limites de cette Liberté.
Insulter
Interrogeons maintenant notre deuxième terme : "Insulter"… en quoi cela consiste
exactement ?
C’est une vraie question, passionnante, à laquelle j’avoue m’être intéressé en raison de cette
conférence. Je vous recommande d’ailleurs l’article de Dominique Lagorgette (Injure et diffamation :
de la linguistique au code pénal ? in Argumentation et Analyse du discours, revue électronique du groupe
ADARR). L’auteur indique que, selon le Gaffiot, l’insulte est une injure. C’est-à-dire une « injustice »,
une « atteinte à l’honneur » et enfin une « violation du droit, un tort, un dommage ». Il en conclut
que « la notion même d’injustice présuppose la transgression des règles communes, de la norme
sociale qui s’inscrirait dans un double rapport au juste et au vrai ». Constatons donc qu’il y a insulte
lorsque l’expression porte atteinte à une personne, selon une loi "commune". Il est donc tout à fait
possible de dire des vérités évidentes, de se moquer, de tourner en dérision, de caricaturer, de
plaisanter, de salir, voir d’attaquer, si l’on reste dans le cadre de la loi "commune"…
Or, dans une société laïque, la justice se mêle peu de religion
, sinon justement pour punir
l’injure (envers les personnes en raison de leur foi, et non pas leur foi elle-même !) (loi du 29 juillet
1881), pour proclamer le respect des croyances par la République (loi du 4 octobre 1958) ou pour
protéger le libre exercice du culte (loi du 9 décembre 1905).
La religion elle-même n’est pas reconnue comme un bien, encore moins les opinions religieuses,
plus clairement la foi. Alors que mes propriétés, mes liens familiaux, mes écrits ou œuvres d’art, mes
idées ou même ma réputation ou mon mariage entrent dans le cadre de la loi. Ma pratique religieuse
et ma foi, comme expérience spirituelle intime, sont un bien qui n’est pas protégé par la loi. Si
quelqu’un attaque ma foi, je suis donc le seul juge de cette insulte et aussi le seul à pouvoir faire
justice ! (On voit venir le danger !) L’insulte en cette matière devient purement subjective.
On se souvient comment l’interprétation subjective, pilotée par les médias internationaux, d’un
texte du Pape Benoît XVI, texte plutôt élogieux envers l’islam, avait donné lieux à une émotion vive
dans le monde musulman ; quelques chrétiens l’avaient payé de leur vie. Le pape ventait le modèle
d’intégration culturelle d’une certaine époque de l’Islam et avait cité un auteur qui s’opposait à cette
intégration. La citation de cet auteur constitua pour certains une insulte.
Alors, si l’insulte en matière religieuse est subjective, comment peut-elle coexister avec la liberté
d’expression ? Une certaine politesse permettrait-elle que le croyant ne se sente pas insulté ? C’est
Loi du 29 juillet 1881, Article 29, alinéa 2 :
Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait
est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est pu-
nissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont
l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Article 33, alinéa 2 :
L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera
punie d'une amende de 12 000 euros. L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée
de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros. Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende
l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Constitution du 4 octobre 1958 Article 1 :
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
Loi du 9 décembre 1905 Article 1 :
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après
dans l'intérêt de l'ordre public.