Une classification morphologique des figures anthropomorphes

Article original
Une classification morphologique des figures
anthropomorphes.
(Gravures rupestres du Haut Atlas).
La vallée de l’Ourika (Maroc)
A morphological classification
of anthropomorphic figures
(Rocks engraving of “Haut Atlas”).
Ourika Valley (Morocco)
El Hassan Ezziani
10, rue Georges Mandel, 29200 Brest, France
Disponible sur internet le 8 décembre 2004
Résumé
Depuis leur découverte durant les années 40 et 50, les gravures rupestres du Haut Atlas ont suscité
peu d’intérêt auprès des chercheurs. Les travaux les plus aboutis ont été réalisés par Malhomme,
1959–1961 et Rodrigue (1996). Les deux ont réalisé des relevés colossaux, cependant c’est ce dernier
qui a pu d’une part faire un relevé plus exhaustif, et de l’autre, il a proposé une classification plus
détaillée. Malheureusement, à celle-ci manque une base méthodologique à savoir définir auparavant
une grille ou un schéma expliquant les niveaux logiques ou les définitions qui ont permis de séparer
les thèmes et les catégories étape par étape. Dans le cadre de mes recherches qui ont abouti à la
soutenance d’une thèse (Ezziani, 2002), j’ai pu avancer une classification pour le seul thème des
anthropomorphes en élaborant une base de donnée descriptive systématique pour chaque person-
nage ; à partir de laquelle j’ai effectué desAnalyses Factorielles de Correspondances ; celles-ci m’ont
permis de dégager six groupes différents morphologiquement. J’ai enfin pu constituer six modèles
morphologiques et reconstituer les groupes définitivement.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Adresse e-mail : [email protected] (E.H. Ezziani).
L’anthropologie 108 (2004) 495–534
http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/
0003-5521/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anthro.2004.10.007
Abstract
Since their discovery during the 40s and 50s, rock engravings from the Atlas Mountains have
aroused few interested by researchers. Works the most resulted have been realised by Malhomme,
1959–1961 and Rodrigue (1996). Both have realised colossal plottings, however he’s this last how
has been able to do a plotting more exhaustive, and moreover, he proposed a classification more
detailed. Unfortunately, it’s lacking at this last a methodological basis, namely to define first a grid or
a diagram explaining the logical levels or the definitions which have allowed to separate the themes
and the categories stage by stage.
Within my research which resulted in viva voce (Ezziani, 2002), I had been able to put forward a
classification for the only theme of the anthropomorphes working out a systematic descriptive data-
base for each figures; from it I made a Factor Analysis of Correspondences; these have allowed to
bring out six different groups morphologically. In lost I had been able to constitute six morphological
examples and to reconstitute the groups definitively.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Gravures rupestres ; Anthropomorphes ; Haut Atlas ; Classification ; Modèles ; Morphologie
Keywords: Rock engravings; Atlas Mountains; Anthropomorphous; Examples; Morphological classification
Mon attention au début de mes recherches
1
était d’appliquer les concepts et les métho-
des de la sémiologie à un « art » rupestre. J’ai choisi « l’art » rupestre du Haut Atlas
marocain, car je disposais d’un corpus relativement complet publié à la fin des années
1950 par Malhomme, 1959–1961.
Il s’agit de gravures piquetées sur des dalles de grès horizontales offrant de grandes
surfaces planes à ciel ouvert. Les sites se trouvent sur les plateaux situés sur le versant nord
du Haut Atlas à plus de 2000 m d’altitude, au sud de Marrakech.
Les principaux sites sont 1’Oukaimeden et le Yagour. Ce sont des lieux d’alpage et
c’était probablement le cas à l’époque protohistorique où les gravures furent réalisées.
Après avoir commencé ce travail, j’ai découvert qu’Alain Rodrigue (1996), un étudiant
d’Aix-en-Provence, avait refait tous les relevés en ajoutant d’autres gravures et avait sou-
tenu une thèse en 1996 publiée en 1999. Dorénavant, j’étais en possession de deux corpus.
Le nombre de figures relevées par Rodrigue est très supérieur à celui de Malhomme, mais il
présente le même défaut, celui de ne pas indiquer le contexte des gravures. Celles-ci sont
présentées par planches dans des dispositions quelconques, serrées les unes contre les autres
pour gagner de la place, sans tenir compte de leur disposition réelle sur le terrain.
L’étude que j’ai menée à partir de ces documents publiés est inévitablement incomplète.
Cependant, elle montrera – c’est en tout cas ce que je souhaite – que les approches sémiolo-
gique et statistique peuvent apporter des résultats originaux dans l’étude d’un « art » rupestre.
1. Constitution d’une base de données
En combinant le corpus de Malhomme, 1959–1961, celui de Rodrigue (1996) plus quel-
ques découvertes isolées dues à Jodin (1964, 1966) eSimoneau (1967, 1968, 1970),je
suis arrivé à constituer un corpus de 160 représentations anthropomorphes (Fig. 1).
1
Recherches qui ont abouti à la soutenance en 2003 d’une thèse de doctorat à Paris-1 Panthéon-Sorbonne.
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J’étais contraint de choisir un seul thème sans pour autant oublier complètement les
animaux, les armes, de nombreuses formes géométriques et énigmatiques, etc. Ce choix
m’a paru judicieux car les anthropomorphes me semblaient le thème central autour duquel
« s’animent » les autres thèmes, ensuite les nombreuses études et travaux sur les anthropo-
morphes étaient une bonne base pour entamer une étude plus rigoureuse.
Très vite, je me suis rendu compte qu’il allait falloir utiliser des méthodes statistiques si
je voulais aboutir à un classement objectif. Ma première tâche a consisté à constituer une
base de données codifiée permettant de décrire toutes les figures anthropomorphes de mon
corpus en termes identiques, de façon à permettre les comparaisons. La grille de descrip-
Fig. 1
.
Classement par site et station (O : Oukaimeden ; Y : Yagour).
Fig. 1. Sort by site and station (O: Oukaimeden; Y: Yagour).
497E.H. Ezziani / L’anthropologie 108 (2004) 495–534
tion que j’ai finalement adoptée est du type attributs-valeurs. Elle est bien adaptée au trai-
tement par méthodes classiques de l’Analyse des Données.
1.1. Liste des attributs-valeurs
Pour décrire chaque personnage, j’ai défini une série d’attributs qui correspondent à la
morphologie du personnage, d’autres qui correspondent à des éléments graphiques addi-
tionnels associés à son corps, qui servent à préciser la fonction ou le statut des personnages
et fonctionnent comme des déterminants sémantiques, d’autres enfin qui caractérisent son
environnement graphique, c’est-à-dire son contexte.
Chaque attribut peut prendre un certain nombre de valeurs (ou modalités). J’ai pris soin
de définir celles-ci de manière à ce qu’elles soient exclusives : en effet, pour chaque figure
à décrire, chaque attribut ne doit pouvoir prendre qu’une valeur et une seule. Pour atteindre
cet objectif, il est nécessaire que chaque attribut possède également une valeur correspon-
dante à son absence. Par exemple, les doigts (de pied ou de main) peuvent être figurés par
des traits parallèles ou rayonnants, mais ils peuvent aussi ne pas être représentés, d’où les
trois modalités « doigts en rayons », « doigts parallèles », « doigts absents » (voir Fig. 2).
1.2. Exemple de traitement descriptif d’un personnage (Fig. 3 (Pers. 92))
Pour ne pas entrer dans le domaine de l’interprétation, la description de chaque signe se
limite à ce que Peirce (1931–1958,1978) appelle le representamen. Car c’est la seule partie
du signe qui soit indépendante du récepteur. Sachant que le signe pour Peirce se scinde en
trois parties en interaction : le representamen (c’est ce qui renvoie au signe lui-même, en
faisant le moins possible appel à un référent : au lieu de dire soleil ou lune par exemple, il
est préférable de dire cercle, disque ou signe en forme de croissant), 1’objet auquel renvoi
le representamen (certains l’appellent le référent) et enfin l’interprétant (celui-ci ne peut
être réalisé que si le récepteur appartient au même communauté de pensée que l’émetteur).
L’objet ou le référent est réalisable quant à lui dans tout les cas ; cependant si le récepteur
appartient à la communauté qui a produit le signe, il est fort probable que l’interprétation
soit juste, mais si le récepteur est étranger à cette communauté, ce dernier plaquera ses
propres interprétations qui seront sujettes à caution.
1.2.1. Exemple de description d’un personnage (Fig. 3 : Pers. 92)
Je ne me suis pas limité au seul representamen dans les cas où l’objet est évident, comme
par exemple les oreilles, le sexe, les mains, etc. Dans le cas par exemple de « cupules en
triangle », « traits bordant les flancs » et « signes piscifonnes
2
», j’ai tenté de rester au
niveau du representamen.
Ce personnage a le corps cylindrique ouvert, le corps cloisonné verticalement, la tête
semi-circulaire, visage présent, cupules sur la tête absentes (ici les cupules se trouvent sur
le visage et non sur la tête comme pour d’autres personnages), oreilles présentes, cou absent,
bras filiformes, bras baissés, jambes filiformes, jambes parallèles, pieds présents, doigts de
pieds absents, mains présentes, doigts de mains parallèles, sexe masculin, cupules en trian-
2
Le terme pisciforme ne renvoie aucunement à l’objet poisson.
498 E.H. Ezziani / L’anthropologie 108 (2004) 495–534
Fig. 2
.
Liste des attributs-valeurs.
Fig. 2. List of attribute values.
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