LES INFECTIONS BACTERIENNES NEONATALES EN MILIEU HOSPITALIER A ABIDJAN *AKAFFOU E., AMON-TANOH DICK F., LASME E., EHUA-AMANGOUA E., KANGAH D. RESUME Les infections bactériennes néonatales constituent de par le monde une affection fréquente et meur t r i è re . Notre étude avait porté sur 130 cas d’infection colligées au CHU de Yopougon au cours de l’année 1991. Au plan épidémiologique,nous avions noté une fréquence de 27,5 % des hospitalisations avec une nette prédominance masculine et la mortalité était de 24,6 %. Les facteurs de risque infectieux dans notre série étaient : la rupture de la poche des eaux supérieure à 12 H, le liquide amniotique teinté et/ou fétide. Le tableau clinique était habituellement grave, pluri-symptomatique. Les formes septicémiques étaient plus fréquemment retrouvées que les formes localisées. Le bilan complémentaire avait été de réalisation difficile dans notre contexte. Toutefois, sur quelques investigations bactériologiques effectuées, les germes mis en évidence étaient surtout des bacilles gram négatif. Les facteurs de risque infectieux étaient essentiellement d’ordre périnatal dans notre étude. Nous suggérons une réévaluation de notre système sanitaire en amont et en aval de la périnatologie en vue d’une meilleure surveillance de la parturiente d’une part et d’autre part d’une prise en charge plus adéquate des infections néonatales. Mots-clés : nouveau-né, infection, bactéries. SUMMARY Neonatal bacterial infection in hospitals Newly born bacterial infections constitute a frequent and deadly infection all over the world. Our research covers 130 cases of infection collected at the CHU Yopougon over a period of the whole year of 1991. Concerning epidemiology, we have discovered a frequency of 27,5 % among in patients with a net predominance in male cases and mortality rate of 24,6 %. Risk factors in the series was the rupture of a pocket of water after 12 H ; advised and fetid amniotic liquid. Clinical samples were visually very serious, pluri-symptomatic. Septicemic forms were more frequently found than in the localised forms. Additional medical report was not easy to come by in this study. However, a few bacteriological investigation carried out proved that the germs discovered were namely of negative gram bacillus kind in this research. Risk factors of infection were mainly perinatal. We would therefore suggest a revaluation of our sanitary system from top to bottom of the perionatology with a view to improving the supervision of parturient women on our hand taking adequate charge of infectious of the newly born. Key-words : Newly born, infection, bacteria. INTRODUCTION L’infection bactérienne constitue en pathologie néonatale une situation fréquente et relativement grave dans le monde. En Europe, la morbidité est de 1 à 4 % des naissances vivantes pour un taux de mortalité de 10 à 40 % (1). En Afrique, la situation en encore plus préoccupante (2, 3). A Abidjan, cette affection occupait le premier rang en terme de morbidité en 1986 (32 % des admissions) et la mortalité atteignait 52 %. Nous nous proposons de décrire les aspects épidémiologiques, cliniques et para-cliniques des infections bactériennes néonatales dans notre structure de travail, afin d’apporter notre contribution à la réduction de la fréquence et de la gravité de cette affection. MATERIEL ET METHODE Il s’agit d’une étude transversale ayant porté sur les dossiers médicaux des nouveau-nés hospitalisés dans le service de néonatologie du CHU de Yopougon pour infection bactérienne, durant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1991. Etait inclus dans l’étude tout nouveauné chez qui l’on a retrouvé à l’anamnèse chez la mère : une * CHU Yopougon 21 BP 632 Abidjan 21 (Côte d’Ivoire). Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (6) AKAFFOU E., AMON-TANOH DICK F., LASME E., EHUA-AMANGOUA E., KANGAH D 415 infection urogénitale au troisième trimestre de la grossesse, une ouverture de la poche des eaux au delà de 12 heures, une fièvre 48 heures avant l’accouchement, le jour même ou dans les suites immédiates ; un liquide amniotique fétide et/ou teinté (en dehors d’une dystocie) ; un accouchement à domicile. Chez le nouveau-né, une prématurité, une souff r a n c e fœtale sans cause obstétricale. Au plan clinique, bien que toute anomalie pusse être pathologique, certains signes ont été jugés d’importance capitale : les troubles de la régulation thermique, les troubles hémodynamiques, les signes cutanés, digestifs ou neurologiques. Au plan biologique : la confirmation bactériologique et/ou l’existence d’un syndrome inflammatoire. L’association d’au moins deux sinon trois critères était nécessaire. Les aspects épidémiologique retrouvaient une fréquence de l’infection bactérienne de 27,5 % soit 130 cas sur 427 nouveau-nés hospitalisés. La mortalité était de 24,6 %. Le sexratio était de 1,9 soit 65,4 % de garçons et 34,6 % de filles. La moyenne d’âge des nouveau-nés à l’admission était de 1,34 jours avec les âges extrêmes de J0 et J35. La répartition des malades selon la provenance montrait que plus de la moitié de notre effectif provenait des formations sanitaires autres que le CHU de Yopougon. (Tableau I). Tableau I : La répartition des malades selon la provenance Effectif % 48 37 Publique 54 42 Privée 9 7 Domicile 19 14 Total 82 63 130 100 Maternité du CHU de Yopougon Autres formations sanitaires Total L’analyse des critères amnamnestiques nous a permis d’identifier deux principaux facteurs de risque qui étaient : la rupture des membranes supérieures à 12 heures, un liquide amniotique teinté ou fétide (tableau II). Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (6) Facteurs de risque Fréquence % Rupture prématurée des membranes supérieure à 12 heures 44 33,85 Liquide amniotique teinté ou fétide 37 28,46 Fièvre maternelle 22 16,92 Accouchement à domicile 10 15 Les signes cliniques représentés sur le tableau III montraient que les manifestations digestives étaient retrouvées en première place (102/130 cas), soit chez 78,5 % de nos patients. Tableau III : La répartition selon les signes cliniques RESULTATS Provenance Tableau II : Les facteurs de risque infectieux Effectif % Irrégularité thermique 76 58,46 Signes digestifs 102 78,46 Cutanés 74 56,92 Neurologiques 60 46,15 Respiratoires 55 42,30 Hémodynamiques 41 31,54 Les vomissements et la maldigestion (augmentation des résidus gastriques) étaient les signes d’alarme les plus fréquemment rencontrés. Les troubles de la régulation thermique étaient retrouvés dans 58,5% des cas (76/130). L’hyperthermie 35/76 était aussi fréquente que les hypothermies 41/76 cas. Les signes cutanés occupaient la troisième place, dominés par l’ictère. Dans notre série, environ 46 % des nouveau-nés infectés présentaient un tableau de souffrance cérébrale et/ou un tableau de détresse respiratoire, les troubles hémodynamiques étaient retrouvés chez un tiers de nos nouveau-nés. Il s’agissait essentiellement d’un allongement du temps de recoloration, d’une pâleur des conjonctives et des téguments associée ou non à une anémie dans 50 % (51/102). Les tableaux de septicémie ont été les formes cliniques les plus fréquentes. Chez un tiers de nos malades, nous avons retrouvé un foyer localisé avec une prédominance des atteintes méningées et cutanéo-muqueuses (tableau IV). LES INFECTIONS BACTERIENNES… 416 Tableau IV : Les différentes localisations infectieuses Localisations Effectif % Méningite purulente Infection cutanéo-muqueuse Omphalite Broncho-pneumopathie Ostéo-arthrite Otite moyenne aiguë 14 13 8 8 6 1 10,77 10 6,15 4,62 4,62 0,77 Total 50 46,93 Le bilan biochimique a été réalisé selon les fréquences notifiées sur le tableau V, qui exprimait également les pourcentages de résultats positifs. Tableau V : Faisabilité et positivité du bilan infectieux Bilan Examens Faisabilité Positive n % n % Inflammatoire Hémogramme CRP Fibrinémie 102 35 22 78,5 26,9 16,9 12 25 4 11,7 71,4 18,2 Bactériologie 65 47 40 50 36,2 30,8 44 3 13 68 6,4 32,2 8 6,2 5 62,5 Hémocultures ECBU LCR Prelevts périphériques La répartition des germes selon leur nature montrait une prédominance de bacilles gram négatif (Tableau VI). Tableau VI : La répartition des germes selon la nature Nature des germes Effectif % Germes de contamination manu portée Klebsiella pneumoniæ Enterobacter cloacae Salmonella enteriticia Pseudomonas aeroginosa 31 10 5 3 38,7 12,5 6,3 3,7 Autres Streptocoques D et B Escherichia coli Staphylococcus aureus Streptococcus pneumoniæ Méningocoque C Hæmophilius influenzae Proteus mirabilis 11 9 5 2 2 1 1 13,6 11,1 6,2 2,5 2,5 1,3 1,3 80 100 Total COMMENTAIRES Notre chiffre de prévalence 27,5 % est comparable à ceux retrouvés dans la littérature africaine, démontrant que l’infection néonatale reste en première ligne dans nos services hospitaliers. La mortalité enregistrée a régressé depuis les cinq dernières années mais demeure toujours élevée par rapport aux résultats des pays nantis (2, 5). Le sex-ratio en faveur des garçons est relativement élevé, deux garçons pour une fille même si l’on admet qu’en pathologie pédiatrique les garçons sont plus souvent atteint que les filles. La recherche des facteurs de risque présente un intérêt certain dans l’étude des infections bactériennes. Ils permettent de sélectionner une population cible. La rupture prématurée des membranes et le liquide amniotique teinté et/ou fétide prédominant dans notre étude ont été également cités par d’autres auteurs (5,6). La recherche de l’infection maternelle, situation à haut risque pour le nouveauné n’a pas toujours été confirmée dans nos dossiers. La fréquence des accouchements à domicile demeure trop élevée. Concernant les tableaux cliniques, notre méthode de recrutement ne nous a pas permis de distinguer les infections materno-fœtales des post natales. la moyenne d’âge de nos malades à l’admission a montré que la majorité de ceux-ci ont été admis avant le troisième jour de vie. Ce qui laisse suspecter un tableau d’infection maternofœtale. La sévérité des tableaux cliniques avec une prédominance des souffrances cérébrales et des détresses respiratoires a été également mentionnée par l’équipe camerounaise (5). Cette situation impose l’existence d’une stucture de réanimation. La fréquence et la gravité des troubles digestifs nécessitent le recours à la nutrition parentérale ; non envisageable de façon satisfaisante actuellement dans notre unité. Le bilan biologique couplé à l’anamnèse et à la clinique a permis de poser le diagnostic d’infection bactérienne. Certains de nos examens sont de réalisation facile telle que l’hémogramme, cependant sa contribution au diagnostic d’infection néonatale est faible dans notre étude, SCHIRRER J. dans son travail, a signalé que les anomalies hématologiques étaient inconstances et peu précoces. La protéine C réactive PCR s’est avérée fiable et précise (7) dans le diagnostic de l’infection bactérienne néonatale. La rupture fréquente en réactifs explique le faible pourcentage de réalisation de cet examen de coût encore trop élevé pour les pays économiquement faibles. Les résultats bactériologiques à partir des hémocultures ont permis de confir- Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (6) AKAFFOU E., AMON-TANOH DICK F., LASME E., EHUA-AMANGOUA E., KANGAH D 417 mer l’infection bactérienne dans la majorité des cas. Les germes mis en évidence étaient pour la plupart des bacilles gram négatifs, ce qui ne concordait pas avec la fréquence supposée des infections materno-fœtales. La question était de savoir s’il ne s’agissait pas d’une contamination du prélèvement par le personnel soignant. L’émergence des infections dues à des infections nosocomiales a été citée dans certaines études en Afrique (10, 9). CONCLUSION Les infections bactériennes néonatales demeurent un problème de santé publique en Afrique Sub-Saharienne, malgré la baisse du taux de mortalité ces cinq dernières années. Les facteurs de risque relevés dans notre étude étaient essentiellement d’ordre périnatal. Le tableau clinique était souvent grave. Le bilan biologique permettant de confirmer le diagnostic n’était pas de réalisation facile. Cette situation amène parfois le praticien africain à effectuer une antibiothérapie abusive et non adaptée, favorisant l’émergence de germes résistants. La lutte contre l’infection néonatale eu égard aux constats faits lors de cette étude, impose : une réévaluation du système sanitaire avec en amont, une utilisation plus efficiente des structures et du personnel déjà existant dans les formations sanitaires de premier niveau. En aval, une meilleure dotation des laboratoires dans les structures sanitaires de 3ème niveau, en vue d’obtenir les examens complémentaires dans les plus brefs délais. Le tout permettrait une prise en charge adéquate de l’infection bactérienne néonatale. BIBLIOGRAPHIE 1 - BORDERON I.M., LAUGIER J.,GOLD F., GODDE F., SALIBA E., CHAMBOUX C. 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Infa. 1988 ; 95 (3) : 223-228. 7 - MESSER J., DONATO L., CASANOVA A., WILLARD D. Les indications biologiques d’infections bactériennes chez le nouveau-né. Rev. Prat. (Paris), 1991 ; 41 (3) : 1945-1949. 8 - BOMPORT Y., CHARLAS J., MORIETTE J. Infections bactériennes materno-fœtales. In BOURRILLON A., LABRUNE B. Abrégé d’urgence (A l’intention des Internes de garde en Pédiatrie générale). Ed. Nestlé, 1992, 13-18. 9 - KOKI M., MONEBENIMP P., DISSONGO, MOUKOURI NYOLO E. Bacterial profile of neonatal sepsis, CHU Yaoundé. VIIe congrès de l’UNAPSA Dakar, 1993.