L’affiche rouge Léo Ferré
En février 1944, une gigantesque affiche rouge, tirée par la propagande allemande en
150000 exemplaires, est placardée sur les murs des grandes villes de France ; elle est
aussi reproduite sur des tracts distribués dans les rues.. Cette affiche, vite appelée
« l’Affiche rouge », présente les portraits de dix résistants parmi les 23 membres du
« groupe Manouchian » qui vont être fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944.
Cette affiche, commanditée par les nazis, vise à démontrer à la population française,
que ces hommes ne sont pas des libérateurs mais des terroristes, que la résistance
n’est pas une armée de libération pour la France mais un groupe de dangereux criminels
composé de communistes, d’étrangers et de juifs. Cette affiche est donc une image de
propagande dont le but est d’influencer la population française pour qu’elle ne soutienne
pas ces hommes.
1959 Léo Ferré chante l’affiche rouge
« L’affiche rouge » est une mise en musique du texte de Louis Aragon proposée en 1959 par Léo Ferré (auteur,
compositeur, interprète français, né en 1916, mort en 1993) .
Nous pouvons noter une mise en musique très particulière du texte. L’arrangement proposé vise à mettre en
valeur le texte d’Aragon et à le dramatiser voir les différentes techniques vocales utilisées par Léo Fer :
chanté-parlé, chanté-pleuré, syllabes accentuées).
Léo Ferré n’est accompagné que d’un chœur mixte qui chante A Capella sur des onomatopées, en bouche
ouverte, puis en bouche fermée.
Léo Ferré a donc fait le choix de ne mettre aucun instrument, le texte est mis à nu.
Léo Ferré déclame le texte plus qui ne le chante et souligne certains mots (hirsute, menaçant, sang…).
Sa voix est chargée d’émotion (soulignée par le vibrato dans la voix).
Un roulement de tambour va rompre brutalement la continuité de ce chant, il évoque la condamnation à mort
des 23 membres du groupe Manouchian.
Autres caractéristiques analysées :
- Tonalité ré mineur
- Ecriture harmonique du chœur sur des accords parfaits ou de 7ème
- Chant syllabique
- Courbe mélodique descendante
- Forme strophique simple
- De nombreux figuralismes
1955 - Louis Aragon / Strophes pour se souvenir
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Louis Aragon, Le Roman Inache
Aragon a écrit ce poème à l’intention des français de 1955 qui ont tendance à oublier les sacrifices
héroïques qui eurent lieu durant la seconde guerre mondiale : « onze ans déjà que cela passe vite
onze ans ». Il veut lutter contre l’oubli.
Le titre est explicite : « Strophe pour se souvenir » : le poème commémore le sacrifice des 23
Résistants du groupe Manouchian : « MORTS POUR LE FRANCE ». Le but d’Aragon est de rappeler à
ses contemporains que leur liberté a été chèrement acquise. Le poète nous invite donc au devoir de
mémoire.
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