CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LE SAVOIR NE FAIT PAS CONNAISSANCE POUR AUTANT L’intériorisation de la connaissance CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-017 LE SAVOIR NE FAIT PAS LA CONNAISSANCE L’intériorisation de la connaissance conférence d’Éric Lowen donnée le 22/07/2008 à la Maison de la philosophie à Toulouse Les acquis collectifs des voies de la connaissance doivent être complétés par un travail intérieur individuel pour transformer, de manière initiatique, les connaissances extérieures en connaissances intérieures. Tant que ce travail de compréhension n’est pas accompli, nous restons des ignorants revêtus des oripeaux de connaissances acquises par d’autres. C’est ainsi que nous pouvons jongler avec des savoirs rationnels, en les appliquant comme des recettes de cuisine, sans comprendre leur nature ni leurs implications. Détenir un savoir ne suffit pas, il faut encore le comprendre pour le transformer en connaissance consciente. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 2 LE SAVOIR NE FAIT PAS CONNAISSANCE POUR AUTANT L'intériorisation de la connaissance PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN La leçon des faits n’instruit pas l’homme prisonnier d’une croyance ou d’une formule. Gustave Le bon (1841 - 1931) I LA RELATION COMPLIQUÉE DE L’HOMME AVEC LA CONNAISSANCE 1 - La relation compliquée de l’homme avec la connaissance 2 - Le savoir ne fait pas connaissance pour autant, nous sommes facilement des savants ignorants 3 - L’axe épistémologique : la connaissance extérieure, relation de la connaissance avec le monde 4 - L’axe cognitif : la connaissance intérieure, relation de la connaissance avec le sujet 5 - Le test pisan, instrument de distinction entre savoir et connaissance intérieure II LA NOTION DE CONNAISSANCE DANS LES VOIES DE LA CONNAISSANCE 1 - Principe de la connaissance, le domaine du savoir vrai 2 - Une information sur le réel, de nature rationnelle et objectivisée 3 - Fruit des voies de la connaissance, dans le cadre de la conquête des savoirs 4 - Une connaissance de nature collective et extérieure au sujet 5 - La connaissance se traduit par un pouvoir sur le monde 6 - Une connaissance que l’on peut qualifier d’extérieure III L’INTÉRIORISATION DE LA CONNAISSANCE 1 - L’apparition d’une nouvelle question : celle de la relation du sujet avec la connaissance 2 - Les connaissances détenues par l’Humanité ne font pas connaissances individuelles pour autant 3 - Les quatre degrés progressifs : croyance, savoir, connaissance et connaissance intérieure 4 - La connaissance intérieure, l’intériorisation de la connaissance 5 - Un progrès en terme de compréhension et non un progrès de la connaissance 6 - De la conscience informée à la transformation du sujet par cette connaissance 7 - Une connaissance qui participe doublement de ce que nous sommes 8 - La connaissance intérieure donne un pouvoir sur soi, dans le domaine de l’Être 9 - Un passage de la rationalité de la connaissance à la rationalisation de soi 10 - L’utilisation existentielle et philosophique de la connaissance IV LES CONDITIONS DE L’INTÉRIORISATION DE LA CONNAISSANCE 1 - L’application des principes des voies de la connaissance pour s’approprier la connaissance 2 - Un travail de réflexion, de compréhension, de mise en relation .... bref, d’intelligence ! 3 - L’évaluation de la signifiance ontologique de cette connaissance 4 - Une double qualification du sujet et de ses connaissances 5 - Le propre de la connaissance-lumière, par différence avec la connaissance-pratique 6 - Un processus initiatique, une prise de conscience et une élévation de soi V CONCLUSION 1 - Leur complémentarité et leur synergie pour l’épanouissement et l’accomplissement humain 2 - L’importance de l’harmonie entre la connaissance intérieure et la connaissance extérieure 3 - Veiller à développer la connaissance intérieure à partir des connaissances extérieures 4 - L’intériorisation de la connaissance extérieure, base de la démarche philosophique ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 3 Document 1 : Le test Pisan. Dans le cadre des voies de la connaissance, le test pisan est un test d’évaluation des connaissances acquises par le sujet. Il ne s’applique pas à la connaissance en soi, mais au sujet connaissant, il interroge le sujet sur la manière dont il détient ces informations et sur ce qui lui fait penser que ces affirmations sont vraies. Le test pisan peut s’énoncer ainsi : nous savons que la tour de Pise est penchée, nous accordons foi à cette information, mais pour quelles raisons ? Qu’est-ce qui nous permet de dire que ce que nous savons est bien une connaissance, alors même que le contenu de l’affirmation est exact. Car croire qu’une tour puisse pencher depuis 1173 avec un décalage de près de 5 m au sommet par rapport à l’axe vertical sans s’écrouler, est plus que contradictoire avec le sens commun rationnel et la logique usuelle. Une photo ? ça se truque. Un film ? Idem. Des témoignages ? Idem. Peu de gens sont allés à Pise au regard du nombre de personnes qui affirment qu’il existe bien une tour penchée à Pise alors qu’ils n’en n’ont aucune expérience personnelle. Ils y croient donc la plupart du temps par habitude, par consensualisme (si tous le disent alors c’est que cela doit être vrai), par effet d’autorité, etc. Au sens littéral, la plupart sont donc dans le domaine de la croyance, ils détiennent une information quant à cette tour, mais dans leur relation avec ce savoir, ils sont dans l’ordre de la croyance. À d’autres époques, on leur aurait parlé de la même manière d’hommes à quatre bras ou de centaures vivant dans une île lointaine, et ils l’auraient cru. Le test pisan consiste à appliquer le même raisonnement évaluateur à toute affirmation. Il a pour fonction de mettre en lumière l’éventuelle infondation intérieure de ce que nous pensons être des connaissances en nous parce que ce sont des connaissances collectives dans le domaine scientifique. Au sens de la méthode cartésienne, c’est un révélateur de croyances, plus particulièrement de réelles connaissances mais détenues par les individus en tant que croyance. Il indique au passage que l’expérience personnelle du sujet pensant est essentielle dans le rapport à la connaissance, que connaître, ce n’est pas seulement remplir un esprit d’information de manière passive. Éric Lowen Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 4 Document 2 : Les quatre niveaux qualitatifs et progressifs (la proportion géométrique des cercles n’est donnée qu’à titre d’illustration). Noter le fait que cela doit nous amener à beaucoup d’humilité puisque la somme de nos connaissances intériorisées, celles qui nous qualifient vraiment comme sujet, sont très peu nombreuses par rapport à la quantité de croyances (idées spontanées), de simples savoirs et de connaissances non intériorisées. CONNAISSANCE INTÉRIORISÉE CONNAISSANCE SAVOIR CROYANCE niveau de la pensée spontanée, de l’opinion, ... etc. Document 3 : Le rapport de la conscience avec la connaissance extérieure et la connaissance intérieure. Connaissances non intériorisées champ interne de la conscience humaine, niveau sensible et décisionnel, zone de la connaissance interne Conscience champ extérieure de la conscience humaine superficiel et extérieur au niveau causal de la personnalité humaine, zone de la connaissance externe Connaissances intériorisées Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 5 Document 4 : Dans le Petit Prince de Saint-Exupéry, la parabole du géographe illustre la problématique de la connaissance intérieure et de la connaissance extérieure. La sixième planète était une planète dix fois plus vaste. Elle était habitée par un vieux Monsieur qui écrivait d'énormes livres. — Tiens ! voilà un explorateur ! s'écria-t-il, quand il aperçut le petit prince. Le petit prince s'assit sur la table et souffla un peu. Il avait déjà tant voyagé ! — D'où viens-tu ? lui dit le vieux Monsieur. — Quel est ce gros livre ? dit le petit prince. Que faites vous ici ? — Je suis géographe, dit le vieux Monsieur. — Qu'est-ce qu'un géographe ? — C'est un savant qui connaît où se trouvent les mers, les fleuves, les villes, les montagnes et les déserts. — Ça c'est bien intéressant, dit le petit prince Ça c'est enfin un véritable métier ! Et il jeta un coup d'œil autour de lui sur la planète du géographe. Il n'avait jamais vu encore une planète aussi majestueuse. — Elle est bien belle, votre planète. Est-ce qu'il y a des océans ? — Je ne puis pas le savoir, dit le géographe. — Ah ! (Le petit prince était déçu.) Et des montagnes ? — Je ne puis pas le savoir, dit le géographe. — Et des villes et des fleuves et des déserts ? — Je ne puis pas le savoir non plus, dit le géographe. — Mais vous êtes géographe ! — C'est exact, dit le géographe, mais je ne suis pas explorateur. Je manque absolument d'explorateurs. Ce n'est pas le géographe qui va faire le compte des villes, des fleuves, des montagnes, des mers, des océans et des déserts. Le géographe est trop important pour flâner. Il ne quitte pas son bureau. Mais il y reçoit les explorateurs. Il les interroge, et il prend en note leurs souvenirs. Et si les souvenirs de l'un d'entre eux lui paraissent intéressants, le géographe fait faire une enquête sur la moralité de l'explorateur. — Pourquoi ça ? — Parce qu'un explorateur qui mentirait entraînerait des catastrophes dans les livres de géographie. Et aussi un explorateur qui boirait trop. — Pourquoi ça ? fit le petit prince. — Parce que les ivrognes voient double. Alors le géographe noterait deux montagnes, là où il n'y en a qu'une seule. — Je connais quelqu'un, dit le petit prince, qui serait mauvais explorateur. — C'est possible. Donc, quand la moralité de l'explorateur paraît bonne, on fait une enquête sur sa découverte. — On va voir ? Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 6 — Non. C'est trop compliqué. Mais on exige de l'explorateur qu'il fournisse des preuves. S'il s'agit par exemple de la découverte d'une grosse montagne, on exige qu'il en rapporte de grosses pierres. Le géographe soudain s'émut. — Mais toi, tu viens de loin ! Tu es explorateur ! Tu vas me décrire ta planète ! Et le géographe, ayant ouvert son registre, tailla son crayon. On note d'abord au crayon les récits des explorateurs. On attend, pour noter à l'encre, que l'explorateur ait fourni des preuves. — Alors ? interrogea le géographe. — Oh ! chez moi, dit le petit prince, ce n'est pas très intéressant, c'est tout petit. J'ai trois volcans. Deux volcans en activité, et un volcan éteint. Mais on ne sait jamais. — On ne sait jamais, dit le géographe. — J'ai aussi une fleur. — Nous ne notons pas les fleurs, dit le géographe. — Pourquoi ça! c'est le plus joli! — Parce que les fleurs sont éphémères. — Qu'est-ce que signifie : “éphémère” ? — Les géographies, dit le géographe, sont les livres les plus précieux de tous les livres. Elles ne se démodent jamais. Il est très rare qu'une montagne change de place. Il est très rare qu'un océan se vide de son eau. Nous écrivons des choses éternelles. — Mais les volcans éteints peuvent se réveiller, interrompit le petit prince. Qu'est-ce que signifie “éphémère” ? — Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ça revient au même pour nous autres, dit le géographe. Ce qui compte pour nous, c'est la montagne. Elle ne change pas. — Mais qu'est-ce que signifie “éphémère” ? répéta le petit prince qui, de sa vie, n'avait renoncé à une question, une fois qu'il l'avait posée. — Ça signifie “qui est menacé de disparition prochaine”. — Ma fleur est menacée de disparition prochaine ? — Bien sûr. Ma fleur est éphémère, se dit le petit prince, et elle n'a que quatre épines pour se défendre contre le monde ! Et je l'ai laissée toute seule chez moi ! Ce fut là son premier mouvement de regret. Mais il reprit courage : — Que me conseillez-vous d'aller visiter ? demanda-t-il. — La planète Terre, lui répondit le géographe. Elle a une bonne réputation... Et le petit prince s'en fut, songeant à sa fleur. Antoine de Saint-Exupéry (1900 - 1944) Le Petit Prince, chapitre 14, 1943 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 7 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE PHILOSOPHIQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des milliers d’autres Tous nos cycles de cours et nos conférences sont enregistrés et disponibles auprès de notre service AUDIOTHEQUE sur notre site internet et à la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILOTHÈQUE EN LIGNE : Toutes nos conférences sont téléchargeables à partir de notre site internet. Les enregistrements sont au format MP3 et accompagnés de documents PDF. Un moteur de recherche vous permettra de trouver rapidement la conférence qui vous intéresse. 2 - PHILO REPLAY : Abonnements annuels à tous les podcasts de la saison en cours. 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Tapponnier, L.R. Brown et J. Girardon, Seuil, 2000 - Intelligence de la complexité, Edgar Morin, L’Harmattan, 1999 - Des sources de la connaissance et de l'ignorance, Karl Popper, Rivages, 1998 - Petite philosophie à l’usage des non-philosophes, Albert Jacquard, Calmann-Lévy, 1997 - La revanche des sorcières, Pierre Thuillier, Belin, 1997 - La plus belle histoire du monde, Hubert Reeves, Joël De Rosnay, Yves Coppens, Dominique Simonnet, Seuil, 1996 - Minerve ou de la Sagesse, Alain (1939), La Table Ronde, 2001 - Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (1881), Folio, 1992 - Qu’est-ce que les Lumières ?, Emmanuel Kant (1784) - Discours de la méthode, René Descartes (1637), Gallimard, 1991 - Les Essais (3 tomes), Michel Eyquem de Montaigne (1580), Gallimard, 1982 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-017 : “Connaissance extérieure et connaissance intérieure” - 17/05/2003 - page 10