CFA 2006 Mécanisme de perméabilisation membranaire par les ultrasons et les microbulles de contraste T.A. Tran2-3, S. Roger2-3, J.Y. Le Guennec2-3, F. Tranquart3-4 and A. Bouakaz1-3 1. Inserm U619, 37000 Tours, France 2. Inserm E0211, 37000 Tours, France 3. Université F. Rabelais, Tours, France 4. CIT, CHU Bretonneau, ours, France Les cellules cancéreuses mammaires MDA- MB-231 Les cellules cancéreuses mammaires étudiées sont issues de la lignée MDA-MB-231. Cette lignée a été choisie car elle fait partie des lignées de référence dans l’étude in vitro des mécanismes impliqués dans le cancer du sein (Soule et al. 1973). Les cellules sont cultivées dans du milieu de culture, DMEM (Dulbecco’s Modified Eagle’s Medium, Cambrex, Belgique) supplémenté avec 5% de sérum de veau fœtal (SVF). Les cellules sont maintenues dans une atmosphère à 5% de CO2, saturée en H2O et à 37°c. Résumé Introduction L’échographie de contraste est une technique récente d’imagerie non invasive qui permet, via l’utilisation d’agents de contraste, d’améliorer la qualité des images échographiques. Ces agents de contraste sont en fait des microsphères de gaz recouvertes d’une paroi biocompatible (e.g., phospholipides). De nouvelles études ont montré que ces microbulles sont également capables de vectoriser des principes actifs, médicaments ou gènes, permettant ainsi un traitement ciblé de pathologies tel le cancer. De plus, sous activation ultrasonore, elles augmentent temporairement et réversiblement la perméabilité de la membrane cellulaire et améliorent ainsi l’intégration des principes actifs dans la cellule (Taniyama et al. 2002 ; Christiansen et al. 2003 ; Dijmans et al. 2004). Cependant leurs effets sur les cellules restent encore mal connus. L’étude de l’action des microbulles sur les cellules est donc nécessaire pour explorer et améliorer cette nouvelle voie thérapeutique. Cette étude porte principalement sur les modifications de la viabilité et des activités électriques des cellules cancéreuses mammaires de la lignée MDA-MB-231. Les microbulles de contraste Les microbulles utilisées dans cette étude sont des microbulles expérimentales de Sonovue® et ont été généreusement fournies par Bracco (Genève). Le produit de contraste (Sonovue®, Bracco Pharma, Italie). Les solutions aqueuses utilisées pour la préparation des microbulles sont pour chaque expérience, les mêmes que celles où sont placées les cellules. La solution mère dont la concentration est de 109 microbulles/ml est diluée au 1/250 et est perfusée au niveau des cellules grâce à une pompe péristaltique (1ml/min). Le dispositif ultrasonore Les ultrasons (US) sont générés grâce à un transducteur relié à un amplificateur de puissance (50dB) luimême connecté à un générateur de signaux. Le transducteur de 1MHz est focalisé à 14mm. Les ondes ultrasonores Matériels et méthodes 151 CFA 2006 hyperpolarisation de la membrane cellulaire, alors que les microbulles seules ou les ultrasons seuls n’engendrent aucun effet sur le potentiel de la membrane (figure1A et B). Cette hyperpolarisation est reproductible tant qu’une microbulle oscillante reste fixée à la membrane cellulaire (figure 1C). Il est à noter qu’un ont une durée de 20 cycles et une amplitude variant de 100 mV à 1 V. Afin d’éliminer les bruits électriques provenant du transducteur, ce dernier sera recouvert de latex. Cependant pour que la transmission des US soit maximale, du gel ultrasonore est placé comme milieu de propagation entre le transducteur et le latex. A Le dispositif d’électrophysiologie -25 mV La pipette de patch, permettant à la fois d’imposer des potentiels, et de recueillir les courants ioniques de la cellule (Neher et Sackmann 1976 ; Hamill et al. 1981), est relié à un convertisseur courantvoltage, lui-même relié à un amplificateur (Axopatch 200-B, Axon Instrument, USA). La liaison entre la pipette et l’amplificateur se fait grâce à un filament d’argent chloruré immergé dans un liquide conducteur. Une seconde électrode baignant dans le milieu où se trouvent les cellules, sert d’électrode de référence et permet de fermer le circuit électrique. L’enregistrement des courants et le contrôle des potentiels imposés se font via un ordinateur. L’existence d’une interface convertissant les données analogiques en données numériques (Digidata 1322A, Axon Instrument, USA) est donc indispensable pour la communication entre l’amplificateur et l’ordinateur. L’expérience est visualisée via un microscope inversé (Nikon, Eclipse TE 300). Ce microscope permet la mise en place d’un dispositif vidéo basé sur une caméra analogique reliée à un ordinateur. L’ensemble du poste de « patch clamp » repose sur une table anti-vibrante (Ealing, USA) et se situe dans une cage de Faraday afin de permettre une isolation électrique. Potentiel de membrane Ultrason B -25 mV C -25 mV Figure 1 : Mesure des variations du potentiel de membrane par la technique de patch rompu en configuration « Whole Cell ». Les US sont générés par un transducteur de 1 MHz, à raison de 40 cycles/pulse, répétés toutes les 100 µs, à une amplitude de 100 mV. (A) Il n’y pas d’effet significatif des US utilisées seules. (B) Une hyperpolarisation est observée lorsque les US sont appliqués et qu’une microbulle est jouxté à la cellule. (C) cette hyperpolarisation est reproductible tant que la microbulle reste fixer à la cellule et tant qu’elle est stimulable par les ultrasons. contact physique entre les membranes de la cellule et de la microbulle est indispensable et semble jouer un rôle sur l’amplitude des hyperpolarisations. En effet, on remarque sur le tracé de la figure 2, que sans microbulle, il n’y pas d’effet des US. Ces variations du potentiel de membrane cellulaire (Em) ont une amplitude de 25 ± 1,4 mV (n=6). Sachant qu’il s’agit d’une hyperpolarisation et que les potentiels d’équilibre du chlore et du potassium sont respectivement de -47 et 90 mV, la réponse cellulaire aux microbulles semble être provoqué par une Résultats Les expériences en patch rompu montrent qu’au contact de la membrane de la cellule les microbulles, qui oscillent sous les effets des US, entraînent une 3 152 CFA 2006 entrée d’ions Cl- ou bien par une sortie d’ions K+. L’hyperpolarisation pouvant être consécutive à la contrainte mécanique engendré par le massage de la microbulle excitée par les US, nous avons testé cette hypothèse en appliquant une tige de verre rodée contre la cellule (figure 2A). Ainsi, des hyperpolarisations similaires (figure 2B), d’une amplitude de 17 ± 1,9 mV (n=5), sont observées suite à l’application d’une pression mécanique sur la membrane. A 10 µm microbulles sous l’action des US sur les cellules cancéreuses mammaires de la lignée MDA-MB-231. Ces modifications électrophysiologiques se manifestent par une hyperpolarisation cellulaire synchronisée avec la stimulation ultrasonore et est dépendante de l’adhésion de la microbulle sur la membrane cellulaire. Des hyperpolarisations sont observées lors d’un stress mécanique. Cependant il reste à caractériser pharmacologiquement les canaux ioniques impliqués dans ces hyperpolarisations. Ceci permettra de démontrer l’intervention de ces mêmes canaux au cours des hyperpolarisations consécutives à l’action conjointe des microbulles et des US et du stress mécanique. L’hyperpolarisation ne semble pas l’unique conséquence de l’oscillation des microbulles contre la membrane plasmique mais au contraire, semble masquer d’autres effets tout aussi importants. Il important de noter que ces hyperpolarisations peuvent être un phénomène indirect lié à la stimulation des microbulles oscillantes. Ainsi, la mise en évidence de la modification des propriétés électrophysiologiques, donc la modification des échanges à travers la membrane plasmique de la cellule, induite par les US et les microbulles pourrait être une explication à l’augmentation de la perméabilité membranaire classiquement observée car la plupart des expériences sont basées sur la mesure de la variation de la résistance membranaire. Cependant, cette hypothèse ne suffit pas à expliquer l’augmentation de la capacité cellulaire à incorporer les éléments vectorisés par les microbulles. Il est donc nécessaire de bien connaître les perturbations mécaniques induites par les microbulles dans différentes conditions expérimentales afin de mettre en évidence les mécanismes sous-jacents. Pipette de patch Cellule Baguette de verre B Potentiel de membrane Pression mécanique Figure 2 : Application d’une pipette de verre rodée pour induire une contrainte mécanique sur la cellule. Des hyperpolarisations sont également déclenchées Discussions et conclusion De nombreuses études ont permis de montrer la possibilité d’utiliser les microbulles échographiques comme vecteurs lors d’une thérapie cellulaire ciblée et contrôlée (Nelson et al. 2002 ; Unger et al. 2002 ; Rosenthal et al. 2004 ; Unger et al. 2004). Cependant aucune étude n’a pu mettre en évidence les mécanismes de perméabilisation membranaire et les effets de microbulles sur la cellule. Cette étude a permis de mettre au point un système expérimental pour observer en temps réel les modifications électrophysiologiques induites par les Références 153 CFA 2006 Christiansen J., French B., Klibanov A., Kaul S. and Lindner J. 2003, Targeted tissue transfection with ultrasound destruction of plasmid-bearing cationic microbubbles - Ultrasound Med Biol. 29(12): 1759-1767. Unger E., Matsunaga T., McCreery T., Schumann P., Sweitzer R. and Quigley R. 2002, Therapeutic applications of microbubbles - Eur J Radiol. 42: 160-168. Unger E., Porter T., Culp W., Labella R., Matsunaga T. and Zutshi R. 2004, Therapeutic applications of lipidcoated microbubbles - Adv Drug Deliver Rev. 56: 1291-1314. 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