2 Lutte de classe n° 176 • juin 2016
Le mouvement pour le retrait de la loi travail : un second souffle
vidé la législation sociale de
son contenu, fort modeste, au
l de l’aggravation de la crise
économique et du chômage.
Il restait à briser la coquille.
Pour couronner la succession
de mesures antiouvrières qu’il
a déjà prises, le gouvernement
socialiste veut rendre ce der-
nier service à la bourgeoisie
avant d’être évincé en 2017.
Mais c’était la goutte d’eau
qui a fait déborder le vase. Le
projet de loi El Khomri, dévoi-
lé par la presse le 17 février, a
déclenché la réaction de ceux
qui étaient destinés à en être
les victimes : les salariés mais
aussi la jeunesse scolarisée. Et,
depuis les premières manifes-
tations du 9 mars, la situation
dans le pays est dominée par
le mouvement de protestation
contre la loi travail.
En réalité, ce sursaut ou-
vrier a des raisons bien plus
profondes que la seule loi tra-
vail. Celle-ci a été l’étincelle
qui a allumé la mèche et a fait
exploser une accumulation de
mécontentements.
LA DYNAMIQUE
DU MOUVEMENT
ET SES LIMITES
Nous ne reprendrons pas ici
l’historique des plus de deux
mois et demi de contestation
venant, pour l’essentiel, des sa-
lariés, qui ont été rejoints et,
par moment, précédés par une
partie de la jeunesse scolari-
sée. Une jeunesse scolarisée
dont une fraction signicative
a compris que son destin est de
rejoindre tôt ou tard le monde
du travail, et que c’est de son
avenir qu’il s’agit.
La mobilisation pour exiger
le retrait de la loi travail a été
ponctuée, et sur le fond structu-
rée, par les journées d’actions
et de manifestations appelées
par la CGT, FO, Solidaires et
la FSU. La journée du 31 mars
en a constitué le point d’orgue.
Entre 500 000 et 1 million de
personnes ont manifesté dans
266 villes et les débrayages ont
été nombreux. Le mouvement
a alors mobilisé non seulement
les militants des secteurs forte-
ment syndiqués et les travail-
leurs de leurs entreprises qu’ils
ont réussi à entraîner, mais
aussi des travailleurs de petites
sociétés, livreurs de surgelés,
employés du nettoyage indus-
triel ou de l’hôtellerie-restaura-
tion, vendeurs chez Conforama,
constatait Mediapart.
La CFDT, qui assume ou-
vertement son rôle d’agent du
grand patronat dans la classe
ouvrière, a très vite décroché,
bien qu’un certain nombre de
ses militants aient continué à
participer à la mobilisation.
Il faut cependant rappeler
que même les confédérations
les plus engagées par la suite
dans l’action s’y sont engagées
comme l’âne qui recule. Réu-
nies le 23 février à Montreuil
dans les locaux de la CGT, elles
n’avaient même pas, à ce mo-
ment-là, l’intention d’exiger le
retrait pur et simple du pro-
jet de loi travail. Elles s’étaient
mises d’accord sur une décla-
ration honteuse demandant
seulement la renégociation de
certains points de la loi.
Ce n’est qu’après qu’un cer-
tain nombre de militants et de
responsables locaux de la CGT
ont fait entendre leur mécon-
tentement, voire leur indigna-
tion, que la direction de la CGT
ainsi que celles de FO et de SUD
ont nalement décidé de mettre
en avant le retrait total du pro-
jet de loi travail.
Et ce sont les organisations
de jeunesse qui ont appelé à la
première journée de mobilisa-
tion, le 9 mars.
Les confédérations syndi-
cales, de leur côté, s’y sont of-
ciellement ralliées… mais du
bout des lèvres et en faisant
tout pour que cette journée ne
soit pas un réel succès.
Peine perdue, un certain
nombre de travailleurs et de
militants ont répondu présents
en se mobilisant malgré le ca-
fouillage, pour ne pas dire le
sabotage de l’organisation de
cette journée, avec souvent des
rendez-vous différents dans les
mêmes villes.
Pour plusieurs centaines de
milliers de travailleurs, de mi-
litants, la coupe était pleine. Il
fallait descendre dans la rue,
ne serait que pour dire haut et
fort le mécontentement général
vis-à-vis de la politique anti-
ouvrière du gouvernement.
Les journées de mobilisa-
tion se sont succédé : huit au
total, celle du 26 mai comprise,
avec un pic de participation le
31 mars.
La participation des travail-
leurs des grandes entreprises
aux manifestations n’a que très
peu débordé le milieu militant.
Mais c’est déjà un des acquis du
mouvement : ce milieu militant,
laissé l’arme au pied pendant
quatre ans de gouvernement
de gauche, a retrouvé dans ce
mouvement un soue de vie et
l’envie de lutter.
Et chose importante, jusqu’à
présent, le mouvement a béné-
cié de la sympathie de la majo-
rité des travailleurs, y compris
de ceux, la majorité, qui ne se
sentaient pas en situation de le
rejoindre.
Cette sympathie vis-à-vis du
mouvement et de sa revendica-
tion essentielle qu’est le retrait
de la loi travail est un point
d’appui pour le mouvement.
Mais elle en indique également
les limites. Tout se passe comme
si la majorité des travailleurs
participaient au mouvement en
quelque sorte par procuration.
À la SNCF encore, les travail-
leurs ont fait grève pour ain-
si dire à l’économie, avec des
grèves éparpillées et éclatées
dans le temps. Pour l’heure, et
avant que la fédération CGT
ait appelé à la grève à compter
du 31 mai au soir, seule une
minorité agissante a aché sa
volonté d’approfondir la grève.