Lignes directrices sur la prise en charge concertée des personnes

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R e v u e C a na d i e n n e d ’O p t o m é t r i e
VOLUME 7 7
Digital
Lignes directrices sur la prise en charge concertée
des personnes atteintes de dégénérescence maculaire
liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins
oculovisuels
I S S UE 1
C
RECHERCHE CLINIQUE
Lignes directrices sur la prise en charge concertée des
personnes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l’âge par
les professionnels de la santé en soins oculovisuels
Contex te
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la cause principale de déficit visuel
grave chez l’adulte des pays développés. Les données provenant du rapport de l’INCA montrent
que la DMLA sous-tend plus de 50 % des aiguillages vers leur organisation1. Étant donné la
croissance de l’incidence et de la prévalence de la maladie, d’une part, et le vieillissement de la
population, d’autre part, la DMLA est un défi de taille en matière de santé publique. Comme
son nom l’indique, la DMLA est une maladie dégénérative. Elle survient chez environ 1,5 %
des Canadiens de 40 ans et plus, et se présente chez 25 % de la population âgée de 75 ans et
plus. L’apparition de drusens, des dépôts jaunâtres qui s’accumulent sur la macula, est le premier symptôme de la maladie. Celle-ci progresse avec l’âge, et peut éventuellement provoquer
la perte de la vision centrale, qui est responsable de la perception des détails. Éventuellement, la
progression de la maladie perturbe les activités de la vie quotidienne (AVQ), et les capacités de
lecture et de conduite automobile de la personne atteinte . On observe deux formes de DMLA :
1. L
a DMLA de type sec (non exsudative), qui progresse lentement et n’entraîne généralement qu’un déficit visuel léger. Cette forme représente près de 85 % des cas de DMLA.
2. La DMLA de type humide (exsudative), qui entraîne un déficit visuel important à l’intérieur
d’une période variant de quelques semaines à quelques mois, représente près de 15 % des
cas de DMLA.
L’étude sur les maladies oculaires liées à l’âge (AREDS, pour Age-Related Eye Disease Study)
distingue quatre catégories de DMLA 3:
C atégorisat i o n de l a D M LA s e lo n l’AREDS
Catégorie AREDS 1 – absence de DMLA
Catégorie AREDS 2 – DMLA précoce : présence de drusens de petits ou moyens
diamètres, anomalies pigmentaires légères ou absentes, acuité de la vision centrale
généralement normale
Catégoroe AREDS 3 – DMLA intermédiaire : présence de plusieurs drusens de
diamètre moyen ou de plus d’un drusen de gros diamètre. Atrophie géographique
excluant la fovéa
Catégorie AREDS 4 – DMLA avancée : DMLA de type humide ou atrophie géographique
touchant la fovéa. À ce stade, l’acuité visuelle est normalement atteinte. On note
la présence d’au minimum un des signes suivants : zone d’atrophie de l’épithélium
pigmentaire de la rétine; drusens et anomalies pigmentaires autour des zones
atrophiées; néovascularisation choroïdienne (NVC); décollement de l’épithélium
pigmentaire rétinien accompagné d’une hémorragie ou d’accumulation de liquide;
cicatrice maculaire disciforme.
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Lignes directrices sur la prise en charge concertée des personnes atteintes de dégénérescence
maculaire liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins oculovisuels
Puisqu’il a été montré que les facteurs génétiques jouent un rôle dans l’apparition de la maladie4, le risque de DMLA augmente chez les membres de la fratrie d’un patient atteint5,6, Des
gènes prédisposant à l’évolution vers les stades avancés (de types sec ou humide) de la maladie
ont été identifiés7. De plus, plusieurs études ont montré qu’il existe un lien clair entre le tabagisme et la progression de la DMLA vers sa forme humide8, 9.
Les résultats de la Beaver Dam Eye Study montrent qu’environ 22 % des patients qui ont
un œil atteint de DMLA (de type sec ou humide) développeront la maladie dans l’autre œil
dans les cinq années qui suivent. La Age-Related Eye Disease Study montre, pour sa part, que
43 % des personnes avec une DMLA avancée dans un œil progressent vers une DMLA avancée
dans l’autre œil cinq ans plus tard10. Enfin, les données de l’AREDS indiquent que la probabilité
qu’une DMLA intermédiaire progresse vers son stade avancé à l’intérieur d’une période de cinq
ans est d’environ 18 %.
Même si on ne peut prévenir la perte visuelle qui découle de la DMLA de type sec, des données probantes explicitent clairement les bienfaits du dépistage et des traitements aux stades
précoces de la maladie11-14. Les résultats de l’AREDS montrent que de fortes doses de suppléments vitaminiques à base d’antioxydants et de minéraux (voir annexe 1A), représentent un
bienfait modeste, mais significatif sur le plan statistique (de 20 à 25 % de diminution du risque). Les résultats de cette étude centrale du domaine ont permis d’ériger les fondements de
l’intervention précoce en matière de DMLA12-14.
L’AREDS2 a examiné les bienfaits d’une supplémentation en acides gras oméga-3, les effets
de la lutéine et de la zéaxanthine, et les répercussions d’une diminution en zinc de la formule
vitaminique AREDS de base. 12,13 Les résultats de cette étude étaient comparables à ceux de
l’étude originale, c.-à-d. qu’aucun autre bienfait n’a été observé lors de l’ajout de lutéine, de
zéaxanthine ou d’acides gras oméga-3 à la formule de base. L’étude montrait également qu’il
est possible de remplacer la lutéine et la zéaxanthine par du bêta-carotène (élément pouvant
augmenter le risque de cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs récents),
sans perte d’efficacité du produit. Les effets (et effets secondaires) de faibles et de fortes doses
de zinc étaient également similaires (voir annexe 1B).
La mise en application d’un traitement, aussi modeste soit-il, pour une maladie aussi commune que la DMLA procurerait des retombées bénéfiques significatives en matière de santé
publique. Ceci étant dit, les bienfaits dont il est question ne peuvent être rencontrés qu’avec
des suppléments qui ont une composition identique aux formules AREDS/AREDS2, et avec un
dosage adéquat. L’attribution de ces bienfaits à d’autres formules ou d’autres dosages, même
comparables, doit être exercée avec prudence.
Les professionnels doivent être mis au courant que la personnalisation du plan de traitement
de supplémentation vitaminique AREDS/AREDS2 en fonction du profil génétique a fait l’objet
d’une controverse récemment. Se tenir au courant de la recherche du milieu est crucial pour
assurer l’excellence des soins au patient12-13.
Il n’existe aucune cure pour la DMLA de type humide. Par contre, plusieurs études démontrent que la meilleure façon de prévenir la perte de vision qui en découle est par un dépistage
et des interventions précoces.12-13 Parmi les interventions possibles, on compte l’utilisation d’un
laser thermique, la thérapie photodynamique (TPD) à la vertéporfine et les injections intravitréennes de certains agents, dont le ranibizumab, le bévacizumab et l’aflibercept.12-16 La population vieillit; les demandes de dépistage de la DMLA, d’interventions, de surveillance postinterventionnelle et de réhabilitation visuelle péri ou post-interventionnelles augmenteront de
façon exponentielle. Les professionnels en soins oculovisuels seront aux prises avec plusieurs
défis de taille lorsqu’il sera question de la prise en charge concertée des patients atteints de
DMLA. La prestation des soins oculovisuels dans la prévention de la perte de vision doit donc
faire un usage avantageux et efficace des ressources disponibles.
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RECHERCHE CLINIQUE
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Peu importe l’excellente qualité des traitements administrés, la perte de vision liée à la
DMLA intermédiaire ou avancée mène à certains handicaps (le trouble de vision rend difficiles
certaines activités) qui, à leurs tours, influencent la qualité de vie. Le risque pour la santé de
l’individu associé au déficit visuel est classé en six catégories (Coalition nationale pour la santé
visuelle, 2011) :
i.
Déclin fonctionnel (p.ex. : AVQ, conduite automobile, lecture, marche);
ii.Perte d’autonomie (p.ex. : admission en centre d’hébergement ou de soins de longue
durée, fardeau additionnel sur la famille et les aidants naturels, perte d’emploi, diminution du revenu);
iii.Blessures et accidents (p. ex. : chutes et fractures, accidents d’automobile, blessures
piétonnières);
iv.Isolement social (p. ex. : participation limitée à la vie sociale, replis social, isolement)
ou détresse émotionnelle (p.ex. : dépression, deuil, colère, sentiment de maîtrise des
événements de la vie diminuée);
v.Taux de morbidité accru (diminution de la qualité de vie, augmentation du taux de
suicide, augmentation des comorbidités associées);
vi.Risque pour les autres et pour la société accru (fardeau pour le système public de soins
de santé, fardeau pour la famille).
La réhabilitation visuelle diminue les handicaps découlant de la DMLA, et par le fait même,
les répercussions de ces handicaps sur les activités de la personne atteinte. Celle-ci consiste en
un examen fonctionnel et est suivi d’interventions à faibles ou hautes technologies, qui font parfois appel à des aides de grossissement, à des filtres médicaux, à un réaménagement de l’espace
de vie, à un entraînement à la vision excentrique (des suites d’une perte de vision), à certains instruments non optiques pour aider aux activités instrumentales de la vie quotidienne, à un programme d’entraînement en orientation et mobilité, et à des séances de thérapie et de soutien.
Le but de la réhabilitation est d’optimiser la fonction visuelle restante, d’aider le patient vers
l’atteinte de ses buts, d’encourager son autonomie et d’améliorer sa sécurité.
B ut
Le but visé par ces lignes directrices est la coordination des services offerts par les fournisseurs de soins de santé primaires, les optométristes et les ophtalmologistes, dans la prise en
charge des patients atteints de DMLA, afin d’assurer une meilleure utilisation de ces ressources
humaines. Cette réorganisation est faite dans l’intérêt de la sécurité du patient et de la qualité
des soins, de leur rentabilité et leur accessibilité.
L a pris e en c h a rg e de l a D M LA
La prise en charge des patients atteints de DMLA doit s’effectuer conformément au protocole en vigueur. Les critères suivants doivent être évalués :
(A) Ab sen ce de D M LA av e c p r é s e nc e d’a n t é c é d e n ts fa m i li aux d e D M LA.
En général, les patients à risque qui ne sont pas atteints de DMLA doivent être suivis par leur
optométriste ou leur ophtalmologiste. Un examen oculovisuel exhaustif est réalisé conformément aux intervalles déterminés par les lignes directrices en vigueur. Une attention particulière doit être apportée à la meilleure acuité visuelle avec correction (MAVC) et à l’examen stéréoscopique du fond de l’œil. À ce jour, il n’existe aucune preuve suggérant que la prise précoce
de suppléments vitaminiques AREDS ou AREDS2 est bénéfique. La cessation tabagique doit
être encouragée.
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maculaire liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins oculovisuels
(B ) DMLA pré co c e de t yp e s e c.
Les patients, à ce stade, requièrent une surveillance adaptée à la maladie, au minimum à
chaque 12 mois, chez un optométriste ou un ophtalmologiste (comme indiqué plus haut). Les
patients doivent être tout particulièrement mis au courant des bienfaits de la cessation tabagique et de la façon d’effectuer l’autosurveillance œil par œil avec la grille de Amsler. Les signes
et symptômes qui laissent suggérer l’apparition de la DMLA de type humide doivent être aussi
enseignés. À ce jour, il n’existe aucune preuve suggérant que la prise précoce de suppléments
vitaminiques AREDS ou AREDS2 est bénéfique. Aussitôt que la perte de vision provoque un
handicap, la réhabilitation visuelle doit être entreprise. La déficience visuelle apparaît normalement lorsque l’acuité visuelle descend sous 6/12.
(C) DMLA in te r m é di a i r e o u s é v è r e de t ype s e c.
Ces patients ont plusieurs drusens, ou ceux-ci sont plus gros; cet état est souvent associé
à des modifications des cellules épithéliales du pigment rétinien. Le risque d’une progression
vers une perte de vision découlant d’une DMLA avancée de type sec (atrophie géographique)
ou de type humide est élevé. À ce stade, les patients doivent commencer la supplémentation
vitaminique selon les directives de l’AREDS/AREDS2, et être encouragés à la continuer. Une
surveillance régulière, au minimum à tous les 6 mois, chez un optométriste ou un ophtalmologiste (comme indiqué plus haut), est suggérée. Pour certains cas, et plus particulièrement si
aucun changement visuel n’est noté, on peut considérer d’effectuer des tests complémentaires,
comme la tomographie par cohérence optique (TCO) ou l’angiographie à la fluorescéine (AF),
afin d’évaluer plus profondément les risques de progression vers une DMLA de type humide.
L’autosurveillance stricte des modifications visuelles qui laissent présager un développement
de la DMLA de type humide doit être renforcée à chaque consultation. À partir de ce stade,
la perte de vision est bien présente; le professionnel de soins oculovisuels doit prodiguer la
réhabilitation visuelle au patient, ou bien aiguiller le patient vers un autre professionnel pouvant la lui fournirrovide vision rehabilitation or refer to other eye care professionals who do
provide this service.
(D) Diagn os ti c de D M LA de t yp e h u m i de e n vi s ag é o u é ta b li.
Chez les patients atteints une DMLA de type sec de stade intermédiaire ou avancée,
l’apparition d’un des signes suivants exige l’aiguillage immédiat vers un ophtalmologiste ou un
rétinologue, afin d’approfondir l’évaluation et vérifier si des interventions sont nécessaires :
1. Accumulation de liquide sous-rétinien ou intrarétinien visible à la TCO
2. Survenue d’une hémorragie maculaire
3. Survenue d’une perte de vision ou d’une distorsion de la région centrale ou périphérique
La thérapie peut comprendre l’utilisation – plutôt rare – d’un laser thermique pour les petites lésions extrafovéales. La plupart du temps, une injection intravitéenne d’un antifacteur de
croissance de l’endothélium vasculaire (anti-VEGF) est effectuée. On fait quelques fois appel
à la thérapie photodynamique, seule ou en thérapie auxiliaire, lorsque la maladie est récalcitrante. Il a été montré que la mise en œuvre immédiate de traitements (anti-VEGF) diminue la
survenue d’une perte de vision intermédiaire chez 95 % des patients, en plus de possiblement
améliorer l’acuité visuelle dans 30 % des cas. Les bienfaits des traitements ne perdurent qu’avec
une surveillance régulière et des traitements supplémentaires. Ceux-ci doivent être faits tout au
long du reste de la vie du patient et ajoutent au fardeau du patient et des fournisseurs de soins.
Plusieurs agents anti-VEGF sont employés dans le traitement de la DMLA, dont le pegaptanib, le Ranibizumab, le bévacizumab et l’aflibercept. La majorité des résultats d’essais cliniques aléatoires proviennent de l’utilisation mensuelle du ranibizumab. Cependant, on a montré que l’aflibercept lui était non inférieur lorsqu’utilisé tous les deux mois. L’étude comparative
des essais cliniques de la DMLA (la Comparison of AMD Treatment Trials [CATT]) a démontré que l’emploi non conforme et mensuel du bévacizumab était non inférieur à l’utilisation
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mensuelle du ranibizumab. Par contre, cette équivalence n’a pas été démontrée lors d’utilisation
« au besoin » (dosage PRN). Il reste à démontrer si l’utilisation mensuelle provoque le développement de l’atrophie géographique. Au fur et à mesure que la preuve avance, les différents
paradigmes de traitements possibles continueront d’évoluer. Pour les recommandations courantes se rapportant aux actes médicaux fondés sur la qualité pour l’injection intravitréenne
d’agents anti-VEGF, se référer à l’annexe 3.
Rôl es
L es fourniss eu r s d e s o ins de s a nt é p r ima i r e s
Les fournisseurs de soins de santé primaires, dont les médecins de famille et les infirmières
praticiennes, doivent tout mettre en place pour assurer que l’ensemble des patients âgés de plus
de 60 ans obtiennent un examen de la vue annuel auprès d’un optométriste ou d’un ophtalmologiste, permettant du même coup l’évaluation du risque de la DMLA et du glaucome, qui est une
maladie silencieuse pouvant également causer la cécité, et dont la prévalence augmente avec
l’âge. Ces professionnels doivent connaître la DMLA et ses symptômes (la survenue d’une vision centrale floue ou absente, une distorsion de la vision) qui peuvent signifier une progression
de la DMLA de type sec vers sa forme humide. Ils doivent également reconnaître l’importance
d’un aiguillage immédiat vers un examen oculovisuel. Un délai dans le diagnostic et le traitement de la DMLA de type humide se solde souvent en une perte de vision significative et permanente qui doit être évitée. Enfin, les patients doivent recevoir de l’enseignement sur les bienfaits
attribués à la cessation tabagique et à une diète équilibrée.
Notons que lorsqu’un trouble requiert une surveillance régulière, comme la DMLA, et a été
identifié comme tel par un professionnel de soins de santé ou oculovisuels, l’Assurance-santé de
l’Ontario couvre les frais des patients, peu importe leur âge.
Optomé triste s
Les optométristes doivent effectuer, au minimum à chaque année, un examen du fond de
l’œil avec dilatation des pupilles auprès des patients à risque de développer la DMLA, afin
de détecter la présence de manifestations cliniques de la maladie. Chez les patients aux prises
avec des drusens de taille moyenne ou plusieurs petits drusens, le risque négligeable (1,3 %) de
développer une DMLA avancée ne justifie pas la mise en place de traitements préventifs. Les
optométristes doivent également faire de l’enseignement sur les bienfaits de la supplémentation
vitaminique AREDS/AREDS2 auprès des patients aux stades avancés de la maladie. Les bienfaits de la cessation tabagique et d’une diète équilibrée doivent aussi être révisés auprès de tous
les patients atteints d’une DMLA de type sec. L’importance de l’autosurveillance œil par œil, à
l’aide de la grille d’Amsler, doit être rappelée (voir annexe 2). Les patients doivent savoir reconnaître les symptômes qui demandent une réévaluation par un professionnel.
Si le patient atteint de DMLA de type sec présente une acuité visuelle stable et un fond d’œil
exempt de signes de DMLA de type humide à l’examen, son suivi peut alors être annuel ou
semi-annuel. Une évaluation complémentaire à l’aide d’une TCO peut être envisagée pour les
patients à plus haut risque, lorsqu’une DMLA de type humide est envisagée. Dans les cas où une
DMLA de type humide est confirmée ou fortement envisagée, un aiguillage immédiat vers un
ophtalmologiste ou un rétinologue est nécessaire. La demande de consultation doit faire état de
la nature de l’observation et de l’urgence d’une évaluation supplémentaire par un ophtalmologiste, de façon claire et concise. Une copie de la demande de consultation doit être envoyée au
fournisseur de soins de santé primaires.
Ophtal molo g i s te s
Les ophtalmologistes sont responsables d’évaluer et de traiter la DMLA, lorsque nécessaire,
dans le but de minimiser, stabiliser ou rétablir la perte de vision. Les résultats de l’évaluation
clinique permettront alors de déterminer si une évaluation complémentaire à l’aide d’une TCO
ou d’une angiographie à la fluorescéine doit être effectuée. Ces examens, si nécessaires, doivent
être réalisés dans des délais raisonnables. Après l’évaluation, un rapport résumant les observations cliniques, les décisions dans le choix des traitements médicaux et le plan de suivi clinique
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Lignes directrices sur la prise en charge concertée des personnes atteintes de dégénérescence
maculaire liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins oculovisuels
doit être envoyé à l’optométriste et au fournisseur de soins de santé primaire dans un souci de
continuité des soins.
Les ophtalmologistes et les optométristes ont la responsabilité conjointe de détecter la
DMLA et de l’évaluer. Ils doivent aussi soit fournir des soins de réhabilitation visuelle de
basse vision, ou soit aiguiller le patient vers un collègue ou une clinique qui offre ce type de
service. L’ensemble des professionnels de soins oculovisuels partagent le rôle commun d’assurer
l’éducation générale du patient sur la DMLA et sur leur situation clinique spécifique, ce qui
inclut la réhabilitation visuelle de basse vision, lorsque nécessaire.
Conclusion
La coordination des ressources en soins de santé est primordiale dans le cadre des soins
et du traitement des patients à risque de complications oculaires découlant de la DMLA. Les
examens optométriques/ophtalmologiques annuels ou semi-annuels permettent d’identifier
les patients exposés au risque de DMLA, et de mettre en place de l’autosurveillance œil à œil
et l’initiation de la supplémentation vitaminique à l’aide des formules AREDS/AREDS2. Une
seconde évaluation rapprochée lors de la détection de signes ou de symptômes évocateurs
permet d’entreprendre promptement les soins et les traitements ophtalmologiques requis,
lorsque nécessaires; la coordination des soins aide ainsi à la préservation d’une vision de qualité
pour les patients atteints de DMLA. Des lignes directrices entourant une collaboration interprofessionnelle et explicitant les critères de prise en charge ou d’aiguillage des patients assurent
une coordination appropriée des soins et une utilisation optimale des ressources humaines du
domaine de la santé.
An nexe 1.Su p p l é m e ntat i o n vi ta m i n i q ue ave c AREDS e t AREDS2
(A) Les doses quotidiennes de zinc et d’antioxydants de la formule AREDS vont comme suits :
Bêta-carotène :
Vitamine C :
Vitamine E :
Cuivre :
Oxyde de zinc :
15 mg (25 000 UI)
500 mg
400 UI
2 mg
80 mg
(B) Les doses quotidiennes d’acides gras et de zinc des de la formule AREDS2 vont comme
suit :
Lutéine + zéaxanthine : EPA+ DHA :
Vitamine C :
Vitamine E :
Cuivre :
Oxyde de zinc :
10 mg et 2 mg
650 mg et 350 mg
500 mg
400 UI
2 mg
80 mg ou 25 mg
Les taux d’antioxydant et de zinc que l’on retrouve dans les formules AREDS et AREDS2
sont beaucoup plus élevés que ceux des formules vitaminiques ordinaires et ne peuvent pas être
atteints par la diète seule. Certaines études suggèrent, par contre, qu’une diète riche en légumes
feuillus verts (qui sont riches en antioxydants et en caroténoïdes) réduit le risque d’apparition
d’une DMLA plus tard dans la vie.
Les formules AREDS et AREDS2 doivent être prises conjointement aux autres suppléments
multivitaminiques, puisqu’elles ne constituent en aucun cas une supplémentation vitaminique
équilibrée. La combinaison de plusieurs suppléments vitaminiques contenant du zinc et des
caroténoïdes doit faire l’objet d’une attention particulière afin de s’assurer que les doses maximales recommandées de ces deux agents ne sont pas dépassées. De plus, le médecin de famille
doit être mis au courant de leur prise conjointe, puisque des interactions médicamenteuses
potentiellement dangereuses peuvent se produire avec certains médicaments et tout spécialement avec les anticoagulants.
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RECHERCHE CLINIQUE
L’administration de préparations qui contiennent du bêta-carotène chez les anciens fumeurs doit se faire
avec prudence, puisque cet agent est lié à une augmentation du risque de cancer du poumon. La cessation
tabagique doit être fortement suggérée à tous les patients, car l’amplitude de la réduction du risque liée à un
arrêt tabagique dépasse largement celle liée aux autres mesures préventives, dont la supplémentation en antioxydants. Les résultats de l’AREDS2 laissent suggérer que la lutéine et la zéaxanthine peuvent remplacer adéquatement le bêta-carotène chez l’ensemble des patients, mais que cette substitution devrait être obligatoire
chez les cohortes avec des antécédents de tabagisme.
Les professionnels doivent être mis au courant que la personnalisation du plan de traitement de supplémentation vitaminique AREDS/AREDS2, en fonction du profil génétique, a fait l’objet d’une controverse récemment. Se tenir au courant de la recherche du milieu est crucial pour assurer l’excellence des soins au patient.
An nexe 2L a g r i l l e de Ams le r
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An nexe 3.Ac te s m é di c au x f o n d é s s u r l a q ua li t é :
R e co mma ndati o n s po ur le s i n j e c t i o n s
i nt r av i t r é e nne s d’un a n t i -VEGF po u r l a D M LA d e t ype h u m i de
Les résultats de plusieurs essais cliniques aléatoires (ECA) ont montré que la vision des
patients bénéficie de traitements d’injections intravitréennes d’anti-VEGF. En effet, environ 90 % des patients traités voient leur vision se stabiliser, et 30 % d’entre eux y verront des
améliorations. La vision des patients qui ne reçoivent pas le traitement continue normalement
à diminuer; leur qualité de vie et leur autonomie diminuent aussi.
Étant donné que les patients atteints de DMLA dans un œil sont exposés à un risque de 50
% de voir apparaître la maladie dans l’autre œil à l’intérieur d’une période de 2 à 5 ans, il est
important de préserver autant que possible la vision dans le premier œil atteint. En effet, il reste
impossible de prédire quel œil aura une meilleure vision, ultimement.
Des suivis réguliers et des examens diagnostiques spécialisés (la TCO, et quelques fois
l’angiographie à la fluorescéine) demeurent nécessaires sur une base régulière pour parvenir
à détecter la récurrence d’une détérioration. Les données en provenance de plusieurs études
fiables montrent que lorsque la vision se détériore pendant le traitement, des suites d’une récurrence non détectée, celle-ci a peu de chance de retrouver sa valeur précédente, et ce, même si
les traitements sont recommencés. La récurrence peut se produire à n’importe quel moment et
peut causer la perte de vision chez le patient.
Puisque la DMLA requiert un suivi serré et de nombreux traitements, cette maladie pose un
lourd fardeau sur le patient, sa famille et sur le système de soins de santé. Il est donc primordial
que les patients qui ont le plus de chance de bénéficier des traitements soient traités rapidement; il est également important de modifier ou d’arrêter les traitements si ceux-ci s’avèrent
inefficaces.
Approche reco mma ndé e p o u r l’i nje c ti o n i n t r avi t r é e n n e d’u n a n t i -VEGF
pour l a DMLA de t yp e h u m i de
La surveillance des pratiques suivantes est la meilleure façon de s’assurer que les patients
atteints d’une DMLA de type humide aient accès aux meilleurs soins possible. Ces recommandations font la promotion d’une réévaluation des traitements qui ne réussissent pas à atteindre
leur but, afin d’alléger le patient, sa famille et le système de soins de santé du fardeau des traitements administrés qui ne sont ni nécessaires ni appropriés.
Lignes direc tr i c e s r e l ati v e s à l’i ni ti at i o n d e l a t h é r a pi e
Pour les patients en cours de traitement pour la DMLA de type humide, ou pour pouvoir
commencer les traitements pour le DMLA de type humide, les critères suivants doivent être
remplis :
• Être âgé de plus de 50 ans;
• Survenue récente d’une baisse ou d’une distorsion de la vision;
• Présence de drusens;
•Présence d’une hémorragie sous-rétinienne associée à un épaississement de la rétine; ou
résultats d’un TCO indiquant la présence de liquide sous-rétinien ou intrarétinien (et non
seulement d’un décollement de l’épithélium pigmentaire rétinien), et de modifications
sous-rétiniennes rappelant la DMLA de type humide;
• Absence d’une autre pathologie qui viendrait expliquer les modifications visuelles;
• Absence de contre-indications de nature médicale ou oculaire à l’injection intravitréenne;
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RECHERCHE CLINIQUE
C
•Absence de pathologie oculaire ou systémique qui viendrait annuler la possibilité d’une
amélioration de la vision au moyen de traitements;
•Accord du patient de suivre la fréquence des suivis, qui peuvent être mensuels et qui
peuvent également perdurer jusqu’à la fin de vie s’ils sont fructueux.
Certains patients qui ne satisfont pas aux critères pour le traitement de la DMLA de type
humide énumérés précédemment pourraient tout de même en retirer certains bénéfices. La
confirmation du diagnostic à l’aide de la TCO, et souvent avec une angiographie à la fluorescéine, est alors nécessaire. Une fois que le diagnostic de DMLA de type humide est établi, la thérapie peut reprendre son cours tel que résumé ci-dessous :
Lignes direc t r i c e s s u r l e dé ro u l e m e nt d e l a t h é r a pi e
•Le traitement débute normalement avec une série de trois injections mensuelles d’un agent
anti-VEGF, suivi d’une évaluation de l’effet obtenu vers le troisième ou le quatrième mois.
oAfin de continuer le traitement, on doit noter une diminution significative (ou une absence)
du liquide intrarétinien ou une diminution significative (ou une absence) du liquide sousrétinien, d’hémorragie ou d’épaississement de la rétine. Si ces effets ne sont pas observés,
une réévaluation doit être entreprise afin d’en déterminer la cause : mauvais diagnostic,
maladie inactive avec signes imitant une activité, maladie qui ne réagit pas aux agents de
traitement).
oSi aucune de ces raisons ne s’applique à la situation donnée, une évaluation faite par un
rétinologue, ou par un collègue ayant de l’expérience dans la prise en charge de la DMLA
de type humide – si l’emplacement géographique limite l’accès à un rétinologue – est recommandée. Par la suite, un plan de traitement est établi dans le commun accord des deux
professionnels.
oDans les cas où l’emplacement géographique limite l’accès à des soins spécialisés, cette révision peut se faire au moyen de la téléophtalmologie, si disponible.
•À partir de ce stade, le suivi et les traitements doivent s’effectuer à intervalles de trois mois au
maximum. L’état de la vision, la pression intraoculaire, et l’examen du fond de l’œil doivent
être documentés à chaque visite.
•• En l’absence de sang visible dans la région sous-rétinienne et d’épaississement de la rétine,
une TCO doit être effectuée à chaque visite, dans le but de documenter l’efficacité et la nécessité de continuation du traitement. Une augmentation du liquide intrarétinien ou sous-rétinien,
ou la survenue d’une nouvelle hémorragie doit immédiatement amorcer une réévaluation du
traitement et de sa fréquence.
Lignes direc t r i c e s p o u r l’a ba ndo n de l a t h é r a pi
• Perte de vision fonctionnelle secondaire à des modifications structurelles irréversibles;
•Développement d’une maladie oculaire ou systémique sans liens aucun avec les injections;
intravitréennes
• Incapacité de faire un suivi régulier;
• Le patient désire arrêter les traitements
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Lignes directrices sur la prise en charge concertée des personnes atteintes de dégénérescence
maculaire liée à l’âge par les professionnels de la santé en soins oculovisuels
Notes
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ii Dans : Seddon JM, Ajani UA, Sperduto RD, et coll. Dietary carotenoids, vitamins A, C, and E, and
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272:1413–20.
iii Dans
: The Alpha-Tocopherol, Beta Carotene Cancer Prevention Study Group. The effect of vitamin E and beta carotene in the incidence of lung cancer and other cancers in male smokers. N
Engl J Med 1994;330:1029–35.
iv Dans
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v Dans
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response to antioxidants and zinc in patients with age-related macular degeneration. Ophthalmology 2013; 120:2317–23.
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CFH and ARMS2 genotypes and response to nutritional supplements. AREDS Report Number 38.
Ophthalmology 2014; 121:2173–80.
Ref erences
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Employees. 25 avril 2008.
2.Brown MM, Brown GC, Stein JD, et coll. Age-related
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medicine analysis. Journal canadien d’ophtalmologie
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3.Age-Related Eye Disease Study Research Group. A
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supplementation with vitamins C and E, beta carotene, and
zinc for age-related macular degeneration and vision loss:
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4.Luo L, Harmon J, Yang X, et al. Familial aggregation of
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5.Hammond CJ, Webster AR, Snieder H, et coll. Genetic
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maculopathy: the Blue Mountains Eye Study. Aust N Z J
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long-term incidence of age-related macular degeneration: The Blue Mountains Eye Study. Arch Ophthalmol
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9.Myers CE, Klein BE, Gangnon R, et coll. Cigarette
smoking and the natural history of age-related macular
degeneration: the Beaver Dam Eye Study. Ophthalmology
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10.Klein R, Klein BE, Jensen SC, et al. The five-year incidence
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11.Clemons TE, Milton RC, Klein R, et al. Risk factors for the
incidence of Advanced Age-Related Macular Degeneration
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