1. DION CASSIUS, Histoire Romaine, LXII, 7 5 [abrégé de Jean Xiphilin, copiste
byzantin du XIe siècle –le volume 62 est perdu et n’est connu par cet abrégé ]
Elle avait la taille haute, l'air terrible, le regard perçant ; sa voix était rauque et sa chevelure, qui
était très abondante et très blonde, lui descendait jusqu'au bas du dos. Elle portait un grand collier
d'or et serrait sur son sein une tunique bariolée sur laquelle un épais manteau était attaché avec
une broche. C'était là son accoutrement habituel, mais alors elle avait pris une lance pour frapper
de terreur tous les assistants, et elle leur tint ce langage :
« ... Est-il une honte, est-il une douleur que nous n'ayons souffertes, depuis que ces gens-là ont
abaissé sur la Brettanie leurs regards ? Nous avions de nombreux et magnifiques domaines, n'en
avons-nous pas été entièrement dépouillés ? et ne payons-nous pas des impôts pour le reste ?
Tout pour eux, pâturage, labourage ; et ce n'est pas encore assez, ne leur portons-nous pas tous
les ans le tribut de nos corps? Combien ne vaudrait-il pas mieux être vendus une fois, plutôt que
d'être, avec de vains noms de liberté, obligés de nous racheter chaque année ?... »
« C'est nous, à vrai dire, qui avons été les auteurs de tous nos maux, nous qui, dans le principe,
leur avons permis de fouler le sol de cette île, au lieu de les en chasser sur-le-champ, comme ce
fameux Jules César ; et… nous avons été méprisés, foulés aux pieds par des hommes qui n'ont
d'autres visées que le gain.
« ... Eh bien donc, marchons contre eux, ayons confiance dans notre bonne fortune et montrons-
leur qu'ils ne sont que des lièvres et des renards, qui entreprennent de commander à des chiens et
à des loups. »
A ces mots, usant d'une sorte de divination, elle lâcha de son sein un lièvre, et, lorsque l'animal en
courant leur eut donné un heureux présage, toute la multitude. poussa des cris de joie.