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La société à directoire,
Forme d'élection de la gouvernance
Les règles du jeu et le jeu des règles
La gouvernance éclairée
Catherine MALECKI
Maître de conférences à l’Université de Paris Sud (Paris XI)
En 1784, un périodique de Berlin posait la question suivante : « Qu’est-ce que le siècle des
Lumières ? » Le philosophe Mendelssohn avait alors répondu par une question : « qu’est-ce
qu’éclairer ? » La société anonyme à directoire peut-elle être le terrain d’élection, le meilleur des
mondes d’une gouvernance éclairée ?
La mission est toutefois délicate : les chiffres montrent la désaffection que cette forme
sociale a rencontrée depuis sa création. Quarante ans de désamour en quelque sorte. Elle
suscite de l’intérêt auprès des grandes sociétés familiales permettant le passage de témoin à la
jeune génération, elle suscite de l’intérêt hors de France ou, plutôt pour la création de filiales en
France de sociétés mères qui ont leur siège social hors de France. Elle est considérée comme
la structure idéale pour les grandes sociétés, les sociétés cotées. En effet, elle est surtout
considérée comme la société qui permet de mettre en œuvre les principes de la gouvernance
d’entreprise. Elle est même, paradoxalement, la société idéale au regard de ces principes.
D’ailleurs les travaux en faveur de la modernisation du droit des sociétés, de la mise en œuvre
de ces principes anglo-saxons, ont été essentiellement pensés pour la société anonyme
classique.
Pourtant cette société anonyme duale ne peut encourir tous les griefs. La séparation du
contrôle et du pouvoir était avant-gardiste ; la direction dissociée du président et du directeur
général de la société anonyme classiquement introduite par la loi NRE s’en est un peu inspirée.
L’information, la formation, la notation, la transparence, les procédures de contrôle, la
prévention des conflits d’intérêts, l’indépendance des uns et des autres, tous les ingrédients
d’une gouvernance maîtrisée, éclairée y figurent. Dirigeants et actionnaires sont en quelque
sorte guidés par la lumière.
La philosophie des Lumières désigne le mouvement intellectuel qui s’est développé à cette
période autour d’idées pré-démocratiques, tels que le renouvellement de l’éthique, de
l’esthétique et sur un savoir fondé sur la « raison éclairée » de l’homme. Les inspirateurs de ce
mouvement se voyaient comme une élite courageuse d’intellectuels œuvrant pour un progrès
du monde, dépassant des siècles d’irrationalité, de superstition et de tyrannie passée.
L’ensemble de ce mouvement doit être rapproché des révolutions américaine et française, de la
montée du capitalisme. Artistiquement, il correspond à la période néo-classique.
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La société à directoire,
Forme d'élection de la gouvernance
Au sens du siècle des Lumières, éclairer c’est diffuser le savoir et l’enseignement dans les
limites du cadre social. Les principes directeurs sont les mêmes : éthique, informer, instruire,
pouvoirs-contrepouvoir, société démocratique.
Au XVIIIe siècle, siècle des Lumières, Adam Smith avait posé les principes de la
gouvernance d’entreprise à propos des compagnies royales, les seules sociétés faisant alors
appel public à l’épargne.
Au sens du XXIème siècle et au regard des principes de la gouvernance d’entreprise, ce
pourrait être instruire aux fins de comprendre et ouvrir la voie. Être éclaireur et être éclairé. Les
dirigeants seraient les éclaireurs, les actionnaires seraient éclairés.
I. Les gouvernants-dirigeants éclaireurs
Le terme dirigeant n’est pas théoriquement adéquat mais il recouvre une pratique bien
réelle. La relation conseil de surveillance – directoire a pour but de rendre efficace la direction
de cette forme sociale. Le conseil de surveillance contrôle donc et éclaire le directoire qui à son
tour éclaire la gestion de la société
A) Le conseil de surveillance éclaireur
La source lumineuse provient, dans son essence, du conseil de surveillance mais ce n’est
pas tant dans la collégialité (3 à 18 membres) – car cet organe a souvent un chef ou patriarche
à sa tête – que dans les pouvoirs qui sont à la disposition de cet organe. La structure duale
présente fondamentalement des avantages au regard de la gouvernance d’entreprise. Il existe
des situations de blocages potentiels et réels mais tous les outils de la gouvernance se
retrouvent ici. En effet, tant le statut que les pouvoirs des membres du conseil de surveillance
permettent d’accéder à cet objectif.
Le statut des membres de cet organe est intéressant : ils peuvent être salariés mais surtout
ils sont désignés par l’assemblée générale d’où une détention forte du capital qui permet de
maîtriser l’organisation de la société et, à l’inverse, si la société est cotée, cette désignation
laisse tout de même sur le papier aux membres du conseil de surveillance la faculté d’organiser
les pouvoirs du directoire.
Le conseil de surveillance a de nombreux pouvoirs : il peut fixer la durée du mandat des
membres du directoire et celle de son président (même pour quelques jours), la rémunération,
la révocation, les conventions réglementées, le catalogue des actes du directoire qui doivent
recevoir l’aval du conseil de surveillance.
Par conséquent, cet organe exerce le contrôle permanent de la gestion par le directoire en
opérant à toute époque de l’année toute vérification qu’il juge opportune. Le conseil de
surveillance est souvent comparé au conseil d’administration en ce sens que son statut s’en
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rapproche de plus en plus depuis la loi NRE mais il est plus efficace qu’un conseil
d’administration grâce au contrôle de l’information que la loi lui offre.
Les procédures de contrôle, fréquentes, font partie intrinsèque du fonctionnement de la
société :
–
au moins une fois par trimestre, éventuellement une fois par mois, le conseil de
surveillance entend le directoire qui lui présente son rapport sur la marche des affaires sociales
(art. L. 225-63 C. com.)
–
dans les trois mois suivant la clôture de chaque exercice, le directoire doit lui présenter,
aux fins de vérification et de contrôle, les comptes sociaux qui seront soumis à l’approbation de
l’assemblée générale annuelle
–
en cas de procédure d’alerte, à défaut de réponse satisfaisante du directoire, le conseil
de surveillance doit être réuni pour délibérer sur les faits de nature à compromettre la continuité
de l’exploitation
–
le conseil de surveillance présente à l’assemblée annuelle ses observations sur le
rapport du directoire et sur les comptes de l’exercice (art. L. 225-68 in fine C. com.).
Le conseil de surveillance diffuse et contrôle la lumière : les détenteurs du capital disposent
de moyens de contrôle parfaitement appropriés pour apprécier la rectitude de la gestion par le
directoire. Il est vrai que le risque existe (nous venons de le constater avec Yann Paclot) de voir
un conseil de surveillance omnipotent qui peut même – difficilement, certes – être exposé à la
qualification de dirigeant de fait : de nombreux moyens existent, grâce à l’aménagement des
statuts, pour placer le directoire sous une étroite subordination. La procédure des conventions
réglementées est aussi un exemple de contrôle de l’information. Même les conventions
courantes conclues à des conditions normales (les conventions libres), sont communiquées au
président du conseil.
La source lumineuse et contrôleuse (lampe d’Aladin ?, bougie ?, projecteur ?) vient donc
bien du conseil de surveillance dont les pouvoirs ne pourraient être réduits même au profit de
l’assemblée. Certes le conseil de surveillance est le mandataire des actionnaires et l’on serait
amené à penser que l’assemblée pourrait reprendre une partie des pouvoirs du conseil de
surveillance mais une telle pratique serait incompatible avec une bonne gouvernance
d’entreprise car les actionnaires ont rarement la compétence pour contrôler efficacement la
gestion. De même la liste des opérations de l’article L. 225-68 du Code de commerce.
(constitutions de garantie, ventes d’immeubles…) est un texte impératif en ce sens que les
statuts ne pourraient transférer à l’assemblée ce pouvoir d’attribution.
Mais la lumière vient aussi du directoire : jeu d’ombre et de lumière qui éclaire à son tour le
conseil de surveillance. En effet, bien que le conseil de surveillance exerce ses fonctions
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collégialement, chacun de ses membres a le droit de demander au directoire tous
renseignements et documents qu’il estime utiles à l’exercice de sa mission de contrôle, compte
tenu de la responsabilité personnelle qu’il peut encourir – cela rappelle le droit à l’information
des administrateurs. Il y a donc dans cette forme sociale, un modèle de transparence puisque
tous les ingrédients d’une bonne gouvernance y figurent. Certes la dérive existe de voir un
conseil de surveillance devenir dirigeant mais les limites existent également. Yann Paclot l’a dit,
la Chambre commerciale de la Cour de cassation
l’article L. 621-59 du Code de commerce
(2)
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a précisé à l’occasion de l’application de
que les membres du conseil de surveillance qui ne
sont jamais considérés comme des dirigeants de droit de la société duale, ne peuvent devenir
dirigeants de fait qu’à la condition d’avoir « en dehors de l’exercice de leur mission de membres
du conseil de surveillance en fait exercé séparément ou ensemble et en toute indépendance,
une activité positive de direction dans la société ». Ils ne peuvent donc accéder à cette qualité
passivement ou activement.
Cette forme sociale est également un modèle pour la prévention des conflits d’intérêts, ou
une gouvernance d’entreprise maîtrisée. La prévention des conflits d’intérêts est en effet
possible : même s’il a été fréquemment avancé que cette société ne peut éviter des conflits et
situations de blocage en cas de changement de majorité, depuis la loi NRE le conseil de
surveillance ou l’assemblée générale ont la possibilité de révoquer plus rapidement les
membres du directoire permettant ainsi d’éviter de telles situations de blocage. Le modèle
sociétaire a donc été amélioré.
Modèle de gouvernance d’entreprise ? Oui en partie : la structure dualiste est le mode
d’organisation de la direction privilégié par la nouvelle SE consacrée par la loi du 26 août 2005
pour la confiance et la modernisation de l’économie.
B) Le directoire éclairé
La gouvernance d’entreprise repose sur l’exigence de dirigeants compétents, expérimentés,
informés, présents. Or, la société anonyme duale offre de nombreux avantages au regard de
cette exigence. En effet, par définition, les membres du directoire sont compétents et peuvent
consacrer leur temps à la gestion ; ils ne sont pas tenus d’être actionnaires et sont donc bien
indépendants vis-à-vis de la détention du capital. Le statut que leur offre la loi va en ce sens.
Même si elle abandonne aux statuts le soin de décider dans quelles conditions le directoire doit
délibérer et prendre ses décisions (périodicité des réunions, modalités de convocation,
conditions de quorum et de majorité, possibilité de représentation) et même si le directoire doit
rendre des comptes au conseil de surveillance ses membres bénéficient de conditions idéales
(1) Cass. com. 12 juillet 2005, D. 2005, p. 2071, A. Lienhard.
(2) Selon l’article L. 621-59 C. com., lorsque la survie de l’entreprise le requiert, est ouverte au tribunal la faculté de
subordonner l’adoption d’un plan de continuation au remplacement de plusieurs dirigeants ou de prononcer
l’incessibilité des actions avec exercice du droit de vote par un mandataire de justice.
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pour exercer leur mission de gestion de la société. Les conditions de révocation (juste motif)
leur offrent une relative stabilité.
L’esprit du fonctionnement du directoire repose sur l’esprit d’équipe ; les membres du
directoire (au maximum 5 ou 7 si la société est cotée) doivent de façon permanente agir
collégialement, de préférence sans chef, même si les textes précisent qu’il doit y avoir un
président et qu’il est en principe, sauf aménagement des statuts, le seul titulaire du pouvoir de
représentations. Dans un souci d’efficacité, avec l’autorisation du conseil de surveillance et sauf
clause contraire des statuts, les membres du directoire peuvent se répartir les tâches de
direction. Ils sont les dirigeants, les techniciens de la gestion ; d’ailleurs ils perçoivent un salaire
pour exercer cette mission.
Tous les membres du directoire peuvent cumuler leur mandat social et un contrat de travail.
Ce cumul sur lequel on a crié « haro » est bénéfique à la fois pour le salarié et pour la société,
particulièrement s’il s’agit d’une société familiale : peuvent être ainsi promus au statut de
dirigeants des cadres qui ont fait preuve de leur compétence et qui sont imprégnés de la culture
de l’entreprise (PSA en est un exemple parmi de nombreux autres), ce qui n’est pas aussi aisé
dans la société anonyme classique. En ce cas, les cadres ne sacrifient pas leur contrat de
travail en échange d’un mandat à durée déterminée. Le directoire est l’organe de direction
approprié.
La solution de la société à directoire est également idéale pour les filiales de sociétés
étrangères qui affectionnent cette forme sociale. Le schéma traditionnel est plutôt celui de
l’exercice d’un mandat dans une filiale et d’un contrat de travail conclu avec la société-mère.
Toutefois, là encore, le directoire offre des possibilités intéressantes pour organiser les mandats
intra-groupe : ainsi le salarié d’une filiale peut-il être membre du directoire et mandataire de
l’une des sociétés du groupe ou de la société-mère ; il exerce ainsi à la fois un contrat de travail
et une fonction de direction dans une filiale. Les points de convergence entre le mandat social
et le contrat de travail existent : citons simplement les obligations de loyauté, de secret, de
transparence, de respect de l’intérêt du groupe et les obligations déontologiques.
Par conséquent, si le conseil de surveillance remplit effectivement ses fonctions, s’il n’est
pas instrumentalisé par le directoire et, inversement, si le conseil de surveillance ne dirige pas
effectivement la société se substituant au directoire, cette forme duale présente de nombreux
avantages. Le plan d’action adopté le 21 mai 2003 par la Commission européenne devrait à
moyen terme généraliser le système dual. En tout cas, les moyens existent qui consistent à
limiter les éventuels abus de cet organe. La collégialité tant du conseil de surveillance que du
directoire, jointe à une répartition des tâches, est un gage de bonne gouvernance ; en ce sens
la société anonyme duale institutionnalise la gouvernance d’entreprise avant même que ce
terme soit généralisé. De même qu’on ne parle pas des trains qui partent et arrivent à l’heure, la
société anonyme à directoire n’a point de contentieux abondant, point d’abus de pouvoir, de
dérives concernant des rémunérations excessives des dirigeants ; les contentieux se règlent
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non devant les tribunaux mais par le changement de forme sociale. La société anonyme à
directoire est souvent une étape vers l’adoption de la forme moniste.
Le système peut donc fonctionner car le contrepoids des actionnaires permet cet équilibre
des forces en présence et ce, essentiellement parce qu’ils sont éclairés.
II. Les actionnaires éclairés
La société anonyme à directoire possède en son sein tous les éléments en faveur d’une
gouvernance éclairée. Pourtant les droits des actionnaires sont préservés : convocation,
information, droit de communication permanent, vote. Deux catégories d’actionnaires sont
promises à un rôle actif grâce à la diffusion de l’information : les actionnaires grands et petits et
les salariés actionnaires, même si ces derniers sont souvent considérés comme de petits
actionnaires.
A) Les actionnaires grands et petits
Parce que les sociétés anonymes à directoire représentent près du quart des sociétés
anonymes du CAC 40, les avantages de cette structure ne peuvent être négligés. Ces sociétés
ont fait leurs preuves notamment en cas de fusion de sociétés et de passage de témoin entre
générations. Le rapport Clément a d’ailleurs concentré ses propositions sur les sociétés cotées.
Mais il est permis de poser une question : quelle différence y a-t-il entre les actionnaires d’une
société anonyme à directoire et ceux d’une société anonyme à conseil d’administration ? Les
actionnaires minoritaires sont-ils davantage protégés dans la première forme sociale ? Sont-ils
mieux informés ? Sont-ils plus actifs ?
Sont-ils mieux informés ? La structure de l’actionnariat conditionne l’activisme des
actionnaires. Dans les sociétés anonymes duales familiales, les membres du conseil de
surveillance sont le plus souvent majoritaires en capital et la donne est alors similaire à celle
d’une société anonyme classique. En revanche, dans les sociétés anonymes duales cotées, les
actionnaires, institutionnels ou non, organisés en association ou non, ont accès à de
nombreuses informations sensibles, grâce, notamment, au rapport de gestion qui est un
élément essentiel en matière de diffusion d’information. C’est ici qu’il faut insister sur le fait que
la structure dualiste peut jouer un rôle important dans la rigueur du rapport de gestion : en effet
le directoire doit établir le rapport de gestion mais ce rapport est étroitement encadré par le
conseil de surveillance ce qui n’est pas le cas dans la société anonyme moniste qui a montré
ses limites (Enron, etc.) ; le rapport de gestion, en forçant le trait, est presque un rapport de
cogestion en ce sens que la société anonyme duale institutionnalise une série de contrôles
échelonnés dans l’exercice des divers contrôles et ce, sans assouplissement statutaire
possible : ainsi, par exemple, le directoire doit-il présenter au conseil de surveillance un rapport
sur la marche des affaires et sur les comptes sociaux qui seront soumis à l’approbation de
l’assemblée des actionnaires. Le conseil de surveillance présente même à l’assemblée
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générale annuelle ses observations sur le rapport du directoire ainsi que sur les comptes de
l’exercice (art. L. 225-68 in fine C. com.). Les actionnaires de la société duale ont deux collèges
d’interlocuteurs : deux en un. Ils ont donc vocation à être pleinement éclairés sur la marche des
affaires de la société.
En outre, depuis la loi du 31 mars 2006, qui a transposé la 13ème directive sur les offres
publiques d’acquisition, les actionnaires et les salariés des futures sociétés cibles d’OPA
bénéficient « d’une amélioration de l’information » mise à leur disposition dans le rapport de
gestion. Un nouvel article L. 225-100-3 du Code de commerce énonce une liste de dix éléments
d’information (les dix clefs de la transparence ?). Les éléments relatifs au remplacement des
membres du directoire sont déterminants. Or le remplacement de l’équipe dirigeante consécutif
à une prise de contrôle est fréquent ; l’impossibilité de révoquer rapidement les membres du
directoire à la suite d’une prise de contrôle a été résolue par la loi NRE : l’assemblée générale
ou le conseil de surveillance, si cela est prévu par les statuts, peuvent désormais révoquer les
membres du directoire.
Les informations portant sur la modification des statuts, les accords prévoyant des
indemnités pour les membres du directoire (si, par exemple, leur emploi prend fin en raison
d’une offre publique), les mécanismes de contrôle prévus dans un éventuel système
d’actionnariat du personnel (quand les droits de contrôle ne sont pas exercés par ce dernier)
sont autant d’éléments en faveur d’une gouvernance éclairée. Il s’agit par exemple des FCPE,
fonds communs de placement d’entreprise dont la participation est complexe et originale. Le
pouvoir politique des salariés actionnaires dans le cadre d’OPA n’est plus à démontrer. Sont
également portés à l’information des actionnaires, les accords entre actionnaires dont la société
a connaissance et qui peuvent entraîner des restrictions au transfert d’actions et à l’exercice
des droits de vote. Le choix de la méthode sera déterminant : le rapport de gestion doit
« exposer et le cas échéant expliquer ». L’explication et le choix des informations devant figurer
dans le rapport de gestion seront là encore le fruit d’une étroite collaboration entre le directoire
qui doit établir ce rapport et le conseil de surveillance qui contrôle l’activité du directoire ; c’est
indéniablement un champ d’action nouveau qui s’offre à la structure duale et il semble bien que
les échanges entre le conseil de surveillance et le directoire permettront de faire la clarté
nécessaire.
La liste des informations est longue et c’est surtout la sanction pour non-respect de la
diffusion de telles informations qui sera essentielle. En ce cas, la responsabilité civile, outre la
responsabilité pénale (art. L. 242-8 C. com.) des membres du directoire pourrait être engagée
par les actionnaires ou par la société elle-même. La loi du 31 mars 2006 vise également à
informer les salariés et ce, même en l’absence d’un comité d’entreprise. Les salariés sont donc
pleinement des parties prenantes des sociétés : ils devraient trouver dans la société anonyme à
directoire un terrain d’élection dont ils n’ont pas bénéficié jusqu’à présent alors que, paradoxe
supplémentaire, cette forme sociale avait précisément pour but d’associer les salariés à la
direction de la société bien que nous soyons éloignés de la cogestion à l’allemande.
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Sont-ils plus actifs ? Ils le sont tout autant et même plus que dans la société allemande car
ils peuvent révoquer les membres du directoire alors que selon la loi allemande, la révocation
d’un membre du directoire ne peut être prononcée que par le conseil de surveillance. D’ailleurs
la question de savoir qui est habilité à retirer sa qualité au président du directoire a suscité à la
suite d’un arrêt de la cour d’appel de Douai
(3)
un vif débat doctrinal, certains auteurs estimant
que seule l’assemblée générale était habilitée à retirer sa qualité au président du directoire. On
touche ici en effet à l’essence de la gouvernance d’entreprise : le pouvoir rendu aux
actionnaires
(4).
Le développement de l’actionnariat salarié offrira peut-être une occasion
supplémentaire de donner un nouveau souffle à cette forme sociale.
Les salariés actionnaires sont également éclairés
B) Les salariés actionnaires
La problématique de l’actionnariat salarié est essentielle. Le projet de loi sur la participation
et l’actionnariat salarié arrivé en première discussion le 8 novembre 2006 au Sénat
(5)
offre
l’occasion de l’approfondir. Considéré comme un intrus, un « salactionnaire », un rebelle, car le
plus souvent ses droits politiques sont temporairement indisponibles, son affectio societatis
inexistant en raison de l’attribution des actions souvent gratuites, le salarié actionnaire peut
pourtant apporter de la valeur. Il peut se surpasser et défendre la société en cas d’OPA
inamicale – on le qualifie alors d’actionnaire patriote –, il peut siéger au sein du conseil de
surveillance. La loi du 17 janvier 2002 sur la modernisation sociale a retenu le seuil des 3 % de
détention du capital social pour déclencher le processus de représentation (certes complexe)
des représentants des salariés actionnaires au conseil de surveillance. Leur statut est
particulier, très protecteur.
Le général de Gaulle avait prononcé à Saint-Etienne, dès le 4 janvier 1948, un discours
dans lequel il avait exposé sa conception de la participation. L’amendement Le Douarec avait
pour finalité la mise en œuvre de cette participation mais il faut bien reconnaître que, malgré la
loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, avec entre-temps l’amendement Giraud en
1995, cet objectif général n’a pas été atteint. Les raisons sont diverses : réticence des membres
des organes de direction, réticence des salariés eux-mêmes à participer à la gestion des
entreprises, les syndicats étant par nature hostiles à la cogestion.
(3) Douai, 17 juin 1976, D. 1977, 518.
(4) Titre de l’ouvrage de J.-J. Caussain, Le gouvernement d’entreprise, Le pouvoir rendu aux actionnaires, CREDA,
Litec, 2005.
(5) Séances des 8 et 9 novembre 2006, http://www.senat.fr/senint/crisom_pjl06-015_1.html . La loi a été adoptée
depuis cette intervention, loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de
l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cf. C. Malecki, Le nouveau souffle de
l’actionnariat salarié dans la loi du 30 décembre 2006, D. 2007, à paraître
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C’est la qualité d’actionnaire qui détermine le droit d’être représenté au sein des organes de
direction. On pourrait repenser ce point de départ et songer à une gouvernance d’entreprise qui
envisagerait autrement la représentation des salariés aux organes de gestion. C’était l’idée
initiale de la société anonyme duale. Comme, en l’état, c’est la qualité d’actionnaire qui
détermine la participation des salariés actionnaires au sein du conseil de surveillance, il faut
insister sur le fait que la société anonyme duale, une fois de plus, est un terrain d’élection d’une
bonne gouvernance. Au moment où le développement durable, la responsabilité sociale et
environnementale, où le rapport de gestion « améliore » l’information qui leur est destinée, les
salariés actionnaires éclairés peuvent jouer un rôle en qualité de parties prenantes
(6)
de
l’entreprise.
En définitive, la société anonyme à directoire et conseil de surveillance offre les moyens
d’une gouvernance éclairée. Ses acteurs sont tantôt éclaireurs, tantôt éclairés par autant de rais
de lumière offerts par la structure même de la société. On peut affirmer que cette forme sociale
avait quarante ans d’avance sur ce que l’on ne qualifiait pas encore « les principes de
gouvernance d’entreprise ».
À l’heure des bilans, des commémorations, point d’éloge funèbre pour la société anonyme
à l’aube de la quarantaine : c’est le bel âge !
(6) Leur double quafication (salarié et actionnaire) les placent même dans les deux catégories : shareholders et
stakeholders ; cf. F.-G. Trébulle, Stakeholders Theory et droit des sociétés (I), Bull. Joly Sociétés déc. 2006 et (II) Bull.
Joly Sociétés, Janv. 2007.
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