Mars 2011 Vol.20 no.1 La grossesse et le virus de la rubéole Cas clinique Une dame, éducatrice en service de garde à l’enfance, est enceinte pour une deuxième fois. Lors de sa première grossesse, la sérologie pour la rubéole a démontré un taux d’anticorps à moins de 10 UI/ml. Elle a reçu le vaccin RRO en post-partum avant son départ de l’hôpital. Vous révisez le bilan de la grossesse actuelle et constatez que la sérologie démontre encore des anticorps contre la rubéole à moins de 10 UI/ml. Est-elle considérée protégée contre la rubéole? Selon le Protocole d’immunisation du Québec (PIQ) les personnes suivantes sont considérées protégées contre la rubéole : ¾ Les personnes ayant une preuve écrite qu’elles ont reçu une dose de vaccin contre la rubéole, même en présence d’une sérologie négative. ¾ Les personnes ayant une sérologie démontrant la présence d’anticorps contre la rubéole à un titre ≥ à 10 UI/ml. Donc dans le cas présent, la dame est considérée protégée contre la rubéole. Devra-t-elle recevoir un autre vaccin RRO en postpartum? Malgré que sa sérologie démontre des anticorps à moins de 10 UI/ml, il n’y a pas d’indication de revaccination car vous avez une preuve écrite qu’elle a reçu un vaccin RRO en post-partum immédiat lors de son premier accouchement. L’efficacité du vaccin est estimée à 95% après une seule dose. L’immunité à la suite d’une vaccination contre la rubéole est démontrée durable. La baisse des taux d’anticorps ne signifie pas une baisse de l’immunité, parce qu’il y a persistance de la mémoire immunitaire. Des cas très rares de réinfections avec transmission au fœtus ont été décrits alors que l’immunité contre la rubéole avait été acquise à la suite de la vaccination ou de la maladie. Toutefois, le risque de transmission au fœtus dans ces circonstances est minime au cours du premier trimestre de la grossesse. En guise de comparaison, le risque de transmission au fœtus se situe à 80% dans le cas d’une mère qui fait l’infection pour la première fois à la suite d’une exposition au virus sauvage de la rubéole. Ce risque potentiel de réinfection est une raison d’encourager la vaccination de toute la population, à plus forte raison l’entourage des femmes enceintes. Une recherche d’anticorps contre la rubéole doit-elle être faite chez toutes les femmes enceintes sans égard à leurs antécédents vaccinaux? Vous n’êtes pas tenu de faire une sérologie pour la rubéole chez une femme enceinte qui vous montre une preuve écrite qu’elle a reçu un vaccin contre la rubéole. Dans le cas présent, la sérologie pour la rubéole faite chez cette patiente n’était pas nécessaire. Y-a-t-il des situations qui justifient de vérifier la réponse immunitaire à un vaccin? Il y a une seule situation pour laquelle il pourrait être justifié de vérifier la réponse immunitaire au vaccin contre la rubéole : Les immunoglobulines (incluant les Anti-Rho (D)) et les produits sanguins peuvent interférer avec la réponse aux vaccins contenant des virus vivants atténués. Lorsque donnés avant ou simultanément à la vaccination, ces produits ne nuisent généralement pas à la réponse immunitaire du vaccin contre la rubéole. Toutefois, pour les femmes considérées non protégées contre la rubéole, le Comité consultatif canadien en immunisation (CCNI) suggère de faire une sérologie 6 à 8 semaines après la vaccination. Le Protocole d’immunisation du Québec (PIQ) réitère cette recommandation du CCNI, laquelle ne remet toutefois pas en question la vaccination en post-partum immédiat de ces femmes. Le retrait préventif de la travailleuse enceinte La travailleuse enceinte en contact avec des enfants dans ses tâches professionnelles peut bénéficier d’une réaffectation préventive en milieu travail si elle est considérée non protégée contre la rubéole (PIQ). Elle doit se prévaloir de ce droit auprès de son médecin traitant. Celui-ci fera une demande de consultation auprès des médecins désignés en santé au travail de la Direction de santé publique, qui procèderont à l’évaluation des tâches à risque au regard des issues défavorables de la grossesse. Si aucun poste disponible ne permet d’éliminer ces tâches à risque, la travailleuse enceinte non protégée sera retirée du milieu de travail et bénéficiera des indemnités du programme Pour une maternité sans danger de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) et, ce, jusqu’à la 36e semaine de grossesse ou jusqu’à la disponibilité d’un poste ne comportant pas de tâches à risque en milieu de travail. En tout temps, durant la période de RETRAIT PRÉVENTIF, la travailleuse enceinte peut être appelée par l’employeur si un poste de travail conforme devient disponible. À retenir Chez la femme enceinte : ¾ Une preuve écrite de vaccination (1 dose) est suffisante pour la considérer protégée; ¾ En l’absence de preuve écrite ou si l’information ne figure pas au dossier, une recherche des anticorps contre la rubéole doit être réalisée; ¾ Si la sérologie est négative, une vaccination doit être recommandée en post-partum; ¾ Si un test de dépistage s’est déjà révélé positif, il n’est pas nécessaire de le répéter lors d’une grossesse ultérieure. Chez la femme en âge de procréer : ¾ Une preuve écrite de vaccination (1 dose) est suffisante pour la considérer protégée; ¾ En l’absence de preuve d’immunité (vaccination ou sérologie), une vaccination est recommandée avant une éventuelle grossesse. À ce moment, aucune sérologie post-vaccinale ne devrait être réalisée; ¾ Si un test de dépistage sérologique s’est déjà révélé positif, il n’est pas nécessaire de le répéter; ¾ Si un test de dépistage sérologique a été réalisé et s’est avéré négatif (< 10 UI/ml), sans preuve écrite de vaccination, il est recommandé de vacciner avant une éventuelle grossesse. À ce moment, aucune autre sérologie post-vaccinale ne devrait être réalisée. Il peut être difficile d’obtenir une preuve écrite de vaccination au moment de la première consultation prénatale. À tout le moins, ces recommandations permettront de ne pas répéter la sérologie lorsqu’elle a été positive une fois ou s’il y a une preuve de vaccination au dossier. Références : • MSSS, Protocole d’immunisation du Québec (section 10.2.1) http://www.msss.gouv.qc.ca/sujets/santepub/vaccination/index.php?docume ntation_pro • INSPQ, Comité sur l’immunisation du Québec, Avis no : RUBÉOLE/2010/024 (disponible auprès de la Direction de santé publique) • Plotkin, Vaccines, 2008 Dépistage de la Syphilis chez la femme enceinte Y auriez-vous pensé? Un enfant de 3 mois s’est présenté avec des lésions érythémateuses desquamantes aux quatre membres, une hypotonie des membres supérieurs, une rhinite, un retard de croissance, une atteinte osseuse, une hépatosplénomégalie et une anémie. Sa mère, d’origine canadienne française, est en bonne santé. À 4 mois de grossesse, tous les dépistages étaient normaux, incluant les sérologies VIH, rubéole, hépatite B et le VDRL. En janvier 2011, ce cas a été déclaré à la Direction de santé publique de Montréal; il s’agissait d’un cas de syphilis congénitale. Le dernier cas déclaré, avant celui-ci, d’une mère québécoise, remonte à l’année 2000. Au Canada, 39 cas de syphilis congénitale ont été déclarés entre 2005 et 2009. Le nombre de cas de syphilis a explosé au Québec, au cours des dernières années. Il était de 3 cas en 1998 et de 511 cas en 2010. La presque totalité de ces cas concernent des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). Dans une faible proportion ces hommes ont aussi des relations sexuelles avec des femmes. Le nombre de cas a fortement augmenté en 2009 et 2010 chez les femmes, dont les trois quarts étaient en âge de procréer. Les infections durant la grossesse peuvent provoquer des avortements spontanés et des décès néonataux, en particulier aux premiers stades de la maladie. Les nouveau-nés atteints sont asymptomatiques à la naissance. Les premiers symptômes surviennent autour de 3 à 4 mois de vie. Pour un diagnostic définitif les tests sérologiques doivent être associés avec un suivi médical jusqu’à l’âge de 6 à 18 mois. La syphilis congénitale peut être prévenue grâce au traitement précoce de l’infection chez la femme enceinte. Pour prévenir la syphilis conséquences, il faut : congénitale et ses ¾ Faire un dépistage systématique de la syphilis à la première visite de grossesse (bilan prénatal de base) et assurer le suivi des femmes avec un résultat positif; ¾ Répéter le dépistage lors de nouvelles expositions et si les comportements à risque persistent (au moins une fois vers la 28e semaine de grossesse et au moment de l’accouchement); ¾ Faire le test de dépistage immédiatement au moment de l’accouchement, si le résultat du test précédent n’est pas disponible; ¾ S’assurer du suivi des partenaires sexuelles féminines des hommes chez qui un diagnostic de syphilis est posé; ¾ Inclure la syphilis congénitale dans votre diagnostic différentiel. Éclosion de rougeole dans la région de la Capitale nationale Depuis le 1er janvier 2011, le Québec fait face à une recrudescence de cas de rougeole. La région de la Capitale-Nationale est présentement en éclosion. Des cas ont été également rapportés dans la région de Montréal. Pour la majorité des cas, on note une histoire récente de voyage en Europe où sévissent actuellement des éclosions de rougeole. Le réseau canadien de renseignements sur la santé publique (RCRSP) a émis une alerte à ce sujet et prévient qu’il est probable que des cas secondaires puissent survenir dans d’autres régions du Québec. La rougeole est une infection virale éruptive qui se manifeste par de la fièvre (≥ 38,3°C) et une éruption cutanée maculopapulaire généralisée qui s’accompagne d’une toux, d’un coryza ou d’une conjonctivite. En présence d’un cas suspect, il est recommandé de procéder à l’isolement du virus de la rougeole, soit en écouvillonnant la gorge ou les voies nasales au cours des 4 jours suivant l’apparition de l’éruption, ou en prélevant l’urine de façon stérile au cours des 7 jours suivant l’apparition de l’éruption. Il est indiqué de procéder à la détection sérologique des IgM spécifiques contre la rougeole (entre 3 et 28 jours suivant l’apparition de l’éruption) et à la détection sérologique des IgG er spécifiques contre la rougeole en deux temps (1 échantillon prélevé au cours des 7 premiers jours suivant e l’apparition de l’éruption et 2 échantillon prélevé 10 à 20 jours suivant le 1er échantillon). La rougeole est une maladie très contagieuse qui se transmet par voie aérienne et par contact direct avec une personne infectée. Le seul fait d’avoir partagé un même espace durant une courte période de temps peut suffire pour avoir été infecté. Les personnes qui ont séjourné dans une salle dans les 60 minutes suivant la présence d’une personne contagieuse sont considérées comme des contacts. La période de contagiosité dure de trois à cinq jours avant le début de l’éruption et jusqu’à quatre jours après. La maladie confère une immunité permanente. Étant donné le taux d’attaque très élevé de la rougeole chez les personnes réceptives, les cas suspects qui fréquentent les salles d’attentes des urgences ou des cliniques médicales doivent être isolés des autres personnes, respecter les mesures d’hygiène respiratoire et porter un masque. Un rappel sur le lavage des mains est également de mise. La rougeole est une maladie à déclaration obligatoire (MADO) au Québec. Il est donc important de déclarer rapidement les cas suspects à la Direction de santé publique, car des interventions préventives peuvent être nécessaires auprès des contacts à risque (immunoglobulines et/ou vaccination). Un protocole d’intervention, qui décrit les interventions préventives,peut être consulté sur le site Web du MSSS à l’adresse suivante : http://msss.gouv.qc.ca/sujets/santepub/preventioncontrole/ maladies-transmissibles.php De plus, un dépistage des maladies érythémateuses (IgM spécifique au parvovirus B19 et à la rubéole) est recommandé. Publication : Direction de santé publique et d’évaluation Agence de la santé et des services sociaux de Lanaudière Responsable de la publication : Dre Joane Désilets, médecin, adjointe médicale en maladies infectieuses Rédigé par : Dre Chantale Boucher, pédiatre-conseil, Dre Joane Désilets, médecin, adjointe médicale en maladies infectieuses, Martin Aumont, conseiller en soins infirmiers, Karine Chabot, conseillère en soins infirmiers Ont collaboré : Dr Jean-Pierre Trépanier, directeur de santé publique, Richard Lanthier, coordonnateur du service de prévention et contrôle des risques d’origine biologique et environnementale, Carole Marchand-Coutu, conseillère en soins infirmiers, François Tremblay, agent de planification, de programmation et de recherche Bulletin disponible sur http://www.agencelanaudiere.qc.ca Dépôt légal : 1er trimestre 2011 ISSN : 1718-9497 ISSN : 1920-2555 (en ligne) Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec