28 MARDI 11 DECEMBRE 2012 MARDI 11 DECEMBRE 2012 29
À
90 km/h en ville,160 hors agglomé
ration, mieux vaut ne pas avoir l’es
tomac fragile.Une fois l’intervention
lancée,tout est une question de minutes.
Ce jourlà, il n’en faut pas une vingtaine
pour que le véhicule de secours rejoigne
unemaison de retraite chablisienne,de
puis le CHA. Sortie de l’hôpital, l’équipe
médicale n’aplus qu’un objectif :êtrele
plus rapidement possible sur les lieux. Et
peu importe pour l’ambulancier que les
sièges en cuir,àl’arrièreduvéhicule,
soient particulièrement glissants.Aux
passagers la responsabilité d’êtrebien at
tachés.
L’intervention
de secours est lancée
en trois àcinq minutes
Entreledéclenchement d’un secours
par le médecin régulateur et le départ, il
ne doit pas s’écouler plus de trois minu
tes en semaine,cinq le weekend. Un laps
de temps particulièrement réduit pen
dant lequel l’ambulancier doit préparer
l’itinéraire, embarquer àbordduvéhicule
et récupérer le reste de l’équipe,médecin
et infirmier,généralement occupés au
service des urgences.Silelieu où doivent
se rendreles secours est situé àplus de
20 km de l’hôpital, et si les conditions cli
matiques le permettent, le Samu envoie
l’hélicoptère. Avec le Samu de Dijon, celui
de l’Yonne est le seul de la région àdispo
ser d’un service de secours héliporté.
Qu’elles se déplacent par voie terrestre
ou aérienne,les équipes de premiers se
cours adoptent toutes la même philoso
phie,qui pourrait se résumer en une
phrase :prendreletemps de ne pas per
dredetemps.«Ilnefaut pas confondre
vitesse et précipitation », remarque Gla
dys FrançoisHaugrin, cadreduSamu.
Àchacun son rôle
Lorsqu’elle arriveprès du patient, Véro
niqueDrouin, médecin urgentiste,vérifie
tout :constantes,tension, rythme cardia
que,etc.Après les soins d’urgence si né
cessaire. Le reste de l’équipe connaît son
rôle sur le bout des doigts.Del’ambulan
cier qui sait par cœur le contenu de cha
que mallette et est capable de donner les
produits adaptés en fonction des requê
tes,àl’infirmier qui effectue les premiers
relevés et prodigue les premiers soins,
jusqu’à la décision finale du médecin.
«Jem’assureque le patient est stable et
que tout est OK avant de le transporter »,
explique Véronique Drouin. La pression
est donc rare en ambulance ou dans l’hé
lico.«Letransportdoit êtreunmoment
calme parce que tout doit êtregéré avant.
On prépareaumaximum tout ce dont on
peut avoir besoin pendant le trajet », ex
plique Arnaud,infirmier.D’autant que si
un problème survient, l’ambulance est
obligée de s’arrêter et l’hélico,desepo
ser.Mais le plus souvent, le travail de
l’équipe consiste essentiellement, àcet
instant, àmaintenir la stabilité du patient
et, au besoin, àlerassurer.
Au CHA, les services du Samu et des ur
gences sont couplés.Sibien que lors
qu’un médecin prend en charge un pa
tient, il le suit depuis les premiers secours
jusqu’à son admission dans un service,
après passage aux urgences.Excepté s’il
est appelé sur une nouvelle intervention.
C’est alors l’un des praticiens de perma
nence aux urgences qui récupèreledos
sier.Sans que ces transitions ne semblent
inquiéter aucun des membres de l’équi
pe,tous habitués àtravailler pour l’un et
l’autredes services.«Nous ne sommes
pas spécialistes partout, mais nous som
mes capables de stabiliser toutes les pa
thologies aiguës », rappelle le docteur
Ibrahim Taleb,duSamu. ■
Secours
Les équipesdesecourssont rôdées aux
soins d’urgence. Si ellessont bien conscien-
tesque chaque minute compte,elles pren-
nent le temps de faire au mieux.
URGENCE. Lessecours, une fois lancés,arrivent rapidement sur les lieux d’intervention.
Christian Sigonneau aobtenu son diplôme d’infirmier en
1983, et s’est spécialisédans l’urgence, il ya20ans.
■Pourquoi vous êtrespécialisédans la médecine d’urgence ?
Je suis passé par d’autres services,mais je me suis rendu
compte que j’étais plus àl’aise dans les gestes techniques,
alors que certains collègues les fuyaient. Plus tard, j’ai es
sayé de me sauver des urgences,jevoulais m’en aller.Peut
êtreque j’étais fatigué, ou blasé. Peutêtre… Sûrement
d’ailleurs !Mais je ne suis pas allé au bout de la démarche.
■Et le Smur ? C’était l’évolution logique de ma carrière.
C’était la même chose que ce que je faisais àl’hôpital,
mais àl’extérieur.Çamesortait de la routine.Jemesuis
spécialisé dans lessorties hélico.Onvaaudevant de ca
tastrophes.Dans la gravité, c’est l’échelon audessus.
■Comment définiriez-vous votrerôle ? C’estune aide para
médicale au service du médecin et du patient. Je ne me dis
pas que je vais sauver le monde,que je vais fairedubien
ou du mal, que les patients le méritent ou pas.Ils ont un
besoin, j’yréponds avec mon savoir et mes compétences.
“L’inconvénient,quand ça dure
longtemps, c’est qu’on s’attache”
■Qu’est-ce qui rend la tâche difficile ? Ce n’est pas désagréa
blederendreservice.Même si, des fois,onleregrette.Un
jour,onasecouruquelqu’un qui avait pris son véhicule
après avoir bu. Quelques mois plus tard, il atué quelqu’un
sur la route… Je crois qu’il ne faut pas trop avoir de senti
ments,même si notrechef nous dit de fairepreuvede
compassion. Elle araison, mais il ne faut pas aller jusqu’au
bout. La population abesoin d’entendrelavérité.
■Vosmeilleurs souvenirs ? J’aime bien lesnaissances.Onfait
partie de la fête.Etaussi le fait de participer au sauvetage
d’une personne.Onsedit :“J’ai été un maillon de cette
chaîne de survie.”
■Les pires?Il yades choses très très très très difficiles
(qu’il refuse de détailler,NDLR). En raison du contexte,des
faits,delalongueur de l’intervention. L’ inconvénient
quand ça durelongtemps,c’est qu’on s’attache ;par exem
ple quand on tient la main d’une personne qui est sous
une voiturependant cinq ou six heures.Des fois,çasepas
se bien, d’autres non… Desfois,onsait qu’ils vont mourir ;
des fois,ils le savent aussi.
■Il yadelafierté, de la prétention?De la fierté oui. Mais
avec le recul, je me rends compte que je ne suis pas indis
pensable.J’ai peutêtreeucette prétention au début. Mais
on finit par se rendrecompte qu’il yaeudumonde avant,
qu’il yenauraaprès.
■De la culpabilité ? On ne peut pas aller plus loin que nos
compétences.Onn’est pas Dieu, on est là pour réparer.On
ades limites.Jenefais pas de cauchemars.C’est le fardeau
de chaque infirmier qui commence.Cequi est nouveau est
beaucoup plus marquant. Mais je n’en fais plus.
■Au crépuscule de votrecarrière, comment la regardez-vous ?
La retraite,estce que j’en ai vraiment envie… Je ne sais
pas.Jecommence àvivreensociété. C’est un métier qui
prend beaucoup de place,onadumal àêtreaveclafa
mille et àsefairedes amis.Mais je suis content de l’avoir
fait. Je préparemaretraite doucement. J’enseigne les soins
d’urgence et je suis formateur hélico.Cequi compte désor
mais,c’est de transmettremon savoir. ■
CHRISTIAN SIGONNEAU. Infirmierurgentiste.
Témoignage
«Onn’estpas Dieu»
640
C’est, en euros, le prix de
la demi-heure d’intervention
avecunvéhicule de secours
terrestre.
34
En euros, c’est le prix de la
minutedevol en hélicolors
d’une intervention héliportée
du Samu.
■LESCOÛTS ■LES MOTS DE LA MÉDECINE D’URGENCE
Samu
Serviced’aide médicaleurgente,c’est
le service de régulationmédicaledes
urgences d’une régionsanitaire(ici, l’Yonne).
Il apporte l’assistancepré-hospitalière (dans
la rue,àdomicile,sur le lieu de travail, etc.)
aux victimes d’accidents ou d’affections
soudaines en état critique. Le médecin
régulateur gère les moyens et oriente les
patientsvers les services les plus adaptés à
leur cas.
Smur
Servicemobile d’urgence et de réanimation,
il s’agitd’un service hospitalier,qui possède
une ou plusieurs Unitémobile hospitalière
(UMH),destinées àdélivrer des soins intensifs
dans le cadredel’aide médicaleurgente,
hors de l’hôpital.
Il peut aussi effectuer destransports entre
hôpitaux lorsqu’un patient nécessite des
soinsouune surveillance intensive pendant
sontrajet.
VRM
Véhicule radio-médicalisé,c’est un véhicule
léger (voiture) qui transportel’équipe
médicale(médecin, infirmier et ambulancier)
et tout le matériel permettant des
interventions d’urgence. Il est en contact
avec la régulationmédicalepar
radiotéléphonie. L’envoi d’un VRMest
complémentaire àl’envoi d’une ambulance
ou d’un véhiculedesecours et d’assistance
aux victimes (VSAV).
Primaire/secondaire
S’agissant des sorties Smur,untransport
primaire est celuiqui découle d’une
interventiondirecte sur un lieu où un patient
nécessitedes soins d’urgence.
Un transport secondaire,ouinterhospitalier,
est le transport médicalisé d’un patient d’un
hôpital àunautre. Il intervient lorsque le
malade abesoin de soins ou d’explorations
spécialisés que ne peut faire l’hôpital
d’origine.
Àtoute vitesse,maissansprécipitation