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La France dans la mondialisation
Exposé de Didier Benjamin-professeur de chaire supérieure en géographie à La Réunion
Lycée Bel Air - mercredi 2 novembre 2011
Introduction (texte intégral de Didier Benjamin)
La mondialisation apparaît à beaucoup de Français davantage comme une menace que comme
une opportunité. Ce sentiment qui est croissant est conforté par les positions de la plupart des
partis politiques qui se revendiquent soit de l’antimondialisation, rebaptisée altermondialisme -
rappelons qu’ATTAC est en France - soit de la « démondialisation » soit, pour les plus modé-
rés, d’une mondialisation régulée. En tout cas, aucun personnage politique de premier plan ne
vante plus les mérites de la mondialisation dans son dispositif actuel.
Depuis son apparition aux Etats-Unis en 1983 sous la plume de l’économiste Théodore Levitt, le
concept de Globalization a rencontré un succès phénoménal, ainsi qu’en atteste sa traduction
dans toutes les langues mondialisation » en langue française). Tous les principaux partis ex-
priment la crainte d’une économie globale dont les principes seraient contraires à notre conception
d’un ordre socio-économique juste et à notre autonomie de décision politique.
- La droite nationaliste redoute l’abaissement de la puissance française et la perte de son indé-
pendance.
- La gauche s’alarme généralement de voir dissoudre les solidarités et les protections sociales
assurées dans le cadre de l’État-Providence depuis 1945.
Dans la presse étrangère, pas uniquement anglo-saxonne, la France est régulièrement dénoncée
en raison de ses attitudes protectionnistes, hostiles au libre-échange, que ce soit sur le dossier
agricole en discussion à l’OMC, ou sur la libéralisation des services (AMI, exception culturelle).
Toutefois, ne s’agit-il pas là de combats d’arrière-garde face à un processus qui paraît inéluctable
? D’ailleurs, l’économie française n’est-elle pas largement internationalisée ? Ces questions sont
largement débattues par des économistes et nous reviendrons sur quelques aspects macroéco-
nomiques de l’internationalisation de l’économie française dans la première partie de cette confé-
rence.
L’approche géographique de la mondialisation commande, elle, de développer une analyse des
modalités d’insertion des territoires français dans le processus de mondialisation. Tous les es-
paces du territoire français ne participent pas également aux échanges avec le reste du monde.
On peut alors s’interroger sur l’impact du processus de mondialisation sur les différents espaces
qui composent le territoire français.
Tous les espaces français sont-ils gagnants dans le jeu de la mondialisation ? Celle-ci ne crée-
telle pas de nouveaux déséquilibres ? Quels sont les espaces qui participent pleinement au pro-
cessus de mondialisation et qui sont dynamisés par celui-ci ? Quels sont ceux qui en subissent les
effets négatifs et dans quelle mesure ?
Ces questions seront étudiées dans la seconde partie.
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I. Une économie intégrée à la mondialisation en dépit de la tentation du
protectionnisme
Malgré un discours en France qui apparait souvent comme protectionniste, la réalité du vécu des
acteurs économiques est une très large ouverture de l’économie française. La France a une
économie ouverte mais qui continue de tenir un discours volontiers protectionniste.
A. Le choix du libre-échange en dépit de la tentation protectionniste
1) Une tradition interventionniste et protectionniste
Le choix du libre-échange est clairement fait après 1945. Il fut définitif dès les années 1960.
Ce choix va à l’encontre d’une tradition protectionniste : juste après la 2e guerre mondiale,
l’économie française était largement repliée sur le marché intérieur et sur son empire colonial. Ce
repli protectionniste était dû à une vieille tradition de protection par l’Etat, qui réapparaît en France
à la fin du XIXe siècle. Cependant, il faut noter que les tarifs douaniers français sont plus
rigoureux que ceux du Royaume Uni, mais beaucoup moins que l’Allemagne ou même les Etats-
Unis. Dès 1938-39, des quotas et des contrôles d’échanges sont instaurés. On revient souvent sur
cette histoire marquée par l’interventionnisme et le protectionnisme en oubliant les phases
d’ouvertures : exemple traité de commerce français franco-anglais en 1860 qui fut une réussite car
la balance commerciale était alors positive ; exemple avant 1914, la France était le 2e investisseur
mondial ; exemple des filiales françaises se sont installées en dehors du territoire dès le milieu du
XIXe, comme St Gobain en Allemagne.
2) Le choix de l’ouverture après 1945
Après 1945, le choix de l’ouverture internationale commence par le renoncement au
protectionnisme. La France est l’un des 20 pays signataires des accords du GATT de 1947
(accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et met en application les
recommandations de ses différentes conférences. La France a sa monnaie reconvertie en or dès
1958 et a œuvré fortement pour la mise en place de la monnaie unique en Europe. Le choix de la
France de s’ouvrir sur le marché européen n’a jamais été remis en cause, et de surcroît la priorité
de l’action gouvernementale a été de réinstaurer la compétitivité des entreprises françaises.
Donc désormais la France participe très largement aux échanges internationaux (4 % de
parts de marché internationale, mais cette part est en baisse). Le degré d’extraversion de
l’économie française est élevé :
- 90 % des productions aéronautiques sont exportées ;
- 40 % des productions agricoles ;
- 5 % des exportations de services sont françaises
La France trouve à l’étranger les ressources (comme les énergies), les biens, les services qu’elle
ne produit pas. Le développement des exportations permet aux entreprises françaises d’être plus
efficaces. Seulement, cela entraîne une spécialisation croissante de notre système productif qui
créée une plus grande (inter-)dépendance aux autres pays.
B. Européanisation ou mondialisation : des échanges privilégiés avec l’Europe
1) L’européanisation des échanges économiques
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L’Europe permet à la France d’avoir des partenaires économiques qui lui ressemble. La
France trouve ainsi une sûreté et cela lui permet de garder, jusque dans les années 80, un
système productif peu diversifié car elle n’a pas été confrontée à la concurrence mondiale
exacerbée.
L’européanisation peut être vue comme une certaine résistance à la mondialisation : par ex
la PAC permet de privilégier des productions européennes par rapport aux productions mondiales
par le biais de taxes. Ces systèmes protecteurs permettent à l’agriculture française de trouver des
débouchés en Europe, mais ont été mis à mal dès le début des années 1990 (par ex le tarif
douanier a été baissé). Donc beaucoup plus de productions agricoles des pays tiers (pays du
Mercosur par exemple) entrent sur le marché européen.
2) Une faible présence économique hors d’Europe
L’UE est le principal partenaire de la France. Les pays de l’OCDE sont aussi des partenaires
importants, comme les EU, la Suisse (on commerce 3 x plus avec la Suisse qu’avec la Japon : la
proximité géographique est primordiale) ou la Norvège.
Hors d’Europe, la part de la France dans les échanges mondiaux régresse fortement (11e ou
12e rang mondial pour les seules exportations extracommunautaires). Nous sommes bien
représentés en Afrique, mais peu en Asie et la présence française est très faible en Amérique
Latine. Or, nous ne sommes pas assezprésents sur les marchés qui émergent, comme la Chine,
ce qui nuit à la dynamique française qui laisse échapper là des marchés importants.
Dans la mondialisation de l’éco française, l’Europe est le cadre privilégié des échanges, ce
qui n’est pas toujours favorable à la croissance. Néanmoins, les entreprises françaises ont réalisé
depuis les années 80 un très gros effort d’internationalisation.
C. L’internationalisation du système productif français.
1) Les grands groupes français dans la mondialisation
La production industrielle est de plus en plus segmentée. Les entreprises ont de plus en plus
recours à la sous-traitance internationale en faisant fonctionner la concurrence entre les sous-
traitants nationaux et internationaux. Les grands groupes français créent des systèmes
mondialisés.
La logique de l’entreprise est double :
- à la fois mondiale (marché mondial est vu comme un marché unique dans lequel on
propose un seul produit, pas ou peu différencié, d’un pays à l’autre ex Apple, McDo,
Coca Cola).
- Logique multinationale : chaque marché est vu comme différencié et on garde des
spécificités des produits pour chaque marché.
Les groupes français s’inscrivent dans les deux dimensions (mondialisée et multinationale), en
fonction des produits et des opportunités. Les produits industriels aujourd’hui n’ont donc plus
forcément de « nationalité » (voir le doc 1) : par ex une Toyota montée aux EU est plus
américaine qu’une Pontiac.
Depuis la fin des années 80, ce mouvement d’internationalisation des groupes français s’est
accompagné de multiples fusions et acquisitions :
- Total qui a regroupé les actifs de Elf et Pétrofina
- France Télécom et Orange
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- Vivendi qui reprend Universal
Sur le marché des fusions et acquisitions, les groupes français ont été très actifs : aujourd’hui, 3
millions de salariés dans le monde travaillent pour des filiales de groupes français (sans compter
les sous-traitants).
Les groupes français ont souvent choisi de délocaliser la quasi-totalité des moyens de
production (fabrication des composants et montage : ex Renault ne monte plus en France que
22% de ses véhicules vendus dans le monde. Les groupes allemands n’ont pas eu la même
démarche : il y a beaucoup de sous-traitance, comme dans les PECO, mais ils ont gardé le
montage (Volkswagen monte 50 % de ses véhicules vendus dans le monde). De fait, l’Allemagne
a choisi de garder le label de qualité « made in Germany ».
2) Un espace économique ouvert aux capitaux étrangers
La France investit beaucoup dans le monde et accueille aussi beaucoup d’IDE. Elle reste
attractive en dépit des coûts salariaux et sociaux élevés (cf doc 5 de la feuille VI). Seulement, la
grande productivité du salarié français est reconnue (cf feuille VII, doc 2). Les actifs français sont
plus productifs que les actifs japonais et allemands. L’agglomération parisienne est l’une des
métropoles mondiales les plus productives. Ceci explique aussi l’ampleur du chômage : il y a une
sélectivité plus importante sur le marché du travail, car il faut un niveau d’étude assez élevé et une
forte productivité.
L’espace économique français est très ouvert aux capitaux étrangers : une grande partie de
la demande des consommateurs et entreprises français est assurée par des entreprises
étrangères. De plus, une grande partie de notre système productif dépendant de centres installés
à l’étranger (18 % du PIB, elle a presque doublé depuis 1993). La présence de ces groupes
étrangers résulte aussi de l’acquisition de PME par ces groupes ou leurs filiales : industrie et
commerce de gros surtout. Les pays de l’OCDE représentent 98 % des investissements directs en
France (dont 78 % par l’UE). Il y a aujourd’hui 2,2 millions de salariés français qui travaillent pour
ces entreprises étrangères. C’est donc 1 salarié français sur 7. En y ajoutant tous les salariés
français qui travaillent pour l’exportation, cela représente plus de 4 millions de Français qui
travaillent pour l’étranger.
Les groupes étrangers sont surtout au nord d’une ligne Rennes-Nice. Ils sont surtout dans
les grandes métropoles, et particulièrement en IDF (1/4 de la pop active de l’IDF travaille pour ces
groupes). Ces entreprises s’installent pour le savoir-faire mais aussi pour pénétrer le marché
français. Le poids de l’Europe est important. Le poids du capital étranger est important en France,
surtout dans les grands groupes français : 40 % environ du capital du CAC 40 est détenu par des
étrangers.
L’internationalisation de notre marché financier se voit clairement dans le marché parisien
qui est intégré dans un groupe mondial, constituant le plus gros marché financier de la planète
(fusion Euronext-NYSE en 2007). Une part importante de la dette publique française est détenue
par des investisseurs étrangers (les deux-tiers).
On voit que l’appareil productif français est très ouvert sur le monde. On a certainement une des
économies les plus ouvertes du monde industrialisé : un salarié sur 7 travaille pour un groupe
étranger, alors qu’aux EU il ne s’agit que de 4 % des actifs et au Japon moins de 2 %. Nous ne
sommes devancés que par des pays dont l’économie est plus petite que la notre.
Or, cette ouverture a des conséquences sur la géographie économique de la France.
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II. Les territoires français dans la dynamique de mondialisation
Il y a un accroissement de la mobilité des produits mais aussi des facteurs de production, et
en particulier du capital. Il se déplace très vite, comme la technologie qui se déplace avec les
investissements des grandes entreprises. Le commerce international s’est aussi beaucoup
développé, d’où une très grande instabilité des lieux de production. L’obsolescence rapide ne
gagne pas seulement les produits (comme le matériel informatique), mais aussi les lieux de
production. Or, ceci s’accompagne de ce qu’on appelle des délocalisations mais qui sont en fait
des relocalisations. Les vraies délocalisations françaises sont très limités : seulement 3 ou 4 %
par an.
L’ouverture de nouveaux territoires de production (comme en Inde par exemple) est un
phénomène constant auquel les entreprises françaises doivent s’adapter. La dynamique de
mondialisation produit en permanence de nouvelles différenciations et de nouvelles disparités.
Cela implique d’avoir un système productif très réactif. Il a donc des conséquences du global sur
le local (ex du textile vosgien).
Donc, pour fixer ses activités, les territoires doivent essayer de maintenir une attractivité pour
attirer les nouveaux investisseurs mais aussi pour conserver ses activités.
A. L’impératif de l’attractivité des territoires.
La compétition internationale ne porte pas seulement sur les entreprises, mais aussi sur le
territoire des Etats et des collectivités territoriales. L’essentiel des décisions d’investissement sont
fait par les entreprises (PME ou grandes entreprises). Donc ce sont elles que les Etats et les
collectivités territoriales doivent séduire (ex feuille II dans lequel d’Yonne fait sa publicité : on situe
la Bourgogne au cœur des réseaux et on valorise la main d’œuvre, les loisirs, les équipements de
loisirs, et la qualité et la faible cherté des infrastructures). Chaque collectivité a une politique de
communication envers les entreprises.
1) L’articulation des échelles spatiales de la mondialisation
Chaque collectivité doit se positionner dans un contexte au moins européen, sinon mondial.
Pour maintenir les entreprises, il y a ces dernières années un certain renouveau de la pensée de
A. Marshall : les districts industriels. Le fait pour une entreprise d’avoir autour d’elle des
partenaires avec des liens très forts, d’avoir des enseignements, avec une main d’œuvre de
qualité est source de force économique. Cela permet des échanges de savoir-faire très
importants. On retrouve le même résonnement avec les technopoles : il y a une mise en
synergie d’universités et grandes écoles avec des entreprises privées et des centres de recherche
publics ou privés. Cela permet d’accélérer l’innovation technologique en créant des échanges
entre l’idée et la création. Une des dynamiques que l’on recherche est l’accélération de
l’innovation technologique : très souvent les innovations viennent des échanges entre les
différents domaines et disciplines (ex Steve Jobs qui a réussi à faire travailler différentes
personnes de différents domaines ensemble). Cette synergie est un atout pour les territoires : un
district, une atmosphère de partenariat n’est pas exportable en bloc. Cela permet de conserver
une forte attractivité, et même de faire venir des entreprises extérieures. C’est donc un facteur de
relocalisation de certaines activités.
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