Robert
Plankett
COLLECTIF LA VIE BRÈVE I JEANNE CANDEL
DU 2 AU 11 MAI
{AU THÉÂTRE DES ABBESSES}
© Charlotte Corman
Dossier pédagogique
SAISON 2011 I2012
2
HYMNE AUX SOUVENIRS
Que se passe-t-il quand quelqu’un de familier disparaît brutalement ?
Se mettent en mouvement les jeux de la mémoire, des sourires, des larmes douces.
Robert Plankett vient de mourir, brusquement. C’était un jeune metteur en scène et ses comédiens, incrédules, assommés,
trient dans leur mémoire et dans les affaires qu’il a laissées. Dont, entre autres, un poulet congelé avec lequel sa veuve finit
par danser… Chacun y va de ses souvenirs, moins pour le faire revivre que pour accepter son absence. D’ailleurs il est là,
silencieux, comme s’il voulait lui aussi retrouver quelque chose. La mort est forcément une énigme, surtout à cet âge-là: tous
sont jeunes et tirent d’eux-mêmes leurs mots, leurs gestes, leur comportement. Juste avec une idée de départ, ils ont, ensem-
ble, sous le regard de Jeanne Candel, metteur en scène, inventé, au cours des répétitions, le texte et l’histoire, l’environne-
ment simplissime, rassemblé les musiques des plus variées. Ils forment un collectif du nom de La Vie brève. Mais à aucun
moment ils ne se complaisent dans la morbidité. Au contraire. Manifestement cette brièveté doit être vécue dans l’éner-
gie, l’humour, l’amour. Colette Godard
JEANNE CANDEL I COLLECTIF LA VIE BRÈVE
Robert Plankett
MISE EN SCÈNE Jeanne Candel
DRAMATURGIE Samuel Vittoz
CRÉATION LUMIÈRES Sylvie Mélis
SCÉNOGRAPHIE Lisa Navarro
DIRECTION MUSICALE Jeanne Sicre
ÉCRITURE COLLECTIVE & JEU Marie Dompnier,Lionel Dray, Sarah Le Picard,Laure Mathis,Hortense Monsaingeon,
Juliette Navis,Jan Peters, Jeanne Sicre,Marc Vittecoq
MATÉRIAUX Jean-Sébastien Bach,Franz Schubert,carton,papier kraft,Titien,Rossini,Jill Bolte Taylor, The Coasters,
Robert Garnier,cervelle de veau,Jean-Luc Godard,maïs grillé ET bien d'autres...
PRODUCTION La Vie Brève
COPRODUCTION Théâtre de Vanves, scène conventionnée pour la danse
CE TEXTE A REÇU L'AIDE À LA CRÉATION du centre national du théâtre ET LE SOUTIEN ARTISTIQUE du Jeune Théâtre National.
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SOMMAIRE
Ondes de choc IH. Le Tanneur p. 4
Robert Plankett par J. Candel p. 5
Entretien avec J. Candel p. 6
Origine du projet p. 8
Biographies p. 9
Presse I À écouter p. 12
© Charlotte Corman
4
ONDES DE CHOC
Avec Robert Plankett, fruit d’une création collective,
Jeanne Candel invente une écriture théâtrale d’une rare fraîcheur.
Traitant avec délicatesse et une pincée d’humour un sujet on ne peut plus grave.
On dit que la mort fait parler. Mais parler de la mort est ce
qu’il y a de plus difficile. En affrontant cette question déli-
cate de la disparition d’un proche, Robert Plankett, création
collective mise en scène par Jeanne Candel, témoigne d’une
étonnante inventivité dans sa capacité à traiter un événement
douloureux sur le mode d’une distanciation légèrement dé-
sabusée. À commencer par ce gigantesque papier kraft qui
occulte le plateau, métaphore d’un horizon anéanti, d’une fer-
meture opaque, mais aussi d’un seuil. La mort nous renvoie
à nous-mêmes, à nos propres limites. C’est en perçant le
papier kraft, en y opérant des trouées – comme des fenêtres
– d’abord timides puis de plus en plus importantes, que le
spectacle va peu à peu révéler ses secrets. La mort produit
une onde de choc. Non seulement il y a un avant et un après,
mais il y a toute une série d’effets sur les proches, la famille,
les amis, désarçonnés par l’événement. La délicatesse du
spectacle tient précisément à la façon dont il s’attache à des
détails humains très simples. Frappé par cette onde de
choc, le moindre mot, le moindre geste prend une tonalité
différente. Un peu comme si tout ce que l’on disait perdait
de son poids ou était dévié de son sens. Avec en même temps
la nécessité de remettre de l’ordre dans ce qui a été bous-
culé. Un travail d’autant plus délicat qu’il est le fruit d’une
écriture collective, même si l’ensemble est dirigé et mis en
scène par Jeanne Candel. « Je suis partie d’une histoire
personnelle, mais avec le souhait de l’aborder sans pathos
en jouant sur un style décalé. C’est un événement qui m’a
tellement figée dans sa brutalité que j’ai éprouvé un besoin
très fort de remettre du mouvement. »
Le théâtre de Jeanne Candel s’appuie sur une approche ori-
ginale qui implique les comédiens dans le processus d’écri-
ture. Formée au Conservatoire, elle a effectué plusieurs stages
auprès du metteur en scène hongrois Arpad Schilling dont
la méthode l’a beaucoup marquée. Elle commence par former
des groupes en leur donnant des thèmes à partir desquels
ils doivent inventer une scène qu’ils interprèteront ensuite
devant les autres acteurs et qui seront commentées par ces
derniers. « Petit à petit on a créé un langage, un matériau
dans lequel on pouvait piocher. C’est comme un laboratoire
dans lequel s’éprouvent des idées de scènes. À un moment
donné, il faut faire un choix, assembler tout ça pour que cela
devienne un spectacle. C’est un travail de longue haleine.
On construit des modules que l’on va ensuite agencer. » Il
en résulte un spectacle d’une grande fraîcheur naviguant
entre réalisme et onirisme avec un sens du détail qui frappe
par sa justesse. « Je suis obsédée par les détails, confirme
Jeanne Candel. Des choses minuscules qui prennent de l’am-
pleur. Au fond, le théâtre permet beaucoup de choses. L’idée
que le mort soit présent au milieu des autres, qu’il parle et
qu’on parle de lui devant lui comme s’il n’était pas là, par
exemple, c’était presque évident, une façon de montrer
comment le mort est présent dans l’espace mental de ses
proches. Dans ce spectacle, on peut dire qu’il y a un fond
réaliste et, sur ce fond, on pose des choses comme des éra-
flures qui déforment et remettent plus ou moins en ques-
tion ce réalisme. C’est quelque chose qui part des acteurs,
chacun étant auteur de sa scène. D’où leur liberté dans le jeu.
C’est une question de rebond. Je les provoque sur un thème,
sur une idée. Après quoi je rebondis à mon tour sur leurs pro-
positions. Je crois beaucoup à la fiction, au récit et aux pos-
sibilités que cela ouvre dans l’espace du plateau. Mon rêve au-
jourd’hui, ce serait de transposer un roman dans l’espace
du théâtre. »
Hugues Le Tanneur
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ROBERT PLANKETT
PAR JEANNE CANDEL
CE QUI RESTE ICEUX QUI RESTENT
Robert Plankett, metteur en scène contemporain, est mort
et ses proches se retrouvent dans sa maison pour s’occuper
de « ce qui reste » et essayer de faire face à cette disparition
prématurée et subite, à ce « scandale ».
Ses amis, sa compagne et une cousine germaine trient ses
affaires, se confrontent au vide, résilient ses contrats, « tou-
tes ces petites choses auxquelles on n’a jamais pensées »,
s’interrogent sur l’absurdité de cette mort, vident son frigo,
tombent face à face avec un poulet congelé qu'« on aurait dû
mangé avec lui », tentent de trouver du sens en observant
le comportement des saumons du Pacifique, se souviennent
de moments intimes passés avec lui, réinterprètent le passé.
Pas de texte en amont de la création, tout s’est écrit au plateau
avec les acteurs. Cette écriture collective s’appuie sur des élé-
ments composites qui prennent leur source dans différents
supports : littérature, documentaire, anecdotes personnelles,
films, peinture, etc.
Les acteurs sont convoqués sur le plateau non plus comme
simples interprètes, mais comme auteurs.
Le point de départ de cette création fut cette situation de mort
prématurée : Robert Plankett meurt d’un AVC. À partir de
cette situation traitée de manière réaliste, le jeu a consisté
à créer des décalages, des torsions, des boursouflures : une
base réaliste que l’on vient altérer, « griffer » pour créer des
«haïkus scéniques ». Un exemple: une femme décrit au public
son histoire d’amour passée avec Robert, elle raconte leur rup-
ture amoureuse en montrant des détails sur son corps qui de-
vient une «grande carte des sentiments », «un atlas intime» ;
à un moment, elle découvre sa cheville, montre sa malléole et
dit: «ça, c’est la boule que j’avais alors dans la gorge».
C’est un théâtre d’assemblage qui circule entre concret et
métaphore.
PROCESSUS DE RÉPÉTITION
Consignes/Mots-clés et Rebonds
Les acteurs ont été amenés à écrire des morceaux de cette his-
toire de manière très concrète : je leur ai donné des canevas,
des situations, des synopsis ou des mots-clés, et je les ai lais-
sés chercher ensemble par petits groupes que je définissais
préalablement.
L’écriture de cette création s’est donc faite au plateau et ne s’est
construite que sur les propositions des acteurs qui ne sont
plus considérés comme simples interprètes mais comme
auteurs actifs. C’est ce rebond permanent entre mes provo-
cations et leurs propositions qui produisent la matière du
spectacle.
Montage/Associations
À partir de cette accumulation de matériaux divers, le montage
commence : comme au cinéma, je coupe, élague, transfère,
associe. Tout vient en même temps : fond et forme sont con-
frontés et c’est le plateau qui décide : une chose n’existe que
si le plateau est « convaincu ».
NOTES SCÉNOGRAPHIQUES
Avec Lisa Navarro, nous avons cherché un dispositif qui par-
lait du théâtre et qui s’en jouait par la même occasion : nous
avons conçu un grand rideau de scène éphémère puisqu’il
est en papier kraft et qu’il est déchiré chaque soir par l’ac-
teur qui joue Robert Plankett.
Durant le prologue, Robert découpe à l’aide d’un cutter des fe-
nêtres de taille différentes dans ce rideau qui viennent cadrer
la situation de deuil dans laquelle sont encerclés les vivants :
c’est une incision qui vient zoomer sur des détails profonds ou
prosaïques. L’espace est traité comme un agrandisseur des
toutes petites choses.
Robert Plankett c’est le nom du personnage principal de cette histoire et il est mort, il était metteur en scène. Robert Plankett
c’est le nom « arrangé » d’une rue proche de mon appartement : rue Robert Planquette dans le 18earrondissement.
Robert Planquette était un compositeur d’opérette influencé par Offenbach, mais ça n’a rien à voir avec notre création, seul
le nom nous intéresse.
Robert Plankett est composé d’histoires vraies, de mensonges, de papier kraft, de la petite messe solennelle de Rossini,
d’un poulet, d’un livre introuvable intitulé L’art dentaire en médecine légale, d’un chagrin d’amour, d’un cercueil et de cen-
dres, d’une actrice qui perd la mémoire, d’un cerveau, d’une machine à crêpes, de cartons pour emballer les objets du mort,
de trous pour différents points de vue, de pommes, du temps qu’il fait pour de vrai aujourd’hui…
Jeanne Candel
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