LIBRES PROPOS
Communiquons que diable . . . .
Les temps sont à la communication avec un
grand C, omniprésente dans les discours,
vantée, galvaudée, manipulée, portée à nues,
sanctifiée, exécrée. Tout le monde parle de la
communication, il en existe même des
autoroutes, pourtant jamais les humains n’ont
si peu communiqué !
On commande une pizza par téléphone, on fait
l’amour par internet, du sport à la Télé, on prend un billet
de train ou de cinéma à un distributeur, on demande un
thé, un café, une boisson ou un préservatif à une machine,
on joue avec son ordinateur, on quémande des sous à un
DAB, et enfin on cherche son chemin avec un GPS.
Chaque entreprise, de la plus petite à la plus imposante, a
son répondeur vocal avec des voix charmantes certes, mais
de synthèse.
Lorsque par hasard on se parle, c’est par sigles ou
onomatopées.
Et nous autres, médecins, mes frères, nous ne sommes pas
en reste, tant s’en faut : on fait son AVC, suite à une HTA
mal jugulée par les BB et cela se termine par un OAP. On
maîtrise une PCE par des AINS. On a une CMU quand
on touche un RMI et on vous fait une IRM, des TGI,
éventuellement un TR si votre PSA est élevé, une NF, un
SMAC, un PAF, une UIV. Il y a là de quoi affoler des
patients ordinaires qui ne veulent cependant pas passer
pour des sots. Sans compter que les HPV, 1 à 2 d’ailleurs,
les PV 16 et 32, les HIV, TIT, BW ne sont que des MST,
pardon des ITS comme on les qualifie maintenant.
Comment ne pas craindre et quelques fois provoquer
sciemment l’incompréhension dans ce langage aux
antipodes de la communication ?
C’est lorsque survient un incident dans le contrat malade -
médecin que les choses se compliquent. C’est quand
intervient l’erreur médicale, "la bavure" comme disent nos
médias, ultra communicants, eux, que les affaires se
gâtent.
L’opinion publique en général et le malade en particulier,
de nos jours, réclament un coupable à la moindre
incartade.
Le temps des médecins en chapeau pointu, clystère sous le
bras et se drapant dans leur dignité offensée dès que
quelqu’un émet un doute sur leurs connaissances, est
définitivement révolu !
Les patients sont exigeants, informés,
internetisés à outrance et savent leurs "droits" ;
ils veulent tout savoir, mais cependant dans la
plupart des cas ils sont assez compréhensifs au
départ, et il suffit de quelques explications
simples, voire des excuses, en bridant quelque
peu son orgueil, surtout si l’on a pas les deux
pieds blancs, pour que tout s’aplanisse sans
problème.
Le commun des mortels dans la plupart des cas comprend
parfaitement une erreur dès lors qu’elle est involontaire,
imprévisible et humblement avouée.
De très nombreuses plaintes pourraient être ainsi évitées si
le médecin, certes un peu harcelé parfois, ne se réfugiait
pas derrière un écran de fumée de technicité et de termes
volontairement les plus barbares possibles destinés à
annihiler les velléités du requérant qui au contraire n’en
deviendra que plus revendicatif. Car les patients ou leur
famille veulent "la vérité", leur vérité, non par pour
toucher de l’argent comme ils disent, mais savoir ce qui
s’est réellement passé.
Il ne servira jamais à rien de se réfugier dignement derrière
ses compétences et ses diplômes, de refuser le dialogue, de
s’offusquer ou s’indigner fièrement, en un mot de ne pas
communiquer. Bon nombre d’affaires qui se terminent
devant les tribunaux auraient sûrement eu une issue
favorable si le médecin incriminé avait simplement
consenti à recevoir le ou les plaignants, à leur fournir
clairement les éléments de leur requête, en faisant
quelques fois fi de son bel amour propre, pour avouer
humblement que quelque part il s’est "planté".
Je pense que le patient dans la plupart des cas est satisfait
d’avoir "soutiré" en quelque sorte des "aveux", et ressent
même une certaine sympathie pour son interlocuteur qu’il
haïssait auparavant, car : "s’il avait voulu, il aurait pu
porter plainte. . . .". Mais il ne l’a pas fait !
Alors, communiquons que diable, nous nous épargnerons
ainsi bien des soucis et esquiverons bon nombre de
conflits.
C’est là un des devoirs déontologiques du médecin de
faire face aux problèmes et d’assumer pleinement sa
responsabilité en reconnaissant ses éventuels
manquements ou erreurs.
Docteur Virginio ELLENA
VICE-PRESIDENT