Dans le cadre des actions Théâtre contemporain du GRETE PROJET AUTOUR DE JOËL POMMERAT (auteur au programme du bac option théâtre) Jeudi 20 février 2014 au THÉÂTRE du MERLAN EN COLLABORATION AVEC L’OPTION THÉÂTRE DU LYCEÉ ARTAUD ET LE THÉÂTRE du MERLAN BUTS de la JOURNEE THEATRE CONTEMPORAIN F aire découvrir les textes et l’écriture scénique d’un auteurmetteur en scène : Joël Pommerat «écrivain de plateau» «Comment accepter cette division du travail, cette division dans les termes : écriture et mise en scène ? Car cela ne me suffit pas à moi d'écrire les mots, seulement les mots, je veux aussi écrire le sens, écrire un peu de sens (même si ce sens n'est pas aussi clair parfois que le spectateur le désirerait). C'est pour cela que je suis auteur, finalement seulement auteur, auteur de mots et de sens. C'est parce que je désirais profondément être auteur, que je me suis confronté aux questions qui sont pour moi celles de l'écriture comme la recherche sur l'espace, le mouvement, le son, l'acoustique, la lumière, l'interprétation, le costume et même la production. C'est pour devenir un auteur vraiment que j'ai cherché à m'approprier le terrain de la scène. C'est pour cela que je considère aujourd'hui que le texte au théâtre n'est pas premier, qu'il n'est pas second non plus, mais qu'il n'y a pas de hiérarchie. C'est pour cela que je considère au théâtre, qu'avant les mots, il y a du silence, il y a du vide et il y a des corps. C'est pour cela que je considère tous les éléments concrets sur la scène (la parole fait partie de ces éléments concrets) comme les mots du poème théâtral.» MATIN (Tout public, adhérent du Grete) 10h : Espace salon Accueil et présentation de la journée GRETE : théâtre contemporain - en collaboration avec le Théâtre du Merlan et l’option théâtre du Lycée Artaud. 10h 20 > 11h30 : Conférence de Marion Boudier: "Joël Pommerat, une démarche qui fait œuvre " Auteur et metteur en scène de ses textes, Joël Pommerat a développé un processus d’écriture dont la première étape est la scène. Dans ce processus de création, textes, lumières, sons, musiques et costumes s’élaborent quasiment dans le même temps, pendant les répétitions, en collaboration avec l'équipe artistique. A travers des exemples, nous tenterons de définir et d'analyser les grandes étapes de cette écriture avec le plateau. Marion Boudier travaille comme dramaturge avec Joël Pommerat depuis 2013. Elle a écrit la postface à Cendrillon (Actes Sud - Babel). Docteur en Arts du spectacle et agrégée de Lettres modernes, elle est également chargée de cours à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense et codirectrice de la revue électronique des arts de la scène Agôn (http://agon.ens-lyon.fr/) avec laquelle elle prépare un Hors-série "Le conte au théâtre : l'exemple de Cendrillon de Joël Pommerat" (fév.-mars 2014). 11h30 >12h00 : Questions de la salle et réponses de Marion Boudier 12h15 >13h15 :Espace restauration Pique nique pour tous (à apporter avec boissons) APRÈS MIDI (Réservé aux élèves d’option) ATELIERS DE PRATIQUE THÉÂTRALE Joël Pommerat Carnet de lecture, n°10 ••• LA JOURNÉE SE DÉROULERA EN DEUX TEMPS - Matinée en grand groupe: sensibiliser au théâtre singulier de Joël Pommerat;conférence de Marion Boudier - Après midi ateliers en petits groupes : approfondir sa démarche avec Saadia Bentaïeb ,Agnès Berthon Roland Monod comédiens de la Compagnie Louis Brouillard. 13h30 > 13h45 : Espace restauration Présentation des acteurs Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Roland Monod, et contenu des ateliers 14h > 16h30 : Plateau salle de spectacle - studio - Espace salon 3 ateliers de pratique autour du théâtre de J. Pommerat 16h30 >17h : Espace salon Retour sur les 3 ateliers et Bilan 17h >17h30 :Espace restauration Elaboration de traces sur la journée Groupe de Recherche et d’Expérimentation Théâtre et Enseignement Association Loi 1901 - Le GRETE est soutenu par l’Académie Aix-Marseille 88, rue Consolat - 13001 Marseille - www. grete.org - [email protected] PROJET JOËL POMMERAT - 20 FÉVRIER 2014 - GRETE - OPTION THÉÂTRE ARTAUD - THÉÂTRE DU MERLAN CONTENU DES ATELIERS ET ARTISTES INTERVENANTS Saadia BENTAÏEB` Je m'attacherai à partager avec les participants de l'atelier, mon expérience de la scène et tout particulièrement ce qui fait la spécificité de notre démarche avec Joël Pommerat. Nous expérimenterons en tout premier lieu l'état de présence. Etre présent à soi et à ceux qui nous regardent dans une situation précise comme le simple fait de se présenter, de dire, de nommer les choses qu'on aime faire et celles qu'on n'apprécie pas. Mais ça n'est pas définitif je pourrai choisir de travailler directement sur les situations d'une des 2 pièces. Donc être en état de jouer mais en restant en contact avec soi et ceux à qui je m'adresse. Etre au plus proche de soi, de son ressenti: un état de vigilance. Je prendrai donc des situations des pièces dont nous pourrons lire certains dialogues. Mais nous ferons également des improvisations afin de voir la résonnance que les œuvres vues produiront en eux. Elle débute avec, entre autres, Philippe Adrien, Robert Cantarella, Gabriel Garran, Ariane Mnouchkine, Archaos, Vincent Colin. Avec Joël Pommerat : Pôles, Mon ami, Treize étroites têtes, Grâce à mes yeux, Le petit chaperon rouge, Au monde, D’une seule main, Cet enfant, Je tremble (1 et 2), Cercles/Fictions, Ma chambre froide, La Réunification des deux Corées. Agnès BERTHON Travail autour de trois axes: Présence, Ecoute, Adresse à partir du t exte. Agnès Berthon travaille principalement avec Christian Benedetti (Liliom, Les Démons, Ivan Le Terrible), Ruth Handlen (Shakespeare, Pinter). À Bruxelles, elle a joué dans plusieurs courts-métrages réalisés notamment par Michel Caulea, Thomas de Thier. Agnès Berthon est auteur-interprète et depuis peu compositeur sous le nom d’AGNES. Avec Joël Pommerat, elle a joué dans Pôles, Mon ami, Treize étroites têtes, Grâce à mes yeux, Au monde, D’une seule main, Cet enfant, Je tremble (1 et 2), Cercles/ Fictions, Ma chambre froide, La Réunification des deux Corées. Roland MONOD Comment un comédien peut-il venir «Au monde» ?". « Comment laisser se construire en soi un personnage que rien ne définit objectivement, émergeant du "brouillard" de l'intuition poétique et politique d'une fable? Des tentatives de déchiffrage de certaines scènes d'Au monde par les élèves participant à l'atelier devraient éclairer le propos. » Roland Monod est né en 1929, il est co-fondateur avec Michel Fontayne du Théâtre Quotidien de Marseille il y a 58 ans. Comme metteur en scène et scénographe, il a créé des pièces de : Pedro Calderon de la Barca Racine, Paul Claudel, Marguerite Duras, Denis Diderot, Molière. Avec Jacques Lecoq, L'Aboyeuse et l'Automate de Gabriel Cousin, Armand Gatti, Albert Camus,Georges Schehadé, Liliane Atlan, Armand Gatti, Racine, Jean Genet, Paul Claudel, Marivaux,Jean-Claude Brisville, Jean Giraudoux, Bertolt Brecht... Il a joué dans quelques-unes de ses mise en scène et a travaillé avec Michel Fontayne, François Darbon, Jean Vilar, Armand Gatti, Jean Mercure, Antoine Vitez, Roger Planchon, Pierre-Jean de 10. San Bartholomé, Andrzej Wajda, Jorge Lavelli. Dernièrement, avec Claudia Stavisky (Comme tu me veux de Luigi Pirandello), Gérard Maro (L'Ormaie de Marcel Cuvelier), Laurence Hetier (Le Cardinal d'Espagne d'Henry de Montherlant), Christian Schiaretti (Ruy Blas de Victor Hugo). Au cinéma, il a tourné avec, entres autres : Alain Resnais, Costa Gavras, Edouard Molinaro, Manoel de Oliveira. AU MONDE Scénographie Éric Soyer, Marguerite Bordat - Lumière Éric Soyer - Collaboration artistique Marguerite Bordat Costumes Marguerite Bordat, Isabelle Deffin - Son François Leymarie - Assistante pour la création Laure Pierredon avec Saadia Bentaïeb la plus jeune fille, une fille adoptée Agnès Berthon la fille aînée, enceinte - Lionel Codino Ori, le fils cadet - Angelo Dello Spedale le fils aîné -Roland Monod le père - Ruth Olaizola une femme embauchée dans la maison Marie Piemontese la seconde, présentatrice LES MARCHANDS Scénographie et lumière Éric Soyer - costumes Isabelle Deffin - son François Leymarie, Grégoire Leymarie - conseiller musical Alain Besson - assistante pour la création Caroline Logiou avec Saadia Bentaïeb l’amie - Agnès Berthon la femme, la narra trice - Lionel Codino le grand fils, un ouvrier - Angelo Dello Spedale l’oncle, le père, un ouvrier - Murielle Martinelli l’enfant - Ruth Olaizola une jeune femme timide, la mère, une ouvrière - Marie Piemontese la soeur, la prostituée, une ouvrière - David Sighicelli le politicien, un ouvrier. Groupe de Recherche et d’Expérimentation Théâtre et Enseignement Association Loi 1901 - Le GRETE est soutenu par l’Académie Aix-Marseille 88, rue Consolat - 13001 Marseille - www. grete.org - [email protected] PROJET JOËL POMMERAT - 20 FÉVRIER 2014 - GRETE - OPTION THÉÂTRE ARTAUD - THÉÂTRE DU MERLAN BIOGRAPHIE DE JOËL POMMERAT : auteur, metteur en scene Joël Pommerat est né en 1963 à Roanne. Arrête ses études à 16 ans. Devient comédien à 18 ans. A 23 ans, il s'engage dans une pratique régulière de l'écriture. Il étudie et écrit de manière intensive pendant 4 ans. Il met en scène un premier texte en 1990, à 27 ans, Le Chemin de Dakar. Monologue non théâtral. . Cherchant à relier le processus de son écriture à la scène, il fonde la Compagnie Louis Brouillard en 1990 il explique ce nom comme une référence au prénom de son père et un clin d’œil aux frères Lumières ainsi qu'au Théâtre du Soleil). Il crée ses premiers spectacles Au bout de dix ans de travail, renonçant au cinéma auquel il a consacré trois années à travers l'écriture d'un scénario et la réalisation de courts-métrages, il décide de rassembler un groupe d'acteurs avec lesquels s'engager dans la durée pour faire des spectacles. En 2003, le jour de ses quarante ans, il propose à Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Pierre-Yves Chapalain, Lionel Codino, Philippe Lehembre, Ruth Olaïzola et Marie Piemontese de monter avec eux une pièce par an pendant 40 ans. CRÉATIONS 1990 : Le Chemin de Dakar, monologue, Théâtre Clavel 1991 : Le Théâtre, Théâtre de la Main d’Or 1993 : Des suées, Théâtre de la Main d’Or 1993 : Vingt-cinq annéesi de littérature de Léon Talkoi, Théâtre de la Main d’Or 1994 : Les Événements, Théâtre de la Main d’Or 1995 : Pôles, Théâtre des Fédérés Montluçon 1997 : Treize Étroites Têtes, Théâtre des Fédérés Montluçon 2000 : Mon ami, Théâtre Paris-Villette 2002 : Grâce à mes yeux, Théâtre Paris-Villette 2003 : Qu’est-ce qu’on a fait ?, Centre Dramatique National de Caen 2004 : Au monde, création au Théâtre National de Strasbourg 2004 : Le Petit Chaperon rouge, Espace Jules Verne, Théâtre de Brétigny, scène conventionnée 2005 : D'une seule main, création au Centre Dramatique National de Thionville 2006 : Cet enfant, recréation de Qu'est-ce qu'on a fait ? Théâtre Paris-Villette 2006 : Les Marchands, création au Théâtre National de Strasbourg 2007 : Je tremble (1), Théâtre Charles Dullin, scène nationale de Chambéry 2008 : Pinocchio d'après Carlo Collodi, Odéon-Théâtre de l'Europe Ateliers Berthier 2008 : Je tremble (1 et 2), Festival d'Avignon 2010 : Cercles/Fictions, Théâtre des Bouffes du Nord 2011 : Ma chambre froide, Odéon-Théâtre de l'Europe Ateliers Berthier 2011 : Thanks to my eyes, opéra d’Oscar Bianchi, livret et mise en scène de Joël Pommerat d'après Grâce à mes yeux, Festival d’Aix-en-Provence 2011 : Cendrillon, Théâtre National de la Communauté française de Belgique à Bruxelles 2011 : La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce, Comédie de Béthune 2013 : La Réunification des deux Corées, Odéon-Théâtre de l'Europe Ateliers Berthier 2013 : Une année sans été, texte de Catherine Anne, mise en scène de Joël Pommerat, L'Hippodrome S.N. 2014 : Projet en cours avec Philippe Boesmans d’après sa pièce Au Monde au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles et au Théâtre national de l'Opéra-Comique. LE PROCESSUS DE CRÉATION Joël Pommerat se définit comme un "écrivain de spectacle". Son processus de création remet en cause la tradition du théâtre de texte en accordant une importante place au corps, au son, à la lumière et à l'espace. Il développe un "théâtre total" dans lequel textes, lumières, sons, musiques et costumes s’élaborent quasiment dans le même temps, pendant les répétitions, en collaboration avec l'équipe artistique. A partir d'un espace le plus souvent vide, Joël Pommerat travaille à donner forme aux images qu'il a en tête : il propose conjointement des indications d'écriture scénique et textuelle. Au centre de cette recherche, l'acteur doit se défaire de ses habitudes pour trouver l'authenticité de sa présence concrète et personnelle en scène. C'est instant par instant, influencé par ces présences en mouvement dans l'espace et la lumière, que Joël Pommerat conçoit ses spectacles. Ainsi, l'acteur n’est pas qu'un simple interprète mais fait partie du poème. Ce processus de création nécessite du temps : selon les spectacle, les répétitions s’étendent sur des périodes de 3 à 6 mois.«Le théâtre a besoin de temps» LE DERNIER TEMPS DE I’ÉCRITURE, C’EST LA RENCONTRE AVEC UN PUBLIC. C’est là qu’une dernière opération invisible mais pourtant concrète s’opère sur les mots, les gestes, les corps, les silences de la représentation. Pour moi, ce temps-là ne s’achève pas au soir de la première, au contraire ce dernier temps de l’écriture est peut-être le plus long de tous. J’ai donc la volonté depuis quelques années de faire vivre mes spectacles sur des durées les plus longues possible. D’insister, vraiment, de persister de manière pas tout à fait raisonnable, même. Le théâtre est I’art de la répétition, peut-être aussi celui de l’effort, celui du corps, de la permanence et de la persistance du corps. Je rêve d’un théâtre artisanal, c’est-à dire de pouvoir dans ma pratique du théâtre créer ce type de relation au travail : quotidien, modeste, exigeant, patient, raisonnable et fou... Trouver le temps pour l’incorporation des idées, un vrai temps de maturation pour les esprits et pour les corps, ce temps où le corps accède à l’intelligence. Je rêve donc de pouvoir garder en vie tous mes spectacles, et ainsi de créer un répertoire de pièces qui augmente chaque année. Mon idéal serait de pouvoir jouer nos créations sur des durées de vingt, trente ans, voire plus. Groupe de Recherche et d’Expérimentation Théâtre et Enseignement Association Loi 1901 - Le GRETE est soutenu par l’Académie Aix-Marseille 88, rue Consolat - 13001 Marseille - www. grete.org - [email protected] PROJET JOËL POMMERAT - 20 FÉVRIER 2014 - GRETE - OPTION THÉÂTRE ARTAUD - THÉÂTRE DU MERLAN Qu’on voie vieillir les comédiens avec les spectacles. C’est une expérience utopique dont l’idée me passionne et me fait rêver. C’est une des raisons qui m’ont poussé au départ à créer une compagnie, c’est-à-dire une communauté de gens engagés sur le long terme. Il m’est arrivé de recréer certains spectacles, d’en refaire la mise en scène, et aussi de réécrire totalement sur un même sujet à six ans d’intervalle. Mais pour Au monde et Les Marchands, c’est la même mise en scène que nous présenterons , et pour la vingtaine de rôles que comptent ces deux pièces il n’y aura que trois nouveaux comédiens. Joël Pommerat, 18 avril 2013 AU MONDE Dans un huis clos sombre comme un gouffre, comme un ventre, une famille se protège de la lumière et de la vie du dehors. La scène s'ouvre avec la célébration de l'anniversaire de la fille adoptée, et le retuor du fils cadet, militaire. Vieux monde qui cohabite avec celui des femmes, la jeunesse, la beauté, l'amour qu'elles n'arrivent pas à exprimer. Chacun recherche avec obstination sa vérité, mais plus la quête progresse, plus c'est l'indicible, le mystère nourri de désir et de trouble qui devient l'évidence. Extrait «Le travail n’existera plus» LA SECONDE FILLE. Vous savez, je vais vous dire moi, comment je vois l’avenir, l’avenir de l’humanité. Le travail va disparaître un jour.(...) Le travail n’existera plus. Les hommes seront dispensés de corvée, et ils pourront enfin profiter d’eux mêmes, de leur corps, de leur âme, de tout ce qu’il y a dans leur tête de plus beau, leurs plus belles pensées, leurs plus beaux rêves et leurs désirs, même les moins raisonnables. L’homme aura enfin du temps à lui. Nous aurons tout notre temps et nous serons libres, car ce qui coûtera vraiment cher ce sera l’homme. Oui, vous verrez comme ça coûtera cher une heure d’un homme, très cher. C’est l’homme qui aura de la valeur... et nous, nous pourrons enfin être heureux oui, enfin heureux, vraiment heureux, vous verrez... imaginaires, peut-être, sans autre cause que notre seul regard captivé par un tel dispositif – que permet la simultanéité entre « deux manières » ou « deux dimensions » d’un même récit (les termes sont de l’auteur) lorsqu’elles sont convoquées ensemble, mais séparément. L’essentiel du texte, pour ne pas dire sa totalité, est porté une voix unique, celui d’une femme (celle qui est employée chez Norscilor) qui s’identifie dès ses premières phrases : «c’est moi que vous voyez là, / voilà là c’est moi qui me lève» – et de fait, l’on voit l’une des deux silhouettes présentes en scène se lever au même instant. Telle est la seule garantie qui nous est offerte de la véracité de la narratrice, voire de son identité. Il nous faut la croire sur parole, en vertu d’une certaine coïncidence entre ce qu’elle nous fait entendre et ce qui nous est donné à voir. Mais le statut des images, leur origine, n’est jamais précisé. Quant au point présent d’où cette femme qui parle s’adresse à nous, elle nous l’affirme d’emblée, « ça n’a aucune importance, croyez-moi ». Les visions et la parole s’entre-accompagnent ainsi comme les pièces d’un puzzle, sans nécessairement s’ajuster. Les unes n’ont pas d’existence hors de l’autre – à tel point, d’ailleurs, que l’on pourrait s’imaginer les personnages comme autant d’émanations spectrales, sans autre assise qu’une voix qui se souvient. Dans ce théâtre narratif et muet dont le témoin omniprésent ne cesse de se dérober, tout est affaire de croyance, de créance, de crédit. Et la frontière entre présent et mémoire, entre récit consciemment reconstruit et surgissement hallucinatoire d’affects inconscients, se fait étrangement incertaine, ouvrant sur des versants intimes inaccessibles par d’autres voies. Extrait « Marchands de notre vie (...)» Le travail est un droit mais c’est aussi un besoin,pour tous les hommes. C’est même notre commerce à tous. Car c’est par cela que nous vivons. Nous sommes pareils à des commerçants, des marchands. Nous vendons notre travail. Nous vendons notre temps. Ce que nous avons de plus précieux. Notre temps de vie. Notre vie. Nous sommes des marchands de notre vie. Joël Pommerat : Au monde (Actes Sud-Papiers, 2004, pp. 21-22) Joël Pommerat : Les Marchands (Actes Sud-Papiers, 2006, pp. 31-32 LES MARCHANDS Après s’être attaqué au monde de la politique et de la finance, Joël Pommerat investit celui du travail et questionne le rapport des hommes avec cette valeur antique en voie de disparition. Les Marchands correspond au dernier volet d’une trilogie (après Au monde en 2004 et D’une seule main en 2005). Tout le spectacle repose sur une étonnante dissociation entre scène et récit, entre déroulement visuel et bande sonore. Dissociation qui produit des effets très subtils, car le metteur en scène, loin de tirer parti des ressources trop faciles du contraste ou de la contradiction, préfère jouer des discordances, des interférences presque imperceptibles – certaines CENDRILLON Une toute jeune fille comprend difficilement les derniers mots de sa mère mourante, mais n'ose lui faire répéter. Pourtant voilà Cendrillon liée à cette phrase : "Tant que tu penseras à moi tout le temps, sans jamais m'oublier plus de cinq minutes, je ne mourrai pas tout à fait." Joël Pommerat part du deuil et de ce malentendu pour éclairer le conte d'une nouvelle lumière. Avec une postface inédite. Groupe de Recherche et d’Expérimentation Théâtre et Enseignement Association Loi 1901 - Le GRETE est soutenu par l’Académie Aix-Marseille 88, rue Consolat - 13001 Marseille - www. grete.org - [email protected] PROJET JOËL POMMERAT - 20 FÉVRIER 2014 - GRETE - OPTION THÉÂTRE ARTAUD - THÉÂTRE DU MERLAN TRACES SUR LA JOURNÉE PASS’ARTS Nous vous convions à nous laisser des traces : - réfléxions - impressions -sensations sous forme écrites ou dessinées, réfléchies, spontanées ou à nous les envoyer par courriel ou par courrier. Groupe de Recherche et d’Expérimentation Théâtre et Enseignement Association Loi 1901 - Le GRETE est soutenu par l’Académie Aix-Marseille 88, rue Consolat - 13001 Marseille - www. grete.org - [email protected]