CHAPITRE 17 L’OFFRE DE MONNAIE ET LE SYSTÈME BANCAIRE 313
Tel fut le rôle monétaire des pièces d’or ou d’argent et même parfois de cuivre, aux époques
où leur valeur faciale correspondait à celle du métal précieux qu’elles incorporaient. Aujourd’hui,
la « petite» monnaie d’utilisation courante, dite de billion (ou d’appoint), est constituée d’alliages
sans valeur appréciable (nickel, bronze, fer); son prix de revient est le plus souvent inférieur à sa
valeur faciale. Les effigies qu’elle porte ne sont donc qu’une survivance du droit régalien de
battre la monnaie métallique. En fait, cette monnaie se rapproche de la monnaie fiduciaire.
§2 La monnaie fiduciaire
a L’apparition de la monnaie fiduciaire
On peut structurer en trois stades l’évolution qui a conduit à l’apparition d’une
deuxième forme de monnaie : la monnaie fiduciaire.
Les dépôts de monnaie métallique Durant les époques qui connurent l’usage de
la monnaie métallique sur une grande échelle, suite au développement du com-
merce, effectuer de longs voyages chargé de monnaies d’or et d’argent n’était pas
sans danger. Par ailleurs, la fraude n’était pas rare : en rognant quelque peu cha-
cune des pièces émises, tout en leur conservant leur valeur faciale, les frappeurs de
monnaies accroissaient leurs moyens d’action.
Afin de se prémunir contre ces dangers, l’habitude fut prise de déposer les
monnaies métalliques chez les orfèvres (professionnellement bien équipés pour le
stockage de métaux précieux). Ceux-ci, après pesée, remettaient un certificat de
dépôt portant leur nom en tant qu’émetteur, par lequel ils s’engageaient à restituer
son dépôt au déposant. Bientôt ce furent ces promesses qui se mirent à circuler en
guise de moyen de paiement. Une première étape vers la monnaie fiduciaire était
ainsi franchie : les utilisateurs avaient en effet confiance en ces bouts de papier
représentatifs de dépôts de monnaies métalliques, en dépit du fait qu’aucune valeur
intrinsèque ne puisse leur être attribuée.
De plus, et petit à petit, les certificats de dépôts furent libellés en chiffres ronds,
« payables à vue » et « au porteur » chez l’émetteur, c’est-à-dire qu’on pouvait les
échanger chez lui contre espèces sur simple présentation. Le « billet de banque»
était né : en effet, ceux des orfèvres qui avaient développé jusqu’à ce stade-là la
double activité de réception de dépôts et d’émission de billets s’étaient en fait trans-
formés en banquiers.
Les prêts en espèces métalliques Jusque-là, ces banques n’étaient que des
« banques de dépôt ». Mais bientôt les banquiers, plutôt que de conserver dans
leurs coffres des espèces métalliques inutilisées, se mirent à les prêter à une autre
catégorie de clients : les emprunteurs. L’expérience leur permettait en effet de cons-
tater que les billets reçus par les déposants, après usage par ceux-ci dans leurs
achats, n’étaient pas nécessairement présentés, après réception par les vendeurs, à
la banque émettrice pour les échanger contre les espèces métalliques qu’ils repré-
sentaient : au contraire, ces nouveaux détenteurs utilisaient eux-mêmes les billets
pour effectuer leurs propres achats. En fait, une partie seulement des billets était
présentée au remboursement. Dès lors le banquier ne devait conserver en caisse que
le volume de monnaies métalliques nécessaire pour faire face à ces rembour-
sements-là, et pouvait prêter le reste à intérêt. Les banques de dépôt devenaient
ainsi également « banques de crédit ».