries jusqu'au petit jour.
Cléarchos, dans ses Vies, parle ainsi de Darius vaincu par Alexandre :
«Le roi de Perse était fort généreux envers ceux qui lui procuraient des plaisirs
variés ; mais, malgré tant de mansuétude, il précipita son royaume dans la défaite,
bien qu'il ne comprît l'ampleur du désastre que lorsqu'il se vit privé du pouvoir par
ses proches, et que ces derniers se proclamèrent gouverneurs.»
Selon Phylarchos, dans le livre XXIII de ses Histoires, et Agatharchidès de Cnide dans
son ouvrage Sur les affaires d'Asie, les compagnons d'Alexandre s'adonnèrent, eux
aussi, à un luxe effronté. L'un d'eux s'appelait Agnon, et il portait des bottes militaires
garnies de clous d'or. Quand Cléitos, surnommé le Blanc, donnait une audience, il
discutait avec ses interlocuteurs vêtu d'un précieux manteau de pourpre. Perdiccas et
Cratéros, grands amateurs d'exercices physiques avaient toujours près d'eux une
quantité de peaux, assez longues pour recouvrir un stade, et qui, dans le camp,
formaient une vaste esplanade où il pouvaient à leur aise pratiquer leur gymnastique. Ils
avaient aussi à disposition un troupeau portant des sacs de sable qui servait à recouvrir
la palestre improvisée.
Léonnatos et Ménélaos, des chasseurs aguerris, emmenaient toujours dans leurs
bagages d'immenses toiles d'au moins cent stades, avec lesquels ils bornaient le terrain
où ils allaient se livrer à leur distraction favorite.
S'il faut porter crédit à ce que nous rapporte Phylarchos, les dépenses effectuées
quotidiennement à la cour d'Alexandre, étaient nettement supérieures à la valeur de ces
fameux platanes d'or, et à la vigne - également d'or - sous laquelle les rois de Perse
siégeaient et traitaient des affaires de l'État, un objet qui était orné de grappes de cristal,
d'émeraudes d'Inde et de pierres toutes plus précieuses les une que les autres. La tente
d'Alexandre, à elle seule, contenait cent divans et était soutenue par cinquante piliers
d'or. Les auvents placés sur la partie supérieure en guise de plafond étaient dorés et
décorés de motifs peints avec un art remarquable. À l'intérieur, se tenaient en rangs
serrés les cinq cents Perses mélaphores (porteurs de pommes), dans leurs somptueux
uniformes pourpres et jaunes ; se trouvaient là aussi mille archers, dont les uns
arboraient une tenue couleur de feu, et les autres des habits bleus ou violets. À leur tête,
se tenaient des Macédoniens aux manteaux d'un bleu vif. Au milieu de la tente était érigé
un trône d'or, où prenait place Alexandre quand il tenait audience, protégé par sa garde
personnelle. Dehors, à proximité de la tente royale, était postée en cercle la troupe des
éléphants munis de tout leur équipement, ainsi que mille Macédoniens en costumes
traditionnels, dix mille Perses et un corps d'armée de cinq cents hommes, qui portaient la
pourpre, privilège que leur avait octroyé Alexandre. Entouré de tant d'amis et de tant de
serviteurs dévoués, nul n'osait aborder le roi, tant leur magnificence était intimidante à
souhait.
Un jour, Alexandre envoya une missive aux villes d'Ionie, et, en premier lieu, aux habitants
de Chios, afin de lui expédier de la pourpre, car il désirait que tous ses proches portassent
des vêtements teints avec cette texture. Quand cette lettre fut lue aux gens de Chios en
présence du sophiste Théocrite, ce dernier affirma avoir enfin compris la signification du
vers d'Homère : «La mort pourpre l'a saisi, de même qu'un sombre destin.»
56. Dans le livre XXVIII de ses Histoires, Posidonios rapporte que le roi Antiochos, celui
qu'on a surnommé Grypos, organisa un banquet étincelant quand il célébra les jeux de
Daphné. Pour l'occasion, il fit distribuer une multitude de viandes non découpées, avant
d'offrir ensuite des oies, des lièvres et des gazelles encore en vie. Plein de munificence, il
donna à ses invités une quantité de couronnes d'or et de vaisselle - d'or également -, des
esclaves, des chevaux, et des chameaux. On avait prescrit que chaque convive, une fois
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qu'il était monté sur un chameau, devait boire et accepter de prendre cet animal, ainsi
que l'esclave qui se trouvait à ses côtés.
Dans le livre XIV, Posidonios, évoque un autre roi qui s'appelait Antiochos. Alors qu'il
faisait campagne en Médie contre Arsace, notre auteur nous apprend qu'il organisa,
pendant des jours entiers, banquets sur banquets, où se pressait une foule immense.
Lors de ces bombances, on ne comptait plus le nombre de nourriture consommée, la
profusion étant telle que chaque participant ramenait chez lui les viandes les plus variées,
des fruits de mer, et en remplissait un char entier ! À ces victuailles, il fallait ajouter les
gâteaux de miel qui étaient légion, tout comme les guirlandes de myrrhe et d'encens
entrelacés de fils d'or, plus grands qu'un homme, une pratique des plus raffinées en
usage chez les Lydiens.
57. Clytos l'aristotélicien, affirme dans son livre Sur Milet, que Polycrate, tyran de
Samos, se laissa tellement dominer par le luxe qu'il voulut posséder les animaux
caractéristiques de chaque contrée : c'est ainsi qu'il rassembla sur ses domaines des
chiens d'Épire, des chèvres de Scyros, de moutons de Milet et de porcs de Sicile. Alexis
ajoute dans le livre III de ses Chroniques Sammiennes que Samos s'enrichit
considérablement grâce à Polycrate qui fit importer des quantités de produits exotiques
dans sa patrie : il importa des chiens de Molossie et de Laconie, des chèvres de Scyros
et de Naxos, et des moutons de Milet et d'Athènes. Alexis ajoute qu'il attira à lui de
nombreux artisans en leur proposant des salaires confortables. Avant de parvenir à la
charge suprême, Polycrate avait fait confectionner de fines draperies et des coupes
somptueuses, qui étaient utilisées dans le cadre de grandes cérémonies, mariages ou
festivités diverses.
On pourrait s'étonner que nul écrit n'ait fait allusion à l'introduction à sa cour de femmes
et surtout de jeunes gens, le tyran ayant entretenu, on le sait, de fréquentes liaisons
masculines, au point de rivaliser avec le très sensuel poète Anacréon ; on rapporte
même qu'il fit raser le crâne de l'un de ses gitons dans un accès de colère. Pour finir, il
faut savoir que Polycrate fut le premier à construire des vaisseaux appelés Samainai, du
nom de sa patrie.
Cléarchos indique que Polycrate provoqua la chute de l'opulente Samos, à cause de son
luxe outrancier qu'il tenait des Lydiens aux mœurs si sulfureuses. Dans la cité, il fit ériger
des jardins qui devaient dépasser en splendeur ceux de Sardes, les célèbres «Doux
Trésors» ; pour rivaliser avec les délicats motifs floraux de Lydie, il favorisa le tissage
d'autres motifs de ce type, connus depuis sous le nom de «fleurs de Samos». La
confection de ces fleurs permit à tout un quartier d'artisans de Samos de se développer
rapidement.
Polycrate approvisionna la Grèce entière en plats raffinés et en productions diverses en
vue de rassasier les appétits de luxe ; quant aux fleurs de Samos, elles obtinrent un
succès foudroyant auprès des hommes comme auprès des femmes. Hélas, alors que
toute la ville se vautrait continuellement dans les plaisirs et les banquets, les Perses la
prirent d'assaut.
Cléarchos dit aussi... Mais je connais également une rue marchande d'Alexandrie, appelée
«Rue de l'Homme Riche», où l'on peut à loisir se procurer des frivolités en tous genres.
58. Selon Aristote, dans ses Faits mémorables, Alcisthène le Sybarite, voulant
manifester son goût immodéré pour le luxe, se fit tailler un manteau si riche et si peu
ordinaire qu'il voulût l'exhiber sur le mont Lacinion, pendant les fêtes d'Héra, alors que se
rassemblaient tous les Grecs d'Italie : parmi toutes le tenues offertes au regard du public,
ce fut celle qui fut le plus unanimement admirée. On raconte que Denys l'ancien en
hérita, et qu'il la vendit aux Carthaginois pour la somme colossale de cent vingt talents.
Polémon parle aussi de ce manteau dans son ouvrage sur les Vêtements carthaginois.
Au sujet du Sybarite Smindyridès et de son luxe, Hérodote évoque, dans son livre VI, la
demande en mariage qu'il fit à Agaristê, la fille de Clisthène, tyran de Sicyone :
«Smindyridès, fils d'Hippocratès, était venu d'Italie. Il était de Sybaris, une ville
alors très florissante, et tournée vers un luxe et une indolence exacerbés.»
Pendant ce séjour, il était accompagné par une foule de cuisiniers et de volaillers. Le
même évènement est relaté par Timée dans son livre VII. Évoquant la vie scandaleuse
de Denys le jeune, tyran de Sicile, Satyros le Péripatéticien nous apprend dans ses Vies
que son palais regorgeait d'immenses salles qui pouvaient contenir quelques trente
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divans, et qui grouillaient sans cesse de convives. Sur le même thème, Cléarchos, dans
le livre IV de ses Vies, écrit ceci :
«Denys, le fils de Denys l'Ancien, s'avéra être le mauvais génie de la Sicile ; un jour
qu'il se rendait à Locres, sa ville d'origine (sa mère Doris était en effet locrienne de
souche), il joncha de roses et de serpolet le plus beau portique de la cité ; puis il fit
venir des jeunes filles de Locres et leur ordonna de se dévêtir. Dès qu'elles furent
nues, il les rejoignit, se mit nu à son tour, et, tout en se roulant avec elles sur ce tapis
de fleurs, il se livra à toutes les turpitudes imaginables. Mais, non loin de là, veillaient
les pères des Locriennes, qui réussirent à mettre la main sur la femme et les enfants
du tyran, et les traînèrent sur la voie publique où, livrés à la vindicte, les malheureux
subirent les pires outrages. Quand la rage populaire fut bien assouvie, on leur enfonça
des aiguilles sous les ongles, et ils périrent dans d'atroces souffrance ; ensuite, on
découpa leurs cadavres en morceaux, et telles des viandes de boucherie, on les
distribua au peuple, avec l'ordre formel de dévorer les parts, une malédiction étant
prononcée contre celui à qui oserait ne pas s'en rassasier. Pour répondre
favorablement à une semblable imprécation, on décida de broyer ces chairs dans une
meule afin que cette pitance singulière, une fois réduite en poudre, pût être
consommée, mélangée à des pains. Quant aux restes du corps, il furent jetés à la mer.
Quant à Denys lui-même, son destin fut des plus misérables, puisqu'il termina sa vie
en tant que sectateur mendiant de la Mère des Dieux, porteur du tambourin sacré lors
de la célébration des rites.
Il faut par conséquent se méfier du luxe qui corrompt les vies. De même, considérons
l'arrogance comme le moyen le plus sûr pour les hommes de se détruire.»
59. Dans sa Bibliothèque Historique, Diodore de Sicile nous dit que les habitants
d'Agrigente construisirent pour leur roi Gélon une piscine luxueuse : elle avait un
périmètre de sept stades et une profondeur de trente pieds ; l'eau provenait des fleuves
et de sources environnantes, ce qui permettait d'avoir à disposition un vivier destiné à
fournir des quantités de poissons frais pour flatter les appétits de Gélon. Dans cette
piscine, on pouvait voir également de nombreux cygnes, pour le simple plaisir des yeux.
Plus tard, cependant, cette merveille fut recouverte de terre et disparut à jamais.
Douris, dans le livre IV de son Agathoclès et son époque, nous indique que, non loin de
la cité d'Hipponion, s'étendait un vaste et plantureux domaine, irrigué par les eaux, où se
trouvait un endroit appelé «Corne d'Amalthée», œuvre également de Gélon.
Silénos de Calacte dit dans le livre III de son Histoire de la Sicile, qu'aux environs de
Syracuse, un jardin luxuriant nommé «le lieu du verbe» avait été aménagé pour que le roi
Hiéron y tînt ses audiences.
Autour de Panormos en Sicile, toute la région est appelé «jardin», parce qu'on y a planté
des arbres de toutes les variétés, en tout cas s'il faut en croire Callias dans le livre VIII de
ses Histoires d'Agathoclès.
Posidonios, dans le livre VIII de ses Histoires, raconte que Damophilos, un grec de
Sicile, déclencha, du fait de son luxe tapageur, une révolte d'esclaves. Voyons ce qu'il
écrit :
«Il s'était entièrement dévolu à ses plaisirs et à ses vices, se faisant conduire à
travers ses domaines dans des chars à quatre roues, avec, grouillant autour de lui,
des serviteurs et surtout une meute de parasites et de gitons habillés en soldats.
Mais ce Damophilos et toute sa clique périrent misérablement sous les coups des
esclaves en furie.»
60. Démétrios de Phalère, s'il faut porter crédit à ce que dit Douris dans le livre XVI de
ses Histoires, se fit attribuer douze cent talents par an : une partie de cette somme était
destinée à l'armée et à l'administration de la cité, mais le reste lui permettait de s'offrir du
bon temps, en multipliant les banquets et en régalant une foule d'invités. En fait, il
surpassa les Macédoniens dans les dépenses somptuaires, et les Chypriotes et les
Phéniciens dans le raffinement ; il fit inonder des parfums les plus rares les planchers de
ses salles de banquet, déjà parsemés de fleurs artificielles merveilleusement ouvragées.
Durant son gouvernement, les rencontres amoureuses eurent lieu dans le plus grand
secret, de même que les rendez-vous entre jeunes gens, Démétrios ayant édicté des lois
sévères réglementant la morale publique. Et pourtant, lui-même passa sa vie à ignorer
superbement la loi. Il prenait un soin scrupuleux à son apparence, se teignant les
cheveux en blond, se fardant le visage, et usant d'onguents les plus délicats. Il voulait
avoir une apparence impeccable afin d'éblouir tous ceux qu'il rencontrait. D'ailleurs, dans
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le cortège des Dionysies, organisées lors de son archontat, le chœur chanta des vers
composés à sa gloire par Castorion de Soles, vers où il était peint comme un être
«lumineux comme le Soleil» :
«L'Archonte, au-dessus des autres nobles, lumineux comme le soleil, est vénéré
avec les honneurs divins.»
Carystios de Pergame, dans le livre III de ses Souvenirs, dit :
«Démétrios de Phalère, après l'assassinat de son frère Himéraéos sur ordre
d'Antipater, fut contraint à se réfugier chez Nicanor, parce qu'on l'avait accusé d'avoir
divinisé son frère. Devenu l'ami de Cassandre, il recouvra une grande puissance.
Il faut bien convenir que, dans les premiers temps, ses repas furent très simples, et
ne se composaient que d'olives et de fromages locaux. Mais quand il devint très
riche, il acheta Moschion, le cuisinier le plus réputé de son temps. Dès lors, les repas
quotidiens confectionnés par ce Moschion furent grandioses, et les restes que ce
mirliton reçut en guise de pourboire furent si abondants qu'il parvint en deux années
de temps à acheter trois riches demeures et à pouvoir assouvir ses pulsions infectes
sur les garçons et les femmes des citoyens les plus honorables.
On sait aussi que toute la jeunesse dorée enviait le joli Diognis, le mignon en titre de
Démétrios : nos godelureaux étaient tellement désireux de s'attirer les bonnes
grâces de Démétrios que, quand il flânait après son déjeuner dans la rue du
Trépied, les plus beaux garçons demeuraient à cet endroit des jours entiers, à
seule fin d'attirer son regard.»
61. Nicolas le Péripatéticien, écrit dans le livre CX de ses Histoires, qu'après sa
campagne militaire lancée contre Mithridate, et la célébration de son triomphe à Rome,
Lucullus commença à faire fi des vieilles coutumes de sa patrie pour sombrer dans la
dissipation, si bien qu'il fut le grand précurseur des Romains en matière de luxe : il est
vrai qu'il s'était emparé, non seulement des trésors de Mithridate, mais aussi de l'or de
Tigrane.
Sittius, s'il faut en croire Tutilius, était également connu des Romains pour son goût du
luxe et l'efféminement de ses mœurs.
Nous avons déjà fait allusion à Apicius. La plupart des écrits dignes de foi confirment que
Pausanias et Lysandre étaient de fervents adeptes du luxe. Voyons ce que dit Agis à son
propos :
«Nous avons affaire à un deuxième Pausanias engendré par Sparte.»
Pourtant, Théopompe, dans le livre X de son Histoire de la Grèce, prétend exactement le
contraire sur ce personnage :
«C'était un travailleur acharné, toujours prêt à aider les gens du commun, comme
les princes, et qui savait se prémunir contre les puissants attraits de la volupté.
Bien qu'il ait accédé au pouvoir suprême sur toute la Grèce, nulle ville n'est en
mesure d'établir qu'il se soit laissé ravager par des passions malsaines, où qu'il se
soit adonné à des beuveries insensées.»
62. Les Anciens furent tellement avides de plaisirs, au point de se laisser entraîner dans
de coûteuses dépenses somptuaires, que même le grand Éphésien Parrhasios en vint à
se vêtir de pourpre et à porter une couronne d'or sur la tête : Cléarchos le note dans ses
Vies. Souvent, ses penchants effrénés pour le luxe lui faisait perdre le sens commun, si
bien que son art dériva vers le mauvais goût. Toutefois, quand il parlait de lui, il se croyait
investi d'une mission de vertu et, sur ses tableaux, il se permettait souvent d'inscrire le
vers suivant : «C'est un homme délicat, honorant la vertu, qui a écrit ces mots.» Mais un
homme, peu convaincu par cette profession de foi, composa le pastiche que voici :
«C'est un homme qui vit comme le barbouilleur qu'il est !»
Parrhasios est l'auteur d'autres inscriptions parmi lesquelles :
«C'est Parrhasios d'Éphèse, sa patrie glorieuse, un être délicat, honorant la vertu,
qui écrit ces mots. Je n'ai pas oublié mon père Évenor qui m'engendra, moi son
fils, dans le but d'être sur les cimes de l'art grec.»
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Il fit preuve également d'un orgueil démesuré dans les vers suivants, bien qu'il n'ait point
encouru la colère divine :
«J'ai beau m'adresser à des êtres qui m'entendent, mais ne veulent pas me
prendre au sérieux, je dirai néanmoins ceci : j'ai l'intime conviction que cet art est à
son apogée grâce à mes soins. Les limites que j'ai dépassées sont désormais
insurmontables. Pourtant, rien de ce que font les mortels ne se réalise sans
aléas.»
Une fois, à Samos, il était en compétition avec un artiste inférieur à lui pour peindre une
fresque où figurait Ajax : il fut battu. Comme ses amis compatissaient sur sa défaite, il
leur répondit que la chose lui importait peu : par contre, il plaignait Ajax pour avoir été
battu une seconde fois.
Par penchant pour le luxe, il aimait s'afficher calfeutré dans un riche manteau de pourpre,
un bandeau sur la tête ; il s'appuyait sur un bâton magnifique, sculpté de spirales
dorées ; quant aux courroies de ses sandales, il les attachait avec des fermoirs d'or.
Cependant, son art était loin d'être celui d'un dilettante, et il le prenait très au sérieux : il
était doué d'une facilité déconcertante, au point qu'il pouvait chanter tout en peignant,
comme Théophraste le souligne dans son Traité sur le Bonheur. Avec une conviction
sans faille, il avait coutume d'affirmer que, lorsqu'il peignit son Héraclès à Lindos, le dieu
lui-même lui était apparu en songe, et qu'il avait pris la pose appropriée. D'où les vers
que notre peintre grava sur le tableau :
«Voyez-le, tel qu'il m'apparut la nuit, car il visitait souvent Parrhasios dans son sommeil.»
63. Disons-le, il y eut une floraison de sectes philosophiques qui firent de la volupté le
principe de base de l'existence ; parmi ces sectes, citons celle appelée cyrénaïque dont
le fondateur fut Aristippe le Socratique. Ce penseur enseignait qu'une vie tournée vers
le plaisir était à l'origine du bonheur, et que ce plaisir était à saisir dans le moment
présent ; de la même façon que les débauchés, il considérait que les jouissances
passées n'avaient plus aucune pertinence, et que les espoirs des jouissances à venir
n'en avaient pas plus, car il étaient bien aléatoires ; selon lui, le Bon par essence
s'incarnait dans le seul présent. En fait, son raisonnement était en tous points semblable
à celui des gens dépravés, qui estiment que le plaisir de l'instant importe plus qu'autre
chose. D'ailleurs, sa vie fut conforme à sa doctrine, et il vécut dans un luxe outrancier,
s'aspergeant de parfums coûteux, s'habillant de riches vêtements, et séduisant moult
femmes. Il ne cacha pas le moins du monde sa liaison avec la courtisane Laïs, et l'on sait
qu'il fut le complice des extravagances de Denys, bien que ce roi l'ait traité avec
beaucoup de bassesse.
Hégésandros nous raconte qu'un jour, au cours d'un banquet, Denys le relégua dans un
coin peu reluisant : néanmoins, Aristippe prit la chose avec philosophie ; et quand le
prince lui demanda ce qu'il pensait de cette place, en comparaison avec celle qu'il avait
eut le soir précédent, il eut cette répartie :
«La place d'hier m'indiffère, vois-tu ! Elle est même tout à fait négligeable, puisque
maintenant, elle est si loin de moi ; certes, elle était la plus honorable qui soit,
puisque j'y étais installé alors ; mais celle d'aujourd'hui est la meilleure puisque je
l'occupe ; en revanche, hier, ne l'occupant pas, elle était détestable.»
Dans un autre passage, Hégésandros dit aussi :
«Quand les esclaves de Denys renversèrent de l'eau sur Aristippe et qu'Antiphon
se moqua de lui parce qu'il ne réagissait pas à l'outrage, il répondit : «Si j'avais été
mouillé à la pêche, aurais-je été obligé de partir et de retourner à la maison ?»
Aristippe passa la plus grande partie de sa vie à Égine, où il vécut dans le luxe ; à ce
sujet, Xénophon nous dit, dans ses Mémorables, que Socrate l'admonestait, lui
rappelant au passage la parabole qu'il avait composée sur le Vice et la Vertu. Mais
Aristippe, faisant allusion à Laïs, répondait :
«Je la possède, mais elle ne me possède pas.»
À la cour de Denys, il se disputa avec quelques hommes qui hésitaient à choisir une
femme facile parmi les trois qui se présentaient. Il se jeta alors dans un bain de parfum,
et lança :
«Même dans les plaisirs de Bacchos, une femme chaste ne se laissera corrompre.»
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Alexis le railla dans sa Galatée, et fit dire par la voix d'un esclave ce qu'il pensait des
disciples d'Aristippe :
«Jeune homme, mon maître s'est pris la tête avec la dialectique afin de devenir
philosophe. Or il y avait à Cyrène un homme du nom d'Aristippe : on racontait que
c'était un sage, un génie fabuleux, un homme parmi les plus illustres de son temps,
et qui surpassait tous ses devanciers... par la dépravation de ses mœurs. Mon
maître lui a versé un talent, et il est devenu son fervent disciple, et, bien qu'il n'ait
pas exactement tout compris de ses principes, il s'est quand-même esquinté le
tube digestif !»
Écoutons Antiphane, parlant de la douceur des philosophes dans Antée :
«A. Sais-tu, l'ami, d'où vient ce vieux croûton ?
B. J'ai bien vu son regard, il est de Grèce : son manteau est d'un blanc immaculé,
sa tunique grise est impeccable, son bonnet de feutre est léger, son bâton de
marche est bien équilibré, et ses sandales sont magnifiques... Mais il suffit, à quoi
bon une description fastidieuse ? En un mot, c'est l'Académie faite homme !»
64. Aristoxènos, qui écrivit des traités sur la musique, dit, dans sa Vie d'Archytas, qu'il y
avait , parmi les ambassadeurs envoyés par Denys le Jeune à la ville de Tarente, un
certain Polyarchos, surnommé le débauché, qui passait le plus clair de son temps à
satisfaire les besoins de son corps : non seulement il le faisait en pratique, mais il avait
théorisé son mode de vie. Il faut dire qu'il était un des disciples d'Archytas, et que la
philosophie ne lui était pas étrangère. Il se rendait à l'intérieur des enceintes sacrées et
se promenait en compagnie des disciples d'Archytas tout en les écoutant. Un jour, on
digressa sur les appétits, et plus généralement des plaisirs des sens, et il fit cette
intervention :
«Mes bons amis, je vous dirai ceci : après mûre réflexion, j'en arrive à l'idée que le
système de classification des vertus est stupide, et qu'il est contre-nature. Quand
la nature nous parle, elle nous ordonne de goûter au plaisir : c'est la seule voie à
suivre chez les hommes sensés ; résister à cet appel, brimer cet élan, est
révélateur d'un esprit tortueux, malheureux, qui n'a pas rien compris du caractère
composite de la nature humaine. La grande preuve de ce que j'avance se résume
en ceci : tous les hommes qui ont acquis un minimum de pouvoir se consacrent à la
satisfaction de leurs plaisirs corporels, et considèrent cette inclination comme le but
suprême de ce pouvoir, les autres préoccupations devenant totalement subalternes.
Prenons le cas de ces rois de Perse qui sont au cœur d'une monarchie étincelante.
Autrefois, il y avait les souverains de Lydie, de Médie, et plus loin dans le temps, les
rois d'Assyrie : eh bien ! tous ces princes ont goûté à toutes les voluptés
imaginables ; en Perse, on allait même jusqu'à récompenser celui qui créerait de
nouveaux délices. La chose paraît normale ; en effet, l'homme est d'une nature
telle qu'il est vite rassasié par des plaisirs qui durent trop longtemps ; aussi s'est-on
évertué à les perfectionner sans cesse. La nouveauté a cela de remarquable
qu'elle accroît la sensation de plaisir, ne l'ignorons point. C'est pour cette raison
que l'on confectionna toutes sortes de mets compliqués, des gâteaux toujours plus
onctueux, des variétés de parfums exquis et d'encens, des vêtements à foison, des
draperies aux motifs innombrables, des coupes et des ustensiles en tous genres.
Toutes ces choses contribuent au plaisir, du moment que la matière qui en est à
l'origine, fait l'objet de l'admiration humaine. C'est ce qui se passe avec l'or et
l'argent, bref avec toutes ces choses dont l'œil est friand, car elles constituent des
denrées rares. Tout est fait en fonction des règles de ces arts qui se sont hissés à
la perfection.»
65. Après ces considérations d'ordre philosophique, Aristoxènos brosse un tableau des
mœurs du roi de Perse, la foule de ses fournisseurs attitrés, sa sexualité débridée, les
doux parfums imprégnant son corps, l'élégance de sa mise, son parler délicat, ses
divertissements, ses acteurs favoris, pour en conclure que, décidément, ce monarque
était bien le plus heureux de tous les hommes.
«Il explore tous les plaisirs possibles, et sous toutes les formes. Loin derrière lui,
on peut citer notre propre tyrannie. Il faut d'abord savoir que l'Asie entière pourvoie
aux plaisirs de ce potentat, aussi bien que... À côté, les offrandes concédées à ce
pauvre Denys sont bien mesquines en comparaison des richesses dont le grand
roi est gratifié. Normal que cette vie soit tant convoitée ; ce qui suit en témoigne :
en effet, les Mèdes coururent les pires dangers pour conquérir l'empire des
Assyriens, le but étant de s'accaparer ses richesses extraordinaires. Plus tard, ce
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furent au tour des Perses d'attaquer les Mèdes pour des raisons identiques, afin de
connaître les bienfaits de la jouissance.
Mais il y a eu les législateurs, les nôtres, dont le dessein a été d'égaliser la société
et de bannir le luxe de la mentalité humaine : de ce fait, ils ont inventé une
classification des choses appelée les vertus ; ils ont fondé des statuts de toutes
sortes en vue de régler les rapports au sein de la communauté, par exemple en
légiférant sur les tenues vestimentaires, et les modes de vie en général : ainsi, tout
le monde devait être mis sur un même pied d'égalité. Depuis que les législateurs
se sont efforcés de lutter contre toutes les formes d'outrance, l'idéal de justice a fait
son chemin, et un poète, je crois, a formulé cette belle expression, «le visage d'or
de la justice», ou alors «l'œil d'or de la justice». La justice fut bientôt considérée
comme une divinité, et, en conséquence, quelques peuples lui dédièrent des
autels et lui offrirent des sacrifices. À la déesse Justice, on associa bientôt la
Sobriété et le Courage ; quant au goût insensé du plaisir, on lui donna le nom
d'avidité. Et c'est ainsi que l'homme, obéissant aux lois et se fondant dans la
masse, en est arrivé à calmer les ardeurs de ses pulsions.»
66. Dans le livre XXIII de ses Histoires, Douris affirme que, dans les temps antiques, les
rois s'adonnaient volontiers aux beuveries. L'auteur nous rappelle à cet effet qu'Homère
représentait Achille injuriant Agamemnon de cette manière :
«Outre à vin, avec tes yeux de chien.»
Quand il décrit la mort de ce roi, il écrit :
«Nous gisons autour du cratère et des tables pleines.»
Ce qui signifie qu'il rendit l'âme en s'enivrant copieusement...
Il est un autre penseur qui s'adonnait à la volupté : il s'agit de Speusippe, parent de
Platon, et qui lui succéda à l'Académie. Denys, le tyran de Sicile, écrivit une lettre à
Speusippe, dans laquelle, après avoir fulminé contre son penchant pour les délices, il
stigmatisa son avarice et sa liaison coupable avec Lasthénéia, une arcadienne qui avait
suivi les leçons de Platon.
67. Aristippe et ses disciples ne furent pas les seuls à louer le plaisir, en tant que
conséquence du mouvement : Épicure et son école ont suivi le même chemin que ces
philosophes. Je ne me livrerai pas à un examen approfondi des «souffles» et des
«titillations», ces vocables dont use et abuse Épicure ; je ne disserterai pas non plus sur
les «chatouillements» et les «sollicitations» si fréquents dans son traité Sur les Termes
extrêmes ; je me contenterai de quelques citations :
«Quant à moi, je ne puis concevoir le souverain bien si j'exclus les plaisirs qui
dérivent du goût, ceux qui naissent du sexe, ceux qui sont viennent des spectacles,
ceux qui se manifestent à la vue d'un beau visage.»
Métrodore écrit dans ses Lettres :
«Timocrate, toi qui réfléchis sur la nature, je crois bien qu'il n'y a que le ventre, et rien
que le ventre : c'est le seul sujet de méditation valable dans toute philosophie qui
traite de la nature.»
Épicure dit encore :
«Le commencement et la racine de tout bien est la satisfaction du ventre : les plus
grandes et les plus belles vertus s'y réfèrent toujours.»
Citons encore un passage de Sur les Termes extrêmes :
«Nous honorons tout ce qui a trait aux vertus, pourvu que ceux-ci nous donnent du
plaisir : si elles n'en procurent aucun, il faut y renoncer.»
Dans ses écrits, Épicure indique que la vertu est le ministre du plaisir : de fait, il la
relègue à l'état de servante ; dans un autre passage, il écrit :
«Je crache sur le Bien et sur ses adorateurs, quand le plaisir n'est pas au bout.»
68. Les Romains, qui, comme on le sait, sont les plus vertueux des hommes, ont eu
raison d'expulser, sous le consulat de Lucius Postumius, les épicuriens Alcaios et
Philiscos, pour avoir propagé la débauche dans la ville. Les Messéniens ont également
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banni les Épicuriens par décret public. Le roi Antiochos débarrassa son royaume de tous
les philosophes, par l'injonction contenue dans cette lettre :
«Moi, roi Antiochos à Phanias,
Je t'avais déjà écrit pour que tu sévisses, afin d'expulser tous les philosophes de la
capitale et de tout le royaume. Pourtant, j'apprends que beaucoup d'entre eux sont
restés, et qu'ils corrompent notre jeunesse, cela, parce que tu n'as pas agi selon
mes volontés. Par conséquent, aussitôt reçue ma missive, fais une proclamation,
et procède à l'expulsion immédiate des philosophes hors des imites de notre
royaume ; quant aux jeunes gens surpris à les fréquenter, qu'on les suspende pour
subir les étrivières, et que leurs pères soient sévèrement punis. Que mon ordre soit
exécuté sur-le-champ !»
Avant Épicure, le poète Sophocle fut un adepte du plaisir, comme le confirment ces vers
tirés de son Antigone :
«Quand un homme a perdu toute joie, il a déjà, pour moi, perdu la vie : c'est un mort
qui respire. Vous avez beau amasser des trésors dans un palais, mener un train royal,
là où plaisir de vivre est absent, tout le reste est moins qu'une ombre de fumée.»
69. Lycon le péripatéticien, d'après Antigonos de Caryste, s'installa d'abord à Athènes
pour y étudier, mais peu à peu, il se fit une réputation de panier percé, d'ivrogne et
d'amateur de prostituées. Plus tard, quand il devint le chef de l'école péripatéticienne, il
aimait à régaler ses amis, et il dépensa des fortunes en banquets ininterrompus, ce qui
lui revint cher ; il fallait payer tous les artistes qui pourvoyaient aux divertissements, les
plats en argent et les divans, la décoration, les nombreux plats qu'il servait, la foule des
serveurs et des cuisiniers : tout cela fit que les candidats hésitaient à rejoindre son école,
à l'instar de ces gens qui redoutent de pénétrer dans une ville au gouvernement
détestable qui surcharge ses citoyens d'impôts. Les adeptes étaient en effet obligés
d'assumer l'administration quotidienne de l'école pendant trente jours, ce qui signifiait
qu'ils avaient la responsabilité de surveiller les nouveaux étudiants ; le dernier jour du
mois, ils recevaient neuf oboles pour chacun des nouveaux étudiants ; et c'est avec cette
somme modique qu'ils devaient financer les festins et les divertissements qui étaient
offerts, non seulement à ceux qui avaient payé leurs honoraires, mais à tous ces
inconnus que Lycon invitaient gracieusement, en particulier, des hommes plus âgés,
simples visiteurs de l'école ; l'argent obtenu n'était donc pas suffisant pour acquitter
toutes les factures de parfumerie et des couronnes ; en outre, nos adeptes avaient en
charge les sacrifices, et administraient les rites en l'honneur des Muses. Toute cette mise
en scène n'avait absolument rien à voir avec la dialectique et la philosophie, mais était
plus en harmonie avec l'éclat pimpant qui caractérise une vie tapageuse. Cette pratique
était en soi très perverse, même pour ceux, qui, par manque de moyens personnels,
étaient dispensés de cette fonction.
Quant aux disciples de Platon et de Speusippe, ils surent se protéger de cette dérive :
quand ils se retrouvaient dans les festins, ce n'était pas simplement pour goûter des mets
excellents ou s'enivrer, c'était surtout pour révérer les dieux, discuter comme des gens de
bonne compagnie, se détendre, et s'engager dans des discussions intellectuelles.
Malheureusement, ces nobles objectifs, comme nous ne l'avons que trop constater, sont
devenus subalternes aux yeux de leurs successeurs, qui préfèrent bien davantage porter
des manteaux confortables et vivre dans un luxe onéreux. Plus que tout autre, Lycon
étala son arrogance, à tel point qu'un jour, il organisa chez Conon, en plein cœur du
quartier chic d'Athènes, une fête grandiose dans une salle pouvant contenir plus de vingt
divans. Ajoutons pour finir que ce philosophe était un joueur de balle averti.
70. Sur Anaxarchos, Cléarchos de Soles écrit dans le livre V de ses Vies :
«Quand des richesses déferlèrent sur Anaxarchos - le philosophe dit de
l'eudémonisme -, grâce à l'inconscience de quelques généreux donateurs, il se fit
servir du vin par une jeune fille nue, choisie pour ses charmes qui n'avaient point
d'égal. À vrai dire, sa tenue indécente révélait le caractère vicieux de l'homme qui
l'employait. Le boulanger d'Anaxarchos portait des gants, et se couvrait le visage
quand il malaxait la pâte, afin d'empêcher la sueur de couler et de se mélanger à
celle-ci.»
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Pour décrire notre vertueux philosophe, citons ces vers tirés du Fabricant de harpes
d'Anaxilas :
«Huilant sa peau avec des onguents jaunes, étalant ses délicates chlamydes,
traînant ses pieds dans de fins escarpins, mâchant des oignons, dévorant des
morceaux de fromage, gobant des œufs, mangeant des bigorneaux, buvant du vin
de Chios, et, c'est le comble, portant sur des pièces d'étoffes cousues les jolies
lettres d'Éphèse.»
71. Combien Gorgias de Léontion était meilleur que ces gens-là ! À son sujet,
Cléarchos, que nous venons de citer, déclare dans le livre VIII de ses Vies, que, par sa
tempérance, sa sobriété, il vécut pendant presque cent dix ans, en ayant conservé
toutes ses facultés. Et quand on lui demandait quel régime il avait suivi, en considérant
sa santé florissante, il répondait : «Je me suis toujours détourné des voluptés.»
Démétrios de Byzance nous donne une version différente de ce propos dans le livre IV
de son ouvrage Sur la Poésie :
«Quand on demandait à Gorgias de Léontion la raison de sa longévité, lui qui était
centenaire, il répondait : «Je n'ai jamais fait une chose en vue de plaire à quelqu'un.»
Ochos occupa le trône fort longtemps, en profitant en abondance des bonnes choses de
la vie. Quand il fut près de mourir, son fils aîné, qui désirait suivre son exemple, lui
demanda comment il avait fait pour garder le pouvoir autant d'années, et son père lui
répondit :
«J'ai pratiqué la justice envers tous les hommes et tous les dieux.»
Carystios de Pergame, citant Céphisodoros de Thèbes, dit, dans un passage de ses
Commentaires historiques, que Polydoros, le médecin de Téos, était convié à dîner par
Antipater ; ce dernier avait une tapis élimé auquel les anneaux étaient encore accrochés ;
pour prendre ses repas, il se couchait sur ce tapis, n'utilisant que quelques couverts de
bronze. Ajoutons que ce roi vécut sobrement en ignorant toujours le faste.
72. Quant à Tithonos, qui passait sa vie au lit du matin jusqu'au crépuscule, ses désirs
n'en étaient que plus modérés à l'orée du soir ; on disait qu'il dormait avec l'Aurore ; mais
il était tellement transi de désirs dans ses vieux jours qu'il se fit enfermer dans une cage
aux oiseaux, en quelque sorte «suspendu» à ses envies.
Mélanthios, étirant trop son cou pour faire durer le plaisir d'avaler, finit par s'étrangler :
celui-là était décidément plus avide que le Mélanthios de l'Odyssée.
Il y a bien des gens qui se sont déformés physiquement du fait de leur insatiable
gourmandise. Certains ont développé de l'embonpoint, alors que d'autres, par leurs folie
du luxe, se sont exemptés de toute douleur.
Nymphis d'Héraclée, dans le livre XII de son ouvrage Sur Hercule, raconte que Denys,
fils de Cléarchos, premier tyran d'Héraclée, et lui-même tyran de sa patrie, devint
progressivement obèse en raison de son luxe et de sa goinfrerie ; il était tellement gras
qu'il souffrait de suffocation. Aussi les médecins lui prescrivaient-ils de prendre des
aiguilles fines et longues, et de se faire percer le côté du ventre, à chaque fois qu'il
sombrait dans un sommeil profond. Il faut dire que cette aiguille ne lui faisait aucun mal
tant qu'elle qu'elle s'enfonçait dans les zones remplies de graisse. Mais dès qu'elle
atteignait les chairs vives, il se réveillait très vite. Quand il recevait en audience des
visiteurs, il se tenait devant un coffre imposant afin de cacher la plus grande partie de son
corps, ne laissant voir que le visage : c'est ainsi qu'il conversait avec ses quémandeurs.
Ménandre, sans méchanceté aucune (?), parle de lui dans ses Pêcheurs, après avoir
raconté l'histoire des réfugiés d'Héraclée. Voici ce qu'il écrit :
«C'était un gros pourceau couché sur son museau.»
Ce vers encore :
«Il appréciait le luxe - mais si fort que cela ne pouvait durer.»
Plus loin enfin :
«J'ai un désir et un seul, et je mourrai dans la grâce : me coucher sur ma graisse !
Ne rien dire, le souffle haletant, bouffant, et disant : je suis repu de plaisirs.»
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Il ne mourut cependant qu'à cinquante-cinq ans, et il fut tyran pendant trente-trois ans, se
distinguant de ses confrères par sa bonhomie et sa conduite honorable.
73. Tel était également Ptolémée qui régna sur l'Égypte, celui qui se proclama bienfaiteur
(Évergète), mais que les Alexandrins surnommaient plutôt malfaiteur (Kakergète). Le
stoïcien Posidonios, qui voyagea avec Scipion l'Africain jusqu'à Alexandrie, le décrit en
ces termes dans le livre VII de ses Histoires :
«En raison de sa mollesse, il était devenu une lourde masse, tant il avait de
graisse et un ventre proéminent, au point qu'il était impossible d'en faire le tour,
même avec les deux bras ! Pour cacher cet embonpoint, il portait une robe qui lui
descendait jusqu'aux pieds, et dont les manches recouvraient même les poignets.
Il ne sortait jamais dehors, sauf pour accompagner Scipion.»
Que ce roi ait été licencieux, nul n'en fait mystère, et la chose est attestée par le prince
lui-même dans le livre VIII de ses Commentaires, quand il raconte sa prise de fonction en
tant que prêtre d'Apollon à Cyrène, et le banquet qui fut donné à ses prédécesseurs ; il
écrit ceci :
«L'Artémitia est un fête importante à Cyrène, où le prêtre d'Apollon, désigné
annuellement, convie à un grand banquet ceux qui l'ont précédé dans cette
charge ; devant chaque invité, il fait placer un large récipient en terre cuite pouvant
contenir vingt artabes, et dans lesquels on dépose des gibiers, des volailles
domestiques, des fruits de mer ou des poissons fumés d'importation ; en outre, nos
ancien prêtres sont parfois gratifiés d'une joli petit esclave. Mais moi, j'ai mis fin à
ces pratiques, et j'ai fourni des coupes en argent massif, d'une valeur appréciable,
comme en témoigne les dépenses plus haut mentionnées ; à ces cadeaux, j'ai
ajouté un cheval caparaçonné, fourni avec le palefrenier et des freins marquetés
d'or. Le repas terminé, chaque invité repart avec cheval et cavalier.»
Le fils de Ptolémée Alexandre (Ptolémée Aulète) ne cessa, lui aussi, d'engraisser à vue
d'œil ! On sait qu'il tua sa propre mère, quand elle gouvernait de concert avec lui. Voici ce
que Posidonios dit à son sujet, dans le livre XLVII de ses Histoires :
«Ce souverain d'Égypte, un homme haï de son peuple, mais soumis aux flatteries
de ses courtisans, vécut dans un luxe éhonté ; quand il voulait se soulager, il était
incapable de sortir sans être soutenu par deux gardes du corps. Mais quand, dans
un banquet, les danses commençaient, alors, il sautillait nu-pieds et se
contorsionnait dans un rythme endiablé, comme un vrai danseur.»
74. Agatharchidès rapporte, dans le livre XVI de son Histoire d'Europe, que Magas, qui
régna sur Cyrène pendant cinquante ans, fut un souverain si pacifique qu'il put passer
son temps à festoyer, si bien qu'il parvint, à la fin de sa vie, à un monstrueux embonpoint.
Finalement, il mourut étouffé dans sa graisse, parce qu'il ne faisait aucun exercice et qu'il
n'arrêtait pas de se goinfrer.
Le même auteur, dit encore, dans le livre XXVII que, chez les Lacédémoniens, il était
anormal d'être remarqué avec une visage dépourvu de virilité, ou de montrer un ventre
proéminent ; c'est pourquoi, tous les dix jours, les jeunes recrues avait obligation de se
mettre nu devant les éphores : les magistrats observaient alors de près les vêtements
qu'elles portaient, ainsi que l'état de leur couche, et ils avaient raison.
Il n'empêche que Sparte possédait de très bons cuisiniers, habiles à préparer les
viandes ; mais le raffinement se limitait à cela. Dans ce même livre XXVII,
Agatharchidès raconte que les Lacédémoniens firent comparaître dans leur assemblée
Naucleidès, fils de Polybiadès, parce qu'on estimait qu'il était devenu trop obèse,
conséquence d'une vie de patachon. D'emblée, Lysandre l'accabla de reproches, le traita
de débauché et de vicieux : peu s'en fallut qu'il ne fut expulsé de la cité. Toutefois, on ne
le fit pas, mais il fut averti qu'il serait banni s'il ne corrigeait point son mode de vie. Pour
l'occasion, Lysandre rappela ce que fit Agésilas, quand il guerroya contre les Barbares,
près de l'Hellespont. Constatant que les Asiatiques étaient parés de riches vêtements,
mais que leur corps étaient gras et mous, il ordonna que les captifs fussent amenés
devant le crieur public, dépouillés de leurs tuniques, et vendus séparément de leur bel
accoutrement : Lysandre voulait faire comprendre à ses alliés que leur combat, pour
amasser un riche butin, avait lieu avec des hommes veules et sans valeur, le but étant,
bien sûr, de motiver encore davantage leur ardeur.
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Python, l'orateur de Byzance, était aussi bien en chair, si l'on en croit Léon, son
contemporain. Alors que des factions se déchiraient entre celles, Python dit ceci pour
ramener la concorde :
«Citoyens, vous voyez comme je suis gras ; eh bien ! j'ai une épouse plus grosse
que moi. Quand nous sommes bien, un lit même étroit nous suffit largement ; mais,
quand nous nous disputons, la maison n'est pas assez grande.»
75. Comme il vaut mieux, mon bon Timocrate, être pauvres et maigres que d'être
comparés avec ces gens dont parle Hermippos dans ses Cercopes ; plutôt notre
condition que vivre comme ces richards, et ressembler au monstre marin de Tanagra : ils
ont bien raison, ces chers notables susmentionnés ! Hermippos, s'adressant à Denys,
dit :
«Les pauvres te sacrifient déjà des bœufs tout estropiés, plus maigres que
Léotrophidès ou Thoumantis.»
Dans Gérytadès, Aristophane dresse également la liste des gens maigrelets, qui, au
fond de l'Hadès, furent envoyés par les poètes comme ambassadeurs, afin d'y rencontrer
les poètes morts. Voici ces vers :
A. Qui a osé descendre dans cette cave à macchabées, aux portes de
l'obscurité ?
B. Nous avons désigné, d'un commun accord, un représentant de chaque art, des
hommes qui, nous le savons, aiment l'Hadès et y descendent volontiers.
A. Quoi ! Il y aurait des types qui se plairaient dans l'Hadès ?
B. Certainement, tout comme il y a les gens qui aiment se rendre en Thrace. Le
ciel m'en est témoin. Il en faut pour tous les goûts.
A. Et qui sont-ils donc ?
B. Eh bien ! il y a Sannyrion, il appartient à la clique des comédiens ; parmi les
membres des chœurs tragiques, on a désigné Mélétos ; enfin, pour les chœurs
cycliques, on a choisi Cinésias.»
Plus loin, nous lisons :
«Ils sont bien maigres les espoirs que vous emportez ! Ces pauvres types, si le fleuve de
la diarrhée avance à une vitesse foudroyante, ils seront rattrapés par lui et emportés.»
Concernant Sannyrion, Strattis, écrit dans son Homme tranquille :
«Le renfort de cuir de Sannyrion.»
Sannyrion décrit lui-même Mélétos dans son Rire :
«Mélétos, ce cadavre de Lénéon.»
76. Cinésias était, en effet, grand et maigre, au point que Strattis lui a consacré une
pièce entière, dans laquelle il l'appelle «l'Achille de Phthie», parce qu'il utilisait sans
cesse le mot «phthien» dans sa poésie. D'autres poètes, tel Aristophane, décrit
Cinésias comme «léger comme du bois de tilleul» : si on devait le croire, Cinésias se
serait attaché autour du corps une planche en bois de tilleul, pour éviter de se plier et de
casser en deux, ce qui eût été la conséquence normale de sa taille et de son aspect
squelettique...
L'orateur Lysias, dans son Pour Phanias - un discours composé contre une proposition
d'une loi anticonstitutionnelle - dit que Cinésias était fort maladif ; pourtant, il fut
commandant d'armée, abandonnant un temps ses activités poétiques pour devenir
sycophante, ce qui lui aurait permis de s'enrichir. Quoi qu'on en dise, il s'agit bien là de
notre poète, et non d'un homonyme : cela est attesté par la manière emphatique avec
laquelle Cinésias est raillé pour son impiété en tant que poète ; en effet, Lysias le
présente comme un athée notoire. Lisons plutôt :
«Je suis étonné que vous ne soyez pas indignés par le fait que Cinésias se veut le
défenseur de nos lois, alors que vous savez tous qu'il est l'homme le plus impie du
monde. C'est celui-là même qui a commis de monstrueux sacrilèges dont la seule
mention est une honte à nos oreilles. Vous le connaissez suffisamment, je
suppose, car tous les ans, nos auteurs de comédies écrivent sur lui. N'était-ce pas
avec lui qu'Apollophanès, Mystalidès et Lysithéos, ont jadis festoyé, au cours d'une
journée pourtant interdite par nos cultes ? Ces pendards-là ne se gênaient pas
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pour se qualifier eux-mêmes d'«Adeptes de l'Esprit du Mal» au lieu d'«Adeptes de
la Nouvelle Lune» : c'était à juste titre, si l'on considère leur vie exécrable à
souhait ; et Ils faisaient cela avec un naturel sidérant, pour railler les dieux et vos
lois. Désormais, ces scélérats ont péri de la manière qui sied aux gens de cette
espèce. Mais, en ce qui concerne Cinésias, le plus célèbre de tous ces impies, les
dieux l'ont mis dans un tel état que, plutôt que de le faire mourir, ils ont préféré le
maintenir en vie, afin qu'il soit un sujet de méditation pour son prochain, pour que
tout le monde sache que, pour les infâmes, les dieux ne se vengent pas forcément
sur les enfants : souvent, ils usent de cruauté, châtiant avec la plus grande rigueur
les méchants, en leur envoyant des désastres et des maladies pires que ceux du
commun des mortels. Mourir ou tomber malade est une chose banale pour les
humains, mais vivre aussi longtemps dans une telle condition, en croyant mourir
chaque jour, mais survivant tant bien que mal, est le supplice le plus approprié
pour punir les fauteurs de sacrilèges.»
77. Voilà ce que l'orateur disait à propos de Cinésias.
Philitas, le poète de Cos, était d'une maigreur telle, qu'il attachait des boules de plomb à
ses pieds de peur d'être renversé par le vent.
Polémon le Periégète, dans son livre Sur les Merveilles, rapporte qu'Archestratos le
devin, capturé par l'ennemi, fut placé sur une balance et s'avéra ne peser qu'une seule
obole : il était si maigre !
Le même auteur affirme également que Panarétos ne consulta jamais de médecin (c'était
un élève du philosophe Arcésilaos, et Polémon dit qu'il vécut à la cour de Ptolémée
Évergète, qui le gratifiait d'une pension de douze talents par an). En effet, quoique fort
maigre, il n'était jamais malade.
Dans le Livre II de son ouvrage Sur la Formation, Métrodore de Scepsis dit que le poète
Hipponax était, non seulement minuscule, mais également très maigre ; malgré tout, il
était musclé, et, parmi les exploits qu'on lui attribue, il y a celui où il lança une carafe vide
à une distance énorme : pourtant, on sait qu'en règle générale un objet vide ne peut
fendre l'air, ni avoir une grande vitesse.
Philippidès était maigre aussi. L'orateur Hypéride indique, dans l'un de ses discours, qu'il
était politicien. Or, selon notre orateur, sa maigreur manifeste le rendait peu crédible dans
ses prestations.
Alexis dit de lui, dans ses Thesprotiens :
«Toi, Hermès, qui escortes les morts, toi à qui Philippidès est alloué, et toi, œil de
la nuit enrobée de noir.»
Et Aristophon, dans son Platon :
«A. En trois jours, je le rendrai plus maigre que Philippidès.
B. Quoi ! tu peux changer les hommes en cadavres en si peu de temps ?»
Enfin, Ménandre, dans La Colère :
«Si, dans ton pays, la famine mord jamais cet ami cher, elle fera de lui un cadavre
plus maigre que Philippidès.»
Il est clair que la formule «philippidiser» signifie «être maigre pour de bon».
De lui, Alexis dit dans La femme qui buvait de la Belladone :
A. Tu es dans une mauvaise passe : tu n'es plus qu'un poulet déplumé, Zeus
m'en est témoin ! Tu as été philippidisé.
B. Tu as fini d'inventer des mots nouveaux quand tu me parles. Je suis presque
mort.
A. Quels malheurs tu as eu !»
En fin de compte, il vaut mieux avoir cet aspect-là, que de ressembler à l'homme croqué
par Antiphanès dans son Éole :
«Ce pauvre ami, victime de ses ivrogneries et de son obésité, est appelé «Outre à vin»
par tout le monde.»
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Héracléidès du Pont, dans son livre Sur le Plaisir, dit que le marchand de parfums
Déinias, qui s'était vautré dans un luxe incommensurable, et avait goûté à toutes les
turpitudes, fut ruiné en raison des dépenses engendrées par sa vie dissipée. Désespéré
à l'idée de ne plus pouvoir assouvir ses pulsions, il préféra se châtrer.
Toutes ces histoires sont le résultat d'un luxe extravagant.
78. C'était la coutume à Athènes, chez les gens luxurieux, que de s'arroser les pieds de
parfums ; à ce sujet, lisons ce qu'écrit Cephisodoros dans son Trophonios :
«Alors ! Vous allez me parfumer, oui ou non ! Achetez-moi du parfum d'iris et de
rose, plus vite que ça, Xanthias ; et pour mes pieds, je veux qu'on m'achète de
l'asarabacca.»
Eubulos écrit ceci dans le Sphinx-Carion :
«Tu devrais me voir dans le lit ! Tout autour de moi, j'ai des petites minettes
adorables, très vicieuses, et qui se trémoussent ; et elles me frottent les pieds avec
des onguents de marjolaine.»
Et dans Procris, le personnage principal dit qu'il faut s'occuper du chien de Procris, en
parlant de l'animal comme si c'était un être humain :
«A. Tu installeras un petit lit moelleux et mignon pour le chienchien ; en dessous, tu
mettras des couvertures en laine de Milet ; au-dessus, tu étendras une draperie légère.
B. Par Apollon !
A. Ensuite, tu feras tremper pour lui quelques gruaux de blé dans une jatte de lait d'oie.
B. Par Héraclès !
A. Et, pour finir, tu frotteras ses jolies papattes avec du parfum de Mégallos.»
Dans Alcétis, Antiphanès montre un homme qui asperge ses pieds d'huile d'olive. Dans
le Prêtre mendiant, il dit :
«Il a demandé à la donzelle d'acheter un onguent de la déesse et de lui en
enduire, d'abord les pieds, puis les genoux. Et quand elle eut touché ses pieds et
les eut bien frottés, il sauta au plafond !»
Et dans L'Homme de Zante :
«Et alors ! Ça m'est interdit d'aimer les femmes et de prendre mon pied avec ces
petites chipies ? Et pourquoi donc ? Ne suis-je pas aux anges quand tu me fais
tout ça, et que tu me frottes les panards avec tes mains de rêve ?»
Il faut citer aussi du même Les Villageois de Tharicos :
«A. Est-ce qu'elle se baigne vraiment ? Mais quoi ?
B. Ouais, elle a un coffret marqueté d'or ; elle en sort un parfum égyptien pour
oindre ses pieds et ses gambettes, une huile de palme pour ses joues et ses
nibards, un peu de menthe pour ses bras, de la marjolaine pour ses sourcils et ses
cheveux, du thym pour son cou et son genou...»
Anaxandridès écrit ceci dans Protésilas :
«Le parfum acheté dans l'échoppe de Péron : une partie en a été vendue hier à
Mélanopos, et une autre à un riche égyptien ; et avec cet onguent, Mélanopos a
frotté les pieds de Callistratos.»
79. Il faut bien avouer que, déjà, à l'époque de Thémistocle, la mode était au luxe,
comme Télécléidès le note justement dans ses Prytanes. Cratinos, dans Les Cheirons,
fait une description du luxe qui avait cours en ces temps reculés :
«Chaque homme venait à l'assemblée avec son brin de menthe douce, ou une
rose, ou un lis à l'oreille, ou traînaillait sur le marché avec une pomme et un bâton
dans les mains.»
Cléarchos de Soles écrit dans ses Érotiques :
«Pourquoi portons-nous dans nos mains des fleurs, des pommes et autres choses
de ce genre ? Dame nature essaie-t-elle, à travers notre passion pour ces grâces,
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de désigner les vrais amoureux du beau ? Ou alors ces gens les portent-elles en
les appréciant en tant que révélation fournie par la nature ? Peut-être les portentelles aussi pour ces deux raisons ? Reconnaissons le fait qu'une fleur se donne
lors des premières rencontres amoureuses, afin de révéler notre flamme. Pour
ceux qui convoitent, c'est un signe montrant leur entière disponibilité ; pour ceux à
qui l'on destine la fleur, c'est la notification par laquelle ils peuvent librement
partager la beauté de la fleur en question. La demande que l'on fait sous la forme
d'un présent de belles fleurs et de beaux fruits, invite ceux qui les acceptent d'offrir
à leur tour la fleur de leur corps. Peut-être aussi gardent-ils ces fleurs pour euxmêmes, en vue d'admirer leur charme, comme consolation de la propre beauté du
bien-aimé. Car le désir pour l'aimé est détourné par la possession des fleurs. À
moins de n'aimer les fleurs que comme ornement, juste comme une chose
permettant d'embellir la vie. Car ils sont magnifiques à voir, ceux qui, non
seulement portent des couronnes fleuries sur la tête, mais qui en ont les mains
remplies ; ils sont prédisposés à aimer la beauté, puisqu'ils révèlent leur goût pour
les belles choses. Beau est en effet l'aspect de l'arrière-saison quand on en
contemple les fruits et les fleurs. Ou alors devrions-nous dire que les amoureux
sombrent dans la mollesse quand ils se laissent attirer par la beauté ? Serait-ce
alors une inclination vers un plaisir pervers ? Il est vrai que les êtres voluptueux et
qui se croient irrésistibles, aiment à cueillir des fleurs. Les jeunes filles, aussi,
cueillent des fleurs dans le cortège de Perséphone, et Sappho dit qu'elle y aperçut
une fois «une jeune fille en fleur cueillant des fleurs.»
80. De nos jours, les gens sont tellement rassasiés de sexe qu'ils ont même consacré un
temple à Aphrodite aux belles fesses ; que je vous narre les circonstances de la fondation
de ce culte.
Un fermier avait deux belles filles qui, un beau jour, se disputèrent si violemment qu'elles
se ruèrent en place publique pour régler leur différend : celui-ci portait sur la question de
savoir qui, des deux filles, avait le plus bel arrière-train. Un jeune homme, dont le père
était un vieil homme fort riche, passait dans les environs, et elles lui firent signe ; lui,
après les avoir bien observées, se choisit la fille aînée ; bref, ce fut le coup de foudre, au
point que, lorsqu'il revint chez lui, il tomba malade, s'alita, avant de raconter à son frère,
plus jeune que lui, l'aventure qui lui était arrivée. Ce dernier alla voir nos demoiselles, et
tomba éperdument amoureux de l'autre fille. Devant une pareille situation, leur père les
invita à contracter un mariage en bonne et due forme ; mais, n'ayant pas réussi à les
convaincre, il ramena les jeunes filles dans sa maison, avec le consentement du père de
celles-ci, et il les maria à ses fils. Nos donzelles furent appelées «callipyges» par les
citadins : c'est en tout cas ce que nous certifie Cercidas de Mégalopolis, dans les vers
suivants, tirés de ses Iambes. Il écrit :
«Il y avait une paire de sœurs dotée d'une belle paire de fesses à Syracuse.»
Ce sont ces deux sœurs qui, héritières d'une coquette fortune, fondèrent le temple de
l'Aphrodite dite Callipyge, comme l'atteste également Archélaos dans ses Iambes.
81 L'histoire qui suit est fort intéressante, car elle évoque une lubie dont la cause directe
est une vie de plaisirs. C'est Héracléidès du Pont qui nous la rapporte dans son traité
Sur le Plaisir :
«Thrasyllos, le fils de Pythodoros, du dème d'aexoné, était victime d'une étrange
lubie, conséquence de la vie dépravée qu'il menait : il s'imaginait que tous les
vaisseaux du monde qui entraient au Pirée lui appartenaient : de ce fait, il les
enregistrait dans ses comptes, les expédiait, et traitait de toutes les affaires les
concernant ; à leur retour au bercail, il les accueillait à bras ouverts, avec une joie
si sincère qu'on eût cru qu'il en était le véritable propriétaire. Les bateaux qui
avaient péri en mer ne l'intéressaient guère ; par contre ceux qui revenaient à bon
port, le rendaient visiblement heureux. Son frère Criton, revenu à Athènes, après
un séjour en Sicile, le prit en main et le confia à un médecin, qui parvint à la guérir
de sa folie. Plus tard, Thrasillos raconta son étrange expérience, et avoua qu'il
n'avait jamais ressenti une telle béatitude que lorsqu'il était dans sa folie ; il
n'éprouvait alors aucune souffrance, bref il était dans une extase perpétuelle.»
Fin du livre XII
Traduction de Philippe Renault et Philippe Remacle
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/athenee/livre12fr.htm
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Cours sur le monde grec et hellénistique
- 4104 010/09 : La grande bibliothèque d'alexandrie
- 4104 020/02 : L'égypte et le monde grec, une histoire méconnue
- 4104 060/07 : Alexandrie, capitale des sciences antiques
- 4104 060/10 : La littérature alexandrine, littérature et poésie à alexandrie
Livre d’Athénée de Naucratis
- Les Deipnosophistes, suivi de “Introduction à Athénée”, Alexandre Marie Desrousseaux, Éditions Belles
Lettres, collection des Universités de France, 2002
Livres sur Athénée de Naucratis
- Athénée et les fragments d'historiens, D. Lenfant, De Boccard, 2007
- Philosophes entre mots et mets. Plutarque, Lucien et Athénée autour de la table de Platon, Luciana
Romeri, Éditions Jérôme Millon, 2002
- Histoire de la littérature grecque, collectif, Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, PUF, 1997
- Le Monde d'Alde Manuce : imprimeurs, hommes d'affaires et intellectuels dans la Venise de la
Renaissance, Martin Lowry, trad. fr., Éditions Electre, 1989
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QUATRIÈME SUJET
LE NÉOPLATONICISME,
DE PLOTIN À ÉTIENNE D'ALEXANDRIE
I
PRÉSENTATION
1 - Le principal courant philosophique de la période tardive
2 - Un courant platonicien qui se déploie du 3ème siècle au 7ème siècle
3 - Les erreurs courantes sur le néoplatonisme
4 - Mais tout platonicien n’est pas forcément néoplatonicien
5 - Le néoplatonisme, expression du contexte historique à l’égard des philosophes anciens
6 - Le néoplatonisme est-il isolé en tant que “néo” ?
II
L’ORIGINE DU NÉOPLATONISME
1 - Ammonios Saccas, non-fondateur du néoplatonisme
2 - Les précurseurs du néoplatonisme, Plutarque de Chéronée et Numénius d’Apamée
3 - Plotin, un exégète de Platon qui veut pleinement développer sa pensée
4 - Une évolution à partir du moyen platonisme
5 - La question centrale de l’interprétation du Parménide de Platon par les néoplatoniciens
III
LE NÉOPLATONISME ET PLATON, QUELLES RELATIONS ?
1 - Le platonisme et ses évolutions, le néoplatonisme comme dernier développement
A - L’école historique, paléoplatonicienne
- Speusippe, premier scolarque, recteur, de l'Académie de Platon en -348
- Philippe d'Oponte
- Eudoxe de Cnide
- Héraclide du Pont
- Xénocrate (deuxième scolarque en -339).
- Arcésilas de Pitane (315-240)
- Lacydes, scholarque vers 240
- Téléclès et Evandre, successeurs de Lacydes
- Hégésinus successeur d'Evandre, maître de Carnéade
B - La nouvelle Académie
- Carnéade (212-129)
- Clitomaque (vers 186-110?), scholarque en 129
- Philon de Larissa (159-83), scholarque vers 110 à 79
C - Le moyen platonisme, ou médioplatonisme
- Antiochos d'Ascalon (treizième et dernier scolarque de l'Académie en -86)
- Eudore d'Alexandrie (vers -40)
- Ammonios d'Athènes (maître de Plutarque en 66)
- Plutarque de Chéronée (46-125)
- Théon de Smyrne (vers 130?)
- Alcinoos et le Didaskalikos, enseignement des doctrines de Platon, vers 150)
- Numénios d'Apamée (vers 155) - pythagoricien ou médioplatonicien ?
- Apulée (vers 123-vers 170) et l’Âne d’or (Asinus Aureus)
- Maxime de Tyr (vers 125-vers 185)
- Claude Galien (v. 131-v. 201)
D - Le néoplatonisme
2 - Les néoplatoniciens ne se disaient pas néoplatoniciens, mais platoniciens
3 - Le néoplatonisme et Platon, un commentarisme de Platon
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4 - Le néoplatonisme est-il vraiment platonicien, Platon étant mort 7 siècles plus tôt ?
5 - Le platonisme a toujours été enseigné, malgré la disparition de l’Académie
6 - Une réaction contre le moyen-platonisme et ses tendances concordistes
7 - Un prolongement des thèses platoniciennes plus que des thèses platoniciennes
8 - Le néoplatonisme comme recréation du platonisme dans un nouveau cadre historique
9 - Mais, fait notable, l’absence de philosophie politique, signe d’un contexte historique différent
IV
LES DÉVELOPPEMENTS DU NÉOPLATONISME ANTIQUE, SES ÉCOLES
1 - Un courant de pensée et une pluralité d’écoles
2 - L’école néoplatonicienne de Rome fondée en 244 par Plotin
1 - Plotin (205-270)
2 - Amelius (3ème siècle)
3 - Porphyre de Tyr (234-305?), entre fidélité à Plotin et admiration à l’égard d’Aristote
4 - Jamblique (242-325), à la croisée du néoplatonisme et du néopythagoricisme
3 - L’école néoplatonicienne d'Apamée, dite école syrienne du néoplatonisme (vers 270), fondée
par Amelius de Lycopolis
1 - Amelius de Lycopolis
2 - Jamblique (242-325)
3 - Sopatros d'Apamée
4 - Ædesios (ou Édésius) de Cappadoce
5 - Eustathe de Cappadoce
4 - L’école néoplatonicienne de Pergame, vers 330, fondée par Ædesios de Cappadoce
1 - Ædesios de Cappadoce (4ème siècle)
2 - Maxime d'Éphèse (4ème siècle)
3 - Chrysanthe (4ème siècle)
4 - Julien l'empereur (332-363)
5 - Priscus (4ème-5ème siècle)
6 - Eunape de Sardes (4ème-5ème siècle)
5 - L’école néoplatonicienne d'Athènes (400-519), fondée par Plutarque d’Athènes
1 - Plutarque d'Athènes, premier scolarque vers 400
2 - Syrianos, deuxième scolarque en 432, maître d'Hermias d'Alexandrie et de Proclos
3 - Proclos le diadoque, troisième scolarque en 438
4 - Marinos en 485
5 - Hégias
6 - Isidore de Gaza vers 490
7 - Zénodote
8 - Damascios le Diadoque (458-538), le dernier scolarque
9 - Simplicios de Cilicie (vers 480-549)
6 - L’école néoplatonicienne d'Alexandrie (vers 430?), fondée par Hiéroclès d'Alexandrie
1 - Hiéroclès d'Alexandrie, dit Hiéroclès le Pythagoricien (5ème)
2 - Hermias (5ème siècle)
3 - Ammonius d'Alexandrie, fils d'Hermias (aprox 435/445-517)
4 - Un livre anonyme : Prolégomènes à la philosophie de Platon
5 - Asclépios de Tralles (6ème siècle)
6 - Jean Philopon (490 ou 480 et mort en 566), se convertit au christianisme
7 - Olympiodore le Jeune (vers 495, vers 565)
8 - Étienne d'Alexandrie (fin 6ème, début 7ème)
V
LES PRINCIPALES THÈSES DE LA PHILOSOPHIE NÉOPLATONICIENNE
1 - Des positions platoniciennes, mais pas seulement - des aspects syncrétiques
2 - Un développement des thèses platoniciennes du Parménide : le passage de l’Être au multiple
3 - La solution néoplatonicienne à cette aporie
4 - Une lecture platonicienne de Parménide et une lecture théologique du Parménide
5 - Une problématique théologique qui devient celle de l’intelligibilité du monde
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6 - L’absolue transcendance de l’Un
7 - Les hypostases du monde : l’Un absolu, le noüs, la psyché et le monde
1 - La première hypostase, l’Un absolu
2 - L’intellect, le Noûs
3 - L’Âme du monde, la Psyché
4 - La matière, le monde comme contre-hypostase
8 - Les dieux sont les idées platoniciennes, et l’un est Dieu
9 - Une volonté d’unifier et de systématiser la mythologique antique
10 - Une philosophie qui se donne pour fin l’union avec le principe originel divin
11 - Une ascension vers l’Un, envisagée comme un processus de purification
12 - Comment atteindre l’Un ? par l’élévation spirituelle de la pensée ou des pratiques ?
13 - Une philosophie qui tend vers un mysticisme ou une religion philosophisée ?
VI
POSTÉRITÉ ET INFLUENCES
1 - Il n’y a pas de néoplatoniciens en tant que tels au-delà de l’Antiquité
2 - Un nombre considérable d’auteurs influencés par le néoplatonisme à des degrés divers
3 - Les influences néoplatoniciennes religieuses dans l’Antiquité
A - Le néoplatonisme chrétien
B - Les influences chez les gnostiques
4 - Les influences néoplatoniciennes religieuses post-antiques
A - Dans le christianisme
B - Dans l’islam
C - Dans le judaïsme
D - Dans le monde byzantin
5 - Les influences intraphilosophiques à partir de la Renaissance
A - Lors de la Renaissance : Marcile Ficin et Nicolas de Cues
B - L’école de Cambridge au 17ème siècle
ORA ET LABORA
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Document 1 : C’est le traducteur anglais Thomas Taylor (1758-1835) qui forgea le terme néoplatonicien lors
de la publication d’une partie des écrits de Plotin, de Jamblique, Maxime de Tyr, Porphyre et Proclus.
Surnommé «le Platonicien» ou «le Païen» par ses contemporains, Thomas Taylor (1758-1835) est un
spécialiste de la philosophie grecque ancienne dont le rejet des conventions intellectuelles et religieuses
sème la controverse. Son intérêt pour les éléments mystiques du platonisme - une obsession typiquement
romantique - influencera des intellectuels de Grande-Bretagne et d’Amérique. Cet admirateur de l’hellénisme
fit réaliser ce portrait en 1812 par Thomas Lawrence. En arrière-plan à gauche se dessine la silhouette de
l’acropole d’Athènes, et à côté de sa main gauche, un exemplaire de ses traductions de Platon.
Document 2 : Ammonios Saccas, poursuivant le moyen-platonisme, affirmait un concordisme Platon/
Aristote.
Ce fut Ammonios d’Alexandrie, l’inspiré de Dieu, qui le premier, s’attachant avec
enthousiasme à ce qu’il y a de vrai dans la philosophie et s’élevant au-dessus des opinions
vulgaires qui rendaient la philosophie un objet de mépris, comprit bien la doctrine de Platon
et d’Aristote, les réunit en un seul et même esprit, et livra ainsi la philosophie en paix à ses
disciples Plotin, Origène [le Platonicien] et leurs successeurs.
Hiéroclès d'Alexandrie
cité par Photius, Bibliothèque
Document 3 : Plotin se présente comme un exégète des enseignements de Platon.
Cette doctrine n'est pas nouvelle. Elle fut professée dès les temps les plus anciens, mais
sans être développée explicitement ; nous ne voulons ici qu'être les interprètes des
premiers sages et montrer par le témoignage même de Platon qu'ils avaient les mêmes
dogmes que nous.
Ennéades V.1.8
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences en relation avec ces questions
- L’assassinat d’Hypatie d’Alexandrie
1000-324
Livres d’auteurs néoplatoniciens
- Plotin : Ennéades, trad. du grec, Garnier-Flammarion.
- Porphyre : De l'abstinence, trad. du grec, Les Belles Lettres, 1977-1995, 2 t.
- Jamblique : Protreptique ; éd. et trad. Edouard des Places. Les Belles Lettres, 1989
- Jamblique : De l'Abstinence ; en 3 tomes, éd. et tr. J. Bouffartigue, M. Patillon et Alain Philippe Segonds.
Les Belles Lettres, 1977
- Proclos (412-485), Commentaires sur le Timée, en 5 tomes, trad. André-Jean Festugière, Vrin-CNRS, 1966
- Proclos : Commentaires sur la République, en 3 tomes, trad. André-Jean Festugière, Vrin-CNRS, 1970
- Proclos : Éléments de théologie, trad. Jean Trouillard.Aubier-Montaigne, 1965.
- Proclos : Théologie platonicienne, en 6 tomes, éd. et trad. Leendert Gerritt Westerink & Henri Dominique
Saffrey. Paris : les Belles Lettres, 1968
- Damascios : Commentaire du Parménide de Platon, en 4 tomes, éd. Leendert Gerritt Westerink, intr., tr. et
notes Joseph Combès, avec la collaboration d’Alain Philippe Segonds. Les Belles Lettres, 1997
- Prolégomènes à la philosophie de Platon (déb. VIe s.), trad. J. Trouillard et A.-Ph. Segonds, Les Belles
Lettres, coll. "Universités de France", 1990
Livres sur la philosophie néoplatonicienne
- Le haut-empire romain en occident, d’Augsute aux Sévères, Patrick Le Roux, Seuil, 1998
- Recherches sur le néoplatonisme après Plotin, Henri-Dominique Saffrey, Vrin, 1990
- Recherches sur la tradition platonicienne au Moyen Âge et à la Renaissance, Henri-Dominique
Saffrey, Vrin, 1987
- Simplicius, sa vie, son œuvre, sa survie, Ilsetraut Hadot, Éditons de Gruyter, 1987
- Le Néoplatonisme, Jean Brun, coll. Que sais-je ?, PUF, 1988
- Le problème du néoplatonisme alexandrin. Hiéroclès et Simplicius, Ilsetraut Hadot, 1978
- Macrobe et le néoplatonisme latin à la fin du IVe siècle, Jacques Flamant, Éditions Brill, 1977
- Plotin, ou la Simplicité du regard, Pierre Hadot, 1963
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CINQUIÈME SUJET
PLOTIN ET L’ÉNNÉADE
Le philosophe de l’Un
“Je tâche à faire remonter tout ce qui est divin
en nous vers le divin qui est dans le tout”.
Vie, II, 2
I
PLOTIN DANS LE NÉOPLATONISME
1 - Un maître philosophe du 3ème siècle, un fait bien rare à cette époque
2 - Un double fondateur, du néoplatonisme et de l’école néoplatonicienne de Rome
3 - Le premier néoplatonisme, platonisme intérieur
4 - Le néoplatonisme comme contestation du christianisme et des pratiques religieuses antiques
II
PLOTIN, ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (205-270)
1 - Les éléments biographiques proviennent de Porphyre
2 - Ses origines
3 - Son entrée en philosophie vers 28 ans
4 - Sa formation philosophique, d’abord auprès d’Ammonias Saccas vers 232
5 - Sa participation à l’expédition de Gordien III contre les Perses en 243
6 - L’ouverture d’une école à Rome en 247, où l’enseignement est en grec
7 - Il devient un proche de l’empereur Gallien
8 - Plotin et la renaissance galénique, restauration païenne contre le christianisme
9 - Il commence à rédiger ses traités à partir de 264
10 - Un mode de vie néoplatonicien
11 - Le rêve de Platonopolis en Campanie vers 265
12 - Sa fin en Campagnie où il s’est retiré vers 269
13 - Ses disciples continuent son œuvre et son école
III
L’ÉNNÉADE
1 - Une œuvre immense, entièrement conservée, mais transmise par Porphyre de Tyr
2 - Les Énnéades, publiées par Porphyre vers 301
3 - La composition des 6 Énnéades : 54 traités regroupés en six neuvaines
4 - Un exposé systémique de la pensée de Plotin
5 - Le plan de l’œuvre, une montée progressive du sensible vers l’intelligible et vers l’Un
6 - Œuvre de Plotin ou réagencement porphyrien de type andronicosien ?
IV
SA PENSÉE
1 - Un platonisme fondée sur une interprétation originale du Parménide de Platon
2 - Sa théologie de l’Un
A - L’Un, au-delà de l’essence et de l’existence
B - Au-delà de l’être et du non-être
C - L’Un dans son absolu absoluté
D - La source du monde
E - Le centre omniprésent de la ronde des âmes
F - L’accès intellectuel à l’Un par la déduction négative
G - L’accès par l’expérience mystique
3 - La procession (proodos), le mouvement de l’Un à la multiplicité
A - L’être vient en second par “procession”, de l’Un à la multiplicité
B - Le moins parfait émane du parfait
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C - Les trois hypostases plotiniennes principales : l’Un, Noûs, Psyché
D - Une hiréarchisation des degrés de réalité
E - La leçon d’Aristote : la distinction entre l’intelligible et l’Un
F - L’intelligence est vision de l’un, l’âme est vision de l’idée
4 - Le monde des hommes, notre monde
A - Un monde qui reste néanmoins un cosmos unique, intelligible et harmonieux
B - L’assimilation dans le cosmos, une influence de la sympathie stoïcienne
C - Le monde matériel détourne l’âme et la séduit par des reflets
D - Au plus bas degré de l’échelle, l’âme est prise dans la matière
5 - L’anthropologie plotinienne
A - Une chute sans faute, une élévation sans grâce
B - Le statut de l’âme : être intermédiaire, séparée mais pas souillée
C - La nostalgie inconsciente de cette origine
D - Le statut du corps
E - L’intelligence, image et trace provenant de la deuxième hypostase
F - Le sort de l’âme après la mort : incarnations au mérite de cette vie présente
6 - La philosophie, la voie de l’ascension libératrice plotinienne
A - La fin et le but de la philosophie : le contact avec l’Un, s’unir à l’Un, l’extase avec
l’Un
B - L’élévation de l’âme : l’ascension de l’âme du sensible vers l’Un
C - Un salut dans le monde
D - La question des pratiques religieuses pour la purification et l’élévation de l’âme
7 - Purification et l’ascension, les retrouvailles célestes de l’âme
A - Un couple originel indissociable Procession - Ascension
B - Une purification progressive
C - Les purifications propédeutiques : l’amour de la beauté et des muses
D - L’importance du beau, reflet des Idées
E - L’importance de l’amour - Eros
F - La purification décisive, un processus rationnel par la connaissance et la vertu
8 - L’extase plotinienne
A - L’extase plotinienne
B - Une expérience de contemplation
C - La joie ineffable d’une rencontre “lumineux”
D - Une sortie hors de soi qui est une rentrée en soi-même
E - Une expérience qui n’abolit pas l’âme
F - Une expérience de libération totale dans le monde éprouvant la totalité de l’Être
V
RÉFLEXIONS SUR LA PHILOSOPHIE PLOTINIENNE
1 - Une philosophie religieuse, qui pense le statut des religions
2 - Une recherche de salut, plus que de la vérité
3 - Un système complet du monde
4 - Une pensée totale de la connaissance du réel et de la destinée de l'âme
5 - Un “monothéisme” concurrent du christianisme : Emanatio ex deo contre création ex nihilo
6 - Une théologie païenne, reversable dans le christianisme comme théologie chrétienne ?
7 - Les contradictions du système, au regard de l’Un et du monde
VI
LA DOUBLE INFLUENCE PLOTINIENNE, NÉOPLATONICIENNE ET CHRÉTIENNE
1 - Une pensée, des descendances néoplatoniciennes
2 - Son intégration chrétienne
ORA ET LABORA
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Document 1 : Texte présentant la conversion philosophique de Plotin selon Porphyre et, ci-dessous, une
des rares représentations antiques de Plotin.
Un ami l'amena chez Ammonios, qu'il ne connaissait pas encore. Dès qu'il fut entré et qu'il
l'eut écouté, il dit à son ami : “Voilà l'homme que je cherchais“. De ce jour, il fréquenta
assidûment Ammonios (...). Herennios, Origène [Origène le Néoplatonicien, pas Origène
d'Alexandrie, chrétien] et Plotin avaient convenu ensemble de tenir secrets les dogmes
d'Ammonios, que leur maître leur avait expliqués en toute clarté dans ses leçons. Plotin tint
sa promesse ; il était en relation avec quelques personnes qui venaient le trouver ; mais il
conservait, ignorés de tous, les dogmes qu'il avait reçus d'Ammonios. Hérennios rompit le
premier la convention, et Origène le suivit (...). Pendant fort longtemps, Plotin continua à ne
rien écrire ; il faisait des leçons d'après l'enseignement d'Ammonios. Ainsi fit-il pendant dix
ans entiers ; il avait quelques auditeurs mais n'écrivait rien.
Porphyre
Vie de Plotin, § 3
trad. Bréhier
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Document 2 : Les empereurs Gordien III, Philippe l’Arabe et Gallien.
Gordien III (empereur de 238 à 244), de son vrai nom Marcus Antonius Gordianus, est né
vers 224. Il était le neveu de Gordien II et le petit fils de Gordien Ier. Il reconquiert la
Mésopotamie romaine, mais est tué à Caïtha près de l’Euphrate et le nouveau préfet du
prétoire Philippe l’Arabe s’empare du pouvoir. Statue à l'effigie de Gordien III, vers 242,
musée du Louvre.
À gauche : buste de Philippe l'Arabe, IIIème siècle (Neues museum, Berlin).
À droite : l’empereur Gallien (260 à 268) prit le pouvoir à la mort de son père Valérien. Buste de Gallien vers
260 (Altes museum, Berlin).
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Document 3 : Composition détaillée des Ennéades, dans leur ordre porphyrien, suivi de l’indication de
l’ordre chronologique des 54 traités d’après les spéculations.
- Première Ennéade
1 - Qu'est-ce que l'animal ?
2 - Des vertus
3 - De la dialectique
4 - Du bonheur
5 - Le bonheur s'accroît-il avec le temps ?
6 - Du beau
7 - Du premier bien et des autres biens
8 - Qu'est-ce que les maux et d'où viennent-ils ?
9 - Du suicide raisonnable
traité 53
traité 19
traité 20
traité 46
traité 36
traité 1
traité 54
traité 51
traité 16
- Deuxième Ennéade
1 - Du monde ou du ciel
2 - Du mouvement du ciel
3 - De l'influence des astres
4 - Des deux matières
5 - Que veut dire 'en puissance' et 'en acte' ?
6 - De la qualité et de la forme
7 - Du mélange total
8 - Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils petits ?
9 - Contre ceux qui disent que le démiurge du monde est méchant
et que le monde est mauvais [réfutation des gnostiques]
traité 40
traité 14
traité 52
traité 12
traité 25
traité 17
traité 37
traité 35
traité 33
- Troisième Ennéade
1 - Du destin
2 - De la Providence (I)
3 - De la Providence (II)
4 - Du démon qui nous a reçus en partage
5 - De l'Amour
6 - De l'impassibilité des choses incorporelles
7 - De l'éternité et du temps
8 - De la nature, de la contemplation et de l'Un
9 - Considérations diverses
traité 3
traité 47
traité 48
traité 15
traité 50
traité 26
traité 45
traité 30
traité 13
- Quatrième Ennéade
1 - De l'essence de l'âme
2 - Comment l'âme tient le milieu entre l'essence indivisible
et l'essence divisible
3 - Question sur l'âme (I)
4 - Question sur l'âme (II)
5 - Questions sur l'âme (III)
6 - Des Sens et de la Mémoire
7 - De l'immortalité de l'âme
8 - De la descente de l'âme dans le corps
9 - Toutes les âmes forment-elles une seule âme ?
traité 21
traité 4
traité 27
traité 28
traité 29
traité 41
traité 2
traité 6
traité 8
- Cinquième Ennéade
1 - Des trois hypostases
2 - De la génération et de l'ordre des choses qui sont après le premier
3 - Des hypostases qui connaissent et du principe supérieur
4 - Comment procède du premier ce qui est après lui. - de l'un
5 - Les intelligibles ne sont pas hors de l'intelligence. du bien
6 - Le Principe supérieur à l'Être ne pense pas
7 - Y a-t-il des idées des individus ?
8 - De la Beauté intelligible
9 - De l'Intelligence, des Idées et de l'Être
traité 10
traité 11
traité 49
traité 7
traité 32
traité 24
traité 18
traité 31
traité 5
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- Sixième Ennéade
1 - Des Genres de l'être (I)
2 - Des Genres de l'être (II)
3 - Des Genres de l'être (III)
4 - L'Être un et identique est partout présent tout entier (I)
5 - L'Être un et identique est partout présent tout entier (II)
6 - Des Nombres
7 - Comment est née la multiplicité des idées : du Bien
8 - De la Liberté et de la Volonté de l'Un
9 - Du Bien ou de l'Un
traité 42
traité 43
traité 44
traité 22
traité 23
traité 34
traité 38
traité 39
traité 9
d’après la traduction de M.-N. Bouillet, Hachette, 1859
disponible sur le site http://remacle.org
Document 4 : Dans la pensée plotinienne, l’Un est le Bien absolu platonicien.
La Cause étant l'Intelligence, Platon nomme Père le Bien absolu, le Principe supérieur à
l'Intelligence et à l'Essence. Dans plusieurs passages, il appelle Idée l'Être et l'Intelligence.
Il enseigne donc que du Bien naît l'Intelligence ; et de l'Intelligence, l'Âme. Cette doctrine
n'est pas nouvelle : elle fut professée dès les temps les plus anciens, mais sans être
développée explicitement; nous ne voulons ici qu'être les interprètes des premiers sages et
montrer par le témoignage même de Platon qu'ils avaient les mêmes dogmes que nous.
Ennéades V.1.8
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livres de Plotin
- Plotin : Ennéades, texte grec et trad. franç., Émile Bréhier, en 7 volumes, Les Belles Lettres
- La vie de Plotin, Porphyre, études d'introduction, texte grec et français, Vrin, 1992
Livres sur la philosophie plotinienne
- Introduction aux Ennéades, L'ontologie subversive de Plotin, Alain Panero, L'Harmattan, 2005
- Le haut-empire romain en occident, d’Augsute aux Sévères, Patrick Le Roux, Seuil, 1998
- Plotin et le christianisme, Pierre Aubin, Beauchesne, 1992
- L'Architecture du divin : mathématique et philosophie chez Plotin et Proclus, A. Charles-Saget, Les Belles
Lettres, 1982
- Plotin, ou la Gloire de la philosophie antique, Jean Moreau, Vrin, 1970
- Plotin, ou la Simplicité du regard, Pierre Hadot, Plon, 1963
- Plotin, Les Grands Philosophes, Karl Jaspers (1957), 1963
- La Procession plotinienne, Jean Trouillard, PUF, 1955
- La Philosophie de Plotin, Émile Bréhier, Vrin, 1982
Livres sur la philosophie néoplatonicienne
- Recherches sur le néoplatonisme après Plotin, Henri-Dominique Saffrey, Vrin, 1990
- Le Néoplatonisme, Jean Brun, coll. Que sais-je ?, PUF., 1988
- Recherches sur la tradition platonicienne au Moyen Âge et à la Renaissance, Henri-Dominique Saffrey,
Vrin, 1987
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SIXIÈME SUJET
LE NÉOPYTHAGORISME ET APOLLONIUS DE TYANE
“Je ne suis qu'un homme, mais tout homme peut, par la
contemplation et la philosophie, s'élever jusqu'aux dieux.”
Apollonius de Tyane
I
UNE RÉSURGENCE PYTHAGORICIENNE
1 - L’éclatement du pythagorisme après la fin du Musée
2 - Un courant philosophique ésotérique apparemment fondé par Nigidius Figulus et Eudore
d'Alexandrie
3 - Un courant philosophique peu visible, identifié tardivement
4 - Un courant dans l’ombre du platonisme et du néoplatonicisme
5 - Un manque cruel de source fiable le concernant
II
LE NÉOPYTHAGORISME
1 - Qu’est-ce qui défini le néopythagorisme comme “néo” ?
2 - Un courant pythagoricien, mêlant des éléments platoniciens et aristotéliciens
3 - La mystique des nombres
4 - Une foi quasi-religieuse en Pythagore, devant un maître universel
5 - Une croyance théurgique dans les miracles, la magie et les présages
6 - Une religion astrale (harmonie des sphères, grande année, astrologie...)
7 - Des conceptions morales et politiques dominées par la religion
8 - Une indistinction néopythagorisme/néoplatonicisme croissante dès le médioplatonisme
III
LES PRINCIPAUX REPRÉSENTANTS DU NÉOPYTHAGORISME
1 - L’école médiopythagorienne grecque (3ème siècle-1er siècle AJC)
- Dicéarque de Messène
- pseudo-Hippodamos de Milet
- pseudo-Philolaos
- pseudo-Timée de Locres
- pseudo-Ecphantos
- pseudo-Théanô
- Pseudo-Archytas
2 - L’école médiopythagorienne romaine (en partie hypothétique)
- Appius Claudius Caecus
- Scipion l’africain
- Caton l'Ancien
- Ennius
3 - L'école néopythagorienne (dates incertaines)
- Nigidius Figulus (-98,-45) à Rome
- Eudore d'Alexandrie (vers 40 AJC) - courant mathématicien
- La basilique souterraine de la porte majeure, temple pythagoricien ?
- Apollonius de Tyane (16, 97) - courant acousmate
- Sthénidas de Locres (Ier s.)
- Anaxilaos de Larissa (Ier s.)
- Moderatus de Gadès (50,100)
- Antoine Diogène (100)
- Le pseudo-Ocellus Lucanus
- Alexandre d'Abonuteichos (105, vers 175)
- Nicomaque de Gérase (mort vers la fin du IIème siècle)
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- Numénius d’Apamée (deuxieme siècle) - pythagoricien ou médioplatonicien ?
- Pseudo-Jamblique (Theologoumena arithmeticae. Théologie arithmétique, IVe s.)
- Les vers d'or de Pythagore (IVe s. ?)
IV
DEUX FIGURES MARQUANTES DE CE COURANT
1 - Nigidius Figulus (-98,-45) et le néopythagorisme romain
A - Le personnage
B - Éléments biographiques
C - Le fondateur du néopythagorisme romain, à priori créateur d'un Ordre pythagoricien,
le Sodalicium Nigidiani selon Dion Cassius
D - Ses œuvres
- De animalibus (des animaux)
- Augurii privati libri (sur la prédiction privée)
- Commentarii grammatici (sur la linguistique)
- De diis (des dieux)
- De extis (utilisation des viscères pour la divination : foie, poumons, cœur, fiel et
membrane des intestins)
- De gestu (de la rhétorique selon Quintilien, Institution oratoire, XI, 3)
- De hominum naturalibus (sur la nature humaine)
- De somniis (sur l’interprétation des songes)
- Sphaera - Sphaera graecanicae, Sphaera barbaricae (astrologie)
- De vento (du vent).
E - Ses positions philosophiques
F - Une école néopythagorienne à Rome ?
2 - Apollonius de Tyane (16, 97)
A - Un Christ païen
B - Une extraordinaire célébrité dans l’Antiquité
C - Nos sources : la Vie d’Apollonius de Tyane, par Philostrate l’athénien
D - La confirmation de son existence par d’autres sources (Lucien de Samosate,
Moeragène, Apulée)
E - Le rapprochement entre Apollonius de Tyane et Jésus par Hiéroclès
F - Les rares éléments biographiques d’une vie légendaire
G - Sa découverte de la philosophie avec Euthydème et Euxène d’Héraclée
H - Pythagore comme modèle
I - D’innombrables voyages, il serait même allé jusqu’en Inde !
J - La question de sa mort : Ephèse ou en Inde ?
K - Une action prophétique
L - Un réformateur de la religion païenne
M - Ses enseignements : vertu et sagesse dans la religion païenne
N - La légende de ses miracles et pouvoirs
O - Apollonius surpasse Pythagore
P - Apollonius et le un renouveau du pythagorisme
Q - Un renouveau en relation avec la situation religieuse de l’Empire à cette époque
R - Les livres qu’on lui attribue
- Vie de Pythagore
- Divination astrologique
- Des Sacrifices (livre sur les sacrifices)
- Nuctéméron
S - Un personnage repris par les polémiques paganïsme-christianisme ultérieures
T - Le pseudo-Apollonius de Tyane et la Table d'émeraude d'Hermès Trismégiste
V
LES PROBLÈMES PHILOSOPHIQUES POSÉS PAR LE NÉOPYTHAGORISME
1 - Le néopythagorisme est-il un réel courant philosophique ?
2 - L’existence de deux néopythagorismes : un magico-religieux et l’autre mathématicien
3 - Le néopythagorisme est-il réellement pythagoricien ou platonicien ?
4 - Des courants proches mais pas identiques : la question de la relation Nombre-choses
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5 - Le néopythagorisme ne serait-il pas un platonisme retournant à pythagore ?
6 - Le néopythagorisme survit-il au néoplatonicisme ? Est-il absorbé ? Garde-t-il une autonomie ?
7 - Une confusion des genres croissante entre religion et philosophie
VI
CONCLUSION
1 - Un double néopythagorisme : l’un philosophique, l’autre religieux
2 - Un courant philosophique préparant le néoplatonicisme
3 - L’exemple d’un courant philosophique se “déphilosophisant” progressivement
ORA ET LABORA
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Document 1 : Passages de Cicéron évoquant Publius Nigidius Figulus, qui eut l’occasion de le connaître
personnellement.
Cet homme fut à la fois paré de toutes les connaissances dignes d'un homme libre et un
chercheur (investigator) vif et attentif pour tout ce que la nature dissimule (quae a natura
involutae videntur). Bref, à mon avis, après les illustres pythagoriciens dont l'enseignement
s'est de quelque façon éteint après avoir fleuri pendant plusieurs siècles en Italie et en
Sicile, il est l'homme qui s'est levé afin de le renouveler.
Cicéron (106-43 avt J-C)
Timaeus, fragment 1
Publius Nigidius, de tous les hommes le plus savant, le plus probe, jadis très influent,
mon intime ami.
Cicéron
Ad Familiares, IV, 13, 3
Document 2 : Fragment de Moderatus de Gadès (50-100) conservé par Simplicius.
Le premier Un est au-dessus de l'Être (to einai) et de toute essence (ousia). Le deuxième
Un, qui est l'Être vrai et intelligible, ce sont les Formes. Le troisième, ou Un psychique,
participe au [premier] Un et aux Formes. Ensuite le dernier degré de la nature, ce sont les
choses sensibles, qui ne participent pas au degré le plus élevé [de la réalité] mais sont
ordonnées par leur réflexion ou manifestation. La matière dans les choses sensibles est
une ombre du Non-Être, dont la forme primitive est la Quantité (poson).
Simplicios de Cilicie
Commentaire sur la Physique d'Aristote, 230
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Document 3 : Plan et vue de la basilique souterraine de la Porte Majeure découverte en 1917 à Rome.
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Document 4 : Buste antique attribué à Apollonius de Tyane et médaille le représentant.
Exemple de contorniates, monnaies émises à Rome de 358 à 472, présentant souvent,
à côté des effigies d'autres grands hommes, notamment Pythagore, celle d'Apollonius (c’est le cas ici).
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Document 5 : Voici quelques paroles d'Apollonius. Ces paroles sont issues de 95 lettres supposément
rédigées par Apollonius et livrées par Philostrate. Apollonius a écrit de courtes lettres dans un style qui
relève du mode épistolaire du scytale lacédémonien. Al’origine, le scytale était une baguette ou bâton dont
on se servait pour écrire les lettres chiffrées. Autour de ce bâton on enroulait en spirale une bande de
parchemin sur laquelle on écrivait le message dans le sens de la longueur. Lorsque la bande était déroulée,
le message était inintelligible. Celui qui recevait le message, pour le lire, enroulait la bande sur un bâton
exactement de la même grosseur que celui dont on s'était servi pour écrire. De là vient que le nom de
scytale fut donné aux messages spartiates, d'un laconisme proverbial, et part extension à toute littérature
marquée par sa concision. Voici une sélection de lettres en relation avec Pythagore.
LETTRES D'APOLLONIUS DE TYANE (1)
I. A EUPHRATE.
Je suis l'ami des philosophes : mais quant aux sophistes, aux grammairiens, et à tout le
reste de cette misérable engeance, je ne me sens, et j'espère ne jamais me sentir pour
eux aucune amitié. Cela ne s'adresse pas à vous, à moins que vous ne soyez de ces
gens-là. Mais voici qui s'adresse à vous : modérez vos passions, efforcez-vous d'être
philosophe, et de n'être pas envieux des philosophes véritables, car déjà vous approchez
de la vieillesse et de la mort.
II. AU MÊME
La vertu vient de la nature, de l'éducation, de l'exercice : trois choses qui, en vue de la
vertu, méritent toute espèce de considération. Il faut voir si vous avez une des trois. Ou
bien vous devez abandonner vos nobles études, ou bien vous devez en faire part
gratuitement à qui en voudra profiter. Ne vous ont-elles pas déjà valu les richesses d'un
Mégabyze ?
III. AU MÊME.
Vous avez parcouru tous les pays, depuis la Syrie jusqu'en Italie, couvert de manteaux
magnifiques et, comme on dit, de manteaux de roi. Autrefois vous aviez un manteau de
philosophe, une barbe blanche et longue, et puis c'était tout. Comment se fait-il donc que
maintenant vous nous reveniez avec un vaisseau chargé d'or, d'argent, de vases de toute
espèce, de riches étoffes, de tout l'attirail du luxe, du faste, de la vanité, de la folie ?
Quelle est cette cargaison, quel est ce nouveau genre de marchandise? Zénon, lui, était
un simple, marchand de fruits (02).
IV. AU MÊME.
Il faudrait peu de chose à vos enfants, s'ils étaient les enfants d'un philosophe. Vous
devriez, en conséquence, ne songer à acquérir que le nécessaire, et surtout ne pas
chercher ce que l'on n'acquiert qu'au prix de la considération. Mais, puisqu'il n'est plus
temps de revenir sur ce qui est fait, au moins devriez-vous être tout disposé à répandre
un peu autour de vous vos richesses : n'avez-vous pas des concitoyens, des amis ?
V. AU MÊME.
La doctrine du plaisir n'a plus besoin de défenseur venant des jardins d'Épicure ni de son
école : ne la voyons-nous pas tout à fait acceptée par le Portique ? Peut-être allez-vous
me contredire et m'opposer les discours et les sentences de Chrysippe, mais je lis sur les
registres de l'empereur : Euphrate a reçu tant, et plus loin : Euphrate a reçu tant. Épicure
ne recevait pas ainsi.
VI. AU MÊME.
J'ai demandé à des riches s'ils n'avaient pas de soucis. «Comment n'en aurions-nous
point ? me dirent-ils. - Et d'où viennent donc vos soucis ? - De nos richesses.» Euphrate,
je vous plains, car vous venez de vous enrichir.
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VII. AU MÊME.
Quand vous vous serez dépêché de venir décharger votre vaisseau à Egées (03), il vous
faudra bien vite repartir pour l'Italie, et recommencer à faire la cour aux malades, aux
vieillards, aux vieilles femmes, aux orphelins, aux riches, aux voluptueux, aux Midas, aux
Géta. Il faut tout remuer quand on a de si bonnes marchandises à débiter. Ah ! que ne
puis-je percer votre vaisseau dans la demeure de Thémis (04) !
VIII. AU MÊME.
Peut-être allez-vous me mettre en accusation. À la bonne heure! Enhardissez-vous
donc ; vous n'avez pas à être embarrassé, vous n'avez qu'à répéter ce qu'on dit tous les
jours : «Apollonius ne va jamais dans les bains.» C'est qu'il ne sort jamais de sa
demeure, et garde les pieds purs de toute souillure (05). «On ne voit jamais bouger une
partie de son corps.» Mais son âme est toujours en mouvement. «Il porte les cheveux
longs.» Il agit en Grec, parce qu'il est Grec, et non en Barbare. «Il porte une robe lin.»
Oui, et ce qu'il y a de plus pur parmi les substances sacrées, «Il fait de la divination.»
C'est que les choses inconnues sont plus nombreuses que les autres, et qu'il n'y a pas
moyen de connaître autrement l'avenir. «Mais cela ne convient pas à un philosophe.»
Cela convient bien à un Dieu (06). «Il guérit les maladies et apaise les passions.» C'est
une accusation qui lui est commune avec Esculape. «Il dit être le seul qui se nourrisse
véritablement.» Oui ; les autres dévorent. «Ses discours sont brefs et sont tout de suite
finis.» C'est qu'il est capable de garder le silence. «Il s'abstient de viandes.» C'est par là
qu'il est homme (07). Si vous me dites que tels sont vos chefs d'accusation, Euphrate,
peut-être ajouterez-vous celui-ci : «Si Apollonius avait quelque mérite, il aurait reçu,
comme moi, de l'argent, des biens, un rang dans la cité.» Mais c'est précisément s'il avait
du mérite qu'il ne devait pas recevoir. «Ne devait-il pas recevoir tout cela par égard pour
sa patrie ?» Elle n'est pas sa patrie, la ville qui ne sait pas ce qu'elle possède.
IX. A DION (08).
Si vous voulez charmer les oreilles, mieux vaut jouer de la flûte ou de la lyre que faire des
discours. Voilà quels sont les instruments du plaisir, et l'art de donner du plaisir s'appelle
la musique. Le discours a pour but de découvrir la vérité. Voilà ce qui doit être l'objet de
vos actions, de vos écrits, de vos paroles, si du moins c'est pour cela que vous êtes
philosophe.
X. AU MÊME.
Quelques personnes veulent savoir pourquoi j'ai cessé de parler, de philosopher en
public. Que ceux qui s'intéressent à cela apprennent une chose : c'est que tout discours
qui ne s'adresse pas à un homme en particulier est sans action. Parler dans d'autres
conditions, c'est parler par amour de la gloire.
XI. AUX MAGISTRATS DE CÉSARÉE (09).
Les hommes, pour toute chose et par-dessus toute chose, ont d'abord besoin des
hommes : puis ils ont besoin des cités. Car après les Dieux, ce sont les cités qu'il faut
honorer, ce sont les avantages des cités qu'un homme sensé doit préférer à toute chose.
S'il s'agit non pas de telle ou telle cité, mais de la plus considérable de la Palestine, de la
plus florissante de toutes celles de ce pays par le nombre des habitants, par les lois, par
les institutions, par les exploits de la guerre, par les travaux de la paix, comme est votre
cité, il n'y en a pas une qui doive inspirer plus d'admiration et de respect, et à moi et à
tout homme sensé. Voilà, du consentement général, quels sont les motifs de préférence,
si le consentement général est quelque chose dans ce qui est de jugement. Que si votre
cité est la première à honorer un homme, quand elle est cité, et quand cet homme est
pour elle un étranger, venu d'un pays lointain, que pourra lui donner en retour cet
homme, et quel présent sera digne de leur mutuelle affection ? Je n'en connais qu'un :
c'est que, se trouvant l'ami des Dieux par une sorte de privilège de sa nature, il leur
demande pour la ville toute sorte de biens, et que ses prières soient exaucées. C'est ce
que, quant à moi, je ne cesserai de faire pour vous : car j'aime les mœurs grecques, qui,
par le moyen de l'écriture, communiquent à tous les avantages d'un seul. Apollonide, fils
d'Aphrodise, est un jeune homme d'une nature vigoureuse et tout à fait digne du titre de
citoyen de Césarée : je m'efforcerai défaire qu'il vous devienne utile en toute chose,
pourvu que la Fortune ne me soit pas contraire.
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XII. AUX MAGISTRATS DE SÉLEUCIE.
Une cité qui a d'aussi bons sentiments que la vôtre envers les Dieux et envers les
hommes dignes de respect, est heureuse elle-même et encourage à la vertu ceux en
faveur desquels elle porte témoignage. Il n'est pas mal aisé de rendre le premier un bon
office, et il n'y a rien de plus beau sur la terre. Mais ce qui est difficile, c'est de donner
quelque chose en retour ; quant à rien faire qui égale le premier bienfait, cela est
impossible. Car ce qui, dans le temps, est venu en second ne peut jamais être qu'en
second. Aussi me faut-il avoir recours aux Dieux : je les invoque pour qu'ils
récompensent en vous, non seulement de plus puissants que moi, mais des hommes
dont la bienveillance a été plus efficace. Car aucun mortel ne peut donner autant. Vous
désirez que je vienne habiter dans votre ville : c'est là un effet de votre bonté pour moi,
qui fait que je forme des vœux pour pouvoir me trouver au milieu de vous. Vos députés,
Hiéronyme et Zenon, sont d'autant plus dignes d'être honorés par moi que ce sont des
amis.
XIII. AUX MÊMES.
Straton a quitté la terre laissant ici tout ce qu'il avait de mortel. Pour nous, qui continuons
ici la série de nos expiations (10), ou, si vous voulez, pour nous qui vivons, il nous faut
veiller à ses affaires. Il faut que chacun, et aujourd'hui et plus tard, fasse quelque chose,
soit comme parent, soit seulement comme ami : c'est maintenant que l'on va voir ceux
qui ont véritablement mérité ces deux titres. Pour moi, j'aurai encore ici une occasion de
vous témoigner combien je veux être tout à vous : je me charge du fils qu'il a eu de
Séleucis, Alexandre, et je ferai de lui un de mes disciples. Déjà je lui ai donné quelque
argent ; je lui en aurais donné davantage, s'il avait été à propos qu'il en eût davantage.
XIV. A EUPHRATE.
Souvent on me demande pourquoi je n'ai pas été appelé en Italie, et pourquoi, bien que
n'ayant pas été appelé, j'y suis allé, comme vous et quelques autres. Je ne répondrai pas
à la seconde question : je ne veux pas qu'on pense que je sais la cause de mon voyage
en Italie, quand je ne m'inquiète pas même de la savoir. Quant à la première question,
ma réponse est bien simple : on m'a appelé avec plus d'instance que je n'ai mis
d'empressement à venir.
XV. AU MÊME.
Platon a dit (11) : La vertu ne connaît pas de maître. Quiconque n'honore pas ce
précepte, et, au lieu d'être heureux d'y conformer sa vie, se laisse corrompre par les
richesses, se donne par cela même une foule de maîtres.
XVI. AU MÊME.
Il faut, selon vous, appeler mages les philosophes qui procèdent de Pythagore, et aussi
ceux qui procèdent d'Orphée. Eh bien ! moi, je dis qu'il faut appeler mages ceux qui
procèdent de Jupiter, s'ils veulent être justes et divins.
XVII. AU MÊME.
Les Perses appellent mages les hommes divins (12). Un mage est donc un ministre des
Dieux ou un homme d'une nature divine. Vous, vous n'êtes pas un mage, donc vous êtes
un athée.
XVIII. AU MÊME.
Héraclite le physicien a dit que l'homme est naturellement déraisonnable. Si cela est vrai
(et, selon moi, cela est vrai), tout homme qui se repaît d'une vaine gloire doit se voiler le
visage de honte.
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XIX. AU SOPHISTE SCOPÉLIANUS.
Il y a en tout cinq genres littéraires en prose : le genre philosophique, le genre historique,
le genre judiciaire, le genre épistolaire et le genre des mémoires. Tel est l'ordre dans
lequel ils se présentent, d'après les caractères de chaque genre. Mais, pour chacun, le
premier est celui qui est le plus conforme à ses facultés ou à sa nature ; le second
consiste dans l'imitation des facultés supérieures que donne la nature, pour celui qui en
est dépourvu. Mais ces facultés sont bien difficiles à atteindre par l'imitation ; de sorte
que le caractère qui convient le mieux à chacun est son propre caractère, car il est le plus
durable.
XX. AU MÊME.
Si vous avez (et vous l'avez en effet) la faculté oratoire, cela ne suffit pas : il faudrait
encore acquérir la sagesse. Car si vous avez la sagesse et pas de faculté oratoire, il vous
faudrait aussi acquérir cette faculté. Car l'une a toujours besoin de l'autre, comme la vue
a besoin de la lumière, et la lumière de la vue.
XXI. AU MÊME.
Fuyez les Barbares et ne cherchez pas à les commander ; car il n'est pas juste de rendre
service à des Barbares.
XXII. A LESBONAX.
Il faut dans la pauvreté être un homme de cœur, et dans la richesse être un homme.
XXIII. A CRITON.
Pythagore a dit que la médecine est le plus divin des arts. Si la médecine est l'art le pins
divin, il faut que le médecin s'occupe de l'âme en môme temps que du corps. Comment
un être serait-il sain, quand la partie de lui-même qui est la plus importante serait
malade ?
XXIV. AUX HELLANODICES (13) ET AUX ÉLÉENS.
Vous voulez que j'assiste aux jeux Olympiques, et vous m'avez envoyé à ce sujet des
députés. Pour moi, je n'assisterais pas au spectacle de luttes corporelles, si, en
négligeant de venir, je ne négligeais la lutte bien plus belle de la vertu.
XXV. AUX PÉLOPONÉSIENS.
Avant l'installation des jeux Olympiques, vous étiez ennemis : depuis, vous n'êtes pas
amis.
XXVI. AUX SACRIFICATEURS D'OLYMPIE.
Les Dieux n'ont pas besoin de sacrifices. Que faut-il donc faire pour leur être agréable ? Il
faut, si je ne me trompe, chercher à acquérir la divine sagesse, et rendre, autant qu'on le
peut, des services à ceux qui le méritent. Voilà ce qu'aiment les Dieux. Les impies euxmêmes peuvent faire des sacrifices.
XXVII. AUX PRÊTRES DE DELPHES.
Les prêtres souillent de sang les autels, et puis l'on s'étonne quelquefois de ce que les
villes soient malheureuses, lorsqu'elles font tout pour être frappées de grandes calamités.
Ô folie ! Héraclite était un sage ; mais lui-même il ne conseillait pas aux Éphésiens
d'effacer avec de la boue les taches de boue (14).
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XXVIII. AU ROI DES SCYTHES.
Zamolxis élait un homme vertueux et un philosophe : Pythagore avait été son maître. Si
dans son temps les Romains eussent été aussi puissants qu'aujourd'hui, il aurait
recherché leur amitié. Que si vous voulez combattre et lutter pour la liberté, faites-vous
philosophe, cela veut dire homme libre.
XXIX. À UN LÉGISLATEUR.
Les fêtes amènent des maladies. C'est un repos pour les corps fatigués, mais une
occasion de se charger le ventre.
XXX. À DES PROCONSULS ROMAINS.
Vous avez un pouvoir souverain. Si vous savez commander, pourquoi, sous votre
autorité, les villes déclinent-elles? Si vous ne savez pas, il fallait apprendre avant de
commander.
XXXI. À DES PROCONSULS D'ASIE.
Quand des arbres sauvages poussent pour le mal des hommes, à quoi sert de couper les
branches, si on laisse les racines (15) ?
XXXII. AUX SECRÉTAIRES (16) DE LA VILLE D'ÉPHÈSE.
Des statues, des peintures, des promenades, des théâtres, tout cela ne sert de rien dans
une ville, si l'esprit n'y domine et si la loi n'y règne. Toutes ces choses peuvent inspirer
l'esprit et la loi, mais elles ne sont ni l'esprit ni la loi.
XXXIII. AUX MILÉSIENS.
Vos enfants ont besoin de leurs pères, vos jeunes gens des vieillards, vos femmes de
leurs maris, vos citoyens de magistrats, vos magistrats des lois, vos lois de philosophes,
vos philosophes des Dieux, les Dieux de la foi des hommes. Vous descendez d'ancêtres
vertueux, vous devez haïr le présent.
XXXIV. AUX SAVANTS DU MUSÉE.
J'ai parcouru l'Argolide, la Phocide, la Locride, j'ai passé à Sicyone et à Mégare, et, après
avoir longtemps parlé de philosophie en public, c'est là que j'ai cessé. Si vous me
demandez quelle a été ma raison, je répondrai à vous et aux Muses : Je suis devenu
Barbare, non par un long séjour loin de la Grèce, mais par un long séjour en Grèce.
XXXV. À HESTIÉE (17).
Chez nous, rien n'est plus opposé que la vertu à la richesse, et la richesse à la vertu.
Chacune d'elles grandit quand l'autre diminue, et diminue quand l'autre grandit. Comment
donc pourraient-elles se trouver ensemble chez le même homme ? Il n'y a que les
insensés qui puissent croire cette réunion possible, les insensés pour qui richesse est
synonyme de vertu. Faites qu'on ne se trompe pas ainsi autour de vous sur mon compte,
et ne me laissez pas donner le titre de riche plutôt que celui de philosophe. Je me croirais
déshonoré, si l'on croyait que je voyage pour m'enrichir, lorsque quelques-uns négligent
les richesses pour laisser un nom après eux, et sans même s'attacher à la vertu.
XXXVI. AU CORINTHIEN BASSUS. (18)
Praxitèle de Chalcis est un fou furieux : il est venu armé d'une épée pour m'assassiner.
C'est vous qui l'aviez envoyé, vous qui vous dites philosophe et agonothète (19) aux jeux
Isthmiques. Pour le pousser au meurtre, vous aviez promis de lui livrer votre femme, et
cela, misérable, quand je vous ai rendu tant de services !
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XXXVII. AU MÊME.
Que quelqu'un à Corinthe vienne à demander : Comment est mort le père de Bassus ?
Tous, étrangers aussi bien que citoyens, répondent qu'il a été empoisonné. Quel est
l'empoisonneur? Les voisins même répondront : C'est le philosophe Bassus. Et
cependant ce misérable suivait en pleurant le convoi funèbre de son père !
XXXVIII. AUX HABITANTS DE SARDES.
Vous n'avez pas la première place pour la vertu, car quelle serait cette vertu ? Mais si
vous avez la première place pour le vice, vous l'avez tous également. Voilà ce que diront
des habitants de Sardes les habitants de Sardes eux-mêmes. C'est qu'il n'y a pas
d'amitié entre eux, et que nul n'ira par bienveillance dissimuler les défauts de son voisin.
XXXIX. AUX MÊMES.
Les noms mêmes de vos classes sont affreux : les Coddares, les Xyrisituares (20) ! Voilà
les titres que dès leur naissance vous donnez à vos enfants, et vous vous estimez
heureux d'en être dignes.
XL. AUX MÊMES.
Coddares et Xyrisituares ! mais comment appellerez-vous vos filles ? Car elles font ellesmêmes partie de ces classes, et ce n'en sont pas les membres les moins audacieux.
XLI. AUX MÊMES.
Ne croyez pas que vos serviteurs vous soient dévoués. Comment le seraient-ils ?
D'abord ce sont des serviteurs ; ensuite la plupart d'entre eux font partie des classes
opposées. Car eux aussi ont leur généalogie.
XLII. AUX PLATONICIENS.
Si l'on offre de l'argent à Apollonius, et qu'on lui paraisse estimable, il ne fera pas
difficulté de l'accepter, pour peu qu'il en ait besoin. Mais un salaire pour ce qu'il enseigne,
jamais, même dans le besoin, il ne l'acceptera.
XLIII. A CEUX QUI SE CROIENT SAGES.
Vous dites que vous êtes de mes disciples ? Eh bien! ajoutez que vous vous tenez chez
vous, que vous n'allez jamais aux Thermes, que vous ne tuez pas d'animaux, que vous
ne mangez pas de viande, que vous être libre de toute passion, de l'envie, de la
malignité, de la haine, de la calomnie, du ressentiment, qu'enfin vous êtes du nombre des
hommes libres. N'allez pas faire comme ceux qui, par des discours mensongers, font
croire qu'ils vivent d'une manière, tandis qu'ils vivent d'une manière tout opposée.
XLIV. A HESTIÉE, FRÈRE D'APOLLONIUS.
Partout je suis regardé comme un homme divin ; en quelques endroits même on me
prend pour un Dieu. Dans ma patrie, au contraire, pour laquelle j'ai tant cherché la
réputation, je suis jusqu'ici méconnu. Faut-il s'en étonner ? Vous-mêmes, mes frères, je
le vois, vous n'êtes pas encore convaincus que je sois supérieur à bien des hommes
pour la parole et les mœurs. Et comment mes concitoyens et mes parents se sont-ils
trompés à mon égard? Hélas! cette erreur m'est bien douloureuse. Quoi ! il faut que, sur
les seuls points que les plus ignorants n'ont pas besoin qu'on leur apprenne, j'avertisse
ma patrie et mes frères! Je sais bien qu'il est beau de considérer toute la terre comme sa
patrie, et tous les hommes comme ses frères et ses amis, puisque tous descendent de
Dieu et sont d'une même nature, puisque tous ont partout absolument les mêmes
passions, puisque tous sont hommes également, qu'ils soient nés Grecs ou Barbares. Il
n'en est pas moins vrai que les liens du sang triomphent de tous les raisonnements, et
que ce qui est proche attire ce qui est proche. Ainsi l'Ulysse d'Homère préfère Ithaque
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même à l'immortalité que lui offre une déesse (21). Je vois cette loi régner même chez
les animaux dépourvus de raison. Les volatiles ne couchent jamais hors de leurs nids. Le
poisson peut être enlevé aux siens par le pêcheur, mais son instinct ne cesse pas de le
reporter vers eux. Jamais les bêtes féroces n'ont été amenées, même par la faim, à gîter
hors de leurs tanières. La nature a produit l'homme, et ce qui est plus, elle a produit le
sage. Eh bien ! une terre peut lui offrir tout, elle ne lui offrira rien tant qu'elle ne présente
pas à ses regards les tombeaux de ses pères (22).
XLV. AU MÊME.
Si la philosophie est ce qu'il y a de plus estimable au monde, et si l'on me considère
comme philosophe, comment pourrait-on m'accuser de haïr mon frère, et cela pour une
cause honteuse et qu'un homme libre ne saurait avouer ? C'est pour de l'or que je haïrais
mon frère, et cela quand je m'efforçais de mépriser l'or, même avant d'être philosophe ! Si
je ne vous ai pas écrit, la cause n'est pas celle-là : cherchez-en une autre plus
acceptable. Je ne voulais pas m'exposer au reproche d'orgueil, en vous écrivant la vérité,
ou bien au reproche de bassesse, en vous écrivant des mensonges : l'un et l'autre est
également pénible à des frères et en général à des amis. Je veux vous donner une
preuve de mon amitié. Si la Divinité le permet, après avoir visité mes amis de Rhodes, je
viendrai vous voir à la fin du printemps.
XLVI. A GORDIUS.
On dit que vous avez des torts envers Hestiée, vous qui étiez son ami, s'il est vrai que
vous ayez des amis. Prenez garde, Gordius, de trouver, non pas une apparence
d'homme, mais un homme. Embrassez pour moi votre fils Aristoclide, et puisse-t-il ne pas
vous ressembler ! Vous aussi, clans votre jeunesse, vous étiez irréprochable.
XLVII. AU SÉNAT ET AU PEUPLE DE TYANE.
Vous m'ordonnez de revenir, j'obéis. Ce qu'une ville peut faire de plus flatteur pour un
homme, c'est de rappeler un de ses citoyens pour lui faire honneur. Pour moi, si j'ai fait
tous mes voyages, c'est (puisse-je ne pas paraître présomptueux en parlant ainsi !), c'est
afin de vous conquérir de la gloire, un nom retentissant et l'amitié de cités et d'hommes
illustres. Je ne dis pas que vous n'eussiez mérité encore plus de considération, mais
voilà tout ce qu'ont pu faire les facultés de parole et de zèle que j'ai reçues en partage.
XLVIII. A DIOTIME.
Vous vous êtes trompé, quand vous avez pensé que j'eusse besoin de quoi que ce soit,
qui me fût donné, soit par vous, avec qui je n'ai jamais rien eu de commun, soit par tout
autre qui vous ressemblât, et de cette façon. Du reste, il ne vous eût servi à rien de vous
mettre en dépense, car j'ai coutume d'obliger sans en tirer profit. C'est pour moi le seul
moyen de rester fidèle à mes habitudes. Telle est ma manière d'agir envers tous mes
concitoyens, je pourrais dire envers tous les hommes ; c'est ce que vous diront tous mes
concitoyens, que j'ai obligés toutes les fois qu'ils m'ont demandé quelque chose, et
auxquels je n'ai jamais rien demandé en retour. Ne vous formalisez donc pas si j'ai fait à
mon ami les reproches qu'il méritait pour avoir commencé par recevoir de vous un
présent, et s'il l'a rendu aussitôt à Lysias, votre ami et mon ami, ne connaissant aucun
des esclaves que vous aviez laissés en partant. Si l'on parle de moi de deux manières, il
en sera toujours de même. Faut-il s'en étonner ? La fatalité veut que, sur tout ce qui
domine, il se tienne des propos contradictoires. Ainsi sur Pythagore, sur Orphée, sur
Platon, sur Socrate, on a non seulement dit, mais écrit des choses toutes différentes : les
discours mêmes sur la Divinité se ressemblent-ils partout (23) ? Mais les bons accueillent
la vérité, et les mauvais le mensonge. De ce genre, je veux dire du mauvais, sont les
discours satiriques. Il est juste, pour ce qui me concerne, de vous dire seulement que des
Dieux mêmes m'ont déclaré un homme divin (24), et cela non pas en particulier, mais en
public. Je vous choquerais si j'insistais sur un tel témoignage, ou si j'en ajoutais de plus
flatteurs. Je prie pour votre santé.
XLIX. A PHÉRUCIEN.
Votre lettre m'a fait le plus grand plaisir. Elle était pleine d'intimité, pleine du souvenir des
liens qui nous unissent. Je suis convaincu que vous désirez vivement me voir et être vu
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de moi. J'irai donc vous trouver le plus tôt possible. Aussi, restez où vous êtes. Dès que
je serai près de vous, vous serez, de tous mes familiers et de tous mes amis, celui avec
lequel je serai le plus souvent, cela vous est dû.
L. A EUPHHATE.
Le savant Pythagore était de la race des Dieux (25). Mais vous, vous me semblez bien
loin de la philosophie, de la véritable science. Sans cela vous ne diriez pas de mal de
Pythagore, et vous ne haïriez pas ceux qui s'efforcent de marcher sur ses traces. Croyezmoi, vous devriez faire autre chose. Car, pour la philosophie, vous l'avez manquée, et
vous ne l'avez pas plus atteinte que Pandare n'atteignit Ménélas lors de la rupture de la
trêve (26).
LI. AU MÊME.
On vous reproche d'avoir reçu de l'argent de l'empereur (27) ; et l'on n'a pas tort, à moins
qu'il ne soit faux que vous vous soyez fait payer pour votre philosophie, et cela si
souvent, aussi cher, et par un autre qui vous croyait sérieusement philosophe.
LII. AU MÊME.
Qu'on aille trouver un pythagoricien, quels avantages et combien d'avantages en retirerat-on ? Je vais vous les dire : la science du législateur, la géométrie, l'astronomie,
l'arithmétique, la science de l'harmonie, la musique, la médecine, et tous les divins
secrets de la divination. Ce n'est pas tout, en voici d'autres encore plus considérables :
un grand esprit, un grand cœur, de la majesté, de la constance, une bonne renommée, la
connaissance des Dieux, et non des opinions sur les Dieux, la croyance raisonnée et non
superstitieuse dans les démons, l'amour des uns comme des autres, le contentement de
soi-même, la persévérance, la frugalité, l'art d'avoir peu de besoins, la vigueur des sens,
l'agilité, la respiration facile, un bon teint, une bonne santé, un esprit tranquille, enfin
l'immortalité ! Veuillez maintenant me dire que reçoivent de vous ceux qui vous ont vu.
Serait-ce la vertu que vous avez ?
LIII. CLAUDE AU SÉNAT DE TYANE (28).
Nous avons honoré comme il le mérite, c'est-à-dire comme il faut honorer les philosophes
les plus éminents, votre concitoyen Apollonius, philosophe de l'école de Pythagore, qui a
parcouru avec éclat la Grèce et fait beaucoup de bien à vos jeunes gens, et nous avons
voulu vous assurer par lettres toute notre bienveillance.
LIV. AUX PRÉTEURS ROMAINS.
Quelques-uns d'entre vous veillent aux ports, aux édifices, aux portiques et aux
promenades. Mais quant aux enfants, aux jeunes gens et aux femmes qui sont dans nos
villes, nul n'en prend souri, ni vous ni les lois. Est-ce une bonne chose que d'être
gouverné par vous ?
LV. APOLLONIUS A SON FRÈRE.
La nature veut que chaque chose, après son accomplissement, disparaisse : c'est ce qui
fait que tout vieillit, puis meurt. Ne vous affligez donc pas si votre femme a péri à la fleur
de l'âge; et puisque l'on compte la mort pour quelque chose, ne pensez pas que la vie
vaille mieux, la vie, qui, pour les hommes sensés, est de tout point plus triste que la mort.
Montrez-vous le frère, je ne dis pas d'un philosophe, mais, ce qui est plus rare, d'un
pythagoricien et d'un Apollonius. Que votre maison reste la même. Si nous avons fait des
reproches à votre première femme, nos craintes ne manquaient peut-être pas de
fondement. Que si elle est toujours restée respectable, attachée à son mari, et par
conséquent estimable, pourquoi n'attendrions-nous pas d'une nouvelle épouse les
mêmes qualités ? Il est probable même qu'elle voudra être meilleure que l'autre, qu'elle
aura vue si tendrement regrettée par vous. Au surplus, songez à la position de vos frères.
L'aîné n'est pas même marié (29). Le plus jeune a bien l'espoir d'avoir des enfants, mais
plus tard. Nous sommes trois frères, et pas un de nous n'a d'enfants. Il y a là un danger
pour la patrie et pour notre descendance. En effet, si nous sommes sur de certains points
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supérieurs à notre père (il a sur nous une supériorité, c'est qu'il est notre père), pourquoi
nos enfants ne nous surpasseraient-ils pas ? Je forme donc des vœux pour la naissance
d'enfants auxquels nous laisserons notre nom, comme nos ancêtres nous ont laissé le
leur. Les larmes m'ont forcé d'interrompre cette lettre, et je n'avais rien de plus important
à vous écrire.
LVI. AUX HABITANTS DE SARDES.
Crésus, en passant l'Halys, perdit l'empire des Lydiens. Il fut pris vivant, fut chargé de
chaînes, monta sur le bûcher , vit le feu allumé et s'élevant déjà à une certaine hauteur :
cependant il continua de vivre, parce que les Dieux l'aimaient. Que fit ensuite cet homme,
votre ancêtre et le roi de vos ancêtres ? Ce roi, qui avait été traité ainsi contre toute
justice, fut admis à la table de son vainqueur, et fut pour lui un conseiller fidèle, un ami
dévoué. Parmi vous, au contraire, je ne vois que perfidie, déloyauté, haine, profanation,
impiété dans vos rapports envers vos parents, vos enfants, vos amis, vos proches, vos
voisins. Vous agissez en ennemis, et cela sans avoir passé l'Halys, ou sans qu'on l'ait
passé pour entrer chez vous. Et la terre, l'injuste terre, vous donne ses fruits !
LVII. A DES ÉCRIVAINS HABILES.
La lumière indique la présence du feu, lequel ne peut se produire sans la lumière. Le feu
est donc ce qui nous affecte; et quand nous sommes affectés, nous sommes brûlés. La
lumière ne fait que montrer à nos yeux son éclat, elle ne leur fait pas violence, elle les
attire. L'éloquence ressemble, ou bien au feu, et nous en sommes affectés, ou bien à la
lumière, et nous sommes éclairés par elle. Et comme ce dernier effet est le meilleur, je le
demande aux Dieux, si ce n'est pas trop demander.
LVIII. CONSOLATIONS A VALÉRIUS.
Personne ne meurt, si ce n'est en apparence, de même que personne ne naît, si ce n'est
en apparence. En effet, le passage de l'essence à la substance, voilà ce qu'on a appelé
naître; et ce qu'on a appelé mourir, c'est, au contraire, le passage de la substance à
l'essence. Rien ne naît, rien ne meurt en réalité : mais tout paraît d'abord pour devenir
ensuite invisible ; le premier effet est produit par la densité de la matière, le second par la
subtilité de l'essence, qui reste toujours la même, mais qui est tantôt eu mouvement,
tantôt en repos. Elle a cela de propre dans son changement d'état, que ce changement
ne vient pas de l'extérieur : le tout se subdivise en ses parties, ou les parties se
réunissent en un tout, l'ensemble est toujours un. Quelqu'un dira peut-être : Qu'est-ce
qu'une chose qui est tantôt visible, tantôt invisible, qui se compose des mêmes éléments
ou d'éléments différents ? On peut répondre : Telle est la nature des choses d'ici-bas,
que, lorsqu'elles sont massées, elles paraissent à cause de la résistance de leur masse ;
au contraire, quand elles sont espacées, leur subtilité les rend invisibles ; la matière est
nécessairement renfermée ou répandue hors du vase éternel qui la contient, mais elle ne
naît ni ne meurt. Comment donc une erreur aussi grossière que celle-ci a-t-elle subsisté
si longtemps ? C'est que quelques personnes s'imaginent avoir été actives quand elles
ont été passives : elles ne savent pas que les parents sont les moyens, et non les causes
de ce qu'on appelle la naissance des enfants, comme la terre fait sortir de son sein les
plantes, mais ne les produit pas. Ce ne sont pas les individus visibles qui se modifient,
c'est la substance universelle qui se modifie en chacun d'eux (30). Et cette substance,
quel autre nom lui donner que celui de substance première ? C'est elle seule qui est et
devient, dont les modifications sont infinies, c'est le Dieu éternel, dont on oublie à tort le
nom et la figure pour ne voir que les noms et les figures de chaque individu. Mais ce n'est
rien encore. On pleure lorsqu'un individu est devenu dieu, non par un changement de
nature, mais par un changement d'état. Si l'on veut avoir égard à la vérité, il ne faut pas
déplorer la mort, il faut, au contraire l'honorer, et la vénérer. Or quelle est la marque
d'honneur la plus convenable et la plus digne ? C'est de laisser à Dieu ceux qui sont
rentrés dans son sein, et de commander aux hommes qui vous sont confiés, comme
vous le faisiez auparavant. Ce serait une honte pour vous, si le temps, et non le
raisonnement, vous rendait plus ferme : car le temps efface les chagrins même des
moins philosophes. Ce qu'il y a de plus illustre sur la terre, c'est un grand pouvoir ; et
parmi ceux qui ont un grand pouvoir, le plus recommandable est celui qui se commande
à lui-même tout le premier. Est-il conforme au respect qu'on doit à Dieu de se plaindre de
la volonté de Dieu ? S'il y a un ordre dans l'univers (or sans contredit il y en a un), et si
cet ordre est réglé par Dieu, le juste ne désirera pas les bonheurs qu'il n'a pas : un tel
désir vient d'une préoccupation égoïste et contraire à l'ordre ; mais il estimera comme un
bonheur tout ce qui lui arrivera. Avancez dans la sagesse , et songez à guérir votre âme :
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rendez la justice et corrigez les coupables ; tout cela vous fera oublier vos larmes. Vous
ne devez pas penser à vous avant de penser au public : c'est le contraire que vous devez
faire. Quels sujets de consolation n'avez-vous pas ! Tout le peuple a pleuré avec vous
votre fils. Ne ferez-vous pas à votre tour quelque chose pour le peuple ? Ce que vous
devez faire pour lui, c'est de ne pas aller plus loin dans votre douleur, et d'y mettre fin
avant lui. Vous dites n'avoir pas d'amis ; mais il vous reste un fils. Et celui que vous
croyez avoir perdu, ne vous reste-t-il pas ? Il vous reste, dira tout homme sensé. En effet
ce qui est ne saurait périr; car s'il est, c'est qu'il doit être toujours; ou bien il faudra croire
que le non-être puisse passer à l'être. Et comment cela aurait-il lieu, quand l'être ne
passe point au non-être ? Ce n'est pas tout. Un autre vous dira que vous manquez au
respect envers Dieu, et que vous êtes injuste. Oui, vous manquez au respect envers
Dieu, et vous êtes injuste envers votre fils, ou plutôt vous manquez de respect envers lui.
Voulez-vous savoir ce qu'est la mort ? Faites-moi périr aussitôt après le dernier mot que
je prononce : aussitôt, privé de mou enveloppe matérielle, je suis plus puissant que vous.
Vous avez pour vous consoler le temps, vous avez une femme sérieuse et qui vous aime,
vous avez tous les biens de la vie : c'est à vous de vous demander le reste à vousmême. Un ancien Romain (31), pour sauver la loi et le respect du commandement, mit à
mort son fils, il le mit à mort ayant une couronne sur la tête. Cinq cents villes sont
soumises à votre empire (32), vous êtes le plus illustre des Romains ; et vous vous
mettez dans un état à ne pouvoir bien administrer votre maison, bien loin de pouvoir
gouverner des villes et des peuples. Si Apollonius était auprès de vous, il persuaderait à
Phabulla même (33) de cesser de pleurer.
LX. A EUPHRATE (34).
Praxitèle de Chalcis est un fou furieux : on l'a vu, armé d'une épée, à ma porte, à
Corinthe, avec un de vos disciples (35). Pourquoi vouliez-vous me faire assassiner ?
«Ai-je jamais dérobé vos bœufs? Ne sommes-nous pas séparés par beaucoup de
montagnes couvertes d'arbres et par la mer retentissante (36) ?»
Quelle distance n'y a-t-il pas entre votre philosophie et la mienne !
LXI. A LESBONAX.
Le Scythe Anacharsis était savant. Les Scythes peuvent donc être savants.
LXII. LES LACÉDÉMONIENS A APOLLONIUS (37).
On vous remettra le gage des honneurs que nous vous avons conférés : cette lettre,
revêtue du cachet de notre cité, vous les fera connaître.
LXIII. APOLLONIUS AUX ÉPHORES ET AUX LACÉDEMONIENS.
J'ai vu vos concitoyens sans barbe, les jambes et les cuisses épilées et blanches,
couverts des plus fines étoffes, ayant aux doigts une foule d'anneaux du plus grand prix,
et aux pieds une chaussure ionienne. Je n'ai pas reconnu en eux les envoyés de
Lacédémone ; dois-je en croire la lettre qui me les présentait comme tels ?
LXIV. AUX MÊMES.
Vous m'appelez souvent pour venir en aide aux lois et être utile à votre jeunesse. La ville
de Solon n'a pas besoin de m'appeler ainsi. Songez à Lycurgue, et rougissez.
LXV. AUX ÉPHÉSIENS DU TEMPLE DE DlANE.
Vous avez conservé tous les rites des sacrifices, tout le faste de la royauté. Gomme
banqueteurs et joyeux convives, vous êtes irréprochables : mais que de reproches n'a-ton pas à vous faire, comme voisins de la déesse nuit et jour ! N'est-ce pas de votre milieu
que sortent tous les filous, les brigands, les marchands d'esclaves, tous les hommes
injustes et impies (38) ? Le temple est un repaire de voleurs.
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LXVI. AUX MÊMES.
Il est venu d'une terre grecque un homme, Grec d'esprit et de cœur, sans être ni Athénien
ni Mégarien. Il se nomme Apollonius et veut visiter votre déesse. Donnez-lui un endroit
qu'il n'ait pas besoin de purifier, même y restant constamment.
LXVII. AUX MÊMES.
Le temple est ouvert à ceux qui sacrifient, qui prient, qui chantent des hymnes, aux
suppliants, aux Grecs, aux Barbares, aux hommes libres, aux esclaves. Voilà une loi
merveilleusement divine. J'y reconnais les attributs de Jupiter et de Latone. Plût aux
Dieux qu'il n'y en eût pas d'autres !
LXVIII. AUX MILÉSIENS.
Vous avez éprouvé un tremblement de terre ; c'est ce qui est arrivé à bien d'autres villes.
Mais ce malheur était pour elles un effet de la fatalité, et l'on voyait entre les citoyens de
la commisération, non de la haine. Vous seuls vous vous armez du fer et du feu même
contre les Dieux, et cela contre des Dieux dont vous avez besoin et avant et après le
danger. Vous aviez parmi vous un philosophe, ami des Grecs, qui souvent avait annoncé
ce fléau en public ; et, lorsque le tremblement de terre est arrivé, vous l'accusez tous les
jours d'en être la cause. Ô folie de tout un peuple! Et cependant on compte Thaïes parmi
vos ancêtres.
LXIX. A DES CITOYENS DE TRALLES.
Beaucoup d'hommes viennent à moi de divers côtés, les uns pour une cause, les autres
pour une autre ; les uns jeunes, les autres vieux. J'examine les dispositions et le
caractère de chacun avec autant d'attention que je puis, et j'observe s'il est bon ou
mauvais citoyen. Jusqu'ici je ne saurais préférer à vous, qui êtes de Tralles, ni les
Lydiens, ni les Achéens, ni les Ioniens, ni même les peuples de la Grande-Grèce, les
Thuriens, les Crotoniates, les Tarentins, ou quelques autres de ce fortuné pays de l'Italie,
comme on l'appelle, ou d'autres terres. Pourquoi donc, quand j'ai pour vous tant d'estime,
ne viens-je pas habiter au milieu de vous, moi qui suis de votre race ? Je vous le dirai
une autre fois. Pour le moment, qu'il me suffise de vous adresser des éloges, à vous et à
vos magistrats, qui surpassent en sagesse et en vertu les magistrats de beaucoup
d'autres cités, surtout de celles d'où vous tirez votre origine.
LXX. AUX HABITANTS DE SAÏS.
Vous êtes une colonie athénienne, à ce que dit Platon dans le Tïmée. Cependant les
Athéniens repoussent de l'Attique une déesse qui vous est commune, à eux et à vous, la
déesse Neith, qu'ils appellent Athênè. Ils ne restent pas Grecs. Comment ne restent-ils
pas Grecs ? Je vais vous le dire. Les Athéniens n'ont pas de sages vieillards ; personne
n'y laisse croître toute sa barbe, et même personne n'y porte de barbe. Mais on trouve
près des portes des adulateurs, devant les portes des sycophantes, à l'entrée des longs
murs des trafiquants de prostitution, sur les ports de Munychie et du Pirée des parasites.
À la déesse il ne reste pas même le cap Sunium.
LXXI. AUX IONIENS (39).
Vous croyez qu'on doit vous appeler Grecs à cause de votre origine, et de la colonie que
les Grecs ont autrefois établie chez vous. Mais ce qui fait un peuple grec, ce sont non
seulement les coutumes, les lois, la langue, la manière de vivre, mais encore l'air et la
mine. Mais vous, pour la plupart, vous n'avez pas même gardé les noms de vos pères ;
mais votre nouvelle félicité (40) vous a fait perdre les attributs de vos ancêtres. Ils feraient
bien de ne pas vous recevoir dans leurs tombeaux, car vous leur êtes devenus étrangers.
Autrefois vous portiez des noms de héros, de navigateurs, de législateurs : maintenant
vous prenez les noms des Lucullus, des Fabricius, des heureux Lucius (41). J'aimerais
mieux m'appeler Mimnerme (42).
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LXXII. A HESTIÉE.
Mon père Apollonius avait trois Ménodotes parmi ses ancêtres : vous, vous voulez du
premier coup vous nommer Lucretius ou Lupercus, sans avoir aucun de ces noms parmi
vos ancêtres. Si vous tenez pour honteux le nom de quelqu'un, du moins n'ayez pas sur
vos traits sa ressemblance.
LXXIII. AU MÊME.
Nous sommes loin de notre pays, et la Fortune nous sourit. Cela ne m'empêche pas de
songer aux affaires de la ville. La destinée prépare la fin prochaine des hommes qui sont
à la tête de l'administration. Vous serez commandés par de petits jeunes gens, puis par
des enfants. Ici il y a à craindre : quelle sécurité pour une barque gouvernée par des
enfants ? Cependant je ne crains pas pour vous, car notre vie approche de son terme.
LXXIV. AUX STOÏCIENS.
Bassus était jeune et fort à court d'argent, bien que son père fût très riche. Il s'enfuit
d'abord à Mégare avec un amant et même un trafiquant de prostitution : car il leur fallait
vivre et subvenir aux frais du voyage. De là il alla en Syrie. Il accueillit le jeune Euphrate
et quiconque eut envie de ce bel objet, pour satisfaire la plus honteuse des passions.
LXXV. AUX HABITANTS DE SARDES.
Le fils d'Alyatte ne put sauver la capitale de son empire ni par la force ni par les conseils :
cependant il était roi, et il était Crésus. Mais vous, quel lion avez-vous écouté, quand
vous avez engagé une guerre fratricide, enfants, jeunes gens, hommes faits, vieillards, et
même jeunes filles et femmes ? C'est à croire que votre ville est consacrée, non à Cérés,
mais aux Furies. Gérés aime les hommes : d'où vient votre fureur contre eux ?
LXXVI. AUX MÊMES.
Il était naturel qu'un philosophe qui vénère l'antiquité voulût visiter une ville antique et
puissante comme la vôtre. Je suis donc venu de moi-même, sans attendre que je fusse
appelé, comme je l'ai été par un grand nombre d'autres villes. J'ai voulu voir si je pourrais
rendre à votre ville l'unité de mœurs, d'esprit, de loi et de religion. J'ai fait pour arriver à
ce but tout ce qui dépendait de moi : la discorde, a dit un sage, est pire que la guerre.
LXXVII. À SES DISCIPLES.
En parlant, je n'ai songé qu'à la philosophie, je n'ai nullement songé à Euphrate. Qu'on
ne pense pas que je me sois ému de l'épée de Praxitèle ou du poison de Lysias. Ce
serait bon pour le même Euphrate.
LXXVIII. À IARCHAS ET AUX SAGES INDIENS.
J'en jure par l'eau de Tantale, à laquelle vous avez bien voulu m'initier (43).
LXXIX. À EUPHRATE.
L'âme qui ne se rend pas compte de ce dont le corps peut se contenter ne peut arriver à
être contente d'elle-même.
LXXX. AU MÊME.
Les hommes les plus sages sont les plus brefs dans leurs discours. Si les bavards
souffraient ce qu'ils font souffrir aux autres, ils ne parleraient pas tant.
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LXXXI. À SES DISCIPLES.
Simonide a dit qu'il ne s'était jamais repenti de s'être tu, mais souvent d'avoir parlé.
LXXXII. AUX MÊMES.
La loquacité fait commettre bien des imprudences, le silence ne compromet jamais.
LXXXIII. À UN DÉLIEN.
Le mensonge est d'un esclave, la vérité, d'un homme libre.
LXXXIV. À SES DISCIPLES.
Ne pensez pas que, donnant des conseils aux autres, j'en prenne moi-même à mon aise.
C'est en vivant moi-même de pâtes et de choses de ce genre que je vous engage à vous
nourrir ainsi.
LXXXV. À IDOMÉNÉE.
Nous nous sommes efforcés de nous contenter de mets simples et exigus, non pour que
ces mets suffisent à notre corps, mais pour que notre âme se fortifie à ce genre de
nourriture.
LXXXVI. À UN MACÉDONIEN.
La colère s'épanouit dans la fureur.
LXXXVII. À ARISTOCLÈS.
La colère est une affection de l'âme qui, si elle n'est soignée, dégénère en une maladie
du corps.
LXXXVIII. À SATYRUS.
La plupart des hommes sont disposés à s'excuser de leurs fautes, et à se porter
accusateurs de celles des autres.
LXXXIX. À DANAUS.
Un travail, quand il est en train, s'exécute sans peine.
XC. À DION.
Ne pas être né n'est rien : être né est un malheur.
XCI. À SES FRÈRES.
Il ne faut porter envie à personne : car les bons méritent d'être heureux, et il n'y a pas de
bonheur pour les méchants.
XCII. À DENYS.
Il est inappréciable, avant les épreuves de l'adversité, de connaître toutes les ressources
delà tranquillité d'esprit.
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XCIII. À NUMÉNIUS.
Quand on a perdu des amis, il ne faut pas les pleurer bruyamment, mais nous souvenir
que c'est avec eux que nous avons passé la plus agréable partie de notre existence.
XCIV. À THÉÉTÈTE.
Que la vue des maux d'autrui vous console des vôtres.
XCV. À UN INCONNU.
La vie est courte pour l'homme heureux : pour celui qui vit dans le malheur, elle est bien
longue.
FIN DES LETTRES
Extraits de Apollonius de Tyane, par A. Chassang, 1862
Œuvres complètes de Philostrate sur l’excellent site : http://remacle.org/index2.htm
NOTES
(01) J'ai traduit ces Lettres sur le texte que donne Oléarius dans son édition de Philostrate.
L'authenticité de ces lettres est plus que douteuse. (Voir sur ce point une note à la fin des
Éclaircissements historiques et critiques sur la Vie d'Apollonius de Tyane.)
(02) Allusion bizarre à la frugalité de Zénon. On sait qu'Apollonius, s'interdisant la viande, se
nourrissait de légumes, de fruits, de gâteaux, etc. (Voyez Vie d'Apollonius, liv. I, VIII, etc.)
(03) Ville d'Éolie, au S.-O. de Cumes. (Voy. p. 8.)
(04) Manière assez obscure d'exprimer cette idée : «Que ne puis-je mettre à nu vos
impostures ?»
(05) Apollonius répond à quelques-unes des objections qui lui sont
faites.
(06) Apollon.
(07) Selon les pythagoriciens, les animaux étant frères des hommes, il était coupable de
manger de leur chair. (Voyez Porphyre, de l'Abstinence des viandes, livre III.)
(08) Voyez la Vie d'Apollonius. (Liv. V, XL, p. 225.)
(09) Il s'agit de la ville de Césarée en Palestine, dont il remercie les magistrats de quelque
grand honneur qu'ils lui avaient fait, probablement du droit de cité qu'ils lui avaient accordé.
(10) Doctrine pythagoricienne et platonicienne.
(11) République, livre X, p. 617.
(12) Je crois devoir ici apporter une légère variante au texte d'Oléarius.
(13) Ce mot grec signifie : Juges des Grecs. C'était le titre qui était donné aux juges des jeux
Olympiques.
(14) Il voulait dire d'effacer les souillures de ses fautes par les souillures des sacrifices.
(15) Manière métaphorique de dire : «À quoi sert de réprimer certains vices, si l'on n'attaque
pas leurs principes?»
(16) C'était le nom des premiers magistrats de la ville d'Éphèse.
(17) C'est le frère d'Apollonius (Voyez lettres XLIV, XLV, LV, et Vie d'Apollonius, liv. 1, XIII, p.
14).
(18) Sur ce Bassus, voyez la Vie d'Apollonius (liv. IV, XXVI, p. 165.)
(19) C'est-à-dire président des jeux.
(20) On n'a pas de détails sur ces classes de citoyens de Sardes.
(21) Voyez l'Odyssée, livre V, v. 102 et suivants.
(22) Cette lettre, qui est peu d'accord avec les doctrines d'Apollonius, et qui d'un bout à l'autre
accuse la rhétorique, suffirait pour donner des doutes sur l'authenticité de tout ce recueil
épistolaire.
(23) Je crois devoir ici apporter une légère variante au texte d'Oléarius.
(24) Il fait sans doute allusion aux Brachmanes, qui, pour lui, étaient des Dieux (Voyez Vie
d'Apollonius, liv. III, XVIII, p. 110).
(25) Dans les Vers dorés, attribués à Pythagore, les philosophes sont partout appelés des
Dieux. D'ailleurs on disait que Pythagore descendait de Jupiter, et il fut quelquefois considéré
chez les anciens comme une des formes d'Apollon Hyperboréen (Voyez Oléarius, note sur ce
passage).
(26) Iliade, chant IV.
(27) Voyez Vie d'Apollonius, liv. V, XXXVII, p. 225.
(28) Voici une tradition oubliée dans la Vie d'Apollonius de Tyane. Philostrate ne nous parle
nulle pari de la bienveillance que Claude aurait témoignée à Apollonius. Oléarius dit que cette
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tradition n'a pas été connue de Philostrale, ou qu'il n'y a pas ajouté foi. La première raison est
sans doute la vraie. Cette lettre est plus que suspecte.
(29) C'est de lui-même qu'il parle.
(30) Oléarius fait ici observer avec raison que ce langage a de grands rapports avec celui de
Spinoza. Le panthéisme est l'une des doctrines les plus vieilles qui aient paru dans le monde.
C'est la première philosophie de toutes les races indo-européennes.
(31) Titus Manlius (Voyez Tite-Live, VIII, 7).
(32) Oléarius fait remarquer qu'il résulte de ce passage que Valérius était proconsul d'Asie. Il
s'appuie sur un passage de Josèphe (Guerre des Juifs, II, 16), et sur un autre de Philostrate
(Vies des Sophistes,II, 3).
(33) C'était sans doute la femme de Valérius.
(34) Nous omettons le n° LIX du recueil d'Oléarius. C'est une courte lettre du roi de Babylone
Garmus au roi indien Néogynde. Ces noms ne se trouvent pas dans la Vie d'Apollonius de
Tyane, et il n'est nullement question d'Apollonius dans cette lettre.
(35) Voyez la lettre XXXVI.
(36) Citation d'Homère, Iliade, l, v. 154 et suiv. (Querelle d'Achille et d'Agamemnon.)
(37) Au sujet de celte lettre et de la suivante, voyez Vie d'Apollonius, IV, 31.
(38) Allusion au droit d'asile, qui rendait inviolables même les scélérats réfugiés aux pieds des
autels.
(39) Voyez Vie d'Apollonius, IV, 5, p. 144.
(40) Allusion ironique à l'administration romaine.
(41) Allusion à Lucius Cornélius Sylla, surnommé Félix,
(42) Poète et musicien grec, né à Colophon(v° siècle av. J.-C.).
(43) Voyez Vie de Philostrate, III, 25, 32, 51.
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Document 6 : Le Nycthéméron d'Apollonius de Tyane, dont titre peut être traduit ainsi : "Le Jour de Dieu qui
luit dans les ténèbres”, le Dieu qui gît prisonnier dans notre microcosme. Ce “Jour” est divisé en douze
“Heures”, douze échelons, douze étapes. Chaque “heure” contient des indications concrètes qui font bien
comprendre la manière dont le Jour de Dieu peut être réalisé par chaque candidat. En bref, c'est une
méthode, un chemin de parfaite délivrance.
LES DOUZE HEURES DU NYCTHEMERON
Heure I
Dans l'unité, les démons chantent les louanges de Dieu : ils perdent leur malice et leur colère.
Heure II
Par le binaire, les poissons du Zodiaque chantent les louanges de Dieu, les serpents de
feu s'enlacent autour du caducée et la foudre devient harmonieuse.
Heure III
Les serpents du caducée d'Hermès s'entrelacent trois fois. Cerbère ouvre sa triple gueule
et le feu chante les louanges de Dieu par les trois langues de la foudre.
Heure IV
À la quatrième heure, l'âme retourne visiter les tombeaux : c'est le moment où s'allument
les lampes magiques aux quatre coins des cercles ; c'est 1'heure des enchantements et
des prestiges.
Heure V
La voix des grandes eaux chante le Dieu des sphères célestes.
Heure VI
L'esprit se tient immobile ; il voit les monstres infernaux marcher contre lui et il est sans crainte.
Heure VII
Un feu qui donne la vie à tous les êtres animés est dirigé par la volonté des hommes
purs. L'initié étend la main et les souffrances s'apaisent.
Heure VIII
Les étoiles se parlent, l'âme des soleils correspond avec le soupir des fleurs ; des
chaînes d'harmonie font correspondre entre eux tous les êtres de la nature.
Heure IX
Le nombre qui ne doit pas être révélé.
Heure X
C'est la clef du cycle astronomique et du mouvement circulaire de la vie des hommes.
Heure XI
Les ailes des génies s'agitent avec un bruissement mystérieux ; ils volent d'une sphère à
l'autre et portent de monde en monde les messages de Dieu.
Heure XII
Ici s'accomplissent par le feu les œuvres de l'éternelle lumière.
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Document 7 : Le pseudo-Apollonius de Tyane et la Table d’Emeuraude (Le nom Apollonios de Tyane a été
arabisé en Balînûs Tûwân).
Représentation d’Apollonius de Tyane dans la tradition hermétiste.
C'est ici le livre du sage Bélinous [Apollonius de Tyane], qui possède l'art des talismans :
voici ce que dit Bélinous. (...) Il y avait dans le lieu que j'habitais [Tyane] une statue de
pierre, élevée sur une colonne de bois ; sur la colonne, on lisait ces mots : “Je suis
Hermès, à qui la science a été donnée...” Tandis que je dormais d'un sommeil inquiet et
agité, occupé du sujet de ma peine, un vieillard dont la figure ressemblait à la mienne, se
présenta devant moi et me dit : “Lève-toi, Bélinous, et entre dans cette route souterraine,
elle te conduira à la science des secrets de la Création...” J'entrai dans ce souterrain. J'y
vis un vieillard assis sur un trône d'or, et qui tenait d'une main une tablette d'émeraude...
J'appris ce qui était écrit dans ce livre du Secret de la Création des êtres... Vrai, vrai,
indiscutable, certain, authentique ! Voici, le plus haut vient du plus bas, et le plus bas du
plus haut ; une œuvre des miracles par une chose unique...
Livre du secret de la Création (Kitâb sirr-al-Halîka)
Hermès Trismégiste. La Table d'émeraude,
Les Belles Lettres, coll. "Aux sources de la Tradition", 1994
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livres de néopythagoriciens
- La vie d'Apollonios de Tyane, Philostrate d'Athènes, Pierre Grimal, Romans grecs et latins, trad. du grec,
Gallimard, "Pléiade", 1958, p. 1031-1338
- Numénius, Fragments, Édition et traduction Édouard des Places, Les Belles Lettres, 1973
Livres sur le néopythagorisme
- La lutte pour l'orthodoxie dans le platonisme tardif. De Numénius et Plotin à Damascius, Athanassiadi
Polymnia, Les Belles Lettres, 2005
- Philostrate, Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages,Jean-Louis Bernard, Éditions Sand et Tchou, 1995
- Pythagore et les pythagoriciens, Jean-François Mattéi, PUF, coll. "Que-sais-je ?", 1993
- Sectes religieuses en Grèce et à Rome, Freyburger-Galland, Freyburger, Tautil, Les Belles Lettres, 1986
- "La philosophie en Grèce et à Rome de ~ 130 à 250", Histoire de la philosophie, Alain Michel, Gallimard,
"Pléiade", t. 1, 1969
- Apollonius de Tyane ou le séjour d'un Dieu parmi les hommes. Mario Meunier, Éditions Bernard Grasset en
1936, réédité ensuite par le procédé offset en 1978, aux Éditions d'Aujourd'hui
- La basilique pythagoricienne de la Porte majeure, Jérôme Carcopino, L'Artisan du livre, 1926
- Études sur la littérature pythagoricienne, André Delatte, Champion, 1915. Reprint Genève, Slatkine, 1974
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SEPTIÈME SUJET
SAINT-AUGUSTIN, UN CHRISTIANISME PLATONICIEN
I
LES CHRÉTIENS PHILOSOPHISANTS
1 - Des chrétiens antiques, donc des auteurs à la croisée de deux mondes culturels
2 - Les principaux représentants de ce christianisme antique
3 - Le cas de Saint-Augustin, acteur majeur du développement du catholicisme
II
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (354-430)
1 - Les sources sur sa vie : Les confessions
2 - Des origines berbères et une culture romaine
3 - Sa naissance dans la ville de Thagaste
4 - Sa famille, une famille mixte christo-paienne
5 - Son éducation : une éducation classique
6 - Des études chaotiques à Madaure puis à Carthage
7 - À Carthage, il prend concubine et a un fils, Adéodat
8 - Lors de ses études de rhétorique, il devient manichéen et découvre la philosophie avec Cicéron
9 - Il retourne à Thagase en 375
10 - Vers 380, il se rend à Rome comme professeur de rhétorique et s’intéresse au platonicisme
11 - En 384, il se rend à Milan et rencontre Ambroise de Milan
12 - Sa conversion au christianisme en 386, il a 32 ans
13 - Ses premiers écrits chrétiens durant son séjour à Cassiciacum, de 386 à 387
1 - Contre les Académiciens
2 - Les traités de l’ordre
3 - Le Traité de la vie bienheureuse
4 - Les soliloques
14 - Son baptême en 387 par Saint Ambroise
15 - La mort de sa mère, Monique en 387
16 - Le retour en Afrique en 388
17 - Sa nomination comme évêque de la province d’Hippone
18 - Sa mort en 430
III
SES ŒUVRES
1 - Une œuvre considérable
2 - Liste de ses œuvres
3 - Quelques œuvres remarquables
A - La cité de dieu contre les païens, De Civitate Dei contra paganos
B - Les confessions
C - De la trinité, De trinitate
4 - Une œuvre de défense et de construction de la foi chrétienne
5 - Une œuvre nourrie de deux traditions, platonicienne et chrétienne
6 - Saint Augustin, un exemple de lettres latines chrétiennes
IV
SA PENSÉE
1 - Dieu et le monde
A - La question du temps, Dieu créateur du temps et omniscient
B - Le mépris du monde terrestre
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2 - En physique, l’écriture ne saurait mentir
A - L’écriture ne saurait mentir
B - Une erreur augustinienne : les antipodes
C - L’opposition de Thomas d’Aquin
3 - L’invention augustinienne du péché originel, pour expliquer le mal dans le monde et dans
les créatures
A - La notion de péché originel
B - Une invention augustienne
C - L’explication du mal dans le monde et dans l’homme par le péché originel d’Adam
D - Une souillure universelle
E - La punition est imputée à tous les hommes, la mort est une punition
F - Le péché originel a défiguré l’homme
G - Un péché originel qui se transmet par la sexualité
H - L’association du péché originel et de la concupiscence
I - Le baptême permet d’effacer cette souillure
4 - L’histoire a un sens, celle donnée par le péché originel et la salvation chrétienne
A - La notion de devenir historique, un penseur du devenir historique
B - Le supersessionisme (ou théologie de la substitution)
C - L’orientation de l’histoire parl’incarnation
5 - La nature humaine, péché originel et sexualité
A - Une nature humaine marquée par le péché originel
B - La négativisation de la sexualité
6 - Les facultés intellectuelles : raison et mémoire au service de la foi et de l’âme
A - La raison
B - La mémoire
7 - Sur la société : la justification de la propriété privée
A - La justification de la propriété privée contre le communautarisme chrétien
B - La justification de l’esclavage
8 - En matière de religion : foi, amour de Dieu, libre arbitre et grâce
A - Une doctrinalisation de la foi, condition de la salvation
B - La supériorité de l’amour de Dieu
C - Le libre arbitre et la grâce
9 - Le rapport aux autres religions : judaïsme, paganisme et hérésies
A - Sur le judaïsme, un théologien de la substitution
B - Les attaques contre les “hérésies”
C - Contre les manichéens, la Critique augustinienne du manichéisme
D - Contre les donatistes
E - Contre les pélagiens
F - Une justification des persécutions contre les hérétiques et les païens
G - La possibilité d’une conversion forcée
V
CONCLUSION
1 - Une théorisation philosophique au service de la foi, une pseudo-philosophie
2 - L’intégration de données philosophiques dans sa doctrinalisation chrétienne
3 - Un chrétien platonicien, une synthèse christoplatonicienne
4 - L’augustinisme, la domination de l’idéalisme platonicien en théologie
5 - L’influence de Saint-Augustin, premier penseur structurant de la chrétienté occidentale
ORA ET LABORA
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Document 1 : Représentations de Saint Augustin, à gauche portrait le plus ancien connu de Saint Augustin
daté du VIe siècle dans l’église du Latran, et à droite représentation du baptême d'Augustin par Ambroise de
Milan, toile de Benozzo Gozzoli, XVème siècle.
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Document 2 : Vestiges romains de la ville de Madaure où Augustin étudia.
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Document 3 : Liste des écrits d’Augustin
- 83 Questions
- Contre les Académiciens
- Contre Adimantus
- Contre un adversaire de la Loi et des Prophètes
- Immortalité de l’Âme
- De la Grandeur de l’Âme
- Âme et son Origine
- Des deux Âmes
- Doctrine des Ariens
- Contre la Doctrine des Ariens
- Avantages de la Viduité
- Du Baptême contre les Donatistes
- Unité du Baptême
- Du Cantique Nouveau
- Traité du Catéchisme
- Discours au Peuple de l’Église de Césarée
- Chant Populaire contre les Donatistes
- La Cité de Dieu
- Du Combat Chrétien
- Les Confessions
- De la Continence
- De la Correction et la Grâce
- Contre Cresconius (un manichéen)
- Des Devoirs à rendre aux Morts
- De la Discipline Chrétienne
- De la Divination des Démons
- De la Trinité
- Doctrine Chrétienne
- Avertissement aux Donatistes
- Résumé d’une Conférence avec les Donatistes
- Traité de l’Espérance, Foi et Charité
- De l’Esprit et de la Lettre
- L’accord entre les Évangiles
- Questions sur les Évangiles
- Traité sur l’Évangile de Saint Jean
- 17 Questions sur l’Évangile de Saint Matthieu
- Contre Fauste (un manichéen)
- Conférence avec le manichéen Félix
- De la Foi aux choses qu’on ne voit pas
- De la Foi et des Œuvres
- De la Foi et du Symbole
- Conférence avec Fortunat
- Réfutation de la Doctrine de Gaudentius
- Grâce de Jésus-Christ et Péché Originel
- Genèse - commentaire contre les Manichéens
- Genèse - commentaire au sens littéral
- Genèse - autre commentaire sur le début de la Genèse
- Traité de la Grâce et du Libre Arbitre
- Locutions sur l'Heptateuque
- Des Hérésies
- Annotations sur le livre de Job
- Contre les Juifs
- Julien (Contre pélagien)
- Julien (Contre la 2e Réponse de pélagien)
- Lettres
- Lettre Fondamentale (Réfutation de l’épître manichéenne)
- Lettre aux Galates
- Lettre aux Romains
- Traité du Libre Arbitre
- Du Maître
- Les Biens du Mariage
- Mariage et Concupiscence
- Conférence avec Maximin
- Du Mensonge
- Contre le mensonge
- Mérite, Rémission des Péchés, Baptême des Petits Enfants
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- Le Miroir Sacré
- Des Mœurs de l’Église catholique et des Mœurs de Manichéens
- Traité de la Musique (De Musica)
- De la Nature du Bien
- De la Nature et de la Grâce
- De l’Ordre
- À Orose sur les Priscillianistes et les Origénistes (hérésies)
- De la Patience
- Réfutation d’un écrit de Parménien
- Epitre aux Parthes (commentaire de saint Jean)
- Actes du Procès de Pélage
- De la Perfection de la Justice de l’homme
- Du Don de la Persévérance
- Contre les lettres de Pétilien
- Prédestination des saints
- Discours sur les Psaumes
- La Règle de Saint Augustin
- Les Rétractations
- La Ruine de Rome
- Sur le sous-diacre Rusticianus
- Secundinus - Réfutation par Augustin
- Sermons Détachés
- Sermons sur l’Ancien Testament
- Sermons sur l’évangile de Saint Matthieu
- Sermons sur l’évangile de Saint Marc
- Sermons sur l’évangile de Saint Luc
- Sermons sur l’évangile de Saint Jean
- Sermons sur les Actes des Apôtres
- Sermons sur divers passages de l’Écriture sainte
- Sermons pour les Solennités et Sermons Panégyriques
- Sermons Inédits
- Explication du Sermon sur la Montagne
- Les Soliloques
- Connaissance de Dieu et de l’âme humaine
- Du Symbole
- Du Travail des Moines
- Traité de l'Unité de l'Église (Contre les Donatistes)
- Utilité de la Foi
- Utilité du Jeûne
- De la Vie Bienheureuse
- De la Vraie Religion
Actuellement, l’édition la plus complète des œuvres d’Augustin
est disponible à la Bibliothèque augustinienne
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Document 4 : Dans les Confessions, Augustin raconte sa conversion. La présentation de cet épisode de sa
vie sert à montrer au lecteur la valeur exemplaire du christianisme, car avant d’être un ouvrage
biographique, c’est un livre de promotion de la foi chrétien destiné aux païens dans le but de les amener au
christianisme.
Ainsi, disais-je, et je pleurais dans l'extrême amertume de mon cœur broyé. Et voici que
j’entends une voix venue de la maison voisine, celle d'un garçon ou d'une fille, je ne sais
qui, sur un air de chanson disait et répétait à plusieurs reprises : «Prends, lis ! Prends,
lis !» Et aussitôt, changeant de visage, je me mis à réfléchir intensément, en me
demandant si dans un jeu une telle ritournelle était habituellement en usage chez les
enfants. Mais, il ne me revenait pas de l’avoir entendue quelque part. Et, refoulant
l’assaut de mes larmes, je me levai, ne voyant d’autre interprétation à cet ordre divin que
l’injonction d’ouvrir le livre et de lire le premier chapitre sur lequel je tomberais. Je venais,
en effet, d'apprendre qu'Antoine avait tiré de la lecture de l'Évangile pendant laquelle il
était survenu par hasard un avertissement personnel comme si c'était pour lui qu’était dit
ce qu’on lisait : «Va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un
trésor dans les cieux. Viens, suis-moi», et qu’un tel oracle l'avait aussitôt converti à Toi.
Je me hâtai donc de revenir à l'endroit où Alypius était assis ; car c’est là que j’avais posé
le livre de l'Apôtre quand je m'étais levé. Je le saisis, je l'ouvris, et je lus en silence le
premier chapitre sur lequel tombèrent mes yeux : «Point de ripailles ni de beuveries ;
point de coucheries ni de débauches ; point de querelles ni de jalousies. Mais revêtezvous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous faites pas les pourvoyeurs de la chair dans ses
convoitises. Je ne voulus pas en lire davantage : je n’en avais plus besoin. Ce verset à
peine achevé, à l’instant même se répandit dans mon cœur une lumière apaisante et
toutes les ténèbres du doute se dissipèrent.»
Confessions, chapitre XII du livre VIII
Document 5 : De même pour cet autre passage célèbre des Confessions, le vol des poires commis non par
besoin, mais le plaisir de la transgression.
Dans le voisinage de nos vignes était un poirier chargé de fruits qui n’avaient aucun
attrait de saveur ou de beauté. Nous allâmes, une troupe de jeunes vauriens, secouer et
dépouiller cet arbre, vers le milieu de la nuit, ayant prolongé nos jeux jusqu’à cette heure,
selon notre détestable habitude, et nous en rapportâmes de grandes charges, non pour
en faire régal, si toutefois nous y goûtâmes, mais ne fût-ce que pour les jeter aux
pourceaux : simple plaisir de faire ce qui était défendu.
Confessions, Livre II, chapitre 4
Document 6 : Il en est de même pour sa description de Carthage, pour lui c’est en Dieu que l’amour seul
trouve sa plénitude et non dans les choses terrestres, les êtres ou la sexualité.
Je vins à Carthage et de tous côtés j'entendais bouillonner la chaudière des amours
infimes. je n'aimais pas encore mais j'aimais l'amour et par une indigence secrète je m'en
voulais de n'être pas assez indigent. Aimant l'amour, je cherchais un objet à mon amour ;
je haïssais la sécurité, la voie sans pièges, parce qu'au fond de moi j'avais faim : je
manquais de la nourriture intérieure, de toi-même, mon Dieu, mais ce n'est pas de cette
faim-là que je me sentais affamé ; je n'avais pas d'appétit pour les aliments incorruptibles,
non que j'en fusse rassasié : plus j'en manquais, plus j'en étais dégoûté. Et mon âme
était malade ; rongée d'ulcères, elle se jetait hors d'elle-même, misérablement avide de
se gratter contre le sensible. Mais le sensible, certes, on ne l'aimerait pas s'il était
inanimé.
Aimer et être aimé m'était encore plus doux si je pouvais en outre jouir du corps de l'être
aimé. je souillais donc la source de l'amitié des ordures de la concupiscence et je voilais
sa blancheur du nuage infernal de la convoitise. Et pourtant, dans l'excès de ma vanité,
tout hideux et infâme que j'étais, je me piquais d'urbanité distinguée. je me jetai ainsi
dans l'amour où je désirais être pris. Mon Dieu, ô ma miséricorde, de quel fiel ta bonté at-elle assaisonné ce miel ! je fus aimé. Je parvins en secret aux liens de la jouissance, je
m'emmêlais avec joie dans un réseau d'angoisses pour être bientôt fouetté des verges
brûlantes de la jalousie, des soupçons, des craintes, des colères et des querelles.
Les Confessions, Livre III, Ch. 1
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Document 7 : La Cité de Dieu est destinée à montrer aux chrétiens qu’ils doivent d’abord s’attacher au
destin de la foi, leur vraie patrie, et non au destin de Rome. Rome pourra donc être détruite, la chrétienté
n’est plus liée à son destin, elle a son propre destin. Saint-Augustin est donc un des premiers penseurs de la
sortie de l’Antiquité.
En écrivant cet ouvrage dont vous m’avez suggéré la première pensée, Marcellinus, mon
très cher fils, et que je vous ai promis d’exécuter, je viens défendre la Cité de Dieu contre
ceux qui préfèrent à son fondateur leurs fausses divinités ; je viens montrer cette cité
toujours glorieuse, soit qu’on la considère dans son pèlerinage à travers le temps, vivant
de foi au milieu des incrédules, soit qu’on la contemple dans la stabilité du séjour éternel,
qu’elle attend présentement avec patience, jusqu’à ce que la patience se change en
force au jour de la victoire suprême et de la parfaite paix. [...] C’est pourquoi nous aurons
plus d’une fois à parler dans cet ouvrage, autant que notre plan le comportera, de cette
cité terrestre dévorée du désir de dominer et qui est elle-même esclave de sa convoitise,
tandis qu’elle croit être la maîtresse des nations.
La Cité de Dieu, livre I
Document 8 : Saint Augustin est connu pour son refus d’admettre la théorie des antipodes et pour l’avoir
publiquement qualifiée de ridicule. Il ne s’agit pas tant d’une erreur en matière de physique que du primat de
l’Écriture sur les lettres savantes. Il faudra attendre Thomas d'Aquin pour reconnaître dans l’église qu'il vaut
mieux faire confiance aux hommes de foi pour les questions de dogme et à Aristote et aux savants pour les
questions concernant la nature.
Quant à leur fabuleuse opinion qu'il y a des antipodes, c'est-à-dire des hommes dont les
pieds sont opposés aux nôtres et qui habitent cette partie de la terre où le soleil se lève
quand il se couche pour nous, il n'y a aucune raison d'y croire. Aussi ne l'avancent-ils sur le
rapport d'aucun témoignage historique, mais sur des conjectures et des raisonnements,
parce que, disent-ils, la terre étant ronde, est suspendue entre les deux côtés de la voûte
céleste, la partie qui est sous nos pieds, placée dans les mêmes conditions de
température, ne peut pas être sans habitants. Mais quand on montrerait que la terre est
ronde, il ne s'ensuivrait pas que la partie qui nous est opposée ne fût point couverte
d'eau. D'ailleurs, ne le serait-elle pas, quelle nécessité qu'elle fût habitée, puisque, d'un
côté, l'Écriture ne peut mentir, et que, de l'autre, il y a trop d'absurdité à dire que les
hommes aient traversé une si vaste étendue de mer pour aller peupler cette autre partie
du monde.
Cité de Dieu, livre 16.
Document 9 : Sa condamnation de la sexualité repose sur l’idée que l’homme, en raison du péché originel,
l’a détourné de sa fonction originelle. Augustin identifie donc la sexualité à la concupiscence.
Des milliers de jeunes gens et de jeunes filles dédaignent le mariage et vivent dans la
chasteté sans que personne en soit surpris, alors que Platon, pour en avoir fait autant,
dit-on, fut à ce point intimidé par les idées perverses de son temps qu’il sacrifia à la
nature pour abolir ce passé (...) Dans les villes et les cités, enfin dans les bourgs, les
villages, la campagne même et les domaines particuliers,on accepte et on désire
ouvertement se détourner des biens terrestres vers le Dieu unique et véritable, à tel point
que chaque jour, par le monde entier, d’une seule voix ou presque, le genre humain
répond : «Les cœurs sont en haut, près du Seigneur.»
De vera religione, III. 3 et V
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Document 10 : De ce fait, la fréquentation des femmes en vue du plaisir et de la paternité est un obstacle
pour l’âme.
Sous quelques traits que tu me la représentes, fut-elle comblée de tous les dons, il n’est
rien que je sois aussi résolu d’éviter que le commerce d’une femme. Car il n’est rien, je le
sens, qui abatte davantage l’essor de l’esprit que les caresses d’une femme et cette
union des corps qui est de l’essence du mariage. C’est pourquoi, si c’est un des devoirs
du sage, ce que je n’ai point encore examiné, de chercher à avoir des enfants, celui qui
s’unit à une femme dans ce seul but me paraît plus digne d’être admiré que d’être imité ;
car il y a plus de danger dans cette tentative que de bonheur à y réussir. Aussi je me suis
obligé assez justement et assez utilement, je crois, pour la liberté de mon âme, à ne
désirer, à ne rechercher, à ne prendre aucune femme.
Soliloques, §10
Document 11 : Augustin a contribué à développer la doctrine de la théologie de la substitution.
Si donc ce peuple n’a pas été détruit jusqu’à entière extinction, mais dispersé sur toute la
surface de la terre, c’est pour nous être utile, en répandant les pages où les prophètes
annoncent le bienfait que nous avons reçu, et qui sert à affermir la foi chez les infidèles.
(...) Ils ne sont donc pas tués, en ce sens qu’ils n’ont pas oublié les Écritures qu’on lisait
et qu’on entendait lire chez eux. Si en effet ils oubliaient tout-à-fait les saintes Écritures,
qu’ils ne comprennent pas du reste, ils seraient mis à mort d’après le rite judaïque
même ; parce que, ne connaissant plus la loi ni les prophètes, ils nous deviendraient
inutiles. Ils n’ont donc pas été exterminés, mais dispersés ; afin que n’ayant pas la foi qui
pourrait les sauver, ils nous fussent du moins utiles par leurs souvenirs. Nos ennemis par
le cœur, ils sont par leurs livres, nos soutiens et nos témoins.
De la foi aux choses qu’on ne voit pas, § 6
Document 12 : Augustin justifia aussi la persécution des hérésies, notamment à l’encontre du donatisme,
quand il écrit au préfet militaire en charge de la répression des donatistes. Son concept de guerre juste est
une réponse aux persécutions que subit l'Église, par une guerre contre les impies. Dès lors, une guerre
sainte ou une croisade, sans être directement incitée, est envisageable par l'Église. "Il y a justice dans la
persécution infligée aux impies par l’Église de Jésus-Christ" (Augustin d’Hippone, Lettre 185 à Boniface).
Les martyrs sont ceux dont le Seigneur a dit : "Bienheureux ceux qui souffrent persécution
pour la justice" (Matthieu V, 10) Ce ne sont donc pas ceux qui souffrent persécution pour
l'iniquité et pour la division impie de l'unité chrétienne qui sont véritablement martyrs, mais
ceux qui sont persécutés pour la justice. Agar aussi a souffert persécution de la part de
Sara (Genèse, XVI, 6). Celle qui persécutait était sainte, celle qui était persécutée ne l'était
pas. (...) Si nous examinons même plus attentivement la chose, on verra que c'était plutôt
Agar qui, par son orgueil, persécutait Sara que Sara ne persécutait Agar en la punissant
(...) Si nous voulons donc être dans le vrai, disons que la persécution exercée par les
impies contre l'Église du Christ est injuste, tandis qu'il y a justice dans la persécution
infligée aux impies par l'Église de Jésus-Christ. (...) L'Église persécute pour retirer de
l'erreur, les impies pour y précipiter. Enfin, l'Église persécute ses ennemis et les poursuit
jusqu'à ce qu'elle les ait atteints et défaits dans leur orgueil et leur vanité, afin de les faire
jouir du bienfait de la vérité, les impies persécutent en rendant le mal pour le bien, et
tandis que nous n'avons en vue que leur salut éternel, eux cherchent à nous enlever
notre portion de bonheur sur la terre. Ils respirent tellement le meurtre qu'ils s'ôtent la vie
à eux-mêmes, quand ils ne peuvent l'ôter aux autres. L'Église, dans sa charité, travaille à
les délivrer de la perdition pour les préserver de la mort ; eux, dans leur rage, cherchent
tous les moyens de nous faire périr, et pour assouvir leur besoin de cruauté, ils se tuent
eux-mêmes, comme pour ne pas perdre le droit qu'ils croient avoir de tuer les hommes.
Augustin, Lettre 185 à Boniface
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Document 13 : La pensée d’Augustin sur bien des points s’avère être une synthèse de platonisme et de
christianisme. Son itinéraire personnel le montre clairement.
De quelque manière que je possède la sagesse, je vois que je ne la connais pas encore.
Cependant, n’étant encore qu’à ma trente-troisième année, je ne dois pas désespérer de
l’acquérir un jour ; aussi suis-je résolu de m’appliquer à la chercher par un mépris général
de tout ce que les hommes regardent ici-bas comme des biens. J’avoue que les raisons
des Académiciens m’effrayaient beaucoup dans cette entreprise ; mais je me suis, ce me
semble, assez armé contre elles par cette discussion. Il n’est douteux pour personne que
deux motifs nous déterminent dans nos connaissances : l’autorité et la raison. Pour moi,
je suis persuadé qu’on ne doit, en aucune manière, s’écarter de l’autorité de JésusChrist, car je n’en trouve pas de plus puissante. Quant aux choses qu’on peut examiner
par la subtilité de la raison (car, du caractère dont je suis, je désire avec impatience ne
pas croire seulement la vérité, mais l’apercevoir par l’intelligence), j’espère trouver chez
les platoniciens beaucoup d’idées qui ne seront point opposées à nos saints mystères.
Contre les académiciens
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livres sur Augustin
- La vie de saint Augustin, Peter Brown, Seuil, 2001
- Saint Augustin, Serge Lancel, Fayard, 1999
- Chez Augustin, Goulven Madec, Institut d'études augustiniennes, 1998
- Saint Augustin, Francis Ferrrier, PUF, 1989
- Saint Augustin et le problème de la survivance punique, Christian Courtois, Revue Africaine, 94, 1950, p. 239-282
- Saint Augustin le Berbère, René Pottier (1945), Éditions Fernand Lanore, 2006
- Saint Augustin et la fin de la culture antique, Henri-Irénée Marrou (1937), De Boccard, 1983
Livres sur la pensée d’Augustin
- Les virtuoses et la multitude, Aspects sociaux de la controverse entre Augustin et les pélagiens, JeanMarie Salamito, Millon, coll. Nomina, Grenoble, 2005
- Saint Augustin ou la Découverte de l'homme intérieur, Bertrand Vergely, Éditions Milan, 2005
- Saint Augustin. La Trinité, Maxence Caron, Éllipses, 2004
- Saint Augustin et les actes de parole, Jean-Louis Chrétien, PUF, 2002
- Péché originel et péché des origines : de saint Augustin à la fin du Moyen-âge, V. Grossi et Bernard
Sesboüe, dans L’homme et son salut, Desclée, 1995, pp.168-169
- Des eunuques pour le royaume des Cieux - L'Église catholique et la sexualité, Uta Ranke-Heinemann,
traduction de Monique Thiollet, collection Pluriel, Éditions Robert Laffont, 1990
- Introduction à l'étude de Saint Augustin, Étienne Gilson, Éditions Vrin, 1987
- Saint Augustin et la Bible, sous la direction d'Anne-Marie la Bonnardière, Bible de tous les temps. Tome 3,
Éditons Beauchesne, 1986
- La pensée de Saint Augustin, Guy De Plinval, Bordas,1954
Livres sur Le néoplatonIcisme augustinien
- Saint Augustin et la philosophie, Goulven Madec, Institut d'études augustiniennes, 1996
- Le néoplatonisme dans la conversion d'Augustin, Goulven MadecInstitut d'études augustiniennes, 1994
- Augustin et le néoplatonisme, Goulven Madec, Revue de l'Institut catholique de Paris, n°19, 1986, p. 41-52
- Augustin disciple et adversaire de Porphyre, Goulven Madec, Revue des études augustiniennes, 10, 1964,
p. 305-369
- Saint Augustin et l'augustinisme, Henri-Irénée Marrou, Seuil, 1955
- Saint Augustin et le néoplatonisme chrétien, Régis Jolivet, 1932
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HUITIÈME SUJET
MACROBE ET LES LETTRES SAVANTES PHILOSOPHANTES
DE LA FIN DE L’ANTIQUITÉ
I
PRÉSENTATION DE MACROBE
1 - Un écrivain latin en philosophie du IVème/Vème siècle
2 - Un auteur néoplatonicien latin
3 - Un auteur à la confluence de la philosophie et des lettres savantes philosophantes
4 - Un représentant des lettres latines tardives
II
DE RARES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES
1 - Le paradoxe de Macrobe : œuvres connues, personnage quasi inconnu
2 - Des indications incertaines sur Flavius Macrobius Ambrosius Theodosius, dit Macrobe
3 - Un romain né vers 370, dont l’apogée est au cours de la première partie du VIème siècle
4 - Une carrière de haut-fonctionnaire : sénateur, préfet du prétoire ?
5 - Un auteur païen, même s’il semble s’être converti sur le tard au christianisme
III
SES ŒUVRES
1 - Les œuvres connues
- Les saturnales
- Commentaire au Songe de Scipion de Cicéron
- Sur les Différences et les rapports du verbe en grec et en latin
2 - Les saturnales, Convivia primi diei Saturnaliorum
A - Présentation
B - Des dialogues philosophiques, lors d’un banquet pendant les saturnales
C - Les sources de Macrobe
D - La composition en 7 livres
E - Le sujet : Des conversations chez Praetextatus pendant les Saturnales
F - Les 14 interlocuteurs :
- Postumius
- Eusèbe
- Praetextatus
- Symmaque
- Flavien
- Cœcina
- Decius Albinus
- Furius Albinus
- Eustache
- Nicomaque Avienus
- Evangelus
- Disaire
- Horus
- Servius
G - Les thèmes des Saturnales : l’histoire et la philosophie
H - Le retour sur Virgile (-70,-27)
I - Une œuvre inspirée des Deipnosophistes d’Athénée de Naucratis
J - Une collection de bons mots et de citations (livres II et VII)
3 - Le commentaire au Songe de Scipion de Cicéron, Commentarium in Ciceronis Somnium Scipioni
A - Présentation
B - Un commentaire d’un ouvrage de Cicéron, le livre 6 du De Re Publica
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C - La composition
D - Macrobe, sauveur de Cicéron
E - Le sujet : le songe de Scipion
F - Pourquoi Scipion Emilien ?
G - Une relecture néoplatonicienne du Songe de Scipion
IV
CONCLUSION
1 - Un exemple de lettres philosophiques d’un philosophe
2 - Une philosophie qui effectue un double retour sur le passé de la philosophie
3 - Un exemple revendiqué d’utilisation de la fabula en philosophie, attitude rare dans l’Antiquité
4 - Mais qui annonce la littérature philosophique du 18ème siècle
5 - Une œuvre qui contribua à la diffusion des thèses néoplatoniciennes après l’Antiquité
ORA ET LABORA
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Document 1 : Préface des Saturnales de Macrobe.
NB : Les textes cités dans ce cours proviennent de l’excellent site : http://remacle.org.
PRÉFACE
La nature, ô mon fils Eustathe, nous attache dans cette vie, à des objets nombreux et
divers ; mais aucun lien n'est plus fort que l'amour qui nous unit à ceux auxquels nous
avons donné l'existence. Afin que nous prenions soin d'élever et d'instruire nos enfants,
la nature a voulu que le soin des parents à cet égard devînt leur plus douce volupté, et
que, dans le cas contraire, ils dussent éprouver un égal chagrin. Aussi rien ne m'a été
plus à cœur que ton éducation. Impatient de tout retard, et abrégeant de longs détours
pour la perfectionner, je ne me contente point de tes progrès dans les matières qui sont
l'objet de ton étude constante et spéciale ; mais je m'applique encore à te rendre mes
propres lectures utiles, en formant pour toi, de tout ce que j'ai lu, soit avant, soit après ta
naissance, en divers ouvrages écrits dans les langues de la Grèce et de Rome, un
répertoire de connaissances, où, comme dans un trésor littéraire, il te soit facile de
trouver et de puiser, au besoin, les narrations perdues dans la masse d'écrits qui ont été
publiés; les faits et les paroles qui méritent d'être retenus.
Toutes ces choses dignes de mémoire, je ne les ai point ramassées sans ordre, et
comme entassées ; mais de cette variété de matériaux pris en divers auteurs et à des
époques diverses, que j'avais d'abord recueillis ça et là indistinctement, pour le
soulagement de ma mémoire, j'en ai formé un certain corps.
Réunissant ceux qui se convenaient entre eux, je les ai organisés, pour être comme les
membres de ce corps. Si, pour développer les sujets que j'emprunterai à mes différentes
lectures, il m'arrive de me servir souvent des propres paroles qu'ont employées les
auteurs eux-mêmes, ne m'en fais point de reproche, puisque cet ouvrage n'a pas pour
but de faire montre d'éloquence, mais seulement de t'offrir un faisceau de connaissances
utiles. Tu dois donc être satisfait si tu trouves la science de l'antiquité clairement
exposée, tantôt par mes propres paroles, tantôt par les expressions des anciens euxmêmes, selon qu'il y aura lieu, ou à les analyser, ou à les transcrire.
Nous devons, en effet, imiter en quelque sorte les abeilles, qui parcourent différentes
fleurs pour en pomper le suc. Elles apportent et distribuent ensuite en rayons, tout ce
qu'elles ont recueilli, donnant par une certaine combinaison, et par une propriété
particulière de leur souffle, une saveur unique, à ce suc formé d'éléments divers. Nous
aussi, nous mettrons par écrit ce que nous aurons retenu de nos diverses lectures, pour
en former un tout, digéré dans une même combinaison. De cette façon, les choses se
conservent plus distinctement dans l'esprit ; et cette netteté de chacun de ces matériaux,
combinés ensemble par une sorte de ciment homogène, laisse une saveur unique à ces
essences diverses. En telle sorte que si l'on reconnaît où chaque chose est puisée, on
reconnaît cependant aussi que chacune diffère de sa source. C'est de la même manière
que la nature agit en nos corps, sans aucune coopération de notre part. Les aliments que
nous consommons pèsent sur notre estomac tant qu'ils y surnagent, en conservant leur
qualité et leur solidité; mais en changeant de substance, ils se transforment en sang et
alimentent nos forces.
Qu'il en soit de même des aliments de notre esprit. Ne les laissons pas entiers et
hétérogènes, mais digérons-les en une seule substance. Sans cela, ils peuvent bien
entrer dans la mémoire, mais non dans l'entendement. Rassemblons-les tous, pour en
former un tout ; comme de plusieurs nombres on en compose un seul. Que notre esprit
agisse de façon à montrer ce qui s'opère, en cachant ce dont il s'est servi pour opérer :
comme ceux qui confectionnent des liniments odorants ont soin avant tout, que leurs
préparations n'affectent aucune odeur particulière, voulant en former une spéciale du suc
mêlé de tous leurs parfums. Considère de combien de voix un chœur est composé :
cependant toutes ces voix n'en forment ensemble qu'une seule. L'une est aiguë, l'autre
grave, l'autre moyenne ; les voix d'hommes et de femmes se mêlent au son de la flûte ;
de cette sorte, la voix de chaque individu se trouve couverte, et cependant celle de tous
s'élève ; et l'harmonie résulte de la dissonance elle-même.
Je veux qu'il en soit ainsi du présent ouvrage ; je veux qu'il renferme les notions de
diverses sciences, des préceptes divers, des exemples de diverses époques ; mais qu'il
forme un travail homogène, dans lequel, en ne dédaignant point de revoir ce que tu
connais déjà, et en ne négligeant pas d'apprendre ce que tu ignores, tu trouveras
plusieurs choses agréables à lire, propres à orner l'esprit et utiles à retenir. Car je crois
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n'avoir fait entrer dans cet ouvrage rien d'inutile à connaître, ou de difficile à comprendre;
mais tout ce qui pourra servir à rendre ton intelligence plus forte, ta mémoire plus riche,
ta parole plus diserte, ton langage plus pur : à moins toutefois que, né sous un autre ciel,
l'idiome latin ne m'ait pas favorablement servi.
C'est pourquoi, si jamais quelqu'un a le loisir ou la volonté de lire cet ouvrage, d'avance
nous réclamons son indulgence, s'il trouve à désirer dans notre style l'élégance native du
langage romain. Mais ne vais-je point encourir imprudemment l'ingénieux reproche
qu'adressa jadis M. Caton à Aulus Albinus, qui fut consul avec L. Lucullus ? Cet Albinus
écrivit en grec l'histoire romaine. Au commencement de cette histoire, on rencontre cette
pensée : que personne n'a droit de reprocher à l'auteur ce qu'il pourrait y avoir d'inexact
ou d'inélégant dans son ouvrage ; car, dit-il, je suis Romain, né dans le Latium, et la
langue grecque m'est tout à fait étrangère. C'est pourquoi il demande grâce s'il a pu
quelquefois errer. Tu es par trop plaisant, Aulus, s'écria M. Caton en lisant ces mots,
d'avoir mieux aimé demander pardon d'une faute, que de t'abstenir de la commettre. Car
on ne demande pardon que pour les erreurs où l'ignorance nous a entraînés, et pour les
fautes auxquelles la nécessité nous a contraints. Mais toi, ajoute Caton, qui avant d'agir
demandes qu'on te pardonne ta faute, qui t'a condamné, je te prie, à la commettre ?
Maintenant nous allons exposer, en forme de prologue, le plan que nous avons adopté
pour cet ouvrage.
traduction de M. Nisard, 1875
Document 2 : Un passage des Saturnales concernant le statut des esclaves.
CHAPITRE XI
Qu'il ne faut point mépriser la condition des esclaves, et parce que les dieux
prennent soin d'eux, et parce qu'il est certain que plusieurs d'entre eux ont été
fidèles, prévoyants, courageux, et même philosophes ; quelle a été l'origine des
Sigillaires.
Je ne puis pas supporter, dit alors Évangélus, que notre ami Praetextatus, pour faire
briller son esprit et démontrer sa faconde, ait prétendu tout à l'heure honorer quelque
dieu en faisant manger les esclaves avec les maîtres ; comme si les dieux s'inquiétaient
des esclaves, ou comme si aucune personne de sens voulût souffrir chez elle la honte
d'une aussi ignoble société. Il prétend aussi mettre au nombre des pratiques religieuses
les Sigillaires, ces petites figures de terre dont s'amusent les plus jeunes enfants. Ne
serait-il donc jamais permis de douter des superstitions qu'il mêle à la religion, parce qu'il
est réputé le prince des sciences religieuses ? - À ces paroles, tous furent saisis
d'indignation. Mais Praetextatus souriant répliqua : Je veux, Évangélus, que tu m'estimes
un homme superstitieux et indigne de toute croyance, si de solides raisons ne te
démontrent la certitude de mes deux assertions. Et, pour parler d'abord des esclaves,
est-ce plaisanterie, ou bien penses-tu sérieusement qu'il y ait une espèce d'hommes que
les dieux immortels ne jugent pas dignes de leur providence et de leurs soins ? ou bien,
par hasard, voudrais-tu ne pas souffrir les esclaves au nombre des hommes ?
Apprends donc de quelle indignation le supplice d'un esclave pénétra le ciel.
L'an deux cent soixante-quatre de la fondation de Rome, un certain Autronius Maximus,
après avoir fait battre de verges son esclave, le fit promener dans le cirque, avant
l'ouverture des jeux publics, lié à un gibet. Jupiter, indigné de cette conduite, ordonna à
un nommé Annius, pendant son sommeil, d'annoncer au sénat que cette action pleine de
cruauté lui avait déplu. Celui-ci ne l'ayant pas révélé, son fils fut frappé d'une mort subite ;
et, après un second avertissement, il fut puni de sa négligence réitérée par une atonie
corporelle, dont lui-même fut atteint subitement. Enfin, par le conseil de ses amis, il se fit
porter en litière en cet état, et fit sa déclaration au sénat. À peine eut-il achevé de parler,
qu'il recouvra immédiatement la santé, et sortit à pied du lieu de l'assemblée. C'est
pourquoi, et pour apaiser Jupiter, un sénatus-consulte et la loi Maevia ajoutèrent, aux
jours des fêtes du cirque, le jour appelé «instauratitius», ainsi nommé, non, comme le
pensent quelques-uns, du nom grec de l'instrument patibulaire [otaurôz], fourche ou
croix ; mais à raison de la réintégration d'Annius, conformément à l'opinion de Varron, qui
dit qu'instaurare est formé de instar nouare.
Tu vois quelle sollicitude le plus grand des dieux eut pour un esclave. Qu'est-ce donc qui
a pu t'inspirer un si profond et si étrange mépris pour les esclaves ? comme s'ils n'étaient
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pas formés et nourris des mêmes éléments que toi, comme s'ils n'étaient pas animés du
même souffle, dérivant du même principe ! Songe que ceux que tu appelles ta propriété
sont issus des mêmes principes que toi, jouissent du même ciel, vivent et meurent
comme toi. Ils sont esclaves, mais ils sont hommes. Ils sont esclaves, mais ne le
sommes-nous pas aussi? Si tu réfléchis que la fortune a autant de pouvoir sur nous que
sur eux, il peut arriver que tu les voies libres, et qu'à leur tour ils te voient esclave. Ne
sais-tu pas à quel âge le devinrent Hécube, Crésus, la mère de Darius, Diogène, Platon
lui-même ? Enfin, pourquoi aurions-nous tant d'horreur de ce nom d'esclave ? On n'est
esclave que par l'empire de la nécessité; mais un esclave peut avoir une âme libre. Tu
auras rabaissé l'esclave, si tu peux me montrer qui ne l'est pas. L'un est esclave de la
débauche, l'autre de l'avarice, l'autre de l'ambition; tous le sont de l'espérance et de la
crainte.
Certainement, nulle servitude n'est plus honteuse que celle qui est volontaire ; et
cependant nous foulons aux pieds, comme un être méprisable, le malheureux que la
fortune a placé sous le joug ; et nous ne voulons pas rectifier nos préjugés à cet égard.
Vous en trouverez parmi les esclaves qui sont inaccessibles à la corruption, tandis que
vous trouverez tel maître à qui l'espoir du gain fait couvrir de baisers les mains des
esclaves d'autrui. Ce ne sera donc point d'après leur condition que j'apprécierai les
hommes, mais d'après leur caractère. Chacun se fait son caractère ; c'est le hasard qui
assigne les conditions. De même que celui qui ayant à acheter un cheval n'en
considérerait que la housse et le frein, serait peu sensé ; de même le plus insensé de
tous les hommes est celui qui croit devoir apprécier son semblable d'après son habit ou
d'après sa condition, qui l'enveloppe comme un vêtement.
Ce n'est point seulement, mon cher Évangélus, dans le sénat ou dans le forum qu'il faut
chercher des amis. Si tu y prends garde soigneusement, tu en trouveras dans ta propre
maison. Traite donc ton esclave avec douceur; admets-le gracieusement dans ta
conversation, et accepte quelquefois de lui un conseil nécessaire. Observe nos ancêtres,
qui, pour sauver aux maîtres l'odieux de la domination, et aux esclaves l'humiliation de la
servitude, dénommèrent les uns patresfamilias (pères de famille), et les autres familiares
(membres de la famille). Ainsi donc, crois-moi, fais-toi révérer plutôt que craindre de tes
esclaves.
Quelqu'un m'accusera peut-être de faire descendre les maîtres de leur rang, et d'appeler
en quelque sorte les esclaves à la liberté, parce que j'ai dit qu'ils doivent plutôt révérer
leurs maîtres que les craindre. Celui qui penserait ainsi oublierait que c'est assez faire
pour les maîtres, que de leur accorder ce qui suffit bien aux dieux. D'ailleurs, on aime
celui qu'on respecte ; mais l'amour ne saurait être uni à la crainte. D'où penses-tu que
vienne ce proverbe insolent : «Autant d'esclaves, autant d'ennemis» ? Non, ils ne sont
point nos ennemis ; mais nous les rendons tels, quand nous sommes à leur égard
superbes, insultants, cruels. L'habitude d'une vie de délices nous pousse à un tel excès
d'extravagance, que tout ce qui ne répond point sur-le-champ à notre volonté, excite en
nous la colère et la fureur. Nous devenons de vrais tyrans dans nos maisons, et nous
voulons exercer toute l'étendue de notre autorité sur les esclaves, sans aucune
considération de justice.
En effet, indépendamment de divers autres genres de cruauté, il est des maîtres qui,
tandis qu'ils se remplissent avidement en face de l'abondance de leurs tables, ne
permettent pas à leurs esclaves, rangés debout alentour, de remuer les lèvres pour dire
un seul mot. Le moindre murmure est réprimé par la verge : les cas fortuits eux-mêmes
n'échappent pas au châtiment. La toux, un éternuement, un hoquet, sont sévèrement
punis. Il arrive de là que ceux à qui il n'est pas permis de parler devant leur maître parlent
beaucoup de lui ; tandis que ceux qui non seulement n'ont pas la bouche close devant
leur maître, mais même qui ont pu parler avec lui, ont été prêts à périr avec lui, et à
détourner sur leur propre tête les dangers qui le menaçaient. Ces esclaves-ci parlaient
pendant les repas, mais ils se taisaient dans les tortures.
Veux-tu que nous parcourions les actes généreux dus à des esclaves ? Le premier qui se
présente concerne Urbinus. Condamné à mort, il se cachait à Réatinum. Sa retraite ayant
été découverte, un de ses esclaves se coucha à sa place, portant son anneau et ses
vêtements, dans le lit vers lequel se précipitaient ceux qui le poursuivaient, présenta sa
tête aux soldats, et reçut le coup fatal comme s'il était Urbinus. Dans la suite, Urbinus,
réhabilité, érigea à cet esclave un monument, avec une inscription qui attestait un si
grand dévouement. Ésope, affranchi de Démosthène, instruit de l'adultère que son patron
avait commis avec Julie, longtemps torturé, persévéra à ne point trahir son maître ;
jusqu'à ce que Démosthène lui-même, pressé par les autres témoins, eût avoué le crime.
Si tu penses qu'il est toujours facile de celer le secret d'un seul individu, sache que les
affranchis de Labiénus, qui l'avaient caché, ne purent être contraints à le découvrir par
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aucun genre de tourment. Et pour que personne ne dise que cette fidélité des affranchis
a été due plutôt à la reconnaissance du bienfait de la liberté qu'à leur bon naturel, écoute
un trait de bienveillance d'un esclave à l'égard de son maître, alors même que celui-ci le
punissait. Antius Restion, proscrit, fuyait seul de nuit. Tandis que ses esclaves pillaient
ses biens, l'un d'eux, qu'il avait fait mettre aux fers et marquer au front, se trouvant, après
la condamnation de son maître, délivré par la compassion d'un autre, se mit à la
recherche du fugitif, l'engagea à ne point le redouter, disant qu'il savait que c'était à la
fortune et non à son maître qu'il devait imputer son affront. Cet esclave vint porter des
vivres à Restion pendant tout le temps qu'il fut caché. Lorsque ensuite il sentit que ceux
qui le poursuivaient approchaient, il égorgea un vieillard que le hasard lui offrit, construisit
un bûcher sur lequel il jeta le cadavre; et y ayant mis le feu, il vint au-devant de ceux qui
cherchaient Restion, en leur disant qu'il s'était fait justice du proscrit, et l'avait châtié plus
cruellement qu'il n'en avait été châtié lui-même. On le crut, et Restion fut sauvé.
Caepion, qui avait conspiré contre les jours d'Auguste, ayant été découvert et condamné,
un esclave le porta de nuit dans une corbeille jusqu'au Tibre : descendu à Ostie, de là il le
conduisit de nuit à la maison de campagne de son père, sur le territoire de Laurente.
Repoussé de Cumes par un naufrage, il se cacha avec son maître à Naples. Là, ayant
été pris par un centurion, ni l'argent, ni les menaces, ne purent l'amener à trahir son
maître.
Asinius Pollion voulant forcer impitoyablement les habitants de Padoue à livrer leurs
armes et leur argent, ceux-ci se cachèrent. Alors il promit la liberté et une récompense
aux esclaves qui découvriraient leurs maîtres. Mais on sait qu'il n'y en eut aucun qui,
séduit par la récompense, ait voulu trahir son maître. Écoute encore un trait qui est de la
part des esclaves non seulement un acte de fidélité, mais même une invention
ingénieuse et tournée au bien. Pendant le siège de Grumentum, des esclaves ayant
quitté leur maîtresse, s'en furent vers l'ennemi. La ville prise, d'accord entre eux, ils se
précipitèrent dans la maison de leur maîtresse, et l'entrainèrent d'un air menaçant, disant
à ceux qu'ils rencontraient qu'ils avaient enfin le pouvoir de punir leur cruelle maîtresse.
L'ayant ainsi enlevée, comme pour la conduire au supplice, ils la mirent en sûreté avec
une respectueuse piété.
Voyez, dans cette autre occurrence, un esclave ayant la magnanimité de donner la
préférence à la mort sur l'ignominie. L'esclave de C. Vettius, de la contrée des Pélignes,
en Italie, le voyant saisi par ses propres cohortes, le tua afin qu'il ne fût point livré à
Pompée, et se donna ensuite la mort pour ne pas survivre à son maître. Euporus, ou,
comme d'autres le racontent, Philocratès, esclave de C. Gracchus, le suivit
inséparablement, fuyant du mont Aventin, tant qu'il y eut quelque espoir de le sauver, et
le défendit tant qu'il put; quand Gracchus eut été tué, l'esclave se tua lui-même sur le
cadavre de son maître. L'esclave de Publ. Scipion, père de l'Africain, plaça sur un cheval
son maître, qui venait d'être blessé dans un combat contre Annibal, et, tandis que tous
l'abandonnaient, le ramena lui seul dans le camp.
Mais c'est peu d'avoir servi leurs maîtres vivants ; les esclaves feront plus : on les
retrouvera ardents à les venger. Un esclave du roi Séleucus devenu l'esclave d'un des
amis de ce roi, et qui avait été son meurtrier, vengea la mort de son premier maître en
tuant le second, pendant qu'il soupait. Que veut-on de plus ? Veut-on voir réunies dans
un esclave les deux plus nobles vertus, l'habileté à gouverner et la magnanimité de
mépriser le trône ? Messénius Anaxilaüs, qui fonda Messine en Sicile, et qui fut tyran des
Reggiens, ayant laissé des enfants en bas âge, se contenta de les recommander à son
esclave Mycithus, lequel géra religieusement cette tutelle, et gouverna avec tant de
modération, que les Reggiens ne s'indignèrent pas d'être régis par un esclave. Dans la
suite, Micithus remit aux enfants devenus grands, leurs biens avec le gouvernement, et
se retira muni d'une modique somme, à Olympie, où il atteignit la vieillesse dans une
tranquillité profonde.
Divers exemples nous apprennent aussi de quelle utilité ont été les esclaves à l'intérêt
public. Lors de la guerre Punique, comme on manquait de citoyens à enrôler, les
esclaves, ayant offert de combattre pour leurs maîtres, furent admis au rang des
citoyens ; et, à raison de ce qu'ils s'étaient offerts volontairement, ils furent appelés
uolones (volontaires). Après la bataille de Cannes, les Romains vaincus prirent pour
soldats huit mille esclaves achetés ; et quoiqu'il en eût moins coûté de racheter les
prisonniers, la république, dans cette violente crise, préféra se confier aux esclaves.
Après la fameuse défaite de Thrasymène, les affranchis furent aussi appelés au serment
militaire. Durant la guerre Sociale, douze cohortes, levées parmi les affranchis, firent des
actions d'une mémorable valeur. On sait que C. César, pour remplacer les soldats qu'il
avait perdus, accepta les esclaves de ses amis, et retira d'eux un très bon service. César
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Auguste forma, en Germanie et en Illyrie, plusieurs cohortes d'affranchis, sous la
dénomination de volontaires.
Ne crois pas que de pareils faits ne soient arrivés que dans notre république. Les
Borysthéniens, attaqués par Zopyrion, affranchirent les esclaves, donnèrent aux étrangers
le droit de cité, abolirent les titres des dettes ; et purent ainsi résister à l'ennemi. Il ne restait
plus que quinze cents Lacédémoniens en état de porter les armes ; lorsque Cléomène,
avec des esclaves affranchis, recruta neuf mille combattants. Les Athéniens aussi, ayant
épuisé les ressources publiques, donnèrent la liberté aux esclaves.
Pour que tu ne penses pas qu'il n'y aurait eu de vertu chez les esclaves que parmi les
hommes, écoute une action des femmes esclaves, non moins mémorable que les
précédentes, et plus utile à la république qu'aucune que tu puisses trouver dans les
classes nobles : La fête des servantes, qu'on célèbre le jour des nones de juillet, est si
connue, que personne n'ignore ni son origine, ni la cause de sa célébrité. Ce jour-là, les
femmes libres et les esclaves sacrifient à Junon Caprotine sous un figuier sauvage, en
mémoire du précieux dévouement que manifestèrent les femmes esclaves pour la
conservation de l'honneur national. À la suite de cette irruption des Gaulois, où Rome fut
prise par eux, la république se trouva extrêmement affaiblie. Les peuples voisins, voulant
saisir l'occasion d'anéantir le nom romain, se donnèrent pour dictateur Livius Postumius,
de Fidènes, lequel fit savoir au sénat que, s'il voulait conserver les restes de la ville, il
fallait lui livrer les mères de famille avec leurs filles. Pendant que les pères conscrits
délibéraient, incertains du parti à prendre, une servante, nommée Tutela ou Philotia,
s'offrit pour aller à l'ennemi avec les autres servantes, sous le nom de leurs maîtresses.
Ayant pris le costume des mères et des filles de famille, les servantes furent conduites
aux ennemis, suivies de personnes éplorées qui simulaient la douleur. Livius les ayant
distribuées dans le camp, elles provoquèrent les hommes à boire, feignant que ce fût
pour elles un jour de fête. Lorsque ceux-ci furent endormis, du haut d'un figuier sauvage
qui était proche du camp, elles donnèrent un signal aux Romains, qui furent vainqueurs
en attaquant à l'improviste. Le sénat reconnaissant fit donner la liberté à toutes les
servantes, les dota aux frais de l'état, leur permit de porter le costume dont elles s'étaient
servies en cette occasion, et donna à cette journée la dénomination de Nones
Caprotines, à cause du figuier sauvage (caprificus) d'où les Romains reçurent te signal
de la victoire. Il ordonna encore qu'en mémoire de l'action que je viens de raconter, on
solenniserait annuellement ce jour par un sacrifice dans lequel on ferait usage du lait,
parce que le lait découle du figuier sauvage.
Il s'est aussi trouvé chez les esclaves des esprits assez élevés pour atteindre à la
science philosophique. Phédon, de l'école de Socrate, et son ami, et l'ami de Platon au
point que ce dernier consacra à son nom ce divin traité De l'immortalité de l'âme, fut un
esclave qui eut l'extérieur et l'âme d'un homme libre. On dit que Cébès, disciple de
Socrate, l'acheta par le conseil de son maître, et qu'il fut formé par lui aux exercices de la
philosophie. Phédon devint par la suite un philosophe illustre, et il a écrit sur Socrate des
entretiens pleins de goût. Depuis Cébès, on trouve un grand nombre d'esclaves qui furent
des philosophes distingués. Parmi eux, on compte Ménippus, dont M. Varron a voulu imiter
les ouvrages dans ses satires, que d'autres appellent cyniques, et qu'il appelle lui-même
Ménippées. À la même époque vécurent Pompolus, esclave du péripatéticien Philostrate;
Persée, esclave du stoïcien Zénon, et Mys, esclave d'Épicure, lesquels furent chacun de
célèbres philosophes. Parmi eux, on peut aussi comprendre Diogène le cynique, quoique
né libre, il ne soit devenu esclave que pour avoir été vendu. Xéniade Corinthien voulant
l'acheter, lui demanda quel art il savait : Je sais, répondit Diogène, commander aux
hommes libres (liberis). Xéniade, admirant sa réponse, l'acheta, l'affranchit, et, lui confiant
ses enfants, lui dit : Voici mes enfants (liberos), à qui vous commanderez. La mémoire de
l'illustre philosophe Épictète est trop récente pour qu'il soit possible de rappeler, comme
une chose oubliée, qu'il fut esclave. On cite deux vers de lui sur lui-même, dont le sens
intime est : qu'il ne faut pas croire que ceux qui luttent contre la diversité des maux de
cette vie soient nullement haïs des dieux ; mais qu'il faut en chercher la raison dans des
causes secrètes, que la sagacité de peu d'hommes est à portée de pénétrer.
Épictète est né esclave, son corps est mutilé ; il est pauvre comme Irus ; et néanmoins il
est cher aux immortels.
Maintenant tu es convaincu, je pense, qu'il ne faut point mépriser les esclaves sur le titre
de leur condition, puisqu'ils ont été l'objet de la sollicitude de Jupiter, et qu'il est certain
que plusieurs d'entre eux ont été fidèles, prévoyants, courageux, et même philosophes.
Il me reste maintenant quelque chose à dire sur les Sigillaires, pour que tu restes
convaincu que j'ai parlé d'objets sacrés, et non de choses puériles. Epicadus rapporte
qu'Hercule, après avoir tué Géryon, ramenant en vainqueur, à travers l'Italie, les
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troupeaux de bœufs qu'il lui avait enlevés, jeta dans le Tibre, sur le pont maintenant
appelé Sublicius, et qui fut construit à cette époque, un nombre de simulacres d'hommes
égal au nombre de ceux de ses compagnons qu'il avait perdus durant son voyage ; afin
que ces figures, portées dans la mer par le cours propice des eaux, fussent rendues par
elles à la terre paternelle des défunts, à la place de leurs corps. C'est de là que l'usage
de faire de telles figures serait devenu une pratique religieuse. Quant à moi, l'origine de
cette coutume me paraît plus vraisemblable telle que je l'ai racontée plus haut, savoir :
que les Pélasges, instruits par une favorable interprétation qu'on pouvait entendre par le
mot (tête), non des têtes humaines, mais des têtes d'argile, et que le mot [wytôz] signifiait
non seulement un homme, mais encore un flambeau, se mirent à allumer des flambeaux
de cire en l'honneur de Saturne, et consacrèrent des figurines, au lieu de leurs propres
têtes, sur l'autel de Saturne, contigu au sacellum de Dis. De là est venue la coutume de
s'envoyer, pendant les Saturnales, des flambeaux de cire, et celle de fabriquer et de
vendre des figurines d'argile sculptée, qu'on offrait en sacrifice expiatoire, pour soi et pour
les siens, à Dis-Saturne. Le commerce de ces objets s'étant établi durant les Saturnales,
la vente se prolongea durant sept jours, qui sont fériés, quoiqu'ils ne soient pas tous
fêtés; mais seulement le jour du milieu des Saturnales, c'est-à-dire, le 13 des calendes,
comme nous l'avons déjà prouvé. La même chose est encore constatée par le
témoignage de ceux qui ont traité plus complément de la division de l'année, des mois et
des jours, et de l'organisation adoptée par C. César.
traduction de M. Nisard, 1875
Document 3 : Extrait du dernier livre, le livre VII, CH. XVI, qui traite d’un sujet fort étonnant.
CHAPITRE XVI
Si l'œuf a été avant la poule, ou la poule avant l'œuf.
Sur ces entrefaites, Évangélus, qui voyait avec envie la gloire qu'obtenaient les deux
Grecs, leur dit en se moquant : Quittez ces questions, que vous n'agitez entre vous que
pour faire parade de votre loquacité. J'aimerais mieux encore, si votre science y peut
quelque chose, que vous voulussiez m'apprendre «si l'œuf a été avant la poule, ou la
poule avant l'œuf?»
- Tu crois te moquer, lui répondit Disaire ; et néanmoins, la question que tu viens de
toucher est très digne d'être approfondie et résolue. Car pourquoi m'as-tu demandé, en
critiquant l'utilité de cette discussion, si l'œuf a été avant la poule, ou la poule avant
l'œuf ? Mais sache que cette question doit être rangée parmi les plus sérieuses, et
discutée avec beaucoup de soin. Je vais dire ce qui me paraîtra susceptible d'être
allégué en faveur de chacune des deux opinions, te laissant le choix de celle qui te
paraîtra la plus vraie. Si nous accordons que tout ce qui existe a eu un commencement, il
est juste de décider que la nature a commencé par produire l'œuf. Car tout ce qui
commence est d'abord informe, imparfait, et ne marche vers son perfectionnement qu'à
l'aide du temps et de l'art. Ainsi donc, pour faire l'oiseau, la nature a commencé par un
rudiment informe ; elle a produit l'œuf, dans lequel n'existe pas encore la forme extérieure
de l'animal, mais dont est provenu un oiseau complètement organisé, par l'effet de
l'accomplissement de son développement progressif. D'ailleurs, tout ce que la nature a
décoré d'ornements divers a commencé indubitablement par être simple, et est devenu
postérieurement compliqué, par l'accession de choses qui y ont été réunies.
Ainsi l'œuf a été créé d'une forme simple, et qui est la même dans tous les sens. Il est le
germe d'où se sont développés les ornements divers qui complètent le corps de l'oiseau.
De même que les éléments ont d'abord préexisté, et que de leur mélange ont été formés
les autres corps, de même, si l'on peut permettre la comparaison, les principes séminaux
qui se, trouvent dans l'œuf peuvent être considérés, en quelque sorte, comme étant les
éléments de la poule. Non, elle n'est pas inopportune la comparaison de l'œuf avec les
éléments dont toutes les choses sont composées ; car, dans toutes les classes
d'animaux qui se reproduisent par le coït, vous en trouverez quelques-uns dont l'œuf est
le principe et comme l'élément. En effet, tous les animaux ou marchent, ou rampent, ou
nagent, ou volent. Parmi ceux qui marchent, les lézards et tous les animaux de cette
famille sont reproduits par des oeufs.
Il en est de même des reptiles. Tous les animaux qui volent sont ovipares; un seul
excepté, dont la condition est incertaine : car la chauve-souris vole, il est vrai, au moyen
d'ailes formées de pellicules, mais ne doit pas être comptée parmi les oiseaux,
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puisqu'elle marche sur quatre pieds, qu'elle met au monde ses petits entièrement
conformés, et qu'elle les allaite. Tous les animaux nageants sortent d'un œuf particulier à
leur espèce, excepté le crocodile, qui, comme les oiseaux, provient d'un œuf à écaille. Et
pour que je ne te paraisse pas avoir trop relevé la condition de l'œuf, en le nommant un,
élément, consulte les initiés aux mystères de Liber Pater, dans lesquels l'œuf n'est
honoré avec tant de vénération qu'en raison de sa forme ovale et presque sphérique, qui
ne présente d'ouverture en aucun sens et parce qu'il renferme en soi la vie, on l'appelle
le symbole du monde. Or, d'après l'opinion unanime, le monde est le principe de toutes
choses.
Maintenant, produisons l'opinion qui soutient la préexistence de la poule ; et voici
comment nous tâcherons de la défendre. L'œuf n'est ni le commencement ni la fin de
l'animal ; car son commencement est la semence, sa fin est l'oiseau développé. L'œuf
n'est donc que la digestion de la semence. Or, puisque la semence contient l'animal et
que l'œuf contient la semence, l'œuf n'a pu être avant l'animal ; de même que la digestion
de la nourriture ne peut avoir lieu sans que quelqu'un ait mangé. Dire que l'œuf a été fait
avant la poule, c'est comme si l'on disait que la matrice a été faite avant la femme ; et
celui qui demande comment la poule a pu venir sans œuf est semblable à celui qui
demanderait comment l'homme a pu être créé avant les parties naturelles, par lesquelles
il se reproduit. Ainsi comme il ne serait pas exact de dire que l'homme est le produit de la
semence, puisque la semence émane de l'homme; de même on ne peut pas dire que la
poule est le produit de l'œuf, puisque l'œuf émane de la poule. Maintenant, si l'on
accorde ce qui a été dit en faveur de la thèse opposée, que tout ce qui existe a
commencé à quelque époque, nous répondrons que la nature a commencé d'abord par
former chacun des animaux dans toute sa perfection, et qu'ensuite elle a soumis à des
lois perpétuelles la succession continue de leur procréation. Un grand nombre d'animaux
que la terre et la pluie produisent encore, tout conformés, sont une preuve que la nature
a bien pu en agir ainsi dès le commencement. Tels sont les rats en Égypte, et en d'autres
lieux les grenouilles, les serpents, et autres animaux de cette espèce. Car la terre ne
produit jamais des œufs, qui sont des êtres absolument imparfaits, parce que la nature
ne forme que des êtres parfaits, et qui procèdent de principes parfaits, d'un tout, dont ils
sont les parties. Accordons maintenant que l'œuf est la semence de l'oiseau, et voyons
ce que nous apprend la définition que les philosophes ont donnée de la semence. Cette
définition établit que la semence est une production d'une substance pareille à la
substance de celui dont elle émane. Or, il ne peut pas exister de similitude avec une chose
qui n'est pas encore ; de même qu'il n'émane pas de semence de celui qui n'existe pas.
Concluons de là que, dès la première origine des choses, et à l'exemple des autres
animaux qui sont reproduits seulement par la semence, et dont on n'a pas mis en question
la préexistence à leur semence, les oiseaux, eux aussi, sont sortis complètement formés
des mains de la nature. Chaque animal ayant été doté de la puissance de se reproduire,
tous les animaux sont descendus des premiers, suivant les divers modes de naissance,
que la nature a diversifiés selon la variété des espèces. Voilà, Évangelus, ce qu'on peut
alléguer des deux côtés. Contiens un peu tes dérisions, et considère en toi-même lequel
tu dois embrasser.
traduction de M. Nisard, 1875
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Document 4 : Plan chapitré du commentaire du songe de Scipion.
LIVRE PREMIER
CHAP. I. Différence et conformité entre la République de Platon et celle de Cicéron.
Pourquoi ils ont inséré dans ces traités, le premier, l'épisode de la révélation d'Her ; le
second, celui du Songe de Scipion.
CHAP. II. Réponse qu'on pourrait faire à l'épicurien Colotès qui pense qu'un philosophe
doit s'interdire toute espèce de fictions ; de celles admises par la philosophie, et des
sujets dans lesquels elle les admet.
CHAP. III. Il y a cinq genres de songes; celui de Scipion renferme les trois premiers
genres.
CHAP. IV. Du but ou de l'intention de ce songe.
CHAP. V. Quoique tous les nombres puissent, en quelque sorte, être regardés comme
parfaits, cependant le septième et le huitième sont particulièrement considérés comme
tels. Propriétés qui méritent au huitième nombre la qualification de nombre parlait.
CHAP. VI. Des nombreuses propriétés qui méritent au septième nombre la qualification
de nombre parfait.
CHAP. VII. Les songes et les présages relatifs aux adversités ont toujours un sens obscur
et mystérieux ; ils renferment cependant des circonstances qui peuvent, d'une manière
quelconque, conduire sur la route de la vérité l'investigateur doué de perspicacité.
Chap. VIII. Il y a quatre genres de vertus : vertus politiques, vertus épuratoires, vertus
épurées, et vertus exemplaires. De ce que la vertu constitue le bonheur, et de ce que les
vertus du premier genre appartiennent aux régulateurs des sociétés politiques, il s'ensuit
qu'un jour ils seront heureux.
CHAP. IX. Dans quel sens on doit entendre que les directeurs des corps politiques sont
descendus du ciel, et qu'ils y retourneront.
CHAP. XI. Opinion des platoniciens sur les enfers et sur leur emplacement. De quelle
manière ils conçoivent la vie ou la mort de l'âme.
CHAP. XII. Route que parcourt l'âme, en descendant de la partie la plus élevée du monde
vers la partie inférieure que nous occupons.
CHAP. XIII. Il est pour l'homme deux sortes de morts : l'une a lieu quand l'âme quitte le
corps, la seconde lorsque l'âme restant unie au corps, elle se refuse aux plaisirs des
sens, et fait abnégation de toutes jouissances et sensations matérielles. Cette dernière
mort doit être l'objet de nos vœux ; nous ne devons pas hâter la première, mais attendre
que Dieu lui-même brise les liens qui attachent l'âme au corps.
CHAP. XIV. Pourquoi cet univers est appelé le temple de Dieu. Des diverses acceptions
du mot âme. Dans quel sens il faut entendre que la partie intelligente de l'homme est de
même nature que celle des astres. Diverses opinions sur la nature de l'âme. En quoi
diffèrent une étoile et un astre. Qu'est ce qu'une sphère, un cercle, une ligne circulaire.
D'où vient le nom de corps errants donné aux planètes.
CHAP. XV. Des onze cercles qui entourent le ciel.
CHAP. XVI. Pourquoi nous ne pouvons apercevoir certaines étoiles ; et de leur grandeur
en général.
CHAP. XVII. Pourquoi le ciel se meut sans cesse, et toujours circulairement. Dans quel
sens on doit entendre qu'il est le Dieu souverain ; si les étoiles qu'on a nommées fixes
ont un mouvement propre.
CHAP. XVIII. Les étoiles errantes ont un mouvement propre, contraire à celui des cieux.
CHAP. XIX. De l'opinion de Platon et de celle de Cicéron sur le rang qu'occupe le soleil
parmi les corps errants. De la nécessité où se trouve la lune d'emprunter sa lumière du
soleil, en sorte qu'elle éclaire, mais n'échauffe pas. De la raison pour laquelle on dit que
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le soleil n'est pas positivement au centre, mais presque au centre des planètes. Origine
des noms des étoiles. Pourquoi il y a des planètes qui nous sont contraires, et d'autres
favorables.
CHAP. XX. Des différents noms du soleil, et de sa grandeur.
CHAP. XXI. Pourquoi l'on dit que les étoiles mobiles parcourent les signes du zodiaque,
bien que cela ne soit pas. De la cause de l'inégalité de temps qu'elles mettent
respectivement à faire leurs révolutions. Des moyen qu'on a employés pour diviser le
zodiaque en douze parties.
CHAP. XXII. Pourquoi la terre est immobile, et pourquoi tous les corps gravitent vers elle
par leur propre poids.
LIVRE II
CHAP. I. De l'harmonie produite par le mouvement des sphères, et des moyens
employés par Pythagore pour connaître les rapports des sons de cette harmonie. Des
valeurs numériques propres aux consonances musicales, et du nombre de ces
consonances.
CHAP. II. Dans quelle proportion, suivant Platon, Dieu employa les nombres dans la
composition de l'âme du monde. De cette organisation de l'âme universelle doit résulter
l'harmonie des corps célestes.
CHAP. III. On peut encore apporter d'autres preuves et donner d'autres raisons de la
nécessité de l'harmonie des sphères. Les intervalles des sons dont la valeur ne peut être
fixée que par l'entendement, relativement à l'âme du monde, peuvent être calculés
matériellement dans le vaste corps qu'elle anime.
CHAP. IV. De la cause pour laquelle, parmi les sphères célestes, il en est qui rendent des
sons graves, et d'autres des sons aigus. Du genre de cette harmonie, et pourquoi
l'homme ne peut l'entendre.
CHAP. V. Notre hémisphère est divisé en cinq zones, dont deux seulement sont
habitables; l'une d'elles est occupée par nous, l'autre l'est par des hommes dont l'espèce
nous est inconnue. L'hémisphère opposé a les mêmes zones que le nôtre ; il n'y en a
également que deux qui soient le séjour des hommes.
CHAP. VI. De l'étendue des contrées habitées, et de celle des contrées inhabitables.
CHAP. VII. Le ciel a les mêmes zones que la terre. La marche du soleil, à qui nous
devons la chaleur ou la froidure, selon qu'il s'approche ou s'éloigne de nous, a fait
imaginer ces différentes zones.
CHAP. VIII. Où l'on donne; en passant, la manière d'interpréter un passage des
Géorgiques relatif au cercle du zodiaque.
CHAP. IX. Notre globe est enveloppé par l'Océan, non pas en un sens, mais en deux
différents sens. La partie que nous habitons est resserrée vers les pôles, et plus large
vers son centre. Du peu d'étendue de l'Océan, qui nous parait si grand.
CHAP. X. Bien que le monde soit éternel, l'homme ne peut espérer de perpétuer, chez la
postérité, sa gloire et sa renommée ; car tout ce que contient ce monde, dont la durée
n'aura pas de fin, est soumis à des vicissitudes de destruction et de reproduction.
CHAP. XI. Il est plus d'une manière de supputer les années : la grande année, l'année
vraiment parfaite, comprend quinze mille de nos années.
CHAP. XII. L'homme, n'est pas corps, mais esprit. Rien ne meurt dans ce monde, rien ne
se détruit.
CHAP. XIII. Des trois syllogismes qu'ont employés les platoniciens pour prouver
l'immortalité de l'âme.
CHAP. XIV. Arguments d'Aristote pour prouver, contre le sentiment de Platon, que l'âme
n'a pas de mouvement spontané.
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CHAP. XV. Arguments qu'emploient les platoniciens en faveur de leur maître contre
Aristote ; ils démontrent qu'il existe une substance qui se meut d'elle-même, et que cette
substance n'est autre que l'âme. Les preuves qu'ils en donnent détruisent la première
objection d'Aristote.
CHAP. XVI. Nouveaux arguments des platoniciens contre les autres objections d'Aristote.
CHAP. XVII. Les conseils du premier Africain à son petit-fils ont eu également pour objet
les vertus contemplatives et les vertus actives. Cicéron, dans le Songe de Scipion, n'a
négligé aucune des trois parties de la philosophie.
traduction de M. Nisard, 1875
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Document 5 : Extraits du livre II, illustrant la thématique néoplatonicienne de l’œuvre.
Livre II, Chapitre 2
Dans quelle proportion, suivant Platon, Dieu employa les nombres
dans la composition de l'âme du monde. De cette organisation
de l'âme universelle doit résulter l'harmonie des corps célestes.
Lorsqu’après avoir ajouté à la doctrine des nombres qu'il devait à l'école de Pythagore les
créations profondes de son divin génie, Platon se fut convaincu qu'il ne pouvait exister
d'accords parfaits sans les quantités dont nous venons de parler, il admit en principe,
dans son Timée, que l'ineffable providence de l'éternel architecte avait formé l'âme du
monde du mélange de ces mêmes quantités. Le développement de son opinion nous
sera d'un grand secours pour l'intelligence des expressions de Cicéron relatives à la
partie théorique de la musique ; et, pour qu'on ne dise pas que le commentaire n'est pas
plus facile à entendre que le texte, nous croyons devoir faire précéder l'un et l'autre de
quelques propositions qui serviront à les éclaircir.
Tout solide a trois dimensions, longueur, largeur, profondeur ou épaisseur; il n'est aucun
corps dans la nature qui en ait une quatrième. Cependant les géomètres se proposent
pour objet de leurs études d'autres grandeurs qu'ils nomment mathématiques, et qui, ne
tombant pas sous les sens n'appartiennent qu'à l'entendement. Le point suivant eux est
une quantité qui n'a pas de parties ; il est donc indivisible, et n'a par conséquent aucune
des trois dimensions. Le point prolongé donne la ligne, qui n'a qu'une dimension appelée
longueur; elle est terminée par deux points. Si vous tirez une seconde ligne contiguë a la
première, vous aurez une quantité mathématique de deux dimensions, longueur et
largeur ; on la nomme surface. Elle est terminée par quatre points, c'est-à-dire que
chacune de ses extrémités est limitée par deux points. Doublez ces deux lignes, ou
placez au-dessus d'elles deux autres lignes, il en résultera une grandeur ayant trois
dimensions, longueur, largeur et profondeur ; ce sera un solide terminé par huit angles.
Tel est le dé à jouer, qui, chez les Grecs, s'appelle cube.
La nature des nombres est applicable à ces abstractions de la géométrie. La monade ou
l'unité peut être comparée au point mathématique. Celui-ci n'a pas d'étendue, et
cependant il donne naissance à des substances étendues; de même la monade n'est pas
un nombre, mais elle est le principe des nombres. Deux est donc la première quantité
numérique, et représente la ligne née du point, et terminée par deux points. Ce nombre
deux, ajouté à lui-même, donne le nombre quatre, qu'on peut assimiler à la surface qui a
deux dimensions, et qui est limitée par quatre points. En doublant quatre, on obtient le
nombre huit, qui peut être comparé au solide, lequel se compose, comme nous l'avons
dit, de deux lignes surmontées de deux autres lignes, et terminées par huit angles. Aussi
les géomètres disent-ils qu'il suffit de doubler le double deux pour obtenir un solide. Deux
donne donc un corps, lorsque ses additions successives égalent huit. C'est pour cette
raison qu'il est au premier rang des nombres parfaits.
Voyons maintenant comment le premier nombre impair parvient à engendrer un solide.
Ce premier des impairs est trois, que nous assimilerons à la ligne ; car de la monade
découlent les nombres impairs, de même que les nombres pairs.
En triplant trois, on obtient neuf ; ce dernier nombre correspond à deux lignes réunies, et
figure l'étendue en longueur et largeur. Il en est ainsi de quatre, qui est le premier des
nombres pairs. Neuf multiplié par trois donne la troisième dimension, ou la hauteur : ainsi,
vingt-sept, produit de trois multiplié deux fois par lui-même, a pour générateur le premier
des nombres impairs, de même que huit, produit de deux multiplié deux fois par luimême, a pour générateur le premier des nombres pairs.
Il suit de là que la composition de ces deux solides exige le concours de la monade et de
six autres nombres, dont trois pour le solide pair, qui sont deux, quatre et huit, et trois
pour le solide impair, savoir, trois, neuf et vingt-sept.
Platon, qui nous explique dans son Timée la manière dont l'Éternel procéda à la
formation de l'âme universelle, dit qu'elle est un agrégat des deux premiers cubes, l'un
pair et l'autre impair, tous deux solides parfaits. Cette contexture de l'âme du monde par
le moyen des nombres solides ne doit point donner à entendre qu'elle participe de la
copropriété, mais qu'elle a toute la consistance nécessaire pour pénétrer de sa
substance l'universalité des êtres et la masse entière du monde. Voici comment
s'exprime Platon à ce sujet : «Dieu prit d'abord une première quantité surtout le
firmament, puis une seconde double de la première ; il en prit une troisième, qui était
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l'hémiole de la seconde et le triple de la première ; la quatrième était le double de la
seconde ; la cinquième égalait trois fois la troisième, la sixième contenait huit fois la
première, et la septième la contenait vingt-sept fois. Il remplit ensuite chacun des
intervalles que laissaient entre eux les nombres doubles et triples par deux termes
moyens propres à lier les deux extrêmes, et à former avec eux les rapports de l'épitrite,
de l'hémiole et de l'épogdoade.»
Plusieurs personnes interprètent comme il suit ces expressions de Platon : La première
partie est la monade ; la seconde est le nombre deux ; la troisième est le nombre
ternaire, hémiole de deux, et triple de l'unité ; la quatrième est le nombre quaternaire,
double de deux ; la cinquième est le nombre neuf, triple de trois ; la sixième est le
huitième nombre, qui contient huit fois l'unité ; la septième enfin est le nombre vingt-sept,
produit de trois multiplié deux fois par lui-même. Il est aisé de voir que, dans ce mélange,
les nombres pairs alternent avec les impairs. Après l'unité, qui réunit le pair et l'impair,
vient deux, premier pair, puis trois, premier impair; ensuite quatre, second pair, qui est
suivi de neuf, second impair, lequel précède huit, troisième pair, que suit vingt-sept,
troisième impair; car le nombre impair étant mâle, et le nombre pair femelle, tous deux
devaient entrer dans la composition d'une substance chargée d'engendrer tous les êtres,
et en même temps ces quantités devaient avoir la plus grande solidité pour lui
communiquer la force de vaincre toutes les résistances. Il fallait, de plus, qu'elle fût
formée des seuls nombres susceptibles de donner des accords parfaits, puisqu'elle
devait entretenir l'harmonie et l'union entre toutes les parties de l'œuvre de sa création.
Or, nous avons dit que le rapport de 2 à 1 donne le diapason ou l'octave ; que celui de 3
à 2, c'est-à-dire l'hémiole, donne le diapentès ou la quinte; que de la raison de 4 à 3, qui
est l'épitrite, naît le diatessaron ou la quarte ; enfin que de la raison de 4 à 1, nommée
quadruple, procède le double diapason ou la double octave.
L'âme universelle, ainsi formée de nombres harmoniques, ne peut donner, en vertu de
son mouvement propre, l'impulsion à tous les corps de la nature que nous voyons se
mouvoir, sans qu'il résulte de cette impulsion des accords dont elle a le principe en ellemême, puisqu'en la composant de nombres respectivement inégaux, Dieu, comme vient
de nous le dire Platon, combla le vide que ces quantités numériques laissaient entre elles
par des hémioles, des épitrites et des épogdoades.
La profondeur du dogme de ce philosophe est donc savamment exposée dans ces
paroles de Cicéron : «Qu'entends-je, dis-je, et quels sons puissants et doux remplissent
la capacité de mes oreilles ? - Vous entendez, me répondit-il, l'harmonie qui, formée
d'intervalles inégaux, mais calculés suivant de justes proportions, résulte de l'impulsion et
du mouvement des sphères.»
Observez qu'il fait mention des intervalles, et qu'après avoir assuré qu'ils sont inégaux
entre eux, il n'oublie pas d'ajouter que leur différence a lieu suivant des rapports précis. Il
entre donc dans l'idée de Platon, qui rapproche ces intervalles inégaux par des quantités
proportionnelles, telles que des hémioles, des épitrites, des épogdoades, et des demitons, qui sont la base de l'harmonie.
On conçoit maintenant qu'il serait impossible de bien saisir la valeur des expressions de
Cicéron, si nous ne les eussions fait précéder de l'explication des rythmes musicaux dont
il vient d'être question, ainsi que de celle des nombres qui, selon Platon, sont entrés dans
la composition de l'âme du monde, et si nous n'eussions fait connaître la raison pour
laquelle cette âme a été ourdie avec des quantités harmoniques. À l'aide de ces
développements, on peut se faire une idée juste du branle général donné par la seule
impulsion de l'âme, et de la nécessité que de ce choc communiqué il résulte des accords
harmonieux, puisque cette harmonie tient à l'essence du principe moteur.
traduction de M. Nisard, 1875
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livres de Macrobe
- Saturnales. Texte latin et trad. française par H. Bornecque et F. Richard, Classiques Garnier, 1937
- Commentaire au Songe de Scipion, Mireille Armisen-Marchetti, éditeur et traducteur du (Éditions Les
Belles Lettres, 2003
Livres sur Macrobe
- La République, Cicéron, Édition Bilingue latin/français, Classiques Garnier
- Macrobe et le néoplatonisme latin à la fin du IVe siècle, Jacques Flamant, Éditions Brill, 1977
- Les Lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Pierre Courcelle, De Boccard, 1948
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NEUVIÈME SUJET
JEAN DE STOBÉE ET LA DOXOGRAPHIE AU 5ÈME SIÈCLE
I
PRÉSENTATION DE JEAN DE STOBÉE
1 - Un doxographe du Vème siècle
2 - Un exemple de lettres savantes dans l’Antiquité tardive
3 - Un exemple de doxographisme tardif, une tradition remontant à Aristote et Théophraste
II
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES
1 - La quasi-absence d’indications biographiques, quelques indications indirectes
2 - Un grec originaire de la ville de Stobi en Macédoine
3 - Un auteur de la seconde moitié du Vème siècle (le plus tardif cité est Hiéroclès d'Alexandrie)
4 - Un auteur apparemment païen ou “athée”
III
SON ŒUVRE, LES ECLOGAE
1 - Une anthologie apparemment destinée à son fils Septimius, composée de la fleur de l’hellénisme
2 - Une œuvre en hommage à la philosophie selon la lettre à Septimius
3 - Mais une œuvre malheureusement mutilée et incomplète (trois livres sur quatre)
4 - Les thèmes des 4 livres originaux des Extraits, Sentences et Préceptes
A - Le premier livre (60 chapitres, mais introduction et ch. 33, 34, 35, 37, 44 et 46
manquants)
B - Le second livre (46 chapitres, dont seul 9 ont été conservés)
C - Le troisième livre (42 chapitres, dont seul manque le Ch. 1)
D - Le quatrième livre (58 chapitres, dont seul manque le Ch. 3)
5 - La réorganisation ultérieure : les Eclogae (les mélanges), et le Florilegium
A - Les Eclogæ physicæ et ethicæ (livres I et II)
B - Le Florilegium, ou Sermones (livres III et IV)
6 - La question des sources de Stobée : Aetius, Didyme d’Alexandrie...
7 - Plus qu’une anthologie, un ouvrage méthodique et ordonné de nature encyclopédique
IV
L’INTÉRÊT DES ECLOGAE
1 - Les auteurs cités : près de 500 ! Selon Photios :
- 204 philosophes
- 152 poètes
- 120 orateurs, historiens, rois, généraux et médecins
2 - Les indications sur les lettres grecques : Euripide, Sapho, Sophocle, Ménandre...
3 - Les indications sur la philosophie
A - Une des rares sources sur le stoïcisme
B - Des éclairages sur Jamblique (notamment le Traité de l’âme)
C - Sur le cynisme
D - Sur l’aristotélicisme
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V
CONCLUSION
1 - Une source précieuse sur la philosophie et les lettres antiques
2 - Un livre qui sera lu pendant tout le Moyen-Âge
3 - La division en deux livres : Anthologicum, Florilegium, Sermones et Eclogœ physicœ et ethicœ
4 - Les influences chez les auteurs de la Renaissance : Rabelais et Montaigne
5 - À l'époque moderne, l'édition Wachsmuth et Hense a reconstitué l'ordre primitif
ORA ET LABORA
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Document 1 : Carte de la Macédoine, avec le tracé de la Via Egnatia, route à laquelle était reliée la ville de
Stobi, à 150 Km au nord de Thessalonique.
Document 2 : Site actuel de l’ancienne ville de Stobi. Cette ancienne ville est un site archéologique majeur,
mis au jour par le Français Heuzey en 1861 et fouillé depuis les années 20 sans relâche. Cette ville,
existante depuis le IVème siècle avant notre ère, devient, après le partage de l'Empire romain, la capitale de
la Macédoine Seconde. Elle possède une basilique épiscopale, de nombreux palais patriciens, divers
monuments de l'époque gréco-romaine (théâtre, bains...) qui abritent de somptueux pavements de
mosaïques aux compositions polychromes et à la décoration tant géométrique que florale.
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Document 3 : Quelques vestiges romains de la ville de Stobi.
Théâtre de la ville antique et paléochretienne Stobi de la période de l'empereur Hadrien (IIème siècle).
Palais de l’époque de Théodose à Stobi.
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Document 4 : La Bibliothèque de Photios est une collection de 280 codices (chapitres) consacrés à des
auteurs antiques et chrétiens antérieurs, dont il cite des extraits ou donne des résumés.
167 - JEAN STOBÉE, Anthologie.
J’ai lu de Jean Stobée, [1] «Extraits, Sentences et Préceptes» : 4 livres en deux volumes.
Il les dédie à celui pour qui il dit avoir travaillé pour les créer, son propre fils, Septime.
Son recueil est constitué d’emprunts à des poètes, des orateurs et des politiciens
célèbres. Il y a joint, dit-il, dans certains cas, une sélection de textes, dans d'autres,
certaines sentences et ailleurs certains préceptes de vie pour discipliner et améliorer à
son fils, en lui communiquant, un petit don naturel pour mémoriser les lectures.
Son premier livre traite des sciences naturelles ; le début du deuxième traite du langage
et le reste de la morale ; le troisième et le quatrième, à l'exception de certaines données,
traitent de morale et de politique. Le premier livre énumère soixante chapitres dans
lesquels l'auteur répartit les citations et les célèbres dires d’anciens. Voici les sujets.
Après avoir d'abord traité avec Dieu comme créateur de ce qui est et de la Providence
qui dirige tout, il s'intéresse à ceux qui nient l'existence d'une Providence et des forces
divines qui en découlent et qui contribuent à la maîtrise de l'univers. Ensuite, il parle de la
justice, créée par Dieu pour superviser les actions des hommes et punir les pécheurs.
Sur la nécessité divine qui veille à ce que tout se passe inexorablement, selon la volonté
de Dieu. Sur la Destinée et le bon ordre des choses. Sur le Sort ou le Hasard. Sur le
mouvement du destin aveugle. Sur la nature du temps, ses divisions et ce qui en est la
cause. Sur la céleste Aphrodite et l'amour divin. En dixième place, sur les principes, les
éléments et l’univers.
Ensuite, sur la matière, sur la forme, sur les causes, sur les corps et leur répartition, sur
l'infiniment petit, sur les chiffres, sur les couleurs, sur le mélange et la combinaison, sur le
vide, le lieu, l'espace, sur le mouvement. En vingtième place, sur la création et la
destruction, sur le monde (est-il animé et dirigé par une Providence ?) ; où est le principe
qui le commande et d'où il provient ? Sur l'ordonnancement du monde, sur l'unité de
l'univers. Sur la nature et la répartition du ciel.
Sur la nature des étoiles, leurs figures, leurs mouvements, leur signification. Sur la nature
du soleil, sa taille, sa forme, ses évolutions, ses éclipses, ses signes et ses mouvements.
Sur la nature de la lune, sa taille, sa forme, sa lumière, ses éclipses et son apparence,
ses intervalles, sur sa prévision. Sur la Voie lactée, sur les comètes, les étoiles filantes et
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d'autres phénomènes de l'espace. Le tonnerre, les éclairs, les coups de tonnerre, les
ouragans, les typhons. En trentième place, sur l'arc-en-ciel, l'aurore, la parhélie, [2] les
rayons, comme sur les nuages, le brouillard, la pluie, la rosée, la neige, la gelée blanche,
la grêle. Sur les vents, sur la terre : est-elle unique et limitée ? Quelle est sa taille, sa
position, sa forme ? Est-elle inerte ou en mouvement ? Sur les tremblements de terre, sur
la mer, ses flux et ses reflux. Sur l'eau, sur tout. Sur la Nature et les causes qui en
émanent. Sur la génération des êtres vivants, etc. Combien d'espèces y a-t-il d’êtres
vivants ? Sont-ils tous doués de raison et de sensibilité ? Sur le sommeil. Sur la mort. Sur
les plantes. Sur la nourriture et l'appétit des êtres vivants. Sur la nature des hommes, sur
l'esprit, le cœur, sur les sentiments et sur les objets tangibles, les sentiments sont-ils
véritables, combien de sens existent ? Quelle est la nature et l'activité de chacun d'eux ?
Sur la vue. Sur les images reflétées par un miroir. Sur l'audition. Sur le goût. Sur le
toucher. Sur le sens de l'odorat. Sur la voix : est-elle incorporelle ? Quel est le principe
qui la commande ? Sur l'imagination, sur le jugement. En cent neuvième, sur l'avis et en
soixantième, sur la respiration et ses affections.
Ce sont donc les chapitres du premier livre, et leur contenu ; il est évident qu'ils traitent
de la physique, à l'exception de quelques-uns des premiers chapitres que l'on qualifierait
plutôt de métaphysique. [3] Il rassemble là, comme je l'ai dit, les opinions des anciens,
concordantes ou divergentes. Toutefois, dans ce livre, avant d'aborder les chapitres qui
seront énumérés, [4] il a deux chapitres dont l'un est un éloge de la philosophie,
également extrait de divers auteurs, et l'autre traite des sectes qui se constituèrent en
philosophie. C'est là qu'il réunit d’anciens avis sur la géométrie, la musique et
l'arithmétique.
Le deuxième livre est composé de quarante-six chapitres. Il traite d'abord des interprètes
des signes divins et dit que, pour les hommes, la vérité du caractère essentiel des choses
compréhensibles est imperceptible. Il examine ensuite la dialectique et la rhétorique, le
style et les lettres, la poésie, la forme du style des anciens, l'aspect moral de la
philosophie, sur ce qui dépend de nous, de l'idée que personne n’est malveillant
délibérément, de ce que le philosophe doit être, de l'obligation de respecter la divinité ; et
que les gens pieux et justes reçoivent l'assistance de la divinité. La divination. Qu'il est
nécessaire de beaucoup s'associer à la sagesse et d’éviter les pauvres et les personnes
sans culture. Sur l'apparence et la réalité. Qu'il ne faut pas juger un homme par son
discours, mais par son caractère. Que ceux qui tendent des pièges aux autres se
blessent eux-mêmes sans le savoir. La gloire. Sur la célébrité. Que la modération est la
meilleure. Que la vertu est difficile à atteindre et le vice facile à pratiquer. Que l'on ne
devrait pas tenir compte de l'avis des personnes privées d’intelligence. Que l'hypocrisie
est aussi nuisible à ceux qui l'utilisent qu’à ceux auxquels elle est destinée et doit être
chassée de l'âme. Qu’on ne doit pas intriguer, car une telle attitude provoque l'envie et la
calomnie. Que, dans les fautes que l'on commet, rien n'est plus beau que le repentir. Sur
l’insulte, qui n'est pas un bien. Que, lorsque nous sommes insultés, il est nécessaire pour
nous de prendre soin de ne pas tomber dans les mêmes erreurs. Sur la nécessité de la
vie. Qu'il est nécessaire d'agir en connaissance de cause. De la volonté. Que l'on ne
devrait pas agir de façon aléatoire. Que l'adversité est souvent salutaire, en particulier
pour les fous. Sur l'éducation. Sur l'instruction. Que l'amitié est le plus beau de tous les
biens. Cette similitude de caractère crée l'amitié. Que, dans les malheurs et les dangers, il
ne faut pas négliger ses amis. Que l'on ne devrait pas se joindre à ses amis dans l'injustice.
Sur les amis faux et douteux. Qu'il est nécessaire d'accélérer les rapprochements avec des
amis en tolérant leurs défauts avec plus de facilité et en les oubliant. Que c’est dans le
malheur que nous connaissons nos vrais amis. Préceptes sur l'amitié. Sur l'inimitié et la
manière dont il est nécessaire de se comporter à l'égard de ses ennemis. Comment tirer
profit de ses ennemis. La bienveillance. Que le plaisir au bon moment est plus profitable.
Sur la réciprocité des avantages. Que l'on ne doit pas donner profit au malveillant ni
l’accepter de sa part. Dernier chapitre: sur l’ingratitude. Tels sont les chapitres du
deuxième livre. [5]
Dans le troisième livre, il y a quarante-deux chapitres. Il traite d'abord de la vertu ; puis du
vice. Sur la prudence, l'imprudence, la modération, l’intempérance, le courage, la lâcheté,
la justice, la cupidité et l'injustice, la vérité, le mensonge, la franchise, la flatterie, prodigalité,
de l'économie, la maîtrise de soi, la licence, la résignation, la colère, la connaissance de
soi, l'arrogance, l'égoïsme, la conscience, la mémoire, la caducité de la mémoire, les
serments, le parjure, le besoin de travailler, l'oisiveté, la décence, l'impudence, le silence,
la pertinence dans les mots, la brièveté, le bavardage, la bonté, l'envie, la patrie,
l'étranger, les secrets et en quarante-deuxième place, sur la calomnie. [6]
Voici les sujets du quatrième livre. Initialement, la constitution, d'autre part les lois et les
habitudes, les peuples,[7] les plus puissants de la cité, la puissance, la qualité nécessaire
au chef de file ; que la monarchie est ce qu’il y a de mieux. Préceptes sur la royauté.
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Critique de la dictature. Guerre. Audace. Jeunesse. [8] Chefs militaires et nécessités de
la guerre. Préceptes sur la paix, l'agriculture, la paix, la navigation, les arts, les maîtres et
les esclaves, l’amour vulgaire et le désir des plaisirs charnels, la beauté, le mariage et de
tout ce qui le concerne, dans ce chapitre. Préceptes sur le mariage, les enfants et tout ce
qui le concerne, dans ce chapitre. Que les parents doivent recevoir de leurs enfants le
respect qui leur est dû. L'attitude à adopter par les pères envers leurs enfants. Ce qui
d'ailleurs est le mieux, c’est l'amour fraternel et l'affection à l'égard des parents.
L’administration domestique. Sur la noblesse et tout ce qui la concerne dans le présent
chapitre. Sur la condition de roturier. Sur les riches et tout ce qui les concerne dans ce
chapitre. Sur la pauvreté. Comparaison de la pauvreté et de la richesse.
Que la vie est courte et pleine de tracas. Sur la tristesse, qui est très douloureuse. Sur la
maladie et la guérison. Sur la santé et sa conservation. Les docteurs. Le bonheur. Le
malheur. Que la prospérité de l'homme est instable. Sur ceux qui sont heureux sans le
mériter. Sur ceux qui ne sont pas satisfaits sans le mériter. Qu'il est nécessaire de
soutenir avec noblesse les coups du sort. Qu'il est nécessaire de montrer son bonheur et
de cacher ses malheurs. Sur l'espoir. Sur ce qui se passe contre toute attente. Qu’il ne
faut pas se ravir de ceux qui souffrent le malheur. Que ceux qui souffrent le malheur ont
besoin de sympathie. [9] Sur la vieillesse et de tout ce qui la concerne dans ce chapitre.
Sur la mort. Sur la vie. Comparaison de la vie et la mort. Le deuil. L’enterrement.
Condoléances. Que l’on ne doit pas insulter les morts. Que la mémoire de la majorité de
la population disparaît rapidement après la mort.
Voici les cinquante-huit chapitres du quatrième livre. Pour les quatre livres, cela en fait
deux cent huit, où, comme nous l'avons dit, Jean présente certaines opinions, citations et
dictons célèbres, qu’il récupère à partir d'extraits, de phrases et de préceptes. Il les
rassemble des philosophes, Eschine le socratique et Anaxarque et Anacharsis,
Aristonymus et Apollonius, Antisthène et Aristippe, Ariston et Aristoxène et Archytas,
Aristote, Anaximandre, Anaximène, Archélaos, Anaxagore, Archainetes, Arcésilas, Arrien,
Antipater fils d'Histiaus, Antiphane, Apollodore, Aristarque, Asclépiades, Aristaius,
Archedemos fils d’Hécatée, Apollophanes, Aigimius, Aisaros, Atticus, Amelius, Albinus,
Aristandros, Harpocration, Apelle, Aristagoras, Aristombrotus, Archimède, Boethus, Bias,
Bérose, Veronicos, Brotinos, Bion, Glaucon, Demonax, Demetrius, Damippus, Diogène,
Diodore, Démocrite, Diotimus, Dioclès, Damarmenes, Didymus, Dion, Dios, Euclide,
Euphrate, Epicharme, Epandrides, Erasistratos, Ecpolus, Épicure de Gargettos, Épictète,
Hermès, Empédocle, les Athéniens Épicure, Eusèbe, Eurysos, Eratosthène, Eurystratus,
Ecphantus, Epidicus, Eudoxe, Epigenes, Evenius, Euryphamos, Zaleucos, Zénon, Zoroastre,
Héraclide, Héraclites, Herophiles, Themistius, Théobule, Theanos, Theages, Théophraste,
Theodore, Thaïlandais, Théocrite, Thrasyllos, Jérôme, Hippias, Iamblicus, Hiéronclés,
Hippalos, Ion, Hipponos, Hierax, Hippodamos, Hippasos, Iouncos, Criton, Cléobule, Cebes,
Coriscos, Clitomacus, Critolaus, Clineas, Carnéade, Cléanthe , Callimaque, Critias, Crantor,
Callicratides, Leucippe, Lucius, Lysis, Lyncus, Lycon, Leophanes, Longinus, Ménechmes,
Metrocles, Metopos, Menedemes, Musonius, Mnesarque, Melissos, Métrodore, Milo,
Moderatus, Maximus, Nicolas, Numenius, Naumachius, Naucrates, Nicias, Nicostrate,
Xénocrate, Xénophane, Onatos, Ocellus, Onetor, Panacaius, Pittacos, Periander, Pythagore,
Plutarque, Pempelus, Platon, Panaitius, Posidonius, Perictionus, Porphyre, Parménide,
Polémon, Pythéas, Porus, Polybe, Plotin, Protagoras, Pythiades, Pyrrhon, Rufus, Rheginus,
Solon, Sotion, Sosiades, Serenus, Socrate, Stilpon, Speusippe, Straton, Scythinos, Sphairos,
Séleucos, Sévère, Timon, Timée, Taurus, Timagoras, Teles, Hypseos, Philoxène, Philolaos,
Phérécyde, Favorinus, Phintys, Chion, Chrysippe, Charondas, Chilon, et, parmi les cyniques,
Antisthène, Diogène, Cratès, Hegésianax, Onesicritus, Ménandre, Monimus, Polyzelos,
Xanthippus, Theomnestos. Voilà les philosophes qui constituent son recueil.
En tant que poètes, Athénodore, Anaxilles, Archippos, Apollonides, Alcidamas, Aristée,
Antimachus, Antiphane, Aristarque, Archiloque, Achaios, Eschyle, Agathon, Alexis,
Aristocrates, Amphis, Alcée, Aratus, Astydamas, Andronicus, Anaxandride, Aristophane,
Aralochos, Apollodore, Alexander, Anacréon, Axinicos, Aristophon, Bacchylide, Bion,
Biotos, Bathon, Diphilus, Dionysius, Démétrius, Dicaiogenes, Diodore, Dictys,
Euthydamus, Eupolis, Euphronus, Eratosthène, Epicharme, Evenos, Euphorion,
Hermolochos, Euripide, Zénon, Zenodotus, Zopyros, Hésiode, Hérode, Heniochos,
Héliodore, Theodectus, Thespis, Théognis, Théocrite, Thelerophos, Iophon, Hippothoos,
Hipponax, Isidore, Hippothoon, Iulius, Ion, Cléanthe, Cleainetus, Callimaque, Critias,
Cléobule, Cratinus, Carcinus, Cercidas, Callinicos, Clinias, Crantor, Clitomaque, Linus,
Licymnius, Lycophron, Leonidas, Laon, Ménandre, Myron, Moschion, Ménippe, Moschos,
Mimnermus, Melino, Métrodore, Ménophile, Nicostrate, Nicolas, Neophron, Nicomaque ,
Naumachios, Néoptolème, Xénophane, Xénarque, Homère, Orphée, Olympias, Pindare,
Parménide, Posidippe, Pausanias, Polyeides, Patrocleus, Pisandre, Panyasis, Pirithous,
Pompée, Rhianos, Sophocle, Sotades, Simonide, Sosiphanes, Simylos, Sositheos,
Sclerios, Sappho, Sarapion, Sosicrate, Stagimos, Sopater, Sthenides, Sousaron,
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Stésichore, Timostrate, Timocles, Tyrtaios, Telesilla, Hypobolimaios, Hypsaios, Philétas,
Philoxène, Philippidès, Phrynichos, Philonides, Philémon, Phocylide, Philippos,
Phoinicides, Philiscos, Phérécrate, Phanocles, Phintys, Phileos, Chaeremon, Choirilos,
Charès. Tels sont les poètes qu’il cite dans ses chapitres.
Les orateurs, les historiens, les rois et les généraux (car il a également rassemblé les
témoins empruntés à ces groupes) sont les suivants : Aristides, Aristoclès, Aelian, Eschine,
Agathon, Antienne, Archélaos, Gaius, Gorgias, Démosthène, Démade, Demaratus, Ephore,
Zopyros, Hérodote, Hegesiades, Hegesios, Thucydide, Thésée, Théodore, Thrasylle,
Théopompe, Isocrate, Isée, Cornaline, Callisthène, Clitophon, Ctésias, Lysias, Nicias,
Xénophon, Obrimos, Polyainos, Prodicus, Protagoras, Sostrate, Timagoras, Trophilos,
Hypéride, Philostrate, Chrysermos, Alexander, Agésilas, Agathoclès, Antigone, Agis,
Agrippinus, Anaxilaos, Archidamos, Dionysius, Darius, Epaminondas, Eudamidas,
Thémistocle, Iphicrate, Hipparque, Cotys, Clitarque, Lycurgue, Leonidas, Lamachos,
Mallias, Périclès, Pyrrhus, Ptolémée, Sémiramis, Scipio, Scillouros, Timothée, Philippe,
Phocion, Phalaris, Charillus, Chabrias, Charès, Aristophane, Ésope, Antigenidas, Aristote,
Aristides le Juste, le médecin Alcméon, le médecin Antyllos, Arimnestos, Apelle, Bryson,
Glaucon, le médecin Galien, Dicearchos, Dion, Denys, le médecin Dioclès, Euxitheos,
Hermarque, Hermippos, Euryximaque, Euphranias, le médecin Erasistrate, le médecin
Euryphron, Eratosthène, Eubulos, Théopompe, Théocrite, Thymarides, Thynon, le médecin
Hippocrate, Caton, Cephisodores, Kleostratos, Clitomaque, Licymnius, Myson, Métrodore,
Metrocles, Nicostrate, Prausion, Simonide, Seriphios, Sotion, Sostrate, Speusippe.
Voilà donc le nombre des chapitres dans lesquels Jean Stobée a classé les paroles des
auteurs anciens et le nombre d'écrivains, de philosophes, de poètes, d’orateurs, de rois,
et de généraux auxquels il a emprunté pour constituer son recueil. Ce livre est d'une
utilité évidente pour ceux qui lisent les œuvres de ces écrivains, il leur rafraîchira la
mémoire et sera utile à ceux qui ne les ont pas encore approché parce que, grâce à un
exercice constant, ils seront capables en peu de temps d'acquérir une connaissance
sommaire de nombre de belles pensées variées. Ces deux catégories [de lecteurs] ont
l'avantage, naturellement, d'être en mesure de trouver sans effort ou sans perte de
temps, ce qui est recherché si l'on veut passer de ces chapitres aux œuvres complètes.
En outre, pour ceux qui veulent discourir et écrire, ce livre n’est pas sans utilité.
Œuvre numérisée par Marc Szwajcer
http://remacle.org/index2.htm
[1] Le texte qui nous est parvenu est différent de celui que Photius avait devant
lui.
[2] Plage plus brillante d'un halo solaire due à la réfraction des rayons du soleil
sur les petits cristaux de glace qui peuvent se trouver en suspension dans
l'atmosphère (dit aussi faux-soleil).
[3] Les 10 premiers chapitres.
[4] La comparaison de la liste des sujets avec les manuscrits révèle que ceux-ci
sont les chapitres dans l'ordre, avec leurs titres. Ils sont précieux quand les
chapitres sont perdus. Il y a quelques divergences entre la liste et les mss., et le
libellé des titres est à peu près la même. Les deux premiers chapitres sont
presque entièrement perdus. Photius nous permet ainsi de placer divers
fragments de ceux-ci dans leur position correcte. La série des 60 titres de
chapitre nous permet de rétablir les titres des chapitres 2, 52, 54, 58 et 60. Les
chapitres 33-35, 37, 44 et 46 sont perdus.
[5] L'énumération de Photius est également conforme à celle des manuscrits, et
rétablit certains titres de chapitre. Les chapitres 10-14, 16-30, 32 et 34-35 sont
perdus.
[6] Les livres III et IV, à la différence des deux premiers livres, nous sont parvenus
presque complets. Seul le chapitre 1 est perdu.
[7] Ce chapitre, qui est le chapitre 3, manque dans les mss. de Stobée, et ne
nous est connu que par Photius.
[8] Après ce chapitre, qui porte le numéro 11, Photius omet le titre du chapitre 12.
[9] Ce dernier titre n'est pas un titre de chapitre, mais la deuxième partie du
chapitre 38. Le titre du chapitre 39 a été omis.
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Document 5 : Première page du Florilegium, édition princeps de Trincavelli, Venise, 1536.
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Document 6 : Extrait du catalogue de Montaigne contenant des citations de Stobée. Le catalogue de la
librairie de Montaigne contient désormais au moins 65 sentences, dont 29 en grec et 36 en latin, toujours
peintes en capitales de couleur noire. Les mentions /i et /s signalent, pour les textes superposés, l'inférieur
et le supérieur. Pour plus de détails sur l'histoire, les sources livresques et les modèles décoratifs,
l'interprétation et la relation avec le livre de Montaigne, on pourra consulter : Essais sur poutres. Peintures et
inscriptions chez Montaigne, Préface de Michael Screech, par Alain Legros, Klinksieck, 2000.
PREMIÈRE TRAVÉE
- I, i : Vivre de peu, mais à l'abri du mal ! (Théognis, dans Stobée)
- 2, i : Parfaite autonomie: le plaisir véritable. (Sotadès, dans Stobée)
- 3, i : Heureux qui gère son bien avec intelligence. (Ménandre, dans Stobée)
- 3, s : Les outres vides s'enflent de vent, les hommes de prétention. (Socrate, dans
Stobée)
- 4, i : Jamais je ne dirai que le mariage apporte plus de joies que de larmes. (Euripide,
dans Stobée)
- 7, i : Nous tous, les vivants: rien que fantômes, ombre(s) sans poids. (Sophocle, dans
Stobée)
- 9, s : Peut-on se prendre pour un homme supérieur, quand le premier accident venu
vous efface tout entier? (Euripide, dans Stobée)
DEUXIÈME TRAVÉE
- 16, i : La mauvaise piété suit le fumant orgueil comme son père. (Socrate, dans Stobée)
- 17, s : La haute estime de soi, Dieu se la réserve jalousement. (Hérodote, dans Stobée)
- 25 : Qui sait si ce qu'on appelle mort n'est pas vie, si vivre n'est pas mourir? (Euripide,
dans Stobée)
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- 26, i : Rien de plus beau que la droiture, mais rien de plus agréable que la santé.
(Théognis, dans Stobée)
TROISIÈME TRAVÉE
- 41, s : Ce dont tu es le plus fier, la belle image que tu as de toi, voilà ce qui te perdra.
(Ménandre, dans Stobée)
- 42 : Causes du tourment humain: non les choses, mais les idées sur les choses.
(Epictète, dans Stobée)
- 43, s : Il est beau pour le mortel de penser à hauteur d'homme. (Sophocle, dans
Stobée)
Plafond de la bibliothèque de Montaigne au château de Montaigne. Il ornait les poutres de sa bibliothèque de
maximes, en latin ou en grec, d'auteurs anciens. Une seule est en français : «Que sais-je ?». Sur la poutre la
plus proche de son écritoire, l’adage latin de Térence : «Je suis homme et crois que rien d’humain ne m’est
étranger »
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Livre de Stobée
- Joannis Stobaei Anthologium : Recensuerunt Curtius Wachsmuth et Otto Hense..., Berlin, Éd. Weidmann,
1884-1912, rééd. 1958
- Joannis Stobaei Eclogarum physicarum et ethicarum libri duo, recensuit Augustus Meineke..., 1860-1864 ;
Joannis Stobaei Florilegium, ad manuscriptorum fidem emendavit et supplevit Thomas Gaisford', 1822.
- Hermès Trismégiste, Corpus hermeticum. Tome 3 : Fragments extraits de Stobée I-XXII ; éd. et tr. AndréJean Festugière, Les Belles Lettres, 1954
- Hermès Trismégiste, Corpus hermeticum. Tome 4 : Fragments extraits de Stobée XXIII-XXIX. Fragments
divers ; éd. et tr. André-Jean Festugière. Les Belles Lettres, 1954
Livres sur Stobée
- Le cynisme à la renaissance d'Erasme à Montaigne, Michèle Clément et Loys Du Puys, Droz, 2005, page 42-43
- Encyclopédisme et enkyklios paideia. À propos de Jean Stobée et de son Anthologion, Rosa Maria
Piccione, Philosophie antique N°2-2002, Presses Universitaires du Septentrion
- Essais sur poutres. Peintures et inscriptions chez Montaigne, Préface de Michael Screech, Alain Legros,
Klinksieck, 2000
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DIXIÈME SUJET
BOÈCE, LE DERNIER PHILOSOPHE ROMAIN
“Chez les autres créatures vivantes, l'ignorance de
soi-même est nature ; chez l'homme elle est vice.”
Boèce
I
PRÉSENTATION DE BOÈCE
1 - Un étonnant personnage de la fin de l’Antiquité
2 - Homme d’état et philosophe, le retour à une grande tradition romaine
3 - Un philosophe chrétien, un chrétien néoplatonicien
4 - La juxtaposition du christianisme et des traditions spirituelles philosophiques antique
II
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (480-524)
1 - Anicius Manlius Torquatus Severinus Boetius, ou Boèce en français
2 - Des études à Rome, puis à Athènes où domine l’école néoplatonicienne
3 - Ses responsabilités philosophiques sous Théodoric, roi des ostrogoths
4 - Sa disgrâce politique en raison de sa sympathie pour la politique de l'empereur Justinien
5 - Son emprisonnement et sa mort en 524 à Pavie
6 - Après sa mort, sa réhabilitation par la reine Amalasonte (526-535)
III
SON ŒUVRE PHILOSOPHIQUE
1 - Une double œuvre, philosophique et théologique, mais sans mélange
2 - Les commentaires, une programmatique philosophique néoplatonicienne
A - Traduire et commenter Aristote et Platon
B - Puis montrer l’accord entre la philosophie d’Aristote et Platon
C - Un programme philosophique néoplatonicien
D - Un programme ambitieux qu’il ne put que partiellement mener à terme
E - Les traductions d’Aristote
- Les catégories (vers 510)
- De l'interprétation (vers 512)
- Premiers analytiques (vers 513-517)
- Seconds analytiques (vers 513-517)
- Topiques (520)
- Réfutations sophistiques (522)
- L’Isagoge de Porphyre de Tyr (508)
F - Les ouvrages commentés
- Introduction aux catégories d'Aristote. Introductio ad categoricos syllogismos (515)
- Sur le syllogisme catégorique. De syllogismis categoricis (516)
- Sur le syllogisme hypothétique. De hypotheticis syllogismis (517)
3 - Les ouvrages du quadrivium
A - Les traités d’arithmétique : institutio arithmética
B - Les traités astronomiques : Institutio astronomica
C - Les traités géométriques : institutio geométrica
D - Les traités muscicaux : De musica ou De Institutione Musica
4 - Les traités de logique
A - Commentaires sur les Topiques de Cicéron (vers 510)
B - Des syllogismes catégoriques -De syllogismis categoricis (vers 515)
C - Introduction aux syllogismes catégoriques - De syllogismis hypotheticis (vers 517)
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D - Sur les différences topiques - De topicis differentiis (vers 522)
E - De la division - De divisione
5 - Les traités théologiques
A - Le Traité I, De Trinitate (après 520)
B - Le Traité II, Utrum pater
C - Le Traité III, hebdomadibus (vers 518)
D - Le Traité IV, De fide Catholica (vers 520)
E - Le traité V, Contre Eutychès et Nestorius
6 - Une stricte méthode rationnelle, un rationalisme rigoureux
IV
LA CONSOLATION DE PHILOSOPHIE, CONSOLATIO PHILOSOPHIAE
1 - Un livre d’un chrétien néoplatonicien, mais centré uniquement sur la philosophie
2 - Une œuvre personnelle et intime, qui tranche avec le restant de l’oeuvre
3 - Les conditions tragiques de la rédaction vers 524, alors qu’il est emprisonné
4 - La nature de l’œuvre : l’appel à la sagesse stoïcienne et platonicienne
5 - Un dialogue socratique entre Boèce et Philosophie
6 - La composition : un itinéraire philosophique
A - Livre I : l’apparition de la Philosophie
B - Livre II : l’inconstance des choses humaines
C - Livre III : le vrai bonheur est le Bien Suprême, Dieu même
D - Livre IV : malgré les apparences du mal, la Providence ordonne le destin
E - Livre V : la conciliation de la liberté humaine avec l’omniscience divine
7 - Le retour de la grande tradition philosophique socratisante face à la mort
V
L’IMPORTANCE DE BOÈCE DANS L’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
1 - Le dernier des philosophes romains
2 - La dernière grande œuvre philosophique antique
3 - La mise en place du quadrivium classique
4 - Un maillon essentiel de la transmission de l’héritage de la philosophie antique
5 - Un apport philosophique à la théologie médiévale
A - Le modèle du commentaire médiéval
B - L’utilisation de la logique aristotélicienne en théologie
C - La logica vetus (principaux ouvrages)
- Catégories et De l'interprétation de l'Organon d'Aristote, dans la traduction de
Boèce
- Isagoge de Porphyre (vers 268), dans la traduction de Boèce
- Les Topiques de Cicéron (44 AJC), commentés par Boèce
- De topicis differentiis, traité de Boèce
- De divisione, traité de Boèce
- De syllogismis categoricis, traité de Boèce
- De syllogismis hypotheticis, traité de Boèce
- Liber sex principiorum, commentaire anonyme sur la dernière partie des
Catégories d’Aristote
D - Une part importante du lexique philosophique et théologique
6 - La consolation de philosophie, livre universel en philosophie
7 - Mais qui contribua aussi à enfermer la philosophie dans un rôle consolatoire
ORA ET LABORA
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Document 1 : Le royaume ostrogoth à l’époque de Théodoric le grand.
Document 2 : Mausolée de Théodoric le grand à Ravenne, mort en 526.
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Document 3 : Philosophie console Boèce dans sa prison, illustration d’un manuscrit allemand du XIIIème
siècle, le Musica Aldersbracher.
Document 4 : Exemple de numérotation pythagoricienne, transmis par Boèce dans son Arithmetica
(manuscrit du XIème siècle, Bibliothèque municpale de Verdun).
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Document 5 : Boèce enseignant, enluminure d’un manuscrit italien de La Consolation de la philosophie de
1385.
Document 6 : Aux yeux de la postérité, Boèce fit longtemps figure de dernier philosophe de l’Antiquité,
établissant la démarcation entre les anciens et les modernes comme en atteste cet article de l’Encyclopédie
de Diderot.
MODERNE, ce qui est nouveau, ou de notre temps, en opposition à ce qui est ancien.
Voyez ANCIEN.
Médailles modernes sont celles qui ont été frappées depuis moins de trois cent ans.
Voyez MÉDAILLES.
MODERNES, Naudé appelle modernes parmi les auteurs latins, tous ceux qui ont écrit
après Boèce. On a beaucoup disputé de la prééminence des anciens sur les modernes ;
& quoique ceux-ci ayant eu de nombreux partisans, les premiers n'ont pas manqué
d'illustres défenseurs.
Moderne se dit encore en matière de goût, non par opposition absolue à ce qui est
ancien, mais à ce qui étoit de mauvais goût : ainsi l'on dit l'architecture moderne, par
opposition à l'architecture gothique, quoique l'architecture moderne ne soit belle,
qu'autant qu'elle approche du goût de l'antique. Voyez ANTIQUE.
MODERNE, adj. (Matth.) se dit des différentes parties des Mathématiques & de la
Physique, en comparant leur état & leur accroissement actuel, avec l'état où les anciens
nous les ont transmises. L'Astronomie moderne a commencé à Copernic ; la Géométrie
moderne est la Géométrie des infiniment petits ; la Physique moderne étoit celle de
Descartes dans le siecle dernier, & dans ce siècle-ci c'est celle de Newton. Voyez
ASTRONOMIE, GEOMETRIE, NEWTONIANISME & CARTESIANISME.
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Œuvres de Boèce
- Traités théologiques, trad. Axel Tisserand, Garnier-Flammarion, 2000
- Institutio arithmetica, L'institution arithmétique, édi. et trad. par Jean-Yves Guillaumin, Les Belles Lettres, 1995
- Traité de la musique, introduction, traduction et notes, Trad. fr. par Christian Meyer, Brepols, 2004
- Porphyre, Isagoge. Texte grec de Porphyre, traduction latine de Boèce, traduction française de Jules Tricot
(1947), introduction d'Alain de Libera, Paris, Vrin, 1995.
Consolation de Philosophie
- Consolation de philosophie, Jean-Yves Guillaumin, Les Belles Lettres, 2002
- Consolation de philosophie, Colette Lazam, Paris et Marseille, Rivages-Petite Bibliothèque Rivages, 1989
Livres sur le sujet
- Pars theologica : logique et théologique chez Boèce, Axel Tisserand, Vrin, 2009
- Le temps, l'éternité et la préscience de Boece à Thomas d'Aquin, J. Marenbon, Vrin, 2005
- Écoles et enseignement dans le haut Moyen Âge, Pierre Riché, Picard, 2000
- La logique et son histoire, Robert Blanché, Colin, 1970
- La Consolation de Philosophie dans la tradition littéraire : Antécédents et postérité de Boèce, Pierre
Courcelle, Études augustiniennes, 1967
- Les Lettres Grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Pierre Courcelle, Éditions de Boccard, 1948
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d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site :
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2 - TÉLÉCHARGEMENT : vous commandez la conférence
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3 - VENTE PAR CORRESPONDANCE : vous trouverez des
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CATALOGUE AUDIOTHÈQUE, sur notre site et à la MAISON
DE LA PHILOSOPHIE.
4 - À la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse.
Pour renseignements et commandes, contactez la MAISON DE LA
PHILOSOPHIE
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QUE CECI SOIT LA FIN DU LIVRE ...
... ET NON CELLE DE LA DÉMARCHE
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