Introduction
Le concept de fétichisme paraît intervenir dans
différents domaines de la connaissance et parcourir, de la
science des religions à la psychanalyse, les marges de la philo-
sophie. Puisque chaque domaine du savoir élabore les
concepts qu'il utilise au sein d'une stratégie d'explication
spéciale, on est en droit de se demander ce qui assure l'unité
du concept de fétichisme. Que serait, d'ailleurs, un concept
sans unité? La question se pose de savoir si l'on peut parler de
concept de fétichisme sans être automatiquement renvoyé à
une constellation de notions diverses, encloses dans les do-
maines de la connaissance où elles sont employées. En outre,
la philosophie n'a-t-elle pas intérêt à se débarrasser, par une
analyse critique, des concepts trop synthétiques (factices et
récapitulatifs) qui ne renvoient à rien de précis, et à former,
comme le voulait Bergson, des concepts ajustés à la réalité?
Pour qui s'intéresse aux devenirs conceptuels, le cas du
fétichisme offre un intérêt particulier. Ce concept s'est trans-
porté d'un domaine du savoir à un autre, changeant de sens,
répondant à des perspectives et à des problèmes nouveaux. Le
"nomadisme" du concept a retenu l'attention de J.-B. Pontalis :
"Métaphore, car il existe peu d'exemples aussi remarquables de
migration conceptuelle: tout comme le type d'objets qu'il
prétend étiqueter, le terme de fétichisme vient toujours
d'ailleurs! Il se déplace, emprunté, sans connaître de terre
natale, toujours renvoyé à son émissaire qui le renie, sans ja-
mais non plus, passant d'un domicile d'adoption à un autre,
aller jusqu'à disparaître. Notion ou étiquette, le fétichisme cir-
cule entre une théorie des religions héritée d'Auguste Comte et
une sociologie héritée de Marx, entre l'ethnologie qui tend de
plus en plus à la récuser, et la sexologie qui aimerait pouvoir
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