Mémoire Mai 2013
Pour un développement économique
misant sur les PME
Avis de la FCEI concernant le Projet de loi no° 36 :
Loi sur la Banque de développement économique du Québec
Simon Gaudreault, économiste
Martine Hébert, vice-présidente, Québec
La création de la Banque de développement économique du Québec (BDEQ)
représente une occasion opportune de discuter de l’avenir du développement
économique au Québec. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante
(FCEI), qui représente 24 000 dirigeants de petites et moyennes entreprises du
Québec, a jugé important de faire valoir le point de vue de ses membres sur la
BDEQ et l’aide aux entreprises en général. En effet, les propriétaires de PME,
premiers intéressés par les discussions sur l’aide aux entreprises, ont des
suggestions à faire au gouvernement pour guider son action. C’est pourquoi le
présent mémoire rappelle l’importance des différentes facettes du soutien à
l’entrepreneuriat, formule certains principes que la FCEI souhaiterait voir suivis
lors des interventions publiques en développement économique et présente des
commentaires à l’égard du projet de loi 36.
Introduction
Raisons menant à la création de la BDEQ
La présentation le 24 avril dernier par la ministre déléguée à la
Politique industrielle et à la Banque de développement économique
du Québec d’un projet de loi sur la BDEQ (ci-après PL 36) s’inscrit
dans un contexte de réorganisation récente des structures
d’intervention économique du gouvernement. La mise en place de la
BDEQ fait ainsi suite à la disparition en 2012 du ministère du
Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation
(MDEIE) créé sous le précédent gouvernement et à une précédente
À propos de la FCEI
La Fédération canadienne de
l’entreprise indépendante (FCEI) est la
principale organisation de petites et
moyennes entreprises au Canada. La
FCEI encourage l’élaboration de
bonnes politiques publiques aux paliers
fédéral, provincial et municipal, et
représente plus de 109 000
propriétaires d’entreprise qui emploient
dans l’ensemble 1,25 million de
Canadiens et apportent 75 milliards de
dollars au PIB.
CET – 010M
C.P. – P.L. 36
Banque de
développement
économique
Pour un développement économique misant sur les PME – Mémoire de la FCEI sur le PL 36
2
initiative de rationalisation, en 2011, de l’appareil d’aide publique ayant mené à la fusion d’Investissement
Québec (IQ) et de la Société générale de financement (SGF) pour former le nouvel IQ.
La BDEQ intégrera le réseau de première ligne de l’ancien MDEIE (notamment les bureaux régionaux) et
l’ensemble d’IQ. Elle doit en principe être la continuité de la mission de ces deux organismes, c’est-à-dire :
MDEIE : « […] soutenir le développement économique, l'innovation et l'exportation ainsi que la
recherche en favorisant notamment la coordination et la concertation des différents
acteurs des domaines économique, scientifique, social et culturel dans une
perspective de création d'emplois, de prospérité économique, de développement
scientifique et de développement durable.
[Élaborer] et proposer […] des politiques relatives aux domaines de sa compétence, en
vue particulièrement de favoriser le développement de l’industrie, du commerce et
des coopératives et de promouvoir la recherche, la science, la technologie et
l’innovation. [Mettre] en œuvre ces politiques, en [surveiller] l’application et en
[coordonner] l’exécution, le cas échéant en collaboration avec les ministères et les
organismes concernés. »
(Loi sur le MDEIE, articles 2 et 3)
IQ : « La société a pour mission de contribuer au développement économique du Québec
conformément à la politique économique du gouvernement. Elle vise à stimuler la
croissance de l'investissement et à soutenir l'emploi dans toutes les régions du
Québec.
Pour accomplir sa mission, la société soutient la création et le développement des
entreprises de toute taille par des solutions financières adaptées et des
investissements, et ce, en cherchant à compléter l'offre de ses partenaires.
Conformément au mandat que lui confie le gouvernement, elle assure la conduite de
la prospection d'investissements étrangers et réalise des interventions stratégiques. »
(Loi sur IQ, article 4)
Le PL 36 précise que la mission de la BDEQ est « de soutenir, notamment par des interventions financières, le
développement économique du Québec dans toutes ses régions, conformément à la politique économique du
gouvernement. »1 Il stipule par ailleurs que « [l]a Banque exerce toute autre fonction que peut lui confier le
gouvernement. »2 On comprend donc qu’elle doit, en principe, surtout jouer un rôle de catalyseur du
développement économique régional, notamment, en assurant un financement aux entreprises les plus
susceptibles d’investir et de créer de l’emploi au sein de l’économie québécoise.
Cependant, nous nous questionnons à savoir s’il revient vraiment à ce qu’on désigne comme étant une
« banque » de s’occuper du développement économique d’une province comme le Québec. Comme nous
pouvons le constater dans la définition des missions de structures telles que feu le MDEIE et Investissement
Québec, le développement économique repose sur un ensemble beaucoup plus vaste et concerté d’actions, de
stratégies et d’expertises, que simplement l’octroi de financement à des entreprises ciblées. Nous sommes
donc préoccupés par la façon dont atterrira le projet de création de la BDEQ dans la réalité.
1 Assemblée nationale du Québec, Loi sur la banque de développement économique du Québec, article 2.
2 Ibid.
Pour un développement économique misant sur les PME – Mémoire de la FCEI sur le PL 36
3
Néanmoins, puisque le gouvernement a décidé d’aller de l’avant avec la création de cette nouvelle structure,
voici quelques commentaires de la FCEI concernant le projet de loi.
Qu’en est-il réellement du portrait entrepreneurial du Québec?
On ne peut analyser le projet de création de la BDEQ sans d’abord prendre acte de la composition
entrepreneuriale du Québec.
Ainsi, lorsque l’on parle d’entrepreneuriat et de développement économique, on ne peut passer à côté du rôle
économique incontournable des petites et moyennes entreprises. Elles créent des emplois, génèrent des
investissements, consomment, créent une valeur ajoutée et produisent une diversité et une quantité
incroyables de biens et de services, contribuant ainsi, dans une très large part, à la vitalité de l’économie
québécoise et au financement des services publics.
Au Québec, 99,8 % des entreprises sont des PME (entreprises de moins de 500 employés). De plus, comme le
montre la Figure 1, la majorité (51 %) de celles-ci sont de relativement petite taille, soit moins de cinq
employés, tandis qu’environ 70 % ont moins de 10 employés.
Figure 1:
Taille des entreprises selon le nombre d’employés
(emplacements employeurs au Québec)
Source(s) : Statistique Canada, Registre des entreprises, décembre 2012
On remarque aussi que les PME québécoises ont un chiffre d’affaires annuel plutôt modeste. En effet, à
l’examen de la Figure 2, on constate que 63 % des entreprises du Québec ont un chiffre d’affaires annuel
inférieur à 500 000 $ et que 5 % seulement ont des revenus annuels supérieurs à 5 M$.
50 à 99 employés
(3,0 %)
1à 4 employés
(50,5 %)
5à 9 employés
(21,6 %)
10 à 19 employés
(13,5 %)
20 à 49 employés
(9,4 %)
500+ employés
(0,2%)
100-199 employés
(1,2 %) 200-499 employés
(0,6 %)
Nombre d'emplacements employeurs : 241 973
Pour un développement économique misant sur les PME – Mémoire de la FCEI sur le PL 36
4
Figure 2:
Revenu annuel des PME, Québec, 2006
Source(s) : Statistique Canada, Entrepôt de données sur les petites et moyennes entreprises, décembre 2008
Par ailleurs, une majorité de travailleurs québécois oeuvrent au sein de PME. Environ le tiers des 3,4 millions
d’emplois au Québec sont créés par les petites entreprises et près du quart émane des moyennes entreprises
(Figure 3).
Figure 3 :
Emplois selon la taille de l’entreprise, Québec
Source(s) : Statistique Canada, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures (EERH), 2012
Les PME comptent pour environ la moitié du PIB du secteur privé. Elles sont présentes dans toutes les régions
et au sein de toutes les industries. De par leur nature, elles sont souvent très imbriquées dans l’économie
locale et régionale : commerces de proximité, producteurs ou autres fournisseurs membres d’une filière
économique, services de transport et logistique, etc.
Elles remplissent une multitude de fonctions économiques, à la fois essentielles et complémentaires,
procurant une forme d’assurance (en d’autres mots, une capacité de rebondissement) contre la trop forte
concentration de l’activité dans une même industrie ou chez un seul employeur et les aléas qui sont associés
Petites
entreprises
(33 %)
Moyennes
entreprises
(24 %)
Grandes
entreprises
(43 %)
Emploi total : 3,4 millions
annuel
des PME, Québec, 2006
30 000$ à 99 999$
17,2%
100 000$ à 249
999$
26,1%
250 000$ à 499
999$
19,8%
500 000$ à 999
999$
15,1%
1 à 2,49 millions $
11,9%
2,5 à 4,9 millions de
$
4,7%
5 à 12,49 millions
de $
3,4%
12,5 à 24,9 millions
de $
1,3% 25 à 49,9 millions
de $
0,6%
Pour un développement économique misant sur les PME – Mémoire de la FCEI sur le PL 36
5
à ces situations. Elles sont aussi attachées à leur main-d’œuvre, une ressource de plus en plus précieuse, ce
qui les rend plus susceptibles de conserver leurs employés en période de difficultés économiques. C’est
pourquoi elles ont contribué à maintenir ou relancer l’économie de plusieurs régions à la suite de l’échec de
la structure mono-industrielle de leur économie.
En outre, comme les PME sont le véhicule logique à la plupart des initiatives entrepreneuriales, elles
constituent de fait le point de départ de toute stratégie de diversification et développement économique
régional.
Malheureusement toutefois, nos entreprises ont de la difficulté à survivre au Québec. Comme le montre la
Figure 4, alors que le Québec compte pour environ 20 % dans l’économie canadienne, il récolte la palme des
faillites commerciales (environ 46 % et en progression).
Figure 4 :
Dossiers d’insolvabilité commerciale
(proportion des dossiers provenant du Québec dans le total canadien)
Note(s) : * moyenne 2013 = moyenne des deux premiers mois de l’année
Source(s) : Bureau du surintendant des faillites Canada
De manière analogue, il y a quelques années, on remarquait déjà qu’au Québec le taux de survie des nouvelles
entreprises, en particulier celles de cinq employés et plus, était beaucoup plus bas que dans l’ensemble du
Canada. Les taux de survie sur un an (80 % c. 91 %), trois ans (60 % c. 70 %), cinq ans (51 % c. 58 %) et neuf ans
(37 % c. 40 %) étaient tous plus bas au Québec. L’espérance de vie médiane au Québec était de seulement 2,7
ans pour les microentreprises naissantes, 5,1 ans pour les entreprises naissantes de cinq employés et plus, 9
ans pour les microentreprises établies et 13 ans pour les entreprises établies de cinq employés et plus.3
La (sur)vie de nos entreprises, au-delà des épisodes de démarrage, d’expansion et de transfert, est un aspect
crucial du dynamisme entrepreneurial d’une économie et d’une communauté. Malheureusement, cet aspect ne
fait pas l’objet de beaucoup d’intérêt de la part d’un grand nombre d’acteurs qui disent se soucier
d’entrepreneuriat et de développement économique. Fait trop souvent ignoré, la vitalité de l’entrepreneuriat
ne passe pas seulement par des projets de création ou d’expansion, mais aussi par la survie à court, moyen
ou long terme de nos entreprises, grandes ou petites, jeunes ou anciennes. À la lumière des résultats
présentés plus haut, il serait peut-être temps de revoir notre approche du soutien à l’entrepreneuriat, pour
3 MDEIE, Taux de survie des nouvelles entreprises au Québec - édition 2008, p.49 et 70.
33,4% 36,4% 37,5% 40,2%
44,5% 46,4%
50,5%
2007 2008 2009 2010 2011 2012 moy. 2013 *
1 / 18 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !