Panneaux de l`exposition

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Musée de Lorris
Musée départemental de la Résistance
et de la Déportation
Résistants
déportés
du Loiret
Des parcours
qui ont marqué des vies
1
Pierre Bérault
Mardié
D
epuis janvier 1944, la Gestapo d’Orléans multiplie les arrestations et obtient
rapidement le démantèlement d’une partie des membres du mouvement
« Vengeance ».
Les mois suivants l’étau se resserre et les aveux de Guy Eymard dit Gérard apportent
aux agents de la Gestapo de précieux renseignements déclenchant notamment les
opérations suivantes :
-
attaque du maquis de Samatha le 25 juin 1944 (entre Marcilly-en-Villette et
Sandillon) ;
-arrestations de nombreux résistant(e)s liés au maquis ;
-attaque du Gué de la Thas le 29 juin 1944 (réseau « Jade Amicol ») Vienne-en-Val ;
-rafle de dix sept membres du mouvement « Vengeance » le 31 juillet 1944 dans le
secteur de Sandillon, St Cyr-en-Val, Marcilly-en-Villette et Vienne-en-Val.
Pierre Bérault, résistant dès 1942 et membre du mouvement
« Vengeance » est très actif : faux papiers, transport, cache,
distributions des armes parachutées à Samatha, recrutements,
contacts et organisation avec les chefs de réseaux… Suite aux
dénonciations de juin 1944, il est arrêté le 27 juin au domicile
de Jean-Louis Pagnon-Colonna à Orléans (chef départemental
du mouvement « Vengeance ») ; il y était venu pour prendre des
consignes du capitaine Wilkinson (chef du réseau « Buckmaster »)
arrêté la veille.
Pierre Bérault. Archives familiales.
Il est torturé dans les locaux de la Gestapo d’Orléans (bd Alexandre
Martin) et incarcéré à la prison de la Rue Eugène Vignat (actuel
Palais des Sports) jusqu’au 12 juillet 1944, date de son transfert en
autocar au camp de Compiègne-Royallieu - Frontstalag 122.
Le 28 juillet 1944, il est déporté au camp de Neuengamme.
Après trois jours de transport inhumain sans rien à boire, le
convoi arrive à destination. Commence alors la lutte pour
sa survie.
Devenu le n°39353, Pierre Bérault après une période de
quarantaine est envoyé au camp de Bremen-Farge où il
doit travailler douze heures par jour à la construction d’une
base sous-marine, « les mains collées sur le fer l’hiver ».
Avec l’avancée des Alliés, le camp est évacué par les SS et il
échoue avec un petit groupe au camp de Sandbostel (Stalag
XB), véritable mouroir. Il fait partie des survivants que les
troupes britanniques trouvent en arrivant le 29 avril 1945.
Soigné, réalimenté lentement, il est rapatrié le 8 juin 1945 et
passe par l’hôtel Lutétia à Paris avant de retrouver sa mère
à Mardié. Malgré les séquelles et un accident lui coûtant
l’amputation d’une jambe il reprend le cours de sa vie. En
1947, il épouse Suzanne Léger et fonde une famille.
Fiche de démobilisation de Pierre Bérault.
Archives familiales.
Pierre décède le 11 mars 2009 à l’âge de 88 ans.
Fiche descriptive des infirmités pour une
pension des victimes de guerre.
Archives familiales.
Lettre de Pierre adressée à sa mère juste après sa libération le 1er mai 1945. Archives familiales.
Résistants déportés du Loiret
1
Suzanne Léger
Vienne-en-Val
Suzanne Léger habite seule avec son père Lucien car sa mère est
décédée en 1936 d’un accident de la route ainsi que sa sœur et
son frère de maladie. Elle prépare les repas des maquisards et leur
fourni des renseignements. Elle est arrêtée une 1re fois en même
temps que son père le 29 juin 1944 lors de l’attaque du réseau
« Jade Amicol » au Gué de la Thas (six arrestations dont celle de
Philip Keun), puis relâchée. Elle est à nouveau arrêtée le 31 juillet
lors d’une rafle de personnes suspectées de résistance.
Incarcérée à la prison d’Orléans, elle est transférée le 5 août 1944
au Fort de Romainville.
Le 15 août 1944 après-midi elle est
amenée à la gare de Pantin. Ce convoi
composé de plus de 2 200 personnes
(dont 546 femmes) transporte des dizaines d’hommes et de femmes du
Loiret dont son père Lucien venu de la prison de Fresnes.
Suzanne Léger. Archives familiales.
Après un parcours chaotique et mortifère, les hommes descendent
au camp de Buchenwald le 20 août au matin tandis que les femmes
continuent le voyage jusqu’à Fürstenberg puis poursuivent à pied
jusqu’au camp de Ravensbrück (le 21 août).
Suzanne devient le matricule 57872 « nous avons attendu longtemps,
debout sous le soleil... nous avons laissé tout ce que nous avions : valise,
couverture, bijoux, photos...
Au sortir des douches on nous distribua une chemise et une culotte
tachée et une robe de n’importe quelle taille… appel sous la pluie ou la
neige à 4h du matin jusqu’à 6 ou 7 heures...coups de bâtons...
Nous partions en dehors du camp avec des pelles pour bêcher une
grande étendue de terre...
Le soir nous touchions 300 gr de pain, un petit cube de margarine et
parfois une rondelle de saucisson de chien (que nous trouvions bon
quand même). Témoignage d’Andrée Gibault, camarade de déportation
de Suzanne à Ravensbrück.
Transférée dans une usine à Torgau elle travaille quelques temps au
nettoyage de douilles d’obus usagées ou dans les champs.
Lucien Léger dit Philibert - Mort
en déportation le 6 novembre
1944 à Ellrich - Mat.77565.
Archives familiales.
Andrée Gibault résistante
déportée mat 57951.
Archives familiales.
Malade du typhus elle est renvoyée à Ravensbrück, au revier (infirmerie) puis transférée au camp
mouroir de Bergen-Belsen où son état s’aggrave (coma). C’est dans cet état de santé précaire
qu’elle est retrouvée par les troupes anglaises le 15 avril 1945. Elle a alors 22 ans.
Après un mois et demi de soins et de réalimentation, elle est rapatriée le 5 juin 1945 via l’hôtel
Lutétia à Paris. Elle apprend le décès en déportation de son père. Désormais sans famille et
gravement malade elle est recueillie par une famille orléanaise (Mr et Mme Pelé) à qui elle vouera
reconnaissance toute sa vie.
Carte de rapatrié remise à l'hôtel Lutétia à Suzanne Léger.
Archives familiales.
Nomination de Suzanne Bérault au grade de
chevalier de la Légion d'Honneur.
Archives familiales.
En 1947 elle épouse donc Pierre Bérault, rescapé des camps. Pendant des années elle est le portedrapeau de l’association des femmes déportées de la Résistance pour la Région Centre, présidée
par Yvette Choquet-Kohler dont la présidente nationale fut Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
De son enfer à Bergen-Belsen, elle rapporta une cuillère d’officier SS, conservée précieusement
dans les archives familiales.
Suzanne décède le 29 mars 2007 à l’âge de 84 ans.
Résistants déportés du Loiret
1
Les arrestations
du 31 juillet 1944 à Nargis
D
epuis 1930, Maurice et Jeannette Verdier (née Dauliac)
sont instituteurs dans le Loiret. Ils sont nommés
à l’École de Nargis le 1er octobre 1937. Maurice exerce
également les fonctions de secrétaire de mairie.
En avril 1944, Lilian Vera Rolfe dite Claudie ou Nadine est
parachutée en France. Opérateur radio au service du réseau de
renseignement « Historian » elle est en contact étroit avec George
Wilkinson (dit Étienne) puis Pierre Charié (dit Leblanc). Elle envoie
et reçoit de nombreux messages de Londres permettant d’obtenir
plusieurs parachutages d’armes et de matériels pour les groupes
de résistants du Loiret.
Jeannette et son fils Claude à Nargis.
Claude est né le 25 juin 1935
à St Maurice-sur-Aveyron.
Archives familiales.
Traquée, elle se déplace régulièrement. Fin juillet 1944 elle est
cachée chez Maurice et Jeannette Verdier dont la maison sert de
lieux de rencontre pour les résistants. Elle doit y rester deux jours
pour émettre mais le lundi 31 juillet tout bascule !
Ce matin là François Bruneau de Boynes, garde du corps de Liliane Rolfe, lui apporte un message
à transmettre. Des hommes de la Gestapo, dont Pierre Lussac se faisant passer pour des résistants
les arrêtent et tendent une souricière.
Raymond Bourdois de Puiseaux et sa belle sœur Lucienne Villechenon de
Châlette-sur-Loing arrivent chez les instituteurs pour y rencontrer Pierre
Charié et remettre des informations à Lilian Rolfe (qu’ils avaient hébergée
précédemment). Ils sont arrêtés à leur tour.
François Bruneau quant à lui parvient à s’enfuir et prévient Pierre Charié.
Le petit groupe est emmené à la Gestapo de Montargis (rue Dom Pèdre),
transféré à la prison d’Orléans (rue Eugène Vignat - emplacement actuel du
Palais des Sports), puis incarcéré dans les prisons parisiennes.
Lucienne Villechenon
mat 57958.
Archives familiales.
Le 15 août 1944, Maurice et Jeannette Verdier, Lucienne Villechenon et Raymond Bourdois
sont amenés à la gare de Pantin avec plus de 2 000 autres déportés, direction l’Allemagne. Les
hommes arrivent au camp de Buchenwald le 20 août tandis que les femmes arrivent à celui de
Ravensbrück le 21 août.
Jeannette, après un court séjour à Ravensbrück, est envoyée au camp de Torgau où elle doit
nettoyer des douilles d’obus usagées dans des cuves d’acide. Elle revient quelques jours au camp
principal pour repartir direction Könisberg (actuellement Chojna en Pologne) et travailler au
terrassement d’un terrain d’aviation. Enceinte au moment de son départ elle accouche d’un
garçon le 18 février 1945 qui décède deux jours plus tard.
Lucienne Villechenon et Jeannette Verdier après tous ces mois passés à travailler dans les camps,
sont évacuées par les nazis à l’approche des Alliés. À l’issue d’une éprouvante marche de la mort
les rescapées sont libérées par les Russes, le 8 mai 1945.
Raymond Bourdois est libéré le 24 avril à Sachsenhausen après plusieurs semaines d’une marche de la mort depuis Ellrich. mat 76857.
Il rentre à Puiseaux le 26 juin 1945. Il est décédé le 26 juillet 1983 (72 ans). Archives personnelles.
Maurice Verdier et son fils
Claude. Il meurt à Ellrich
(camp annexe de Dora)
le 15 décembre 194433 ans - mat 76858.
Archives familiales.
Jeannette
Verdier et son
fils Claude, à
l’hôpital de
Montargis.
Rescapée de
Ravensbrück et
de Koenisberg,
elle rentre
en France le
27 juin 1945
très malade,
atteinte de
tuberculose
avancée.
Elle décède le
18 avril 1947 36 ans mat 57957.
Archives
familiales.
Résistants déportés du Loiret
Lilian Vera Rolfe part
le 8 août 1944 de la
gare de l’est à Paris
(même convoi que
George Wilkinson).
Elle est abattue
d’une balle dans la
nuque à Ravensbrück
avec 2 autres
agents du réseau
de renseignement
anglais (SOE),
Denise Bloch
et Violette Szabo
en janvier 1945.
Elle était âgée
de 30 ans.
Archives
personnelles.
1
Alice et Gaston BROSSARD
Artenay
G
aston Brossard est menuisier ébéniste à Artenay. Il
dirige un atelier dans le village et son épouse, Alice, se
charge du magasin. Mobilisé en 1939 et grièvement blessé
en 1940, l’adjudant Brossard est évacué et hospitalisé.
Il rentre à Artenay le 16 avril 1941. Ne supportant pas l’occupation
de son village, il entre en résistance et parvient à organiser un
groupe de patriotes. Il apporte son aide à des prisonniers de
guerre évadés, des réfractaires au STO, des parachutistes alliés…
Alice, n’est pas mise au courant des activités de son mari, qui
protège ainsi ses deux enfants et ses proches.
Fiançailles d'Alice et Gaston BROSSARD.
Archives de la famille Brossard.
Sur proposition de Claude Lerude, chef départemental, il intègre les Corps francs « TurmaVengeance » le 3 janvier 1944 sous le pseudonyme
de Morel. Malheureusement le 16 janvier, Claude
Lerude et d’autres membres du mouvement
« Vengeance » sont arrêtés par la Gestapo. Gaston
parvient malgré tout à rétablir le contact avec le
mouvement mais, dénoncé, il est arrêté à son tour
le 4 juillet, à son domicile.
L’adjudant Gaston Brossard, décembre 1939.
Archives de la famille Brossard.
Attestation de Robert Thénard. Archives de la famille Brossard.
Conduit à Orléans, au siège de la Gestapo, il
est interrogé puis emprisonné rue Eugène
Vignat. Le 8 juillet, il subit un nouvel
interrogatoire très violent. Le 12 juillet, avec
une cinquantaine d’autres détenus, il est
transféré par autobus, au Frontstalag 122
de Compiègne : « C’était presque un havre
de paix, comparé à ce qui va nous arriver
après... ».
Le 28 juillet, muni pour seul bagage d’une demi-boule de pain et d’une sorte de saucisson,
il quitte le camp de Compiègne, pour la gare de marchandises. Avant d’embarquer dans les
wagons à bestiaux, les 1 651 détenus de ce convoi doivent se dévêtir, pour ne rester qu’en sousvêtements.
Après un voyage long et accablant, ils arrivent à Neuengamme, près de Hambourg, le 31 juillet
1944. Sous les hurlements et les coups des SS, les aboiements des chiens, les détenus sont sortis
des wagons et gagnent le camp. Après une longue attente sous le soleil, ils reçoivent une plaque
de matricule : Gaston Brossard devient le numéro 39739, et sont alors tondus et désinfectés. Puis
ils doivent revêtir la tenue « de quarantaine » dépareillée et marquée d’une grosse croix jaune,
« un carnaval hallucinant ! ».
Le 17 août, il fait partie des 137 détenus transférés au kommando de Braunschweig pour
construire un nouveau camp destiné à la firme Büssing Nag, fabricant de camions. Il y retrouve
deux Artenaysiens partis dans le même convoi que lui : Marcel Girault, mat 39740, et JeanBaptiste Picaud, mat 39741.
Résistants déportés du Loiret
1
Alice et Gaston BROSSARD
Artenay (suite)
Les conditions de vie et de travail y sont très dures. Les décès
se multiplient à l’hiver 1944. Suite à un phlegmon au bras
gauche en octobre et à des ulcères aux jambes en février
1945, suivis d’une grippe intestinale, Gaston est transporté
avec d’autres malades au Kommando de Watenstedt dans un
Block-mouroir, le 23 mars 1945.
Avec l’avancée des troupes alliées, les détenus sont évacués.
Après sept jours de trajet à bord de wagons-tombereaux,
sans eau ni nourriture, les déportés survivants parviennent
au camp de Ravensbrück. Quelques colis de la Croix Rouge
américaine leur sont distribués.
Le 27 avril 1945 nouvelle évacuation. Ils sont envoyés dans
un nouveau camp, et après plusieurs kilomètres effectués à
La famille Brossard à Artenay, mai 1944 .
Archives de la famille Brossard.
pied et en camion, ils arrivent dans la nuit du 1er au 2 mai
à Malchow. Enfermés dans une baraque, ce n’est que vers
midi qu’ils constatent la disparition des SS. Ils viennent d’être libérés par les Russes. Livrés à euxmêmes, une dizaine de déportés français, dont Gaston Brossard, s’organisent : ils s’installent dans
les logements SS, investissent les cuisines, se ravitaillent et trouvent des vêtements propres dans
les maisons de la ville proche.
Le 8 mai, après avoir récupéré un poste TSF, ils apprennent que la guerre est finie, mais personne
ne s’occupe d’eux. Ils décident de rentrer en France par leurs propres moyens. Munis d’une carte
trouvée par hasard et équipés d’une petite charrette de fortune (une table renversée sur 2 roues)
pour transporter du ravitaillement, le petit groupe entame un périple de 80 kilomètres jusqu’à
Schwerin, où il entre en contact avec les Américains. Mal accueillis dans une caserne devenue
hôpital, ils décident de repartir. Un camion anglais les prend en charge sur le chemin et ils sont
rapatriés en France par train, via les Pays-Bas et la Belgique.
Pendant la longue absence de Gaston, Alice a multiplié les démarches pour obtenir des nouvelles ;
sans succès. Elle témoigne : « J’ai vécu sur les nerfs, et je ne pouvais même plus pleurer, tant j’étais
épuisée ». Le 24 mai, elle se rend à Paris, à l’hôtel Lutetia, pour rencontrer un rapatrié qui aurait
vu son mari en début de mois. Malheureusement, ce témoin est déjà parti. Or, heureux hasard,
Gaston arrive ce même jour à Paris et fait prévenir des amis à Artenay par téléphone. Alice, qui
a indiqué à Béatrix, la mère de Gaston, où elle pouvait la joindre rapidement, est alors prévenue.
Elle se précipite à l’hôtel Lutetia. Elle confiera plus tard avoir cru retrouver un moribond.
Fiche de recherche concernant Gaston Brossard établie par son épouse, début 1945 (la photographie l’accompagnant date de 1943).
Archives de la famille Brossard.
Alice et Gaston rentrent ensemble à Artenay le 26 mai 1945. Tout le village est sur le quai de la
gare avec des fleurs. Quand Gaston descend du train dans sa tenue rayée de déporté, la foule
devient immédiatement silencieuse… Il pèse 42 kilos.
Entouré par ses proches et soutenu par ses amis, il parcourt à pied le chemin jusqu’à son domicile
qu’il a quitté le 4 juillet 1944, encadré par les hommes de la Gestapo. Parvenu devant la porte
d’entrée, il tombe à genoux et ne peut dire que ces quelques mots : « Ma maison ! Ma maison !... ».
Gaston est décédé le 2 avril 1988, 18 mois après son épouse Alice.
Jean-Pierre, leur fils, et Éric, leur petit-fils, leur ont consacré un livre : Alice et Gaston, un couple
et son village dans la guerre. Artenay (Loiret), 1939-1945.
Résistants déportés du Loiret
1
Lucien et Odette Bourgon
Gidy
I
nstituteur à Bazoches-lesGallerandes, Malesherbes,
Ramoulu et Varennes Changy,
il s’installe en 1936 à Gidy avec
sa famille : Odette sa femme,
Françoise sa fille et Jean
son fils. Lucien Bourgon est
directeur de l’école de garçons
et secrétaire de mairie. Sa
femme Odette est directrice
de l’école des filles.
Portraits des époux Bourgon. Archives familiales.
À la déclaration de guerre Lucien Bourgon est mobilisé et affecté
au 405e régiment de pionniers comme lieutenant. Le 21 juin 1940
il est fait prisonnier et est interné à l’Oflag III C situé à Lübben
en Allemagne. Malade, il est libéré en juillet 1941 puis soigné à
l’hôpital militaire de la Chapelle-St-Mesmin.
En juin 1942 il réintègre l’école de Gidy.
Attestation d’appartenance établie par
le groupe Jade Amicol. Archives familiales.
Pendant son absence, Odette le remplace au secrétariat de
la mairie. En parallèle elle apporte son aide à la Résistance en
fabriquant des faux papiers pour les prisonniers évadés et les
réfractaires au STO, malgré la présence des Allemands cantonnés
dans la maison et les classes.
À son retour, Lucien entre aussi en résistance. Mais le couple établit
surtout des liaisons avec le réseau « Jade Amicol » (Philip Keun).
Lettre adressée à son épouse, en date du 28
juillet pour l’informer de son départ d’Orléans.
Archives familiales.
Dénoncé par une collègue, Lucien est arrêté le 19 juillet 1944 par
des agents de la Gestapo (Pierre Lussac, Guy Eymard et Roger
Bodes). Frappé à coups de pieds et de crosse de revolver, il est
emmené avec sa femme et son fils (relâchés quelques jours
après) à la prison d’Orléans rue Eugène Vignat.
Le 28 juillet 1944 il est transféré au Frontstalag 122 de CompiègneRoyallieu.
Certificat de décès. Archives familiales.
Au matin du 17 août les détenus quittent le camp avec une
boule de pain et un colis de la Croix Rouge à partager. La gare
de Compiègne étant détruite, le convoi doit partir de la forêt
de Rethondes. Cependant, des accords entre le consul général
de Suède à Paris (Raoul Nordling – inhumé à Cepoy – Loiret)
assisté du représentant de la Croix Rouge et le commandement
militaire allemand sont en cours, visant à empêcher son départ.
Malheureusement rien n’y fait et le 18 août 1944 le train prend la
direction de Buchenwald. Les prisonniers arrivent le 21 août 1944,
Lucien Bourgon devient le matricule 81312.
Après la « quarantaine » il est affecté au Kommando de Witten
Annen. Les déportés travaillent pour la firme AGW à la fabrication
de pièces d’armement (blindages). Avec l’avancée des Alliés, le
Kommando est évacué dans une marche de la mort vers Lippstatd.
Épuisé, Lucien Bourgon décède le 5 avril 1945 à l’hôpital de
Lippstadt, à l’âge de 45 ans, peu de temps après la libération du
camp par les Américains.
Sa fille, Françoise, âgée de 15 ans devient alors pupille de la nation.
Extrait du décret portant nomination dans la
Légion d’Honneur à Lucien Bourgon.
Archives familiales.
Carte de membre de François Bourgon, Association "Les fils des tués". Archives familiales.
Carte de pupille de la nation
de Françoise Bourgon. Archives familiales.
Le corps de Lucien est rapatrié en 1948 et inhumé dans le caveau
familial au cimetière de Boesses.
Depuis 1968, une place porte son nom dans le village de Gidy.
Résistants déportés du Loiret
1
Octave et
Renée Montembault
Châtillon-sur-Loire
D
ès 1943, Octave Montembault alias Patrick est
contacté par des membres du
mouvement de résistance déjà
implanté à Briare. Avec son
épouse Renée, pseudo Nicole,
ils hébergent et fournissent des
faux papiers aux réfractaires
du STO, diffusent le journal
Résistance et surtout cherchent
à se procurer des armes.
Portrait des époux Montembault. Archives familiales.
Dénoncés, comme beaucoup de résistants du Loiret, par Guy Eymard, le couple est arrêté à son
domicile, le 23 juin 1944. Octave raconte « Quatre agents de la Gestapo, arrivant dans ma cour
en voiture Citroën, se saisirent de moi et l’un d’eux (Lussac) me donna tout de suite force coups
de poings ». Son épouse est interpellée juste après. Tous deux sont conduits à la prison d’Orléans
puis interrogés au siège de la Gestapo. Ils sont torturés. Octave est suspendu par les pieds et
battu, tandis que Renée subit le supplice de la baignoire.
Le 17 juillet 1944, Renée est envoyée au Fort de Romainville. Le 20 juillet elle est déportée pour
le camp de Neue Bremm (situé à Sarrebruck) où elle est internée une vingtaine de jours. Le 11
août 1944 elle est affectée au camp de Ravensbrück. Son matricule est le 51360. Elle témoigne
« Fouille complète, dépouillement
total. Dix jours de quarantaine au
bloc 23. Puis triées par ordre
alphabétique, je repars avec mes
camarades pour un kommando. »
Envoyée à Belzig (mat 10257), elle
doit travailler pour une usine de
Matricule de Renée Montembault au camp de Belzig. Archives familiales.
munitions : « Une demi-heure de
route à pied,
12 heures de travail debout avec alternance de nuit et de jour… ». Avec
l’avancée des Alliés, le camp est évacué le 25 avril 1945 et la colonne de
détenues arrive le 26 avril au Stalag XI A situé à Altengrabow (environ
90km de Berlin). Les déportées sont prises en charge par les prisonniers
de guerre, et les SS encadrant la colonne, désertent. Le camp est libéré
le 3 mai 1945. Renée Montembault est rapatriée en wagons à bestiaux,
Crayon mesurant 2,5 cm, dissimulé
portes ouvertes cette fois-ci et rentre à Châtillon-sur-Loire le 10 mai
par Renée Montembault pendant
sa déportation et conservé dans les
1945. Elle y retrouve sa fille et ses parents restés sans nouvelles depuis
archives familiales.
son arrestation.
Octave Montembault est envoyé au Frontstalag 122
de Compiègne-Royallieu le 4 août 1944 où il tombe
malade, atteint d’une dysenterie dont il ne guérit pas
pendant toute sa déportation. Il quitte le camp le 17
août en camion et part par le convoi, qui attend les
déportés en forêt de Rethondes, le 18 août 1944 car
la gare de Compiègne est inutilisable an raison des
bombardements. Malgré des négociations, l’évacuation des détenus est maintenue. Octave explique
« Nous sommes 130 dans chaque wagon à bestiaux. Six
jours de transport, une chaleur atroce, la soif intense
qui nous brûle ». À son arrivée à Buchenwald, il est mis
en quarantaine et on lui attribue le matricule 81251. Fin
septembre il est affecté au kommando de Holzein et
travaille au terrassement du camp, pas encore aménagé.
Puis en novembre 1944 il est envoyé à la carrière de
pierre.
Cartes de jeu fabriquées en déportation par
René Montembault. Archives familiales.
En avril 1945, les détenus sont rapatriés à Buchenwald, et le 9, le camp est évacué. Lors d’une
marche de la mort, il réussit à se cacher en compagnie d’un autre camarde. Trop faible, il reste
sur place tandis que son compagnon cherche du secours. Des Américains arrivent. Octave
Montembault est hospitalisé et rentre à Châtillon-sur-Loire le 26 mai 1945. Il pèse alors 35 kg.
Octave Montembault est décédé en 1952 à l’âge de 53 ans et Renée en 1981 à 73 ans.
Une rue de Châtillon-sur-Loire porte leur nom.
Résistants déportés du Loiret
1
La traque des membres
du Parti communiste
dans le Loiret
L
e pacte de non agression germano-soviétique, signé le 23 août 1939, sert de
prétexte à la répression anti-communiste et le 26 septembre 1939, le gouvernement
décrète l’interdiction du parti en France. Les militants et les organisations deviennent
hors-la-loi.
En 1941, naît le « Front national de lutte pour l’indépendance de la France » et les groupes de
« Francs tireurs et Partisans » (FTP) dont les objectifs sont de lutter par tous les moyens contre
l’envahisseur (sabotages, attaques de convois, faux-papiers, distribution de tracts et de journaux...).
Dans le Loiret, l’arrêté du préfet Jacques Morane du 24 décembre 1940 menace « d’internement
administratif les militants communistes » dans les communes où se déroulent « l’émission, la
circulation, la distribution et l’affichage de tracts communistes ».
La répression s’intensifie à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre son allié
temporaire, l’URSS, entraînant de multiples arrestations, exécutions et déportations.
Henri Gaget : né à Dadonville
et cultivateur au hameau de
Bourgneuf, il est arrêté le 22 juin
1941 dans le cadre d’une grande
rafle contre les communistes de
zone occupée, portant le nom
de « Aktion Theoderich », suite à
l’invasion de l’URSS par les troupes
hitlériennes.
Après des mois d’internement au
camp de Compiègne-Royallieu,
il part par le convoi du 6 juillet à
destination d’Auschwitz, convoi
Henri Gaget photographié à Auschwitz.
Henri Gaget avant son arrestation.
Archives familiales.
Archives familiales.
dit des « 45000 ». Il y meurt le 20
septembre 1942 à l’âge de 30 ans.
Il portait le matricule 45563. Son camarade, Pierre Roux, lui aussi natif de Dadonville et arrêté
le 29 mars 1941, est également déporté à Auschwitz par le même convoi -matricule 46257- et
décédé à Birkenau le 21 janvier 1943, à l’âge de 21 ans.
Lettre de Pierre Roux à Henri. Archives familiales.
Marcel Boubou : né à Beaugency et instituteur à Orléans, il est
arrêté à son domicile 83, rue de Vaucouleurs à Orléans le 18
octobre 1941, en tant que membre actif du Parti communiste.
Détenu à la prison de la rue Eugène Vignat à Orléans (actuel Palais
des Sports) il est transféré à Compiègne-Royallieu puis déporté le
6 juillet 1942 dans le convoi dit des « 45000 » vers Auschwitz. Ce
convoi est composé pour l’essentiel d’un millier de communistes
et d’une cinquantaine de Juifs.
Il meurt le 18 septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau vraisemblablement gazé, à quelques jours de son 50e anniversaire. Il
portait le matricule 45276.
Marcel Boubou photographié à Auschwitz.
Copyright : Claudine Cardon-Hamet.*
*Claudine-Cardon-Hamet : docteur en Histoire, auteur des ouvrages : "Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942" Editions Autrement, 2005 Paris
et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé)
Résistants déportés du Loiret
1
La traque des membres
du Parti communiste
dans le Loiret (suite)
Malgré les risques, les groupes s’organisent et participent à de nombreuses opérations (distributions
de tracts, de journaux, sabotages de voies ferrées, de lignes téléphoniques, attentat contre Marcel
Déat…). Le groupe de Résistants des Francs tireurs et Partisans, nommé « groupe Chanzy » fut
fondé le 3 décembre 1942 dans le Loiret (sections d’Orléans et de Bonny-sur-Loire) et il se montra
très actif.
À partir de mars 1943, une répression féroce est menée et aboutit, malgré le recours en grâce
formulé par le préfet régional Jacques-Félix Bussière, à l’exécution et à la déportation des partisans.
Cécile et Robert Painchault :
un couple uni dans la Résistance, séparé par la déportation.
Cécile est la sœur d’Henri Gaget. Elle est née le 1er octobre 1908 et
a épousé Robert Painchault le 12 avril 1939. Le couple appartient au
« groupe Chanzy ».
Ils tombent tous deux dans la souricière tendue par la police au
domicile de Marcel Lerouge, faubourg St Vincent à Orléans.
Robert y est arrêté le 4 avril 1943. Le lendemain, ne le voyant pas
revenir, Cécile se rend chez Marcel Lerouge où elle est également
arrêtée.
Photo de mariage 12 avril 1939 à Pithiviers.
Archives familiales.
Emprisonnée à Orléans jusqu’au 30 août 1943, puis au Fort de
Romainville jusqu’au 26 octobre, elle est transférée au camp de
Compiègne-Royallieu jusqu’au 31 janvier 1944, date de son départ
pour Ravensbrück. Ce convoi est composé de 959 femmes, dont
Marguerite Carmignac de Chuelles, Marie-Thérèse Billard de
Baule, Raymonde Dodinet de Gy-les-Nonains…
Son décès est enregistré le 1er mars 1945, sous le matricule
27234. Elle avait 36 ans. Une place à Saran porte son nom.
Cécile Painchault. Photo prise par le 5e bureau,
5 rue du Champ-Saint-Euverte à Orléans,
le 7 avril 1943. Archives privées.
Lettre jetée du train par Cécile.
Archives familiales.
Enveloppe de la dernière lettre de Cécile
envoyée de Ravensbrück à ses parents.
Archives familiales.
Robert Painchault est emprisonné à Orléans, puis au Fort de Romainville à partir du 30 août.
Il est envoyé au camp de transit de Neue Bremm (Sarrebruck) au départ de la gare de l’Est à
Paris le 11 octobre 1943. Il en repart rapidement pour le camp de Mauthausen, le 16 octobre
1943, matricule 37797. Il est affecté au camp de Wiener-Neudorf, dans une usine de construction
d’avions. Puis suite aux bombardements alliés il est renvoyé au camp principal. Il est libéré le
4 mai 1945. Revenu très affaibli, il est soigné pendant une année entière par sa belle-mère. En
1948, il se remarie avec Marie-Louise Floride. Robert Painchault décède le 27 janvier 1982 à
l’âge de 71 ans.
Faire-part pour la cérémonie
du 15 septembre 1946. Archives familiales.
Cérémonie du 15 septembre 1946 à Bourgneuf-Dadonville.
Archives familiales.
Résistants déportés du Loiret
1
André MEERT
Solterre
A
ndré Meert de nationalité belge, arrive en France en
1928, à l’âge de 10 ans. La famille s’établit en 1935 à la
ferme du château de Solterre que son père, François, loue
par bail en tant que cultivateur.
En novembre 1939 André s’installe, avec l’aide de son père, à la
ferme du Cormier à La Chapelle-sur-Aveyron. Le 18 juin 1940, il
se marie avec Jeanne Rousseau et un an plus tard nait une petite
fille, prénommée Marie-José.
Parallèlement à son exploitation et à sa vie de famille, André
entre en résistance dès le début de l’Occupation. Il héberge des
André Meert. Archives familiales.
prisonniers de guerre évadés de la caserne Gudin de Montargis
et plus tard des réfractaires au STO. Avec son père et des
compagnons de la Résistance locale, il participe à des parachutages autour de Solterre et à des
sabotages sur la ligne de chemin de fer toute proche.
Ces actions lui valent d’être interpellé fin juin
1944 par une patrouille allemande en faction
rue Dorée à Montargis. Il ne sera pas arrêté
mais il décide de partir dans un maquis de la
forêt d’Othe, dans l’Yonne dirigé par un ami de
son père.
Tandis qu’il revient voir son épouse et sa fille, le
29 juillet 1944, il tombe dans une embuscade à
Châtillon-Coligny et, au terme d’une fusillade
et d’une poursuite, il est arrêté puis interrogé
et torturé.
André est transféré au siège de la Gestapo
rue Dom Pèdre à Montargis, puis à la prison
allemande de la rue Eugène Vignat à Orléans.
Carte postale du château de Solterre. Archives familiales.
Après quelques jours de détention à Fresnes, il
est acheminé le 15 août vers la gare de Pantin.
Ce convoi à destination de Buchenwald est
le dernier à partir de région parisienne avec
à son bord 2 197 hommes et femmes arrêtés
par mesure de répression. 903 personnes
seulement rentreront.
André Meert arrive d’abord en gare de
Weimar le 20 août pour rejoindre le camp de
Carte de résistant. Archives familiales.
Buchenwald où il porte le matricule n°77162.
Un jugement du Tribunal Civil de Montargis, en date du 21 août 1946, déclare André Meert
décédé en novembre 1944. Mort pour la France à l’âge de 26 ans.
Sa veuve se remarie avec Roger Malpeyre, lui-même résistant déporté dans les geôles italiennes.
Il adopte Marie-José, fille d’André Meert et petite fille de François Meert, exécuté sur ordre de
collaborateurs le considérant comme un témoin gênant le 13 septembre 1944 à la ferme du
Château de Solterre. Il avait 52 ans.
Carte de pupille de la nation de Marie-José Meert.
Archives familiales.
Le 8 mai 2010, le nom d’André Meert est ajouté sur le monument aux morts de la Chapelle-surAveyron.
Résistants déportés du Loiret
1
Robert Goupil
Beaugency
A
ncien combattant de 1914-1918, décoré de la Légion
d’Honneur, Robert Goupil est nommé en 1936,
directeur du Cours Complémentaires de Beaugency.
Portrait de Robert Goupil - Extrait de l’ouvrage
Dora la Mort. Archives du Musée.
Abbé
Émile Pasty
mort à
Fresnes
avant sa
déportation.
Archives
du Musée.
Pierre Ségelle
mat 78029
à Dora,
député
du Loiret,
ministre
qui participe
notamment
à la mise
en place de
la Sécurité
Sociale
et maire
d’Orléans
de 1954
à 1959.
Copyright :
archives
municipales
d’Orléans.
Refusant la défaite et la politique de collaboration du gouvernement
de Vichy, il entre en contact avec l’abbé Pasty de Baule, responsable
d’un groupe de résistants du réseau « Prosper », et en février
1943 il entre dans la clandestinité en rejoignant le mouvement
« Libération-Nord », aux côtés du Dr Pierre Ségelle, de Roger
Secrétain et d’André Dessaux (mat 38467 à Buchenwald). Il occupe
les fonctions de responsable militaire, et prend le pseudonyme de
Dunois. Le groupe est ainsi chargé d’organiser les parachutages,
l’accueil et la protection des évadés et des réfractaires au STO.
Mais en octobre 1943, le mouvement est
décimé par la Gestapo. Robert Goupil
est arrêté le 8 octobre dans les locaux de
son école, puis est incarcéré à la prison
d’Orléans. Le 30 novembre 1943 il est
transféré au camp de Compiègne. Il y
est interné avec d’autres membres du
mouvement dont Andrès Pontoizeau
(mat 38475), revenu de déportation,
qui à son retour écrit le livre : « Dora
la Mort ». Dans cet ouvrage est mentionné très régulièrement le nom de
son camarade Robert Goupil, avec
lequel il partage une grande partie
Dora la Mort, De la Résistance à la
Libération par Buchenwald et Dora
de son parcours de déporté. Il y fait
d’Andrès Pontoizeau.
notamment référence à leur passage
Archives du Musée.
au camp de Compiègne : « Notre
vie à Compiègne fut douce quand je pense à celle que j’allais
connaître bientôt. […] Goupil, Rochet, jouaient au bridge … ».
Le 14 décembre 1943 l’instituteur est déporté pour le camp de
Buchenwald où il arrive le 16 décembre.
Après le passage obligatoire
dans la salle de tonte et
aux douches, les détenus
Carte postale de Robert Goupil envoyée du camp de Compiègne. Archives du Musée.
reçoivent des vêtements ;
Andrès Pontoizeau écrit « …puis ce fut un franc éclat de rire… », ainsi que leurs matricules :
Robert Goupil devient désormais le n°38472. Puis ils sont conduits au bloc de quarantaine. Par
la suite, le petit groupe de « Libération Nord » est affecté en janvier 1944 au camp de Dora
pour travailler dans l’usine souterraine mais très vite l’instituteur de Beaugency tombe malade :
« … mon pauvre camarade Goupil, miné par la fièvre, demandait à boire sans cesse… »
et est alors envoyé au revier. Son ami témoigne, sur sa dernière rencontre avec lui : « …je l’ai
revu le 7 février… Nous nous sommes embrassés en
pleurant, nous avons échangé de suprêmes paroles
d’espoir, et je savais que je ne le reverrais jamais plus… »
En effet, il décède peu de temps après : le 17 février
1944, à l’âge de 51 ans.
Unique carte de Robert Goupil, envoyée de Buchenwald
et destinée à son épouse. Datée du 6 février 1944, il était déjà très
malade et cantonné au revier. Archives du Musée.
Le 8 juin 1947 est inauguré un monument à sa mémoire, réalisé par Robert Delandre. Le collège
de Beaugency situé rue de la Croix Nas porte son nom.
Résistants déportés du Loiret
1
André Mulier
Pithiviers
N
é en région parisienne, il part vivre en 1936 avec
sa mère et son beau-père à Pithiviers et entame
un an après, un apprentissage de typographe dans une
imprimerie locale qui édite L’Avenir de Pithiviers. En juillet
1942, le journal est interdit de publication.
C’est à cette période qu’André Mulier part à Sartrouville où
un poste de manœuvre lui est proposé, dans une usine de
fabrication d’hydravions (Société Nationale de Construction
Aéronautique du Nord). Ne supportant pas de travailler
pour l’Allemagne, il fait du sabotage « … des hydravions
opérationnels, il n’a pas dû en sortir beaucoup de l’usine… ».
André Mulier portrait de 1947.
Archives A. Mulier.
Repéré par d’autres résistants de l’usine, il entre dans le réseau « le
Front National de Libération » et en tant que typographe de formation, il est employé à réaliser
des tracts. Mais le 24 mai 1943 il est arrêté avec d’autres membres, quelques jours après avoir
déclenché une grève générale.
Le jour même il est incarcéré à la prison du Cherche Midi à Paris puis transféré au Fort de
Romainville « Je me souviens que j’y étais justement le 4 juin 1943, le jour de mon vingtième
anniversaire ». Par la suite il est interné au camp de Compiègne-Royallieu où il reste quelques
jours.
Le 25 juin 1943, il est envoyé avec 999 autres détenus au camp
de Buchenwald dans le cadre de l’opération Meerschaum, visant à
envoyer de la main d’œuvre dans les camps. Il s’agit ici du premier
convoi parti de Compiègne, à destination de Buchenwald. Après un
trajet de deux jours et deux nuits, les détenus arrivent à la gare de
Weimar puis doivent rejoindre le camp à pied.
Unique lettre reçue au camp de Buchenwald,
envoyée par ses parents.
Sa mère était remariée à Marcel Compain.
Archives A. Mulier.
Montre d’André Mulier confisquée
à son arrivé au camp. Elle lui fut renvoyée
plusieurs années après son retour
de déportation. Archives A. Mulier.
À l’arrivée, il est tondu, désinfecté « nous devions rentrer dans
un bain qui empoisonnait (à priori il contenait du crésyl)… » puis
habillé avec la tenue rayée. Pendant sa quarantaine il travaille à la
carrière de Buchenwald et au bout de deux mois il est employé
pour la DAW (industrie allemande de l’armement). Suite à des
bombardements, les bâtiments de l’usine sont détruits. Certains
détenus sont employés pour déblayer dont André Mulier, puis,
le 26 septembre 1944 il est transféré avec 207 autres Français
au kommando de Langenstein. Le 9 avril 1945, les détenus
sont évacués pour une marche de la mort. Dans la nuit du 11
avril 1945, il réussit à s’échapper avec un camarade, et après un
long périple, le 7 mai il est conduit par avion à Bruxelles, puis
à Lille. André Mulier rentre chez lui à Pithiviers le 9 mai 1945.
Très affaibli et en mauvaise santé, il doit cependant retrouver un
travail pour subsister. Il est alors employé comme typographe au
journal L’Écho, et se marie en 1947. Malgré des séquelles toujours
présentes, il continue de témoigner.
Archives A. Mulier.
Carte
d’André
Mulier à
sa famille,
envoyée
de Bruxelles.
Archives
A. Mulier.
Carte de prisonnier politique d’André Mulier.
Archives A. Mulier.
Couverture de l’ouvrage d’André Mulier,
paru en 2013.
André Mulier est décoré de plusieurs titres : Médaille des Déportés Résistants, Combattant
volontaire de la Résistance, Croix de guerre avec palme, Médaille militaire, médailles de l’Union
fédérale des combattants. Il est aussi Chevalier de la Légion d’Honneur.
Résistants déportés du Loiret
1
Édouard, Marguerite
et Jean Flamencourt
Meung-sur-Loire
D
ésireux de s’engager dans la lutte contre l’occupant,
les frères Flamencourt (Édouard et Jean) de Meungsur-Loire, entrent en relation avec Pierre Culioli (chef
de réseau) par l’intermédiaire de l’abbé Pasty de Baule.
Ainsi est créé le « groupe 55 A » ou groupe de « l’abbé
Pasty ». Entourés de résistants locaux, ils sont chargés de
réceptionner des parachutages, de cacher des armes et
d’organiser des sabotages.
Jean et Édouard Flamencourt.
Archives familiales.
Le 1er juillet 1943, plusieurs membres de ce réseau sont dénoncés
et arrêtés par la Gestapo de Paris, dont Édouard et Marguerite
Flamencourt, à leur domicile. Transférés
rapidement à Paris, ils sont interrogés puis
envoyés à la prison de Fresnes. Édouard
est interné à Compiègne-Royallieu, tandis
que son épouse est emprisonnée au Fort
de Romainville.
Jean Flamencourt continue quelque temps les activités du groupe, prend
la place du responsable (Maurice Lequeux – arrêté le 1er juillet 1943),
et fait un rapport à Londres sur les évènements survenus début juillet.
Arrêté par la Gestapo peu de temps après (fin du mois de juillet 1943), il
est conduit à la prison d’Orléans, envoyé à Fresnes et interné au camp de
Compiègne-Royallieu.
Édouard et Marguerite
Flamencourt vers 1922.
Archives familiales.
Les trois membres de la famille Flamencourt sont déportés.
Édouard Flamencourt est déporté le 17 janvier 1944 pour le camp de Buchenwald où il arrive
le 19 janvier 1944 et devient le matricule 40587. Il est ensuite transféré au camp de Flossenbürg
puis affecté au kommando de Johanngeorgenstadt situé en Saxe (à 40 km au sud de Chemnitz),
et installé pour l’usine de constructions mécaniques Erla-Messerschmitt. Il y décède le 9 avril
1945 à l’âge de 53 ans.
Sa femme Marguerite, part par le convoi du 31 janvier 1944
à destination de Ravensbrück. Se trouve également dans ce
transport : Marguerite Carmignac (mat 27087), résistante de
Chuelles et membre du réseau « Prosper » (déportée rentrée).
À l’arrivée, le 3 février 1944, Marguerite reçoit le matricule
27401, puis est placée en quarantaine. Les détenues sont
ensuite affectées à des travaux soit à l’extérieur soit à l’intérieur
du camp. Le 9 avril 1945 elle est libérée par la Croix Rouge à la
frontière germano-suisse, puis rapatriée.
Jean Flamencourt est déporté le 27 avril 1944 pour AuschwitzBirkenau, convoi connu sous le nom de « Convoi des tatoués ».
Le transport arrive le 30 avril 1944 à la gare de marchandises
d’Auschwitz (la ligne arrivant directement à l’intérieur du camp
n’étant pas encore en service), les déportés sont alors parqués
dans deux baraques du camp. Tatoués (Jean Flamencourt –
mat 185556) et désinfectés ils sont tous transférés au camp
B2b quelques jours après.
Lettre de Jean Flamencourt à son épouse Madeleine,
écrite depuis la prison d’Orléans le 23 septembre 1943.
©Mémorial de l'internement et de la déportationCamp de Royallieu/ Ville de Compiègne,
fonds Flamencourt, n° inv. 2008.16.
Le 12 mai 1944, il fait partie
des 1561 déportés envoyés
au camp de Buchenwald. À
son arrivée le 14 mai au matin
un nouveau matricule lui est
attribué : 53783. Le 24 mai
1944, il est affecté au camp de
Flossenbürg avec encore un
autre matricule : 9724.
Il y décède le 3 janvier 1945
à l’âge de 51 ans.
Mot clandestin de Jean Flamencourt à son épouse
Madeleine, écrit depuis la prison de Fresnes le 5 mars
1944 et dissimulé dans la doublure de ses vêtements.
©Mémorial de l'internement et de la déportationCamp de Royallieu/ Ville de Compiègne,
fonds Flamencourt, n° inv. 2008.16.
Pose de la stèle en mémoire de la famille
Flamencourt à Meung-sur-Loire en 2006.
Archives familiales.
Résistants déportés du Loiret
1
René Pelletier
Orléans
R
René Pelletier à son retour de déportation.
Archives familiales.
ené Pelletier est né le 12 septembre 1922 à Orléans. Le
9 mars 1943 il est convoqué au bureau du placement
allemand à Orléans, afin de recevoir son affectation pour
le Service du Travail Obligatoire. Refusant de partir mais
souhaitant « être en règle avec les autorités », il se rend
à ce rendez-vous où, dans un accès de colère, il détruit
des papiers administratifs : «… n’ayant pas su maitriser
mes nerfs… ». Arrêté peu de temps après au bureau du
ravitaillement place Sainte Croix par la Gestapo, il est
interrogé et reconnait les faits. Il est conduit à la prison
d’Orléans où il retrouve d’autres jeunes réfractaires
dont les jeunes hommes arrêtés le 4 mars 1943 suite à
« l’affaire des Drapeaux » de Pithiviers.
Le 16 mars il est envoyé au Frontstalag 122 de Compiègne-Royallieu où il arrive le lendemain
matin. Il témoigne « la vie au camp de Compiègne était supportable, nous jouissons d’une
liberté relative… ». Après un mois d’internement, il est déporté le 20 avril et arrive à la gare de
Mauthausen le 22 avril 1943. Les détenus doivent alors se rendre à pied au camp puis subissent
les procédures obligatoires : mise à nu, contrôle individuel, tonte, douche et remise d’une
chemise, d’un caleçon et d’une paire de savates. Il ne reçoit le pantalon et la veste rayée que
quelques jours après. Son matricule est le 28405. René Pelletier passe cinq mois dans les blocks
de quarantaine puis, vers la fin du mois de septembre il est transféré dans l’autre partie du camp
pour travailler. Mais lors d’un contrôle médical il est envoyé au Revier car il est porteur de la
galle. Les mauvaises conditions d’hygiène de ce block « infirmerie » (entassement des malades,
soins inappropriés...) mêlées à une sous-alimentation (les malades étant considérés comme des
bouches inutiles) font que René contracte une autre maladie et est
contraint de rester dans le baraquement. Afin d’éviter que son état
ne s’aggrave, il trompe les médecins et fait croire qu’il est totalement
rétablit. Il devient « cantonnier » et est chargé de nettoyer la place du
camp, puis plus tard est désigné pour les corvées : « descendre la soupe
à l’infirmerie, aller chercher le charbon pour les chefs, porter le linge
à la désinfection… ». Le 8 mai 1944, il est affecté au camp annexe de
Gusen et travaille pour la firme Messerschmitt (aviation). Le 21 juillet
1944 il est de nouveau envoyé au camp de Mauthausen qui reçoit
jusqu’à la libération de
plus en plus de déportés
évacués des autres camps
Dessin de couverture du manuscrit de
René Pelletier. Archives familiales.
de concentration.
Le 24 avril 1945 il est rapatrié par la Croix Rouge et
après plusieurs jours de trajet est accueilli en Suisse
« … et pour la première fois depuis plus de deux ans,
nous mangions à table avec cuillère et fourchette […]
et malgré tout nous n’avions pas perdu l’habitude de
nous servir de ces instruments. » Le 2 mai 1945 il
rentre en France et arrive à Paris le 5 mai où il doit
rejoindre le Lutétia pour un peu de repos. Souhaitant
rentrer le plus rapidement possible à Orléans, il prend
le train le soir même et retrouve sa famille, prévenue
de son retour imminent, « ma mère ouvrant ses bras
dans lesquels je tombais en riant et pleurant à la fois. »
En décembre il reprend son travail de comptable
aux usines d’Ambert de St-Jean-de-Braye jusqu’à sa
retraite. Depuis plusieurs années il témoigne auprès
des jeunes générations.
Carte d’adhérent de 1945. Archives familiales.
Carte de rapatrié remise à l'hôtel Lutétia. Archives familiales.
René Pelletier en 2014 remettant au Musée de la Résistance et
de la Déportation de Lorris une pierre en granit provenant de
Mauthausen et portant son numéro de matricule. Archives familiales.
René Pelletier est Chevalier de l’ordre national du Mérite.
Résistants déportés du Loiret
1
Henri Ouzilleau
et le drame du 10 juin 1944
en Sologne
H
enri Ouzilleau est né le 28 mai 1884 à Blois.
Notaire de profession, il s’installe à partir de 1932 à
Bazoches-les-Gallerandes (à 20 km à l’ouest de Pithiviers).
Amené à se déplacer régulièrement dans le Loiret pour
des raisons professionnelles, il repère les terrains propices
aux parachutages et fournit des renseignements au réseau
« Vélite Thermopyles », réseau rattaché à la France Libre. Sa
maison sert de relais et d’hébergement temporaire pour les
patriotes de passage.
Au lendemain du débarquement de Normandie, plus de soixante
jeunes étudiants et lycéens parisiens patriotes des groupes
« Liberté » et « Essor » ont pour mission de rejoindre les maquis
de Neuvic d’Ussel en Corrèze qui harcèlent les troupes ennemies
en déroute. La première étape est de rejoindre par petits groupes à pied, en train, en autocar, à
bicyclette, des fermes de Sologne à la Ferté-Saint-Aubin, Marcilly-en-Villette et Ménestreau-enVillette pour y être hébergé et armé. Ils y arrivent à partir du 7 juin.
Portrait d’Henri Ouzilleau.
Archives familiales.
Suite aux renseignements fournis par le lycéen André Parent, agent
gestapiste, les fermes et les bois sont investis par des unités de la Gestapo
sous les ordres de Pierre Lussac dès le 10 juin 1944.
Les arrestations se poursuivent jusqu’au soir. Le bilan est tragique :
- 29 jeunes exécutés à la ferme du By (La Ferté-St-Aubin) ;
- 12 jeunes exécutés à la « Tuilerie » sur le domaine de Cerfbois (à 6 km de
Marcilly-en-Villette) ;
- 18 jeunes dans les bois aux environ de « Grandbois » sont arrêtés puis
déportés.
Le 11 juin 1944 vers 21 heures, c’est Pierre Lussac en personne qui vient
arrêter Henri Ouzilleau à son domicile.
Extrait du témoignage de Mme Ouzilleau, recueilli le 15 septembre 1944
par le commissaire Deschamps :
Ce jour-là (le 11 juin), vers 21 heures, un individu, un grand brun s’est présenté
chez moi, venant de la part de mon fils (Michel)…mon mari lui a posé
quelques questions auxquelles il a répondu évasivement, mais toutefois il lui
a offert le gite et souper. L’inconnu est alors parti…quatre individus ont fait
irruption, mitraillette au poing, et ont procédé à l’arrestation de mon mari et
de mon fils Yves, relâché par la suite. Moi j’ai été interrogée à Pithiviers. Ils
ont cherché à savoir le nombre de jeunes qui étaient passés chez nous et le
nom des groupements auxquels ils appartenaient.
Mon mari a été accusé d’être le chef de groupe et Michel de faire partie du
mouvement. Heureusement pour lui, ils ne l’ont pas trouvé.
Henri Ouzilleau est torturé par la Gestapo, enfermé à la prison de la rue
Eugène Vignat d’Orléans puis transféré au camp de Compiègne-Royallieu. Il
est déporté par le convoi du 15 juillet 1944 pour le camp de Neuengamme
puis il est évacué au camp-mouroir de Bergen-Belsen. Son numéro de
matricule est inconnu.
Il y meurt le 9 décembre 1944 à l’âge de 60 ans.
Poème de Michel Ouzilleau
(fils d’Henri) écrit en 2014.
Archives familiales.
Il laisse derrière lui une femme et deux fils (Michel 19 ans et Yves 16 ans, en
1944).
De cette tragique opération de répression, seuls cinq rescapés rentreront
chez eux sur vingt deux déportés. Exceptés Henri Ouzilleau âgé de 60 ans
et Marcel Varin (propriétaire du château de « Grands bois ») âgé de 57 ans,
tous les autres avaient entre 18 et 23 ans.
Maître Henri Ouzilleau est décoré à titre posthume de
la Légion d’honneur, de la Croix de guerre 1939 avec
étoile de vermeil et de la médaille de la Résistance.
Une plaque commémorative a été placée sur le
mur de son ancienne étude à Pithiviers, lieu de son
arrestation, située rue Henri Ouzilleau (renommée
en son honneur).
Dépôt de gerbes au monument de Bergen Belsen le 16 mai 1969.
Archives familiales.
Résistants déportés du Loiret
1
Henri Ledroit
Vitry-sur-Seine
H
enri Ledroit est né à Paris le 17 février 1922. À partir
de 1936, il habite avec sa mère et son frère. Certificat
d’étude en poche, il apprend le métier d’imprimeur.
Lorsque la guerre éclate il travaille à l’imprimerie Desfossés
à Issy-les-Moulineaux (Rue Ernest Renan) et adhère au
Parti communiste. Révolté par l’assassinat de deux grands
militants (Gabriel Péri et Lucien Sampaix) en décembre
1941 il entre en résistance.
Henri Ledroit.
Archives familiales.
Avec la complicité des ouvriers typographes, il détourne des cartes
de ravitaillement pour les remettre à des camarades entrés dans
la clandestinité puis distribue des tracts appelant la population à
résister. Cette activité est partagée avec sa mère, Henriette et son
frère Roland.
Le 8 avril 1942, suite à une dénonciation « ils ont fait irruption dans notre pavillon, à six,
armés jusqu’aux dents…nous venions de recevoir une livraison de 3 000 tracts ». Interrogés
au commissariat de Vitry-sur-Seine, le trio est par la suite séparé et incarcéré dans les prisons
parisiennes. Jugés le 17 juin 1942 par un tribunal français, Henri Ledroit écope d’un an de prison,
Roland de quinze mois et Henriette de cinq ans.
Un mois avant sa date de libération, Henri est transféré au camp de Compiègne-Royallieu puis
il est embarqué dans un convoi direction Mauthausen le 16 avril 1943 avec 994 autres français :
« Il faisait une chaleur torride… nous avons passé deux jours et deux nuits dans ce wagon... avec
une boule de pain (et pas d’eau)... que je mâchais longuement afin de saliver le plus possible.
C’est ainsi que j’ai pu supporter ce calvaire ».
À l’approche de la forteresse de Mauthausen, Henri Ledroit
se souvient d’une « odeur particulière… je n’ai pas fait le
lien entre cette odeur et la fumée noire qui sortait de la
haute cheminée… ». Après une attente interminable, c’est
l’enregistrement, l’abandon de tous les effets personnels
puis enfin le rasage, la douche, la tenue de bagnard et un
matricule, le n°26252.
Après une période de quarantaine, il est sélectionné le 8 août
1943 pour partir au camp annexe de Wiener Neustadt à 50km
Fiche d’entrée à Mauthausen et kommandos annexes
de Vienne « je creusais des tranchées et coulais des plaques
d’Henri Ledroit. Archives familiales.
dans des moules métalliques qui devaient servir à construire
des abris contre les bombardements… on sabotait le travail ». Suite aux bombardements des
Alliés les détenus sont évacués sur Redl-Zipf le 30 octobre 1943, sur le site d’une brasserie « ici
pas de jours de repos… il fallait agrandir ou creuser des tunnels, construire un bunker (pour tester
la puissance de décollage des fusées V2) et construire deux voies de chemin de fer ».
En Janvier 1944, il est atteint d’un phlegmon à une cheville
accompagné d’une forte fièvre. Il est envoyé à l’infirmerie. Le
7 février 1944, dans un wagon ouvert par une température
de -15°C il est renvoyé avec d’autres malades au camp de
Mauthausen puis transféré le 3 juillet 1944 au camp d’Ebensee
pour le percement de galeries souterraines. Malgré le travail
harassant continuel, les coups, la faim, le froid, les appels
interminables, la maladie, Henri Ledroit survit et est libéré par
les troupes américaines le 6 mai 1945.
Après un long voyage éprouvant en camion et en train il arrive
à Paris à l’Hôtel Lutétia le 24 mai 1945 pour les démarches
administratives et un rapide examen médical puis retourne
chez lui à Vitry-sur-Seine où il retrouve son frère Roland.
Certificat de déportation ou d’internement délivré à
Henri Ledroit le 9 novembre 1947. Archives familiales.
Sa mère Henriette est quant à elle décédée au camp de
Ravensbrück le 4 mars 1945 (mat.39175).
Le 15 juin 1946, Henri Ledroit épouse
Andrée et fonde une famille.
Pendant des années, Henri n’a cessé
de témoigner auprès des jeunes des
établissements scolaires, au musée
de la Résistance et de la Déportation
de Lorris et lors des voyages de
mémoire organisés par l’Amicale
de Mauthausen, dont il était viceprésident.
Couverture des mémoires d’Henri
Ledroit - parues en 2014
Henri Ledroit et Georges Séguy au Collège Geneviève
Anthonioz-de Gaulle, lors d’une rencontre avec les
élèves de 3e en 2012. Archives du Musée.
Henri Ledroit est décédé le 21 mai 2013 à l’âge de 91 ans.
Résistants déportés du Loiret
1
Georges Séguy
Toulouse
N
é en 1927 à Toulouse, c’est très jeune que Georges
Séguy entre dans la Résistance dès lors qu’il apprend
que Pierre Semard, ami de la famille et célèbre cheminot
résistant a été fusillé par les nazis.
Ainsi, âgé de quinze ans, il décide de quitter ses études et de
participer à la résistance armée au sein des FTP (Francs Tireurs et
Partisans). Compte tenu de son âge, ses camarades l’en dissuadent
mais lui proposent une activité clandestine à l’imprimerie Henri
Lion qui édite sous le manteau des journaux comme L’Humanité,
Combat et Libération mais aussi de faux papiers dont des faux
certificats de baptême pour les enfants juifs.
Georges Séguy en octobre 1945 lors de
l'inauguration d'une plaque à Toulouse.
Crédit photo : IHS-CGT.
Georges s’investit dans ce nouvel emploi où il est chargé
d’imprimer et de livrer les tracts clandestins. Mais dénoncés, Henri
Lion et ses ouvriers, dont Georges Séguy, sont arrêtés le 4 février 1944 par la Gestapo. Lors de
son transport vers la prison St Michel de Toulouse, il s’aperçoit qu’il conserve dans sa chemise
une épreuve d’un tract communiste. Afin de ne pas compromettre ses camarades, il décide de
le faire disparaître en l’avalant.
Fin février 1944, il est transféré par train de Toulouse au
Frontstalag 122 de Compiègne-Royallieu où il reste interné
jusqu’au 22 mars 1944, date de son départ vers l’Autriche.
Après trois jours d’un trajet sans eau ni nourriture, entassés
dans des wagons à bestiaux et complètement dénudés, ils
arrivent le 25 mars à la gare de Mauthausen sous la neige.
Descendus du train, les déportés doivent se rhabiller puis se
diriger, en colonne, vers le camp situé à plusieurs kilomètres
de la gare. À l’arrivée, après le contrôle d’identité, on lui
attribue son matricule le n°60581 puis c’est le passage à la
tonte, douche de désinfection et remise de la tenue. Suit la
« La 186 marche de la Carrière-Mauthausen » dessin
de Daniel Piquée Audrain, mat 62978, rescapé.
période de quarantaine où dans le block on lui fournit une
Archives du Musée.
gamelle et une cuillère. Fin juin 1944, il est désormais affecté
à la carrière de granit avec son terrible escalier composé de 186 marches, que les déportés
doivent gravir avec un bloc de pierre à la fin de la journée « Lestés d’une charge redoutable,
alignés par rangs de cinq, nous entamons la sinistre ascension ».
e
Contrairement à la quarantaine, la vie en « camp libre » (terme employé par les détenus pour
différencier les 2 camps) est facilitée par les échanges entre prisonniers. De ce fait, se crée
un réseau de résistance intérieur dont Georges Séguy fait partie. Le but de cette organisation
clandestine est d’aider les détenus en difficulté (partage des rations alimentaires, soutien moral),
de diffuser les informations reçues via des sources extérieures et de saboter la production de
matériel de guerre. En octobre 1944, atteint d’une pleurésie, ses camarades tentent de le soutenir
le mieux possible tout en évitant son transfert au Revier (infirmerie), mais son état s’aggrave et
en novembre 1944 il doit y entrer. « Guéri », il est désormais affecté, grâce à ses camarades du
réseau, à la fabrication des avions Messerschmitt. Il sabote alors son travail « je prends pour
ma part, un réel plaisir à percer à 10 mm tout en rivetant à 8 […]. En rêve, je vois des ailerons se
bloquer en plein combat aérien et […] s’écraser au sol … »
Georges Séguy en 2013 au Musée de la Résistance
et de la Déportation de Lorris.
Crédit photo Thierry Bougot.
Plaque en hommage à Georges Séguy,
inaugurée dans sa ville natale
le 18 mars 2013.
Cliché Cécile Cassignol.
Le 21 avril 1945, tandis que le camp est de plus en plus
surchargé avec l’évacuation des déportés de l’est et de l’ouest,
des camions de la Croix Rouge entrent et commencent par
rapatrier les femmes françaises transférées de Ravensbrück.
Les libérations se poursuivent les 24 et 28 avril. Georges se
trouve dans le convoi du 28 avril. Après plusieurs jours de
trajet, les survivants arrivent en Suisse pour être soignés. Il
pèse alors 38 kg (il faisait 64 kg à son arrestation). Puis il est
transféré à Annemasse et arrive enfin à Toulouse le 5 mai
1945. À cause de sa pleurésie contractée en déportation, il lui
est déconseillé de reprendre son travail dans l’imprimerie, il
entre alors à la SNCF. Il devient à 22 ans
secrétaire général des cheminots CGT
puis secrétaire général de la CGT de 1967
à 1982. Depuis 1946, et dans le respect
du serment prêté par « les survivants de
toutes nationalités » à Mauthausen le
16 mai 1945, Georges Séguy continue
de témoigner pour « que les atrocités
que nous avons vécues ou dont nous
avons été témoins ne se reproduisent
jamais, et à ce que les peuples puissent
vivre en paix et en démocratie ».
Couverture des mémoires de
Résistants déportés du Loiret
Georges Séguy – parues en 2008
1
Jean Joudiou,
Claude Lemaître
Châteauneuf-sur-Loire
D
ébut 1943, le mouvement de résistance « Libération-Nord » étend ses actions
dans le Loiret animé entre autres par le journaliste Roger Secrétain, le docteur
Pierre Ségelle, l’industriel André Dessaux, l’instituteur de Beaugency Robert
Goupil et celui de Jouy-le-Potier Charles Rocher. Le mouvement se spécialise
dans le renseignement, dans la prospection de terrains pour les parachutages, les
filières d’évasion et l’aide aux réfractaires au service du travail obligatoire (STO).
Ces missions menées par les combattants de l’ombre se heurtent à la répression
allemande qui, aidée par plusieurs traitres, va plonger des vies dans l’enfer des camps
nazis. À Châteauneuf-sur-Loire, Claude Lemaître et Jean Joudiou sont deux figures
fondamentales de ce mouvement.
Jean Joudiou est dès 1942 à l’origine de la Société sportive de
Châteauneuf. Les Allemands le soupçonnent de cacher une
organisation gaulliste, (il est d’ailleurs arrêté une première fois et
interrogé sur le sujet). Dès février 1943 et l’instauration du STO,
Jean tente d’organiser le soutien aux réfractaires dont il fait partie
puisqu’il est né en 1921. Il rentre alors à « Libération-Nord »,
pour coordonner la résistance active autour de Châteauneuf. Il
échappe aux premières arrestations de son groupe fin 1943 mais
finit par être arrêté à Paris le 10 février
1944. Emprisonné à Fresnes, puis
Orléans, il est interné au Frontstalag
122 à Compiègne-Royallieu sans
n’avoir rien révélé et est déporté à
Jean Joudiou.
Archives du Musée.
Mauthausen le 6 avril 1944, dans le
même convoi que Claude Lemaître
et d’autres membres de « Libération-Nord » : Jean Chandezon,
Émilien Echardour, André Fougerousse et Raymond Roland. Il porte
le matricule 62596. Affecté au Kommando de Melk le 24 avril 1944,
il travaille à la construction d’une usine souterraine de roulements à
billes pour le compte d’une entreprise allemande. Le percement des
galeries et le bétonnage des voûtes rendent le quotidien des détenus
Monument en mémoire
de Jean Joudiou dans le parc
très dangereux et épuisant sans oublier les mauvais traitements
de Châteauneuf-sur-Loire.
des SS.
Archives du Musée.
Pierre Houdré, autre résistant-déporté castelneuvien, l’assiste
dans ses derniers instants. Il meurt de la dysenterie le 26 janvier
1945 à Melk à l’âge de 23 ans. Parmi les 1 500 Français de ce
camp, seuls 837 sont rentrés.
Pierre Houdré le 25 mai 1945. Cérémonie
organisée au Monument aux morts de
Châteauneuf-sur-Loire. Archives du Musée.
Claude Lemaître. Archives du Musée.
Claude Lemaître (Lemaître-Basset de Bonnefon de Lavialle) est
maire de Châteauneuf-sur-Loire depuis 1935. En juillet 1941, il
est arrêté et traduit devant le conseil de guerre allemand pour
son opposition à l’occupant et est révoqué par le gouvernement
de Vichy. Il entre en juin 1943 dans le mouvement « LibérationNord », sous le pseudonyme de Chambort, et devient chef
départemental après l’arrestation le 8 octobre 1943 de sept des
dix membres du comité directeur. Il organise diverses missions
avant d’être arrêté par la Gestapo d’Orléans le 11 février 1944.
Déporté depuis Compiègne au camp de Mauthausen le 6 avril
1944, il survit, sous le matricule 62686, au camp de Melk, où
se trouvent d’autres camarades du mouvement. À l’approche
de l’Armée rouge, le camp est évacué en avril 1945 vers celui
d’Ebensee d’où il est libéré le 6 mai.
De retour à Châteauneuf, il est réélu maire dès 1945, Sénateur du Loiret de 1948 à 1955, secrétaire
d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale de 1951 à 1952, et Président du Conseil général
du Loiret de 1961 à 1964.
Il décède le 12 février 1983, âgé de 82 ans.
Raymond Roland (à droite)
et Claude Lemaître (face à
R. Roland) à leur retour de
déportation le 25 mai 1945.
Cérémonie organisée au
Monument aux morts de
Châteauneuf-sur-Loire.
Archives du Musée.
Médaille de la Fédération Nationale des Déportés et Internés
Résistants et Patriotes remise au Musée par Claude Lemaître.
Archives du Musée.
Résistants déportés du Loiret
1
Yvette Choquet
Châteauneuf-sur-Loire
Yvette Choquet s’engage dans la résistance à 17 ans en gaulliste
convaincue refusant la défaite de 1940. En 1943, elle intègre le
mouvement « Libération-Nord ».
Yvette, que l’on nomme désormais Chouquette, a la dangereuse
mission de travailler comme secrétaire chez un architecte connu
en tant qu’agent de la Gestapo. Elle transmet ainsi de nombreux
et précieux documents à la Résistance. Le 13 juillet 1944, elle
est arrêtée suite à l’infiltration d’un jeune homme soi-disant
réfractaire au STO, Jacques Hulot, 20 ans, qui se révèle être un
milicien.
Yvette Choquet échoue à la prison d’Orléans, où elle est violement
interrogée avant d’être transférée au Fort de Romainville. Elle est
déportée le 21 juillet, depuis la gare de l’Est à Paris en direction
du camp de Neue Bremm. Le 15 août, elle découvre le processus
de déshumanisation concentrationnaire à Ravensbrück : « rasée,
vêtue de la chemise rayée et ayant échappé de peu au gazage »,
elle est désormais désignée sous le matricule 51344. Elle intègre un kommando de 760 femmes,
dont 73 seulement survivront quelques mois plus tard. « J’ai connu l’indicible, tout ce qui a fait des
camps une industrie de la mort. » Le travail forcé au kommando de Belzig devient son quotidien,
en usine ou à l’extérieur pour des travaux de terrassement, avec la faim qui tenaille, les sélections
en vue de faire disparaître les « improductives », le froid d’un hiver rigoureux au cœur duquel Yvette
« fête » ses 20 ans. En compagnie d’autres résistantes du Loiret, dont Odette Toupense et
Olympia Cormier retrouvées sur place, elles se soutiennent et
se réconfortent jusqu’au bout : « Une chambrée de françaises
qui prient, qui refont le monde, qui rêvent, qui espèrent, qui
pleurent aussi et qui meurent chaque jour. » En avril 1945,
le camp est évacué devant l’avancée russe. « 4 jours sur les
routes sans manger, pauvres cadavres ambulants », puis les SS
s’enfuient et les rescapées sont recueillies dans un camp de
prisonniers de guerre (Stalag XIA
à 90 km de Berlin).
De gauche à droite :
Claude Lemaître, Pierre Houdré,
Yvette Choquet, Robert Thiercelin et
Raymond Roland en juin 1945.
Archives privées.
Yvette Choquet, à bout de forces,
est ensuite prise en charge par
une patrouille américaine. Elle
ne pèse plus que 32 kg. Elle
gardera toute sa vie la médaille
de Saint Christophe qu’un soldat
américain lui passe au cou ce
jour-là.
Odette Toupense mat 57950 décédée le 8 mai 1945,
dans les bras de Bérangère Toutin (mat 57929).
Archives du Musée.
Yvette est rapatriée en France
au camp militaire américain de
Mourmelon-le-Grand en ChamMédaille de St Christophe offerte par un
soldat américain. © Famille Kohler.
pagne, puis elle rentre en train
sur Paris à l’hôtel Lutétia. Retour
enfin à Châteauneuf-sur-Loire où l’attendent ses proches. Elle
épouse Pierre Kohler le 7 juin 1947 et fonde une famille.
Déléguée départementale de l’association des Anciennes
Déportées et Internées de la Résistance, elle fut également
déléguée départementale de l’Union Nationale des Médaillés
de la Résistance. Jusqu’en 2007, elle soutient le Concours
National de la Résistance et de la Déportation (CNRD) destiné
aux élèves du secondaire et organise pour les lauréats des
voyages de lieux de mémoire avec d’anciens déportés.
Yvette Choquet Kohler et son fils Gilles.
© Famille Kohler.
Conformément à ses souhaits, la délégation du Loiret de la
Fondation de la France Libre poursuit son action et attribue le
« Prix Yvette CHOQUET-KOHLER » au lauréat du CNRD chaque
18 juin à l’issue de la cérémonie de commémoration de l’Appel du
général de Gaulle, à Orléans. Depuis 2009, un bâtiment municipal
porte son nom à Châteauneuf-sur-Loire.
Yvette Choquet Kohler.
© Famille Kohler.
Yvette Choquet-Kohler est décédée le 28 juillet 2008, à l’âge
de 82 ans.
Résistants déportés du Loiret
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