
La migration
des
emplois àl'Île Maurice 55
la fin des années 1960. Àcette époque,
l'île
possédait un tissu industriel étroit
(70 entreprises employant 1200 personnes), un secteur touristique inexistant et
une administration encore peu peuplée.
Comme
d'autres
pays en voie de déve-
loppement soucieux de diversifier leur économie, Maurice avait alors adopté une
politique d'industrialisation qui avait pour objectif de créer des emplois et de
réduire les importations pour diminuer le déficit commercial. La petite taille de
son marché empêchant toute économie d'échelle, cette stratégie de substitution à
l'importation montra rapidement ses limites en ne permettant ni
d'endiguer
le
chômage 4, ni
d'enrayer
le déclin du produit intérieur brut par habitant et la
détérioration de la balance des paiements.
Pour inverser la tendance, le gouvernement travailliste eut
l'idée
de mettre en
place, en 1970, une zone franche manufacturière en s'inspirant des exemples de
Taiwan, Singapour et Hong-Kong. Ces trois pays insulaires ou quasi-insulaires
avaient en effet opté pour une politique très volontaire d'ouverture économique
et de développement des exportations par l'implantation de zones franches indus-
trielles. Le principe des zones franches est le suivant: une matière première est
importée en franchise de taxe, transformée sur place puis réexpédiée àl'étranger.
Cette structure nécessite toutefois une combinaison complexe
d'éléments
endogènes et exogènes qui en conditionnent le succès: infrastructures efficaces,
expertise en matière d'exportation,
main-d'œuvre
qualifiée et bon marché, cadre
fiscal attractif, etc. Le livre blanc sur le développement stratégique (1971-1980)
et le plan de développement (1971-1975) insistèrent sur la nécessité de mettre en
place les institutions et les infrastructures indispensables. Des avantages excep-
tionnels furent accordés aux investisseurs exportant depuis Maurice: exonération
d'impôts
sur les revenus des sociétés pendant dix ans, imposition allégée les dix
années suivantes, exemption de droits de douane pour les matières premières et
produits semi-finis nécessaires àla production, prêts àtaux préférentiels, etc.
Attirées par ces avantages fiscaux, de nombreuses entreprises étrangères et
mauriciennes s'installèrent en zone franche dans des proportions assez proches.
Allouée essentiellement au textile, elle fut couronnée de succès puisqu'elle per-
mit
d'endiguer
un chômage longtemps considéré comme endémique (le taux de
chômage avait été ramené à3,3 %en 1992). De ce fait, elle bouleversa la struc-
ture du marché du travail,
comme
le montre le tableau 1.
La progression de
l'emploi
dans la zone franche a été très rapide, et elle est
devenue, au début des années 1990, le premier employeur de
l'île
(tab. 1). La
chute de l'emploi entre 2000 et 2004
n'a
pas été moins spectaculaire, la zone
perdant près de
24000
emplois pendant la période.
Les industries de la zone franche se caractérisent
par
la prépondérance de
la
main-d'œuvre
féminine (environ 2/3 des effectifs), dont la participation au
marché du travail
s'est
beaucoup accrue en l'espace de vingt ans: 20,4 % en 1972,
43,2 %en 1994 [Hein, 1996].
L'industrie
sucrière a vu au contraire ses effectifs
4. Au début des années soixante-dix, le taux de chômage était estimé àplus de 20 %de la population
active [Hein, 19961.
Aurrepart
(37),
2006