J/!;V 7537. -v D.35/1965 (I) BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL CONGO-LEOPOLDVILLE * * # Cours de préparation d*instructeurs syndicaux pour la formation des délégués du personnel INTERNATIONAL LABOUR OFFICE CENTRAL LIBRARY AND DOCUMENTATION BRANCH I. L'ENTREPRISE 65Go3/IR/r 52008 *~-o--> L'ENTREPRISE Introduction I -' 1. 2. 3. 4. 5. 6. D é f i n i t i o n <ie 1' e n t r e p r i s H Eléments ii Ponctions H Catégories Groupements d' 1 erîLtreprises Buts de l ' e n t r e pirise Annexes - 1) 2) 3) Exemples de concentrations Tableau sur les formes juridiques d'entreprises Tableau sur un organigramme fonctionnel d'une entreprise II - Quelques aspects i fonction de production : commerce extérieur : notion de marché Evolutions de formes et de relations Problèmes de POUVOIRS dans l'entreprise : * * * Hommes et capitaux orientations fondamentales décisions d'application cheminement de la décision : Travail : Capital i Données supplémentaires Combinaison des deux facteurs Conclusion Annexe ? Eléments de connaissance de l'entreprise, nécessaires à l'exercice de la fonction de délégué. INTRODUCTION l'entreprise est la "base de la vie économique. Son activité, ses perspectives d'activité, son organisation, son fonctionnement influencent fortement les conditions de travail, le pouvoir d'achat, toute la vie des travailleurs. Ils sont donc intéressés très largement par la marche de l'entreprise qui les emploie. Cela justifie leur volonté d'avoir un mot à dire dans les décisions qui y sont prises. Cela impose d'améliorer leur connaissance de l'entreprise, de la comprendre. Ob.jectifs recherchés = ce cours aura pour but d'aider les délégués à "situer" leur entreprise, afin d'y faciliter l'organisation, l'action syndicale, la représentation et la défense des travailleurs. '•'.;. Dans ce sens quelques aspects essentiels seront abordés s *connaissance = définition-de l'entreprise = éléments qui la constituent = fonctions de 1'entreprise - diverses catégories = groupements d'entreprises . • .= "buts de .1' entreprise ,•,.-.•• ^sensibilisation = aux problèmes posés à l'entreprise = aux évolutions de formes et de relations = aux problèmes du pouvoir dans l'entre-. prise ' •--•:•'•" :""' '"""' '"'"'•'""' = aux rôles respectifs des hommes et des capitaux (le travail et le capital). Deux tableaux sont joinis à ce schéma de cours : 1) sur les différentes formes juridiques d'entreprises, qui permettent de bien observer les distinctions entre sociétés de personnes, sociétés de capitaux et sociétés d'Etat; 2) organigramme fonctionnel de l'entreprise, qui permet d'observer l'organisation et le partage des fonctions pour la bonne marche de l'entreprise. - 2 - 1 - DEFINITION - a) l'entreprise est une REALITE ECONOMIQUE base de production base du système économique de production - b) l'entreprise est une REALITE HUMAINE liens d'amitié solidarité problèmes sociaux - c) l'entreprise est une REALITE SYNDICALE adhésions problèmes syndicaux jugement des travailleurs On peut aussi dire que l'entreprise est une unité de production et le lieu de travail de chacun. Mais on distinguera s le lieu de travail (ensemble de l'entreprise), d'avec le poste de travail (emploi occupé dans l'entreprise). Comme les entreprises sont très différentes les unes des autres, pour mener une action syndicale valable il faut "bien connaître son entreprise s de cette bonne connaissance dépend une bonne part de l'efficacité. 2 - L E S ELEMENTS DE L'ENTREPRISE Dans une entreprise on trouve % * du capital - investi ; bâtiments, machines, installations, - circulant s stocks, argent liquide (trésorerie). * des hommes - ouvriers, techniciens, employés, etc. Cette partie sera développée par la suite. - 3- 3 - FONCTIONS DE L'ENTREPRISE Dans TOUTES les entreprises, quelles que soient leurs différences, il est possible de retrouver les SIX PONCTIONS de base, dont l'harmonisation constitue l'organisation de l'entreprise. Cette organisation se reflète dans le rôle respectif des services et sous-services d'une entreprise. . . L'organigramme ci-joint, permet d'observer la répartition des fonctions et le cloisonnement, en même temps que leur liaison, des divers services. 1) fonction TECHNIQUE = produire, méthodes, planning, ateliers, contrôle; 2) fonction COMMERCIALE = acheter matières premières, fournitures, vendre produits fabriqués ou transformés; 3) fonction FINANCIERE = prévision, recherche des capitaux, gestion des capitaux; 4) fonction COMPTABLE = comptes financiers - comptes matières; Dépenses i salaires Recettes s achats ventes investissements -•'• - - ••••:-••-•'amortissements profits 5) fonction SECURITE = Veiller à la sécurité1des biens et des personnes; 6) fonction ADMINISTRATIVE = diriger, assurer la marche, documentation, personnel. Pour assurer .l'ensemble de ces fonctions, il est de tradition de rappeler les "principes"d*organisation du travail, donc Î "principes" d'organisation d'une entreprise au niveau de sa direction s *prévoir ^organiser ^commander -^coordonner ^contrôler TOUTES LES FONCTIONS SONT NECESSAIRES à la vie de l'entreprise, mais leur importance varie selon les entreprises. Ces diverses fonctions se retrouvent dans la structure de l'entreprise. - 4 - 4 - CATEGORIES D'ENTREPRISES Il est possible de classer les entreprises selon plusieurs critères : a) par secteur d'activité * primaire (mines, agriculture, pêche, carrières,...); * secondaire (industries de transformation, textile,...); * tertiaire (qui rend des services, transports., coiffeur,...); b) par taille * petite, moyenne, grande, très grande entreprise; * avec un ou plusieurs établissements; * implantée dans une seule région, ou dans plusieurs régions; * implantée dans un seul pays, ou dans plusieurs pays; c) par sa nature industrielle, commerciale, agricole, financière, culturelle; d) par son objet production, consommation, transformation, transport,'• crédit, service (public et privé); e) par sa forme c'est-à-dire par son statut .juridique société anonyme, nationale, d'économie mixte,... société de personnes, de famille, coopérative,... affaire personnelle, artisanale, commandite,... f) par ses liaisons économiques, industrielles, commerciales, financières * avec d'autres sociétés * avec d'autres groupes - nationalement et internationalement - *) à propos de structure d'entreprise, il faudra distinguer : Etablissement (usine) et Entreprise (Société qui recouvre l'ensemble des établissements ou usines). - 5 - •$$) Exemples de types d'industries = - industrie LOURDE = (secteurs de "base) énergie, sidérurgie, mines; - industrie de TRANSFORMATION = métallurgie, chimie,. pétrochimie; - industrie de CONSOMMATION = alimentation, textile, chaussures. 5 - GROUPEMENTS D'ENTREPRISES Il existe des liaisons économiques et financières (plus ou moins connues, plus ou moins fréquentes selon les entreprises, les régions, les professions ou activités) qui démontrent •• ' l'interdépendance des entreprises : * de la matière première au produit fini; * autour de la même entreprise (fournisseur/clients); * de l'entreprise au consommateur. Ce phénomène permet de comprendre que les entreprises ont cherché à se grouper. Il y a plusieurs espèces de groupements = = = = Entente Cartel Trust Holding Cette interdépendance des entreprises, leurs liaisons et groupements, donnent aussi naissance à un phénomène de concentration, dont les deux formes sont ; .,* concentration HORIZONTALE s celle qui réunit au sein d'une même entreprise ou d'un même groupe les activités ou les entreprises dont- la production est semblable. Exemple t un accord de fusion.: entre, deux sociétés de construction d'automobiles aboutirait..à .une concentration horizontale. * concentration VERTICALE même entreprise ou d'un entreprises nécessaires objet déterminé (toutes prises). ; celle qui réunit au sein d'une même groupe les activités ou les à la totalité de la production d'un les activités et toutes les entre- Exemple ; un groupe qui posséderait les mines de fer, les hauts fotirneaux, les laminoirs, les services de transport, les usines de transformation des tôles et les comptoirs de vente, serait un groupe à concentration verticale. - 6 - Son but est d'éviter au groupe une dépendance quelconque dans ses sources d'approvisionnement ou dans ses débouchés. Il est donc légitime de se demander, dans le cadre de cette concentration, qui détient le POUVOIR DE DECISION dans l'entreprise. Car c'est là l'essentiel. Ce point capital a ses répercussions sur les conditions de vie et de travail des salariés. 6 - BUTS DE I'ENTREPRISE Ces buts peuvent être différents, selon la position ou l'emploi que l'on occupe dans une entreprise. Différents aussi, selon les perspectives dans lesquelles on voudrait voir l'activité de l'entreprise s'exercer. Pour des travailleurs, les buts de l'entreprise seraient s * gagner de l'argent * faire vivre des hommes * satisfaire les besoins Pour des employeurs, il faudrait définir s * la notion de risque * le risque justifie le profit * le propriétaire détient le pouvoir mais peut le déléguer (aspect juridique) * tendance actuelle à dissocier la propriété et le pouvoir (technocratie) Mais, quelles que soient les conceptions, la situation de fait c'est que la politique de l'entreprise est subordonnée au profit. L'EFFORT DES DELEGUES DOIT TENDRE à faire en sorte que l'entreprise PRENNE EN CHARGE D'-AUTRES FINALITES ; * faire vivre les hommes * satisfaire leurs besoins Autrement dit, l'entreprise mise au service des hommes. - 7 - Mais il n'est pas possible d'oublier que dans tout système économique ; - un profit minimum est nécessaire à la survie.de l'entre- . prise (rentabilité); - l'entreprise doit être dirigée (coordination des fonctions) •CONCLUSION DE LA 1ère PARTIE L'action syndicale, les responsabilités et les fonctions de délégués, représentants des travailleurs de l'entreprise, les obligent à BIEN CONNAITRE L'ENTREPRISE OU ILS TRAVAILLENT,.POUR ETRE EFFICACES ET JUSTIFIER LA CONFIANCE QUE: LES CAMARADES" ONT' " MISE EN EUX. : ~~ " ~ ~~- - 8 - ANNEXES SUR L'ENTREPRISE Entreprises individuelles et entreprises sociétaires Le tableau suivant met en relief la situation respective des entreprises individuelles et des entreprises sociétaires dans l'ensemble de l'industrie. Source ; "Statistiques et études financières" - juin 1958. Nombre d'entreprises . Entreprises SOCIETAIRES ENTREPRISES PERSONNELLES 164.544 1.554.729 9,5 f° 90,5 $> Part dans le Part dans les chiffre d'affaires salaires distribués 71,5 f 85 % 28,5 j> 15 .% Exemples quant au phénomène de concentration Quelques chiffres donnent une idée de la concentration en Franc e s 13 entreprises réalisent 98 jo de la production pétrolière 11 97 sidérurgique 97 jo Io 80 fo 13 80 jo des métaux non ferreux 85 3, 85 *% automobile 70 4_ 70 *$ des réfrigérateurs 50 4 50 ioio des machines à laver Les travailleurs, leurs délégués, leurs sections syndicales, connaissent-ils - dans chacun des pays en cause - les liaisons, concentrations, ententes et accords de toute nature, qui pèsent directement et indirectement sur la vie des travailleurs ? Comment y faire face, sinon par une connaissance approfondie, tenue à jour, techniquement valable ? - 9- L'ENTREPRISE - 2ème PARTIE Il est important d'avoir un aperçu, d'être sensibilisé, à certains aspects de la vie d'une entreprise. Ces aspects primordiaux, de base, sont reliés entre eux et sont reliés à toute l'activité économique. Ayant vu antérieurement la notion d'interdépendance, nous en retiendrons ici trois autres. 1) la fonction de production - les liens que les entreprises tissent entre elles font que, de proche en proche, toutes les entreprises forment un tout. Cet ensemble joue un rôle dans l'économie d'un pays : il assure la fonction de production, c'esfe-à-dire qu'il met à la disposition de 1'économie les biens et services qui sont nécessaires. 2) le commerce extérieur - il faut savoir qu'une.partie de.la production sort du circuit intérieur pour aller vers l'étranger (exportations), mais qu'en •contre-partie il entre un"revenu (devises ). la production nationale s'accroît par les importations, mais elles coûtent (sortie de devises). Le solde -de la balance-(-entre les rentrées et les sorties de devises)-peut être pour l'économie nationale d'un pays une cause d'enrichissement ou d'appauvrissement. • 3) la notion de marché - peut se résumer de la façon suivante : ce qui représente un coût pour l'entreprise devient un revenu pour un individu ou une autre activité, et viceversa. La fonction de production a donc un double effet ; * procurer des biens et services * distribuer des revenus (salaires), ...... Ces deux résultats de la production i d'une part, biens et services, et d'autre part, revenus (salaires), se retrouvent sur le marché. Le marché est donc le lieu de rencontre de deux résultats de la production. - 10 - Mais deux autres, notions en découlent s - la notion de quantité de biens et services offerts par rapport aux revenus qui sont en face; - la notion qualitative qui fait intervenir le consommateur qui n'est pas décidé à acheter n'importe quoi,mais dont les choix vont dépendre de son genre de vie, des habitudes, que la publicité cherche à infléchir. f -Production •-* >. Biens et services Revenus -v Marché Dans 1"ENTREPRISE ï EVOLUTIONS de POEMES -et de RELATIONS Il convient d'abord de rappeler le lien entre "Entreprise" et "Entrepreneur". Entrepreneur = celui qui entreprend, qui travaille, qui possède 1'outil de travail. Autrefois 1'ARTISAN était entrepreneur. C'est encore vrai de nos jours dans quelques cas. Mais à notre époque, il y a de moins en moins d'entrepreneurs au sens vrai du terme. Par contre, on trouve de plus- en plus de sociétés qui possèdent, qui sont gérées par des gens qui ne travaillent pas de leurs mains, qui n'entreprennent pas directement. C'est pourquoi, dans une entreprise, dans une société, il faut distinguer : alors ceux qui possèdent, ceux qui gèrent, ceux qui dirigent, ceux qui travaillent, que l'entrepreneur d'autrefois cumulait toutes ces fonctions Ainsi, une richesse et une puissance de plus en plus grandes se trouvent concentrées dans un nombre de mains de plus en plus réduites, ou de moins en moins nombreuses. Ainsi, se manifeste la notion de concentration (voir plus haut). - 11 - L'entreprise, .évolue dans ses formes : de la propriété individuelle, de la propriété privée individuelle, en _. est'passé à l'entreprise sociétaire.. Et si les entreprises individuelles sont'.encore les plus nombreuses, ce sont les entreprises sociétaires qui, de trèsloin, . dominent l'économie et déterminent les conditions de production,:de prix, de marché, etc. • . Ces entreprises sociétaires prennent souvent la forme de sociétés anonymes. C'est le déclin de la propriété individuelle ou privée. ;....:.-..;.... '.j„..V.:...„'..•.:.. Ce "déclin de la propriété privée est encore accru .i.par,; l'intervention de l'Etat ou des Etats dans la vie économique. Et ces-interventions-des Etats sont de plus en plus importantes, se manifestant depuis la place qu'ils prennent dans l'orientation de 1' économie, -• .jusqu' au rôle d'entrepreneurs qu'ils assument dans les entreprises publiques de toutes sortes. l'entreprise évolue dans ses relations .; l'allongement des cycles de production qui provoque des concentrations, le développement des relations internationales, des accords internationaux de toutes sortes, sur les transports, les 'quotas de production, les tarifs, la main-d'oeuvre même, les échanges de .connaissances techniques, les procédés modernes de publicité qui ont pour-"ob- . jectif d'orienter la consommation et de trouver ainsi -des débouchés nouveaux à la production... • Tous ces éléments, pris parmi bien d'autres, font-que les• entreprises sociétaires d'aujourd'hui, notamment les grandes. sociétés anonymes internationales, ne peuvent pas être comparées aux entreprises d'hier. Les types de relations, économiques, financières, industrielles, obligent à des échanges inconnus autrefois. L'entreprise ne peut plus vivre seule, isolée, repliée sur elle-même s elle fonctionne dans une économie qui est de plus en plus une économie à échelle mondiale, ou les relations de tous ordres se: multiplient et se modifient constamment. • ' '.En"face de cette organisation économique privée, dont l'importance est telle que son POUVOIR de domination la met au rang de puissance publique et au moment où se développent des politiques dites de "relations humaines'% deux questions doivent se poser aux délégués : ' . Qu'est-ce que ce pouvoir ? Quel"est"lé pouvoir des travailleurs ? - 12 - LES PROBLEMES DU POUVOIR DANS L'ENTREPRISE Il est légitime de se demander qui détient le pouvoir de décision t, car c'est là l'essentiel. Toute décision prise dans l'entreprise intéresse les travailleurs .: non seulement les décisions de politique du personnel, mais également les décisions' en matière de production, de vente ont des répercussions sur.la vie du travailleur. C'est pourquoi il est intéressant de réfléchir sur le problème du pouvoir et des décisions dans l'entreprise. Les travailleurs, les délégués, les organisations' syndicales ne connaissent les décisions qu'au stade de leur application pratique. Dans les trois moments : 1) décision 2) application de la décision 3) contrôle de l'application de la décision, le travailleur ne connait qu'un stade t celui'de l'application, l'employeur, 1'"entrepreneur" lui, joue aux deux autres stades s la prise de décision, le contrôle de son exécution. Les travailleurs et leurs délégués connaissent trop souvent les décisions prises au moment où leurs conséquences touchent directement les travailleurs. Exemples ; l'employeur décide de procéder à un licenciement collectif, ou de faire accomplir des heures supplémentaires, ou encore d'augmenter les salaires, mais d'un pourcentage jugé insuffisant. La direction a "beau jeu de montrer que la décision prise s'impose à elle en vertu d'une nécessité qu'elle présente comme inéluctable. * S'agissant d'un licenciement collectif, on parlera d'un manque de commandes, d'un prix de revient trop élevé,: de la concurrence étrangère, de l'évolution du progrès technique. * De même l'employeur dont la production est stagnante et qui paie des salaires insuffisants incrimine les cadences de travail et envisagera, comme seule solution, une augmentation des rythmes de production; et, compte tenu de 1'organisation "actuelle" de la production, du vieillissement des machines, du gaspillage, cela peut apparaître comme la "seule" solution. C'est ainsi que dans tel trust, qui comporte de nombreuses usines, telle action isolée menée dans l'une d'entre elles pour l'augmentation des salaires, par exemple, est bien souvent menée à l'.echec. -•13 -~ Tous ces cas posent la même question. La décision prise de licencier, d'accélérer la cadence ou de ne pas augmenter le salaire n'est que la conséquence d'une autre, qui a été prise "bien avant et parfois très loin de l'usine intéressée. Ce que connaissent les travailleurs, les délégués, les organisations syndicales, c'est la conséquence finale d'une décision qui a été prise à un autre moment et souvent en d'autres lieux. Car.cette décision fondamentale, qui en conditionne de multiples autres selon un processus logique et rigoureux, les travailleurs n'en ont pas eu connaissance parce qu'elle appartient à ceux qui détiennent en fait les leviers de commande. Au niveau d'une société, les décisions sont "ordonnées" les unes par rapport aux autres, les décisions d'application devant correspondre aux orientations fondamentales que la société a décidé d'assigner à la production. LES•ORIENTATIONS FONDAMENTALES portent essentiellement : - sur ce que 1'on produira, en quantité et en qualité; ce sont les objectifs assignés à la production; - sur les moyens qui seront utilisés (installations, matériel, machines et hommes) ainsi que sur les méthodes à ••'•< mettre en oeuvre (brevets, techniques, financement, organisation du travail), dans des conditions telles que, sur . le plan financier, l'opération se solde par un résultat suffisant (profit); - sur les délais (court terme, moyen terme, long terme). LES DECISIONS L'APPLICATION sont celles qui sont prises en exécution des orientations fondamentales de la politique à moyen ou à court terme. Elles ont dés conséquences :' achat de tel "brevet d'invention s réorganisation du travail dans tel atelier : embauchage de personnel : augmentation des salaires : etc On notera que dans le cadre de la subordination du travail au. capital, le salaire constitue une charge d'exploitation au même titre que la matière première utilisée, 1'amortissement des machines ou les frais généraux. - 14 - La masse des salaires payée au personnel fait donc l'objet d'une évaluation au moment ou se trouve établi le budget prévisionnel de l'entreprise. Le centre de décision en matière.de salaires n'est donc pas dans l'usine, mais au niveau de la direction générale; c'est celle-ci qui décidé seule de l'importance de la masse salariale qui sera payée par l'entreprise. Les travailleurs, leurs délégués, n'ont connaissance de cette décision que bien plus tard et à un moment où le programme de production est déjà partiellement exécuté. Le cheminement de la décision : de' sa conception à son application^ est nécessaire à connaître. Généralement, quatre échelons interviennent le plus souvent : 1) conseil de direction et grands chefs de services ou de département; 2) conseil d'administration de la société; 3) direction générale de l'entreprise; 4) direction de l'usine intéressée et la hiérarchie qui y commande. Il importe de noter que les décisions - même fondamentales n'appartiennent pas seulement aux détenteurs de capitaux (représentés au conseil d'administration 2)) mais aussi à des chefs de service plus ou moins évolués, jaloux de leurs prérogatives dans leur domaine. Il ne faut pas oublier que dans les petites et moyennes entreprises ou président directeur général et directeur d'usine ne sont souvent que la même personne, il n'y a aucun cheminement ; la décision est prise par un homme seul et s'impose a tous. Pour des délégués, pour des travailleurs, il importe de connaître ; * où se trouvent et comment sont organisés les centres qui décident des orientations fondamentales de l'entreprise ? * d'où les dirigeants de l'affaire tirent-ils leur autorité personnelle ? Ainsi, ils auront une véritable connaissance de l'entreprise. -' 15 - HOMMES ET CAPITAUX DANS L'ENTREPRISE Puisque produire un "bien ou un service est la fonction essentielle de l'entreprise, la question suivante vient naturellement à l'esprit : Comment produire ? Les manuels d'économie politique disent tous "en combinant les facteurs de production". Mais que recouvrent ces termes ? Quand un ébéniste veut fabriquer un meuble il est obligé de travailler; mais il est contraint également d'utiliser des outils ou des machines. Ces outils, ces machines ont déjà été produits à l'aide d'un travail : ces biens sont, en quelque sorte, un travail en conserve. Ces biens qui viennent au secours de son travail portent le nom de capital. Pour produire on combinera le travail et le capital et cette combinaison interviendra au sein de l'entreprise. Quelques mots donc sur chacun des éléments de cette combinaison. TRAVAIL Celui-ci est réalisé par des hommes t les travailleurs'. Les travailleurs ont une notion vécue du travail : notion qui les laisse insatisfaits : ils aiment, à la fois, leur travail et en souffrent. Ceci n'est pas dû au seul caractère pénible du travail. La majorité des salariés souffrent à la fois des conditions dans lesquelles ils effectuent leur travail (monotonie, cadences..) et de la position subordonnée que le travail occupe dans 1'entreprise. Laissant de côté les aspects philosophiques de cette situa- . tion,' nous examinerons seulement les aspects démographiques, économiques et juridiques de cet état de fait, qui expliqueront le fonctionnement de la production dans l'entreprise. Le TRAVAIL fait par des hommes varie en quantité et en qualité selon les entreprises. Il est aussi soumis à une évolution ; * la démographie a des conséquences sur l'emploi et les charges salariales des entreprises et de la nation; on tiendra-compte du nombre de travailleurs par rapport à la population, qui sont d'âge et de sexe différents, de situation familiale différente; on tiendra compte aussi que l'arrivée des jeunes au travail pose une série de problèmes ; création d'emplois, réduction d'horaires, instruction et culture, etc. - 16 - Tous ces éléments ont des conséquences directes sur la vie économique, donc, sur l'entreprise; * économiquement il en est de même % les travailleurs exercent des activités diverses. Le travail est différencié ; le soudeur, l'employé, l'ébéniste, le cantonnier, l'infirmier, l'instituteur, exécutent tous un travail; ils n'exécutent pas tous le même travail. D'autre part, l'ébéniste de 1965 n'exécute pas son travail de la même façon que l'ébéniste de 1865. Il y a diversité des travailleurs et diversité du travail, ne serait-ce que le progrès technique qui fait évoluer les qualifications, ou l'augmentation du machinisme, très sensible à notre époque. En conséquence directe dans la vie de l'entreprise, il découle que : - le nombre d'employés et de cadres s'accroît, les besoins en techniciens augmentent, les catégories ouvrières se modifient, la productivité entraîne une série de conséquences quant à la nature du travail dans l'entreprise et à la "part du gâteau" qui revient aux ouvriers. * Juridiquement, le travailleur indépendant disparait pour faire place au salarié : le progrès technique provoque l'augmentation de la catégorie salariée et cette évolution permanente n'est pas achevée. De plus en plus nombreux . sont les gens qui ont un statut de salarié 1 le travailleur est donc de plus en plus dépendant. Les salariés de l'Etat et des administrations augmentent en proportion de l'importance croissante de l'Etat dans la vie d'un pays. Ils n'échappent pas à l'évolution définie ci-dessus. Les rapports entre salariés et patrons évoluent et les relations humaines posent ce problème sous un angle plus technique. Mais cette dépendance, quasi absolue, est corrigée par l'organisation des travailleurs en syndicats. Le syndicalisme permet aux travailleurs de demeurer des hommes libres. Le Travail se présente donc sous un aspect démographique,» économique, juridique. Et nous ajouterons désormais % syndical. - 17 - CAPITAL Il convient de ne pas confondre ce qu'est le "capital", d'une part,' et ce qu'est le "capitalisme", d'autre part. Quel que soit le régime économique, le. "capital" existe' toujours, et toujours sous, différentes formes ou aspects..: * le capital physique ou capital technique : c'est une notion générale. Au niveau de l'entreprise, le capital technique (on dit également ""biens de production") est représenté par les installations industrielles, terrains, bâtiments, machines, matières premières, demi-produits, réseaux de communication et d'énergie. Certains "biens demeurent : machines, "bâtiments,.. . d'autres s'incorporent dans le produit s énergie, matières . premières,... Ils sont appelés- capitaux' fixes' et capitaux circulants. * Le capital financier ou capital juridique : exprime l'ensemble des droits de disposition sur le capital physique. C'est le droit de disposer du capital. Ces droits de disposition peuvent varier au cours des régimes, et à l'intérieur d'un même régime. Cependant, c'est la manière la plus répandue de ces droits qui caractérise un régime ; le régime capitaliste est celui ou la majorité des biens de production est aux mains de propriétaires "privés", mais il peut exister dans ce régime des modes d'appropriation socialistes ou coopératifs. Le régime socialiste est le régime où la • majorité des- biens de production est aux mains de la collectivité; mais dans ce régime, il peut exister aussi des modes d'appropriation privés. Suivre 1'évolution'du capital financier d'une entreprise permet de se rendre compte de qui "dépendent" les salariés de l'entreprise. * Le capital comptable ou capital économique ; c'est le capital technique exprime en valeurs monétaires.. C'est la constitution de ce capital qu'il est important de connaître, et c'est son évolution que l'on doit suivre pour pouvoir apprécier la situation de l'entreprise. * Quelques données supplémentaires s - 18 - si le capital technique de l'entreprise peut se diviser en capital fixe et en capital circulant, sur le plan d'une nation il faut ajouter au capital technique les richesses naturelles, et aussi ce que l'on appelle le capital culture 1, c'est-à-dire les connaissances techniques, les recherches faites qui permettent à un peuple de progresser en utilisant au maximum ses ressources; d'où vient l'argent qui constitue le capital technique ? Il appartient quelquefois au patron ou à sa famille. Liais de plus en plus, les entreprises sont obligées de faire appel à des prêteurs. Le prêt privé, c'est l'appel à 1'épargne qui permet d'acheter des actions ou des obligations. L'EPARGNE reste la propriété de ceux qui se sont prives pour la réaliser; il arrive que 1'épargne ne suffise pas t il est fait appel au prêt public. L'Etat peut alors intervenir directement ; par l'impôt ou l'emprunt, il realise ce que l'on a appelé l'épargne forcée. Il prête de l'argent à l'industriel, il peut même lui accorder des subventions; mais le capital peiit aussi trouver sa source à l'intérieur même de l'entreprise, par l'autofinancement s l'entreprise ne place pas ses profits en banque et ne les distribue pas à ses actionnaires. Elle utilise ses profits pour acheter de nouvelles machines ou les renouveler et pour augmenter sa production. Dans ce cas, la propriété du capital n'appartient plus aux prêteurs ni même aux actionnaires, mais à l'entreprise; • •• pour qu'il y ait formation d'un capital technique, il faut que l'entreprise ait pris une décision, celle d'acheter un bien de production : cet achat, c'est 1'investissement. L'investissement sera donc décidé en vue d'un profit supplémentaire, dans une perspective économique bien définie, sur laquelle on peut d'ailleurs se tromper. C'est pourquoi, les entreprises établissent des prévisions, des études de marché, etc.; une partie du capital peut durer [longtemps % les bâtiments, mais les machines par exemple durent moins et il faut les renouveler. Le capital doit donc être entretenu et' renouvelé. Le prix à payer chaque année est appelé s amortissement. - 19 - L'ENTREPRISE : COMBINAISON DES FACTEURS . IE TRAVAIL ET LE CAPITAL SE COMBINENT DANS L'ENTREPRISE. Tout ce qui a été défini dans les pages antérieures démontre que travail et capital sont les deux éléments nécessaires à la production. Ces deux éléments se combinent au sein d'un organisme appelé entreprise. Cette combinaison intervient au sein de l'entreprise, non seulement de façon passive, mais l'entreprise a pour fonction de provoquer cette combinaison. • • •• Il y faut un chef d'orchestre qui organise tout cela, qui fasse des études, qui prenne des décisions : nous l'appelons 1'entrepreneur. L'entrepreneur peut être différent de l'apporteur de capitaux, du ou des propriétaires; il n'est pas l'entreprise, il en est le maître d'oeuvre. Son action fera que l'entreprise va vivre et prospérer, ou au contraire s'affaiblir et mourir. Son rôle est d'assurer une bonne marche de l'affaire, en vue de la production des biens et des services. Son rôle est aussi de vendre pour assurer des revenus à l'entreprise, afin de lui permettre de fonctionner et de prospérer. "L'entreprise combine les facteurs de la production en vue d'obtenir un produit qu'elle écoule sur le marché. Elle ne tend pas immédiatement et principalement à satisfaire les besoins de ses membres. Pourvu qu'elle puisse vendre son produit au coût ou au-dessus du coût, l'entreprise est satisfaite. Elle répond à l'appel des besoins solvables sur le marché; elle se conforme à la hiérarchie de leur solvabilité et non à celé de leur urgence appréciée en termes de laboratoire ou par référence à la morale d'un groupe." ("le capitalisme" - Pr. Perroux) L'entreprise, unité de production, ne peut exister que par la combinaison du capital et du travail. **$ Quelle est la part de pouvoir et de profit des travailleurs , pourtant partie prenante et indissociable de cette combinaison qui ne saurait exister sans leur travail ? Seulement le salaire qui leur est attribué en échange de la vente de leur travail. - 20. - C'est toute la question des relations entre le-travail et le capital. De là, la dépendance du salarié, la subordination du salariat au capital, de là aussi, l'organisation syndicale ouvrière, le rôle des délégués, les tâches d'éducation et de promotion^ la soif de connaissance,"lé désir de plus de justice, la volonté de pouvoir exercer leur droit d'organisation, leur droit d'expression, leur droit à la dignité et à la liberté.. - 21 - CONCLUSION Entreprise : combinaison du capital et du travail pour une production. Les pouvoirs du capital et ceux du travail sont différents. Les pouvoirs du travail, des hommes au travail, ne peuvent s'exercer que par leurs organisations et leurs délégués. Il convient donc que les représentants des travailleurs aient le maximum de connaissances. Cette connaissance, information ou communication, sera source d'éducation pour le plus grand nombre, afin de voir disparaître l'ignorance et, de là, l'injustice et la misère. C'est pourquoi le vote d'une loi sociale, la signature d'une convention collective, l'institution d'un régime de pension, une revendication satisfaite, sont des progrès réels en ce sens. La place des travailleurs dans l'entreprise doit changer. Jusqu'ici le travailleur a été considéré comme instrument (élément d'une combinaison dont l'oh jet unique est celui de la production). Désormais il devrait être considéré comme homme. Le sens du syndicat, le sens de la mission d'un délégué dans chacune de ses interventions c'est "ne plus être instrument, mais homme". On a pu dire que : Jusqu'ici le travailleur n'A rien et n'EST rien. Si cela était vrai, désormais i Il doit AVOIR = davantage de BIEN-ETRE (salaires, conditions de travail). Il doit ETRE = davantage de LIBERTE, (droit de s"''organiser, de se défendre, de s'exprimer,-...). Alors, l'entreprise pourra être combinaison de deux facteurs, non seulement pour assurer une production-, mais essentiellement pour satisfaire des besoins humains, pour'assurer la solution de problèmes sociaux, dans le respect des hommes au travail, en leur permettant d'être pleinement et totalement eux-mêmes. C'est affaire d'honnêteté, d'intelligence, et même .... de bon sens. - 22 - ELEMENTS DE CONNAISSANCE DE L'ENTREPRISE nécessaires à l'exercice des fonctions de délégués PLAN ECONOMIQUE - Fonctionnement ,de l'entreprise - organigramme de la direction - méthodes de travail - politique de la direction et centres de décisions - composition du conseil d'administration - relations de l'entreprise avec les autres employeurs - productions de l'entreprise - débouchés - ventes -• - situation financière - "bilans - investissements - accords techniques - commerciaux - financiers - de l'entreprise - "bâtiments et machines - état de modernisation - équipement de l'entreprise - principales filiales ou société-mère - groupes financiers contrôlant l'entreprise •— Q X C • • • • PLAN SOCIAL - situation géographique des entreprises ou établissements - importance du personnel dans ces établissements (nombre et catégories) - dans l'entreprise même : âge - sexe - origine - catégories - répartition des salariés par service - représentation du personnel (résultats des élections professionnelles ) - positions patronales face aux salariés et aux organisations syndicales - convention collective - règlement intérieur - droits des délégués UTILITE DE CES ELEMENTS " Face à la direction = * pour argumenter les revendications et pouvoir discuter de la connaissance économique de l'entreprise, donner des arguments que l'employeur peut difficilement contester. - 23 - Face aux travailleurs = * favoriser un travail d'information sérieux, qui permette aux travailleurs de se défendre et faciliter la tâche des délégués; * connaissant mieux 1'entreprise et faisant en sorte que le maximum de connaissances soit porté au maximum de camarades, il y aura une possibilité de promotion et d'éducation collectives; * outre le fait de n'avoir pas à rechercher des documents dans la précipitation, parce que cette recherche aura été progressive et ordonnée, les délégués seront rendus plus conscients de leurs responsabilités, les positions à prendre l'étant en toute connaissance de cause.