Flash Economie
22 mars 2017 - 361
Patrick Artus
Tel. (33 1) 58 55 15 00
@PatrickArtus
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Que veut vraiment dire « solvabilité budgétaire »? Une
application au cas de la France
Nous allons illustrer notre propos, qui est général, par le cas de la
France. Quand peut-on dire qu’un État assure sa solvabilité
budgétaire ?
La définition théorique, en économie, est que l’État est capable de
générer dans le futur des excédents budgétaires primaires dont la
somme actualisée est supérieure à la dette publique présente.
Cette condition est vérifiée dès que le taux d’endettement public
est stabilisé. Le problème de la définition théorique est qu’elle est
compatible avec n’importe quel taux d’endettement public stabilisé.
On peut affiner cette première définition en se demandant si
l’excédent budgétaire primaire nécessaire est politiquement ou
économiquement acceptable, s’il n’impose pas durablement une
politique budgétaire trop restrictive.
On peut encore affiner cette définition en se demandant si le taux
d’endettement public stabilisé n’est pas trop élevé, c'est-à-dire ne
prélève pas une partie trop importante du stock d’épargne, qui
n’est alors plus disponible pour financer les investissements privés.
Dans une économie ouverte, si une partie trop importante de la
dette n’est pas détenue par les non-résidents.
On peut enfin avoir une approche par le « collatéral » : la dette
publique a-t-elle comme contrepartie des actifs publics qui donnent
à l’État une valeur nette positive.
Dans le cas de la France, aujourd’hui :
la solvabilité budgétaire au sens habituel n’est pas assurée ;
l’excédent budgétaire primaire nécessaire est élevé par rapport à
la moyenne de celui du passé ;
60% de la dette publique est détenue par les non-résidents ;
les actifs publics dépassent toujours la dette publique, mais peut-
on vendre ces actifs publics, dans quelle proportion ?
Ce document est distribué aux Etats-Unis. Merci de lire attentivement l'avertissement en fin de document..
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Solvabilité budgétaire : définition théorique
La définition théorique de la solvabilité budgétaire est la suivante : la somme actualisée des
excédents budgétaires primaires futurs est au moins aussi élevée que la dette présente :
l’État pourra rembourser sa dette avec ses excédents primaires.
Une condition suffisante pour que ceci soit vérifié est que le taux d’endettement public
se stabilise, n’augmente pas continûment.
Quand on regarde la situation de la France en 2016, on voit que le déficit public est supérieur
de 1,5% du PIB à celui qui stabiliserait le taux d’endettement public (graphique 1).
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8
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Graphique 1
France : déficit public (en % du PIB valeur)
Déficit public (mis en >0)
Déficit public qui stabiliserait le taux d'endettement public*
Sources : Datastream, Prévisions NATIXIS
(*) Dette publique (en % du PIB valeur)
x PIB valeur (en % par an)/100
Cette définition théorique est clairement insuffisante :
- elle est compatible avec n’importe quel taux d’endettement public stabilisé ;
- elle ne porte aucun jugement sur la faisabilité des excédents budgétaires primaires
nécessaires.
Première extension : faisabilité de l’excédent budgétaire
primaire
L’excédent budgétaire primaire qui stabilise le taux d’endettement public est donné par :
Excédent budgétaire primaire nécessaire =
Dette publique x [Taux d’intérêt à long terme - croissance nominale à long terme]
Il faut utiliser, nous conservons l’exemple de la France, le taux d’intérêt à long terme
normalisé, pas celui qui résulte aujourd’hui du Quantitative Easing de la BCE (graphique 2a).
La croissance potentielle en volume de la France est faible (graphique 2b). On peut donc
prendre pour calculer l’excèdent primaire nécessaire un taux d’intérêt à long terme de 2,5%,
une croissance nominale à long terme de 2%.
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Graphique 2a
France : taux d'intérêt à 10 ans sur les emprunts
d'Etat (en %)
Sources : Datastream, NATIXIS
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
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0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
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Graphique 2b
France : croissance potentielle* (volume)
Sources : Datastream, Eurostat, NATIXIS
(*) Productivité par tête lissée sur
les 5 dernières années +
population active (GA en %)
Compte tenu du taux d’endettement public (graphique 2c), il faudrait donc à la France un
excédent budgétaire primaire de 0,5% du PIB, contre en 2016 un déficit budgétaire
primaire de 1,4 % du PIB (graphique 2d).
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Graphique 2c
France : dette publique (en % du PIB valeur)
Sources : Datastream, NATIXIS
-5
-4
-3
-2
-1
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1
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-3
-2
-1
0
1
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Graphique 2d
France : déficit ou excédent budgétaire primaire
(en % du PIB valeur)
Sources : Datastream, NATIXIS
La question est donc de savoir si un excédent budgétaire primaire de 0,5% du PIB est
acceptable en France, ou constitue une politique budgétaire anormalement restrictive.
Quand on regarde le passé (graphique 2e), un tel excédent n’a été atteint que dans le pic
de croissance de 1998-2001.
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-2
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0
1
2
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Graphique 2e
France : déficit ou excédent budgétaire primaire
(en % du PIB valeur)
Sources : Datastream, NATIXIS
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Deuxième extension : niveau acceptable du taux d’endettement
public
La seconde extension concerne le niveau acceptable du taux d’endettement public : n’est-il
pas trop élevé, au sens où il prélève une partie trop importante du stock d’épargne, et
il ne reste pas assez d’épargne pour financer les investissements privés.
Le graphique 3 compare, toujours dans le cas de la France, la dette publique et la
richesse financière et immobilière des ménages.
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Graphique 3
France : dette publique et richesse des ménages
(en % du PIB valeur)
(1) Dette Publique (G)
(2) Richesse financière + immobilière des ménages (G)
Ratio : (1)/(2) en % (D)
Sources : Datastream, INSEE, Banque de France, NATIXIS
On voit que la dette publique ne représente que 19% de la richesse totale des ménages.
Mais la France est une économie ouverte : la dette publique est majoritairement détenue
par les non-résidents (tableau 1).
Tableau 1 : France : détention par les non-résidents des titres de la dette négociable de l'Etat (en %)
France
1995
24,8
1996
18,4
1997
20,0
1998
22,6
1999
28,0
2000
33,7
2001
38,4
2002
41,9
2003
48,0
2004
52,7
2005
56,5
2006
59,0
2007
60,5
2008
64,1
2009
67,8
2010
67,0
2011
64,0
2012
61,9
2013
63,5
2014
63,6
2015
62,0
2016
60,1
Sources : AFT, NATIXIS
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5
La question est donc de savoir si la partie de la dette détenue par les non-résidents n’est
pas trop élevée.
Approche par le collatéral
On peut aussi avoir une approche par le collatéral du niveau de la dette publique : la dette
publique a-t-elle comme contrepartie des actifs publics qui donnent à l’État une valeur
nette positive ?
Le graphique 4 compare les dettes publiques et les actifs des Administrations Publiques
en France. Les actifs des Administrations Publiques dépassent leur dette.
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40
60
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100
120
140
160
20
40
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100
120
140
160
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
Graphique 4
France : dette publique et actifs des
Administrations Publiques (en % du PIB valeur)
Dette publique
Actifs* des Administrations Publiques
Sources : Datastream, INSEE, NATIXIS
(*) Total des actifs =
Actifs financiers + Actifs non-financiers
Mais il faut voir que l’accumulation de dette publique de la France vient des déficits
courants de l’État (graphiques 5a/b).
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16
Graphique 5a
France : déficit et investissement publics
(en % du PIB valeur)
Déficit public (mis en positif, G)
Investissement public (D)
Sources : Datastream, AMECO, NATIXIS
-7
-6
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
-7
-6
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14
Graphique 5b
France : déficit public (en % du PIB valeur)
État (central)
Administrations de sécurité sociale
Collectivités locales
Sources : Insee, NATIXIS
Cependant l’investissement public est du même ordre que le déficit public, ce qui explique
que les actifs des Administrations Publiques sont importants.
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