Histoire des arts
3e – latin
La reddition de Vercingetorix
« Vercingétorix déposant ses armes au pied de Jules César » (huile sur toile de Lionel Royer, 1899,
Musée Crozatier, Le Puy en Velay).
Contexte
Au Ier s. avt JC, la République romaine est dans une dynamique de conquêtes. Jules César,
proconsul des Gaules, saisit l'occasion que lui offrent certaines tribus gauloises pour entreprendre
une Guerre des Gaules à l'issue de laquelle de nombreuses régions deviendront romaines.
La fin de la guerre est annoncée avec la chute du siège d'Alésia, entreprise par le chef Arverne
Vercingetorix (nom qui signifie « le roi des guerriers »), grâce auquel les tribus gauloises divisées
connaissent un début d'unification.
1) Analyse
Cette peinture de la toute fin du XIXe siècle représente la reddition de Vercingetorix à l'issue du
siège d'Alésia. Plus de 1900 ans séparent l'évènement du tableau lui-même. L'artiste s'est inspiré des
différents récits de cette scène, et en particulier de Plutarque, un historien grec, qui donne le beau
rôle au chef gaulois . En effet, Lionel Royer a connu le règne de Napoléon, qui fit de Vercingetorix
un héros national. C'est pourquoi il en fait le personnage central de son tableau :
le Gaulois, encore à cheval, domine les Romains de par sa taille. Toute la partie gauche de la
toile lui est consacrée. Il a la tête haute bien qu'il ait déposé les armes (bouclier, lance et
épée), que l'on peut voir à ses pieds. Seule sa monture baisse symboliquement la tête pour
marquer la défaite. Son cheval est blanc, couleur de la pureté, et richement orné, ce qui
donne une certaine noblesse au cavalier. Lui-même, en armure lustrée, porte la tunique
drapée des chefs sur l'épaule, et représente la figure du Gaulois, avec ses braies, ses cheveux
longs et sa moustache. Tous les regards son tournés vers lui, tant ceux des prisonniers aux
1er et 2e plans, que des Romains sur l'estrade, ce qui en fait le héros du tableau. Son cheval
semble en mouvement : il vient de s'arrêter devant César, alors que tous les autres
personnages sont immobiles. Vercingetorix reste acteur jusqu'au bout de sa reddition; l'arrêt
brutal de son cheval devant l'estrade peut illustrer la fin soudaine de son destin de chef des
Gaulois.
Cependant, la défaite est réelle, comme le montre le déséquilibre des forces en présence :
Vercingétorix est seul, face à une coalition de Romains à la tête de laquelle se trouve César.
On peut en distinguer dix, mais la profusion d'aigles et d'étendards en arrière-plan représente
l'armée romaine dans son ensemble, soit des milliers de soldats. Le jeu des contrastes
renforce cet effet de chute : derrière le chef gaulois, les couleurs sombres laissent planer le
doute sur l'avenir de la Gaule, tandis que le ciel jaune et clair au-dessus de l'état-major
romain annonce la gloire de l'empire.
En haut à gauche du tableau, à l'arrière plan, un incendie laisse supposer qu'Alésia brûle
après l'assaut romain. Si l'on suit la diagonale descendante depuis cet incendie, on voit le
bras droit de Vercingetorix tendu vers le bas, signe d'abandon, puis l'amas des armes à terre,
et le guerrier gaulois ligoté et agenouillé aux pieds des vainqueurs. Cette ligne imaginaire
représente la déchéance gauloise depuis la victoire de Gergovie jusqu'à la soumission au
joug romain.
Jules César, imperator, entouré de ses hommes et auréolé de gloire, est désormais
vainqueur : il porte tous les insignes de l'imperium, alors même qu'il n'a pas encore été réélu
consul : le manteau pourpre du général vainqueur, les lauriers de la victoire, et il est installé
sur un siège qui pourrait être une chaise curule. Pour lui, cette reddition marque un nouveau
pas vers l'accession au pouvoir à Rome. Il trône dans son camp militaire comme il le ferait
au Sénat, et reçoit le chef ennemi assis.
2) Les incohérences
Ce tableau associe plusieurs inexactitudes historiques, sciemment insérées par le peintre en vue de
glorifier Vercingetorix, le héros gaulois. Le parti pris fait du vaincu le véritable vainqueur de par
son courage dans la défaite.
Vercingetorix est richement paré : son cheval, de race noble, n'existait pas au 1er siècle
avant JC, de même que les mors et harnais décorés. En effet, les textes attestent que les
Gaulois montaient à cru. Même chose pour sa cuirasse, caractéristique des armures du VIIIe
s, qui contraste avec les protections de fer portées par les soldats de la fin de l'Antiquité.
La représentation des Gaulois comme des Romains est incorrecte : les moustaches, les
braies, mais aussi la mise en scène romaine avec les généraux et les étendards dressés
correspondent à la vision populaire que les Français avaient de ces peuples au XIXe s.
La scène elle-même n'a sans doute jamais eu lieu, car même si quatre historiens la
rapportent, il est fort peu probable que César ait laissé pénétrer dans son camp le chef
ennemi tout armé, monté sur son cheval. Dans l'Antiquité, la place du général est très
symbolique et tient à l'attitude de ce dernier, il doit montrer qu'il maîtrise la situation à tout
instant pour garder le respect de ses soldats.
Le contexte historique est inexact aussi : Alesia n'a jamais brûlé, les Romains se sont
emparés de l'oppidum sans le détruire. Peut-être ce détail a-t-il été ajouté pour laisser croire
que Vercingétorix ne s'est rendu qu'en dernier recours.
3) Le traitement des vaincus
Dans l'Antiquité, les vaincus servent à la gloire du vainqueur : à Rome, ils sont exposés à la foule,
couverts de chaînes, lors du triomphe, cette procession qui traverse Rome pour glorifier le général
victorieux. Les chefs emprisonnés sont souvent mis à mort, comme ce fut le cas pour Vercingetorix
qui fut étranglé dans sa prison ( mise à mort jugée très humiliante par les Romains), et les guerriers
et civils faits prisonniers viennent augmenter le nombre des esclaves. Les peuples vaincus
deviennent romains, mais peuvent conserver leurs particularités (religion, coutumes). Ils sont
soumis à des tribus ou impots souvent lours pour les populations, mais rares sont ceux qui se
révoltent car le système romain est organisé de telle manière qu'il finit par intégrer totalement les
nouvelles provinces.
3) Prolongement parodique
Vignette extraite de la BD As térix et le bouclier arverne, Uderzo et Goscinny, 1968
Dans cette vignette, Vercingetorix est présenté comme un Gaulois de forte carrure, qui « jette »
littéralement ses armes sur les pieds de son vainqueur, montrant ainsi qu'il conserve sa fierté et sa
détermination dans la défaite. On retrouve les éléments du tableau : le Gaulois debout et le Romain
assis, les armes, l'armée romaine en arrière-plan avec les aigles et le général immobile.
Cependant, l'aspect comique est bien représenté : César pousse un cri ridicule et son général semble
ahuri. L'objectif ici est de montrer que les Gaulois n'ont pas dit leur dernier mot - référence à
Astérix comme indiqué dans le philactère avec l'adverbe « officiellement ». -, et souligne la
détermination d'un peuple en devenir qui fut les prémices de la France.
4) Liens avec la 1ère guerre mondiale
Eugène Chaperon, Les Vedettes, 1914
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