
EDITORIAL
La force de l’esprit
Le théâtre a tout et toujours à voir avec l’Histoire, avec la société où il s’inscrit; non pas sur le mode de la
reproduction ou de la caricature, mais sur le mode d’une reconstruction, c’est-à-dire d’un détour par une
fiction, une fable, qui puisse donner du monde et de nous-mêmes dans ce monde une représentation savante
et accessible à tous, raffinée dans ses formes et intelligible dans son discours, terrible et drôle, cruelle et
tendre, douloureuse et sereine, sans céder aux complaisances de la dérision ou aux excès de la violence. Le
théâtre est un art qui a besoin des distances qu’il ménage, du plaisir qu’il suscite, de l’émotion qu’il provoque
pour faire accéder le spectateur à la pleine liberté de son jugement et de sa réflexion. C’est un art de
transformation d’autant plus profonde que progressive. Il pratique le devoir d’impérieuse douceur": il n’exerce
d’autre pouvoir que celui de renoncer à toute arrogance, à toute certitude préalable. Il suggère, plus qu’il
n’affirme, il murmure, plus qu’il n’apostrophe, il questionne plus qu’il ne répond"; c’est à poursuivre, non à
conclure qu’il appelle les spectateurs"; il n’impose pas le sens, il le déplie et le multiplie.
extrait de Jacques Lassalle dans Les Cités du théâtre d’art, de Stanislavski à Strehler,
Georges Banu (dir.), Editions théâtrales, 2000
En 2010, après la tragédie du 12 janvier, la réalisation du Festival Quatre Chemins dans toute sa
dimension publique, à l'image des précédentes éditions, n'avait pas été possible. Mais nous avions tenu
à marquer symboliquement la présence et la continuité du Festival : intitulée «"En chantier"», l’édition
2010 avait été essentiellement une période de réflexion et d’apprentissage, dans la perspective d’un
théâtre plus ouvert sur l’espace public, en prélude à des chantiers de créations pour l’édition 2011.
Quatre Chemins 2010 avait accueilli des ateliers pour artistes, comédiens et metteurs en scènes.
Emmenés par des formateurs expérimentés comme Jacques Livchine et Hervée de Lafond, du Théâtre
de l’Unité, Eva Doumbia, de la compagnie la Part du Pauvre et par le comédien metteur en scène
Philippe Robert, ces ateliers portaient sur des formes théâtrales peu pratiquées ici et sur d'autres
types de créations pour un théâtre citoyen.
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