04 POLITIQUE CULTURELLE L’ART VISUEL EN CRISE
Culture,
crise et entreprise
Sylvie Amar pour le B.C.D. et Baptiste Lanaspeze
pour les Presses du Réel proposaient d’organiser le
débat dans la «perspective de la création de
richesses communes». Face au retrait croissant de
l’investissement public et ses conséquences sur le
subventionnement local, la recherche de solutions
alternatives ou de compensation (pré)occupe
lourdement le devenir des structures artistiques
existantes, alors même que certaines doivent
fermer (voir ci-contre).
Blocages idéologiques ?
Qu’on se réclame d’un idéalisme de l’action
culturelle ou du pragmatisme économique, les
échanges avec le public ont montré l’acuité de la
question à la fois pour les artistes, les médiateurs,
les entrepreneurs public ou privé. Ce que n’ont pas
manqué de rappeler Xavier Douroux (initiateur du
Consortium et des Presses du Réel à Dijon) et
François Lextrait (Radio Grenouille, Grandes Tables
de la Friche, conseiller auprès de Jean Nouvel),
soulevant les blocages idéologiques quant au
rapport culture-économie.
Pascal Neveux (directeur du Frac Paca) donnait
l’exemple des financements croisés du Frac et le
nécessaire travail de fond en partenariat. Ainsi était
soulevé le rapport financement public/privé. Signe
des temps, les terminologies issues de la gestion
d’entreprise étaient réinvesties dans les discours
telles «vendre son expertise», «échanges de
compétences», «valeur d’échange». L’artiste invité,
Hervé Paraponaris, affirmait pour sa part que pour
la création artistique «l’économie était là pour
valider les idées et non pas faire de l’argent».
Formatage ou centralisme ?
Le manque de subsides, et l’État lui-même, incitant
à chercher vers l’entreprise privée, la culture peut-
elle se passer de cette dernière ? Certaines
questions étaient vivement discutées : de quels
modèles s’inspirer, tel l’anglo-saxon, ou bien quelles
innovations et expérimentations mettre en œuvre?
Dans la salle, Michel Colardelle, directeur du
Mucem, évoquait le rapport difficile des institutions
muséales avec le marché de l’art.
Sur un plan plus politique, on se demanda s’il fallait
s’affranchir du «centralisme français», «comment
redistribuer les richesses produites» ou encore s’il
fallait se méfier d’un «danger de formatage par
l’économique sur les œuvres d’art ?»
Difficile de conclure tant les questionnements et
les propositions reflétaient ces inquiétudes
circonstanciées. Sylvie Amar, rappelant l’intrusion
de cette crise globale, pointait l’opportunité
d’inventer de nouvelles manières d’entreprendre :
comment par exemple «dans la négociation ou le
conflit peuvent naître de nouvelles pratiques et des
œuvres sublimes». S’agirait-il «de placer enfin l’art
au centre des enjeux sociaux et collectifs» ?
Rien à vendre
Idéologique ou pas, il reste évident que les
entreprises ne s’intéresseront à l’Art que si, à un
endroit, par prestige, incitation fiscale ou pari sur
l’avenir, la chose leur rapporte. L’art contemporain,
parce qu’il produit essentiellement des objets qui se
vendent, est historiquement particulièrement lié au
privé, aux mécènes : il n’est pas certain que le
théâtre public, la musique contemporaine ou la
danse puissent survivre à l’incitation qui leur est
faite de se tourner vers l’entreprise…
CLAUDE LORIN
L’Histoire de l’Oeil nous a habitué à de nourris-
santes rencontres -quelques semaines en arrière
Mark Alizart exposait avec force l’originalité du
Palais de Tokyo et les modalités de son fonction-
nement. Ces rendez-vous sont désormais attendus.
Une librairie qui ne vend pas n’importe quel livre et
qui fait réfléchir, c’est une des voies possibles pour
entreprendre la culture efficacement!
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(A) partir de Marseille-65 projets d’art contemporain
bilingue français/anglais
256 pages, 379 ill. coul.,
79 ill. n&b
éditions Les Presses du Réel,
2008
23 euros
VF Galerie
Installée à deux pas du Palais
Longchamp, la VF Galerie baisse le
rideau après moins de deux ans
d’activité, mais n’a pas dit son
dernier mot… Explications
Mars 2007-décembre 2008 : la trajec-
toire de VF Galerie dans le ciel de
Marseille aura été celle d’une
météorite. Les charges locatives et la
baisse des ventes (78000 euros la
première année pour 45000 euros
aujourd’hui) ont eu raison de leur
volontarisme… Un temps de vie très
court qui ouvre la porte à de nom-
breux questionnements, notamment
sur l’existence d’un marché de l’art
contemporain sur le territoire. En
effet, profitant de cette pause forcée,
les quatre associés de la VF Galerie
entament une phase de réflexion
optimale, d’autant que certaines
ventes sont en cours de finalisation.
Entre Altitude croisière et Boum Blocs
avec Anne-Valérie Gasc, la ligne de
force aura toujours été la même :
présenter des projets sous des formes
courtes pour explorer les notions de
temps. Un parti pris accepté par les
artistes (Michel Auder, Cezary Bodzia-
nowski, Frédéric Clavère, Julie C.
Fortier, Aïcha Hamu, Arnaud Maguet,
Érik Samakh, Lionel Scoccimaro et
Emmanuelle Villard) et un rythme
soutenu revendiqué par la galerie in
situ et hors les murs. Car, dès le
départ, elle a donné à son «écurie»
À l’occasion de la sortie de son
ouvrage rétrospectif (A) partir
de Marseille-65 projets d’arts
contemporain, le Bureau des
Compétences et Désirs organisait
samedi 20 décembre à la librairie-
galerie Histoire de l’œil une table
ronde sur cette question désormais
omniprésente : le financement
de la culture et son rapprochement
du monde de l’entreprise 1
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