personnages sont immobiles. Vercingetorix reste acteur jusqu'au bout de sa reddition; l'arrêt
brutal de son cheval devant l'estrade peut illustrer la fin soudaine de son destin de chef des
Gaulois.
–Cependant, la défaite est réelle, comme le montre le déséquilibre des forces en présence :
Vercingétorix est seul, face à une coalition de Romains à la tête de laquelle se trouve César.
On peut en distinguer dix, mais la profusion d'aigles et d'étendards en arrière-plan représente
l'armée romaine dans son ensemble, soit des milliers de soldats. Le jeu des contrastes
renforce cet effet de chute : derrière le chef gaulois, les couleurs sombres laissent planer le
doute sur l'avenir de la Gaule, tandis que le ciel jaune et clair au-dessus de l'état-major
romain annonce la gloire de l'empire.
–En haut à gauche du tableau, à l'arrière plan, un incendie laisse supposer qu'Alésia brûle
après l'assaut romain. Si l'on suit la diagonale descendante depuis cet incendie, on voit le
bras droit de Vercingetorix tendu vers le bas, signe d'abandon, puis l'amas des armes à terre,
et le guerrier gaulois ligoté et agenouillé aux pieds des vainqueurs. Cette ligne imaginaire
représente la déchéance gauloise depuis la victoire de Gergovie jusqu'à la soumission au
joug romain.
–Jules César, imperator, entouré de ses hommes et auréolé de gloire, est désormais
vainqueur : il porte tous les insignes de l'imperium, alors même qu'il n'a pas encore été réélu
consul : le manteau pourpre du général vainqueur, les lauriers de la victoire, et il est installé
sur un siège qui pourrait être une chaise curule. Pour lui, cette reddition marque un nouveau
pas vers l'accession au pouvoir à Rome. Il trône dans son camp militaire comme il le ferait
au Sénat, et reçoit le chef ennemi assis.
2) Les incohérences
Ce tableau associe plusieurs inexactitudes historiques, sciemment insérées par le peintre en vue de
glorifier Vercingetorix, le héros gaulois. Le parti pris fait du vaincu le véritable vainqueur de par
son courage dans la défaite.
–Vercingetorix est richement paré : son cheval, de race noble, n'existait pas au 1er siècle
avant JC, de même que les mors et harnais décorés. En effet, les textes attestent que les
Gaulois montaient à cru. Même chose pour sa cuirasse, caractéristique des armures du VIIIe
s, qui contraste avec les protections de fer portées par les soldats de la fin de l'Antiquité.
–La représentation des Gaulois comme des Romains est incorrecte : les moustaches, les
braies, mais aussi la mise en scène romaine avec les généraux et les étendards dressés
correspondent à la vision populaire que les Français avaient de ces peuples au XIXe s.
–La scène elle-même n'a sans doute jamais eu lieu, car même si quatre historiens la
rapportent, il est fort peu probable que César ait laissé pénétrer dans son camp le chef
ennemi tout armé, monté sur son cheval. Dans l'Antiquité, la place du général est très
symbolique et tient à l'attitude de ce dernier, il doit montrer qu'il maîtrise la situation à tout
instant pour garder le respect de ses soldats.
–Le contexte historique est inexact aussi : Alesia n'a jamais brûlé, les Romains se sont
emparés de l'oppidum sans le détruire. Peut-être ce détail a-t-il été ajouté pour laisser croire
que Vercingétorix ne s'est rendu qu'en dernier recours.
3) Le traitement des vaincus
Dans l'Antiquité, les vaincus servent à la gloire du vainqueur : à Rome, ils sont exposés à la foule,
couverts de chaînes, lors du triomphe, cette procession qui traverse Rome pour glorifier le général
victorieux. Les chefs emprisonnés sont souvent mis à mort, comme ce fut le cas pour Vercingetorix