lire le cinquieme volet - GCS Sud de l`Yonne et Haut Nivernais

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MARDI 11 DECEMBRE 2012
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À cœur ouvert
Le Samu toujours sur le fil
Régulation
è 3 QUESTIONS À
Le cinquième volet de notre série
consacrée à l’hôpital d’Auxerre
s’intéresse au Samu. Centre névralgique, la salle de régulation
vit au rythme des sonneries du
téléphone. Tous les appels passés
au 15 dans l’Yonne y aboutissent.
MOHAMED DYANI
REPORTAGES
Médecin régulateur
Volet réalisé par
Laurenne Jannot (textes)
et Florian Salesse (photos)
En quoi consiste le rôle
du médecin régulateur ?
[email protected]
La partie conseil est très
importante dans la régulation.
Cela va du simple avis pour
de la fièvre ou une douleur
jusqu’au déclenchement d’une
équipe médicale héliportée. À
chaque fois, nous devons poser
les bonnes questions, pour
évaluer le degré d’urgence.
I
l y a des moments cal­
mes, d’autres moins ; une quin­
zaine d’inter ventions en un
week­end, une pleine journée
sans un seul appel vital. « C’est
aléatoire » ; « ça dépend des
jours » ; « il n’y a pas de ten­
dance », sont autant de constats
que partagent les membres de
l’équipe de régulation, au pre­
mier étage du bâtiment du
Samu. Sur place, outre le méde­
cin régulateur, il y a toujours
deux assistants de régulation
médicale (ARM), parfois trois
selon les besoins, chargés d’éva­
luer l’urgence des appels avant
de les transmettre au profes­
sionnel de santé. Tous sont rac­
cordés aux autres par le biais
d’un système informatisé qui
enregistre aussi bien les don­
nées relatives aux patients, aux
interventions, que les appels,
conservés pour vérification en
cas de plainte auprès de la di­
rection. Un cas de plus en plus
fréquent d’après les profession­
nels sur place.
Les ARM sont habitués aux ca­
nulars, qu’ils ont appris à re­
connaître, et aux appels pour
rien, ou pas grand­chose : un
mal de ventre passager, une
égratignure, ou l’avis du docteur
sur la prise d’un cachet pour la
tête. La dernière mode, ce sont
Quelles sont les difficultés
que vous rencontrez ?
La demande de chacun est
qu’on leur envoie une équipe
à domicile. La difficulté, c’est
d’affiner les besoins pour
adapter les moyens. Il y a
beaucoup de pression de la
part des patients. Les gens
sont de plus en plus exigeants.
SECOURS. Les agents de régulation envoient les équipes en fonction de leur proximité avec le lieu d’intervention.
les adultes qui encadrent des
groupes d’enfants et qui doivent
désormais appeler le Samu
avant d’administrer un produit
à un mineur dont ils ont la
charge.
Il y a aussi les appels plus sé­
rieux, souvent des accidents sur
la voie publique ou des arrêts
cardiaques, pour lesquels ils
sont habilités à lancer eux­mê­
mes l’intervention, sans même
attendre la validation par le pra­
ticien hospitalier. Formés sur le
tas, les ARM sont le premier fil­
tre avant le médecin régulateur.
Dans la plupart des cas, après
avoir échangé avec le docteur,
et si besoin est, l’appel revient
sur la ligne des ARM, qui sont
■ À chaque situation son mode de transport
Si le secours intervient sur le lieu de travail ou au domicile d’un
particulier, le Samu fait appel à un ambulancier privé, à condition que
le secours ne relève pas de l’urgence vitale. Dans ce cas, les pompiers
sont envoyés sur place, pour transporter le patient, secouru par une
équipe du Smur. Les pompiers peuvent aussi être envoyés “en carence”,
si aucune ambulance privée n’est disponible.
chargés de déclencher les se­
cours (ambulance privée, pom­
piers, hôpital de Sens où l’une
des antennes du CHA à Joigny,
Tonnerre, Avallon ou Clamecy),
toujours choisis en fonction de
leur proximité avec le lieu d’in­
tervention. Le médecin régula­
teur reste, lui, informé de la si­
tuation tout au long de
l’intervention. ■
è L’ARM. Il accueille, écoute et analyse
chaque appel dans les plus brefs délais, et
localise le plus précisément possible l’adresse
de chaque intervention. Il procède à la
hiérarchisation des appels par un
interrogatoire bref et précis. Lors d’une
intervention, il s’assure de la destination et de
la position de chaque intervenant, recueille
les bilans et prévient les structures d’accueil
à la demande du médecin régulateur.
Comment parvenez-vous
à la meilleure réponse ?
L’interview téléphonique, c’est
comme un entonnoir. On ferme
les yeux et on s’imagine sur
place. On demande d’abord
aux gens de se présenter.
Ensuite, il faut employer un
langage simple, pour avoir une
idée claire de la situation.
La première chose, c’est de
rassurer et de détendre le
patient. Parfois, le risque, c’est
de sous-évaluer la situation.
Il faut toujours avoir un œil
neuf sur le patient et faire un
examen pour ne pas passer à
côté de quelque chose. Nos
prises de décisions ne sont pas
innées. C’est toujours un
raisonnement médical, c’est
comme un algorithme.
Ambulanciers
Au rez-de-chaussée, l’équipe entre attente, préparation et célérité
Lorsqu’ils ne sont pas sur une intervention, les secours restent
leur principal sujet de conversation. Le rez-de-chaussée, havre
des ambulanciers, résonne des
nombreuses anecdotes qu’ils ont
à raconter. Toujours sur la brèche, ils doivent être prêts à partir
dès que l’alarme retentit.
L’équipe est constituée de
quatorze ambulanciers, enca­
drés par Laurent Privé. Quatre
d’entre eux sont mobilisés par
jour, par équipe de deux, en
deux fois douze heures. En cas
de troisième départ, c’est le ca­
dre qui s’y colle. Une entreprise
privée est chargée d’assurer
tous les transports intra­hospi­
taliers.
Les ambulanciers ont des obli­
gations propres à leur fonction :
connaître la cartographie de
PRÉPARATION. Hors intervention, les ambulanciers ont diverses obligations.
leur secteur, être aptes à con­
duire dans n’importe quelle
condition. Sur neige, sur glace,
ils ont régulièrement des forma­
tions spécifiques. En plus du
permis B, ils doivent avoir obte­
nu leur permis poids lourd, être
titulaire du diplôme d’État
d’ambulancier et de la Forma­
tion d’adaptation à l’emploi
(FAE) ambulancier­Smur.
Mais loin de n’être tenus qu’au
transport, ils sont aussi la pre­
mière main des secours. Une
heure de vérification des équi­
pements à chaque prise de pos­
te, matin et soir ; un inventaire
complet une fois par mois, au
cours duquel les VRM sont vi­
dés et nettoyés. Chaque mem­
bre de l’équipe est référent de
quelque chose : pharmacie, hy­
giène, véhicules, cartographie,
gestes d’urgences, etc. Ce sont
eux, aussi, qui préparent tous
les kits, d’urgences, de prélève­
ments, et qui assurent le réas­
sort. Ils connaissent par cœur
les codes couleurs. Mallette
rouge : circulatoire ; mallette
bleue : ambulatoire ; mallette
jaune : médicaments. Et encore,
en plus de ces valises, ils s’assu­
rent que le double de chaque
produit est présent dans les ti­
roirs, à l’arrière des voitures.
Ils n’ont pas de formation mé­
dicale. Mais, minutie de la pré­
paration oblige, ce sont eux qui,
lors d’une intervention, passent
les produits. Eux aussi qui, une
fois utilisés, rangent les déchets
en toute sécurité. Ils n’inter­
viennent pas sur les patients,
mais ne ratent pas une miette
de leur prise en charge. Le livre
d’or des secours, en somme. ■
■ WEB
Retrouvez les témoignages d’ambulanciers du Samu sur
www.lyonne.fr
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À cœur ouvert
À toute vitesse, mais sans précipitation
Secours
Les équipes de secours sont rôdées aux
soins d’urgence. Si elles sont bien conscientes que chaque minute compte, elles prennent le temps de faire au mieux.
À
90 km/h en ville, 160 hors agglomé­
ration, mieux vaut ne pas avoir l’es­
tomac fragile. Une fois l’intervention
lancée, tout est une question de minutes.
Ce jour­là, il n’en faut pas une vingtaine
pour que le véhicule de secours rejoigne
une maison de retraite chablisienne, de­
puis le CHA. Sortie de l’hôpital, l’équipe
médicale n’a plus qu’un objectif : être le
plus rapidement possible sur les lieux. Et
peu importe pour l’ambulancier que les
sièges en cuir, à l’arrière du véhicule,
soient particulièrement glissants. Aux
passagers la responsabilité d’être bien at­
tachés.
L’intervention
de secours est lancée
en trois à cinq minutes
Entre le déclenchement d’un secours
par le médecin régulateur et le départ, il
ne doit pas s’écouler plus de trois minu­
tes en semaine, cinq le week­end. Un laps
de temps particulièrement réduit pen­
dant lequel l’ambulancier doit préparer
l’itinéraire, embarquer à bord du véhicule
et récupérer le reste de l’équipe, médecin
et infirmier, généralement occupés au
service des urgences. Si le lieu où doivent
se rendre les secours est situé à plus de
20 km de l’hôpital, et si les conditions cli­
matiques le permettent, le Samu envoie
l’hélicoptère. Avec le Samu de Dijon, celui
de l’Yonne est le seul de la région à dispo­
ser d’un service de secours héliporté.
Qu’elles se déplacent par voie terrestre
ou aérienne, les équipes de premiers se­
cours adoptent toutes la même philoso­
Témoignage
« On n’est pas Dieu »
phie, qui pourrait se résumer en une
phrase : prendre le temps de ne pas per­
dre de temps. « Il ne faut pas confondre
vitesse et précipitation », remarque Gla­
dys François­Haugrin, cadre du Samu.
À chacun son rôle
Lorsqu’elle arrive près du patient, Véro­
nique Drouin, médecin urgentiste, vérifie
tout : constantes, tension, rythme cardia­
que, etc. Après les soins d’urgence si né­
cessaire. Le reste de l’équipe connaît son
rôle sur le bout des doigts. De l’ambulan­
cier qui sait par cœur le contenu de cha­
que mallette et est capable de donner les
produits adaptés en fonction des requê­
tes, à l’infirmier qui effectue les premiers
relevés et prodigue les premiers soins,
jusqu’à la décision finale du médecin.
« Je m’assure que le patient est stable et
que tout est OK avant de le transporter »,
explique Véronique Drouin. La pression
est donc rare en ambulance ou dans l’hé­
lico. « Le transport doit être un moment
calme parce que tout doit être géré avant.
On prépare au maximum tout ce dont on
peut avoir besoin pendant le trajet », ex­
plique Arnaud, infirmier. D’autant que si
un problème survient, l’ambulance est
obligée de s’arrêter et l’hélico, de se po­
ser. Mais le plus souvent, le travail de
l’équipe consiste essentiellement, à cet
instant, à maintenir la stabilité du patient
et, au besoin, à le rassurer.
Au CHA, les services du Samu et des ur­
gences sont couplés. Si bien que lors­
qu’un médecin prend en charge un pa­
tient, il le suit depuis les premiers secours
jusqu’à son admission dans un service,
après passage aux urgences. Excepté s’il
est appelé sur une nouvelle intervention.
C’est alors l’un des praticiens de perma­
nence aux urgences qui récupère le dos­
sier. Sans que ces transitions ne semblent
inquiéter aucun des membres de l’équi­
pe, tous habitués à travailler pour l’un et
l’autre des services. « Nous ne sommes
pas spécialistes partout, mais nous som­
mes capables de stabiliser toutes les pa­
thologies aiguës », rappelle le docteur
Ibrahim Taleb, du Samu. ■
CHRISTIAN SIGONNEAU. Infirmier urgentiste.
Christian Sigonneau a obtenu son diplôme d’infirmier en
1983, et s’est spécialisé dans l’urgence, il y a 20 ans.
■ Pourquoi vous être spécialisé dans la médecine d’urgence ?
Je suis passé par d’autres services, mais je me suis rendu
compte que j’étais plus à l’aise dans les gestes techniques,
alors que certains collègues les fuyaient. Plus tard, j’ai es­
sayé de me sauver des urgences, je voulais m’en aller. Peut­
être que j’étais fatigué, ou blasé. Peut­être… Sûrement
d’ailleurs ! Mais je ne suis pas allé au bout de la démarche.
■ Et le Smur ? C’était l’évolution logique de ma carrière.
C’était la même chose que ce que je faisais à l’hôpital,
mais à l’extérieur. Ça me sortait de la routine. Je me suis
spécialisé dans les sorties hélico. On va au­devant de ca­
tastrophes. Dans la gravité, c’est l’échelon au­dessus.
■ Comment définiriez-vous votre rôle ? C’est une aide para­
médicale au service du médecin et du patient. Je ne me dis
pas que je vais sauver le monde, que je vais faire du bien
ou du mal, que les patients le méritent ou pas. Ils ont un
besoin, j’y réponds avec mon savoir et mes compétences.
“L’inconvénient, quand ça dure
longtemps, c’est qu’on s’attache”
■ Qu’est-ce qui rend la tâche difficile ? Ce n’est pas désagréa­
ble de rendre service. Même si, des fois, on le regrette. Un
jour, on a secouru quelqu’un qui avait pris son véhicule
après avoir bu. Quelques mois plus tard, il a tué quelqu’un
sur la route… Je crois qu’il ne faut pas trop avoir de senti­
ments, même si notre chef nous dit de faire preuve de
compassion. Elle a raison, mais il ne faut pas aller jusqu’au
bout. La population a besoin d’entendre la vérité.
■ Vos meilleurs souvenirs ? J’aime bien les naissances. On fait
partie de la fête. Et aussi le fait de participer au sauvetage
d’une personne. On se dit : “J’ai été un maillon de cette
chaîne de survie.”
■ Les pires ? Il y a des choses très très très très difficiles
(qu’il refuse de détailler, NDLR). En raison du contexte, des
faits, de la longueur de l’intervention. L’inconvénient
quand ça dure longtemps, c’est qu’on s’attache ; par exem­
ple quand on tient la main d’une personne qui est sous
une voiture pendant cinq ou six heures. Des fois, ça se pas­
se bien, d’autres non… Des fois, on sait qu’ils vont mourir ;
des fois, ils le savent aussi.
INTERVENTION. Une fois la décision prise par le médecin régulateur d’aller secourir un patient, l’équipe n’a que quelques minutes pour se lancer. Si le lieu d’intervention est à plus de 20 km de l’hôpital, le Samu peut opter pour l’hélicoptère.
■ LES COÛTS
■ LES MOTS DE LA MÉDECINE D’URGENCE
640
Samu
C’est, en euros, le prix de
la demi-heure d’intervention
avec un véhicule de secours
terrestre.
34
URGENCE. Les secours, une fois lancés, arrivent rapidement sur les lieux d’intervention.
En euros, c’est le prix de la
minute de vol en hélico lors
d’une intervention héliportée
du Samu.
Service d’aide médicale urgente, c’est
le service de régulation médicale des
urgences d’une région sanitaire (ici, l’Yonne).
Il apporte l’assistance pré-hospitalière (dans
la rue, à domicile, sur le lieu de travail, etc.)
aux victimes d’accidents ou d’affections
soudaines en état critique. Le médecin
régulateur gère les moyens et oriente les
patients vers les services les plus adaptés à
leur cas.
Smur
Service mobile d’urgence et de réanimation,
il s’agit d’un service hospitalier, qui possède
une ou plusieurs Unité mobile hospitalière
(UMH), destinées à délivrer des soins intensifs
dans le cadre de l’aide médicale urgente,
hors de l’hôpital.
Il peut aussi effectuer des transports entre
hôpitaux lorsqu’un patient nécessite des
soins ou une surveillance intensive pendant
son trajet.
VRM
Véhicule radio-médicalisé, c’est un véhicule
léger (voiture) qui transporte l’équipe
médicale (médecin, infirmier et ambulancier)
et tout le matériel permettant des
interventions d’urgence. Il est en contact
avec la régulation médicale par
radiotéléphonie. L’envoi d’un VRM est
complémentaire à l’envoi d’une ambulance
ou d’un véhicule de secours et d’assistance
aux victimes (VSAV).
Primaire/secondaire
S’agissant des sorties Smur, un transport
primaire est celui qui découle d’une
intervention directe sur un lieu où un patient
nécessite des soins d’urgence.
Un transport secondaire, ou interhospitalier,
est le transport médicalisé d’un patient d’un
hôpital à un autre. Il intervient lorsque le
malade a besoin de soins ou d’explorations
spécialisés que ne peut faire l’hôpital
d’origine.
■ Il y a de la fierté, de la prétention ? De la fierté oui. Mais
avec le recul, je me rends compte que je ne suis pas indis­
pensable. J’ai peut­être eu cette prétention au début. Mais
on finit par se rendre compte qu’il y a eu du monde avant,
qu’il y en aura après.
■ De la culpabilité ? On ne peut pas aller plus loin que nos
compétences. On n’est pas Dieu, on est là pour réparer. On
a des limites. Je ne fais pas de cauchemars. C’est le fardeau
de chaque infirmier qui commence. Ce qui est nouveau est
beaucoup plus marquant. Mais je n’en fais plus.
■ Au crépuscule de votre carrière, comment la regardez-vous ?
La retraite, est­ce que j’en ai vraiment envie… Je ne sais
pas. Je commence à vivre en société. C’est un métier qui
prend beaucoup de place, on a du mal à être avec la fa­
mille et à se faire des amis. Mais je suis content de l’avoir
fait. Je prépare ma retraite doucement. J’enseigne les soins
d’urgence et je suis formateur hélico. Ce qui compte désor­
mais, c’est de transmettre mon savoir. ■
30
MARDI 11 DECEMBRE 2012
À cœur ouvert
Teddy vole au secours des patients
Pilote
■ BIO EXPRESS
Teddy Alcazar est pilote
d’hélicoptère. Pas formé
aux gestes d’urgence, il
évite de se confronter de
trop près aux horreurs du
métier et se concentre sur
sa mission : le transport.
1972
Naissance de Teddy,
le 13 février, à Marseille.
1994
Teddy Alcazar entre dans
l’armée, où il suit une
formation pour devenir
pilote d’hélicoptère.
S
ur le mur de son bu­
reau, des cartes : au
10e ou au 100e, du dé­
par tement et du pays,
crayonnées de toutes
parts, de longues lignes
représentants les couloirs
aériens. Des données bien
compliquées pour l’œil
novice en aéronautique. Et
bien éloignées de ce qui
fait traditionnellement le
décor des autres pièces du
Samu, plutôt composé de
directives sanitaires.
Teddy Alcazar, 40 ans, est
l’un des trois pilotes qui
assurent les transports en
hélicoptère pour le comp­
te du Samu. Il ne travaille
à Auxerre qu’à mi­temps,
et effectue un autre 50 %
au Samu de Nice. Au CHA
par contre, il y a toujours
un pilote de permanence.
2010
Il quitte l’armée, le
1er juillet et devient pilote
chez Inaer. Après
Bordeaux et Bayonne, il
partage son temps plein
entre Auxerre et Nice.
« J’attends qu’on m’amène
le patient à l’hélico. La
plupart du temps, je le
v o i s a l l o n g é e t d ra p é .
J’évite de m’encombrer
d’images désagréables.
Nous n’avons pas de di­
rectives, c’est propre à
chaque pilote. »
Il a déshumanisé la si­
tuation ; dit de l’équipe
qu’elle a une « solide ar­
mure » et de la mort que
« ça arrive et on le sait » ;
lâche, sans médisance,
que les patients sont deve­
nus comme des « colis »
pour ne pas devoir affron­
ter de trop près l’aspect
souvent tragique de la si­
tuation. Dont il est pour­
tant bien conscient. « En
16 ans d’armée, la guerre,
je ne l’ai jamais vue. Et là,
c’est la “guerre” tous les
jours », remarque­t­il.
Teddy a passé
16 ans dans
l’armée
« Je reste cantonné à
mon rôle », remarque­t­il,
avant de l’expliquer en
peu de mots : « Mon bou­
l o t , c’ e s t d’ h é l i p o r t e r
l’équipe médicale sur le
lieu d’intervention le plus
rapidement possible et en
toute sécurité, puis de ra­
mener le patient. » Rien
de plus, rien de moins.
Même s’il avoue qu’au dé­
part, il y avait une certaine
frustration lorsqu’il ne
pouvait pas intervenir, en
général à cause du temps.
« Ce sont les conditions de
vol qui déterminent. Lors­
que ce n’est pas possible,
je me dis qu’il vaut mieux
ça que de risquer la vie de
toute l’équipe. »
Ancien militaire, Teddy a
passé 16 ans dans l’armée,
avant de rejoindre Inaer,
société prestataire de ser­
vice en contrat avec l’hô­
pital. Initialement, il n’a
pas de notion médicale. Il
lui a fallu six mois avant
de se sentir pleinement
rodé à l’exercice. Et s’il dit
e n p l a i s a n t a n t q u’ i l a
« troqué une combinaison
verte contre une blan­
che », il tient à conserver
une certaine distance avec
tout ce qui relève des pre­
miers secours.
« On rend service quand
il y a besoin de bras, mais
on doit se concentrer sur
la mission aéro. J’évite
d’aller me renseigner, no­
tamment quand il s’agit
d’un AVP (accident sur la
voie publique) », explique
le pilote, qui refuse de voir
des horreurs de trop près.
« C’est le symbole
de la médecine »
Son rôle, toujours pré­
sent mais un peu à l’écart,
le place dans une position
qu’il juge parfois inconfor­
table. « On sait qu’on fait
partie d’un dispositif com­
plet. Mais on se sent seul.
Et c’est un peu le cas. »
D’autant que lorsqu’il as­
sure la permanence, c’est
pour sept jours complets,
du vendredi au jeudi. Loin
de sa femme et de ses
deux enfants, qui vivent
dans le sud de la France.
D’astreinte de 8 à 22 heu­
res, il dort à l’internat, au
milieu de jeunes prati­
ciens qui ne parlent que
médecine. « Ce n’est pas le
même monde… Ce n’est
pas facile. »
Mais le regard du pilote
s’éclaire à nouveau lors­
qu’il évoque l’importance
du Samu : « C’est le sym­
bole de la médecine. S’ils
n’étaient pas là, une gros­
se partie des patients
mourrait. » Et reconnaît :
« Je suis assez fier de bos­
ser dans une boutique
comme celle­là, j’ai l’im­
pression d’être utile. » ■
è RENDEZ-VOUS
MARDI 18 DÉCEMBRE
TRANSPORT. Teddy Alcazar, ancien militaire, est d’astreinte au Samu d’Auxerre onze semaines par an, l’équivalent d’un mi-temps.
Volet n° 6. C’est aux urgences
que se poursuivra le périple.
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