334 COMPTES RENDUS
Eduardo Garcia-Maynez, Teorias sobre la justicia en los dialogos de Platon, Mexico,
Porrua ed., t. II-III, 1987-1988, 412 p., 468 p.
Cet auteur réputé s’est originellement situé dans la mouvance de l’estimative orté-
guienne et de sa philosophie juridique et politique de la vie, selon le vaste courant qui
s’est imposé au cours de ce siècle en Amérique latine (ralliant, au Mexique même, Luis
Recasens-Siches) en prenant très tôt ses distances par rapport au normativisme kelsénien
et à la théorie analytique. Avec Cossio en Argentine et Reale au Brésil, – chacun dans sa
direction spécifique (de l’«!égologie!» au «!tridimensionnalisme!»), chacun tributaire
de références précises (tantôt Husserl, tantôt Scheler ou Hartmann) –, Garcia-Maynez est
sans doute ainsi l’un des noms les plus importants d’une nouvelle philosophie du droit
d’inspiration métaphysicienne née du dépassement du positivisme de type formaliste (cf.
Garcia-Maynez, Filosofia del Derecho, Mexico, Porrua, 2 éd., 1977, 544 p.). Mais ses
travaux se sont engagés aussi dans le domaine de la logique juridique et de l’inter-
prétation (cf. déjà le même traité), puis, depuis un certain temps maintenant, ce qui
semble être passé inaperçu, dans celui de l’histoire de la philosophie grecque.
Voici précisément les deux derniers volumes d’une magistrale suite de commentaires
sur les dialogues platoniciens, repris dans le texte, et confrontés aux diverses thèses cri-
tiques, selon l’axe offert par la recherche du juste, génériquement parlant.
A défaut d’entrer dans le détail de son argumentation, relevons l’originalité et
l’apport d’une analyse qui tend à démontrer que le juste selon Platon s’articule sur les
mêmes critères que ceux qui ont fait le renom d’Aristote, avec moins de systématisme,
mais plus de nuances, suivant les exigences d’une philosophie réflexive, d’une dialec-
tique en acte, et donc moins soucieuse d’édifier un corpus théorique. Alors que nous
étions habitués à soutenir que Platon n’avait guère différencié la justice éthique et la jus-
tice juridique, dans la République même Garcia-Maynez discerne l’équivalent de la jus-
tice particulière, c’est-à-dire juridique, du Stagirite, par approfondissement du concept de
pleonexia rattaché à celui d’inégalité (anison). En réalité, l’on passe aisément de l’ordre
de la polis à l’ordre du dikaion, de la morale sociale qui gouverne le politique à un droit
à strictement parler qui regarde plutôt des distributions ou des échanges de biens au sein
de la cité. Mais aucune confusion ne s’installe pour autant. Simplement, le genre plato-
nicien est de dissocier d’autant moins les deux ordres, qu’en partant d’une critique du
comportement humain l’on est peu enclin à séparer ce qui relève du souverain ou du
magistrat!; entre fonction de souveraineté et magistrature d’ailleurs, les liens sont à res-
serrer aussi ne serait-ce que pour respecter l’histoire des cités grecques (qui eurent de sur-
croît quelques précédents mésopotamiens…).
Le débordement de toute mesure, imputable en d’autres dialogues au dérèglement du
thumos, de l’appétit de soi-même, peut être compris sous la dimension objective d’un
déséquilibre entre les parts ou entre les patrimoines comparés, ce qui apparaît déjà dans
l’approche de la convention (synthékè) du Gorgias. Mais Garcia-Maynez s’étend à la jus-
tice du premier ordre, celle qui combat l’inégalité dans le politique même, et qui, à ce
plan qui est le plus général apparemment (même s’il peut être moins universel que l’art
des juristes), concerne à l’extérieur la guerre et la paix et, à l’intérieur, la coexistence
harmonique des citoyens. A chaque fois, l’exigence de justice ne s’arrête pas à un postu-
lat d’égalité ou d’équilibre cependant!; elle révèle que la connaissance ne s’élève à la vé-
rité qu’au prix d’un rejet des opinions et des fausses croyances qui introduisent par sug-