Shutter Island, de Martin Scorcese : la folie de l`intérieur

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La Chronique Cinéma de Sophie Jama
Shutter Island, de Martin Scorcese : la folie de l’intérieur
par Sophie Jama
PhD en Anthropologie
La folie de l’intérieur, c’est ce que montre génialement Martin Scorcese dans son dernier film
Shutter Island. Car ce n’est pas tant l’institution psychiatrique telle qu’elle existait dans les années
50 aux États-Unis qui nous est présentée. Plutôt la confusion psychique qui, à des degrés divers,
menace peut-être n’importe qui, parmi nous…
L’action se passe dans la Baie de Boston en 1954. Une ancienne forteresse sert de prisons aux malades
mentaux les plus dangereux, des fous criminels. L’hôpital / prison est situé sur l’île de Shutter, entourée de
falaises à pic et dont il est impossible de s’évader, et parce que battue par les vents, sujette à des tempêtes
violentes.
Une prisonnière / patiente Rachel Solando (jouée par Emily Mortimer) a pourtant disparu. Enfermée là parce
qu’elle a tué ses trois enfants, elle a échappé, on ne sait comment, à la vigilance de ses gardes et demeure
introuvable.
Le Marshall Teddy Daniels (superbement joué par Léonardo DiCaprio) et son coéquipier Chuck Aule (un
second rôle parfaitement tenu par Mark Ruffalo) sont accueillis par le docteur psychiatre John Cawley
(interprété par le grand Ben Kingsley) pour mener leur enquête. Le Docteur Cawley et les autres psychiatres
se veulent fort préoccupés de la guérison et du confort de leurs patients. Mais qu’en est-il vraiment ?
Ce film adapté du roman Shutter Island de Dennis Lehane, débute comme un thriller dans lequel le héros
courageux et déterminé se heurte à une institution dont les membres refusent de collaborer à ses
recherches intelligentes et rationnelles. Comment traite-t-on vraiment les patients dans cet hôpital
psychiatrique ? Que renferme le pavillon C, inaccessible aux enquêteurs ? Que se trame-t-il dans le phare,
près de l’île ?
Le Marshall Teddy Daniels a fait partie de ces soldats qui ont libéré Dachau, l’un des pires camps de la mort
nazis. Il sait ce que des hommes sont capables de faire à d’autres. Il est un Américain fier de sa nation et il
redoute plus que tout un comportement des siens qui ressemblerait même de loin à celui des nazis. Il met
toute son énergie à tenter de comprendre ce qui se passe dans ce lieu étrange, Shutter Island, où on ne lui
dit pas toute la vérité. Mais lui-même est en proie à des difficultés personnelles. Sa femme, qu’il aime
toujours, est morte dans un incendie, et elle ne cesse de hanter ses rêves. Des images de la guerre et des
camps de la mort lui reviennent la nuit. Il est sujet à des migraines violentes.
Le film alterne entre vie réelle et souvenirs, rêves et hallucinations, entre des scènes d’action spectaculaires
et d’autres d’une grande émotion.
Un patient nommé Andrew Laeddis (joué par Elias Koteas) intéresse particulièrement le Marshall sur
Shutter Island. Et c’est peut-être à la recherche de ses démons personnels et de lui-même qu’est,
finalement, Teddy Daniels, à l’occasion de cette enquête qui se termine différemment de ce qu’on aurait pu
soupçonner...
Shutter Island, USA 2010, de Martin Scorcese, avec Léonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley,
Michelle Williams, Emily Mortimer, Elias Koteas. D’après le roman Shutter Island (2004) de Dennis
Lehane. Projeté en version originale anglaise, sous-titrée en français, au cinéma du Parc, à Montréal.
Le 2 mars 2010
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