Paris nous appartient / Moukden théâtre
Un collectif ?
C’est la deuxième fois, cette année, que la programmation propose le travail d’un
collectif, après L’avantage du doute et son spectacle La légende de Bornéo.
Les collectifs ne manquent pas aujourd’hui dans la création contemporaine. Beaucoup se
réclame des flamands Tg STAN. Ce collectif flamand base son travail sur la mise à mal de
l’illusion théâtrale en affichant une théâtralité. Il est également question de faire descendre de
son piédestal le metteur en scène et s’attacher au jeu des acteurs sans la moindre psychologie.
Toutes les tâches (artistiques et administratives) sont réparties au sein du groupe.
(Site du collectif Tg STAN: http://www.stan.be/content.asp?path=k1xr91jg)
Les collectifs sont nés autour de 1968, dans ces années fortement politisées. De
nombreuses créations collectives voient le jour. Toutes ces expériences avaient en tête le Living
Theater découvert au festival d’Avignon grâce à Jean Vilar. Suivront les aventures autour
d’Ariane Mnouchkine et plus récemment de Didier-Georges Gabily ou Yann-Joël Collin. Tous les
collectifs ne se débarrassent pas du metteur en scène totalement mais ont en commun un
nouveau travail du comédien et un rapport au public plus direct qui va du jeu face-public
jusqu’à l’intervention directe. Aujourd’hui, de nombreux collectifs font partie du champ de la
création contemporaine. On peut citer notamment Les Possédés, D’ores et déjà ou Les Chiens
de Navarre.
Le Moukden théâtre est une compagnie fondée en 2005 par trois personnes (Florent
Cheippe, Olivier Coulon-Jablonka et Eve Gollac) et ce trio se revendique comme le centre d’un
collectif. Olivier Coulon-Jablonka est présenté comme le metteur en scène. Le travail collectif
réside dans la réflexion dramaturgique.
Poulailler : Comment se déroule concrètement le processus de création ? Où et
comment intervient la collégialité ?
Olivier Coulon-Jablonka : Au préalable des répétitions nous fixons des temps de
laboratoire, parallèlement au processus d’écriture, où nous partageons avec les autres
membres de l’équipe notre réflexion, là où nous en sommes. Cela nous permet à la fois de
vérifier certaines intuitions au plateau bien sûr, mais aussi, et plus fondamentalement, cela
permet à chacun de plonger au cœur des matériaux que nous amenons, de les comprendre, de
prendre le temps de les discuter. Pendant ces temps de laboratoire, nous faisons aussi des
lectures de textes qui ne seront pas directement utilisés au plateau, mais qui informent le
projet de façon souterraine, des textes de philosophie notamment.
Florent Cheippe : Ces rendez-vous sont des moments importants où l’acteur participe à
la dramaturgie du spectacle en même temps qu’il se l’approprie. Une fois que le montage est
terminé, les comédiens sont pleins de ces réflexions, ils savent ce qui se joue dans les jonctions
du montage, et les répétitions peuvent commencer. Cette préparation est aussi un moment clef
parce que l’enjeu du comédien n’est pas ici seulement de raconter une fable, mais de refaire ce
trajet de pensée qui relie les matières les unes aux autres.
Eve Gollac : Une fois que le travail des répétitions commence, je redeviens comédienne.
Il arrive parfois que nous rencontrions au plateau un problème dû à l’écriture du montage, il
faut alors faire des coupes, ou modifier l’ordre des scènes, et dans ces moments-là je reprends
mes habits de dramaturge.
O.C.-J. : Il arrive que des idées viennent des comédiens, et cela peut être salutaire. Mais
par contre nous n’écrivons pas directement au plateau si c’est là qu’est votre question. Encore
que sur le prochain projet nous n’excluions aucune option, comme celle de ré-improviser des
parties du texte de Melville par exemple, mais c’est un peu tôt pour en parler.
F.C. : Ces étapes de travail nous permettent de trouver l’accord, et c’est essentiel pour la
suite : un moment fort où la collégialité intervient également, c’est au moment même des