Le sunnisme, dont les Turcs seljukides se sont faits les champions aux XIe-XIIe
siècles, rallie actuellement à peu près 90 % du monde musulman. Il est répandu en Arabie saoudite, en Syrie
et en Irak, dans toute l’Afrique du nord, au Pakistan, en Indonésie et en Afrique noire ; on trouve les sunnites
tantôt seuls, tantôt mêlés à des minorités kharidjites (Afrique du nord) ou chiites (Liban, Syrie, Irak, Inde).
B/ La division politique en califats indépendants et rivaux dès le Xe siècle.
[A 46] Le monde de l’islam se présente comme un immense empire, résultat de conquêtes
foudroyantes (632-750), et dirigé par un chef religieux et politique, le calife, lieutenant et successeur de
Mahomet (siège à Damas, 661-750, puis à Bagdad, 750-1258). Cette immensité, cependant, ne doit pas faire
illusion : les luttes pour le pouvoir et l’étendue du territoire ont suscité depuis longtemps d’âpres rivalités
internes, à la fois dans le domaine religieux et sur le plan politique - les deux étant alors, plus encore qu’en
Occident, liés.
L’islam s’est trouvé morcelé par la volonté d’indépendance des dynasties locales
(émirs), qui ont rompu avec Bagdad : en Egypte, ce sont les Fatimides du Caire (909) ; en Espagne, les
Ommeyades de Cordoue (929).
C/ Les invasions turques, facteur de renforcement des divisions et de l’insécurité.
Déjà affaibli par ses divisions internes, le monde arabe va, à partir du XIe siècle, se
trouver aux prises avec les Turcs.
Les Seljukides (ou Seldjoukides, du nom de leur premier chef connu, Seljuk ou
Seldjouk) sont une tribu turque qui, au cours du Xe siècle, va entamer, à partir de l’Asie centrale, une longue
marche d’est en ouest, s’installant d’abord dans la région que nous appelons depuis Turkestan (entre le Syr-
Daria au nord et l’Oxus au sud, fleuves qui se jettent dans la mer d’Aral), pour aboutir, dans la seconde
moitié du XIe siècle, en Asie Mineure, l’actuelle Turquie. Convertis à l’islam sunnite, les Turcs sont
rapidement confrontés aux populations arabes ou arabisées, qui à l’époque sont majoritairement chiites.
Champions du sunnisme, ils se présentent donc non seulement comme des conquérants, mais en outre
comme des ennemis au plan religieux. D’une manière générale, ils professent un islam intransigeant et
intolérant, voire fanatique - non seulement à l’encontre des chiites, mais également vis-à-vis de toutes les
sectes musulmanes ainsi que des non-musulmans. Ce comportement explique en partie la réaction des
Occidentaux.
La poussée turque constituera donc un facteur supplémentaire de division du monde
musulman.
* Principales étapes des conquêtes turques.
± 1035 : Afghanistan ;
1051 : Iran ;
* 1055 : prise de Bagdad, dont l’Etat (Bouyides chiites) est renversé et dont le calife
donne au chef turc sa fille en mariage, ainsi que le titre de sultan. Désormais, le sultan s’imposera comme le
chef politique et militaire, tandis que le calife représentera l’autorité morale et religieuse.
1064 : l’Arménie (région actuellement partagée politiquement entre la C.E.I., l’Iran et la
Turquie, laquelle en possède la plus grande partie) ;
* 1071 : prise de la forteresse de Manzikert (Arménie, à l’ouest du lac de Van), poste
avancé de l’Empire byzantin ;
* 1078 : prise de Jérusalem (aux Fatimides depuis 969) ; les Turcs pillent la ville,
persécutent chrétiens et Juifs (les Fatimides la reprendront en 1098, mais devront la céder aux Croisés en
1099) ;
1072-1092 (règne du sultan Malik-Chah) : la plus grande partie de l’Asie Mineure est
enlevée à l’Empire byzantin.
D/ Le morcellement de l’empire turc en sultanats indépendants et souvent rivaux.
La poussée turque s’est trouvée considérablement freinée par l’action d’éléments
incontrôlés. D’une part, le mouvement de conquête, au lieu de se porter immédiatement contre l’Egypte
chiite, ennemie jurée des Turcs, est d’abord dévié vers le nord-ouest, entraînant l’occupation de l’actuelle
Turquie au détriment des Byzantins. D’autre part, l’empire des Seljukides ne pourra maintenir son unité
après la mort du sultan Malik-Chah (1092) : il va se morceler en sultanats indépendants et souvent rivaux. Le
plus important de ceux-ci sera le Sultanat de Roum,* (c’est-à-dire des anciens pays byzantins, dits romains
- roum étant une déformation arabe du grec rômaios -, à savoir une grande partie de l’Asie Mineure), fondé