Lignes directrices sur la prise en charge concertée des personnes

Canadian Journal of optometry | revue Canadienne d’optométrie
eSt. 1939 volume 77 iSSue 1
Digital
Lignes directrices sur la prise en charge concertée
des personnes atteintes de dégénérescence maculaire
liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins
oculovisuels
CANADIAN JOURNAL of OPTOMETRY | REVUE CANADIENNE d’OPTOMÉTRIE VOL. 77 ISSUE 1
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Contexte
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la cause principale de décit visuel
grave chez l’adulte des pays développés. Les données provenant du rapport de l’INCA montrent
que la DMLA sous-tend plus de 50 % des aiguillages vers leur organisation1. Étant donné la
croissance de l’incidence et de la prévalence de la maladie, d’une part, et le vieillissement de la
population, d’autre part, la DMLA est un dé de taille en matière de santé publique. Comme
son nom l’indique, la DMLA est une maladie dégénérative. Elle survient chez environ 1,5 %
des Canadiens de 40 ans et plus, et se présente chez 25 % de la population âgée de 75 ans et
plus. Lapparition de drusens, des dépôts jaunâtres qui s’accumulent sur la macula, est le pre-
mier symptôme de la maladie. Celle-ci progresse avec l’âge, et peut éventuellement provoquer
la perte de la vision centrale, qui est responsable de la perception des détails. Éventuellement, la
progression de la maladie perturbe les activités de la vie quotidienne (AVQ), et les capacités de
lecture et de conduite automobile de la personne atteinte . On observe deux formes de DMLA :
1. La DMLA de type sec (non exsudative), qui progresse lentement et n’entraîne générale-
ment qu’un décit visuel léger. Cette forme représente près de 85 % des cas de DMLA.
2. La DMLA de type humide (exsudative), qui entraîne un décit visuel important à l’intérieur
d’une période variant de quelques semaines à quelques mois, représente près de 15 % des
cas de DMLA.
L’étude sur les maladies oculaires liées à l’âge (AREDS, pour Age-Related Eye Disease Study)
distingue quatre catégories de DMLA 3:
Catégorisation de la dMla selon lareds
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C
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personnes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l’âge par
les professionnels de la santé en soins oculovisuels
Catégorie AREDS 1 – absence de DMLA
Catégorie AREDS 2 – DMLA précoce : présence de drusens de petits ou moyens
diamètres, anomalies pigmentaires légères ou absentes, acuité de la vision centrale
généralement normale
Catégoroe AREDS 3 DMLA intermédiaire : présence de plusieurs drusens de
diamètre moyen ou de plus d’un drusen de gros diamètre. Atrophie géographique
excluant la fovéa
Catégorie AREDS 4 DMLA avancée : DMLA de type humide ou atrophie géographique
touchant la fovéa. À ce stade, l’acuité visuelle est normalement atteinte. On note
la présence d’au minimum un des signes suivants : zone d’atrophie de l’épithélium
pigmentaire de la rétine; drusens et anomalies pigmentaires autour des zones
atrophiées; néovascularisation choroïdienne (NVC); décollement de l’épithélium
pigmentaire rétinien accompagné d’une hémorragie ou d’accumulation de liquide;
cicatrice maculaire disciforme.
Lignes directrices sur la prise en charge concertée des personnes atteintes de dégénérescence
maculaire liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins oculovisuels
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Puisqu’il a été montré que les facteurs génétiques jouent un rôle dans l’apparition de la mala-
die4, le risque de DMLA augmente chez les membres de la fratrie d’un patient atteint5,6, Des
gènes prédisposant à l’évolution vers les stades avancés (de types sec ou humide) de la maladie
ont été identiés7. De plus, plusieurs études ont montré qu’il existe un lien clair entre le taba-
gisme et la progression de la DMLA vers sa forme humide8, 9.
Les résultats de la Beaver Dam Eye Study montrent qu’environ 22 % des patients qui ont
un œil atteint de DMLA (de type sec ou humide) développeront la maladie dans l’autre œil
dans les cinq années qui suivent. La Age-Related Eye Disease Study montre, pour sa part, que
43 % des personnes avec une DMLA avancée dans un œil progressent vers une DMLA avancée
dans l’autre œil cinq ans plus tard10. Enn, les données de l’AREDS indiquent que la probabilité
qu’une DMLA intermédiaire progresse vers son stade avancé à l’intérieur d’une période de cinq
ans est d’environ 18 %.
Même si on ne peut prévenir la perte visuelle qui découle de la DMLA de type sec, des don-
nées probantes explicitent clairement les bienfaits du dépistage et des traitements aux stades
précoces de la maladie11-14. Les résultats de l’AREDS montrent que de fortes doses de supplé-
ments vitaminiques à base d’antioxydants et de minéraux (voir annexe 1A), représentent un
bienfait modeste, mais signicatif sur le plan statistique (de 20 à 25 % de diminution du ris-
que). Les résultats de cette étude centrale du domaine ont permis d’ériger les fondements de
l’intervention précoce en matière de DMLA12-14.
LAREDS2 a examiné les bienfaits d’une supplémentation en acides gras oméga-3, les effets
de la lutéine et de la zéaxanthine, et les répercussions d’une diminution en zinc de la formule
vitaminique AREDS de base. 12,13 Les résultats de cette étude étaient comparables à ceux de
l’étude originale, c.-à-d. qu’aucun autre bienfait n’a été observé lors de l’ajout de lutéine, de
zéaxanthine ou d’acides gras oméga-3 à la formule de base. L’étude montrait également qu’il
est possible de remplacer la lutéine et la zéaxanthine par du bêta-carotène (élément pouvant
augmenter le risque de cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs récents),
sans perte d’efcacité du produit. Les effets (et effets secondaires) de faibles et de fortes doses
de zinc étaient également similaires (voir annexe 1B).
La mise en application d’un traitement, aussi modeste soit-il, pour une maladie aussi com-
mune que la DMLA procurerait des retombées bénéques signicatives en matière de santé
publique. Ceci étant dit, les bienfaits dont il est question ne peuvent être rencontrés qu’avec
des suppléments qui ont une composition identique aux formules AREDS/AREDS2, et avec un
dosage adéquat. L’attribution de ces bienfaits à d’autres formules ou d’autres dosages, même
comparables, doit être exercée avec prudence.
Les professionnels doivent être mis au courant que la personnalisation du plan de traitement
de supplémentation vitaminique AREDS/AREDS2 en fonction du prol génétique a fait l’objet
d’une controverse récemment. Se tenir au courant de la recherche du milieu est crucial pour
assurer l’excellence des soins au patient12-13.
Il n’existe aucune cure pour la DMLA de type humide. Par contre, plusieurs études démon-
trent que la meilleure façon de prévenir la perte de vision qui en découle est par un dépistage
et des interventions précoces.12-13 Parmi les interventions possibles, on compte l’utilisation d’un
laser thermique, la thérapie photodynamique (TPD) à la vertéporne et les injections intravi-
tréennes de certains agents, dont le ranibizumab, le bévacizumab et l’aibercept.12-16 La popu-
lation vieillit; les demandes de dépistage de la DMLA, d’interventions, de surveillance post-
interventionnelle et de réhabilitation visuelle péri ou post-interventionnelles augmenteront de
façon exponentielle. Les professionnels en soins oculovisuels seront aux prises avec plusieurs
dés de taille lorsqu’il sera question de la prise en charge concertée des patients atteints de
DMLA. La prestation des soins oculovisuels dans la prévention de la perte de vision doit donc
faire un usage avantageux et efcace des ressources disponibles.
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Peu importe l’excellente qualité des traitements administrés, la perte de vision liée à la
DMLA intermédiaire ou avancée mène à certains handicaps (le trouble de vision rend difciles
certaines activités) qui, à leurs tours, inuencent la qualité de vie. Le risque pour la santé de
l’individu associé au décit visuel est classé en six catégories (Coalition nationale pour la santé
visuelle, 2011) :
i. Déclin fonctionnel (p.ex. : AVQ, conduite automobile, lecture, marche);
ii. Perte d’autonomie (p.ex. : admission en centre d’hébergement ou de soins de longue
durée, fardeau additionnel sur la famille et les aidants naturels, perte d’emploi, dimi-
nution du revenu);
iii. Blessures et accidents (p. ex. : chutes et fractures, accidents d’automobile, blessures
piétonnières);
iv. Isolement social (p. ex. : participation limitée à la vie sociale, replis social, isolement)
ou détresse émotionnelle (p.ex. : dépression, deuil, colère, sentiment de maîtrise des
événements de la vie diminuée);
v. Taux de morbidité accru (diminution de la qualité de vie, augmentation du taux de
suicide, augmentation des comorbidités associées);
vi. Risque pour les autres et pour la société accru (fardeau pour le système public de soins
de santé, fardeau pour la famille).
La réhabilitation visuelle diminue les handicaps découlant de la DMLA, et par le fait même,
les répercussions de ces handicaps sur les activités de la personne atteinte. Celle-ci consiste en
un examen fonctionnel et est suivi d’interventions à faibles ou hautes technologies, qui font par-
fois appel à des aides de grossissement, à des ltres médicaux, à un réaménagement de l’espace
de vie, à un entraînement à la vision excentrique (des suites d’une perte de vision), à certains in-
struments non optiques pour aider aux activités instrumentales de la vie quotidienne, à un pro-
gramme d’entraînement en orientation et mobilité, et à des séances de thérapie et de soutien.
Le but de la réhabilitation est d’optimiser la fonction visuelle restante, d’aider le patient vers
l’atteinte de ses buts, d’encourager son autonomie et d’améliorer sa sécurité.
But
Le but visé par ces lignes directrices est la coordination des services offerts par les fournis-
seurs de soins de santé primaires, les optométristes et les ophtalmologistes, dans la prise en
charge des patients atteints de DMLA, an d’assurer une meilleure utilisation de ces ressources
humaines. Cette réorganisation est faite dans l’intérêt de la sécurité du patient et de la qualité
des soins, de leur rentabilité et leur accessibilité.
la prise en Charge de la dMla
La prise en charge des patients atteints de DMLA doit s’effectuer conformément au proto-
cole en vigueur. Les critères suivants doivent être évalués :
(a) aBsenCe de dMla aveC présenCe d’antéCédents faMiliaux de dMla.
En général, les patients à risque qui ne sont pas atteints de DMLA doivent être suivis par leur
optométriste ou leur ophtalmologiste. Un examen oculovisuel exhaustif est réalisé conformé-
ment aux intervalles déterminés par les lignes directrices en vigueur. Une attention particu-
lière doit être apportée à la meilleure acuité visuelle avec correction (MAVC) et à l’examen sté-
réoscopique du fond de l’œil. À ce jour, il n’existe aucune preuve suggérant que la prise précoce
de suppléments vitaminiques AREDS ou AREDS2 est bénéque. La cessation tabagique doit
être encouragée.
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(B) dMla préCoCe de type seC.
Les patients, à ce stade, requièrent une surveillance adaptée à la maladie, au minimum à
chaque 12 mois, chez un optométriste ou un ophtalmologiste (comme indiqué plus haut). Les
patients doivent être tout particulièrement mis au courant des bienfaits de la cessation taba-
gique et de la façon d’effectuer l’autosurveillance œil par œil avec la grille de Amsler. Les signes
et symptômes qui laissent suggérer l’apparition de la DMLA de type humide doivent être aussi
enseignés. À ce jour, il n’existe aucune preuve suggérant que la prise précoce de suppléments
vitaminiques AREDS ou AREDS2 est bénéque. Aussitôt que la perte de vision provoque un
handicap, la réhabilitation visuelle doit être entreprise. La décience visuelle apparaît normale-
ment lorsque l’acuité visuelle descend sous 6/12.
(C) dMla interMédiaire ou sévère de type seC.
Ces patients ont plusieurs drusens, ou ceux-ci sont plus gros; cet état est souvent associé
à des modications des cellules épithéliales du pigment rétinien. Le risque d’une progression
vers une perte de vision découlant d’une DMLA avancée de type sec (atrophie géographique)
ou de type humide est élevé. À ce stade, les patients doivent commencer la supplémentation
vitaminique selon les directives de l’AREDS/AREDS2, et être encouragés à la continuer. Une
surveillance régulière, au minimum à tous les 6 mois, chez un optométriste ou un ophtalmolo-
giste (comme indiqué plus haut), est suggérée. Pour certains cas, et plus particulièrement si
aucun changement visuel n’est noté, on peut considérer d’effectuer des tests complémentaires,
comme la tomographie par cohérence optique (TCO) ou l’angiographie à la uorescéine (AF),
an d’évaluer plus profondément les risques de progression vers une DMLA de type humide.
L’autosurveillance stricte des modications visuelles qui laissent présager un développement
de la DMLA de type humide doit être renforcée à chaque consultation. À partir de ce stade,
la perte de vision est bien présente; le professionnel de soins oculovisuels doit prodiguer la
réhabilitation visuelle au patient, ou bien aiguiller le patient vers un autre professionnel pou-
vant la lui fournirrovide vision rehabilitation or refer to other eye care professionals who do
provide this service.
(d) diagnostiC de dMla de type huMide envisagé ou étaBli.
Chez les patients atteints une DMLA de type sec de stade intermédiaire ou avancée,
l’apparition d’un des signes suivants exige l’aiguillage immédiat vers un ophtalmologiste ou un
rétinologue, an d’approfondir l’évaluation et vérier si des interventions sont nécessaires :
1. Accumulation de liquide sous-rétinien ou intrarétinien visible à la TCO
2. Survenue d’une hémorragie maculaire
3. Survenue d’une perte de vision ou d’une distorsion de la région centrale ou périphérique
La thérapie peut comprendre l’utilisation – plutôt rare – d’un laser thermique pour les pe-
tites lésions extrafovéales. La plupart du temps, une injection intravitéenne d’un antifacteur de
croissance de l’endothélium vasculaire (anti-VEGF) est effectuée. On fait quelques fois appel
à la thérapie photodynamique, seule ou en thérapie auxiliaire, lorsque la maladie est récalci-
trante. Il a été montré que la mise en œuvre immédiate de traitements (anti-VEGF) diminue la
survenue d’une perte de vision intermédiaire chez 95 % des patients, en plus de possiblement
améliorer l’acuité visuelle dans 30 % des cas. Les bienfaits des traitements ne perdurent qu’avec
une surveillance régulière et des traitements supplémentaires. Ceux-ci doivent être faits tout au
long du reste de la vie du patient et ajoutent au fardeau du patient et des fournisseurs de soins.
Plusieurs agents anti-VEGF sont employés dans le traitement de la DMLA, dont le pegap-
tanib, le Ranibizumab, le bévacizumab et l’aibercept. La majorité des résultats d’essais cli-
niques aléatoires proviennent de l’utilisation mensuelle du ranibizumab. Cependant, on a mon-
tré que l’aibercept lui était non inférieur lorsqu’utilisé tous les deux mois. L’étude comparative
des essais cliniques de la DMLA (la Comparison of AMD Treatment Trials [CATT]) a démon-
tré que l’emploi non conforme et mensuel du bévacizumab était non inférieur à l’utilisation
1 / 11 100%

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