rappelle Donatella Della Porta, comme « une méthode, ou une théorie qui réside derrière la
méthode, à travers laquelle un groupe organisé ou un parti affirme ses objectifs principalement au
moyen d'un usage systématique de la violence ». Pour Jean Baudrillard, au contraire, le terrorisme
se situe essentiellement dans une sphère symbolique. Historiquement, des chercheurs comme
Chaliand ont voulu faire remonter les origines du terrorisme aux sectes d'assassins du 11ème siècle,
tandis que pour d'autres, il s'agit d'un phénomène caractéristique du second après-guerre, dont
l'existence serait impensable sans la diffusion des moyens de communication de masse (Della
Porta). Des tentatives de synthèse des principaux critères qui seraient révélateurs d'un acte terroriste
ont pu être proposées, comme celle de Tanguy de Swielande, pour qui il existe cinq composantes
majeures qui définissent un geste terroriste : un usage de la violence, dirigé contre une cible non-
combattante ou contre des biens matériels, ayant pour but d'influencer des comportements,
représentant donc un objectif politique et cherchant à « terroriser ». Si l'objectif consistant à susciter
la terreur semble bien spécifier l'action terroriste, l'aire de plus en plus vaste recouverte par tous ces
critères nous met néanmoins face à un double problème. D'une part, « la multiplicité de critères est
révélatrice de la difficulté à sérier le phénomène autrement qu'au cas par cas » (Sommier) ; d'autre
part, avec l'extension conceptuelle du terme, on peut désormais classer sous le label « terroriste »
une organisation clandestine, un mouvement révolutionnaire, une guérilla rurale, un groupe radical
religieux,... et des modes d'action extrêmement divers : l'assassinat politique, entendu comme "le
meurtre d'une personnalité publique pour un mobile politique", le complot ou la conspiration, la
guérilla ou encore l'insurrection. Bref, un ensemble très hétérogène, un véritable « fourre-tout », qui
n'a souvent en commun qu'un recours à la violence à des fins politiques, mais qui n'a pourtant pas
de cohérence politique, sociale ou historique. D'ailleurs, il existe bien d'autres organisations qui ont
également recours à cette violence mais qui ne sont pourtant pas cataloguées comme étant
« terroristes » (par exemple la mafia). Nous devons donc faire face à un terme utilisé sans
discernement et de manière uniforme, aussi bien par des hommes politiques ou des journalistes que
par des chercheurs, ce qui rend la compréhension de phénomènes historiques et politiques
spécifiques de plus en plus complexe.
Or, si le terrorisme reste difficile à définir avec une précision satisfaisante, c'est peut-être
parce que, comme le dit le philosophe Frédéric Neyrat, « Avant même d'être l'objet d'une définition,
le terrorisme est un nom, le produit d'une dénomination aux effets redoutables ». Le premier de ces
effets est de tendre à disqualifier et dépolitiser « pêle-mêle toute forme de contestation ou de
résistance à l'ordre établi. », selon l'analyse de Mike Davis. Cela tend à évacuer le fait de penser
« d'autres dénominations possibles » (Neyrat) : à propos d'autres contextes historiques, ne parle-t-
on pas de « résistants » ou de « révolutionnaires » pour désigner les auteurs d'actes facilement
référençables comme étant terroristes. Si l'on s'accorde avec Carl Schmitt pour dire qu'« Est
politique tout regroupement qui se fait dans la perspective de l'épreuve de force », alors il nous faut
reconnaître cette qualité aux différents groupes organisés qui décident de se lancer dans des
épisodes de violence à l'encontre de l’État, des institutions ou des équilibres politiques d'un pays,
d'une région,...
Mais il est vrai que l'accusation de terrorisme est devenue tellement lourde de sens qu'il est
difficile de la critiquer sans craindre d'être aussitôt rangé aux côtés desdits terroristes. Comme le
disaient Bigo et Hermant, « Le terrorisme est en effet considéré comme un corps étranger, une
perversion, un fléau à éliminer à tout prix. Il n'est donc pas un simple objet de rhétorique : il faut
avant tout le combattre. Refuser de se placer sur le terrain de l'affrontement, c'est se désigner
comme « franc-tireur social », être immédiatement soupçonné de faire le jeu de l'adversaire et de
brouiller volontairement les pistes. » Pourtant, il n'est pas besoin d'être un partisan des Brigades
rouges1 pour être saisi d'un soupçon devant l'accusation de terrorisme : pour le dire encore avec
Neyrat, « le nom de terrorisme ne serait-il qu'une appellation stratégique, un nom épouvantail, une
1 Organisation armée italienne d'extrême-gauche née en 1970 et officiellement auto-dissoute à la fin des années 1980.
C'est le plus important groupe armé de cette période, avec plusieurs milliers de militants, des groupes répartis dans
tout le pays, avec la plus grande longévité. Au fil des années et d'une radicalisation croissante, les brigadistes se sont
rendus coupable de plusieurs assassinats politiques, notamment celui d'Aldo Moro, chef de la Démocratie
Chrétienne, en 1978. Certains membres des Brigades rouges sont toujours en prison aujourd'hui.