Le dernier rapport du Giec estime pourtant que les renouvelables
ont un grand avenir…
Jean-Marc Jancovici : Ce rapport donne une fourchette très large et, sans surprise, le
scénario « le plus renouvelable » est aussi celui où nous consommons le moins d’énergie. Il
reste cependant à choisir les bonnes options et nous n’avons pas le temps d’attendre que
des contributions anecdotiques deviennent prépondérantes. En Europe, sans division de la
consommation par 10, et sans stockage de masse, l’éolien plafonnera à 10 % de l’électricité
et le photovoltaïque restera marginal.
Ce schéma est-il aussi valable dans d’autres contextes
énergétiques, le sud de la Méditerranée par exemple ?
Jean-Marc Jancovici : Les pays de cette région peuvent probablement déployer
signicativement du solaire à concentration pour produire de l’électricité et/ou dessaler
l’eau de mer. Cette option me paraît à terme plus intéressante que le photovoltaïque.
Quid
des solutions technologiques de compensation
du réchauffement, comme la géoingénierie ?
Jean-Marc Jancovici : Je suis contre. Faire croire que l’on peut réguler le thermostat
planétaire simplement en injectant des sulfates ou en mettant des miroirs en orbite c’est
montrer que l’on ignore tout de la complexité de la machine climatique.
Pourtant, des scientifiques plaident en faveur de ces techniques…
Jean-Marc Jancovici : Elles ont de grosses faiblesses : soit elles nécessitent d’être
employées ad vitam aeternam – ce qui n’est pas durable – soit elles tentent de compenser
une modication globale par un déséquilibre local (cas des miroirs) et il y a fort à parier que
le remède ne sera pas meilleur que le mal.
14 % des émissions mondiales de GES sont le fait des transports.
La voiture électrique, c’est une solution ou un faux-nez ?
Jean-Marc Jancovici : Le plus simple pour les décennies qui viennent est de s’en tenir
à la voiture à pétrole mais ne consommant que 1,5 litres aux 100. Cela passe par une
taxation accrue des carburants et par des normes drastiques imposées aux constructeurs.
Le déploiement massif des véhicules électriques sera long à mettre en place et nécessite des
capacités électriques supplémentaires, qui, dans le contexte actuel, ont toutes les chances
d’être issues du charbon puis du gaz.
Nombre de spécialistes estiment qu’il faut replanter des arbres
pour stocker le carbone dans la biomasse. Est-ce aussi votre avis ?
Jean-Marc Jancovici : C’est utile, mais demande de réduire, globalement, la consommation
de viande rouge. Car, l’élevage bovin contribue massivement à la déforestation, en obligeant
à consacrer 70 % des terres agricoles mondiales à l’alimentation du bétail (lire L’Usine à GES
n° 59). Avec du poulet et des légumes, il faut moins de terres agricoles et cela permet
d’utiliser la biomasse pour autre chose.
Vous mis à part, qui porte un tel programme climatique ?
Jean-Marc Jancovici : C’est aussi la question que je me pose ! À part en Grande Bretagne
peut-être, je n’ai toujours pas identié de chef de meute politique, en Europe, qui comprenne
le lien profond entre économie et énergie et qui porte un tel projet de société. L’adopter
serait pourtant la meilleure option.
Mais encore ?
Jean-Marc Jancovici : L’Union européenne importe 75 % de son pétrole, 40 % de son gaz
et la moitié de son charbon. En décidant de décarboner son économie, l’Europe inventerait
l’économie du futur, réduirait son bilan carbone, diminuerait la facture des importations
d’énergie fossile et entraînerait avec elle d’autres pays. Ce serait vraiment une politique
« no regret ».
Actions locales
Les succès du Vélib’
Quatre ans après son lancement, c’est
l’heure du bilan pour le service parisien
de vélos en libre service. Selon la mairie
de Paris, les gros cycles gris ont réalisé 100
millions de trajets. Ce qui a permis d’éviter
l’émission de 40 000 tonnes équivalent CO2.
L’IFP adopte son plan climat
Le conseil régional d’Île-de-France a voté, le
24 juin, le plan climat de la région capitale
(PCR). Conformément à la loi du 10 juillet
2010, ce programme, assorti de 24 actions
concrètes, prévoit une réduction des émis-
sions (79 Mt/an) et une politique d’adapta-
tion aux conséquences des changements cli-
matiques. Il entend aussi entraîner d’autres
acteurs à alléger leur empreinte carbone, via
les leviers de la commande publique, des -
nancements ou de la gestion du patrimoine.
La première action du PCR sera le lancement
du Club Climat, au mois de septembre : une
instance de concertation et de suivi.
http://www.iledefrance.fr/leadmin/contrib_folder/
Rubriques/Environnement/24_action_-_PRC.pdf
Le coût de l’inadaptation
Trois milliards de dollars : c’est le coût, en
2030, de l’inadaptation aux conséquences
des changements climatiques pour Alexan-
drie (Egypte), Tunis (Tunisie) et Casablanca
(Maroc). Telle est du moins l’évaluation faite
par la Banque mondiale. Dans un rapport
publié le 4 juin, l’institution de Washington
rappelle que ces métropoles seront sou-
mises à la montée du niveau de la mer, à des
vagues de chaleur plus nombreuses et des
crues brutales. Inquiétant, si l’on se souvient
que leur population va croître de 70 % au
cours des 20 prochaines années. Conclusion :
il est urgent d’investir dans l’adaptation. Le
montant de la facture sera moins élevé que
le coût de la réparation. Un conseil égale-
ment valable pour bien des zones urbani-
sées de la côte nord de la Méditerranée.
Des frigos
contre le réchauffement
Hydro-Québec vient de lancer une heureuse
initiative. L’électricien public québécois sub-
ventionne le remplacement de vieux frigos
par des appareils neufs et sobres. Dédié aux
ménages à faible revenu, ce programme a
plusieurs objectifs : la lutte contre la précari-
té énergétique, la réduction des consomma-
tions d’électricité. Les vieux réfrigérateurs
étant récupérés par des organismes agréés,
les fuites de gaz réfrigérants (puissants gaz
à eet de serre) imputables aux appareils
jetés en décharge sont aussi évitées.
www.hydroquebec.com/fr/
L’Usine à GES© est une publication mensuelle -4- ENERGOGRAD
Entretien Propos recueillis par Volodia OPRITCHNIK