1---" --"- ;J • ~ ----------------.- ustapha KASSE - - ----.--"----- . ---_.- L'ETAT, __----, LE TECHNICIEN ET LE BANQUIER - - - - FACE AUX DEFIS -----"- DU MONDE RURAL SENEGALAIS --,-,.------- Les Nouvelles Editions Afri aines du - én':' 1 ----' L'ETAT, LE TECHNICIEN ET LE BANQUIER FACE AUX DEFIS DU MONDE RURAL SENEGALAIS ~ JCH~ ~ dfAJ. flJMaI! ~fuvr _ Ji tfavrd : -- .tJ tlAjufaJ· ' - fa a/Wtl . _ -ta ti~I0fU; ~ '.uJt ~ ~fj1L }/fj ~ f 1~ CA. . ih C()O'I.tib~ ci4 â~f1 ',f,ut'1U4" - '7 cf ~Ja}t! - f ((r NOUVELLES EDITIONS AFRICAINES DU SENEGAL (NEAS) CENTRE DE RECHERCHES ECONOMIQUES APPLIQUÉES (CREA) L'ETAT, LE TECHNICIEN ET LE BANQUIER FACE AUX DEFIS DU MONDE RURAL SENEGALAIS ~ JCH~ ~ dfAJ. flJMaI! ~fuvr _ Ji tfavrd : -- .tJ tlAjufaJ· ' - fa a/Wtl . _ -ta ti~I0fU; ~ '.uJt ~ ~fj1L }/fj ~ f 1~ CA. . ih C()O'I.tib~ ci4 â~f1 ',f,ut'1U4" - '7 cf ~Ja}t! - f ((r NOUVELLES EDITIONS AFRICAINES DU SENEGAL (NEAS) CENTRE DE RECHERCHES ECONOMIQUES APPLIQUÉES (CREA) Préface A l'aube de l'hivernage 1995, tous les regards, toutes les pensées et préoccupations de nos compatriotes se rivent sur la campagne sénégalaise, vers le Monde rural. Or notre pays, à l'instar des autres membres de la Communauté financière africaine, en décidant au début de cene année du changement de la parité de notre monnaie par rapport au Franc Français, visait la restauration des équilibres macro-économiques et particulièrement l'amélioration de la compétitivité de notre économie. S'agissant plus particulièrement de l'agriculture, les surcoûts induits par cene mesure sur les produits de consommation alimentaire importés, laissent une marge appréciable aux producteurs alimentaires domestiques pour la conquête des marchés intérieurs. Dans le même temps, cette mesure améliore la compétitivité de nos exportations agricoles, qu'il s'agisse de l'arachide, du coton ou des produits horticoles. Les récentes mesures prises par les autorités de notre pays pour réaménager à la hausse les prix au producteur agricole et les prix à la consommation constituent à la fois un signal et un encouragement en direction du Monde rural appelé à saisir les opportunités ainsi offertes. A l'heure actuelle, une série d'interrogations animent tous ceux qui, de près ou de loin, s'intéressent au secteur agricole. - Quelle sera la réaction du Monde rural par rapport aux nouvelles donnes économiques? - Quelle sera la contexture du marché mondial des produits agricoles, en particulier, quelles stratégies les grands pays exportateurs vers notre sousrégion et marchés-cibles pour nos exportations vont-ils développer? 5 r7 ---y Les réponses apportées à ces questions seront détenninantes pour l'avenir de notre agriculture. C'est le moment que choisit le Professeur Moustapha KASSE pour, sous le titre: Les défLS du Monde rural sénégalais et comme il le précise avec beaucoup de modestie, apporter « une contribution à la réflexion indispensable sur les zones rurales et les politiques qui s'y appliquent ». Cette contribution arrive au moment où s'annonce la tenue d'une concertation nationale pour définir des stratégies de nouvelle politique écofUJmique. Dans un premier temps, le livre procède à un diagnostic du secteur agricole (agriculture, élevage, forêts et pêche) et analyse les stratégies d'intervention des institutions de Bretton Woods sur le secteur. Sous l'intitulé « Crise agraire et stratégie d'intervention de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International », celte partie du livre examine, dans une dynamique historique, l'évolution des politiques miscs en œuvre dans le secteur. Elle aooutit en particulier au constat, que le comportement des acteurs. les structures sociales et les rapports de pouvoir ont été totalement méconnus et non pris en compte dans les stratégies et politiques appliquées au secteur. Le lecteur suivra avec intérêt la nécessaire articulation à établir entre le système de génération et d' absorption de la rente agricole et la reconstitution du potentiel de production. Dans un deuxième temps, l'impact réel de la politique de libéralisation des institutions est passé en revue à partir d'études de cas et aboutit à la conclusion que malgré le volume des ressources mobilisées, les résultats en matière de production, de productivité, de rendement, d'amélioration et de vulgarisation demeurent modestes. Enfin et surtout, la deuxième partie du livre intitulée « Les voies d'une fUJuvelle stratégie pour l'émergence d'une agriculture performante» indique les axes d'une politique agricole alternative. L'auteur arrive, dans cette partie du livre, à la nécessité de la définition et de la conduite de politiques de rupture afin d'opérer toutes les transfonnations structurelles qui impliquent tous les acteurs, encourager par des mesures incitatives les investissements agricoles et supprimer toutes les barrières tarifaires et non tarifaires sur les produits agricoles au niveau régional en vue de favoriser les échanges. Ainsi sont esquissées des voies de solution en ce qui concerne le développement des fùières agricoles, en particulier d~s filières céréalières, les infrastructures de base, les facteurs de production, la recherche agricole, la politique du crédit, de prix au producteur et de revenus, le rôle de l'Etat, la problématique foncière et la promotion de la femme rurale. 6 Pourtant, le lecteur initié notera beaucoup de points de convergences dans les voies de solution proposées par rapport aux orientations officielles, qu'il s'agisse de la nécessité de réformer le crédit agricole, qu'il s'agisse de la politique de prix, qu'il s'agisse de l'irrigation et de l'après-barrage. Le Professeur KASSE, en mettant à la disposition des lecteurs cette œuvre de qualité, perpétue une longue tradition de nos universitaires, qui apporte la preuve de l'ancrage de notre système d'enseignement supérieur aux préoccupations fondamentales de notre pays et à son tissu social. En fin pédagogue et en chercheur fertile, il nous livre ici, dans un cadre cohérent et dans une démarche où prime la rigueur, une profession de foi en la capacité du Monde rural à assumer son destin et nous indique à la fois les préalables à réunir et les voies à emprunter pour recentrer l'agriculture dans son rôle moteur du développement économique du SENEGAL. Ayant eu, pendant une période cruciale, la charge de la mise en œuvre des politiques dans des secteurs placés au centre de l'analyse du Professeur KASSE, je mesure, à sa juste valeur, l'opportunité, la pertinence et tout l'intérêt de ce livre, qui a su éviter de tomber dans une démarche et des considérations dictées par l'air du temps. En effet, il m'est apparu que beaucoup de concepts et de slogans poussés comme par une mode, ont su s'imposer dans le traitement de la question agraire parce qu'ils constituaient des moyens efficaces de capte d'une rente financière. En cela, ils ont connu une durée de vie limitée du fait de l'absence d'un réceptacle politique, stratégique et culturel cohérent. Puisse le Public réserver au grain que vient de semer le Professeur KASSE, l'accueil et l'appropriation nécessaires pour qu'il donne les fruits qu'il mérite au bénéfice de notre pays. FAMARA IBRAHIMA SAGNA Président du Conseil Economique et Social 7 J.fLUA dM p~ ~ lf"),1J. otPrJh. of, aML~~~ fi' tM 4vf,? CIJ)t1 l'YI fNIAV\4- cl ~~ lIiS' cm ( .ut ~I 1 ~ eu Il .u.. a 6cn ail {'fJ d(()JUl ~/~ ~ aM- '" i 0(.eA..a) ~v~ ~eK~ Avant-pr pas (/J. WJ€etUSl: rh li; M- rh 4 rret~=--~ fJJM' MG4~jJ~~tL Propos introductifs à la réflexion /~~ sur l'agriculture sénégalaise dans une perspective~~ .. de relance de la croissance Dans les cinq prochaines années, nous serons dans le troisième millénaire. Prenons garde, nous avertit Paul Valery ~ à ne pas rentrer dans l'avenir à reculons ,.. Al' 2000, les enfants de l'indépendanc€Ldeviendront des adultes mars. Certains àùront entrepris des études sérieuses et difficiles mais risquent ""O"arriver à l'âge de la retraite sans jamais exercer un métier, sans avoir la chance d'éprouver leurs compétences. D'autres plus nombreux, vont quitter la campagne pour les villes, chassés par les difficultés et la misère, parfois attirés par la ville o~ la pauvreté a plus d'attrait que la pauvreté rurale. Ils risquent, à leur tour de sombrer dans le chômage, la délinquance et d'aller à une dérive sociale Autre préoccupation, tous les indicateurs économiques et sociaux deviennent de plus en plus régressifs avec un secteur agricole stagnant, plus souvent déclinant, des investissements largement insuffisants, un surendettement massif et asphyxiant, une aide internationale essoufflée et incertaine, une démographie galopante et une urbanisation accélérée et chao~ Parallèlement, la pauvreté augmente. En effet, les résultats de 4(ï'enquête sur les priorités» ainsi que l'étude de la Banque Moiï<hâle sur les conditions de vie (avril 1994) établissent qu'au Sénégal, 30 % des ména es vivent en essous u seu de pauvreté, défmi comme étant la dépense pour l'acquisition de 2400 calories par jour et par personne dans le ménage. Ainsi, selon cet indicateur, 75 % des ménages pauvres sont localisés en milieu rural . et 58 % des ménages ruraux sont pauvres. Dans ces conditions, le Sénégal rentrera dans la nouvelle mutation mondiale avec de lourds handicaps et au pire en étant incapable de se nourrir. 9 Face à ces graves distorsions, seule l'amorce, dès maintenant, d'une période longu1 de taux de croissance élevés et soutenus permettra de sortir de cette perspective. En effet, le Sénégal n'aneindra l'autosuffisance alimentaire que s'il se résoud très rapidement, à élaborer une stratégie efficace de mobilisation de toutes les ressources nationales pour la relance des activités économiques et notamment agricoles. Cette nécessité, les trois acteurs du développement rural: l'Etat-développeur, la Banque Mondiale agissant comme technicien et le FMI discrètement cantonné dans le rôle de banquier-comptable, en ont une claire conscience. Cependant, au résultat, l'Etat, le Technicien et le Banquier n'ont pas encore réussi à jeter les bases véritables d'une agriculture intensive, diversifiée et performante. Réussiront-ils, dans une politique incitatrice à trois, à lever les défis du monde rural ? Quelles sont les grandes orientations d'une politique agricole pertinente et volontariste fondée sur une connaissance des . processus socio-économiquCG? Quels sont les instruments et les moyens d'action? Quels sont les acteurs du jeu rural ? Telles sont les questions majeures qu'aborde cet ouvrage. Au lendemain de l'indépendance, se fondant sur la « voie africaine du socialisme ~(l), la stratégie du développement officiellement proclamée se voulait une alternative à la fois au capitalisme libéral et au socialisme scientifique d'obédience marxiste. L'édification projetée d'une nouvelle société moderne devait s'appuyer d'une part sur le développement prioritaire de l'agriculture et d'autre part sur l'exercice par l'Etat de fonctions économiques et financières pour la promotion des secteurs d'activités. Dans cette période, la plupart des économistes s'accordaient pour reconnaître que la révolution industrielle à la fin du xvnr siècle en Angleterre n'aurait certainement pas eu lieu si elle n'avait été précédée d'une révolution agricole à la fois large et profonde qui a permis d'améliorer la base de l'accumulation productive, de libérer une bonne panic de la main-d'œuvre en faveur du secteur industriel principalement, de nourrir les villes et d'élargir les débouchés intérieurs par accroissement du pouvoir d'achat des paysans(2). Robert BADOUIN, à la lumière de cet exemple historique, a analysé en détailles divers aspects du rôle de l'agriculture dans le développement(3). (1) Léopold S. SENGHOR, Nalions el voie africaine d" socialisme. Editions Présence Africaine, 1961. Pour une société sénégalaise socialiste et démocratique, Congrès de l'UPS, 27-29 décembre 1976, }(~ p. (2) C'est cela qui fait écrire à Louis EMMERIJ, dans son ouvrage intitulé Nord-SwJ : la grenade dégo"ipillée, Paris, 1993, que" l'agriculture est l'un des marchés les plus réglementés qui soient et ce n'est certainement pas là que les pays de l'OCDE pratiquent le libre échange qu'ils ne cessent de prôner ». L'auteur conclut alors" il faut cesser de prêcher un ultra· libéralisme que nous ne pratiquons pas et n'avoll5 jamais pratiqué aux premières heures de notre développement» . (3) Robert BADOUIN, L'économie rivale, Collection DUNOD. 10 1 i, li a alors établi et démontré que la croissance de la production agri~le~est un préalable au développement industriel car: ' . - elle permet tout d'abord à l'économie de franchir le « seuil de la faim », d'éliminer les risques de famine et de relever la ration alimentaire en vue de rendre les individus aptes à produire plus et mieux; - elle permet ensuite le dépassement du 4( seuil de l'isolement » par la formation d'un surplus commercialisable grâce auquel le secteur agricole peut entrer en relation avec les marchés urbains et extérieurs et participer activement à la monétisation de l'économie. A ce propos, F. LORENTZ note que «le passage de l'économie de subsistance à l'économie d'échange ne peut se réaliser que sous l'impulsion des mutations de l'agriculture »(4) ; - enfin, cette croissance de la production agricole permet le dépassement du « seuil de la stagnation» car la réalisation d'un surplus par rapport aux besoins internes constitue une source potentielle d'épargne qui, mobilisée et productivement investie, engendrera des progrès ultérieurs à la fois pour l'agriculture et pour le reste de l'économie. Dans ce contexte, le développement agricole apparaft comme une conthtion fondamenfâIe du développement polanSé conSistant, dans la phase du décollage économique, en la concentration indispensable des moyens qisponibles sur quelques centres moteurs. Dans cette phase nouvelle, le secteur industriel naissant pourrait élargir ses débouchés et se développer grâce à l'apparition et à l'extension d'un marché national intégré du fait de l'augmentation du revenu agricole, de la distribution de revenus croissants à une population expansive et de l'aménagement des infrastructures permettant le transport des marchandises et l'approvisionnement régulier des centres alimentaires urbains. De plus, une production agricole stagnante compromet très fortement la croissance économique de l'économie nationale. A l'évidence, pareille situation entrafne d'une part un accroissement des importations agricoles avec une hausse des prix des biens alimentaires pour le secteur industriel et d'autre part une augmentation des salaires. Les conséquences les plus notables seront une double réduction et du potentiel de l'épargne et d'investissement, et des réserves en devises. Ce sont ces éléments qui ont amené KUZNETS a distingué les quatre voies par lesquelles l'agriculture concourt positivement au développement: les produits, les marchés, les devises et les facteurs de production. Sur la base de cet ensemble de considérations, il revenait principalement à l'Etat d'élaborer et de meUre en œuvre une politique agricole capable de créer (4) F. LORENTZ, .. Le rôle de l'économie rurale dans le modèle chinois de développement -, Bu//etin de l'Economie et des Finances, avril-septembre, 1973, Problèmes ECOflOmiques, nO 1349. II , 1 une économie rurale productive et rentable pouvant donc assurer une rcproduption élargie de toutet: 1('8 composantes du capital, de même que la fertilité dés sols. C'est pourquoi l'Etat-développeur qui a succédé à l'Etat coftmia1 avait comme objectif majeur d'opérer le passage de l'économie de subsistance à une économie modeme(5). Au demeurant, en l'absence d'une classe d'entrepreneurs nationau~ dynamiques à même de saisir toutes les opportunités d'investissement et de mécanismes fiables de marché, il revenait à ce nouvel Etat de définir les priorités du développement, de choisir les moyens et les instruments d'intervention et de fixer les délais de réalisation des principaux objectifs Egalement, l'Etat avait la mission d'assurer la fonnation technique et professionnelk des cadres de l'agriculture ainsi que la mise en place d'un ensemble d'instruments juridiques pour la promotion et la défense des principaux intérêts des acteurs du monde rural. Trois décennies de politique agricole révèlent que les résultats' obtenus sont restés à la fois éloignés des objectifs et modestes. Au fil du temps, il s'est développé une crise profonde de l'économie agricole qui se manifeste à travers la faillite du secteur public rural considéré comme l'instrument et le moyen d'action de l'Etat, la stagnation de la production, les déficits et pénuries alimentaires et la détérioration du pouvoir d'achat des producteurs directs. Toutefois, à y regarder de près, cette crise est sans conteste interne à l'agriculture mais elle provient aussi pour une grande part hors de celle-ci, soit globalement dans les fonctions imparties à l'agriculture dans le modèle d'accumulation, en amont (engrais, semences, technologies) soit en aval (commercialisation, transport, stockage, sécurité des débouchés)(6). Dans cette direction, les politiques agricoles appliquées depuis l'indépendance jusqu'à nos jours ont, en pcnnanence, .buté sur un bloc solidement structuré de contraintes qui semblent constituer un frein décisif à la restructuration de la société rurale et à l'avènement d'une économie agricole efficiente. Or, les différents acteurs du système rural sont trop faibles' pour pouvoir lever ces contraintes au nombre desquelles on peut souligner: les contraintes liées à la politique d'accumulation et d'alloca~on sectorielle des ressources. Le fonctionnement de l'économie sénégalaise repose principalement sur la mobilisaÏïon de la rente agricole et minière réalisée par un système de (5) L'Etat-développeur est un concept nouveau qu'introduit P. HUGON qui le définit comme suit: • Un Etat qui contrôle l'essentiel des invesùssements, régule l'économie par un système de prix administrés, met en place des instruments de politique keynésiens. Cen'ains pays se référant au léninisme, mettent en place un système bureaucratique, le plus souvent fmancé par les revenus d'enclaves minières étrangères.• Le Parti unique est l'instrument politique de ce genre d'Etat, in • Trente années de pensée africaniste sur le développement ., Revue Afrique conlemporaiM, numéro spkial, 4' ttimestre 1992. (6) P. HUGON, L'économie d'e l'Afrique, Editions La Découvene, Paris 1993, 123 p. 12 r prélèvement à chaque filière de production et d'échange. Dès lors, la croissance ou la décroissance de l'agriculture sera fonction du ni~au des prélèvements opérés par les acteurs intervenants dans le secteur: l'Etat, les divers opérateurs et intermédiaires privés. Il se trouve bien souvent 'que les fonctions opérées ne laissent au secteur aucune base autonome d'accumulation productive. Cet état de fait rend l'agriculture extrêmement vulnérable ëlors même gu' ellê est condamnée à évoluer dans un uni vers caractérisé Har le 'risque, l'incertitude et l'instabilité qui appellent des politiques fortes pour 'gérer toutes les contrall1tes. Ces contrall1tes sont de plUSieurs ordres: • Les contraintes liées à l'instabilité climatique et aux systèmes de production entraînent la dégradation des sols à savoir: -la sécheresse et les conditions climatiques qui sont en partie responsables de la double réduction des terres culti vables et des rendements; - la déforestation et la désertification découlant de la mise en valeur bornée de l'environnement et des agressions qu'exercent sur lui les hommes et les animaux: -la réduction de la fertilité des sols par l'absence de jachère et par la salinisation. Les stratégies de lutte contre la désertification et la reconstruction des zones rurales sévèrement affectées nécessitent des moyens financiers énormes qui ne sont pas à la portée des agriculteurs appauvris et même des opérateurs privés. Par ailleurs, ces stratégies pour être efficaces, doivent intégrer une double problématique, celle de l'aménagement du territoire et celle de l'articulation des systèmes de production des agriculteurs et des éleveurs, L'échec du Comité de Lutte contre la sécheresse au Sahel (ClLSS) est sous ce rapport bien édifiant. Les différents plans élaborés (PNLCD)( 7 ). PAFT(8 )'( PANE(9), etc .. fruit d'un savant jeu d'éguilibre entre la volonte des Quvemements et les désirs des bailleurs de fonds ont donoé des résultats médiocres malgré l'ampleur des moyens mobilisés. Les causes procèdent e la multlpllcne des approches, des actions et des méthodologies avec comme corollaire une juxtaposition d'initiatives, une dispersion des efforts. une absence de supports institutionnels fiables et de politique de,; schémas d'aménagement, etc. Une étude du CILSS note dans ce sens que « la mise en œuvre des plans aboutit généralement à des projets individuels réalisés au (7) PNLCO: Plan national dc lune con Ire la ué'Crlilication, (8) PAf'!': Plan d'action forcsticr tropical. (9) PANE: Plan d'action national pour l'cnvironnemcnt. 1 coup\ par coup selon les accents obtenus des donateurs. Même s'ils sont dits intégrés, ils reflètent une multitude d'intérêts (gouvernement, donateurs, ONG, populations) et présentent une juxtaposition d'actions sans aucune garantie de saine gestion des ressources disponibles et partant de développement durable véritable ~(lO). ~ • Les contraintes sociologiques et structureUes de la société rurale dont les manifestations apparaissent dans : - les logiques singulières de génération (production et échanges) et d'absorption des surplus; - les rapports sociaux de production et de propriété qui continuent de privilégier le groupe domestique au détriment de l'individu; -l'absence de fonnes appropriées de mobilisation et d'organisation de la participation des producteurs à l'élaboration et à l'exécution des décisions ; - la mentalité rurale faite de conservatismes, d'attitudes et comportements iconoclastes. Soulignons à ce niveau, que l'abondance de la terre telle que confinnée dans les faibles densités d'occupation des sols explique que le paysan peut échapper à toute fonne de domination et d'exploitation qui s'établirait à partir du contrôle sur le moyen de production que représente la terre. Cette autonomie paysannale est renforcée par le fait que le paysan a toujours la possibilité de développer des cultures destinées à sa consommation. D'ailleurs, dans les systèmes ruraux non intégralement monétarisés, la culture de rente est un complément de revenu. Dès lors, la propriété privée et l'exploitation ne sont pas une fatalité comme l'est par exemple le marché mondial des produits agricoles. • Les contraintes financières qui se manifeslent à travers: - le difficile accès au crédit du fait des réticences du capital financier, ce qui implique le recours à l'usure qui est particulièrement parasitaire et dépossède les petits agriculteurs et en conséquence empêche la formation d'une épargne capable de contribuer à l'amélioration de la production agricole; - les différentes filières de l'économie agricole où des prélèvements sont opérés par l'Etat, les usuriers et les spéculateurs, les commerçants par le biais fiscal ou par le biais de l'imputation des charges des sociétés d'encadrement du monde rural; (10) CILSS : Analyse des stratégies el plans de lutte contre la désertification dans les pays membres du CILSS, OSfIN.TER. EV AJA-OI. 14 \ - l'imposition de prix administratifs qùi ~ se réajustent' pas proportionnellement à l'évolution des prix des facteu$ de production et au cO\lt de la vie. ' Le crédit dans tout système social est vital pour la réalisation de la production. Cependant, de la colonisation à l'indépendance, le crédit agricole est resté embryonnaire bien que les institutions bancaires commerciales aient inventé un mécanisme inédit de financement des opérations de commercialisation pour les cultures de rente. Cette situation s'explIque, sans doute, par les risques trop élevés de la production agricole dont le niveau est fonction des écosystèmes caractérisés par leur extrême précarité, leur instabilité et leur fragilité. A cela s'ajoute la dégradation des termes de l'échange interne comme externe qui non seulement est défavorable à l'agriculture mais en plus précarise les revenus des producteurs. Un système productif ainsi structuré comporte des risques trop élevés pour les banques commerciales qui travaillent avec des ressources de très court terme. • Les contraintes technologiques quant à elles se traduisent dans lamaftrise insuffisante par les paysans sénégalais du paquet technologique agricole qui a permis, ailleurs en Europe et en Asie, le décollage économique par l'agriculture. C'est le cas notamment de ; -l'outillage agricole qui demeure encore sommaire : -l'absence de techniques de captage et d'utilisation de l'eau; - la faiblesse du matériel de portage (calebasse, corbeille), de conservation et de conditionnement ; -l'immobilisme des techniques et l'absence d'innovations majeures. Dans ce domaine, le problème à résoudre concerne précisément le choix de la technologie la plus appropriée compte tenu des contraintes liées aux objectifs des agents et à leurs possibilités financières. Cela suppose l'existence d'un pool technologique qui pourrait comprendre quatre composantes: -les technologies modernes importées: - les technologies désuètes en Occident mais pouvant encore servir dans les pays à faible potentiel technologique: - les technologies artisanales locales ou importées d'autres pays du Tiers Monde notamment d'Asie et d'Amérique Latine; - les nouvelles technologies. Cette distinction des éléments constitutifs du bloc technologique n'a d'autre but que de permettre une meilleure compréhension des différentes options et combinaisons offertes aux producteurs utilisateurs. Les choix procéderont d'une part des objectifs visés par le producteur et d'autre part, des contraintes techniques ou sociales de revenus. En conséquence, il n'existe pas 15 ! de détenninisme techholo~ique, les options correspondent toujours à des objectifs spécifiés combte la production de nouveaux produits, la valorisation de nouveaux facteurs, la réduction du temps de travail, l'augmentation de la prodùctivité. Cependant, au niveau des agricultures africaines, on observe une trop grande faiblesse du pool technologique à même d'enrichir les sols, de corriger les diverses distorsions et d'améliorer la productivité. C'est le lieu d'observer que dans le domaine technologique, l'Afrique doit mobiliser toutes ses ressources humaines, matérielles et financières pour s'approprier les nouvelles technologies de la Troisième Révolution Industrielle notamment: les énergies renouvelables, les énergies nucléaires de fusion, les nouvelles technologies électroniques et les biotechnologies. Elles sont auj ourd 'hui un moyen d'emprunter un raccourci permettant de trouver des réponses à la crise de l'économie rurale. En effet, ces nouvelles technologies: - permettent à l'agriculture de devenir plus économe en énergie et en intrants grâce au double progrès de la bioconversion et de la microbiologie: la première autorisant la récupération et la ventilisation systématique des déchets et la seconde la fixation de l'azote en vue de diminuer le recours à l'engrais. Egalement, la microbiologie dans son volet génétique contribue à la mise au point de nouvelles variétés végétales et animales plus adaptées aux conditions de l'environnement et plus productives; - facilitent l'avènement d'une agriculture rentable et performante par utilisation plus systématique de la mécanisation et du recours à la télédétection pour une meilleure connaissance des sols et des climats mais aussi la réalisation de choix plus appropriés de culture. Les résistances aux changements et à la révolution scientifique et technique qui bouleverse complètement les conditions de la production agricole, l'immobilisme etl'inenie d'une pan sont à la base de l'impuissance à produire efficacement avec des niveaux de rendement et de productivité élevés, à préserver et conserver les récoltes, et d'autre pan des gaspillages du sol, de l'eau et sunout de la main-d 'œuvre. De plus, on peut dire que les sociétés rurales africaines sont de véritables sociétés de repos ct de chômage où les hommes consacrent au travail 103 jours soit 600 heures par an et les femmes 155 jours, soit 1 100 heures. Cela explique pour une bonne art la sclérose économi ue et sociale. Au vu de ces statistiques, s'interroger pour savoir si « l'Afri ue est su eup ou souspeup lt est une questIon qui n'a pas un grand sens. Le problème e on est que les agriculteurs ont des techniques agricoles rudimentaires qui ne leur permettent point d'avoir des niveaux performants de production. P. GOUROU observe que « l'Afrique tropicale pluvieuse met en culture chaque année 6 % seulement de sa superficie et pone une densité de 23 habitants au km 2 tandis 16 que l' A~ie tropicale pluvieuse cultive chaque année 35 % de sa superficie qui supporte 170 habitants au km 2(1l). ['exemple de la Chine est de ce point de vue encore plus édifiant: sa population qui repré~ente 22 % de celle du monde est nourrie par 7 % seulement des surfaces arables du globe. Il reste évident que ces comportements et attitudes face à la technologie et au travail justifient très amplement à eux seuls la sclérose économique et sociale dont il faut sortir au plus vite. En analysant la politique agricole sénégalaise on peut remarquer une évolution en quatre phases successives qu'illustre parfaitement l'étude du secteur agricole réalisée par l' USAID( 12) : • La première phase va de 1960 à 1966, elle correspond à sept ans de croissance régulière de l'ordre de 2,5 % par an réalisé grâce à : -l'instauration d'un programme agricole ; - un climat favorable ; - des prix préférentiels à l'exportation (sur prix pratiqués par la France) ; - un vaste système coopératif exclusivement concentré sur la fourniture d'intrants et de crédits aux régions arachidières ; - des taux de remboursement faibles des prêts (68 %). La conjugaison de l'ensemble de ces facteurs positifs a contribué à la relance de la croissance de la production arachidière au taux de 40 % qui va exercer à son tour un effet d'entraînement sur les autres secteurs économiques. • La deuxième phase va de 1967 à 1980 : elle est celle des rendements instables et de l'apparition de déficits croissants. Cette période est marquée par: - la suppression des prix préférentiels avec la fin du programme agricole; - la création, l'expansion et finalement la dissolution de J 'ONCAD et des 83 Centres de Développement Régionaux; - l'annulation de la dette agricole à trois reprises; (II) Pierre GOUROU. « Les problèmes agricoles Je l'Afrique noire non sahélienne: ré!lexions d'un géographe ", Revue Genève-Afrique, n° 1. 1988. p. 7-47. Dans la même analyse, l'auteul'note que « les paysans africains ont très peu d'inclination pour les sols lourds et humides. Ils préfèrent les sols légers que leurs houes remuent plus facilement. Ils n'ont pas la maîtrise des llffiénagemenL~ hydrauliques, barrages, canaux, digues ct ne sont pas de bons puisatiers. Exemple, le delta maritime du Niger couvre une vingtaine de milliers de km' : terres alluviales, abondance d'cau douce, navigation facile. Pourtant, il est faiblement peuplé avec 15 habitants/km'. Aucun aménagement, aucune culture irriguée ou inondée ". (12) USAID : Analyse du secteur agricole du Sénégal, USAID/Sénégal/AOO, janvier 1991, 270p. 17 - la fonnation de la lourde dette de l'ONCAD évaluée à 75 ll}}lliards de FCFA en 1980 puis à 142,3 milliards en 1983. Cette période est celle de la montée des déséquilibres macroéconomiques et macrofinanciers qui prennent leur source, en dernière analyse, dans les ruptures intervenues dans l'économie arachidière. La production arachidière bridée par plusieurs facteurs va se trouver très fortement limitée par une chute des rendements et de la productivité (par suite de la dégradation des sols, de la faible utilisation de facteurs modernes de production), et par une détérioration des revenus des producteurs directs (baisse des prix réels et des revenus). L'économie ne dispose plus d'un pôle moteur et cela malgré le développement de nouvelles activités valorisées sur le marché mondial. • La troisième phase est une phase de transition qui va de 1981 à 1983 : elle est la phase dans laquelle la crise économique culmine et a entraîné le démarrage des politiques de stabilisation. Les faits marquants de cette phase sont: -le remplacement de l'ONCAD par la SONAR; - le cumul des déficits de la SONAR entre 1981-1982 s'est élevé à 27,4 milliards de FCFA ; - le premier prêt d'ajustement de la Banque Mondiale est approuvé en décembre 1980 et visait l'amélioration de l'efficacité des Etablissements Publics. Ce PAS a été jugé négatif. • La quatrième phase va de 1984 à 1989 : elle est, à proprement parler, la phase de la stabilisation et de l'ajustement avec: -la fonnulation en 1984 de la Nouvelle Politique Agricole (NPA) ; -l'élaboration de la politique céréalière en 1986 ; - la privatisation, la suppression des subventions et du contrôle des prix; - le redémarrage de la croissance sectorielle. La NPA, à partir du document de mars-avril 1984 définit, le cadre de la nouvelle donne économique du secteur rural. Elle est un ensemble composite et disparate d'orientations, de décisions et de dispositions réglementaires devant contribuer à "assainissement du secteur rural. Les dispositions essentielles sont : - la réorganisation du monde rural autour de la mise en place, à la base, de « Sections villageoises» et des « GroupemenL<; des producteurs» ; - le désengagement de l'Etat par la liquidation ou l'assainissement des sociétés d'intervention en milieu rural (SDR) et la promotion du secteur privé dans certains domaines d'activités; 18 7 - la nouvelle politique de libéralisation concernant tes intrants, .les semences et surtout les engrais; - la politique céréalière avec des prix supposés incitatifs pour relancer la production et réaliser l'autosuffisance alimentaire; - la politique de préservation et de conservation du milieu naturel par la régénération des sols, la lutte contre la désertification et la reforestation. Malgré certaines évolutions pratiques et théoriquement pertinentes, la NPA soulève depuis sa conception beaucoup de problèmes sur lesquels l'unanimité des bailleurs de fonds n'a jamais été requise. Dans ce sens, un document du Ministère Français de la Coopération note l'absence d'un consensus des 0 rateurs nationaux intervenant dans le secteur rural et deS' différents ailleurs de fonds sur les mesures de redressement envisa écs ans Ja NPA. « Cette absence e consensus porte à la fois sur des asp c s echniquès (priorité à l'irrigation ou aux cultures pluviales? Intérêt des engrais sur les différentes cultures, politiques de prix, intérêts des différents groupes de pression: Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix, sectes religieuses, huileries, persOlmel des SOR...). La NPA n'a donc pu être qu'un compromis, et comme tel, cumule des demi-mesures qui ont fini par produire beaucoup d'inconvénients et de contradictions. Afin de satisfaire des opinions ou des intérêts antagonistes, la nouvelle poli tique refuse de choisir entre certaines options et comporte des lacunes ». En conséquence, à l'application elle a révélé beaucoup d'insuffisances qui font obstacle à son emcacité. C'est sans doute cette impasse qui a poussé les autorités sénégalaises à entreprendre de nouvelles négociations en février 1990 avec les bailleurs de fonds. Ces négociations ont abouti à l'établissement du Programme d'Ajustement du Secteur Agricole (PASA). Dans le nouveau programme, le Gouvernement s'engage à : i tO)- poursuivre les réfonnes prévues dans la 1'.1'A notamment la suppression progressive des distorsions entre les prix et les subventions, le désengagement de l'Etat des activités de production et de commercialisation; ('/JI-promouvoir, dans le secteur céréalier, le remplacement du riz importé par les céréales locales: ~ adopter une poliLique d'irrigation moins coûteuse et plus soutenue; ~ - accroître et diversifier la production; ~ - augmenter les contributions sectorielles aux finances publiques. ~ Y/- ~ programme pour reprendre les distinctions opérées par P. JACQUEMOT définit les interventions verticales portant sur les filières (recherche de productivité, redéfinition des tâches des acteurs et des règles du jeu, etc.) et les interventi ales ortant sur 1 . vrant le secteur a 'col écanisme de stabilisation, crédit rural, approvisionnement en intranLc;, infrastructures rurales et hydrauliques villageoises). 19 Evaluant le PASA, Eliot BERG constate « qu'il y a un plus"grand nombre de preuves de stagnation continuelle que de signes de changement »(13). Les raisons avancées se ramènent à « l'inefficacité avec laquelle le PAS a été mis en œuvre» et les réformes institutionnelles insuffisantes. Bien que celle observation soit très pcninente, l'analyse menée en ces termes reste trop pauvre car elle n'explique ni le faible taux d'occupation des agriculteu rs ni le rendement dérisoire du travail. Toute la question est alors de savoir pourquoi les paysans sénégalais travaillent si peu ct si mal. Manifestement, pour comprendre l'état actuel de l'économie rurale qui a abouti à l'instauration d'une nouvelle politique agricole, il impone de bien le situer dans le contexte historique des bouleversements qui avaient conduit à des politiques agricoles post-indépendance fondées principalement sur une intervention généralisée de l'Etat, une assistance ct une protection des acteurs du développement rural au point de les anesthésier totalement en les dépossédant de toute initiative créatrice. L'étude de l'économie politique de l'agriculture coloniale permet d'observer que les rappons de production marchands n'ont presque jamais pris racine dans le secteur rural ct que le libéralisme n'a que rarement réussi à investir le procès de production, le procès de travail en y introduisant sa dynamique « productiviste ». Le secteur agricole « indigène» a tout simplement été intégré dans la sphère de la circulation et n'a connu ni amélioration des rendements, ni accroissement de la productivité. Il a été ainsi maintenu dans un archaïsme séculaire. La meilleure preuve est que les instruments de travail ct les techniques de production sont restés les mêmes depuis des millénaires. En observant le dénuement extrême des campagnes, les cases en chaume, on ne peut manquer de s'interroger, pour savoir ce qu'a apponé réellement à la paysannerie sénégalaise la monoculture arachidière pratiquée depuis le XVIIr siècle. Celte question peut être posée pour toutes les campagnes africaines. Dans celle optique, Louis SAt'MARCO note que « pendant qu'Abidjan se transfonnait à vue d'œil, triomphante dans ses gratteciel et ses embouteillages, tentaculaire dans ses bidonvilles, les villageois dans l'ensemble ne changeaient guère, habitant les mêmes paillotes, vivant des (13) Eliol BERG: AjuslemenJ ajourné: réforme de la politique économique du Sénégal dans les années 1980, Documenl ronéolé : USAID/Dakar. oclobre 1990, p. 13. Il esl absolumenl incontesUible que les objectifs du PASA dans les différents sous-secteurs sont irrécusables et relèvenl de principes de bonne geslion et d'une volonlé d'assainir le. seclCur : réduction du déficÎl financier du sous·seclCur arachidier, dans le sous-seclCur cotonnier réduction du COÛI pour les finances publiques par réforme de la SODEFITEX, réduction du COÛI de produclion du sucre local, pérennisalion du crédil rural, amélioralion du système d'occupation des terres. Seulemenl, ces objectifs sonltrop poncluels pour conslituer à eux seuls une SIr,llé b ie cl ne prennenl pas en considération les structures rurales el les comportements des acleurs. 20 / mêmes menus, dans les mêmes habits. A peine paraissaient-ils dans l'ensemble plus vieux »(14). En rem plaçant Abidjan par Lagos, Kinshasa, Naïrobi, Dakar ou toute autre capitale africaine on aura une situation quasi identique. La conclusion minimale que l'on peut en tirer est qu'en Afrique, le modèle de développement, son système d'accumulation et de répartition des revenus sont défavorables à l'agriculture. Fait aggravant, l'approvisionnement des industries de la métropole en matières premières agricoles ainsi que la recherche de débouchés extérieurs avaient eu pour résultat, dans le cadre de l'économie de traite, l'abandon progressif des cultures vivrières au profit des cultures de rente. Cela a eu pour corollaire une chute de la production vivrière accessoirement suppléée par des imponations alimentaires. C'est de la sone que s'est instaurée la double extraversion des structures productives et des structures de consommation par l'importation de biens alimentaires. En conséquence, à la veille de l'indépendance, le pouvoir colonial laissait un héritage lourd dans le secteur agricole : une monoproduction arachidière avec c1es formes de production et d'exploitation archaïques donnant des rendements extrêmement faibles, une paysannerie doublement appauvrie d'abord par des prix très peu rémunérateurs et ensuite par divers usuriers qui contrôlaient les principaux rouages de distribution et de commercialisation de la production agricole, une agriculture vivrière exsangue, un système coopératif entraînant des distorsions à la fois économiques et sociales. Cette situation sera aggravée par de nouveaux facteurs tels que l'explosion démographique, l'urbanisation, le mimétisme d'un modèle de consommation extraveni fondé sur des biens alimentaires importés (riz, blé, lait, viande, etc.). L'Etat dans ce contexte était condamné à intervenir massivement pour mettre en place une politique agraire, des institutions de promotion et d'encadrement du monde rural ainsi que des instruments juridiques appropriés. Il se présentait alors comme l'acteur principal de la restructuration de la société rurale déconnectée de l'économie marchande et maintenue dans une situation d'arriération et d'archaïsme par un ensemble de pesanteurs historiques, sociologiques et politiques. Dans les plans de développement qui vont se succéder, l'agriculture est érigée au rang de secteur prioritaire devant contribuer à la croissance, à l'élévation du niveau de vie des paysans et à la réduction des inégalités entre villes et campagnes. Les autres objectifs fixés par la politique agricole visaient entre autres: -l'intensification de la production arachide-mil ; -la diversification par l'introduction de nouvelles cultures; (14) Louis SANMARCO, " Le monde rural sacrifié: De l'injustice au risque écologique _, Revue Afriquè COfIlemporaine, nO 164, octobre-décembre 1992. 21 - l'étude des dimensions optimales des exploitations ainsi que la mise au point de méthodes culturales nouvelles; -l'intégration de l'agriculture et de l'élevage; -l'expérimentation et la mise en valeur de terres neuves afin de maîtriser les éléments nécessaires à l'extension de l'agriculture; -l'organisation, l'amélioration de la commercialisation et le stockage de tous les produits agricoles; - l'industrialisation agricole pour valoriser la production ct absorber l'exode rural ; - la réorganisation, le renforcement et l'harmonisation des structures d'encadrement. L'Etat, progressivement, et à juste titre, s'installe au cœur du système rural et met en place un vaste réseau de sociétés d'intervention (SOR) pour réaliser la politique ainsi définie. Comme partout ailleurs en A frique, cette prolifération des SOR est un indice révélateur de l'absence d'une politique agricole globale et cohérente tenant compte de toute la complexité du monde rural. Ces sociétés vont couvrir environ 75 % du territoire national et se verront attribuer des prérogatives de plus en plus larges que des milliers de techniciens et d'agents d'encadrement doivent réaliser sur le terrain. Relevant de ministères différents, ces SOR comme le note J. Marc ELA « ne travaillent pas toujours dans un esprit de concertation ». L'auteur cite à l'appui le cas de la Casamance où « .. les Sociétés d'intervention s'entrecroisent parfois sur les mêmes champs... n. Or. au lieu de se tourner vers le Gouvernement pour dire à celui-ci" mission accomplie, nous avons produit, encadré, formé les producteurs et remis leurs coopératives à des gestionnaires tirés de leur sein ", elles s'incrustent, prolifèrent et s'entrecroisent »(15). Une pareille situation se rencontre dans presque toutes les régions à vocation agricole. Les paysans écartelés entre plusieurs SOR ct de multiples agents proposant chacun leurs méthodes sont totalement perdus et finissent par ne plus savoir à quel saint se vouer. Globalement, ceLLe stratégie de développement agricole impulsée par l'Etat s'est soldée par une crise qui a conduit à la mise en place de la Nouvelle Politique Agricole (NPA) conçue au départ comme un élément de solution à la crise de l'économie sénégalaise qui se mani feste dans la montée de déséquilibres macro-économiques de grande ampleur (double déficit persistant du budget et de la balance commerciale), le faible rendement des investissements publics, leur non pertinence et l'endettement massif et insupportable. Le plan ct 'action élaboré par le Gouvernement et les bailleurs (15) Jean-Marc ELA, Quand l'Etal pénètre en brousse. Les ripostes paysannes à /0 crise, Editions Kanhala. Paris 1990, p. 100. 22 de fonds se fondait sur l'idée que toute politique qui stopperait les transferts de revenu du monde rural vers le monde urbain et vers l'extérieur aura des effets positifs sur le développement. La NPA est alors présentée comme une politique capable de changer la structure de répartition des revenus, les deux autres étant la politique des investissements du VII" Plan et la politique des prix des produits agricoles. C'est pourquoi les Institutions Financières Internationales vont recommander alors, un ajustement structurel capable de déclencher dans tous les secteurs de l'économie nationale un « cercle vertueux» de fonctionnement efficace et rentable. Au niveau de l'agriculture, la nouvelle donne se traduit par la suppression des offices d'approvisionnement (Marketing boards), la suppression des subventions aux produits alimentaires et aux intrants agricoles, la promotion sans entrave de l'initiative privée et le désengagement de l'Etat. Une analyse, même rapide, établit que dans la décennie des années soixante-dix, l'agriculture sénégalaise connaissait déjà de graves problèmes dont les manifestations étaient à la fois claires et diverses: déficit financier et inefficacité des sociéLés d'intervention, stagnation des surfaces cultivées et des rendements, crise agro-alimentaire affectant négativement les ressources en devises, détérioration permanente du pouvoir d'achat des producteurs. Ces distorsions venaient s'ajouter à d'autres pour accentuer les déséquilibres physico-financiers des années quatre-vingt qui vont imposer, au plan macroéconomique, les politiques d'ajustement structurel et introduire les conditions d'une gestion assistée et progressivement contrôlée par le biais de sévères conditionalités par les institutions monétaires et financières internationales. J) La faillite des sociétés d'intervention dans le monde rural Les pouvoirs publics avaient créé des sociétés chargées de promouvoir le développement, d'encadrer les paysans et de diffuser les technologies susceptibles d'améliorer la productivité du travail et les rendements. Progressivement, leur nombre a rapidement augmenté passant de 4 en 1962 à 10 en 1982 ; également, leurs prérogatives se sont tellement élargies qu'elles ont fini par investir tous les companiments du secteur rural. Toutefois, ces sociétés d'intervention vont connaître au fil des années, des problèmes à la fois financiers, techniques et sociaux suite à une gestion à tout point de vue incompétente et désastreuse. Au plan financier, elles accusent un déficit de plus en plus lourd qui passe de 5 milliards en 1978 à 9 milliards en 1980 et 12 milliards en 1982. Elles deviennent progressivement des gouffres financiers qui grèvent lourdement le budget de l'Etat. Après la faillite de l'ONCAD qui laisse une ardoise d'une centaine de milliards de francs CFA et la dissolution de la SONAR, après un déficit d'environ 8 milliards, il était 23 1 désonnais permis de douter de l'efficacit{de telles sociétés dont les dettes continueront de peser encore sur les finances publiques. Au plan technico-agronomique, les SOR n'qnt pas réussi à découvrir et à diffuser des technologies fiables et appropriées' capables d'améliorer les rendements et la productivité au niveau de leurs zones d'implantation. Enfin, au plan de l'encadrement, toutes les études reconnaissent que l'intervention des SOR n'a pas servi les intérêts des petits producteurs. Tout au plus, elles ont bénéficié techniquement, économiquement et socialement à une élite paysanne. Par ailleurs, par une assistance bureaucratique et pesante, elles ont complètement empêché les paysans de se prendre véritablement en charge en développant leur propre dynamique d'organisation, de production et de commercialisation. Ces diverses lacunes conjuguées aux médiocres perfonnances, aux déficits financiers devenus insupportables ont conduit l'Etat à démanteler dans la précipitation les SOR en transférant tout ou partie de leurs attributions à d'autres acteurs du développement rural comme les coopératives ou à certains privés nationaux. Bien entendu, ce démantèlement précipité et sans plan des SOR devait entraîner de nombreux et complexes problèmes économiques et sociaux. A y regarder de près, ce mouvement va en droite ligne vers le désengagement de l'Etat dans la mouvance libérale « du plus de marché et du moins d'Etat» qui augure une nouvelle philosophie économique selon laquelle le champ de l'Etat ainsi que ses moyens d'action et de régulation doivem être à la fois restreints et redéployés. Autrement dit, il est décrcté que l'Etat doit changer de métier. Dès lors, il est postulé que les paysans sénégalais peuvent et doivent vivre sans Etat (promotion du marché et de l'initiative privée) et sans Nation (déprotection et ouverture sans entrave sur le marché extérieur). On peut alors se demander: comment des paysans qui ne bénéficient (à l'inverse de leurs homologues d'Occident) d'aucune subvention ou d'aucune protection douanière (subissant au contraire la concurrence de produits étrangers subventionnés), qui sont soumis à des prélèvements élevés, qui travaillent sans grands moyens avec des méthodes peu productives sur des sols pauvres et fragiles, peuvent-ils être efficaces et perfonnants ? Nous montrerons tout le long de celle recherche que l'agriculLure est l'un des marchés les plus réglementés et dans tous les pays. 2) Le déficit agro-alimentaire et son incidence sur la balance des paiements C'est la deuxième manifestation de la crise de la politique agricole menée par l'Etat seul ou appuyé par ses partenaires. On observe dans la période 19601984, que les cultures ont stagné ou ont par moment progressé à des taux de 24 croissance faibles largement inférieurs au croit démographique; ce qui a littéralement fait exploser la demande alimentaire à la suite de la double explosion démographique et urbaine, Si l'emballement de la machine démographique est bien connu, le phénomène urbain en revanche est sousanalysé et mérite une étude plus fouillée car il est en passe de devcnir un élément majeur de la crise des systèmes socio-économiques et surtout des systèmes alimentaires en Afrique, Généralement dans ces pays agricoles du Tiers-Monde, la ville n'est ni l'expression d'une croissance économique ni le produit d'un processus de modernisation et de socialisation: elle est la conséquence directe de l'échec des politiques agricoles qui rend la pauvreté urbaine plus attrayante que la pauvreté rurale. L'cxode rural est alors le meilleur moyen d'échapper à la marginalisation sociale. « Les fils de paysans attirés vers la ville par l'illusion de revenus stables et de nourriture bon marché gonflent de plus en plus les bidonvilles qui deviendront de plus en plus explosifs »(16). Là réside l'explication de l'urbanisation qui s'accélère au Sénégal: 34 % de la population vivaient en 1976 dans les villes, ce chiffre est de 39 % pour 1988 et sera de 47 % pour l'an 2000. Les deux régions de Dakar et de Thiès représentent à elles seules 35 % de la population totale et concentrent 66 % de l'ensemble de la population urbaine, La région de Dakar avec plus de 1 500 000 d 'habi tants abrite 22 % de la population sénégalaisc(17), Quant à la dynamique de croissance démographique, elle a, pour conséquence, un accroissement régulier de la dcmande de produits céréaliers alors que l'urbanisation rapide et désordonnée entraîne un glissement du modèle de consommation vers des céréales importées comme le riz et le blé, Ainsi, le riz occupe la deuxième place dans l'alimentation. Sa consommation augmente plus vi te que celle de toutes les autres céréales et passe de 190 000 tonnes en 1961 à plus de 500 000 tonnes soit une hausse de 119 %. Il représente en moyenne 50 % de la consommation en milieu urbain et 29 % en mlheu rural. Pourtant, la production nationale couvre à peine 25 % des besoins, Une enquête récente de la Direction de la Prévision et de la Statistique (1991-1993) montre que les paysans ont dépensé pour 33,6 milliards de francs FCFA, soit 22 % de leurs revenus pour l'achat de [iz importé contre 35,1 milliards en milieu urbain alors que le rapport des revenus par ménage est de 3,4 en faveur des villcs. Il en est de même pour le thé avcc (16) Louis SANMARCO, op. cil. (17) Celle disparilé préjudiciable au développement se manifesle dans le fait que durant la ~iode 1973-1985 le milieu rural (soit 2/3 de la population) a reçu 21 % des investissements et le milieu urbain (lf3 de la populalion) environ 69 %. Pendant le VI' Plan. la Région de Dakar a mobilisé 4 fois plus d'investissement que la région de Diourbel, 4,1 fois plus que celle de Kaolack el Falick, 2,8 fois plus que celle de Louga 2,5 fois plus que celle de Thiès, 1,6 fois plus que celles de Ziguinchor et Kolda et 1,4 fois plus que celle de Tambacounda. 25 - une consommation rurale de 7,04 milliards (8,7 % des revenus) contre 6,03 en ville. Or, on sait que la recette tirée de la céréariculture ne représente que 20 % des revenus; c'est dire que déficit vivrier et extraversion de la consommation sont aussi le lot des campagnes sénégalaises(18). Ces faits sont symptomatiques d'une « rizification » du modèle sénégalais de consommation qui trouve son explication d'une part dans l'absence de liens entre les systèmes de production et les systèmes de consommation (double extraversion des modèles de production et de consommation), et d'autre part dans la structure même des prix aux consommateurs. En effet, dans un souci de sécurisation et de stabilisation des prix du marché céréalier, l'Etat a toujours mis en place des organismes et des mécanismes destinés à encadrer la filière céréalière(l9). Il semble qu'une telle politique de nourriture bon marché relève d'une volonté de ne point mécontenter les masses urbaines poli tiquement dangereuses. L'objecti f de sécurité ou d'au tosu ffisance, préalable de tout développement, ne peut être atteint qu'en rompant radicalement avec un tel modèle fondé sur les biens importés provenant du marché céréalier ou de l'assistance -internationale. En définitive, comme le souligne P. GOUROU, « l'importation de céréales à bas prix est une solution plaisante qui permet à la fois de calmer la faim citadine et d'éviter les émeutes. Mais alors, pourra-t-on bénéficier pour \ longtemps encore de céréales gratuites ou à un prix de dumping »(20). L'amplification de la crise agricole par l'uniformisation mondiale des systèmes de production et de consommation est révélée par le schéma (p. 27) établi par Michel GRIFFON et Pierre JACQUEMOT qui montrent les interrelations entre marché alimentaire mondial, marché alimentaire urbain africain et systèmes productifs agricoles africains. La surévaluation des monnaies qui permet d'importer le riz et le blé à bon marché est fortement remise en question aujourd 'hui par les institutions financières internationales qui ont toujours exigé et ont finalement obtenu la dévaluation du FCFA, cette mesure serait à même de rendre compétitive la production alimentaire locale. Dans le cadre de la dévaluation du franc CFA, le renchérissement du prix des produits alimentaires devrait entraîner un déplacement de la demande de biens agricoles importés vers ceux qui leur sont substitutifs et produits localement. Cela suppose d'une part que le prix soit l'élément déterminant de la production agricole et d'autre part que les contraintes d'ordre climatique et écologique n'aient qu'une très faible (18) Ministère des Finances-D,P.S. : Enquête sur les priorités, février 1993. (19) ScIon l'observation de M. GRIFPON et P. JACQUEMOT. " l'intégration des villes africaines dans un marché alimentaire mondial qui tend vers l'uniformisation des normes de consommation contribue à étendre les mécanismes du développement inégal. Elle produit des effets de dissociation irrémédiable sur la structure sociale nationale •. (20) P GOURROU : op. cil. 26 '1 I.Muché alitent.ire IOndi.1 2. Kmhé .1 imtaire urbaill africain • !lcédenta céré.liers au lord rml tut d'me croi8l&l1u de l'offre (due l 1. forte productivitél et d'Olle stagnlt ion de 1. deunde. • La vWe, .gent de prop&&.t iOI du lodèle de CODSoant ioa ilporté lecherche de débouchés par pol it iques de larché et de priI Aupeotat ion des ilportations. Aupeotation de l'aide alimtaire . • StagnatiOi de ta delande de produit. uotiques africailll et fortes flactuatiollJ des com. 3, Systète8 productif. .!ricoles africain. Concurrence ptr les pril relat iCI sur lu productiOllJ &l ilent. itel locales ch!ngeaent dans les stroctores de coosomt ions Dissociatiol entre lOdèle de conlo'lItiol ,rbail et capacité productive. paYS&lllIe. • La ville, agent de prUèment du mplus agraire pour satisfaire besoins urbains et adainistratifs avec fa ib le contrepart ie ml l'agriCllltm legression du potentiel proouctif &lplifi~ pit les crises ponctuelles (c1il8tiqueal et 1& crise délo écologique chronique Déf ici t externe. Déficit budgétaire Raine du mphs agraire. 1 , • IIonopoliutioB III niveau des Î1trlllt. (engrais, selences sé leet iOllllus) et dei technologiu '&ricoles. Hon-reproductiOi de. .ystèaes agraire. sur des bases endogène. et échec des 'J.tèle. productif. ilportb. 27 incidence sur la flexibilité de la production agricole. Le paysan raisonnant en termes de revenu réel va se trouver en face de deux alternatives: soit accroître sa production de façon à atteindre le niveau antérieur de rémunération (par extension des terres), soit renoncer à produi:e, s'il juge l'effort supplémentaire sans commune mesure avec ses gains et venir gonfler les villes en s'adonnant à une activité informelle. La dévaluation intervenue le Il janvier 1994, au moment de l'édition de cet ouvrage devrait dans les mois à venir nous offrir quelques repères sur ce que sera réellement le comportement de l'agriculteur sénégalais qui dans le passé n'a pas répondu aux incitations économiques, en augmentant, par exemple, les emblavures(2l). Globalement, la percée du riz et du blé, dans le modèle urbain de consommation tient aussi au coût de ces céréales qui rentrent en compétition avec les céréales locales et les tubercules. En maùère d'offre de riz, les Etats-Unis (PL 480) et la Thailande se livrent une concurrence sans merci pour la conquête du marché africain par le biais de politiques d'exportations agressives et subventionnées, de programmes de crédit et d'aide alimentaire. La dévaluation sera-t-elle suffisante pour inverser pareille situation? Il reste que ces tendances se traduisent actuellement par un déficit céréalier d'environ 600 (X)() tonnes couvert par les importations et l'assistance alimentaire internationale. Ainsi, des ressources en devises de plus en plus importantes seront soustraites pour des tins de consommation finale limitant alors l'investissement productif. Sur des importations totales de 396 milliards de FCFA en 1989, le riz et le blé ont représenté 50,6 milliards soit 13 % alors que l'ensemble des produits alimentaires importés interviennent pour 100,9 milliards CFA, soit 25,5 % du total des im ortations lobales. Les Investissements ans l'agriculture sont dérisoires par rapport à ces transferts au profit du marché alimentaire mondial. Au vu de ces chiffres, il s'impose l'impérieuse nécessité de reconguérir ces marchés urbains. Si l'agriculture arrive à capter ne serait que 20 % de la demande, elle réaliserait des gains beaucoup plus appréciables que ceux procurés par une filière arachidière depuis longtemps déclinante(22). (21) Le calcul des coefficients de protection nominale pour la période 1985 -1990 concernant les cinq principales cultures agricoles donne 1,3 pour le mil, 1,6 pour le maïs, 2,0 pour le riz et 1,1 pour le coton et pour l'arachide et montre que la surévaluation du CFA ne protège pas assez, le mil. le maïs, le coton et l'arachide. Théoriquement la dévaluation devrait pour le mil et le maïs entrainer une augmentation de la production dcstinée à la consommation locale à condition que les effets de substitution soient favorables et que la production puisse être ex tensible pour répondre à une demande additionnelle. Pour l'arachide et le coton interfèrent plusieurs autres facteurs comme les élastiCités, les cours mondiaux, le coût des intrants et les prix relatifs des autres cultures. (Lire la noIe 22 p. 29). 28 Cet aspect de la crise est essentiel en ce sens qu'il indique clairement que le Sénégal pour s'en sortir devrait commencer par réduire tout au moins sa dépendance extérieure par la maîUise des importations vivrières et d'autre part par instaurer des politiques intérieures capables de transformer la croissance de la demande en vecteur de production et d'échange. Cela suppose que la recherche et la réflexion doivent être déplacées vers cette donnée importante mais très mal connue: les modèles de consommation rurale et urbaine. Si l'on ne maîtrise pas cette composante essentielle, il y aura la grave illusion de vouloir nourrir le pays avec les excédents et l'assistance alimentaire de l'extérieur. 3) L'inefficacité de la politique agricole dans le domaine de l'accroissement des superficies et des rendements La stagnation des surfaces cultivées et des rendements est la troisième manifestation de la crise agraire. Dans la période de 1969-1984, les surfaces cultivées sont restées relativement stables ce qui a entraîné, avec le croît démographique, une baisse de la surface cultivée par actif rural qui passe de 0,58 ha en 1969 à 0,40 en 1984. Cette tendance s'observe à la fois pour l'arachide et les céréales. Par ailleurs, l'évolution des surfaces cultivées n'a pas modifié le rapport entre surfaces culLivées en arachide et celles consacrées aux céréales. Le rapport est favorable aux surfaces emblavées en arachides (1 100 ()()() ha). Dans l'évaluation de la NPA, les experts ont fait le constat que dans la période 1985-1991, l'application de la nouvelle politique ct le désengagement de l'Etat ne se sont pas traduits par une régression de la production. 11 est vrai que, pour l'essentiel, la production annuelle moyenne au cours des sept dernières campagnes est, par rapport à la moyenne annuelle observée de 1960 à 1991, en légère progression: - moyenne 1960-1991 : 1 745 217 tonnes toutes spéculations; - moyenne 1985-1995 : 1 884 902 tonnes toutes spéculations. Cependant, si on rapporte ces deux moyennes à la croissance démographique on observe qu'il y a une très nette régression de la production per capita. Par ailleurs. une analyse plus fine établirait que les légères hausses (22) Dans mon ouvrage Crise Economique el AjustenJenl au Sénégal. j'observais déjà que depuis son indépendance, le Sénégal a transféré au marché alimentaire mondial au titre des imponations de riz, plus de 300 milliards de FCFA en francs de 1971. Si la moitié de ces ressources avaient été seulement investies dans l'agriculture nationale l'objectif d'autosuffisance alimentaire aurait été largement aueint et même dépassé. 29 ne sont pas dues à des gains de productivité mais à des accroissements de superficies cultivées, ou à des pluviométries relativement favorables. En matière de rendement, malgré les efforts de recherche et de vulgarisation, aucune performance réellement significative n'a été enregistrée même après la mise en application de la NPA. Si par moment les rendements ont varié du simple au double cela est da à une pluviométrie favorable, c'est dire clairement que les facteurs climatiques sont réellement surdéterminants dans l'évaluation des performances agricoles. Pour l'arachide, les rendements tournent entre 700 et 900 kg/ha. Le tableau suivant en dOIUle une illustration édifiante : Arachide Mil Rendement (T/Ha) ............................................... Valeur économique (FCFNKg) ............................... Rentabilité nette de la main-d'œuvre (FCFA/homme-jour) 0,7 117,4 763 0,5 97,3 337 Colon 0,9 146,0 931 Source: Banque Mondiale: Mémorandum p. 105. En définitive, les faibles rendements observés et sunout leur irrégularité traduisent une maîtrise imparfaite des conditions générales de la production agricole notamment les facteurs naturels (climat, écolo ie et techni ues seau imgation, tectUlologie, disponibilité et coûts des intrants. pratiQues culturales), les systèmes et possibilités de culture. Face à celle situation, aucune politique cohérente d'incitation n'a été mise en œuvre comme par exemple l'instauration de prix rémunérateurs pour les produits agricoles ou d'autres mesures d'incitation à l'accroissement des rendements et de la productivité du travail agricole comme l'utilisation de technologies appropriées. 4) La détérioration du pouvoir d'achat des producteurs La structure des revenus des ménages ressort du tableau 1 construit à partir de l'enquête sur les priorités. Cette évolution montre que les revenus monétaires des agriculteurs se sont dans l'ensemble profondément détériorés entraînant une baisse notable du pouvoir d'achat. Ces revenus provieIUlent pour plus de 90 % de l'arachide dont les prix d'achat du kilogramme ont évolué comme suit en francs constants de 1972 (déflatés par l'indice des prix à la consommation en milieu africain) : 30 En En En En 1960 1965 1972 1977 En 1983 . . . . . 29,OF 25,OF 23,7 F 21,6F 18,OF Le même phénomène est observable pour les autres grands produits agricoles notamment le coton et le riz-paddy. Dans le même temps, le revenu rural moyen, à son tour, s'est conséquemment détérioré comme l'indique l'évolution suivante: En En En En En En En 1960 1965 1972 1977 1983 1985 1990 . .. . . . . . 22 000 F 15400 F 12000 F 10 900 F 8800F lO000F 8000F Ces statistiques sont révélatrices d'un processus d'appauvrissement du monde rural qui avait été constaté depuis les années soixante-dix par une étude du Conseil Economique et Social, sur « le pouvoir d'achat paysan ». li reste que la montée de la pauvreté du monde rural qui fOlme la proportion la plus importante de la populaùon totale, risque d'empirer et de constituer un obstacle sérieux pour le développement durable. Louis SANMARCO rapporte qu'un pays comme « la Côte-d'Ivoire pour faire face à la crise dut se résigner à opérer une baisse durable des prix et diminuer le train de vie de la nation. Elle adopta pour y parvenir deux séries de mesures d'abord une diminution du prix d'achat du cacao au producteur de 400 à 200 FCFA et ensuite des abattements de 10 à 40 % sur les salaires et traitements. Le monde rural se soumit sans mouvement apparent de protestation. La ville touchée directement par les secondes mesures se souleva et le Gouvernement dut reporter les baisses prévues. Ainsi, l'austérité indispensable ne frappe que les agriculteurs, ce qui donne la mesure du poids respectif des diverses classes de la société »(23). Ces faits marquants, pas propres à la seule Côte-d'Ivoire, dénotent l'incapacité des paysanneries africaines à revendiquer et obtenir une part appropriée dans la répartition du produit social à travers des formes modernes d'organisations politiques et syndicales. Cette situation tient principalement à la faiblesse de leur conscience de classe, au conservatisme rural et à leur grande dispersion, mais elle procède aussi du fait que les Etats engagés dans (23) L. SANMARCO, op. cil. 31 des politiques industrielles de substitution aux importations ont cherché à approvisionner prioritairement les villes et aux moindres coOts afin de contenir les niveaux de salaire. Dès lors, il appann1 clairement que le poids de l'ajustement est assez mal partagé: les pauvres deviennent plus pauvres et doivent l'accepter avec résignation en l'absence de moyens insti tutionnels et juridiques pour se défendre(24). Pourtant, l'analyse économique établit maintenant que l'accroissement de la productivité et des rendements de l'agriculture est impossible sans une augmentation substantielle des revenus agricoles qui seuls peuvent à la fois stimuler l'expansion de la demande et en voie de conséquence créer de meilleures conditions pour la production. En effet, il est bien établi que les gains de productivité dans tout système productif dépendent de deux causes principales toutes deux fortement corrélées au revenu à savoir: la combinaison optimale des facteurs modernes de production (engrais, variétés à haut rendement, motorisation, pesticide, produits phytosanitaires, etc.) et le progrès technique, c'est-à-dire la capacité d'innovation et d'utilisation de nouvelles technologies provenant de savoirsfaire locaux ou importés. Il est très peu probable qu'un monde rural aussi appauvri, donc incapable d'acquérir ces facteurs de production puisse résister aux aléas climatiques et bouleverser fondamentalement les conditions de production et de reproduction élargie de l'agriculture tout en jetant les bases de son auto-développement. Si les paysans ont résisté à la famine et aux différentes calamités naturelles, c'est grâce à l'autoconsommation qui représente l'équivalent de leur revenu monétaire, à l'extension du secteur informel urbain et à l'assistance alimentaire internationale. Voilà qui explique que l'Afrique a totalement remplacé l'Asie et l'Amérique Latine dans le recours à l'aide alimentaire mondiale. Cette aide pour les pays sahéliens augmente sans cesse et se fixe actuellement à plus de 400 000 tonnes (équivalent céréales). Elle est à la fois source de recettes budgétaires (quand elle est vendue comme le PL 480) et moyen de stabilisation des prix et des revenus urbains. Les médiocres performances globales de l'agriculture sénégalaise s'expliquent aussi par la conjugaison d'un ensemble de facteurs exogènes dont la sécheresse et la détérioration des cours internationaux de l'arachide. Cette évolution des cours s'est située entre un niveau plancher de 293 dollars la tonne et un niveau plafond de 1 077 dollars. Par ailleurs, une agriculture où (24) Il esl mainlenanl heureux de voir la Banque Mondiale et les aUlres inslitulions internalionales s'inveslir très massivemenl sur ces queslions de pauvrelé et d'équilé. Il est aujourd'hui bien reconnu .. que dans un marché où produits, capilaux et technologies circulent el s'échangenl librement, ce som les hommes qui font la différence ,. (L. SlOleru). C'esl donc la ressource humaine qui va différencier les performances des divers pays. En conséquence, une population en bonne sanlé, bien instruile el assez qualifiée esl un facleur essentiel de croissance. 32 l'irrigation est faible, les conditions climatiques et écologiques deviennent des facteurs détenninants. Il est marùfeste que les pentes raides très peu fertiles qui couvrent la majeure partie du territoire, la forte instabilité climatique caractérisée par l'irrégularité de la pluviosité dans le temps et la mauvaise répartition des précipitations dans l'espace, le déséquilibre écologique qui se matérialise dans une tendance irréversible à la désertification, ont déteint négativement sur la production agricole et ont annulé tout gain de productivité. Pour prendre le cas de la sécheresse, sur une période de vingt-trois ans (1960-1983), la dégradation de la pluviométrie a été observée onze fois et le nombre d'années de pluies exceptionnellement favorables n'a été que de trois. Il est évident que cette instabilité de l'environnement affecte à la fois les rendements et la production globale. Il reste, cependant vrai, qu'aucune politique n'était mise en place pour atténuer les effets de la sécheresse comme par exemple la maîtrise de l'eau par les techniques de captage ou de petits barrages villageois. Face à l'instabilité et à la précarité de l'environnement naturel. certaines parades étaient ouvertes comme l'élaboration d'un programme de maîtrise de l'eau, la refonte de la carte semencière, l'utilisation de variétés à cycle végétatif rapide plus adaptées à la sécheresse, la systématisation du stockage pour corriger les variations cycliques, etc. L'agriculture, dans la situation présente des économies africaines en général et sénégalaise en particulier, peut être, assurément le secteur moteur capable d'entraîner l'ensemble des autres activités productives dans le cadre d'un développement durable, irréversible et équilibré. Naturellement, la seule condition est qu'elle ne soit point bloquée par un environnement et des politiques défavorables. En effet, les statistiques établissent que l'agriculture, même avec ses faibles perfonnances, occupe plus de 60 % de la maind'œuvre, représente 21,3 % du PIB (1985-1989), fournit 30 % des matières premières utilisées par le secteur industriel et en moyenne 21 % des recettes d'exportation. Pour que l'agriculture puisse jouer ce rôle moteur, il faut absolument que le système de génération et d'absorption de la rente agricole contribue à la reconstitution du potentiel de production. En effet, toute l'analyse qui va suivre, montre que les surplus qui se fonnent dans le secteur agricole subissent des prélèvements par le biais des prix, de la fiscalité ou des SOR (imputation des charges de l'encadrement). Cette allocution du surplus ne permet pas la constitution d'une base suffisante et autonome d'accumulation sans laquelle le monde rural sera incapable d'assurer son autodéveloppement. La rente agricole a toujours été la source principale du modèle d'accumulation, elle a surtout alimenté depuis l'indépendance les finances publiques mais aussi les consommations ostentatoires des élites urbaines. Pour cette raison, il devient encore impérieux d'opérer et de réussir une révolution agricole véritable aux formes inédites qui réaliserait le double objectif de résorption du déficit alimentaire et d 'él~vatiO\l de la productivité par agriculteur et par surface cultivée. ' Il est maintenant nettement établi, qu'après deux siècles d'esclavage, un siècle de colonisation, trois décennies de gestion économique et financière laxiste, l'Afrique est rentrée dans une crise multidimensionnelle et profonde. Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour dire qu'elle ne peut s'en sortir que par une révolution agraire d'une très grande ampleur. Pour y arriver les Institutions Financières Internationales notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International proposent aux décideurs africains une autre politique de développement agricole: le Programme d'Ajustement Structurel de l'Agriculture (PASA) qui est, au Sénégal, le prolongement de la NPA de mai 1984. Les objectifs sont demeurés pour l'essentiel identiques à savoir accroissement et diversification de la production, augmentation des contributions sectorielles aux finances publiques. On compte atteindre ces objectifs par la suppression progressive des distorsions entre les prix et les subventions, le désengagement de l'Etat des activit~s de production et de commercialisation et l'adoption d'une politique d'irrigation moins coOteuse et plus soutenue~ Il s'agit dans le cadre global de l'ajustement structurel d'opérer une organisation libérale de l'économie rurale, de restructurer çomplètement le secteur en vue de retrouver la voie d'une croissance à la fois régulière et stable. Pourtant, aujourd 'hui, plusieurs évaluations mettent en doute l'adéqUation des PAS ainsi que leur capacité effective à relancer la croissance. Eliot BERG (père spirituel des PAS) n'a pas hésité à parler de ~ l'Ajustement ajourné» au Sénégal en soulignant de façon désolée les très faibles performances des politiques sectorielles (NPA, NPI) et des mesures d'encadrement (désengagement et suppression des effets d'éviction du secteur public vis-à-vis du secteur privé, politique fiscale et monétaire). Une évaluation plus récente opérée par la Banque Mondiale dresse un bilan de l'ajustement au Sénégal depuis les années quatre-vingt et conclut que les résultats d'ensemble sont très décevants : ~ le Sénégal a essentiellement réalisé une stabilisation financière, assortie d'une stagnation de l'économie - le revenu par habitant n'a enregistré qu'une faible augmentation »(25). Dans notre appréciation des PAS, -nous avions particulièrement souligné quelques incohérences théoriques du modèle de référence pour ensuite insister (25) Banque Mondiale, Stabilisalion, ajustement partiel et stagna/ion au Sénégal, Rappon nO 11506 SE. mai 1993. 34 sur la mauvaise connaissance de l'économie nationale (structures et comportements des acteurs ainsi que les valeurs culturelles dans lesquelles ils baignent) et l'utilisation d'instruments inadéquats de politique économique (quel que soit du reste leur degré de rationalité)(26). En effet, comme l'observe P. HUGON, « les dynamismes ~ du dedans « émergent au-delà de l'écume des flux macro-économiques et des équilibres comptables. Les rationaliïés micro-économiques des agents sont Béés à leur a artenance à des r seaux et es structures qui conduisent à des comportements atypiques »(27). Il est clair qu 'en ignorant tous ces paramètres, tous ces comportements, toutes ces structures, les politiques macro-économiques projetées n'ont que très peu de chance de se réaliser. Les raisons sont à chercher dans les orientations de base et les structures et non dans les instruments. Il est bien connu que les paysans africains manifestent beaucoup de réticence à l'égard de certaines innovations, persistent dans leurs logiques autarciques et maintiennent des cultures extensives à faible productivité. Il faut alors chercher une démarche efficace pour les intégrer dans de nouveaux modèles d'organisation et de production. Les résultats plus que mitigés de deux décennies de PAS apportent la preuve par mille que cette politique est loin d'être efficace. Les causes d'échec sont maintenant bien connues : incohérences dans l'élaboration des programmes, absence d 'opérationnalité des instruments de politique économique, connaissance insuffisante des structures d'organisation socioéconomique, mauvaise appréciation des fonctions du marché dans des systèmes productifs désarticulés et toujours cloisonnés avec des logiques de fonctionnement extrêmement hétérogènes et extrême faiblesse des appuis institutionnels. A tout cela s'ajoute un autre élément, la grande faiblesse de l'Etat contraint de conduire parfois sans conviction un PAS dans l'unique but de bénéficier des crédits nécessaires pour assurer le financement des déficits budgétaires. En définitive, l'Etat africain est un des handicaps majeurs des PAS. li n'est que de constater, sous ce rapport, la rigueur et l'efficacité des Etats du Sud-Est asiatique qui ont réformé. restructuré et rendu performantes leurs économies, alors même gue l'Etat africain fait preuve dans les domaine économique. administratif et social de très peu de dynamisme. D'ailleurs, la légitimité de l'intervention des Etats en Asie n'a jamais été remise en question. Globalement, en Afrique, l'Etat subit une double pression d'en haut par un (26) Le Pr François BOYE dans une analyse « du modèle de la Banque Mondiale au crible de l'expérience sénégalaise dans la Revue Sociétés·Espaces·Temps, 1992, (p. 5-16) aboutit à la conclusion, après une série de tests économétriques, que .. l'expérience sénégalaise de réforme de l'agriculLure n'est pas prête de se muer en une expérience de libéralisation à même d'établir ou de réfuter la recommandation ultra·libérale de la Banque Mondiale" •. (27) P. HUGON, L'Economie de l'Afrique, Editions La Démocratie, 1993, 123 p. 35 système mondial qui l'écrase (spécialisations imposées, endettement et dépossession de toute initiative) et d'en bas par un système informel puissant et déstructurant. Il est, dès lors, congénitalement affai bli pour pou voir opérer et supporter la restructuration de l'économie (mise en place des préalables institutionnels: système éducatifet de formation. système sanitaire. réseau de communication, infrastructures d'accompagnement du développement, système judiciaire et démocratique, etc.) et imposer une quelconque discipline sociale. Par ailleurs, l'accumulation de déficits budgétaires chroniques, l'endettement de plus en plus massif, le dysfonctionnement du secteur public et les distorsions induites par l'intervention dans les mécanismes de formation des prix, disqualifient l'Etat qui vas 'avérer complètement incapable d'assurer ses diverses fonctions et responsabilités(28). En conséquence, de telles faiblesses l'obligent à se désengager de l'économie, à abandonner toute velléité de régulation faute de moyens financiers et de personnel compétent. Il est alors condamné à se déployer d,ms ses tâches prédilectionnelles de création et d'entretien de l'infra"iructllre de base, de mise en place d 'un système éducatif et universitaire performant, de conduite d'une politique san itaire appropriée, d'une gestion adéquate de l'en vironnement urbain et rural. d'un maintien de la sécurité intérieure et extérieure. Les nombreuses recherches menées sur cette question de l'Etat africain ainsi que sur ses capacités à mener une bonne gouvernance révèlent le caractère étriqué de la vision des PAS ainsi que les politiques que cette vision a impulsées comme par exemple la volonté d~ vouloir coûte que coûte pri vatiser entièrement tout le secteur pu blic(29). Ce n'est peut-être pas le lieu d'ouvrir le dossier de la crise de l'Etat en Afrique et ses implications, On doit tout de même en rappeler les termes qui gravitent autour de la question: Quelles sont les raisons de l'incapacité de l'Etat en Afrique à répondre (28) JACQUE MOT noIe à cc propos quc la méconnaissancc du comportcmcnt des acteur, économiques, dans la plupart dcs PAS a cmpêché dc voir que ceux-ci ont développé en Afrique leurs activités sous la férule de l'Etal. Nombrc dc SOCIétés privées, de hanques ou dc groupements coopératifs jouisscnt de prérogatives limnées hors dcs aidcs de l'Etal. Lcs schémas étatistes d'aSSistance ct dc rcdistribution ont profondément imprégné les structurcs ct \cs mentalités. L'excès d'administration a cu un effet inhibant sur les capacilés d'initiative et d'cntreprise, (29) Sur ces rechcrches concernant l'Etat africain. on consultcra avcc profit: P. JACQUEMOT. « La désétatisation cn Afrique, enJcux ct perspectives >'. Rcmc Tlcrs Monde, n° 14, avril juin 1988. J,-F. BAYART. L'Elal en Afrique cl la poliliquc dll j'enlrc. Editions Fayard, Paris, 19K5I E. TERRA y, L'Etal conleml'0rain cn Afrique, Editions L 'Harmatlan, Paris, 1987. J.-F. MEDARD, Etals d'A/riqlIC Noirc.· FornWlion, mé('(Jf/isme~ cl aise, Editions Kanhala. Paris, 1991. FONDATION DAG HAMMARSKJOELD, L'Etat ct la crise cn Afrique. La rechcrche d'une secondc libération. 36 i .1 aux besoins de la dynamiqué ~conomique et sociale? Autrement dit pourquoi l'Etat ne parvient-iljas 4générer sur une base stable les ressources qui lui sont nécessaires -dans/t'accomplissement de ses principales missions? (30). La réponse à cette question s'ordonne en trois thèses établissant la crise instrumentale de l'Etat: l'Etat patrimonial système qui, selon P. JACQUEMOT, est fondé sur l'obligation acceptée et la loyauté des membres et non sur la compétence; cette obligation étant rémunérée par les mécanismes de redistribution. La gestion de l'Etat s'effectue en père de famille avec une confusion entre les affaires personnelles et les affaires publiques, administratives et judiciaires, l'Etat surchargé qui est une prise en charge d'assistance liée à la reproduction individuelle et collecti ve que la communauté ébranlée ne peut plus supporter faute de ressources; l'Etat mou ou l'Etat contourné (anarchie fonctionnelle) et l'Etat prédateur qui se manifeste à travers la mobilisation et l'absorption des surplus par le biais des Offices de Commercialisation et des Caisses de Péréquation. Cependant, il faut observer avec Lionel STOLER U que« l'histoire de la plupart des peuples est traversée par le flux et le reflux de l'Etat: Etat fort ou Etat faible, Etat omniprésent ou Etat restreint »(31 ). Le choix n'est donc pas entre plus d'Etat et moins d'Etat car le monde actuel exige un Etat fort d'abord pour insérer la production nationale dans le marché mondial et ensuite pour mener à bien toutes les restructurations indispensables. En analysant Je PASA à la lumière des faibles résultats de la NPA, on peut s'interroger à la fois sur sa pertinence et ses chances de succès. Dans le PASA comme dans le PAS le comportement des acteurs, les structures sociales comme les rapports de pouvoir sont totalement méconnus et donc non pris en compte. Dès lors, il devient impossible de connaître les logiques de fonctionnement des systèmes et surtout les comportements des acteurs pour pouvoir les infléchir dans le sens de la réalisation des objectifs fixés. Plus précisément, les particularités structurelles et la crise des terroirs villageois par suite d'un appauvrissement excessif des paysans, de la désertification et de l'exode rural entraînant un vieillissement de la population rurale, font que les producteurs ruraux sont totalement ou partiellement déconnectés de l'économie marchande et développent l'autoconsommation en l'absence de réponse positive aux incitations économiques en vue de l'amélioration de la productivité et des rendements. (30) Répondant àcette question P.JACQUEMOT note qu'il est rare que le secteur puhlic ait débouché sur une régulation accrue de flux économiques inter-sectoriels, sur des programmesd 'investissements publicseftïcacesou sur lacouveJ1urc des charges des services de hase dans les villes comme dans les campagnes. Prélevant plus qu 'aidant à produire l'Elal a donc progressivement épuisé sa base économique. (31) Lionel STOLERU,L' ambition il/tematiol/ale, Editions du Seuil. Paris 1987,342 p. 37 Le Programme d'Ajustement Structurel de l'Agriculture qui vise à assurer au secteur agricole les conditions d'une croissance soutenue et à élever sa contribution dans le rétablissement du déséquilibre interne (budget) et externe (balance des paiements et endettement) est-elle un nouveau modèle de développement du secteur agricole ou une recette technico-magique issue des politiques de libéralisation préconisées par les bailleurs de fonds? Que peut bien apporter l'ajustement par le « tout marché» ? Dans les économies africaines fragiles et pluristructurées, peut-on concevoir des paysans sans Etat ni Nation? Peut-on jeter sans défense les agriculteurs seuls face aux mécanismes du marché mondial (ajustement des taux de change, compétition, effet-prix de la demande étrangère, effet-prix de l'offre) alors même que leurs homologues des pays développés d'Occident sont à la fois subventionnés et protégés? On ne souligne jamais assez que l'agriculture est l'un des secteurs le plus réglementé et le plus assuré des pays de l'OCDE qui n'appliquent nullement le libre échange qu'ils prônent. La politique interventionniste des Etats passe par le souLien des cours, la fixation adminisLrative des prix et une gestion tout aussi administrative des stocks par des barrières douanières ou non douanières. Ainsi, les subventions des pays de l'OCDE à l'agriculture s'élevaient à 170 milliards de dollars en 1985, 270 milliards de dollars en 1986 et 300 milliards de dollars en 1990. Les réponses à ces questions ne sont pas faciles à formuler et renvoient à la recherche d'une compréhension plus globale qui forcément, intègre plusieurs disciplines l'anthropologie, l'ethnologie, la sociologie, le droit, l'économie et d'autre part d'un modèle alternatif du développement rural qui, naturellement, intègre les stratégies paysannes à partir de leurs propres modes d'organisation, des relations sociales, des systèmes de représentaLions, des fonctions de l'Etat et de l'environnement international. Ce faisant, la question agraire dans la stratégie du développement économique et social sera mieux comprise pour appeler l'élaboration de réponses claires en termes de politiques économiques fonctionnelles, d'organisations et de valorisation rationnelle de l'espace rural, de mobilisation et d'implication de l'ensemble des acteurs du monde rural. Confrontés au double échec des politiques postindépendances comme de celui du PAS, les pouvoirs publics ne peuvent plus faire l'économie d'une politique agricole audacieuse et volontariste. Il est maintenant très clairement établi qu'il sera impossible de transformer l'agriculture sénégalaise sans un minimum de ruptures organisationnelles et sans une vision sociale plus complète. Les expériences accumulées de développement agricole réussi dans le Tiers-Monde, montrent que la révolution agricole ainsi que le passage d'une agriculture extensive à une agriculture intensive ne se sont pas faits avec de simples incitations de prix. C'est dire qu'il faut définir alors une stratégie agricole globale et cohérente 38 qui ne saurait se réduire à quelques mesures ponctuelles fussent-elles appropriées et techniquement justifiées. Il faut se con vaincre que, toute politique qui se veut complète et cohérente s'exprime en termes d'objectifs et de moyens à mettre en œuvre pour les réaliser. Dès lors, toute révolution dans un secteur aussi vital, soulève deux questions: quels changements faut-il opérer? Comment ces transfonnations vont-elles être faites? C'est-à-dire quelles sont les forces ou acteurs qui vont en assurer la réalisation? Il reste une fois encore bien compris que les mutations à introduire ne peuvent être appréciées indépendamment de la stratégie globale du développement économique et social du pays. De façon également identique, le choix des moyens de réalisation est étroitement lié aux possibilités réelles de la société. En conséquence, il reviendra à l'Etat la tâche de formuler les orientations d'ensemble qui portent le projet et surtout d'en assurer la réalisation par création d'un environnement institutionnel incitatif et capable de libérer les initiatives paysannes. Ce livré est une contribution bien modeste à la rénexion indispensable sur les zones rurales et les politiques qui s'y appliquent. Il n'a nullement la prétention d'apporter des réponses achevées sur toutes les questions et sur ce qu'il faut faire dans le secteur rural. Il aura atteint son objectif s'il arrive à faire vite rentrer dans le débat les acteurs de la politique agricole et le plus grand nombre de chercheurs afin de faciliter l'émergence d'une véritable préoccupation nationale pour mieux comprendre en vue de mieux agir. C'est le lieu de remercier la Fondation Ford pour son appui et de dédier ce travail à Richard A. Horovith qui a été l'initiateur de ce projet. Il vient d 'être enlevé à notre affection au moment où cet ouvrage était sous presse. Que Messieurs les Recteurs Souleymane NIANG, Madani SY, et Lamine NDIAYE,le Doyen Moustapha SOURANG, Karamoko KANE, Assesseur, les professeurs Abdoulaye DIAGNE, Directeur du CREA, le PrBEAULIEU, Adama DIAW, Pr Amadou Lamine DIA, Directeur de l'ENSUT, Amadou Ali DIENG, Mamadou DANSOKHO, Moctar DIOUF, Gaye DAFFE. Souleymane NIANG, Thione DIOP, Souleymane GUEYE, Ababacar KEITA, Ely FALL. Mouhamed Bachir WADE, A. Gilbert NOULA, Alain AKANI. Ndoffène DIOUF, Bocar SALL, Salif SALL et El Hadji FAYE trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude. Les critiques et les observations constructives de certains collègues ont, sans nul doute, permis d'améliorer la qualité de cet ouvrage. Bien évidemment, les idées avancées ne les engagent nullement, j'en assume l'entière responsabilité. J'exprime toute ma gratitude aux Doyens Ibrahima FALL et Ibou DIAITE, aux professeurs Bakary TRAORE, Abdel Kader BOYE, Jean Mariel NZOUANKEU, Serigne DIOP, Madame Amsatou Sow SIDIBE, Yacouba NDIAYE, Moussa SAMB, Paul NGOM, Amadou FAYE, Tafsir Malick NDIAYE, Et Hadj MBODJ, Cheikh Sadibou DIALLO, Cheikh THIAM. 39 Demba SY, Diaw DIOUF et à tous les assistants qui contribuent quotidiennement avec compétence dans la réalisation de notre travail de fonnation. Que le Président Abdou DIOUF, Secrétaire général de notre Parti, mes amis du « Oub Nation et Développement» et mes camarades du « Groupe d'Etudes et de Réflexion» trouvent ici l'expression de mon engagement indéfectible pour les idéaux socialistes et démocratiques que nous partageons. Je fonnule de pieuses pensées à la mémoire du Professeur Dominique SARR, remarquable symbole de rigueur intellectuelle, de sociabilité et de discrétion. Nos Facultés doivent enfin lui faire justice en immortalisant les valeurs cardinales qu'il a toujours su incarner et les excellents rapports qu'il savait si bien entretenir avec chacun d'entre nous. A l'ensemble du personnel de la Faculté qui, malgré le caractère limité des moyens s'évertue encore à servir avec dévouement, sérieux et compétence. Que mes collègues et amis les Professeurs Paul DESNEUF, Atsain ACHI, Gérard Destane DEBERNIS, Pierre JACQUEMOT, Aimé GOGUE, Mevor AGBODAN, Philip ENGELHAR, Allechi MBET, SAKO, Sékou Mamadou KOULIBALY, Fulbert GERO AMOUSSOUGA, Daniel CISSE, Taladidia TCHIOMBIANO, Hervé KABORE, Kamandini OUALI, Germain NDJEUNDE, GANGO George, Professeur NDONKO, Monsieur le Recteur ONA-ONDO, Real LAVERGNE, Tandika MAKANDAWIRE, Pierre BRASSEUL, Daniel GOUADAIN, Gilbert LECOINTRE, Michael LOPEZ, Thaïeb HAFSI, trouvent ici l'expression de toute mon amitié et de mon affection. A tous les étudiants de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion qui, malgré leurs conditions sociales parfois dures, entreprennent et réussissent des études difficiles. Je remercie particulièrement ceux d'entre eux qui m'om secondé efficacement à travers les recherches réalisées au CREA. J'adresse toute ma gratitude et ma reconnaissance à Monsieur Samba KAH et Mme Karita DIA qui se sont dépensés sans compter pour relire le manuscrit. Que Madame Aminata GUEYE et Mademoiselle Mireille GONÇALVES ainsi que tout le personnel du « CREA Micro Edition Dominique SARR » particulièrement A. DRAME reçoivent mes sincères remerciements pour tous les efforts de saisie et d'impression de cet ouvrage. 40 Introduction générale « La faim n'a honte de personne, ni peur de Dieu. Elle recule seulement devant le travail organisé et conscient. » " Paysan burkinabé ,. cité par B.L. Ouédraogo, in EnJraide villageoise et déIIeloppemenl. L'Harmauan, Paris. 1?90. Prologue Dans son Rapport sur ~ le développement économique en l'Afrique 19832008 », la Commission Economique des Nations unies pour l'Afrique note que : ~ Le tableau qui se dégage de l'analyse des pe~ctives pour l'Afrique à l'I~orizon de~Q<l8 est ._c:auch~_In_~r~~sq~e.~'explosiondémographique po~l11ielle pourrait avoir des répercussiôni"épouvantables sur les ressources physiques de la région, sur la terre comme sur les services sociaux essentiels (santé, éducation, logement, hygiène, eau, ete.). Au niveau national, les conditions sociales et économiques se traduiront probablement par une dégradation de l'essence même de la dignité humaine. La population rurale qui devra survivre au prix d'une charge de travail intolérable fera de plus face à une désastreuse rareté des terres. La pauvreté atteindra des dimensions jamais imaginées. » \ Depuis la publication de ce rapport, malgré l'ajustement structurel et les )pifférentes réformes économiques, la situation ne s'est guère inversée. En effet, quel que soit l'indicateur considéré, l'Afrique accuse de très faibles performances économiques et sociales depuis les années soixante-dix. Cela se manifeste à travers : ) - - la détérioration généralisée des principaux indicateurs économiques et sociaux : faible croissance des secteurs productifs, baisse de l'investissement, 41 accroissement du double déficit de la balance et des finances publiques, massification de l'endettement ; - la désintégration des structures de production et des principales infrastructures de base ; - la dégradation des indicateurs du bien-être social notamment l'éducation, la santé, le logement, les revenus et la consommation par tête, l'emploi rémunéré. Au début des années quatre-vingt-dix. l'Afrique est la seule région du monde où la production par habitant a baissé. Cette évolution négative n'a épargné presque aucun pays, aucune région. Il est aujourdh'ui unanimement admis quer~!!Ï~!_at~on du monde rural et ce qu'il est convenu d'appeler ~ l'économie d'endettement ~ est la principale cause de la pauvreté des populations et constituent ainsi Les problèmes majeurs de notre époque( 1). Le Président du Burkina-Faso Blaise COMPAORE a parfaitement bien perçu cette importance quand il écrit que « l'Afrique ne sortira jamais du sous-développement si elle ne réalise pas au préalable sa révolution agricole »(2). L'existence et la perpétuation d'W1e sévère crise agro-alimentaire font du Continent une zone d'instabilité et d'insécurité alimentaires endémiques. Il en déroule que l'Afrique a maintenant rem placé l'Asie et l'Amérique Latine pour ce qui est du recours à l'aide alimentaire internationale. Et si l'on n'y prend garde l'Afrique, selon le mot de L. SANMARCO, risque d'être« transformée en réserve indienne nourrie par les excédents occidentaux ». Ce serait alors la mort de la paysannerie. Cette évolution, à laquelle n'échappent que de très rares pays, procède en réalité de la conjugaison de trois facteurs essentiels: - des orientations agraires,inappropriées privilégiant les cultures de rente pourvoyeuses de devises au détriment des cultures vivrières; - une faible croissance de la production agricole (1,3 % par an depuis les années 1960) insuffisante pour couvrir la demande d'une population explosive (3 %) : ce qui débouche alors sur une détérioration de la production par tête: -- une forte et incohérente croissance urbaine qui accentue l'extraversion de la structure de consommation du fait du renforcement de la consommation \\ de produits alimentaires que les agricultures locales ne produisent pas. Ce dernier aspect est essentiel car les villes africaines comme le notent M. GRIFFON et P. JACQUEMOT sont le lieu d'approfondissement de la crise de l'agriculture et de l'amplification des déficits alimentaires par un (1) Moustapha KASSE, L'Afrique endettée, &!ilions NEAS-CREA, juillet 1992, 133 p. (2) Blaise COMPAORE, Programme de Large RassembJemen.l pour Je Développemen.l el la Dénwcralie, Document ronéoté, Ouagadougou, 1991. 42 double phénomène de prélèvement net de ressources sur le monde rural et d'amplification de la demande alimentaire vers des produits à fort contenu de devises(3). Ainsi, nulle part dans le continent, la révolution verte, même dans ses formes parcellaires n'a eu lieu; ce qui apparaît principalement dans l'absence d'amélioration de la productivité par hectare cultivé et par actif rural en vue de satisfaire une demande alimentaire en évolution exponentielle engendrée par l'explosion démographique et l'urbanisation. De surcroît ces pays, victimes des théories économiques dominantes des années cinquante qui confondaient croissance économique et développement, avaient alors donné ra priorité à ~dustric au détriment de l'agriculture, compte tenu probablement des délais de maturation du capital investi dans l'un ou l'autre secteur. Dans le cas sénégalais, pays sahélien, confronté depuis bientÔt une vingtaine d'années à un cycle ininterrompu Q.~sécl1ç~~Y~relJ'économie agricole a marqué de très faibles progrès et laisse même à présent apparaî'tre des résultats médiocres de nature à affecter négativement et durablement les grands équilibres des comptes nationaux. Depuis l'indépendance, l'agriculture sénégalaise est marquée par la prédominance de ~ e_ ~ des principaux produits agricoles vivriers et de rente. Les cultures pluviales représentent 90 % de la production totale et presque 90 % des céréales non exportées. . Pour un total de 3,7 millions de surfaces cultivables, les emblavures ~ ""s~))ent dfP.lu.is plus d'une décennie à environ 2,7 millions d 'hectares se rép~i~antcebrn@le suit: 47 % pour l'arachide, 44 % pour lé mil-sorgho, 3 % ~~. le riz, 2 % pour le coton, 2 % pour le maïs et 2 % pour le niébé et haricot e / vîrohf % pour des cultures mineures comme les légumes et les fruits. (.. .c,JI~~' frriguées sont très faibles et concernent 25 000 ha dont le quart , . ' J.. t.A est utilisé pour hiproduction de la canne à sucre par la Compagnie Sucrière Sénégalaise. ('~'~ L,! pression démographicwe avec un taux de croissance d'environ 3 % a / e1ltraîné une demande alimentaire de plus en plus forte qui n'a pu être éOuverte par la production domestique. En effet, cette production a augmenté très faiblement par extension des cultures au rythme de 0,6 % par an et non par augmentation de la productivité et des rendements. Il en est résulté d'une part une amplification du déficit alimentaire structurel et d'autre part une réduction des surfaces mises en jachère pour régénération ainsi que l'exploitation de terres à rendement marginal notamment dans le Nord et à l'Est du Sénégal. (3) Michel GRIFFON et P. JACQUEMOT, « Pénuries alimentaires et stratégiques agricoles en Afrique subsahariennc '", Revue crilique de l'Economie Politique. mai 1983. 43 Dès lors, il sera difficile à l'agriculuue sénégalaise de s'attaquer au déficit alimentaire de l'ordre de 600 000 tonnes (dont 65 % en riz) et de produire des cultures destinées à l'exportation sans opérer une révolution agricole de très grande envergure. Cette situation a conduit à l'intervention des Institutions Financières Internationales qui vont recommander dans l'agriculture, comme dans le reste de l'économie, de profondes restructurations devant aboutir à la création de conditions favorables à la croissance et à la contribution de l'agriculture au rétablissement des équilibres macro-économiques. Un ensemble de mesures seront prises ponant ponctuellement sur les incitations économiques pour améliorer la production et la productivité, la privatisation des mécanismes de financement de la production et de la distribution, le désengagement de l'Etat ou à défaut une plus grande opérationnalité de son intervention. Au moment de l'accession à l'indépendance en 1960. furent définies les grandes orientations de la politique agricole nationale consistant notamment à : - organiser la production et la commercialisation des produits agricoles; - accroitre et diversifier la production rurale ; - équiper le monde rural en facteurs de production; - exploiter les potentialités agro-naturelles du pays; - assurer l'intégration des activités rurales entre elles et avec le reste de l'économie nationale; - promouvoir la recherche-développement. Cet ensemble d'objectifs devait contribuer quantitativement et qualitativement à l'augmentation de la production et des revenus, à l'amélioration du niveau de vie des populations (rurales en particulier), à la modernisation de l'activité économique rurale et à l'augmentation de la productivité ainsi qu'à la formation et à la mobilisation d'un surplus agricole susceptible d'être productivement investi dans les autres secteurs de l'économie nationale. A cette fm furent créés à l'origine trois organismes étatiques; - la BNDS (Banque Nationale pour le Développement du Sénégal) issue de la fusion de la BSD (Banque Sénégalaise de Développement) et du Crédit Populaire Sénégalais institution chargée de la mobilisation des ressources financières internes et externes en vue du financement du Programme Agricole; - l 'ONCAD (Office National de Coopération et d'Assistance au Développement) pour réaliser les opérations de crédit et de commercialisation. Le crédit consistait en la fourniture d'intrants (semences, engrais, fongicides, pesticides...), et de matériels individuels de culture attelée aux paysans ainsi que des équipements collectifs mécanisés aux coopératives. Quant à la 44 commercialisation, elle concernait principalement les produits de rente (arachide et coton) et accessoirement les cultures vivrières qui étaient principalement autoeonsommées ou déversées sur les marchés parallèles; -la SODEVA (Société de Développement et de Vulgarisation Agricole) pour l'encadrement des producteurs ruraux et la vulgarisation de techniques culturales plus performantes ainsi que des semences améliorées. Dès le Premier Plan de développement économique et social (1961-1965), 6,7 milliards de FCFA ont été effectivement investis dans le secteur rural (primaire) sur des prévisions réajustées de 15,5 milliards, soit un taux de réalisation de 43,2 %. Pour le Deuxième Plan (1965-1969), aucun bilan officiel n'ayant jamais été publié, il n'est pas possible d'évaluer le volume global des financements injectés dans le monde rural. Tout au plus, on sait que sur des prévisions réajustées de 104,65 milliards, les investissements effectivement réalisés dans l'ensemble de l'économie nationale se sont chiffrés à 111,77 milliards, soit un dépassement de 6,8 %. Au cours du Troisième Plan (1973-1977), ce taux est tombé à 21 % puisque les fonds totaux effectivement alloués au secteur rural ont été de 34,7 milliards sur une enveloppe globale de 165,6 milliards. Pour le Cinquième Plan (1977-1981), celle tendance à la baisse relative s'est accentuée. En effet, seulement 19,7 % des 315 milliards de FCFA effectivement investis ont été affectés au secteur primaire, soit 62,2 milliards. Quant au Sixième Plan (1981-1985), il a marqué un arrêt dans l'évolution .. à la baisse puisque sur les 370,67 milliards réellement investis, 77,4 avaient été consacrés au secteur rural, représentant un taux de 20,9 %. C'est après le Sixième Plan, que s'ouvre l'ère des grandes restructurations économiques et financières avec la mise en place du Programme d'Ajustement à Moyen et Long terme (PAMLT) 1985-1992. Entre 1985 et 1987, cette succession de plans quadriennaux à horiwn fixe sera remplacée par un programme d'investissement biennal transitoire et surtout préparatoire au nouveau système de planification basé sur une programmation triennale glissante à horiwn mobile. Dans celle nouvelle conception, le Plan, devenu simple cadrage macroéconomique dégageant les grandes options et orientations nationales, intègre un PTIP (programme Triennal d'Investissements Publics) qui en devient l'outil principal d'exécution. Le premier PTIP (1987-1990), encore en cours d'évaluation, laisse déjà apparaître, au niveau des résultats préliminaires, une nouvelle détérioration du secteur rural du fait du faible taux d'ipvestissement réalisé. Ce bref rappel permet d'observer qu'en un quart de siècle de promotion du développement rural, les financements injectés dans le secteur primaire 4S !212,~2 qç!:CFÀ~ apparaissent importants milliards (à l'exception du second plan). Ces investissementS-ôTont cependant représenté en moyenne que 21 % de l'ensemble des ressources effectivement consacrées à l'exécution des plans alors même que ledit secteur était déclaré prioritaire, qu'il concernait directement plus de 75 % de la population et qu'il demeurait le seul susceptible d'impulser une croissance réelle et durable de l'ensemble de l'économie nationale. Au plan des résultats, les principales performances enregistrées dans le secteur rural peuvent s'apprécier au travers des incidences au niveau des quatre principaux sous-secteurs maintenant regroupés en filières: l'agriculture (au sens strict), l'élevage, la pêche et la foresterie. 1) L'agriculture Commençons par offrir un tableau macroscopique de l'économie sénégalaise (1986) pour mieux situer la place du secteur primaire : Produit National Brut.................. Produit National Brut par habitant Dettes extérieures brutes Service de la deue en 1978....... Secteurs Agriculture Secteurs Mines Secteurs Industrie Secteurs Services Balance commerciale Balance des paiements. 2.9 milliards de dollars (1986) 420 dollars ou 146000 francs CFA 2,43 milliards de dollars (1986) 102 milliards de francs FCFA 70 % de la population active, 26 % du PNB 30 % de la population active, 2 % du PNB 12 % de la population active, 27 % du PNB 15 % de la population active, 45 % du PNB - 62 milliards de francs CFA (1986) - 69 milliards de francs CFA. 'a" f Principales productions Agriculture Elevage Pêche Huileries Industries extractives Autres . 158 milliards FCFA . 93 milliards FCFA . 29 milliards FCFA .. 28 milliards FCFA .. 21 milliards FCFA .. 191 milliards FCFA. Deux cultures vivrières (mil et sorgho) occupent maintenant 80 % des surfaces cultivées et une culture de rente (l'arachide) fournit 75 % du revenu monétaire du sous-secteur et contribue pour 50 % à sa valeur ajoutée. L'arachide et le coton représentent 93 % des exportations du sous-secteur et 20 % des exportations totales du pays. Ces deux chiffres indiquent tout le poids de ces deux cultures de rente dans l'agriculture sénégalaise qui reste 46 encore très peu diversifiée malgré les effons consentis pour promouvoir le marafchage et d'autres cultures (riz, canne à sucre, tomate industrielle...). La productivité du travail est faible (baisse de 0,7 % en moyenne), les cultures sous aménagements hydro-agricoles sont marginales (environ 7 % de la production céréalière) et le niveau des récoltes dépend largement de la conjoncture climatique. Entre 1960 et 1980 (période sans ajustement), la production céréalière a augmenté annuellement en moyenne de 1,6 % pour une croissance des surfaces cultivées de 0,6 % conduisant ainsi à un rendement de 1 %. Pour ce qui concerne la/ilière arachidière, la production a plutÔt diminué, annuellement en moyenne de 1 %, alors même que les surfaces s'accroissaient de 0,5 %, d'où une chute de rendement moyen annuel de 1,5 %. Les fluctuations de la production de l'arachide d 'huilerie sont liées à la pluviométrie. Après avoir atteint un million de tonnes en 1975-1976, la production a chuté à 590 ()()() tonnes en 1985-1986 pour accuser une timide reprise se situant à 800 000 tonnes jusqu'en 1990-1991 avec des collectes allant de 238 000 tonnes en 1984-1985 à 700 000 tonnes en 1987-1988 et 256 ()()() tonnes en 1990-1991 avec une capacité de trituration réelle installée, de 920 000 tonnes. Cela laisse déjà transparaître un grand problème de l'économie sénégalaise: les grandes distorsions entre le niveau de production et de collecte d'une part, et les capacités de l'outil industriel d'autre pan. La deuxième composante de la fùière concerne l'arachide de bouche avec une production moyenne annuelle de 16000 tonnes entre 1985-1989. Les accroissements remarquables de la production s'expliquent principalement par la bonne pluviométrie et ses répercussions positives sur les rendements. Cependant, les cours internationaux assez stables ont aussi contribué à la relance de celte production. La part de l'arachide dans les exportations sénégalaises donc dans la balance commerciale et les finances publiques, l'impact dans l'emploi et sur les revenus distribués aux producteurs, de même que l'imponance de la valeur ajoutée des huileries continueront de faire de la filière arachidière pour de longues années, le moteur de l'économie agricole et de l'économie nationale. ~a jililrecotônnJlrè)st la deuxième en imponance pour les productions de rente. Lès superficies sont passées de 38 000 ha en 1985-1986 à 43 000 ha en 1990-1991. Avec une production moyenne qui est d'environ 40 000 tonnes. Les rendements sont passés de 1 032 kg/ha en 1985-1986 à 1 344 kg/ha en 1990-1991. La filière a connu des résultats excédentaires (l0,5 milliards de FCFA de 1983 à 1985) cependant,J.:effrondI.eJIlent J1es.cours_a rapidement entnûné unesillJat!qn défiçitaiœJ!çJO...l9 mJIJi_~_rcl~_de FCFA. Malgré ce déficit, la filière a des effets entrainants et des effets structurants sur le développement des zones concernées. 47 Lafilière céréalière est la plus déterminante par l'ampleur des déficits qu'on y observe. Le Sénégal consomme environ 1.2 million de tonnes de céréales. La production nationale constituée de mil, de riz, de maïs et de sorgho assure un taux d'autosuffisance compris entre 40 et 60 % selon les conditions climatiques. En dépit de l'accroissement attendu de la production nationale (Plan céréalier 1985-2000), la dépendance vis-à-vis de l'extérieur va s'accentuer. Le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) intervient pour réguler le marché. Mais pour l'ensemble du sous-secteur (toutes cultures confondues), la croissance moyenne annuelle de la production a été de 0.8 % pour des surfaces en augmentation de 0.6 % d~bouchant alors sur un rendement très fu!.Qle de seulement 0,2 %. . Ces médiocres performances du sous-secteur s.ont expliquées par la cQD.iugaison de trois variables: le~limat. les cours mondiaux et la bais~i de productivitéAPour la principale variable qui est le climat. on peut observer que chronologiquement, les quatre phases climatiques suivantes ont directement intlué sur les performances agricoles: -1960-1968: phase de pluviométrie normale, permettant une évolution de la valeur ajoulée agricole (5 %) supérieure à celle de la PIBE (4,2 %); -1969-1973: phase de sécheresse sévère, alliée à un faible niveau des prix agricoles, provoque une chute de la valeur ajoutée agricole (- 6 gc par an) ; -1974-1977: phase de retour à des conditions climatiques normales accompagnée par une importante revalorisation des produits agricoles; la valeur ajoutée augmente de 30 % par an ; -1978-1980: retour des conditions climatiques défavorables (sécheresse exceptionnelle en 1977-1978, pluies parasites en janv ier 1979 ayant altéré le capital semencier, pluviométrie mal répartie en 1979, tardive et insuffisante en 1980). Les comptes du sous-secteur se dégradent alors de nouveau. A partir de 1980, début de l'ajustement, le Programme Agricole est arrêté. les principales structures étatiques d'intervention dans le monde rural sont dissoutes ou vont devoir l'être. Jusqu'en 1983, une période intérimaire fut observée pendant laquelle le Gouvernement dirige l'économie agricole par des mesures ponctuelles sans une vision cohérente d'ensemble. Dès 1984 enfin, une nouvelle politique agricole (NPA) entre en application. Elle est censée rationaliser l'agriculture par, d'une part l'allégement et l'amélioration de l'intervention de l'Etat. et d'autre part la responsabilisation des producteurs ruraux ce qui devrait leur transférer certaines fonctions essentielles antérieurement exercées par les Sociétés d ·Intervention. 48 Durant toute cene période de l'indépendance au début des années quatrevingt-dix, le Groupe de la Banque Mondiale a injecté 120 millions de dollars dans le sous secteur agriculture soit environ 36 milliards de FCFA. Ces investissements additionnels, sans commune mesure avec ceux de l'Etat Sénégalais, se sont principalement dirigés vers l'irrigation considérée comme le meilleur moyen de lever la contrainte climatique. Dans ce sens le Programme d'investissement est consacré à 50 % à l'agriculture irriguée. 2) L'élevage L'élevage a toujours joué un rôle important dans l'économie sénégalaise. Pour les trois années 1986-1989, le PIB du sous-secteur est estimé à 7,5 % du PIB national et de 35 % du PIB du secteur primaire. Par ailleurs, l'élevage constitue une ressource essentielle pour 300 ()()() familles en milieu rural et contribue à l'amélioration de la culture attelée et à la fumure organique. La production de la viande n'a point suivie l'évolution de la population: 58 ()()() tonnes en 1960 et 70 ()()() tonnes en 1987. Il en résulte une nette dégradation du niveau de consommation avec un disponible de 16 kg par habitant en 1960 à 10 kg en 1987. La production laitière est estimée à 110 000 hectolitres. Enfin, l'aviculture moderne a subi un développement important et la valeur de la production en 1989 est d'environ 8 milliards de FCFA, soit 10 % du PIB de l'élevage. Au demeurant, le sous-secteur de l'élevage présente des caractéristiques particulières; mais à l'instar de l'agriculture, il est également très sensible aux aléas climatiques. En effet, les sécheresses successives de la période 1969-1980 ont dramatiquement affecté le cheptel dans son ensemble. Seule la volaille y a relativement mieux résisté, compensant partiellement les pertes en bovins. Globalement de 1960 à 1980, il Yeut une décroissance annuelle moyenne de 1 % du cheptel et hormis le seuil maximum de 1971 où l'effectif de bovins dépassait les 2,9 millions de têtes, le niveau moyen s'est établi aux alentours de 2,4 millions de têtes. La création de la SODESP (Société de Développement de la Zone SylvoPastorale) destinée à intégrer et développer les activités de foresterie et d'élevage afin de suppléer l'agriculture de plus en plus essoufflée, n'a finalement en rien affecté le sous-secteur. Du reste, sa restructuration en 1985 n'aura, en réalité, constitué qu'une simple mesure d'allégement des finances de l'administration publique. Au plan macro-économique, l'élevage contribuait pour 20 % en 1972. 20,5 % en 1975. 33,8 % en 1978 et 29.7 % en 1980 à la formation de la valeur 49 ajoutée du secteur primaire. Pour ces quatre années, la pan du sous-secteur dans la PIBE a été respectivement de 5,8 %,7,1 %,9,4 % et 9,3 %. Ces statistiques, apparemment favorables, masquent en réalité la stagnation et le marasme dans ce sous-secteur d'activité économique par suite de la mauvaise organisation de la production et de la commercialisation des produits. Les troupeaux demeurent encore extrêmement mal exploités et imparfaitement intégrés dans le système vivrier national, ce qui apparaît dans la faible moyenne nationale de consommation de viande et de lait. L'intégration entre l'agriculture et l'élevage n'est pas encore parfaitement assurée du fait du nomadisme ou semi-nomadisme pastoral. Pourtant, cette étape devrait être impérativement franchie sinon les performances attendues dans les deux sous-secteurs ne seront jamais atteintes. La sédentarisation de l'élevage permet de résoudre le problème de la fertilisation des sols, d'accroître les rendements du bétail et d'améliorer son rôle économique. L'enveloppe globale des investissements de la Banque Mondiale dans ce sous-secteur du primaire est restée modeste et concerne principalement le PDESO (Projet de Développement de l'Elevage au Sénégal-Oriental) pour un montant de 4,6 millions de dollars. 3) La pêche La pêche constitue actuellement le premier secteur économique à l'exportation avec environ 118 000 tonnes exportées. Devant la chute des exportations traditionnelles (arachide et phosphate), on comprend l'importance que revêt la pêche maritime ct les efforts consentis par l'Etat pour encadrer et moderniser le sous-secteur. Le pays incontestablement dispose d'importants atouts notamment : - des ressources halieutiques importantes et un accès facile grâce à 700 km de côte touchant plusieurs régions; - une main-d'œuvre qualifiée basée sur une très longue tradition de pêche ct une grande expérience accumulée; - un appareil de production performant tant au niveau des produits frais que des produits achevés en forme de conserves; - des infrastructures portuaires développées. L'étude de ce sous-secteur est ramenée à celle de la pêche artisanale puisqu'elle est la plus liée au monde rural bien que le Sénégal soit aussi engagé dans la pêche industrielle avec les 8 sardiniers que compte la flotte, les 131 chalutiers sur les 186 et seulement un thonier sur les 60. 50 La pêche artisanale qui est la plus importante se caractérise par son dynamisme que traduit, du reste, l'importance des mises à terre représentant annuellement en moyenne 200 000 tonnes. Cette pêche artisanale qui fournissait 89 000 tonnes en 1965, 133 000 en 1970 et 278 000 en 1975, représente aujourd'hui plus de 60 % des captures totales du pays. Avec un taux moyen de croissance annuelle de 13 %, elle demeure un poste-clé du secteur primaire. Les investissements qui y sont réalisés sont relativement peu importants et se limitent pour l'essentiel à l'achat de pirogues à voile (2 000 en moyenne par an) et de pirogues à moteur (3 000 en moyenne par an). La valeur ajoutée du sous-secteur avoisine environ 15 milliards de FCFA chaque année. Cela correspond à une contribution de 3,6 % à la PIBE. Malgré le regain de dynamisme que les autorités gouvernementales lui ont insufflé depuis 1980, les résultats des actions entreprises se font encore attendre du fait d'un ensemble de difficultés relatives à l'approvisionnement en facteurs de production (équipements et carburant) et aux circuits de commercialisation (camions frigorifiques, chambres froides de stockage...). Le sous-secteur occupe environ 150 000 personnes dans le secteur artisanat; 15 000 dans le secteur non artisanal 50 000 ruraux en tirent un revenu d'appoint. Les investissements de la Banque Mondiale dans le soussecteur de la pêche au Sénégal sont quasiment inexistants, le financement du sous-secteur est assuré essentiellement par la coopération bilatérale avec le CANADA au niveau de l'équipement et de la conservation. 4) Laforesterie Le domaine forestier a représenté entre 1960 et 1980, en moyenne 2 % de la PIBE et 7,5 % de la valeur ajoutée du secteur primaire. Les forêts classées et les superficies protégées couvrent 3,9 millions d 'hectares auxquels s'ajoutent quelques 7 millions d 'hectares couverts de friches et de fonnation forestières non classées participant directement à la satisfaction des besoins des populations (rurales en particulier) en bois de chauffe. Pendant une longue période la foresterie a été laissée pour compte dans le choix des priorités du développement économique et social si bien que le couvert végétal a été mis à rude épreuve par l'expansion anarchique des cultures de rente, l'exploitation abusive pour la production de combustibles ligneux et le surpâturage. L'apparition dans les années soixante-dix d'une désertification intensive et d'une rupture de l'équilibre naturelle entraînent une grave crise écologique qui impose partout dans les pays du Sahel des Plans de Lulle contre la Désertification financés par les bailleurs de fonds 51 internationaux dont la Banque Mondiale et le PNUD (par le biais de son agence spécialisée l'UNSO). Cette désertification a pour principale source la déforestation qui, selon l'étude RIBOT. se poursuit à un rythme de 160 000 ha par an (160 000 ha de coupe et 5 000 ha replantés) dont 22 000 ha par an pour la production du charbon. Jusqu'en 1980, les ressources forestières étaient totalement méconnues. n a fallu attendre l'élaboration (en fin 1980) du Plan Directeur de Développement Forestier du Sénégal pour voir le premier inventaire des surfaces de la végétation ligneuse naturelle. Celle-ci se compose : • De formations feuiUues denses se répartissant: - en 13 000 ha de forêt dont 2 000 se trouvent dans le parc National de Basse Casamance ; - en 45 000 ha de forêt galeries dont 17 000 se situent dans le parc de Niokolo-Koba ; - 162 000 ha de mangroves dont 19 000 ha se situent dans les Parcs Nationaux du Sine Saloum et de Basse Casamance. • De formadons arborées ou~'ertes ainsi réparties: - 2 850000 ha de forêts claires ct de savanes boisées. dont 605 000 ha se trouvent dans le parc de Niokolo-Koba (589 000 ha) et du Sine Saloum (7 000) et 415 000 ha dans les forêts classées non encore ouvertes à l'exploitation; - 8 056 000 ha de savanes arborées et autres formations boisées improductives dont 245 000 ha sont dans le Parc de Niokolo-Koba. • De formations buissonnantes esdmées à 2 680 000 dont 2 630 000 ha de steppes et savanes arbusdves : En ce qui concerne la répartition du patrimoine forestier, elle apparaît très inégale puisque les régions de Ziguinchor. Kolda, Tambacounda (environ 20 % de la population sénégalaise) recouvrent plus de la moitié des superficies des fonnations forestières naturelles et concentrent 90 % du volume de bois de chauffe qui fournit 64,5 % de l'énergie totale consommée Oe reste provenant de l'énergie électrique (11,5 %) et des combustibles dérivés du pétrole pour 24,0 %). Les investissements réalisés dans le sous-secteur ont été assez faibles et le restent encore dans une large mesure car depuis le VIe Plan (1981-1985) jusqu'à maintenant le sous-secteur forestier absorbe à peine 2,4 % des investissements dont 78,2 % proviennent de financements extérieurs. Cc 52 volume d'investissement est sans rapport avec les besoins du sous-secteur. Au rythme actuel d'exploitation. si des investissements massifs ne sont pas entrepris, la forêt sénégalaise disparaftra dans vingt ans. Le revenu d'exploitation du domaine forestier représente en moyenne 10 milliards de FCFA annuellement dont 60 % environ proviennent de la seule vente du bois de chauffe et 20 % de celle du charbon de bois. Le bois d'œuvre et le bois de service interviennent pour 10 % environ, les 10 % restants revenant à la cueillette. Le marché du charbon se concentre essentiellement dans les zones urbaines qui consomment 90 % du charbon de bois. Ce sous-secteur qui occupe aujourd'hui près de 80 coopératives, 9 sociétés et 17 000 exploitants et ouvriers, pose l'épineux problème de la gestion rationnelle de l'écosystème naturel forestier dont l'équilibre demeure fondamental, d'abord pour les populations rurales, et ensuite pour le territoire dans son ensemble. En effet, la demande d'énergie sous la pression démographique entraîne un déboisement de plus en plus intensif d'environ 160 000 ha. Or, il n'est reboisé annuellement qu'approximativement 5000 ha, soit un taux de couverture de 3,10 %, ce qui est insignifiant pour la reproduction simple du patrimoine forestier. Les interventions fmancières du Groupe de la Banque Mondiale dans ce sous-secteur se montent à 3 millions de dollars et concernent principalement des opérations de reboisement et de lutte contre la sécheresse. Ce prologue permet de situer tous les enjeux du développement rural au Sénégal. Manifestement, le secteur rural est la composante essentielle de l'activité économique, il est aussi la source principale d'emplois avec ~ millions de personnes, soit les 2/3 de la population. Selon les projections, le Sénégal devrait compter en l'an 2000, 10,2 millions d 'habitants dont 6 millions dans les zones rurales. On ferait alors courir de gros risques au pays, si rien n'est entrepris pour moderniser l'agriculture. Au demeurant, de l'évaluation qui précède nous retiendrons qu'au lendemain de l'indépendance, l'agriculture (composante essentielle du secteur primaire) a été érigée au rang de sous-secteur prioritaire devant servir de pôle moteur de croissance et de base du développement économique et social global. Trois objectifs centraux y ont alors été fixés et ont été pris en charge avec plus ou moins de succès par les différents plans. à savoir: - l'augmentation de la production par accroissement des rendements et intensification des cultures; - la diversification des cultures en vue de résorber graduellement le déficit vivrier, accéder à l'autosuffisance alimentaire et libérer l'économie nationale du « diktat» de la monoculture arachidière ; 53 - la maitrise de l'eau en vue de conforter les objectifs précédents par la neutralisation des effets dévastateurs des sécheresses cycliques. Pour ce faire, d'importants moyens fmanciers, matériels et humains ont été mobilisés. Cependant, les principaux résultats enregistrés ne furent pas à la hauteur des efforts consentis. Dans certains sous-secteurs, ils furent franchement décevants, voire même catastrophiques. En effet, le bilan d'un quart de siècle de promotion du développement rural au Sénégal pennet d'observer: - une faiblesse des superficies cultivées, des rendements et des productions ; - une forte dépendance de la production vis-à-vis des aléas climatiques faisant de l'agriculture et de l'élevage des sous-secteurs à risque élevé; - un encadrement étatique massif, inadéquat et paralysant dépossédant les producteurs ruraux de toute initiative créatrice et contribuant à ponctionner une importante partie des maigres surplus agricoles à des fins non productives; - une occupation irrationnelle des espaces ruraux caractérisés par une forte congestion dans le bassin arachidier et une inutilisation d'importantes superficies emblavables ; - une forte prédominance de l'arachide dont la culture absorbe la quasi totalité des investissements affectés au sous-secteur agricole; - un déficit vivrier chronique qui s'amplifie du fait de l'accélération de l'urbanisation; - une quasi-absence d'intégration entre l'agriculture et les autres soussecteurs ruraux d'une part, et entre l'agriculture et le reste de l'économie nationale d'autre part; - des méthodes et techniques culturales encore rudimentaires pour la plupart, archaïques et peu performantes. Ces faibles performances ont été soulignées sans complaisance par les autorités responsables du développement rural lorsqu'elles observent que « malgré les efforts déployés, notre économie agricole marque peu de progrès. Elle demeure très fragile parce que dominée par bon nombre de facteurs limitants qui appellent pour leur remède des choix de politique économique ainsi qu'une nouvelle distribution des rôles au sein même du processus de développement »(NPA, mars 1984)(4). Dans ce contexte d'insuccès généralisé de l'économie rurale au Sénégal, et au regard d'une part de l'ensemble des projete; et programmes directement ou (4) SEMINAIRE DU CREA sur la NPA, Dakar 7, 8,9 mai 1986. Voir mon exposé introductif el mon documenl ronéolé, Planificalion et financemenJ du Secteur rural au Sénégal, CREA, 1987, 117 p. 54 indirectement financés par la Banque Mondiale et d'autre part des effets indirects sur le monde rural engendrés par l'intervention du FMI, nous tenterons, à travers les développements qui vont suivre, de faire le point des répercussions (positives ou négatives) à la fois macro et micro-économiques que les interventions de ces deux institutions financières ont générées dans le secteur rural national. Pour ce faire, l'ordre de présentation des présentes réflexions va s'agencer ainsi qu'il suit. Dans une première partie, il sera procédé à une analyse assez détaillée de la stratégie d'intervention directe ou indirecte des deux institutions financières (FMI, Groupe de la Banque Mondiale) dans l'économie rurale sénégalaise. A cet effet, le diagnostic complet de la crise économique en général et rurale en particulier, permettra de cerner les causes de la montée et de la persistance des déséquilibres internes et externes. Nous pourrons ainsi mieux élucider les distorsions structurelles caractéristiques de l'agriculture sénégalaise qui annihilent son efficacité. A partir de ce diagnostic, l'évaluation des modalités d'intervention directe ou indirecte du FMI et du groupe de la Banque Mondiale sur les structures agraires autorisera une appréciation correcte de la stratégie de ces institutions financières en la matière. Sur la base de ce travail préliminaire. nous avons dans une deuxième partie, à travers une évaluation quantitative des performances enregistrées ainsi que des écarts observés mis en exergue la ponée et les limites des stratégies d'intervention des deux institutions. A partir des leçons tirées de l'évaluation de politiques agraires souvent mal conçues ou mal exécutées, nous avons tenté de dégager, dans une troisième panie, une autre stratégie de réfonne du monde rural qui divorce d'avec les solutions de coun tenne, et qui s'appuyant sur les structures sociales et les systèmes de production va impliquer tous les acteurs de l'économie agricole à savoir les coopératives, le secteur informel, les groupements locaux, les femmes et surtout l'Etat. Seulement, l'Etat ici procède de l'intérieur et stimule l'initiative locale au lieu de l'anesthésier par excès d'assistance. 55 PREMIERE PARTIE Crise agraire et stratégie d'intervention de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International L'Etat dès l'indépendance met l'agriculture au cœur de l'équation du développement économique et social. La stratégie élaborée et appliquée fait théoriquement du secteur agricole le principal foyer d'accumulation productive. Trois objectifs majeurs étaient fixés et ont été pris en charge par les différents plans, avec il faut le dire plus ou moins de bonheur: -l'augmentation de la production par accroissement des rendements et par intensification des cultures; -la diversification des cultures afin de résorber graduellement le déficit vivrier pour accéder à l'autosuffisance alimentaire et meure fin à la monoculture arachidière ; - la maîtrise de l'eau pour accroître les surfaces irriguées et rendre l'agriculture moins tributaire de l'instabil ilé climatique. Malgré les moyens matériels. humains et financiers mobilisés. les résultats obtenus sont maigres et cela quel que soit l'angle d'analyse du développement rural. Manifestement. par-delà les statistiques, on est bien en présence d'une crise qui dépasse l'agriculture pour concerner directement le modèle de fonctionnement et d'accumulation de l'économie sénégalaise c'est-à-dire le système d'organisation socio-économique. Un document préparatoire aux travaux du VI' Plan de Développement avait identifié le modèle de base de l'économie sénégalaise par quatre traits caractéristiques: - une forte sensibilité de la croissance aux variations de la production et de l'exportation des produits agricoles; il s'agit là d'un élémen t marquant de tous les modèles agro-exportateurs du Tiers-Monde; - une utilisation insuffisamment productive des ressources tirées de la valorisation de la rente et des apports extérieurs; - une répartition inégale du revenu national au profit surtout de la consommation urbaine; - une vulnérabilité croissante de l'économie à l'égard des variables exogènes (climat, cours mondiaux, taux d' intérêt...) résultant pour partie des trois caractéristiques précédentes. 58 li apparaJ't alors que depuis l'indépendance, le mode d'organisation sodoéconomique dépendait de la génération et de l'absorption de la rente agricole provenant essentiellement de l'économie arachidière. Or, depuis les années quatre-vingt, ce modèle d'organisation accuse un dysfonctionnement profond d'abord du fait que le niveau de la rente s'est amenuisé pour des raisons liées à l'installation d'une sécheresse cyclique, à la détérioration des cours et à la dégradation des systèmes agraires et ensuite parce que le système de prélèvement (par le biais des prix, de la fiscalité et des charges des sociétés d'encadrement). Cette baisse de niveau de la rente agricole n'a été compensée que très partiellement par les surplus provenant d'autres produits de rente (coton), des minerais de phosphate, de l'exportation des poissons frais et des conserves de poisson. Progressivement, la rente va servir principalement au financement de la consommation urtaine, ce qui ressort dans les disparités observées dans la répartition des investissements préférentiellement aux zones urtaines. C'est dire que l'allocation de la rente ne s'est pas opérée favorablement aux activités productives ct notamment agricoles. Dans cette direction, pendant la période des IV·, V· et VI· Plans (1973· 1985), les zones rurales (soit les 2/3 de la population) ont reçu 21 % des investissements et les zones urtaines (1/3 de la population) 59 %. Pis encore, pour le VI· Plan, la Région de Dakar a reçu par t~te d'habitant 9 fois plus d'investissement que la région de Diourbel, 4 fois plus que les régions de Kaolack et Fatick, 2,8 fois plus que celle de Louga La persistance ct l'approfondissement de la crise du développement rural vont nécessiter à partir du VII· Plan, la définition avec les bailleurs de fonds notamment (Banque Mondiale et FMI) d'une Nouvelle Politique Agricole. Celle-ci en panant, d'une meilleure appréciation du fonctionnement du système rural adopte une autre démarche qui consiste à définir les programmes, les actions, les opérations et projets de développement en tenant compte de l'équilibre macro et micro-économique. Par ailleurs, la Nouvelle Politique Agricole va reposer sur deux postulats liés : le désengagement de l'Etat et la responsabilisation paysanne. En m~me temps, elle met en place de nouvelles structures et définit de nouvelles règles du jeu dans le secteur agricole, tout cela en vue de penneure aux agriculteurs d' accroftre leur productivité et de maftriser leur environnement. Il est question alors de mettre en place .les conditions d'une nouvelle accumulation autonome pour un développement durable. Le nouveau modèle d'organisation de l'économie rurale proposé par la Banque Mondiale soulève une série d'interrogations dont les réponses peuvent amener quelque peu à douter de son efficacité: J - Quel est le degré de pertinence des instruments de la nouvelle politique f' économique? 59 - Comment transformer la croissance de la demande en vecteur du développement de la production et des échanges? - Les décisions macro-économiques ont-elles des liens avec les dynamismes micro-économiques ? - Comment les paysans déconnectés de l'économie de marché réagirontils aux diverses incitations économiques? - Quelles sont les nouvelles conceptions de l'espace face à la dislocation des terroirs villageois sous le double effet de la crise économique et de la désertification? - Quelles seront les stratégies paysannes? Sont-elles en phase avec celles des bailleurs de fonds? - La paysannerie pauvre et l'espace rural désintégrés peuvent-ils se passer de l'Etat? Répondre à ces questions renvoie à une analyse poussée des processus socio-économiques et des manifestations caractéristiques de la crise de l'économie rurale. Les débats théoriques deviennent complètement inopérants s'ils ne s'appuient sur un arsenal de faits. C'est fort de cela que cene partie de notre réflexion s'articule en deux éléments : -l'évaluation de la crise de l'économie agricole sénégalaise ; - et l'appréciation des propositions de la Banque Mondiale pour relancer le développement rural. L'intéret de cette analyse réside essentiellement dans le constat d'inefficacité des politiques économiques recommandées par la « Banque Mondialiste» et/ou le « Fonds Monétaire» et initiées dans les économies du Tiers-Monde en général, et celles de l'Afrique en particulier, mais aussi dans l'impérieuse nécessité (objet essentiel de la présente étude) de procéder à l'évaluation sectorielle des impacts des interventions, de la Banque Mondiale et du FMI dans le secteur rural sénégalais. Ces réflexions sont menées en deux chapitres. Le chapitre l, intitulé « Diagnostic de la crise suite à l'involution de l'économie agricole sénégalaise » regroupe dans une première section la conclusion logique tirée par la BM à savoir, qu'il est nécessaire d'effectuer un virage dans l'agriculture sénégalaise, au vu de son importance relative dans les stratégies à mettre en œuvre pour un redressement de l'économie nationale. La section 2 fait une appréciation des distorsions structurelles identifiées dans ce secteur. Le chapitre II, quant à lui, constitue une monographie des modalités d'intervention directes ou indirectes des deux institutions dans les politiques agraires sénégalaises appliquées pendant les deux demières décennies. 60 CHAPITRE 1 La crise de l'économie agricole sénégalaise Au regard du bilan de ces vingt dernières années de développement, il est difficile d'affirmer que les performances globales de l'économie sénégalaise ont été satisfaisantes. Cette situation de crise externe (économie d'endettement) et interne (résultats médiocres des politiques sectorielles de développement) qui persiste encore, a fait l'objet d'un diagnostic approfondi par les pouvoirs publics et les institutions internationales. li s'agissait de remédier au mal-développement, par la mise en place de nouvelles politiques destinées à réaliser et à promouvoir un changement radical d'échelle de l'économie sénégalaise pour la rendre beaucoup plus performante. Dans cette direction, il faut alors procéder à une investigation macrosectorielle de la crise de l'agriculture c'est-à-dire identifier les facteurs et les mécanismes qui sont à l'origine des profonds déséquilibres de l'économie et à l'involution du secteur. Cette situation procède-t-elle de stratégies mal conçues ou mal appliquées, ou de l'instabilité de l'envirormement économique international. Cette analyse fera l'objet des deux sections ci-dessous. 1) L'impact sur les agrégats nationaux li est unanimement admis, par tous les analystes, que la Politique Agricole n'a guère réalisé les objectifs qu'elle s'était assignée au lendemain des années soixante(1). (1) Voir sur ce point le diagnostic réalisé par l'USAID dans l'étude déjà citée sur le « Secteur agricole Sénégalais lO. 61 On peut, tout au plus, à côté de quelques projets perfonnants (entretenus par des financements extérieurs), observer que le secteur rural a connu des déséquilibres graves qui sont dans une largè mesure responsable de la montée des distorsions internes et externes de l'économie nationale. a) Contribution du secteur primaire à la PIBE nationale La saisie des données économiques de base issues de la comptabilité sénégalaise, montre notamment que la Production Intérieure Brute (PIBE), dans sa globalité, a connu l'évolution suivante : - De 1959 à 1974 (période couverte par les trois premiers plans), la PIBE croit à un rythme moyen annuel de 5,8 % en prix courants, soit 2,5 % en prix constants (1971) comme l'indique le tableau suivant: Contribution du primairo l la croissance de la pmE PlII COOI.ü'l" IECrEOl 'l J- PIlI al»STü'U (I971) "165 65/70 70/74 "174 59/65 65/70 70/74 59/74 PlIKAllE ',3 1,7 1,7 S,7 s,o l,' 1,7 2,1 JEalIlDAllE 6.1 '.1 13,0 a.o c,I C,l 3,C C.l mTIAIl! J.6 C.S 7. , C,' l,' 1.0 0 1,S PillE S.' 4,3 7.1 s.a 3,S 2,3 1,2 1,S - De 1974 à 1984, le taux de croissance enregistré est de l'ordre de 10,33 % en prix courants, soit l'équivalent de 3,1 % en prix constants. Au cours de ces vingt-cinq années. la croissance de la PIBE bien que lente, a été régulière. Cette évolution relativise, cependant, celles beaucoup plus contrastées du primaire et du secondaire. Le secteur primaire a ainsi affecté de façon brutale, la production intérieure brute, en raison des chutes considérables de production (sécheresses de 1961,1971-1973 et 1977-1978). Le secteur secondaire marqué par la prépondérance des industries de transformations des produits agricoles (huileries et autres agro-industries) a aussi contribué à modifier la structure de la PIBE. Dès lors que l'économie sénégalaise reste essentiellement tributaire de l'agriculture en paniculier et du secteur primaire en général; ses difficultés actuelles ne peuvent être recherchées que dans les perfornances ou non de la politique agricole. 62 b) Affectation des équilibres internes Le secteur agricole qui affecte profondément l'économie nationale est caractérisé par une profonde désarticulation tant au niveau de ses composantes internes qu'au niveau de ses relations avec les autres branches de l'économie nationale. Plusieurs raisons justifient pareille situation à savoir: Premièrement: Les systèmes de production agricole n'évoluent que très lentement et l'agriculture sénégalaise continue d'être marquée à la fois par une forte dépendance vis-à-vis des conditions climatiques, la domination du système arachide-mil, une relative concentration dans le bassin arachidier et un déficit vivrier important Manifestement, depuis l'indépendance la production agricole a connu une quasi-stagnation: 1,6 % en moyenne. Cette croissance de la production agricole est de loin inférieure à celle de la démographie (3,2 %) ; Cela entraîne une détérioration de la production par tête compensée par le recours aux importations alimentaires. Ainsi, en année nonnale le Sénégal importe près de 600 000 tonnes de céréales dont près de 65 % en riz. Par ailleurs, le taux moyen de couverture de la consommation nationale en produits céréaliers, de 54 % entre 1974-1977, va en diminuant de façon régulière : 63 % en 1975, 54 % en 1976,45 % en 1977 et 39 % en 1978(2), En toute conséquence la production nationale n'a pas suivi la demande globale notamment urbaine qui s'est surtout tournée vers les produits importés, provoquant ainsi à elle seule, 70 % du déficit céréalier. Mais, le fait le plus préoccupant est qu'il demeure encore des disparités tragiques du point de vue nutritionnel. Les catégories les plus vulnérables (femmes enceintes ou allaitantes, vieillards, handicapés, enfants) ont souvent des apports calorifiques bien inférieurs aux nonnes standards. En dépit même de l'accroissement attendu de la production nationale(3), la dépendance du pays vis-à-vis de l'extérieur ne pourra que s'accentuer (maintien des habitudes alimentaires, absence de promotion volontariste des produits locaux...) tandis que se trouveraient privilégiées davantage encore, les populations urbaines tournées vers la consommation des produits d'importation. Deuxièmement : Si les connaissances techniques et agronomiques ont pennis de déterminer globalement l'intérêt de telle ou telle culture dans telle (2) Année exceptionnellement mauvaise du fait de la sécheresse illustrant ainsi la parfaite corrélation entre niveau de production agricole et pluviométrie. (3) Les premières projections, au cours du IV' Plan avaient été faites par le Gouvernement à l'horizon 1981-1985 en vue d'apprécier les besoins futurs de la demande alimentaire. Cellesci ont été par la suite réactualisées dans le " Plan céréalier,. (1985-2000). 63 ou telle région, et de faciliter ainsi une planifica~on de la carte variétale, il reste que dans le domaine des prix agricoles, une corrélation judicieuse entre les choix de production, les prix de revient au producteur et au niveau industriel ainsi que les choix stratégiques du décideur final, n'est pas appréhendée correctement. Cette politique qui doit impérativement traduire un équilibre entre cultures vivrières et cultures de rente semble être jusqu'ici trop approximative. fi en résulte une accentuation de la dépendance alimentaire du pays, un accroissement de l'auto-consommation paysanne, la pérennité des conflits d'intérêt entre les producteurs, les négociants et les industriels d'une part ; entre les distributeurs et les consommateurs d'autre part. Narutellement, les situations de pénurie que l'on observe parfois relativisent, la portée du rôle des prix en raison des pratiques spéculatives aussi bien du côté des producteurs que des commerçants acheteurs ou de ceux qui exercent leurs activités dans les circuits de distribution. On peut aussi, comme A. BARRERE dans Théorie économique et impulsion keynésienne( 4), rappeler que l'analyse keynésienne a fait du volume du revenu, le critère d'efficience de l'économie nationale. L'étude du revenu agricole pourrait donc, a priori, nous donner une 1---mesure d'activité du secteur et une certaine échelle du pouvoir d'achat du paysan sénégalais. Il faut, cependant, prendre en compte les insuffisances d'une telle évaluation, insuffisances dues notamment à l'importance de l' autoconsommation paysanne et au degré d'exactitude que l'on peut accorder aux données de la comptabilité nationale. fi ressort tout de même que d'après les Comptes Economiques du Sénégal en 1959 de M. le HEZARA(5), le revenu moyen annuel par tête des paysans et pêcheurs ne dépassait pas 20 000 F, alors que le revenu annuel par habitant était de 35 000 F. La principale caractéristique de ces revenus, c'est évidemment leur faiblesse puisque même le revenu annuel per capita de la catégorie supérieure est à peine plus élevé que le dixième du revenu annuel moyen des salariés de la zone urbaine (estimé à 300 000 F) toujours en 1959. Depuis cette époque, les revenus monétaires des agriculteurs se sont dans l'ensemble profondément détériorés entramant une baisse du pouvoir d'achat. Ces revenus proviennent pour plus de 80 % de l'arachide dont les prix d'achat du kilogramme ont évolué comme suit en francs constants de 1972 (déflatés par l'indice des prix à la consommation en milieu africain) : (4) A. BARRERE, Théorie économique et impulsion keynésienne. Paris, Dalloz, 1959. (5) M. Le HEZARA, « Développement Economique de la République du Sénégal ,.. Comptes Economiques du Sénégal, Direction de la Statistique, 1959. 64 1960 1965 1972 1977 1983 . . . . . 29 F 25 F 23,7F 21,6 F 18 F La même détérioration est observée pour les autres produits agricoles notamment le coton et le riz paddy. Dans le même temps, le revenu rural moyen, à son tour, s'est déprécié et a évolué comme suit en : 1960 . 22000F 1965 . 15400 F 1972 .. 12 oooF 1977 .. .10900 F 1983 . 8800F Ces statistiques révèlent en conséquence un processus continu d'appauvrissement du monde rural et expliquent en grande partie son incapacité à résister à la famine. aux autres calamités et à se passer de l'assistance alimentaire internationale. Cette difficulté, voire cette incapacité à s'auto-développer, a engendré entre autres : - une explosion démograplùque en milieu urbain due à l'exode rural massif qui opère le vieillissement des campagnes et - une mentalité d'assistance entretenue dans les zones rurales par les SOR et certaines ONGs. TI est manifeste aussi que la principale source d'emploi pour le Sénégal se trouve dans l'agriculture, l'élevage et la pêche: 4 millions de personnes, soit les deux tiers de la population. Selon les projections effectuées par la Banque Mondiale(6), le Sénégal devrait compter 10,2 millions d 'habitants en l'an 2000 dont 6 millions dans les zones rurales. Ce qui, si rien n'est entrepris pour moderniser l'agriculture, comporte le risque de perpétuer: -la déstabilisation de l'écologie (interaction homme-nature) qui favorise et renforce l'avancée du désert ; -la faible productivité de l'agriculture ; -l'appauvrissement accéléré des masses rurales; - et l'aggravation de la crise agro-alimentaire. (6) Banque Mondiale, Mémorandum économiqlU!. novembre 1984, p. 101. Voir également Séminaire CREA sur le mémorandwn en avril 1984 notamment les exposés introductifs des professeurs Moustapha KASSE, Abdoulaye DIAGNE, François BOYE et Mamadou DANSOKHO. 65 On peut donc dire globalement que l'agriculture au sein des sous-secteurs du primaire a contribué de façon détenninante à la détérioration des agrégats de l'économie nationale. Pour les autres sous-secteurs, on peut rappeler que: - l'élevage, en raison des sécheresses successives et des difficultés propres à cette activité, a généré des plus-values (structures de traitement des produits de l'élevage peu diversifiées), et a enregistré ces dernières années des résultats de moins en moins positifs; -les activités forestières constituent un marché très actif pour l'économie rurale. Cet avantage doit de ce fait être sauvegardé en poursuivant et en renforçant les actions entreprises (campagnes de reboisement. ..) en vue d'assurer un équilibre entre une exploitation économique optimale et la stabilité naturelle. c) Affectation des équilibres externes Le déficit vivrier qui s'est installé, en s'accentuant, a fait du Sénégal, une wne d'insécurité mais aussi un pays fortement dépendant de l'extérieur pour se nourrir. La couverture de la consommation intérieure (déjà analysée dans le paragraphe précédent) et le rythme soutenu d'augmentation des im portations alimentaires confirment cette observation appuyée sur le tableau suivant: Agriculture et équilibre extérieur 1913 1914 1915 1916 1911 1911 1919 ~rcia1 36,7 25,0 25,9 38,1 35,1 68,6 84,1 b) Bxportation. arachide + Coton 16 ,1 35,1 41,6 67,1 79,2 26,9 47,5 13 22 11 17 19 17 21 b/& en Il 44 143 161 176 226 39 56 CI. en Il 35 Il 42 45 54 25 25 a) D6ticit 0) I~rtaUon. c6r6ale. . Ainsi, sur la période analysée, les importations de céréales (c) représentent près de 90 % (1974) et 25 % en 1979 du déficit commercial enregistré; ce qui tend à montrer le poids relativement important de la facture céréalière dans la tenue des comptes extérieurs de la nation. 66 Un examen rapide de la balance commerciale agricole par produits, nous pennet de mieux cerner ce phénomène. . • AMlyse des lmpOrtatioIU agrlcoks Il resson des divers plans de développement que jusqu'en 1980, les céréales représentaient en moyenne 43 % des importations du secteur agroalimentaire (18 milliards FCFA sur 42) et étaient responsables de plus du tiers du déficit commercial. Le tableau suivant nous donne une idée assez précise de ces imponations par catégorie de produits. PROWIT8 QUAHTITBI (en tonne.) ULsn (aUliard8 cie franc:.) Riz 242.000 12,3 Il' 100.000 S,l YaI. lS.OOO 0,6 lUI 10.000 0,4 TOTAL CBREALB8 'roclui t. ~archer. Conc:entr6 tOMoto lucro Dhor. (tb6, caf., boi••9ft. proeSuit. laiUer.). Total ( lçort/Acroali_nt) 367.000 11,4 1.S ~~.OOO (daat 43 . . cie t.~. ~ 4D Oi.....) 6.000 40.000 15.0 47S.000 42,0 Source : Estimations et projections de la direction de la prévision et de la statistique (MEFP) et la BCEA/AGENCE. Des évaluations plus récentes des imponations de produits alimentaires (débuts des années quatre-vingt-dix) ressortent du tableau de la page 68. L'imponance du commerce extérieur dans l'économie sénégalaise s'est accentuée ces dernières années. Le déséquilibre de la balance commerciale qui dépend en grande panie des importations et des exportations agricoles nous pennet de poser la problématique suivante: Quel est le degré d'intégration du Sénégal vis-à-vis de l'extérieur du point de vue des produits de son agriculture ? Pour ce faire, il est nécessaire de compléter l'analyse des imponations du secteur agraire par celle des exponations. 67 B.U.Uona Pr6vi.ion. Projec- tion 19a9 1990 1991 1992 1993 100,9 90,2 94,9 91,3 9S,O ValeU' Vol_ Prix 3a,l 430,a sa,4 21,1 336,S 62,6 2S,4 394,S 64,4 21,1 33a,O 62,3 21,S 360,0 S9,6 Val eU' Vol_ Prix Autr•• prexiuit. ali_tair•• Joi ••on. et tabac. Autr•• biena de ClOIUI_t ion l i _ d'6qui.,...,.t lien. intora6diairo. 12,S 161,S 77,4 10,1 139,9 72,2 a,o Ul,O S3,O 7,a Ul,2 Sl,7 a ,1 ua,a Sl,l SO,3 S,S S9,O a,o 61,S 7,3 62,4 7,1 6S,4 a,2 64,9 U,l 96,2 60,0 S3,O 113,6 61,0 sS,a 124,S 63,9 S6,4 129,a 6S,O S9,O 13S,4 Prg4pit. aliwpptalrRl lis Il' SOURCE Estimations et projections de la direction de la prévision et de la statistique (MEFP) et la B,C.E.A.OIAGENCE. • Analyse des exportatwns agricoles En 1974, la structure des exportations du secteur primaire est schématiquement la suivante: Produits arachidiers . 75,0% . 15,0% Produits de la pêche 5,0% Coton . 1,5 % Produits animaux '" '" 1,2 % Légumes .. 2,3% Divers .. Par rapport à l'évolution des exportations, on peut observer, outre la diversification de celles-ci, que les seules exponations des produits arachidiers couvrent toutes les imponations du secteur. Pendant le V· Plan, on a assisté à une détérioration des échanges extérieurs du secteur primaire ; cependant. l'équilibre a pu être sauvegardé par la part prépondérante prise par les produits de la pêche : les exponations se sont alors élevées à 51 milliards contre 42 milliards de FCFA d'imponations pour le secteur. De 1981 à 1984 l'alHlyse du tableau ci-dessus montre que les exportations cu secteur primaire avaient plus que doublé (41 à 113 milliards) dont en moyenne 53 % provenaient des produits agricoles (arachides + coton). 68 Celui-ci indique enfin que les produits arachidiers ont fourni pendant certaines années plus de la moitié des exportations du secteur avec une chute brutale durant l'année 1981. Depuis 1989, les exportations ont évolué comme l'indique le tableau 2 en annexe. Dans l'ensemble, le sous-secteur de la pêche a connu des résultats spectaculaires ces dernières années tant au niveau technique (modernisation et amélioration de l'armement), qu'au niveau économique (performance des productions), Le Sénégal qui jouit sur ce plan de conditions géographiques très favorables (700 km de côtes riches en produits halieutiques) et restera largement autosuffisant selon les projections effectuées par la SONED (Société Nationale des Etudes de développement) comme J'atteste le tableau suivant : Evolution de la pêche SOCRCE: SO'\ED Afrique, 1985, Le sous-secteur de l'élevage bien que dépendant directement des incidences climatiques n 'intlue pas plus que l'agriculture sur le déficit chronique de la balance commerciale. Dans le domaine de l'élevage, les statistiques restent encore assez fiables en matière de production, de commercialisation, de consommation et de balance avec l'extérieur. Les données concernant l'évolution du cheptel montre une très grande stabilité après les chutes des années 1973 et 1983 suite aux dures sécheresses catastrophiques. Evolution du Cheptel, 1988-1992 (En milliers de têtes) 69 L'instauration indispensable d'une politiqu~ cohérente et intégrée de l'élevage pour en faire une variable de croissance et de développement passe d'une part par la rupture avec l'élevage traditionnel qui a atteint ses limites extrêmes d'inefficience et d'autre part par la solution des facteurs limitants que sont les aliments, les pâturages compatibles avec les ressources en fourrage, la liaison étroite avec l'agriculture, la mattrise de l'abattage et la rationalisation des circuits de commercialisation. Sur un autre plan, une attention paniculière doit être apponée aux imponations de viande qui à tenne, peuvent annihiler tous les efforts de modemisation du sous-secteur. En effet l'élevage est concurrencé par des viandes et des sous-produits européens congelés (flanchets de bœufs désossés, croupions, ailerons de volailles) vendus à très bas prix par suite de fortes subventions. En 1990, la CEE a réalisé 95 % des imponations ouest-africaines. Les prix CFA des principaux produits ont baissé de 50 % en huit ans. Ce dynamisme à l'exportation repose sur d'imponantes subventions. Afin de faciliter l'écoulement des surplus encombrants, les entreprises vendeuses perçoivent du FEOGA (Fonds Européen de Garantie) des restitutions (primes à l'exploitation). Celles-ci leur assurent des bénéfices, non négligeables. En 1991, le prix au producteur européen s'établissait à environ 20 FF le kg, alors que le flanchet était cédé à l'exponation à un prix de 12 FF(7). Bien évidemment la dévaluation doit complètement changer cet ordre de chose et devrait rendre l'élevage des pays enclavés (Burkina Faso, Niger et Mali) plus compétitif sur les marchés des pays côtiers plus riches (Côte-d'Ivoire, Sénégal). L'analyse nous a permis de mettre en évidence les facteurs de contre performance de l'économie sénégalaise. Suite à l'émergence des déséquilibres du secteur rural, il apparait que: l'agriculture, malgré ses faiblesses, reste tout de même le moteur de l'économie nationale. Elle a été la principale cause de ruptures observées au niveau de la macro-économie interne et externe du Sénégal en même temps qu'elle a été principalement une activité de déstructuration de l'économie rurale. Au total, la meilleure compréhension de la tendance régressive du secteur agraire nécessite de compléter l'évaluation quantitative, par une analyse plus qualitative et structurelle des problèmes qui ont été abordés. 2) Les distorsions structurelles de l'économie rurale sénégalaise Au lendemain de l'indépendance, la voie africaine du socialisme avait été préconisée comme philosophie qui sous-tend le développement économique et (7) « La lettre de SOLAGRAL », Menswel des solidarilés agricoles el alimentaires, nO l, octobre 1991. 70 social. Cette option doctrinale devait se traduire principalement par la socialisation de l'agriculture et l'extension de la coopération considérée comme la forme d'organisation la plus appropriée au regard des objectifs socio-économiques poursuivis et des finalités du développement. La réalisation de la Société nouvelle impliquait l'exercice par l'Etat de fonctions économiques et administratives exorbitantes(8). En effet, il revenait à l'Etat de définir les priorités, de désigner les moyens et les structures d'interventions et de fixer les délais de réalisation des principaux objectifs. Egalement, l'Etat devait assurer la formation technique et professionnelle des agriculteurs ainsi que l'instauration d'un ensemble d'instruments juridiques pour la promotion et la défense des intérêts de la population rurale. Trente années de politique agricole ont montré non seulement un écart grandissant entre les résultats obtenus et les objectifs postulés, mais surtout qu'il existe une crise profonde de l'économie rurale qui se manifeste dans la faillite de l'intervention de l'Etat, le grave déficit agro-alimentaire, la détérioration du pouvoir d'achat des producteurs et la stagnation de la production des différentes cultures de rente. Cependant, pour bien comprendre la forte dégradation actuelle de l'économie rurale et qui a conduit à la mise en place d'une nouvelle politique agricole, il importe de bien la situer dans le contexte historique de bouleversements du système agraire pendant la période coloniale. Ces bouleversements avaient, en effet, conduit à des politiques agricoles postindépendance fondées sur une intervention généralisée de l'Etat, une assistance et une protection des acteurs au point de les déposséder de toute initiative créatrice. L'étude de l'économie politique de l'agriculture coloniale permet d'observer que les rapports de production capitaliste n'ont pas réussi à prendre racine dans le secteur rural sénégalais et que le capitalisme n'avait pas investi le procès de travail en y introduisant sa dynamique « productiviste ». Le secteur agricole indigène a été simplement intégré à la sphère de la circulation et n'a connu ni amélioration des rendements, ni accroissement de la productivité. Il a été ainsi maintenu dans un archaïsme quasi absolu. Par ailleurs, l'approvisionnement des industries de la métropole en matières premières agricoles ainsi que la recherche de débouchés extérieurs ont eu pour résultat, dans le cadre de l'économie de traite, l'abandon progressif des cultures vivrières au profit des cultures de rente. Cela a eu pour corollaire une chute de la production vivrière accessoirement suppléée par des importations alimentaires. Ainsi s'est amorcée la double extraversion de la (8) Moustapha KASSE, Les problèmes du secteur rural: perspectives et limites de la NPA, Séminaire du CREA, 7, 8, 9 mai 1986,37 p. 71 structure productive par satisfaction de la demande extérieure et de la structure de consommation par importation de biens alimentaires. A la veille de l'indépendance, le pouvoir colonial laissait un héritage lourd dans le secteur agricole : une monoproduction arachidière avec des fonnes de production et d'exploitation arriérées donnant des rendements extrêmel!1ent faibles, une paysannerie appauvrie par divers usuriers qui contrôlent tous les principaux circuits de distribution et de commercialisation de la production agricole, une agriculture vivrière exsangue, un système coopératif entrainant des distorsions à la fois économiques et sociales. Cette situation sera aggravée par de nouveaux facteurs comme l'accroissement démographique, l'urbanisation accélérée et le mimétisme d'un modèle de consommation importé. Toutes ces distorsions ont amené l'Etat à s'installer ainsi au cœur du monde rural en mettant en place un vaste réseau de sociétés d'intervention qui devaient se charger d'exécuter le programme agricole (PA)Les objectifs de ce programme agricole consistaient notamment en : -l'intensification et la diversification de la production rurale; - l'optimisation des dimensions des exploitations ainsi que la mise au point de méthodes culturales modernes; - l'expérimentation de la mise en valeur de terres neuves afin de permettre la cOIUlaissance de tous les éléments nécessaires à leur extension; -l'organisation etl 'amélioration des circuits de commercialisation; -l'intégration adéquate de l'agriculture et de l'élevage; - la réorganisation, le renforcement et l'harmonisation des structures d'encadrement. Le bilan que l'on a pu établir de cet ambitieux programme sectoriel sous la tutelle de l'Etat est qu'il est très modeste avec notamment: - la fragilité du système coopératif géré par des organismes d'encadrement caractérisés par une carence très marquée ~ - l'inefficacité des institutions de fmancement agraire ~ - et les errements dus à certaines mesures de politique économique de l'Etat. a) La fragilité du mouvement coopératif et les carences des organismes d'encadrement • ÙJfragliili du mouvement coopératif Le système coopératif a été créé en 1960 par l'Etat dans l'idée d'exercer un contrôle plus complet sur la production et la commercialisation des arachides. 72 « La société coopérative est un moyen par lequel les faibles cherchent à se défendre en se groupant. Aussi l'adhésion à la coopérative doit être libre et la gestion de l'organisme démocratique; il doit y avoir répartition équitable des fruits, mais aussi des risques de l'entreprise »(9). La coopérative à laquelle nous avions affaire au Sénégal diffère fondamentalement de ce modèle. L'édification d'un système coopératif autonome (dont le village était la cellule de base) n'a pas été à l'origine d'un mouvement spontané des paysans ; il a été organisé, structuré et surtout contrôlé par l'Etat dans le simple but de se substituer aux sociétés commerciales coloniales présentes à tous les niveaux des circuits d'approvisionnement et de distribution. L'Etat entendait, par ce biais, promouvoir la structuration communautaire du monde rural, cela conformément aux rapports sociaux prévalent dans les campagnes. C'est à panir de ce schéma initial que les coopératives n'ont cessé d'accroitre leur nombre (l 870 coopératives en 1979 dont 1 072 dans le bassin arachidier) jusqu'à la réforme du 30 juillet 1964 intervenu dans le mouvement coopératif. Cette réforme partait du constat que l'action coopérative, bien que satisfaisante, était insuffisante. Celle-ci n'était en fait qu'apparente puisque le dépérissement des CRAD (Centres Régionaux d'Assistance au Développement) n'avait entrarné qu'une plus grande emprise de l'Etat sur le monde rural avec la mise en place d'unions régio~ales des coopératives. La structure coopérative, dans sa conception et dans son fonctionnement s'apparentait beaucoup plus à un rouage, voire à une cible de l'Etat qu'à une organisation de solidarité et de responsabilisation des producteurs librement associés. Ces principes fondamentaux bien que connus des coopérateurs grâce à l'animation et l'éducation rurales, n'avaient même pas fonctionné. Cela apparait dans la distribution anarchique ou arbitraire des intrants qui étaient souvent bradés au marché noir, dans certains signes extérieurs de richesse et dans la dégradation des valeurs morales et la politisation excessive. Cette intervention massive de l'Etat dans le monde rural a eu aussi deux conséquences inéluctables d'une part l'explosion de l'exode rural entrai'nant le vieillissement des campagnes et la poussée démesurée de l'urbanisation et d'autre part l'incrustation d'une mentalité d'assisté au niveau de toutes les couches du monde rural. C'est dire ainsi que les coopératives portaient en elles-mêmes, les raisons de leur propre destruction qui deviendra impérative avec les carences observées au niveau des structures d'encadrement du monde rural(IO). (9) Déftnition donnée par le BIT et voir aussi Crédit Agricole FAO, 1969, p. 30. (10) La chute brutale de la production consécutive à la sécheresse de 1977-1978 a accentué la fraglli lé de l'action coopérative. 73 • Les carences des organismes d'encadrement Le début d'exécution du Programme Agricole lancé par l'Etat en 1960, a été confié à deux organismes: l'DCA (Office de Commercialisation Agricole) et les CRAD (Centres régionaux d'Assistance au Développement)( Il). Le rôle principal qui incombait à l'OCA, était de passer des commandes de matériels agricoles (dont le principal fOl,lmisseur était la SISCOMA Société Industrielle Sénégalaise de Constructions Mécaniques etde Matériels Agricoles) et de livrer les intrants aux coopératives par l'intermédiaire des CRAD qui devaient assumer une fonction d'assistance à leur égard. Le financement de l'opération était confié à la BSD (Banque Sénégalaise de Développement). En règle générale, rOCA et les CRAD devaient: - intervenir dans les circuits de commercialisation des produits agricoles et de rapprovisionnement des producteurs; - assurer la fonction d'assistance aux coopératives et ; - servir d'instrument d'application du plan en milieu rural En 1966, en même temps que prend fin la première réforme du mouvement coopératif, s'opère parallèlement une nouvelle stratégie d'encadrement des structures agraires avec la création de l'ONCAD et de la SODEVA( 12). C'est ainsi qu'en 1967-1968. la responsabilité de l'assistance et du développement des coopératives passe dans les attributions de l'ONCAD. La SODEV A devait être la maîtresse d'œuvre de l'encadrement, de l'éducation et de la vulgarisation agricoles. En réalité, le rôle de l'ONCAD ne consistait pas seulement à commercialiser l'arachide, mais à distribuer des facteurs de production et à recouvrer les crédits. Outre ces principales fonctions, l'Office devait gérer les stocks de semences d'arachide, tenir la comptabilité des coopératives et promouvoir le mouvement coopératif. Les activités de la SODEVA qui ne génèrent pas de ressources propres et ne bénéficient pas non plus de financements extérieurs, se limitaient surtout à des tâches de routine. Cette dernière, noyautée par une bureaucratie paralysante, avait un impact peu évident. L 'ONCAD restait donc la principale structure d'encadrement du monde rural et c'est lui qui a, de fait contribué le plus à l'effondrement de l'édifice coopératif. En effet, au début de l'année 1974, la Commission de Vérification des Comptes et de Contrôle des Etablissements Publics (CVCCEP) rend public un rapport d'inspection des comptes de l'ONCAD et critique les (Il) Créé en 1960,l'OCA a été la première tentative d'intervention de la puissance publique dans le monde rural. (12) SODEVA: Société de Développement et de Vulgarisation Agricole. 74 i procédures financières de. la gestion de cet Office. Le laxisme dont a fait preuve l'ONCAD surtout àÙ'niveau de la tenue des comptes des coopératives a été définitivement reconnu grâce à l'analyse qu'en a faite la SODEVA dans la région Uu S)ne Saloum( 13l Cette éru'de révélait notamment les différences importantes, entre les comptes tenus par les peseurs pour les coopératives, ceux de l'ONCAD et le niveau des dettes reconnues par les exploitants et par l'office. C'est dans ces conditions que les remboursements des coopératives se sont ralentis, passant de 78,6 % en 1969-1970 à 59,4 % en 1978-1979. C'est au vu de cette situation que le Gouvernement, ayant pris conscience de la stagnation des coopératives et des doléances sans cesses croissantes des paysans, a épongé les dettes de 1978. Les compagnes 1979-1980 et surtout 1980-1981 qui ont été deux années de sécheresse et de faible production ont accentué le refus de remboursement des coopératives (le taux d'impayés avait aUeint 50 % de la valeur ajoutée de l'agriculture). Mais à l'évidence, la sécheresse a été davantage un accélérateur plutôt que la cause profonde de la chute de l'ONCAD, de la fermeture de la SISCOMA et de l'affaiblissement de la BNDS. La raison véritable a surtout été la mauvaise conception de base des coopératives et l'ingérence omniprésente des monopoles d'Etat dans le monde rural et notamment dans le secteur agricole. En ce qui concerne le sous-secteur de l'élevage, le gouvernement, pour lever certains obstacles d'ordre réglementaire (professions touchant le commerce de bétail, l'utilisation des pâturages, l'installation d'infrastructures agricoles) a lors du conseil interministériel du 10 février 1980 pris deux mesures: -la création de la Société Nationale de développement de l'Elevage dans la zone Sylvo-Pastorale (SODESP) avec pour mission l'encadrement rapproché des éleveurs et des agro-pasteurs ; - la promotion de l'em bouche paysanne et industrielle grâce à l'ouverture d'un département vétérinaire au sein de la SODEVA. Ces mesures devaient être facilitées notamment par : - une réduction de la TCA de 13,5 % à 4,7 % (mesure qui a été effectivement réalisée) ; - une interdiction d'exportation de sous-produits agro-industriels (non encore appliquée de façon rigoureuse) ; (13) Le Gouvernement a annulé une part de la dette échue en 1977-1978 soit 1 296,8 millions FCFA et a reporté 1 625,9 millions à rembourser sur trois ans par la Caisse dt'. Péréquation et de Stabilisation des Prix (CPSP). 75 -l'accès au crédit bancaire (encore à l'état de. balbutiement) ; - et la fonnation petmanente de docteurs-vétérinaires issus de l'EISMV (Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine Vétérinaires) afin de préserver l'acquis sanitaire au niveau du cheptel malgré le développement de oouvelles maladies et la réapparition de la peste bovine. L'Ecole fonctionne bien qu'elle soit actuellement assaillie par de multiples difficultés financières. Récapitulativement, on peut noter que les pouvoirs publics ont créé les sociétés de développement rural (SOR) 'en vue d'encadrer les paysans et de diffuser les technologies susceptibles d'améliorer la productivité du travail et les rendements. . Progressivement, leur nombre a rapidement augmenté passant de 4 en 1962 à 10 en 1982. Egalement, leurs prérogatives, se sont notablement élargies. En conclusion, cette intervention de l'Etat malgré l'ampleur des moyens financiers mobilisés, n'a point réussi ni à augmenter la production (celle-ci a d'ailleurs baissé dans certains cas), ni à améliorer les revenus des paysans (qui plutÔt ce sont détériorés). Oe plus, toutes les SOR ont été rendues déficitaires par des gestions financières désastreuses et gabégiques et par des malversations diverses. Elles ont appliqué un recrutement extrêmement laxiste qui a abouti à des effectifs pléthoriques. Ainsi l'ONCAO qui avait démarré avec 400 employés se retrouve au milieu du parcours avec 2 900. Aujourd'hui, au vu de la situation précédemment décrite, il est pennis d'apprécier la faillite des SOR à un triple niveau: - O'abord au plan financier, toutes les SOR accusent un déficit de plus en plus lourd qui passe de 5 milliards en 1978 à 9 milliards en 1980 et à 12 milliards en 1982. Elles deviennent de véritables gouffres financiers grevant sévèrement le budget de l'Etat. La dissolution de l'ONCAO a laissé un passif de plus de 94 milliards et la SONAR qui a pris le relais affichera elle aussi un déficit d'environ 8 milliards. Cette dette interne de l'Etat issue des déficits des SOR pèsera certainement pendant longtemps sur les finances publiques et sur le niveau de l'investissement étranger. - Ensuite au plan technico-agronomique, les SOR n'ont pas réussi à améliorer les rendements et la production ni à assurer une diffusion adéquate de technologies fiables et rentables dans leurs zones d'implantation et d'action. La meilleure preuve est le déficit des filières arachide et riz par suite de faibles perfotmances techniques. Les ressources financières investies l'ont été à fonds perdus dans la mesure ou elles n'ont pas réussi à élever la productivité et les rendements ; - Enfin au plan de l'encadrement, les SOR n'ont pas servi à défendre les intérêts des petits producteurs. Les actions les plus importantes qu'elles ont 76 réalisés ont s~rtout été orientées vers une certaine élite paysanne (chef de village pr~sident de coopérative... ) ou simplement vers d'autres sociétés. Ces distorsions relevées au sein des structures d'encadrement ont été accompagnées malheureusement d'une inéfficience manifeste des institutions de financement agraire mises en place également par l'Etat. b) L'inéfficience des institutions de financement agraire Les distorsions de ragriculture s'expliquent aussi par l'inéfficience des institutions de financement agraire qui peut être mise en évidence par: - l'action non volontariste de laBNDS ; - et certaines erreurs graves dans la diffusion du crédit agricole. • L'action non volontariste de la BNDS La BNDS (Banque Nationale de développement du Sénégal) à l'instardes autres banques de développement en Afrique,« est née de la volonté de l'Etat de se libérer de la tutelle des banques d'affaires étrangères en vue d'élaborer des politiques de crédits volontaristes »(14). La préoccupation de la BNDS était alors double: - d'une part permettre à l'Etat d'orienter ses créd its et ses partici pations en fonction des objectifs prioritaires de développement; - et d'autre part faciliter aussi l'affectation des crédits à des activités économiques présentant un intérêt national indéniable, mais qui avaient été délaissées par les banques traditionnelles en raison de leurs risques (secteur social, activités agricoles ... ) ou de leur durée (prêts à moyen ou long terme). C'est ainsi que la BNDS a vu le jour à partir de la fusion du Crédit Populaire Sénégalais (CPS) et de la BSD (dont les fonds propres étaient insuffisants pour le financement du programme agricole) par la loi nO 64-33 du 26 mai 1964. Jusqu'à une période récente, l'action de la BNDS était surtout tournée vers le domaine agricole, ce qui lui a valu d'ailleurs l'appellation de« Banque de l'arachide »( 15). C'est ainsi qu'au cours de l'exercice du 1er octobre 1972 au 30 septembre 1973, les crédits octroyés se sont chiffrés à 14787 millions contre 22 731 millions au cours de l'exercice précédent(16). (14) Joël BOURDIN. Monllaie et Politique MOllétaire dans les pays Africains de fa Zolle Frallc, Collection CIFPB. NEA. (l5) La BNDS intervient pour 33 % dans les opérations de crédits bancaires au Sénégal. Elle détient notamment le plus grand portefeuille de participations dans les sociétés avec ou à côté de ['Etat. (16) « p,32. 77 L'Africanisation du seclCurbancaire »,Revue Europe-Durre filer, n° 537,1974, Sur ce total, le secteur agricole était financé .pour 11 216 millions (soit 76 %), montant accordé presque entièrement à l'ONCAD. Seuleme~t, il faut déplorer le fait que dans l'application de la politique du crédit, li majeure partie de la compétence de la BNDS était dévolue à la SODEVA ou à l'ONCAD. En paniculier, la BNDS n'intervenait pas de manière directe dans l'octroi des prêts, ni dans leur surveillance, ni même dans l'assistance à fournir aux coopératives pour leur comptabilité et encore moins dans les opérations de recouvremenL Pourtant, il apparaît à l'évidence que quelles que soient les vertus des mécanismes proposés, leur efficacité dépendra surtout de la manière dont ils seront appliqués. C'est le banquier qui, en règle générale, demeure le mieux placé pour contrôler la distribution du crédit agricole et adapter sa gestion à l'évolution de la siwation du secteur. Sur ce point, la BNDS n'a pas été à la hauteur de la mission qui lui avait été assignée. En effet, la BNDS, malgré la polyvalence qui la caractérisait (toutes les opérations de développement), avait porté ses effons surtout en direction du monde rural. C'est ainsi qu'au cours des années 1969-1970 et 1975-1976, la banque avait reçu des lignes de crédit de l'Etat octroyées par l'IDA d'un montant total de 9,4 millions de dollars (2,7 milliards de francs CFA environ). A son tour, elle a prêté ces fonds à des coopératives à un taux supérieur de deux points à celui du taux d'escompte de la Banque centrale. Les résultats enregistrés ont été médiocres ; ils sont tout simplement le reflet d'un endettement de plus en plus critique des coopératives ou même de la défaillance de celles-ci. Par ailleurs, les mauvaises performances de la BNDS ont aussi été dues au non respect des conditions préalables nécessaires d'un crédit rural bien adapté. • Les errements dilns la distribution du crédit agricole Le défunt système de crédit agricole était caractérisé par certaines insuffisances parmi lesquelles on pouvait noter: -l'inexistence de tout apport personnel; -la non décentralisation dans sa distribution; - et l'absence d'un crédit contrôlé. L'inexistence de tout apport personnel a constitué l'un des traits particuliers du crédit agricole distribué au Sénégal. Pourtant, les usages bancaires recommandent la perception, sur tous les biens fmanciers à moyen ou long terme, d'un apport personnel qui doit représenter en moyenne une échéance du prêt consenti. fi est vrai que cette exigence peut faire l'objet de plus de difficultés d'application dans le crédit rural que dans le crédit commercial, mais il est aussi douteux d'affirmer que le paysan bien encadré 78 ne puisse épargner au moins le cinquième du prix d'un matériel agricole encore faudrait-il l'inciter à le faire. . Outre les avantages classiques (solvabilité de l'emprunteur, garantie de la banque en cas de non remboursement...), l'apport personnel peut rendre le crédit moins attrayant et par conséquent incitera le paysan à se tourner vers l'opération d'achat au comptant; ce qui pennet de limiter la pratique courante consistant à brader sur le marché parallèle, des facteurs de production obtenus à crédit auprès des coopératives. Par ailleurs, l'une des faiblesses majeures du crédit agricole de la BNDS semble résider dans la non décentralisation de ses opérations. Celle-ci, a surtout orienté ses opérations de crédit rural vers le bassin arachidier( 17). Cela a, sans nul doute, contribué à accentuer les déséquilibres régionaux actuels. Le crédit agricole a surtout été un crédit de masse c'est-à-dire qu'il n'a tenu compte ni des besoins réels, ni des conditions spécifiques des emprunteurs. Ceci a, du reste, accéléré la détérioration de la situation financière de la banque car dans une telle stratégie, la répartition des risques liés au crédit ne peut être assurée. Le système de crédit agricole ignorait, enfin, de façon complète, la notion de crédit contrôlé ou surveillé c'est-à-dire une combinaison véritable entre le crédit lui-même et la vulgarisation(18). Il faut remarquer que cette combinaison ne vise pas uniquement des rendements d'échelle croissants au niveau de la production, mais aussi à soutenir un programme d'éducation qui, en plus de l'enseignement des meilleures méthodes de culture, cherche également à modifier les habitudes des cultivateurs et de leurs familles afin d'améliorer leur condition économique et sociale. Au Sénégal, l'organisme chargé de la vulgarisation, en l'occurrence la SODEVA, faute de moyens financiers suffisants, n'a pu mener sa mission dans ce sens. En conclusion, le crédit agricole distribué au Sénégal a été à la fois un crédit de masse et un crédit statique puisqu'il n'a entrafné ni un accroissement de la production globale, ni de celui de la productivité rurale. En marge de ces erreurs, on ne peut pas passer sous silence les errements dus aux mesures de politique économique sectorielle initiées directement par l'Etat. (17) Le Bassin arachidier est la zone écologique comprenant les régions suivantes: Kaolack, Fatick, Thiès et Diourbel. (18) Ce système de crédit est surtout appliqué en Inde et en Amérique latine sur une grande échelle. Des programmes analogues ont été mis en place dans certains pays d'Afrique Orientale, par exemple, en Ouganda avec la différence qu'ils ne sont effectués que sur un petit nombre d'agriculteurs. 79 ne puisse épargner au moins le cinquième du prix d'un matériel agricole encore faudrait-il l'inciter à le faire. . Outre les avantages classiques (solvabilité de l'emprunteur, garantie de la banque en cas de non remboursement...), l'apport personnel peut rendre le crédit moins attrayant et par conséquent incitera le paysan à se tourner vers l'opération d'achat au comptant; ce qui pennet de limiter la pratique courante consistant à brader sur le marché parallèle, des facteurs de production obtenus à crédit auprès des coopératives. Par ailleurs, l'une des faiblesses majeures du crédit agricole de la BNDS semble résider dans la non décentralisation de ses opérations. Celle-ci, a surtout orienté ses opérations de crédit rural vers le bassin arachidier( 17). Cela a, sans nul doute, contribué à accentuer les déséquilibres régionaux actuels. Le crédit agricole a surtout été un crédit de masse c'est-à-dire qu'il n'a tenu compte ni des besoins réels, ni des conditions spécifiques des emprunteurs. Ceci a, du reste, accéléré la détérioration de la situation financière de la banque car dans une telle stratégie, la répartition des risques liés au crédit ne peut être assurée. Le système de crédit agricole ignorait, enfin, de façon complète, la notion de crédit contrôlé ou surveillé c'est-à-dire une combinaison véritable entre le crédit lui-même et la vulgarisation(18). Il faut remarquer que cette combinaison ne vise pas uniquement des rendements d'échelle croissants au niveau de la production, mais aussi à soutenir un programme d'éducation qui, en plus de l'enseignement des meilleures méthodes de culture, cherche également à modifier les habitudes des cultivateurs et de leurs familles afin d'améliorer leur condition économique et sociale. Au Sénégal, l'organisme chargé de la vulgarisation, en l'occurrence la SODEVA, faute de moyens financiers suffisants, n'a pu mener sa mission dans ce sens. En conclusion, le crédit agricole distribué au Sénégal a été à la fois un crédit de masse et un crédit statique puisqu'il n'a entrafné ni un accroissement de la production globale, ni de celui de la productivité rurale. En marge de ces erreurs, on ne peut pas passer sous silence les errements dus aux mesures de politique économique sectorielle initiées directement par l'Etat. (17) Le Bassin arachidier est la zone écologique comprenant les régions suivantes: Kaolack, Fatick, Thiès et Diourbel. (18) Ce système de crédit est surtout appliqué en Inde et en Amérique latine sur une grande échelle. Des programmes analogues ont été mis en place dans certains pays d'Afrique Orientale, par exemple, en Ouganda avec la différence qu'ils ne sont effectués que sur un petit nombre d'agriculteurs. 79 CHAPITRE fi Les modalités d'intervention de la Banque mondiale et du FMI Le constat de crise et le diagnostic réalisé dans le chapitre précédent ont pennis d'expliquer les contre-perfonnances de l'agriculture sénégalaise, la disproportion entre les moyens engagés et les résultats enregistrés et surtout les importantes distorsions structurelles qui caractérisent le secteur. De même, les facteurs ont été clairement appréhendés et tiennent, pour l'essentiel, à l'irréalisme et aux incohérences de la politique agricole entre 1960 et 1980, à l'inefficience des structures de financement agraire ainsi qu'aux carences nOlOires des organismes d'encadrement. A partir de ce travail préliminaire, il est maintenant possible de passer en revue et d'étudier la nature des interventions de la Banque mondiale et du FMI dans l'agriculture afin de voir en quoi elles ont directement ou indirectement affecté les perfonnances de l'agriculture. 1) Contribution du FMI aux plans de redressement et les mesures d'accompagnement: incidences sur le secteur rural(1) Entre 1960 et 1980, c'est-à-dire depuis l'indépendance jusqu'à l'arrêt du Programme Agricole, les interventions du FMI au Sénégal durant toute celte période ont été sans grande envergure. De plus, les tirages effectués par le Sénégal n'étant pas importants au point de déclencher la clause de la conditionnalité, tous ces appuis fmanciers du FMI n'ont jamais directement influé sur la tenue du programme agricole et donc sur le secteur rural. (1) Moustapha KASSE. Sénégal: Crise économiqlU et ajwtemefll strlM:turel, Editions Nouvelles du Sud, 1990.204 p. 81 Par contre, vers la fin des années soixante-di.x, le Sénégal accumule un ensemble de déséquilibres macro-économiques et macro-financiers qui deviennent de plus en plus insoutenables. Pour y faire face, le gouvernement adopte dès novembre 1979 un 4C Plan de redressement économique et financier» (PREF) et conclut en aoOt 1980 avec le FMI un 4C Accord de facilité élargie» (AFE) pour un montant de 184,8 millions de OTS. A panir de ce moment, les interventions du FMI, de par ses fonctions statutaires, vont tendre à corriger les déséquilibres de la balance des paiements et à réduire le besoin de financement extérieur de l'Etat. Or, le solde de la balance des paiements courants du Sénégal accuse un déficit de 52,7 milliards de FCFA en 1979 ; 91,2 milliards en 1980 et 120,4 milliards en 1981. Cene amplification du déficit rend incontournable l'ajustement structurel et le reco.urs aux institutions financières internationales. Pour le FMI, ce déficit extérieur résulte d'un excédent de la demande finale (consommation finale publique et privée plus investissement) par rappon au produit intérieur brut (PIB). Cette demande intérieure globale excessive est, elle-même, alimentée par une politique laxiste de crédit à l'économie. Par conséquent, pour le Fonds, le rétablissement de l'équilibre extérieur doit passer par une politique monétaire restrictive, une politique budgétaire moins laxiste et un encadrement plus strict des crédits à l'économie(2). Il faut rappeler ici qu'au plan théorique, cette analyse du FMI repose sur le modèle de POLACK (modèle de référence des programmes d'ajustement appliqués dans les PVO) qui établit une relation inverse entre la position extérieure nene et l'accroissement net des crédits à l'économie. Ainsi, l'accord de facilité élargie d'aoOt 1980 d'un montant de 184,8 millions de OTS devait porter sur les exercices de 1980-1981, 1981-1982 et 1982-1983. Mais à la suite de la sécheresse catastroplùque de 1980 (moins de 300 000 tonnes d'araclùde contre 800 000 en moyenne, en année normale) et du fait des multiples hésitations et lenteurs du Gouvernement, les principaux critères de performances macro-économiques arrêtés par le Fonds n'ont pas été atteints. Celui-ci a donc suspendu ses versements à panir de novembre 1980 et l'accord de facilité élargie a été annulé en septembre 1981 pour être remplacé par un accord de confirmation d'un montant de 63 millions de OTS pour 1981·1982. Cependant, devant la persistance des déséquilibres, il s'avérait indispensable de prendre un nouvel accord de confirmation de 47,25 millions de OTS signé en octobre 1982 et qui devait couvrir la période 1982-1983. En réalité, les tirages ont été suspendus dès après le premier versement (2) Moushpha )(ASSE, op. cil. 82 (5,8 millions de DTS), du fait que le Gouvernement n'a pas pu respecter les principaux critères macro-économiques fixés par J'accord et qui concernaient Je pJafoooement du crédit et des emprunts publics et Ja réduction des arriérés de paiement. Entre J982 et J983, il Y eut ainsi une période de flottement et il faudra attendre la prise d 'im portantes mesures d'austérité (en particulier le relèvement des prix du riz, de l'huile et du sucre) en aoOt 1983 pour qu'un nouvel accord de confirmation d'un montant de 63 millions de DTS soit signé en septembre de la même année pour l'exercice 1983-1984. Dans le détail, les mesures concrètes préconisées pour redresser la situation se présentent ainsi chronologiquement : En 1981-1982 : EFFET FINANCIER (sur base annuelle) MESURES - Augmentation de prix Sucre, riz farine Electricité transpons publics Engrais . .. .. . 23,1 milliards 14,9 milliards 3,0 milliards 5,2 milliards - Majoration des taux des impôts indirects .. 9,8 milliards - Impôts de solidarité .. 5,0 milliards - Divers suppression d'exonération (amélioration de gestion ) . 6,4 milliards En 1982·1983 : - Limitation de la croissance des effectifs de la Fonction Publique (1,4%); - Relèvement du prix des engrais; - Réorganisation des filières agricoles (compression du coat et des effectifs) ; - Amélioration du fonctionnement et diminution des coOts de la CPSP (Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix) ; - Relèvement des arriérés, limitation de la croissance de la masse monétaire et du crédit. En 1983·1984 : - 83 Augmentation de prix Riz Sucre Huile Produits pétroliers '" . .. . . . 20,6 milliards 9,0 milliards 4,0 milliards 3,9 milliards 3,7 milliards - Augmentation' de la retenue sur les producteurs, d'arachide "" .... ,... """" .... "".",",,, ,. , ,,, 6,5 milliards Réduction des dépenses de l'Administration ,.. Traitements et salaires , Fournitures '." .. " .. ,,,,, ,,, ,.. ,., ,,, ,,, ,,. ,, . Investissements", ,.. , " .,., ., , , , . 10,0 milliards 3,0 milliards 2,0 milliards 5,0 milliards - Limitation de la croissance des effectifs dans la Fonction Publique (25 %); - Réduction des pertes physiques de la filière « arachide ~ ; - Limitation de la croissance de la masse monétaire (7 %) et du crédit (13 %). L'ensemble de ces mesures préconisées par le FMI et mises en œuvre pour la plupart ont engendré des effets directs et indirects sur le secteur rural sénégalais et dont nous tenterons de mesurer la portée dans la deuxième partie. ' 2) Les implications techniques directes du groupe de la Banque mondiale dans le programme agricole et dans les efforts de restructuration de l'économie rurale sénégalaise C'est à partir de 1969, que le Groupe de la Banque mondiale a commencé à aider le Gouvernement sénégalais dans l'exécution du Programme Agricole (PA). Dès 1966 le gouvernement du Sénégal avait demandé une aide à l'IDA pour le financement du PA qui visait à augmenter la production et la productivité agricoles par la fourniture à crédit d'engrais, de semences améliorées, d'instruments à traction animale et par la prestation de services de vulgarisation aux exploitants pour promouvoir leurs méthodes de culture. L'IDA a accepté alors de financer un premier projet de Crédit Agricole (Crédit 140-SE/Pret S84-SE) intéressant le bassin arachidier, de 1969-1970 à 19721973. Depuis cette date, les interventions du Groupe de la Banque mondiale dans le secteur rural se sont renforcées puisqu'elles ont concerné plus d'une dizaine d'opérations de projets ruraux dont certaines se poursuivent (PAS), Dans cette période, la vision de la Banque était que la promotion de l'agriculture devait s'appuyer sur une constellation de petits projets de vulgarisation, d'irrigation, de développement de telle ou telle culture ou de 84 développement intégré(3). C'est cétte orien~tion de la BIque mondiale qui a présidé à la mise en place de plusieurs projets dans le monde rural sénégalais depuis les années soixante-dix. D'une manière générale, la Banque a prêté environ 120 millions de dollars dans le cadre de quinze projets ruraux dont trois portaient sur le développement de l'irrigation dans la vallée du Fleuve Sénégal. deux sur la culture du riz en Casamance, deux sur le crédit agricole, deux sur le repeuplement des zones sous-peuplées du Sénégal-Oriental, (actuellement région de Tambacounda), un projet de développement de l'élevage dans la même région, un projet de développement rural dans la région du SineSaloum (actuellement régions de Kaolack et de Fatick), un programme de lutte contre la sécheresse, un petit projet d'opérations rurales, un projet de foresterie et un projet de recherche agricole. La confirmation synoptique de ces projets se présente comme suit: Premier Projet de Crédit Agricole: Crédit 140-SE/Prêt 58~-SE mis en place le 25 juin 1973 de 6 millions de dollars crédit effectif le 28 novembre 1973 Date de clôture le 30 juin 1977. Projet rizicole de la Casamance: Crédit 252-SE 7 mi Ilions de dollars Prêt du 18 juin 1971 Effectif le 6 janvier 1972 Clôturé le 30 juin 1977. Projet Société des Terres Neuves 1: Crédit 254-SE 1.3 million de dollars mis en place le 18 juin 1971 Effectif le 31 janvier 1972 Clôturé le 31 décembre 1977. Projet des Polders: Crédit350-SE 4,5 millions de dollars: Crédit du 9 janvier 1973 Effectif le 8 juin 1973 Achevé le 31 décembre 1977. (3) Voir sur ce poilll Jacques GIRLL'Afi"iqut' t'n panne, Editions Karthal:!. Paris 1986. p. 80-84. L'auleur analyse de manière peninente les échecs des projets agricoles encouragés par la Banque mondiale. Voir égalcmelll Zaki LAIDI. Enquête sur la Bam/IH> mOlldiale aux Edit iOlls Fayard. SS Projet Rizicole de Sédhiou: Crédit 407-SE Projet de lutte contre la sécheresse: Crédit 446-SE Projet de Développement rural du Sine-Saloum: Crédit 549-SE Ouvert le 22 mai 1915 Effectif le 31 octobre 1975 Clôturé le 30 juin 1981. Projet d'irrigation de Débi-Lampsar: Crédit S-18 10 millions de dollars Ouvert le 22 mai 1975 Date de clôture le 31 décembre 1977. Projet Société des Terres Neuves II: Crédit 578-SE 2 millions de doUars Crédit du 18 juillet 1975 Effectif le 14 novembre 1975 Date de clôture le 31 décembre 1975. Deuxième Projet de crédit agricole: Crédit 404-SE 8.2 millions de dollars Ouvert le 25 juin 1973 Effectif le 28 novembre 1973 Clôturé le 30 juin 1977. Projet de Développemenl rural du Sénegai·O. i.::ntal Projets d'Opérations rurales Projet de Foresterie Projet de Recherche Agricole Projet de développement de l'élevage au Sénégal-Oriental. Schématiquement, l'intervention de !a Banque mondiale dans le secteur rural sénégalais se déroule en deux phases. Tout d'abord entre 1969 et 1980, cette intervention revêt essentiellement la fonne d'actions directes de développement à travers le fmancement direct de plusieurs projets de développement rural. La Banque est présente sur le terrain. envoie des experts qui mettent la main à la patte. On peut dire que c'est l'intervention des « col bleu ». Ensuite à partir de 1980, de concen avec le FMI et plus tard (à partir de 1983) avec d'autres bailleurs de fonds du Sénégal comme la Caisse Centrale de Coopération Economique (CCCE). les interventions de la Banque 86 changeront progressivement de fonne et se concentreront particulièrement sur la mise en œuvre de mesures structurelles supposées aptes à résoudre la crise du secteur rural dans le contexte global de la grande crise économique d'ensemble qui frappe le pays. Cette période est symptomatique de l'avènement des Bureaux d'études et des ~ col blanc ». L'analyse de la crise du secteur rural faite par la Banque mondiale repose essentiellement sur le caractère inefficace et inadapté des politiques de prix et d'incitations massives et désordonnées des sociétés d'encadrement et de développement rural qui ont fini par étouffer et déresponsabiliser les producteurs directs. Par conséquent, la Banque mondiale recommande à travers les programmes d'ajustement, les principales mesures suivantes: - réfonner les sociétés d'encadrement et passer avec elles des contrats plans; - confier certaines activités, en particulier le stockage des semences, à des coopératives de paysans plutÔt qu'aux sociétés d'encadrement ; - développer le crédit agricole; - réfonner et développer la recherche agricole. Sur la base de cette analyse et de ces recommandations, la Banque mondiale met en place en novembre 1980 un prêt d'ajustement structurel d'un montant de 60 millions de dollars. n s'agit d'un prêt « hors-projet» assorti de conditionnalités ayant un caractère de politique économique. Ce premier prêt devrait être affecté au financement d'un programme d'importations de soutien à l'ajustement et au financement de l'assistance technique liée à ce programme. Les mesures spécifiques contenues dans les grandes lignes des conditionnalités étaient les suivantes: - la réfonne des sociétés de développement rural avec la liquidation de l'ONCAD (arrangements financiers et solutions concernant les engagements résiduels), la mise en place des structures de la SONAR(4) ; les grandes lignes du contrat-plan de la SAED et l'ordre de mission de la SODEVA ; -la réactualisation de l'étude du stockage des céréales; - l'étude du marché et des prix des cultures vivrières; - la réorganisation des agences de développement rural ; - la réorganisation financière de la CPSP ; - la méthodologie et le calendrier des audits des comptes de coopératives; -l'étude des prix relatifs des produits agricoles; -la détennination des prix d'achat des récoltes et des prix de l'engrais; (4) SONAR: Société Nationale d'Approvisionnement du Monde Rural. 87 - l'évaluation du système de commercialisation et des prix des céréales traditionnelles; - l'essai de transfert des stocks semenciers d'arachide vers les producteurs ; -la réorganisation de la recherche agronomique; -l'étude de la réorganisation du crédit agricole; -l'étude du stockage, de la commercialisation et des prix des céréales; - l'étude et les recommandations concernant les coOts de commercialisation de l'arachide. Au plan des effets sur le secteur rural. il faut noter que ce premier programme d'ajustement a connu les mêmes difficultés que celui contenu dans l'accord de facilité élargie du FMI. Ces difficultés se rapportent notamment à la réorganisation des filières agricoles et à la restructuration des sociétés intervenant dans le monde rural. Parallèlement, ce programme a rencontré de fortes résistances au transfert des stocks semenciers d'arachide vers les producteurs. Dans ces conditions, il a été définitivement annulé en juin 1983 (après une première suspension en mars 1981). Par la suite, il sera remplacé, après la réunion du groupe consultatif en décembre 1984 dont la Banque mondiale a assumé la présidence, par un autre programme d'ajustement structurel devant couvrir la période 1985-1992. Il faut signaler que les besoins requis pour l'exécution de cet important programme d'ajustement structurel se chiffrent annuellement à 500 millions de dollars dont la Banque devrait théoriquement. en tant que chef de file des bailleurs de fonds et maitre d'œuvre, fournir une partie appréciable. Nous étudierons dans la deuxième partie la réalité et la portée des incidences de ces interventions après avoir évalué à titre illustratif la demidouzaine de projets-cibles suffisamment représentatifs des orientations de la Banque. 88 ~,~­ Celui-ci indique enfin que les produits arachidiers ont folttiff';'pcndant certaines années plus de la moitié des exportations du secteur avec une chute brutale durant l'année 1981. Depuis 1989, les exportations ont évolué comme l'indique le tableau 2 en annexe. Dans l'ensemble, le sous-secteur de la pêche a connu des résultats spectaculaires ces dernières années tant au niveau technique (modernisation et amélioration de l'annement), qu'au niveau économique (perfonnance des productions). Le Sénégal qui jouit sur ce plan de conditions géographiques très favorables (700 km de cOtes riches en produits halieutiques) et restera largement autosuffisant selon les projections effectuées par la SONED (Société Nationale des Etudes de développement) comme l'aUeste le tableau suivanl ; Evolution de la pêche 1985 ANNEES 1990 1995 2001 212.719 220.923 231.178 Pêche artisanale (en tonnes) 203.269 SOURCE: SONED Afrique, 1985, Le sous-secteur de l'élevage bien que dépendant directement des incidences climatiques n'influe pas plus que l'agriculture sur le déficit chronique de la balance commerciale. Dans le domaine de l'élevage, les statistiques restent encore assez fiables en matière de production, de commercialisation, de consommation et de balance avec l'extérieur. Les données concernant l'évolution du cheptel montre une très grande stabilité après les chutes des années 1973 et 1983 suite aux dures sécheresses catastrophiques. Evolution du Cheptel, 1988-1992 (En milliers de têtes) Iovia. Ovine/Caprin. Porcin. ChaaeaU& CMvaU& MO. Yo1alll•• ~b&U. . . . contrOl•• (t) 1911 19.9 1990 1lIU 1992 2.UO 2.69' 2.780 2.527 2.602 5.709 293,0 16,0 34',0 316,0 13.102 26.341 S.'11 303,0 17,0 3511,O 2U,O 14.216 26.415 6.057 313,0 17 ,0 369,0 304,0 14.643 21.S00 6.1'. 106,0 6,0 37.,0 316,0 lS.OU 26.800 6.S04 108,0 7,0 37',0 326,0 15.534 26.'00 DEUXIEME PARTIE Impact réel de la politique de libéralisation des institutions internationales Les opérations techniques du Groupe de la Banque Mondiale, et plus tard (à partir de 1980) de celles du FMI, en direction du secteur rural ont pour objectifs essentiels: - la promotion de la croissance et du développement économiques à long terme par des investissements bien conçus, des efforts de réhabilitation et des opérations d'ajustement sectoriel ; - une meilleure compréhension de la situation économique, sociale, institutionnelle et administrative afin d'appuyer la recherche par le Gouvernement d'interventions moins coOteuses et de promouvoir l'initiative privée ; -l'amélioration du cadre d'incitation à la production et à l'efficacité de la gestion économique par des opérations de prêts d'ajustement structurel, accompagnées au besoin d'assistance technique. Il s'agit par conséquent, dans cette deuxième partie de notre réflexion, d'apprécier l'impact réel sur le secteur rural de ces multiples interventions dont nous avons dégagé précédemment les modalités ; ceci au moyen de la demi-douzaine de projets-cibles identifiés et traités. L'évaluation se fera au double niveau micro et macro-économique suivant le plan ci-après: - les incidences de type micro-économique, psychologique et socioéconomique dans le monde rural ; -les impacts macro-économiq4es. 90 CHAPITRE 1 Les incidences micro-économiques, psychologiques et socio-économiques Les six projets-cibles, du fait de leur spécificité ou de leur caractère synthétique, ont été retenus, traités et visités sur le terrain en vue d'une analyse plus poussée pennettant de tirer tous les enseignements. Il s'agit du: - Premier projet de crédit agricole; Projet de développement rural au Sénégal-Oriental ; Projet des POLDERS du Fleuve Sénégal ; Projet d'irrigation à Débi-Lampsar; Petits projets d'opérations rurales; Projet rizicole de la Casamance. 1) Le premier projet tU crédit agricole Ce projet fut la première opération à caractère rural fmancée par le Groupe de la Banque Mondiale (BIRD, IDA) au Sénégal. Les accords furent signés en février 1969 et le prêt devint effectif dès juin 1969. Sa fiche technique est la suivante : - crédit 140-SEtprêt 584-SE : 6 millions de dollars mis en place en juin 1969, révisé et annulé en novembre 1970, puis remplacé le 28 novembre 1973 ; - date de clôture du crédit : le 30 juin 1977. 91 a) Formulation et objectifs du projet L'objectif principal du premier projet de crédit agricole était de favoriser des augmentations de revenu des agriculteurs et subséquemment des rentrées de devises pour le gouvernement durant une période de déclin des prix à l'exportation da à la perte des marchés privilégiés en France(1). Pour atteindre cet objectif, le projet cherchera durant une période de trois ans (de 1969/1970 à 1971/1972 plus tard prolongée d'un an) : 1) à augmenter de 25 % la surface cultivée de l'ensemble du projet, soit 2 à 2,5 mille hectares, principalement en élevant la surface des fennes et en augmentant l'emploi d'animaux de trait et d'équipement à traction animale. L'étendue du projet comprend environ 85 % de l'imponant bassin arachidier dans lequel vit quelque 60 % de la population rurale au Sénégal: 2) à augmenter les rendements, (pour une période relativement courte) d'environ 25 % pour les arachides et 5 % pour le mil, par l'emploi d'engrais et de matériel agricole. L'augmentation projetée de la production et des rendements devait en principe mener après trois ans à un accroissement de production de 390 000 tonnes d'arachides et de 90 000 tonnes de mil, augmentations respectives de 50 % et de 25 % sur les niveaux de l'avant-projet Sur cette base, l'on s'attendait alors à ce que ces accroissements procurent au Sénégal, en plein développement du projet, un bénéfice net économique supplémentaire de 14 millions de dollars par an. b) Coûts du projet Dès la première année du projet, des résultats généralement peu satisfaisants à cause de la mauvaise campagne 1969-1970 ont été enregistrés. Le projet fut alors réévalué en novembre 1970. Parallèlement, à cause de la demande de crédit par les agriculteurs moins élevée que prévu, le prêt 584-SE fut annulé et le crédit l40-SE fut réaffecté pour pennettre : -le financement d'assistance technique à la BNDS ; - le lancement d'une composante relativement limitée des coopératives agricoles; - une étude des avantages de la réorganisation des coopératives agricoles. Il fut également décidé que la période du projet comprendrait une quatrième année (1971-1972). Ainsi, à cause de ces ajustements et de certains (1) Gilles DURUFLE. Déséquilibres structurels et ajustemem au Sénégal. Rapport de MiSsion MRE. 1985. 92 autres moins imponants faits en 1972, la disposition finalement agréée du crédit 140-SE est la suivante: Montant du crédit 140-SE Pr6viaion _ 1971 • de 1972 • 6.920.000 3.075.000 3.110.000 7.000.000 730.000 730.000 25.000 25.000 1.675.000 256.000 200.000 1. 775.000 B.U. .UOMl lors de Pr6viaion l'6valuation a) CXIIIPOlWITII PJIIIOOCT lVB Iilat6ri.la &&ricaloa de c:h&rrett •• Service. coop6rative. do la aoDBVA 1 lUIt Hat de lecherche A&ronoaique. _ 8eabe7 b) COtIPOIWITB IJJITITUTIOJOnlLLB Servie• • •e.tiop de l'ONCAn Pinanc.-ent analo~e de l'ONCAn l60rp.ni8&tion do la BHD8 1.500.000 250.000 130.000 39.000 0) ROM ATTRiBUt TOTAL 160.000 200.000 9.580.000 6.000.000 6.000.000 c) Expérience acquise et son application pour l'avenir Le premier projet de crédit agricole au Sénégal a été considéré comme un échec. Nous tenterons, plus loin, d'en apporter les facteurs explicatifs fondamentaux et de mesurer les incidences peu évidentes dudit projet. Certes, certaines perfonnances ont été obtenues tant au niveau de sa composante productive qu'au niveau de sa partie réforme et/ou réorganisation institutionnelle pour la SODEVA et pour la BNDS notamment. L'expérience acquise dans ce projet, lorsqu'U sera possible de l'employer dans d'autres opérations, peut se résumer de la manière suivante: En premier lieu, les objectifs du projet qui, en termes généraux ont été très mal formulés. devraient être définis en termes d'avantages pour les participants. Plus précisément, une meilleure connaissance des données au niveau de la fenne avec et sans le projet au moment de l'évaluation initiale, et un sondage de quelques participants, auraient pu déterminer avec précision les avantages du projet, obtenus même dans les conditions anormales de sécheresse enregistrées durant la période de son exécution. 93 En second lieu, la recommandation pour .J'emploi d'un facteur de production spécifique devrait s'appuyer (surtout lorsque son coat est subsidié) sur une analyse économique de son rendement En troisième lieu, un projet étendu n'est cenainement pas le meilleur moyen pour apponer les améliorations fondamentales dans les institutions pour lesquelles il n'est qu'une panie de leurs responsabilités et sunout, lorsque le rOle et la structure de ces institutions ne sont pas pleinement encouragés à adopter des procédures commercialement efficientes : cas de l'ONCAD notamment En quatrième lieu, il imponera avant de recommander le financement d'une assistance technique, d'en déterminer les modalités et le coat pour mieux apprécier à la fois son opportunité et son efficacité. Sous ce rappon, beaucoup de projets des institutions financières internationales se réduisent à financer de l'assistance technique non indispensable. En cinquième lieu, lorsqu'on emploie des consultants pour fournir une assistance technique, il faut clairement définir leurs tâches, et établir un emploi du temps pour chaque tâche. Il faut également arriver à un accord avec l'emprunteur sur les procédures à employer pour revoir et appliquer les recommandations des consultants. Cela pose le problème du suivi des projets. d) Incidences micro-économiques et socio-économiques du projet En annexe (tableau 3), et pour les besoins de l'évaluation rétrospective, quelques données statistiques ont été confectionnées en vue de mieux apprécier les incidences du projet du point de vue de sa composante productive. Il resson des différentes indications statistiques découlant du tableau 3 que, sur le plan productif, les performances ont été relativement satisfaisantes, à l'exception de la distribution des intrants et du crédit: -Arachides - Superficies cultivées: près de 90 % de réalisation. - Production : près de 85 % réalisation. - Rendement: plus de 60 % de réalisation. Les statistiques concernant Matériels, Engrais et Crédits distribués du premier projet de crédit agricole au Sénégal sont résumées par le tableau 4 en annexe. 94 • Mil/sorgho - Superficies cultivées: plus de 75 % de réalisation. - Production: environ 70 %. - Rendement: environ 75 %. • Distribution d'engrais: plus de 75 % de réalisation seulement. • Distribution de crédits: 18 %. Probablement ces médiocres résultats expliquent les réticences de la Banque Mondiale à voir se développer le subventionnement des engrais. • Sur le plan structurel et institutionnel, comment les rapports Coopératives/PNCAD/BNDS ont-ilsfonctionni? Manifestement, le projet n'a pas su développer l'esprit coopératif principalement parce que ces organismes ont peu de responsabilité et sont avant tout considérés comme moyen apte à récupérer le crédit et à acheter les arachides. En effet, les membres des coopératives sont pénalisés du fait qu'ils n'ont pas de contrôle sur l'usage que l'on fait de leurs dépôts et économies auprès de la BNDS. De petites coopératives ont quelques avantages qui se perdraient si la fusion suggérée par le projet arrive à se réaliser. En particulier, les agriculteurs se connaissent et ont opéré des choix motivés pour la coopérative à laquelle ils adhèrent. Ces deux faits sont très importants au regard de la caution solidaire pour le recours et le remboursement des crédits surtout en l'absence de sareté. La supervision et l'assistance données au mouvement coopératif par l'ONCAD sont loin d'être satisfaisantes. Les agriculteurs formulent beaucoup de plaintes justifiées à l'égard des prestations de l'ONCAD dans l'achat des arachides et le recouvrement des crédits et, bien que ces activités soient accomplies par les départements techniques de l'ONCAD, la méfiance des agriculteurs s'adresse aux services des coopératives de l'ONCAD. Le Gouvernement reconnaît d'ailleurs que les associations de développement maîtrisent davantage les besoins des agriculteurs et sont donc mieux placées pour aider les coopératives à se développer. 2) Le projet de développement rural du Sénégal-Oriental En 1980, sur la base des conclusions d'une étude sur le projet 4C Terres Neuves II » qui avait bénéficié d'un crédit de la Banque Mondiale (IDA), (crédit 578-SE), pour le fmancement de l'établissement d'un Plan Directeur de Développement des Fibres Textiles, le Gouvernement a demandé à la 95 Banque Mondiale de financer l'étude de faisabilité d'un projet de développement rural portant sur toute la région du Sénégal-Oriental et de la Haute-Casamance, zone déjà encadrée par la SODEFITEX. a) Objectifs et description sommaire Le projet comprend deux volets principaux: un volet volet ~ élevage ». ~ agriculture» et un • Le volet agrlcullure Sur une période de cinq ans, le projet devait viser à : - accroftre la production de coton et de céréales cultivés en rotation: - organiser les agriculteurs et les aider à assumer plus de responsabilité dans les domaines de la commercialisation primaire, de la demande et du recouvrement des crédits et des investissements collectifs: - promouvoir le développement de l'infrastructure rurale; - et réaliser l'intégration des cultures et de l'élevage surtout grâce au développement de la traction animale et de l'amélioration de la santé animale. • Le volet élevage, du projet visait à : - consolider d'abord les résultats du premier projet « élevage» lancé en 1978 et ayant bénéficié d'un crédit de l'IDA. Ce premier projet devait aider quelques 30 000 propriétaires de bétail dans la partie Nord du SénégalOriental et accroître leurs revenus par la création et la mise en place d'un programme de parcours pastoraux et par la fourniture d'intrants pour l'élevage; - améliorer les services vétérinaires et en particulier organiser des campagnes de vaccination contre les principales maladies. Cette composante du projet se proposait finalement de développer l'élevage dans les zones suivantes: - celle du Sud, dont l'exécution était confiée à la SODEFlTEX et la DSPA (Direction de la Santé et de la Production Animale) ; - et celle du Nord qui. elle, était sous la tutelle du PDESO (projet de Développement de l'Elevage au Sénégal-Oriental). b) Caractéristique détaillées du projet Au niveau du projet intégré agriculture-élevage du Sénégal-Oriental, le système de production qui avait été recommandé était fondé sur la rotation des 96 cultures de coton et de céréales et par la mise en place de programmes agronomiques reposant sur l'utilisation de techniques appropriées et déjà préconisées par la SODEFITEX et sur l'expérience acquise dans le cadre qe projets exécutés ailleurs dans des conditions écologiques similaires. Sur une période de cinq ans, les objectifs projetés sont résumés dans le tableau 5 de l'annexe statistique. Au plan de la vulgarisation agricole, il était retenu de continuer les services déjà offerts par la SODEFlTEX, qui, en 1980, avait initié des programmes de vulgarisation conformément aux principes généraux de système de fonnation et des visites, en les adoptant aux conditions locales. Faute donc d'un système national de crédit agricole viable, les agents de la SODEFITEX avaient joué un rôle, en sus, de leur activité d'agents de vulgarisation. Ainsi, le projet devait fournir, au comptant ou à crédit, quelques 32 570 unités de matériel attelé et 500 charrettes à bœufs (puisque 40 % seulement des agriculteurs utilisaient la traction animale), ce qui devait permettre d'équiper 60 % des agriculteurs à la fin de la cinquième année du projet. Celui-ci devait également financer les services techniques de quatre spécialistes de la traction animale et assurer la formation d'une quarantaine de forgerons pour l'entretien du matériel. Au niveau de la réforme organisationnelle et financière de la SODEFITEX, il était retenu, au vu de l'analyse des états financiers de celui-ci caractérisés par une insuffisance de la situation nette et une faiblesse de son fonds de roulement et par conséquent de ses fonds permanents, de redynamiser l'institution autour des points suivants : - l'Etat devait pennettre désonnais à la SODEATEX de conserver 30 % de ses bénéfices à concurrence de 550 millions de francs CFA à compter de la campagne 1982-1983 pour financer la moitié de l'accroissement des fonds permanents ; - l'achat de la partie des intrants non additionnels devait être supporté par la CEE. Les fonds de contrepartie provenant du financement extérieur pour ces achats devraient servir à accroître les fonds permanents de l'institution responsable du projet. De manière générale, il s'agissait, dans le cadre de ce projet, de rendre la SODEFITEX plus efficace et plus indépendante financièrement des pouvoirs publics pour lui pennettre notamment de continuer à fournir du crédit pour le matériel agricole et les autres facteurs de production jusqu'à ce que la Caisse Nationale de Crédit Agricole, qu'on envisageait de mettre en place au cours de la même année, puisse prendre la relève afin de financer toutes les opérations de crédit dans le secteur rural. 97 En conclusion, le projet que nous venons d'étudier est symptomatique d'un projet intégré, c'est-à-dire qu'il compren'd plusieurs volets, ce qui apparaît à travers les éléments suivants: - le développement des cultures, y compris la promotion de la traction animale et le soutien aux forgerons ruraux: -l'augmentation des fonds permanents de l'organisme d'encadrement et d'exécution du projet: la SODEFITEX ; -l'amélioration des installations de stockage et d 'entretien des brisures de maïs: -la formation d'un personnel de terrains, de bureaux et d'ateliers pour l'exécution du projet; -la mise en place d'un service d'évaluation et de vérification comptable au sein de la SODEFITEX; - l'assistance aux Associations de Base des Producteurs ruraux (ABP) sous forme: de programmes d'alphabétisation fonctionnelle, de foumiture de créd its pour les équipements collectifs, et de conseil de gestion: - la construction de quelque 800 km de pistes rurales et l'entretien de tout le réseau routier de la zone du projet: -l'approvisionnement en eau des villages grâce à: l'aménagement de 36 forages, et à la remise en état de 89 puits existants; - la fourniture de soins de santé primaire aux animaux et aux ruraux: - et enfin la mise en place d'une cellule de recherche appliquée venant appuyer le projet national de recherche (crédit 1176-SE) pour permettre de lier davantage la recherche et la vulgarisation. c} Etendue et coût du projet L'emplacement du projet a été la zone que la SODEFITEX encadre pour la culture du coton et des céréales en rotation avec le coton. Il s'agit: - des départements de Tambacounda et de Bakel : - des départements de Kolda et Vélingara en Haute-Casamance ; - de la partie du Sud de la Région administrative du Sine-Saloum (actuellement régions de Kaolack et de Fatick) ; - et de l'arrondissement de Bounkiling dans le département de Sédhiou. Cependant, dans le Sine-Saloum et dans le Département de Sédhiou où opèrent respectivement la SODEVA et la SOMIV AC. il faut souligner que la SODEFITEX se bornait à fournir les facteurs de production et les services de vulgarisation et de commercialisation du coton en application d'accords déjà 98 conclus. Cette zone à l'exclusion des réserves forestières du Sénégal-Oriental et de la Haute-Casamance, représente environ 43 000 km' et compte près de 500 000 habitants, dont 80 % environ de ruraux. Le coOt global du projet s'élève à 16,9 millions de dollars dont 10,3 millions en provenance de la Banque Mondiale (IDA). d) Impacts micro-économiques et soclo-économiques du projet fi faut d'abord observer que la plupart des coOts du projet (accroissement des fonds permanents de la SODEFlTEX, construction de pistes rurales, services de vulgarisation, hydraulique villageoise, santé primaire et recherche appliquée) étaient liés à des activités non directement génératrices de recettes ni à la SODEFITEX, ni au PDESO. Seules quelques autres dépenses, essentiellement des investissements relatifs au traitement et au stockage de la production agricole, estimées à 2,6 millions de dollars sont directement porteuses de recettes. Cette remarque est importante puisqu'elle va peser négativement sur la gestion du projet du point de vue strictement financier. En effet, la première mesure d'incitation pour justifier la rentabilité du projet a concerné la SODEFITEX, l'organisme de tutelle de l'opération qui tire près de 9 % du total de ses recettes fmancières des ventes du coton. En 1982, date à laquelle la production de coton graine est revenue à son niveau normal, la SODEFITEX avait démontré qu'en appliquant, à l'égard des producteurs de coton, des méthodes saines de recouvrement des coOts et en contrôlant strictement les dépenses d'exploitation, elle était en mesure de dégager un flux de trésorerie positif et de réaliser, par conséquent, un bénéfice net. Cependant, avec l'effondrement des cours mondiaux du coton à partir de 1987 alors même que l'année d'avant (1986), le Gouvernement avait porté le prix au producteur de 70 à 100 FCFA/lcg. Des résistances à la baisse de ce1uici s'étaient manifestées au niveau des producteurs. En 1988-1989, face à la persistance de la morosité des cours internationaux d'une part et à l'accroissement des charges de la SODEFITEX d'autre part, celle-ci tente de relever le prix des services qu'elle fournit aux producteurs de coton. Les paysans bloquent la récolte et menacent de boycotter la campagne de commercialisation. fi faudra l'intelVention du Gouvernement pour départager les protagonistes dans le cadre d'une solution qui continue de peser partiellement sur la trésorerie de la SODEFITEX. De ce point de vue, des enquêtes de terrain ont montré qu'une vague de découragement avait commencé ~ gagner les paysans malgré le maintien du 99 prix au producteur. Ce qui se traduit par la quasi-impossibilité actuelle d'atteindre les volumes-record de production du début du projet (47 000 tonnes en 1982-1983 et 48 000 tonnes en 1984-1985). Concernant la deuxième culture de rapport du projet (à savoir le maïs), il faut noter qu'avant le projet, cette activité avait connu un insuccès relatif car le prix à la production locale (37 FCFA/kg) était plus élevé que celui à l'importation. Or, pour encourager les producteurs de cette céréale, notamment dans le cadre du projet, le Gouvernement en a progressivement augmenté le prix jusqu'à 75 F/kg en 1989. Dans ces conditions, on s'explique les grandes difficultés des paysans à commercialiser leur production au prix officiel, ces difficultés ont été aggravées par le doublement des récoltes que le projet a favorisé. Pour le miVsorgho, les résultats sont globalement plus satisfaisants. Les paysans ont reconnu avoir, non seulement, accru leur consommation domestique en cette céréale, mais aussi réalisé d'importants gains monétaires du fait de l'augmentation (identique au maïs) du prix au producteur. Ce constat semble d'ailleurs donner un avantage relatif au miVsorgho face au maïs, probablement pensons-nous, du fait des traditions culinaires, des marchés de consommation plus favorables au premier qu'au second. En ce qui concerne le volet « élevage ~, les prévisions du projet étaient exagérément optimistes du fait du statut d'importateur net de viande du Sénégal. Le cheptel devait, sur la base des projections effectuées, augmenter de 22300 têtes pour une production supplémentaire de lait d'environ 1 million de litres. En réalité, la non maîtrise des coOts opérationnels, l'inadaptation de certaines espèces animales importées et l'insuffisance des soins vétérinaires contribueront à l'échec de ce volet « élevage» matérialisé par les difficultés inextricables du PDESO. Enfin, les principaux aspects favorables du projet peuvent être appréhendés essentiellement au niveau des avantages non directement mesurables et concernent notamment : - l'accroissement des communications routières et des échanges grâce à l'entretien de certains axes routiers ainsi qu'à l'amélioration de pistes rurales anciennes et à la construction des pistes nouvelles; -la mise en œuvre de programmes de recherche spécifique sur le mil,le sorgho et le maïs (recherche sur le « riz de maïs ~ entièrement achevée et testée favorablement par l'Institut de Technologie Alimentaire de Dakar) ; -le volet « santé publique» pour l'amélioration des conditions sanitaires des populations humaines et animales; - et enfin le volet « organisations rurales» visant à soutenir le fonctionnement des ABP (Associations de Base des Paysans) particulièrement 100 dans le domaine de la formation et de l'alphabétisation fonctionnelle ainsi qu'à encourager les initiatives villageoises. 3) Projet des polders du Fleuve Sénégal Le projet des Polders (crédit 35(f,SE) a été la première opération financée par le groupe de la Banque Mondiale dans la vallée du Fleuve Sénégal. Le projet visait à améliorer les techniques de contrôle des eaux pour la culture de riz dans les deux polders déjà existants. En outre, il devait permettre les constructions d'un nouveau polder en vue d 'y assurer une double récolte de riz à pratiquer simultanément avec des céréales, des tomates, des patates et des oignons. a) Objectifs et buts du projet Le projet des polders a été initié en 1973 et devait être exécuté en trois ans sous la direction de la Société d'Encadrement de la Zone Nord du Sénégal, la SAED, en encourageant la production rizicole et de tomate. 11 visait au plan macro-économique. en encourageant la production rizicole et de tomate, à réduire d'au moins 1,2 millions de dollars par an, les importations du Sénégal dans le domaine du riz et de la pâte de tomate. En conséquence, le projet se proposait notamment d'accroître la surface cultivée des wnes déjà irriguées (3 050 ha) et d'améliorer l'aménagement de 1 180 autres ha. Les éléments constitutifs du projet ont été les suivants : - la constructions de nouvelles installations d'irrigation à Dagana en vue de permettre des cultures sur 2730 ha par année; - l'amélioration des techniques de contrôle des eaux dans la cuvette de Débi pour accroître de 960 ha à 1 025 ha les surfaces à emblaver; - et également l'amélioration des techniques de contrôle des eaux dans le sous-projet de Lampsar(2). Le taux de rendement des polders déjà existants respectivement de 17 % (Débi) et 19 % (Lampsar) devait être accrue par le projet. L'opération devait (2) Le Burkina Faso, offre sur cette question de la maîtrise de l'eau. une expérience à la fois originale et digne d'intérêt. Les paysans ont réussi en un an à réaliser 250 petits barrages construits par des enfants, des hommes et des femmes avec chacun une pierre sur sa tête. 3 350 forages dans les campagnes et les périphéries des villes. Avec le seul aménagement de la Vallée du fleuve Sourou barrage financé sur fonds propres et l'investissement humain, ce sont l ()()() hectares de terres fertiles qui ont été récupérés. Le pays a presque triplé la quantité d'eau stockée en l'intervalle d'environ six ans. 101 également permettre d'amener à 14 % le taux derendement net du nouveau polder. b) Effets attendus du projet Lors de l'évaluation initiale. le projet devait couvrir plus de l700 familles paysannes ou lOOOO personnes au totafqui devaient prendre part à l'exécution des sous-projets à Débi et à Lampsar. Acôté des incidences macro-économiques déjà observées. au plan microéconomique. le projet devait augmenrer le revenupercapita de 20000 FCFA dans les polders existants et de 30 000 FCFA à ceux qui occuperont les nouveaux polders. Sur ce point. des études indiquent des revenus d 'une moyenne de 8 000 FCFA pour les ruraux concernés dans la période d'avant projet. donc égale à peu près à 1/3 de la moyenne nationale (soit 25 000 FCFA). En conséquence. des effets notables étaient attendus logiquement de l'implantation du projet. Cependant. il a été observé que l'écologie de la zone devrait être perturbée mais qu' aucune espèce ne serait menacée grâce à la mise en place par le Ministère de la Santé et de la SAED de postes de santé (21 dans la zone) et d'un réseau de distribution de médicaments contre la malar\a et certaines maladies tropicales dangereuses dues à l'utilisation excessive de pesticides et de produits chimiques. c) Coût et financement du projet Le coût total du projet. durant sa période d'exécution a été estimé à 1.9 milliard de F CFA soit 7.4 millions de dollars dans lequel la participation extérieure (FAC-IDA) était à peu près égale à 0.75 milliard de FCFA (2.9 millions de dollars ou 40 % du tOtal). Pour le financement du projet. la participation de l'IDA s 'élève à 4.5 millions de dollars. soit 80 % du coût total (toutes taxes exclues). La contribution du gouvernement est estimée à 1,1 million de dollars. Dans les accords de financement. il a été retenu que les participations de l'IDA et du gouvernement seront rétrocédées à la SAED sous forme de subventions de 3.1 millions de dollars (800 millions de FCFA) et d 'un crédit de 4.3 millions de dollars (l.lOO milliard de FCFA) pour une durée de trente cinq ans au taux de 1 % avec une période de grâce de cinq ans. d) Justification du projet Les bénéfices immédiats du projet résultaient dans la production supplémentaire de riz dans les polders existants à Débi et Lampsar et dans la 102 nouvelle production de riz et d'autres produits rendue possible par le polder de Dagana. . Les taux de rendement des sous-projets ont été estimés respectivement à 14 % pour Dagana, 19 % pour Débi et 17 % pour Lampsar. En plus de ces résultats, le sous-projet de Dagana était important en soi car il devait servir le projet-pilote pour le développement futur des cultures irriguées dans la vallée du fleuve Sénégal puisqu'il était prévu d'aménager dans la zone quelques 50 000 ha de terres. li était entendu, cependant, que cet aspect, si louable soit-il, ne pouvait etre réalisé qu'avec le concours d'un personnel efficient et qualifié. La mise en place du sous-projet de Dagana devait servir alors de test pour l'extension possible de la culture irriguée dans la vallée et à reconnaftre la compétence ou non du personnel mobilisé dans cette opération. e) Les autres Incidents socio-économiques du projet Elles sont synthétisées dans le tableau récapitulatif numéro 6 de l'annexe statistique. li ressort de cette évaluation d'ensemble et des enquêtes complémentaires menées sur le terrain que: - d'abord le projet a effectivement pennis la conslruction de nouvelles installations d'irrigation à Dagana, mais dans des proportions moindres (l 260 ha par an contre 2 730 ha prévues) du fait de la hausse brutale des coOts opérationnels et de la faible coopération, en phase initiale, des populations rurales; - ensuite le projet a, par ailleurs, permis l'amélioration des techniques de contrOle des eaux dans la cuvette de Débi et dans la canal de Lampsar, servant ainsi de rampe de lancement au programme de développement de la culture de riz et de tomate dans le cadre du projet d'irrigation de Débi-Lampsar que nous aborderons dans la section suivante; - enfin, le caractère de projet-pilote d'investissements lourds de l'opération ne pennet, manifestement, pas d'apprécier convenablement sa rentabilité. En effet, si du point de vue du développement économique à long tenne, il apparaft rentable, par contre sur le plan financier et celui des incidences micro-économiques directes sur les populations rurales (production, revenu, prix...), sa rentabilité a été prise en défaut. 4) Le projet d'irrigation de Débi-Lampsar Le projet d'irrigation à Débi-Lampsar a été la deuxième opération soutenue par la Banque Mondiale dans la Vallée du Sénégal à la suite du 103 projet des Polders. Sur la base du relatif succès du premier, il devait renforcer le développement agricole de la zone et par-delà, celui de tout le Sénégal. D'un coût total estimé à 35 millions de dollars (57 % supporté par l'IDA), le projet du Débi-Lampsar avait pour centre d'intérêt d'aider la SAED, organisme responsable du second projet, à continuer d'exercer ses lettres de mission dans la bataille pour l'awosuffisance alimentaire. a) Objectifs et caractéristiques du projet Le projet visait principalement à atteindre les deux objectifs suivants: - continuer le développement de l'irrigation dans la vallée du Fleuve Sénégal dans la production de Paddy et de tomate --et la préparation de projets futurs de développement rural en renforçant les possibilités de recherche, de planification et de management de la SAED. Celui-ci devait être exécuté sur une période de quatre ans: 1978-1981.Il devait notamment comprendre: • A Débi - la construction de périmètres, de réseaux de drainage, de stations de pompage pour le développement des fermes, l' amélioration des voies d'accès en vue de permettre le contrôle et la régularité des eaux pour une superficie de 1 100 hectares; -la construction de maisons, de magasins et d'autres installations autour du périmètre; - et la fourniture d'équipements agricoles et de véhicules. • A Li:tmpsar -la construction d'embarquements, le long de chaque côté du canal de Lampsar ; -l'aménagement des réseaux de drainage, de 14 stations de pompage, l'amélioration des voies d'accès vers 11 sous-périmètres totalisant 2 220 hectares; - la construction de maisons, de bureaux et d'autres infrastructures autour des périmètres; - la fourniture d'équipements nécessaires à l'agriculture (véhicules notamment) ; -la sélection de quelque 1 100 fermiers en leur fournissant à chacun 3 hectares de terre; . . - et la fourniture de services, d'inputs de nature à faciliter le marketing dans la commercialisation et l'extension de la culture de paddy et de tomate. 104 b) Coût du projet Le projet de Débi-Lampsar a été financé conjointement par la Banque Mondiale (IDA) pour 20 millions de dollars soit 57 % du coût total. le Fonds Koweitien (5.3 millions de dollars pour 3 % d'intérêt pendant vingt ans avec une période de grâce de cinq ans), le Fonds d'Aide et de Coopération Français (2,7 millions de dollars) pour le financement de l'assistance technique et la BNDS pour le financement des inputs agricoles (1,2 million de dollars). Le GDS (Gouvernement du Sénégal) a participé au projet pour un financement de 5,8 millions de dollars. c) Incidences el bénéfices attendus du projet Lors de l'évaluation initiale, des incidences jugées satisfaisantes étaient attendues du projet, ce qui justifiait d'ailleurs sa mise en place enthousiaste et son exécution accélérée. Au niveau de la production et plus précisément des rendements. on s'attendait, pour le paddy, à observer des accroissements de 1.8 tonne par hectare à Débi et de 3,5 t/ha à Lampsar, ceci. au bout d 'une période de quatre années donc dans la phase de maturation du projet. Pour la tomate. il était attendu des accroissements, dans les mêmes délais. de 15 tonnes/ha et 30 tl ha respectivement à Débi et à Lan1psar. Sur la base de ces projections. et dans l'hypothèse li 'une croissance régulière de la production totale. celle-ci devait être de 10 400 tonnes de Paddy (dont 3 800 tonnes à Débi)etde 16800 tonnes de pâte de tomates (dont 10 200 à Lampsar). La commercialisation du riz qui était traité à Ross-Béthio était dévolue à la SAED et à l'ONCAD; ils devaient se charger de la distribution d 'une partie du riz en gros chez les grands commerçants et de l'écoulement du reste vers les marchés. Sur ce point, des contraintes majeures ne semblaient pas se poser au marketing et à la distribution du riz puisque la production du projet ne devait représenter qu'une part minime des importations à l'époque, et même de celles à venir; le prix au producteur a été augmenté par le Gouvernement. en 1975 de 22 FCFA/kg à 41 ,5 FCFA/kg en vue de stimuler la production locale. La commercialisation de la pâte de tomate était du ressort de la SAED et de la SOCAS. A cette époque, la consommation nationale de pâte de tomate était estimée à 7 000 tonnes par an dont 4 000 tonnes importées, ce qui justifiait donc l'existence de débouchés certains pour la production. En outre. une augmentation de Iaconsommation Iocalejusqu'au niveau de 8 500 tonnes était attendue pour l'année 1984 ; ce qui allait entraîner un gap de 5.000 tonnes (ou 30 000 tonnes de tomates fraîches); des problèmes 105 particuliers ne semblaient pas alors se poser à l' ~coulement de la production vers le marché intérieur. Le projet devait concerner plus de 9 ()()() personnes implantées dans et autour de la rone. Les revenus induits par le projet étaient estimés à 6 100 dollars (par famille) dans les périmètres de Débi et 7 ()()() dollars dans ceux de Lampsar. Ces incidences avaient été jugées très satisfaisantes compte tenu d'abord de leur comparaison au rtwenu moyen national per capita (390 dollars) et ensuite du coat net des investissements par hectare (soit 4,1 dollars pour Débi et 5 dollars pour Lampsar). Le taux de rentabilité économique pour chaque périmètre était de 9 % pour Débi, 12 % pour Lampsar et de 10 % pour l'ensemble du projet. Les incidences non quantifiables du projet devaient se refléter dans la consolidation et l'amélioration des acquis de la SAED dans ses effons d'encadrement des ruraux, de planification, de management et d'exécution des projets présents ou à venir dans la vallée. Ceci, pensait-on favoriserait davantage le rôle de l'institution dans l'Organisation de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS). Un certain nombre de risques liés au projet dont notamment : le coat, la salinité des eaux, la perte de poids probable de la pâte de tomate due à son transpon, étaient un ensemble de contraintes que l'étude de faisabilité du projet a cherché à minimiser pour atteindre les objectifs fixés. d) Impacts sodo-économiques réels du projet Les évaluations et enquêtes menées sur le terrain montrent un ensemble de faits dont les plus saillants portent sur: -les faibles performances enregistrées au niveau du paddy que ce soit en termes de rendement (seulement 1,2 tlha à Débi et 2,8 t/ha à Lampsar) ou de coOts de production (important gonflement des frais d'aménagement et de diverses charges d'exploitation) ; - les cultures de tomates, qui ont réalisé de bons résultats, notamment à Lampsar (32 t/ha) contre 13,5 tlha à Débi. Cependant, la défectuosité quasi complète du système de commercialisation de la tomate industrielle dans la région a fortement privé les ruraux de revenus substantiels qui auraient pu atténuer les charges croissantes parallèlement enregistrées sur les champs de riz-paddy; - les prix à la production du paddy (41 F à 51 Flkg entre 1978 et 1982) et de la tomate industrielle (17 F kg entre 1978 et 1982), en demeurant trop bas, ont aggravé le phénomène précédent et ont pesé, ainsi, négativement sur les revenus des participants au projet qui, sur certains périmètres. orit été de plus de 50 % inférieurs aux prévisions initiales; 106 -l'encadrement foumi par la SAED a néanmoins permis de renforcer la maîtrise technique des populations rurales en matière de cultures irriguées et de gestion d'unités productives agricoles; - au plan sanitaire par contre, les perturbations écologiques engendrées par l'irrigation ont été. dans cette première phase du projet. mal maîtrisées; ce qui a conduit à la recrudescence de certaines endémies comme la malaria, la bilharziose et parfois l'onchocercose. 5) Les petits projets d'opérations rurales Au moment de l'initiation du présent projet. la contribution du groupe de la Banque Mondiale pour le financement au titre du Programme Agricole se chiffrait à 74.3 millions de dollars dont 67,3 millions de dollars de la part de l'AlD, Ce financement était requis dans le cadre de douze projets mraux, Il s'agissait notamment de; - trois projets d'ingénierie, de construction de polders et de cuiture irriguée dans la vallée du Fleuve Sénégal: Crédit 350 - SE (1973) Crédit 518 - SE (1975) Crédit 775 - SE (1978) - 4,5 millions de dollars Imillion de dollars 20millions de dollars. trois projets de développement rural: Prêt 584 - SE Crédit 140 - SE (1969) Crédit 404 - SE (1973) 3.5 millions de dollars 6,0 millions de dollars 8,2 millions de dollars. - deux projets pour le développement de la culture du riz en CasanHU1ce: Crédit 252 - SE (1971) Crédit 647 - SE (1976)................... 3.7 millions de dollars 3.7 millions de dollars. -- deux projets de colonisation rurale pour l'implantation de familles dans le Sénégal-Orient:.!1 (Société des Terres Neuves) : Crédit 254 - SE (1971).................. Crédit 278 - SE (1975).................. 1.4 million de dollars 2.0 millions de dollars. - un projet de développement agricole pour le Sine-Saloum: Crédits 1113 - SE et 545 - SE (1975)...... 7.0 millions de dollars - un projet de développement de l'élevage au Sénégal-Oriental: Crédit 633 - SE (1976) 4.6 millions de dollars et 107 - un projet pour la mise sur pied d'une banque agricole: Crédit 446 - SE 6,1 millions de dollars. Ce nouveau projet est constitué en réalité d'un ensemble de petits projets ruraux. a) Le projet: objectifs et description Les principaux objectifs visés par le projet étaient d'une pan d'encourager les initiatives locales. et, par-delà. accroître la participation des ruraux dans les prises de décision concernant le secteur rural et d'autre part d'entreprendre de petits projets de développement dans l'intérêt des agriculteurs. Les objectifs les plus importants étaient finalement de mettre sur pied de petits groupes de producteurs en vue d'augmenter la production agricole (et indirectement la production animale) d'accroître les rendements. Le projet devait être exécuté sur une période de quatre ans par une unité de direction dans chaque département concerné sous la tutelle du ministère des Affaires Sociales. Le projet comprenait tous les volets équipement, construction ainsi que les services techniques d'appui dans les localités ci-après: - 30 périmètres de 20 hectares chacun pour laculture du riz dans la vallée du Galenka située dans la pallie Nord du Sénégal; - 15 périmètres de 4 hectares chacun pour la culture de la banane à Sédhiou dans la région de Kolda : - 18 périmètres de 2 hectares chacun pour la culture de légumes à Thiès et dans la pallie Nord de l'ancienne région du Sine-Saloum ainsi que pour la production de miel et de cire pour quatre groupes de producteurs à Bignona: - 20 petits canots de pêche avec des moteurs hors-bord et un équipement auxiliaire dans la région de Louga ; - des équipements pour des puisatiers en vue de la construction de 50 puits et la réfection de 50 autres dans l'ancienne région du Sine-Saloum: - et la mise en place d'une structure de direction administrative, financière et technique nécessaire ainsi qu'un SUPPOll logistique pour l'identification. la préparation et l'évaluation des projets entrepris. A l'évaluation initiale, le projet apparaissait directement productif puisque ces activités devaient aider 2 400 familles (ou quelque 24 000 personnes) ayant des revenus égaux ou inférieurs à 26800 FCFA. En plus, environ 100 000 personnes allaient bénéficier de la distribution d'eau permanente dans les villages du projet. Les critères retenus dans le cadre de la sélection des activités du projet étaient que celles-ci devaient être directement productives, profitables 108 financièrement, économiquement et porteuses d'un intérêt manifeste pour les différents groupes de producteurs. b) Détails et caractéristiques des sous-projets • Petits périm~tres rizjcoks Ce sous-projet a été initié le long du Galenka, un affluent du fleuve Sénégal pour 30 groupes de producteurs (environ 12 000 personnes) qui devaient être assistés dans la construction, l'irrigation des périmètres et le contrôle des eaux. Celui-ci devait fournir également une petite base pour les opérations de la SAED à Thillé-Boubacar, faciliter la construction des réseaux de distribution d'eau, entreprendre les études topographiques des sols, installer les pompes 4( 15HO » et assurer la distribution d'inputs dans les périmètres de 20 hectares de paddy pendant la saison des pluies, et d'autres de 6 hectares pour la culture céréalière (4 hectares de maïs et 2 hectares de riz), pendant la saison sèche. • Petits périm~tres de cultures maraû:h~res Cette composante du projet a été initiée dans la zone limitée par Thiès, Joal et Fatick où 18 groupes de producteurs devraient être assistés dans l'aménagement de petits périmètres pour la culture de légumes grâce à la distribution d'eau à l'aide de pompes manuelles branchées dans des puits ouverts. En fait, ce sous-projet se devait d'encourager la culture maraichère déjà existante dans la zone en apportant un appui technique aux producteurs, notamment dans les techniques d'approvisionnement de l'eau par le bi ais de la force animale à partir de puits peu profonds situés dans les dépressions. Chaque groupe de producteurs était composé d'environ 20 membres dont chacun devait bénéficier d'un périmètre de 3,1 hectares. • Petits périmètres de culture de banane Ce sous-projet concernait 15 groupes de producteurs dans la localité de Sédhiou, ayant été soutenus dans la construction et l'aménagement de petits périmètres grâce à l'utilisation de pompes mécaniques. Cette opération qui avait été financé par le FED devait être renforcée par le groupe de la banque dans le cadre de ce projet. Celui-ci était ambitieux puisque la culture de banane, au vu du climat casamançais, pouvait être considérée comme marginale. 109 Pour ce sous projet, les groupes de producteurs ainsi assistés, devraient être responsables du suivi de la fourniture d'eau, de la maintenance et du traitement de la culture de banane. • PedUs uni.lis de gardiennage d'abeUles(3) Cette panie du projet a été implantée dans la ville de Bignona, par quatre groupes de producteurs pour l'assistance à l'installation de cinquante ruches et de quatre unités d'extraction de miel et de cire. Ce sous-projet devait comprendre précisément : - l'installation de quatre centres de production de miel et de cire au profit de quatre groupes de 25 producteurs ; - l'installation de 5 ruches par centre de production et la fourniture de matériels de travail; filets, fumigateurs, clÔture de protection... ; -la réhabilitation du centre déjà existant dans la région. Cette dernière composante du projet a été placée sous la direction de l'Agence Régionale de l'Elevage pour les installations et l'assistance technique à fournir aux bénéficiaires. Les groupes de producteurs sont. pour leur compte, responsables de l'exécution du projet et de la maintenance de la production. • Sous-projet de plche artisanale Cette opération a été implantée à Lompoul et à Téra dans la zone côtière de la région de Louga où 20 groupes de jeunes pêcheurs ont été assistés dans l'équipement de canots à !Doteurs ~ 20HP » et de matériels subsidiaires. Celleci devait surtout concerner les pêcheurs qui n'avaient pas bénéficié de l'assistance canadienne pour la motorisation des pirogues (projet CAPA). Le sous-projet placé sous la tutelle de l'Agence Régionale de la Pêche, devait comprendre en plus du matériel de séchage, de l'eau salée et d'autres équipements pour les pêcheurs. • Sous-projet d'approvisionnement en eau dans les villages Ce sous-projet a concerné la Région du Sine-Saloum où l'unité responsable de l'exécution de l'opération devait être renforcée pour lui permettre de procéder à la construction de 50 nouveaux puits et d'entamer la réfection de 50 autres puits ouverts. (3) Bien que le néologisme « gardiennage d'abeilles» soit récusable nous l'avons reconduit pour rester fidèle à la dénomination du projet. 110 Le projet devait comprendre notamment : -l'installation de bureaux supplémentaires à Kaolack et d'un petit centre de base de données à Dakar ; -la fourniture de véhicules, de plantes et divers équipements ; - la fourniture de matériel de construction; - et la mise en place d'une direction de supervision et de maintenance des travaux. L'Agence du Service des Eaux et Forêts basée à Kaolack a été responsable de l'exécution du sous-projet. c) Coût et financement du projet Ces petits projets d'opérations rurales ont nécessité un crédit à long terme de l'IDA pour un montant de Il millions de dollars au profit du gouvernement sénégalais, crédit qui a permis de couvrir 78 % du coOt total du projet. Les coOts et le financement du projet ressortent du tableau suivant: Plan de rmancement des petits projets en DrlIlions de dollars Petit. projet. FAC Total IDA 1,1 1,0 1,3 0,1 0,6 0,1 1,0 0,1 0,1 0,1 1,7 1,9 0,1 1,6 1,1 0,1 0,3 0,. 0,7 4,. 0,1 1,6 3,7 0,1 1,2 0,1 0,3 Total 14,1 11.0 D,. 2,4 0,1 0,2 Pomeatap 1001 181 31 161 11 2S Petits p4ril. ril. Pltit. p4r. IIr. Petit. ph. de NUlle GardielllllP d'abeille Di.tributiOi d'e.. Pkhe kti,itû 1011 ideatifiœ. leôol1lelelt PP! coatiqeat. 111 Gomraetellt BRDS Bédficiaires 0,1 0,1 0,1 d) Impacts socio-économiques du projet Au moment de l'évaluation initiale, on estimait que le projet (dans son ensemble) devrait bénéficier à quelque 4 300 familles, soit 42000 personnes pour un coût net par bénéficiaire de seulement 2 260 dollars, soit l'équivalent de moins du quart du coût relevé dans des zones identiques et, pour des opérations similaires. C'est plus que le coût moyen de création d'un emploi • dans le secteur tertiaire. Pour une durée de vie d'environ vingt ans, les taux de rendement économique pour chaque opération du projet étaient les suivants: Taux de rendement attendu Sous-projet Petits périmètres rizicoles Petits périmètres maraîchers Petits périmètres de bananes Gardiennage dlabeilles Pêche Sous-total Activités non identifiées Total Taux de rendement économique 18" 12" 19" 12" 60" 17X 13" 14" Les investigations, concenant cet ensemble d'opérations rurales, ont porté essentiellement sur les sous-projets « bananiers ». Il en ressort que: -les cultures maraîchères, si elles ont été performantes au niveau de la production, elles ont largement souffert de trois facteurs défavorables qui ont contribué à amoindrir les revenus escomptés du fait de l'effondrement des prix; ce sont: - l'insuffisance, voire sur certains périmètres, l'absence de moyens de stockage adéquats, entraînant des taux relativement élevés de pertes de récoltes; - les défaillances du système de commercialisation (méconnaissance des circuits de distribution par les ruraux, faible intérêt des commerçants et transporteurs pour les produits maraîchers ...) ; - et surtout le lobbying pratiqué par certains gros importateurs (libanosyriens) de produits maraîchers qui monopolisent le secteur, privilégient la 112 distribution des productions étrangères et orientent le marché dans le sens de leurs intérêts exclusifs et donc au détriment des ruraux impliqués dans le maraîchage. - en ce qui concerne la banane en revanche. les résultats ont été acceptables à la fois au plan de l<tproduction et des revenus des paysans. En effet. outre l'écoulement en l'état d'une partie de la récolte, les participants au sous-projet ont conçu et réalisé, grâce à l'appui des ONG européennes et américaines. des unités collatérales de transformation artisanale ou semiindustrielle de la banane en confiture ce qui a eu pour effet d'accroître les incidences initiales du sous-projet du fait de la démultiplication des activités et donc de la création d'une chaîne de valeurs ajoutées supplémentaires. 6) Le projet rizicole de la Casamance Le projet rizicole de la Casamance (crédit 252-SE) a été identifié et proposé par la FAO/BIRD en 1970. Il fut évalué en novembre 1970; l'accord de crédit fut signé le 18 juin 1971 et il devint effectif le 6 janvier 1972. Ce projet. première opération initiée par la Banque Mondiale dans ladite région et la troisième dans le cadre du financement du secteur rural, devait couvrir le département de Sédhiou et la Région du milieu de la Casamance. zone particulièrement favorable à la culture sous-pluie. Il devait être exécuté sur une durée de cinq ans avec une participation de 3.7 millions de dollars de l'IDA. Après une évaluation initiale, le projet a été redéfini dans plusieurs domaines, notamment dans les buts et objectifs poursuivis à cause des problèmes techniques relevés par J'étude ainsi que des conditions climatiques exceptionnelles que requérait une telle opération. a) Objectifs et buts poursuivis Lors de l'évaluation initiale, le projet visait à atteindre les buts et objectifs qui suivent: - l'établissement d'une unité de management du projet (UMP) ; - l' aménagemen t de 200 hectares de terres marécageuses destinées à la culture du riz; - le débroussaillement de 9 500 hectares pour la production de riz en rotation avec la culture d'arachide et de mil; -la construction et le fonctionnement de 24 greniers (moulins) à riz; - 113 la mise en bon état de 244 km de pistes rurales; - et la fourniture d'un crédit saisonnier à moyen terme aux coopératives ainsi que d'une assistance dans la commercialisation et le marketing des récoltes. b) Les coûts du projet Les coOts du projet, tels qu'ils apparaissent lors de l'évalua.tïon initiale et au moment de l'évaluation rétrospective peuvent se résumer dans le tableau 6 de l'annexe statistique. Les écans qui apparaissent, s'expliquent par : - la sous-estimation des coOts à l'évaluation initiale et des retards dans les délais d'exécution des opérations ; - la fourniture de 23 moulins à riz ainsi que les coOts de travaux d'irrigation plus excessifs que prévus: - le changement de programme dans l'infrastructure routière : - l'augmenlation des salaires décidée par le gouvernement vers la fin de l'année 1976 ; - et l'augmentation des prix du carburant et des lubrifiants due à la hausse des prix du pétrole. c) Les incidences attendues du projet Dans le projet rizicole de la Casamance, il était attendu essentiellement des impacts au niveau technique par l'amélioration de la productivité due à l'introduction de paquets technologiques, par l'étude des sol,s (sous la direction de l'IRAT)(4) et au niveau économique par l'augmentation des rendements (grâce à l'utilisation de fertilisants et l'introduction de nouvelles variétés) et des revenus des agriculieurs. , Les budgets projetés des ruraux participants au projet calculés sur la base des prix de 1971 (année 0 du projet) et des prix de 1975 (4' année du projet) comparés aux budgets estimés à l'évaluation initiale, font ressortir une nette amélioration des revenus. Dans son ensemble, le projet 252-SE a été, malgré les problèmes renconlrés avant sa mise en route, considéré comme une réussite au niveau de son exécution. d) Incidences socio-économiques du projet Les résultats issus de nos évaluations de terrain tendent à montrer que les prévisions optimistes des initiateurs du projet ont été largement prises en défaut pour les raisons essentielles tenant à : (4) IRAT : InstilUl de Recherches Agronomiques Tropicales. 114 - la sous-estimation de certains coOts, particulièrement en ce qui concerne les moyens de transport. l'infrastructure, les routes, les bâtiments et les travaux d'irrigation; -l'omission de certaines dépenses; - aux fausses prévisions concernant les problèmes de consommation des familles et les modèles de ferme; - la connaissance insuffisante des zones extensives de sols gris et prévisions trop optimistes sur le potentiel de production de riz des hautes terres; - aux études inadéquates en ce qui concerne les routes, les moulins à riz et les travaux d'irrigation; - la mauvaise prise en compte de l'environnement local, au sujet notamment des structures des fermes: lieux organisation; - aux réticences paysannes en ce qui concerne les modifications des formes et pratiques des cultures traditionnelles; - la mauvaise formation des agriculteurs travaillant dans les champs à culture extensive ; - la sous-estimation de la capacité de travail des fermiers ; - la difficulté dans le suivi pour les zones reculées à cause du manque de routes; - au refus de produire du riz au-delà des besoins de la famille à cause de la quasi-inexistence de circuits de commercialisation et de l'absence d'équilibre entre les prix des récoltes et le coat des équipements ; - au développement lent de la traction animale à cause des prix relativement élevés des bœufs; - au retard dans les activités agricoles à cause de la livraison tardive du matériel par l'ONCAD ; - la mécanisation caractérisée par la mauvaise qualité de certains équipements (charrettes, batteuses) et l'entretien insuffisant. Cet ensemble de paramètres justifient que les quantités de riz commercialisées par les paysans aient été trop faibles par rapport aux prévisions et même aux quantités effectivement produites (forte autoconsommation familiale, prix aux producteurs trop bas, réseaux de commercialisation défaillants, irrégularité dans les financements, insuffisance et inadaptation d'une partie du matérieL). Il s'y ajoute les graves erreurs psychologiques d'approcke en ce qui concerne la communication avec les populations rurales dans le cadre de l'introduction de nouvelles formes et pratiques culturales. En définitive, on retiendra que si le projet a permis d'accroître la production de riz (destinée à l'auto-consommation) et subsidiairement celle de l'arachide. il aura complètement échoué dans ses objectifs centraux consistant 115 à produire de façon rentable et à grande échelle du riz et de l'arachide en Casamance afm - objectif macro-économique non explicite - de réduire les importations (riz) et d'augmenter les exportations (arachide). Quels enseignements peut-on tirer de cette évaluation? La Banque Mondiale dans l'exercice de ses fonctions tectmiques est intervenue au travers de projets microéconomiques afin de réaliser certains objectifs majeurs qui pourraient faire sauter les goulots d'étranglement du développement rural à savoir: -la généralisation du crédit agricole pour le financement des activités du secteur; - le développement des cultures irriguées pour être moins tributaire des facteurs naturels ; -l'amélioration des rendements et de la productivité ; -la diversification de la production agricole. Toutefois, il apparaît. en fin de compte, que les résultats sont assez mitigés. Qu'en est-il au plan macroéconomique? 116 CHAPITRE Il Les impacts macro-économiques Si l'intervention de la Banque Mondiale dans le monde rural a revêtu chronologiquement deux formes (directe de 1969 à 1980 et de moins en moins directe depuis lors), celle du FMI par contre, a toujours été indirecte et remonte seulement à 1980 en s'exprimant à travers des mesures de politique économique incluses dans les différents programmes d'ajustement. Pour cette raison ainsi que pour d'autres d'ordre méthodologique, nous passerons successivement en revue les incidences macro-économiques globales générées par l'intervention de l'une et l'autre institution, que ce soit à titre direct ou indirect, dans le secteur rural. 1) Les effets des interventions du FMI sur le secteur rural dans le cadre du redressement de l'économie sénégalaise Un rapide survol des mesures détaillées dans les accords (facilité élargie et continnation) signés avec le FMI (voir chapitre 1) montre qu'en dehors des petits consommateurs urbains (relèvement des taxes indirectes et du prix des denrées de première nécessité), les producteurs agricoles représentent la couche de la population la plus affectée par l'ajustement financier. Cette constatation, comme on tentera de le montrer plus loin, transparaît directement dans les mesures concernant l'augmentation de la retenue sur les producteurs d'arachide et le relèvement du prix des engrais. Elle apparaît ensuite indirectement dans la série de mesures d'accompagnement allant de la réorganisation des filières agricoles à la restructuration de la CPSP en passant 117 par le transfert aux paysans de la reconstitution, du stockage et de la gestion d'une partie du capital semencier arachidier. a) La consommation d'intrants agricoles Le doublement du prix de l'engrais en 1983 qui passe de 25 à 50 FCFA le kg a eu pour effet immédiat de diminuer considérablement la consommation de ce produit en tant qu'intrant. n faut noter, à ce propos que la consommation d'engrais qui était de 85 000 tonnes en 1977 est tombée à moins de 21 000 tonnes en 1984. Cette évolution demeure inquiétante à moyen et long termes, quand on sait que le Sénégal appartient à la zone sahélienne caractérisée par la relative aridité de ses sols qui ont, par conséquent, besoin d'un enrichissement permanent - notamment par l'engrais - pour demeurer productifs. Il s'y ajoute que l'augmentation de la retenue sur les producteurs d'arachide (qui passe de 10 à 20 FCFA par kg) intervenue en 1984 comportait le risque de décour:.ager partiellement la production de cene spéculation et surtout de favoriser le développement des circuits parallèles de commercialisation. Heureusement, les mesures de 1985 ont supprimé cette retenue et augmenté le prix au producteur ; mais parallèlement, elles ont imposé aux paysans l'achat des engrais et des semences pour une large part au comptant, ce qui, une fois de plus, comporte les risques antérieurement évoqués (baisse de la production. diminution de la fertilité des sols, développement des marchés parallèles...). DeDuis la campagne 1989-1990, les nouvellel: conditions de prêts !!1stituées par la CNCAS (Caisse Nationale de crédit Agricole) sont les suivantes: Condition préalable d'accès: être à jour des échéances des prêts antérieurs. Conditions de mise en place : - Semences d'Arachide: - autofmancement : 35 % ; - taux: 11,25 % sur 9 mois (15 % l'an) ; - frais de dossiers: 1,5 Fjkg d'arachide. -Matériel de Culture attelée: - autofmancement : 20 % ; taux : 15 % l'an ; durée : 3 ans ; frais de dossier: variable suivant le montant du crédit 118 -Engrais: - autofinancement: 15 % ; - taux 11,25 % sur 9 mois (15 % l'an) ; - frais de dossiers: 1,5 F/kg d'arachide. - Matériel de Culture attelée : - autofinancement: 20 % ; - taux: 15 % l'an ; - durée: 3 ans; - frais de dossier: variables suivant le montant du crédit. - Engrais: - autofinancement: 15 % ; - taux: 11,25 % sur 9 mois (15 %/an) ; - frais de dossier: 1,5 F/kg. - Autres intrants (riz, maïs, prestations service, etc.) : - autofinancement :15 % ; - taux: Il,25 % sur 9 mois; - frais de dossier: (sauf ligne de crédit) en fonction du montant du prêt b) Les effets des mesures sur les revenus ruraux En combinant la mesure de relèvement du prix de l'engrais et celle d'augmentation de la retenue (doublement dans chaque cas), on aboutit au résultat défavorable suivant: pour une bonne campagne, c'est-à-dire environ 100 000 tonnes d'engrais et 800000 tonnes d'arachides, les ajustements financiers ainsi réalisés en 1983 et 1984 aux dépens du revenu rural représentent un prélèvement de 10,5 milliards sur un revenu monétaire agricole global de l'ordre de 60 milliards. Cette perte de pouvoir d'achat est encore plus douloureuse pour les producteurs pendant les années de mauvaise récolte comme 1984 où le revenu monétaire agricole global n'a été que de 21 milliards, soit 6 000 F par personne et par an. On ne soulignera jamais assez que l'accroissement de la productivité et des rendements au niveau de l'agriculture est absolument impossible sans une augmentation des revenus agricoles. D'ailleurs, même le développement économique et la croissance tirent leur source dans l'accroissement des revenus et l'expansion de la demande qu'ils induisent. Ph. ENGHELHARD ajoute que ce n'est pas un hasard si les pays développés subventionnent (parfois à tort et à travers) leur agriculture. C'est le moyen de maintenir le niveau de la demande et d'accroître la productivité. 119 Ce revenu rural a ainsi évolué entre 1986 et 1989 : Estimation des revenus bruts issus de ia commercialisation en milliards de francs CFA 1911,1t UU'U UU'17 un,l. U,64S 0,19.1 0,30 O.OSl J.794 47,M4 1,979 6,616 0,437 J,6I1 10,000 :n ,410 4,100 0,790 3 1a0 0,693 l,UI 0,104 , 170 .15,J17 st. 663 19.JIO J4 371 IU'W 1.106 1.477 o 1'4 O,J50 1.J77 ',JSJ 0,463 1,912 ',100 0,005 J,J08 0 lODI-TOUL J 3 737 1,710 J,US J 301 7.JOO , 120 7,JOO 3 120 7,410 , 1JO 1.000 '.60 CULTUlIU IJO)UIT.IILLII' Arachide bwll.rl. Arachide de bollCM 1 _ Arachide. Toeat. Indaetrl.ll. OotOft IOUI-TOTAL 1 C.lt.~ .Iyrl.r.. MII'loraho Pac1d7 o,no IIortl_lt... U.- 'r.H. lOUI-TOTll , TOTll 10.320 10.420 ID UO 11.600 ",J74 71,113 'J ,.lU ",J72 Source: MDR. 1990. c) Les prix à la production En termes constants (base 1971 ),Ie prix d'achat au producteur de l'arachide durant cette période d'ajustement ne représente plus que la moitié à peine de ce qu'il était entre 1960 et 1967. Cela ressort sur le tableau ci-après: Evolution du prix d'achat de l'arachide du producteur en francs CFA unll Prlz "achat •• t •• product••r IlWIlce de. prlz .... Iz "achat _ franc. con.tant. 1971 1960 1961 196J 196' U64 1965 196' 1967 JO,' 22,0 JJ,O 21,5 21,5 21,5 U,S US '1,2 11,6 76,1 79,7 'J,7 '5,9 '7,1 '0.0 1971 l' S 100,0 1'.5 1910 UU 191J 1913 1914 41,S 46,0 10,0 60,0 J51,4 2'I,J 312,3 "1,7 316,0 11,1 11,3 l',J I1.J 13,0 SO,O 30,S 30,1 2',' J1,o J6,o 25,0 J4,S J3.' SOl/rce: Banque Mondiale. Sénégal: Agriculltlral Sec/or S/ra/egy Brie]: 1985. 120 Pour l'ensemble des principales cultures (rapportées en base 100 = 1970) la tendance ~ l'effritement continu du pouvoir d'achat rural reste confirmée. Prix officiels à la production, 1970-1986 en valeurs constantes de 1970 (francs CFA/kg) ANNEES COTON ARACHIDES MAÏS MIL 1970 33 20 18 17 1971 30 23 18 17 1972 27 20 17 15 1973 25 24 20 20 1974 28 25 21 18 1975 24 22 18 16 1976 25 21 18 18 1977 23 20 18 17 1978 22 19 17 18 1979 23 19 17 18 1980 23 20 14 16 1981 24 25 16 18 1982 21 21 14 15 1983 19 19 13 15 1984 18 18 15 15 1985 23 21 16 16 1986 22 20 15 15 Source: Banque Mondiale, Sénégal: Agricultural Sector Strategy Brie!, Volume II Annexe statistique, septembre 1987. 121 Pour les dernières années, la méthodologie' d'évaluation ~es prix aux producteurs n'a point changé, ils ont évolué comme suit en francs CFA/k.g. Bvaluation et projection des prix En francs CFA 1988 1989 1990 1991 1992 1993 95 90 100 25 15 10 100 1S,O 10 100,0 25,0 14,0 10,0 100,0 25,0 84,0 10,0 100,0 2S,O 14,0 10,0 100,0 2S,O C.r6&l_ MII-Iorabo (3) liaI. (3) IUz-PaddJ' (Prh: 10 10 10 10 10 70 10 10,0 10,0 10,0 70,0 70,0 pranU) 15 15 15 15,0 IS,O 15,0 110 40 55 55 110 40 55 55 110 40 55 55 110 40,0 55,0 55,0 110,0 40,0 55,0 55,0 110,0 40,0 55,0 55,0 œLTOJlBS IKOOSnlBLLBS (Prix pranU.) Aracbi de de boucM (1) Arachide 4'bullerle(2) Ootoa (1er choix) Ta.ate IDda.trlelle Autre. culture. lfi6b6 (3) .....ioc L6~. 'ruit. Source 2S Statistiques de la Direction de l'agriculture Au moment des indépendances africaines, tout le dispositif de la traite coloniale a été transféré au nouveau pouvoir administratif qui en a préservé les mécanismes fondamentaux : fixation des prix aux producteurs, commercialisation des produits, système de crédits, vivres de soudure, ete. Plus encore, les nouvelles administrations - sous la pression d'un certain nombre de facteurs nouveaux dont notamment l'explosion démographique, l'urbanisation anarchique ou encore le mimétisme du modèle de consommation importé - ont renforcé le dispositif par l'institution de la fixation des prix aux consommateurs, par la diversification des cultures d'exportation et surtout par un accroissement du prélèvement du surplus agraire en vue de la satisfaction des besoins urbains et administratifs. La conséquence immédiate fut une nette régression du potentiel productif rural 122 acccssohemem amplifiée l;.'r des contraintes naturelles comme l'instabilité climati~ue. très logiquemem, il s'ensuivit un rapide épuisement du surplus agricole qui, conjugué au caractère généralement inadapté des technologies agricoles importées, explique pour une large part le blocage de la reproduction des systèmes agraires sur des bases réellement endogènes. • L'irréalisme de la politique de prix apparaît à lin double niveau: D'abord celui des prix aux producteurs: L'analyse de l'évolution des prix au producteur des principaux produits aglicoles permct de remarquer une nelle discrimination dans les prix officiels offcrts aux producteurs, celle-ci se faisant en faveur des cultures de rente généralement destinées à l'exportation et donc au détriment des cultures vivrières qui, elles, servent à l'alimentation locale. C'est ainsi qu'entre ]960 et ]980 : -le prix de ]'arachide d'huilerie est passé de 22 F le kg à 50 F le kg ; - quant à l'arachide de bouche, il culminait à la fin de la période à 70 F lt kg; - concernant le coton dont la production était pratiquement nulle en 1960, il fut promu à partir de 1964 (dans le cadre de la diversification des cultures d'expoltation) à un prix variant entre 20 et 35 F/kg selon les qualités, avant d'atteindre 59 F/kg en 1980 et passer à 70 F/kg en 1982 pour la qualité supérieure. Dans le même temps: -le prix du mil-sorgho passait de 20 à 40 F/kg ; - le maïs de 18 à 37 F/kg ; -le riz de 23 à 41,50 F/kg ; - le niéhé de 10 à 30 F/kg. Manifestement, on observe que relativement aux cultures de rente, les prix aux producteurs des cultures vivrières ne sont assurément pas incitateurs; cela d'autant plus que la journée de travail, les charges récurrentes et les rendements sont généralement, toutes proportions gardées, défavorables aux produits vivriers. A cet égard, une étude de la SONED(2) a montré que pour égaliser la rémunération de la journée de travail consacrée au mil à celle consacrée à l'arachide, il conviendrait, sur la base des prix de 1981 par exemple (à savoir 50 F/kg pour le mil et 70 F/kg pour l'arachide) de proposer un plix du mil au (Lire la noie 2 p. 124). 123 1 producteur supérieurde 30 % environ à celui de l'arachide. Au~remdnt dit, on devrait avoir: 1 - prix du mil =prix de l'arachide x (l + 30 %) c·est-à-d.ire : prix du mil := 70 (1 + 0,3) := 70 x 1,3 = 91 F/kg et non pas 50 F;kg comme fixé offic iellemenr. En fait. cet exemple illustratif montre qu'en 1981.Ie mil (cu lture vivrière) a été sous-payé par l'Etat au producteur dans une proportion de : Le même rapport précise plus loin: « qu'il est inutile d'espérer que le paysan fa~se dav<u1tuge de milljue ce dom il a besoin pour sa consommation tant "lu'il ne peut vendre au prix indiqué (c'est-à-dire au prix rémunérateur) ». Ensuite celui des prix cl la consommation l'Ïl'rière Dans la plupart des pays africains, la fixation administrative des prix à la consommation des biens agricoles alimentaires a été tendantiellement caractérisée d 'une part. par une protection du consommateur aux dépens des intérêts du producteur et d'autre part par un encouragement aux importations massives de céréales. En effet. les administrations publiques ont généralement mis en place des systèmes de stabilisation et de péréquation des prix à la consommation qui. pour la plupart. ont conduit à la situation paradoxale suivante: L1ne péréquation positive pour les produits vivriers locaux et une péréquation négative pour eeux impol1és. Plus concrètement, cela signifie 'lu 'il est prélevé des ressources financières potentielles sur les producteurs locaux en vue de subventionner partiellement les importations céréalières. C'est ainsi. par exemple, qu'en septembre 1973.1a Caisse de Péréljuation et de Stabilisation des Prix (CPSP) fixait sur les marchés de Dakar le prix du mil à 130 F/kg sur lesquels le producteur ne recevait que 25 F. tandis que le prix de vente du riz « Siam» importé était fixé à 60 F/kg(3). (2) SONED: Modélisation dcs prix agricoles (2 Tomes), MDR. DKR. 1981. Méthode SONED: la mélho(\e consiste à délcnniner les prix des produits agricoles par égalisation des margcs blutes rapponées à lajoul1lée de travail: ainsi pour deux cultW"cs en conCLUTencc (mil et arachide p<u' exemple). On a : Pu. Ya-cha:: Pm, Ym-chm avec: P == prix: y::: rendement: J.Ta. J.Tm : ch == charges; JT ::: journée de trayait; a == arachide; m == mil. (3) Source: Chiffres cités par Amadou DENlBELE dans L'Evolutiol! des politiques alimcllwires au Sénégal: L'Aspect Agricole. 111èse de 3e Cyclc. Montpellier I. octobre 1984. 124 Or, une étude menée dans la décennie soixante-dix au Centre de Recherches Economiques Appliquées (CREA) par C. ROSS(4) en 1979 établit que pour la ville de Dakar - agglomération favorisant l'amplification par excellence de la demande céréalière importée - l'élasticité prix de la consommation de mil est égale à - 1. Ce qui signifie que toute augmentation du prix de vente du mil à Dakar se traduit par une baisse proportionnelle de la consommation de cette céréale nationale. Paradoxalement, c'est une telle situation qui a été pendant longtemps entretenue par la CPSP par le maintien artificiel du prix de vente du riz à un niveau relativement très bas et celui du mil à un niveau élevé alors même que la péréquation positive de ce dernier produit n'est pas transférée aux paysans, les prix payés au producteur étant demeurés excessivement bas. Enfin, on notera que cet important écart de prix relatifs artificiellement entretenu, en encourageant indirectement l'accroissement des importations céréalières, a fini par affaiblir la production vivrière locale, approfondir le déficit vivrier et consacrer l'abandon par les paysans des cultures vivrières au profit des cultures de rente et agro-alimentaires d'exportation afin de bénéficier du prix et du régime fiscal relativement favorable qui leurs sont attachés. Mais si l'incohérence du système des prix dans les pays africains au lendemain des indépendances a contribué à amplifier la crise alimentaire déjà latente depuis l'époque coloniale. ceci n'a été favorisé que par l'orientation décisive que ce système de prix impulsa à l'ensemble des structures de production et de consommation. d) Incidence des mesures préconisées par le FMI sur les baisses des superficies cultivées Comme il a été observé et analysé, les revenus des producteurs ruraux (constitués à près de 80 % des revenus araclùdiers) ont très largement souffert de l'ajustement financier et du rééquilibrage macro-financier interne et externe recommandé par le FMI dans le cadre de ses interventions au Sénégal. Parallèlement, les conditions de production se sont fortement dégradées à la suite de la suppression de la subvention aux engrais ainsi que des facilités d'acquisition des semences et du matériel agricole fortement appuyées par le Fonds et mise en œuvre par le Gouvernement Sénégalais. En réaction à cette situation, les surfaces cultivées ont baissé de 17 % en 1983-1984, puis de 11 % à nouveau au cours de la campagne 1984/1985. De même, la commercialisation dans les circuits parallèles s'est accrue et a été (4) C. Ross, Demande céréalière el préférences du consommaleur. enquête, Dakar. 1979. 125 officiellement estimée pour la campagne 1980-1 ~81 par exemple à 162 000 tonnes, soit 46 % de la production totale. Manifestement, il apparaft à l'analyse que le retour des surfaces cultivées à un niveau satisfaisant et l'arrêt de la commercialisation parallèle supposent un relèvement substantiel du prix au producteur. C'est apparemment ce qu'à compris le Gouvernement en relevant à partir de la campagne 1985-1986 le prix de l'arachide à 90 F/kg sans retenue et celui du mil à 70-F. Cependant, la poursuite de l'application du principe de la « vérité des prix » pour les intraDts et le matériel agricole nécessite la mise en place d'un système de crédit efficace et adapté. Au regard des importantes dégradations survenues, ces dernières années, dans le secteur rural, une relance soutenue de la produclion el l'amélioration attendue des rendements (nécessaire pour accroître substantiellement la production) impliquent une consommation accrue d'intrants et un renouvellement important du matériel. 2) Les incidences macro-économiques des interventions du groupe de la Banque Mondiale sur le secteur rural Si les mesures de politique économique fonnulées par le FMI (dans le cadre du redressement économique) touchent essentiellement au court terme et visent le rétablissement des finances publiques et de la balance des paiements, les interventions de la Banque Mondiale portent, quant à elles, sur le moyen et long tennes et visent pour la plupart à des transformations structurelles et institutionnelles. Par conséquent, nous allons analyser ce qu'il en a été pour le secteur rural durant l'ajustement, ceci après avoir fait le point sur la première décennie (1969-1979), d'intervention du Groupe de la Banque Mondiale. a) Les performances macro-économiques du secteur rural avant l'ajustement (1960-1979) L'analyse du tableau ci-dessous indique clairement que l'agriculture a été globalement moins perfonnante pendant la première décennie d'intervention de la Banque Mondiale (1969-1979) dans le secteur qu'avant cette période. En-effet, que ce soit du point de vue de la production, des superficies emblavées ou des rendements (productivité des cultures), les résullats ont sensiblement régressé ou sont, dans le meilleur des cas, restés stationnaires. Comme le révèle le tableau 8 relatif à la production agricole et productivité des principales cultures 1960-1961, 1986-1987. 126 II faut néanmoins atténuer cette évaluation par deux éléments justificatifs essentiels, à savoir que: - la première génération de projets ruraux financés par la banque a largement souffert de l'insuffisante préparation du milieu récepteur et dans la plupart des cas, d'une gestion défectueuse liée en partie au choix des hommes; - cette première période d'intervention de la Banque (1969-1979) a été caractérisée par l'avènement et la persistance d'une sécheresse rude et dévastatrice. C'est à ces deux fléaux que la seConde génération de projets (1980-1990) va essayer de remédier en renforçant le volet institutionnel et/en promouvant la maftrise de l'eau et l'irrigation. b) La période 1980-1990 Elle est caractérisée au Sénégal par la mise en œuvre du PREF (plan de Redressement Economique et Financier, 1980-1985), de la NPA (Nouvelle Politique Agricole, à partir de 1984) et du PAMLT (Programme d'Ajustement à moyen et long tennes, 1985-1992). Dans ces différents programmes aux effets directs et/ou indirects sur le secteur rural, la Banque Mondiale va prendre une part prépondérante. Son action sera centrée sur la dimension institutionnelle de l'ajustement et portera, en ce qui concerne l'agriculture, sur l'appui technique et financier au désengagement de l'Etat du secteur agricole, au projet d'une responsabilisation progressive et complète des producteurs. La Banque quitte progressivement le terrain et joue de plus en plus le rôle de bureau d'études par le biais de ses experts ou d'entreprises commises à cet effet. Elle érige le renforcement des capacités au rang de ses nouvelles préoccupations. Dans cette mouvance, un plan de liquidation des SDR (Sociétés de développement rural) jugées non stratégiques sera mis en place et exécuté aujourd 'hui à hauteur de 83 %. Pour les SDR épargnées provisoirement par la liquidation, elles ont da signer des contrats-plans avec le Gouvernement aux tennes desquels elles sont tenues à des critères de perfonnance expressément consignés dans des délais impératifs. Au nombre de ces SDR figure notamment la SAED (Société d'Aménagement et d'Exploitation des terres du Delta) chargée de parachever le programme d'irrigation (assistance, fonnation...) de l'ensemble de la Vallée du Fleuve Sénégal en direction de l'Après-barrages. La Banque interviendra particulièrement dans ce volet en appuyant techniquement et financièrement la SAED et en soutenant une série de projets complémentaires (en cours) au titre desquels notamment: 127 • Le projet d'irrigation IV - Coat total: 65,6 millions de dollars US ; - Financement IDA: 33,6 millions de dollars US ; - Démarrage: novembre 1988. Ce projet ambitionne de susciter un -développement durable de la culture irriguée dans la région du fleuve par : -la modernisation et l'agrandissement de trois périmètres de 700 ha ; - le renforcement des compétences de la SAED en matière de planification et de gestion; - la formation des agriculteurs, d'instructeurs ainsi que du personnel de laSAED; - la diversification des cultures et l'exploration de nouvelles formes d'exploitation de la culture irriguée ; - enfin, la promotion du désengagement progressif de la SAED des activités de production et la stimulation de la participation des agents privés au développement de la zone. • Le projet d'appui aux agriculteurs - coat total : 20 millions de dollars ; financement IDA: 17 millions de dollars ; démarrage: avril 1990. Ce projet représente la première phase (quatre ans) d'un programme à long terme destiné à améliorer les services d'appui agricole aux agriculteurs et éleveurs, ceci par: - la création d'un système national de vulgarisation agricole qui touchera environ 60 % de la production rurale ; -l'établissement de liens organisés entre la recherche et la vulgarisation; - et le renforcement des associations de producteurs grâce à des programmes de formation d'animateurs et d'alphabétisation fonctionnelle. Quelles sont maintenant les incidences macro-économiques réelles de cette nouvelle forme d'intervention de la Banque Mondiale dans le secteur rural sénégalais? Le déclin arachidier, malgré l'éclaircie de 1982-1983 (900 000 tonnes), s'est poursuivi tout au long de cette période d'ajustement avec notamment les 240 000 tonnes seulement commercialisées en 1984-1985 (première année d'application de la Nouvelle Politique Agricole). 128 Le mil/sorgho s'est beaucoup mieux comporté; bénéficiant d'une part de la relative désaffection dont l'arachide a été victime de la part des ruraux et d'autre part, des importantes mesures de soutien (augmentation du prix au producteur, soutien du prix officiel par le Commissariat à la Sécurité Alimentaire, amélioration des circuits de commercialisation) recommandées au Gouvernement par la Banque Mondiale dans le cadre de la relance prioritaire des cultures vivrières. La production de riz paddy, malgré tout le soutien dont cette céréale a bénéficié (irrigation, formation, prix...), n'arrive toujours pas à franchir le cap des 150000 tonnes annuelles. De plus, les prix de revient sont si élevés (en moyenne 250 F/k.g contre 130 F pour riz importé) que son développement à grande échelle apparaît plus qu 'hypothétique dans la situation financière actuelle de l'Etat La dévaluation va-t-elle inverser cette tendance ? La situation de stagnation, voire (pour certaines spéculations) de recul de la production par tête s'est traduite, notamment pendant la première moitié de la période d'ajustement, par une aggravation du déficit de la balance agroalimentaire. Cela ressort dans les trois tableaux qui suivent: Evolution de l'indice de la production: base 100 = 79-80 FAO Production alimentaire ............ production agricole ................ Production alimentaire/tête ....... Production agricole/tête ........... 1970 1975 1980 1985 1987 82 81 116 115 135 134 160 160 86 86 86 86 122 123 108 108 141 141 117 117 SOlUce " Annuaire Statistique FAO, 1988. Evolution des ratios agricoles caractéristiques Taux de couverture des importations agro-alimentaires par les exportations agro-alimentaires ...... Taux de couverture des importations par les exportations totales .................................... Importations agro-alimentaires/Importations totales ................................................... Importations agro-alimentaires/Importations totales ................................................... SOlUce " Annuaire Statistique. FAO, 1989. 129 1985 1986 1987 1988 32,5 32,9 40,1 51,5 69,5 76,8 80,5 82,6 21,9 19,9 19,9 18,6 31,5 25,9 15,6 22,5 PIB agricole en milliards FCFA constants de 1979 :1981·1987 1981 1982 1983 1984 1985 1986 50,5 75,2 80,1 46,4 51,2 60,8 SOIUce: Wor1d Bank, Sénégal: Agricultural SeclDr Strategy BrieC 1988. Ces statistiques relèvent que: - l'indice de la production alimentaire par tête en 1980 était inférieur à celui de 1970 (86 contre 116) et celui de 1985 était également de loin inférieur à celui de 1975 (108 contre 160) ; -les exportations agro-alimentaires n'ont couvert que moins des 2/5 des importations agro-alimentaires; - les importations agro-alimentaires ont continué à représenter 20 % environ des importations totales et à absoroer un peu plus de 25 % des recettes totales d'exportation du pays. Parallèlement, le PIB agricole (en valeur constante de 1979) a presque constamment diminué durant toute la période de l'ajustement : - celui de 1984 (46,4 milliards FCFA) étai t inférieur à celui de 1981 (50,5 milliards) ; - celui de 1986 était également plus faible que celui de 1983 (60,8 contre 80,1 milliard F). Concernant enfin la politique de désengagement de l'Etat du secteur rural (notamment du secteur agro-alimentaire) appuyée par la Banque Mondiale, les résultats préliminaires restent très médiocres et il faudra nécessairement attendre encore plusieurs années avant d'en faire une évaluation exhaustive et réellement significative. Quelle conclusion peut-on tirer de l'évaluation de ces études de cas concernant les interventions des Institutions Financières dans les zones rurales sénégalaises? La revue des projets montre très largement que malgré le volume des ressources mobilisées, les résultats en matière de production, de productivité, de rendement, d'amélioration et de vulgarisation demeurent médiocres. Ces projets où tous les pouvoirs financiers, techniques et de décision sont concentrés entre les mains de techniciens ont fait faillite consacrant ainsi l'échec des politiques agricoles volontaristes inspirées et soutenues par la Banque Mondiale et certains bailleurs de fonds. Ces politiques étaient celles du technicien-encadreur qui après son diagnostic constitué par (toutes les études qui ont abouti à l'élaboration du « Mémorandum de 1984 ») se met directement à l'ouvrage. Comme l'observe Zaki LAIDI, la Banque Mondiale attache son nom aux projets ruraux de 130 développement (PRO). A travers un montage souvent complexe, où l'Etat envoyé au devant de la scène, les PRO se voient confier une triple responsabilité : transférer des ressources au monde rural, imposer un savoir technique, animer et planifier le changement économique social. Ce ~ prêt à porter de la modefiÙsation rurale repose sur la diffusion de thèmes techniques susceptibles d' accroftre la production agricole tout en réduisant les contraintes qui l'affectent »(5). Au demeurant, au Sénégal, le modèle s'est avéré totalement impertinent et inefficace. Si les projets ont échoué c'est parce qu'ils sont souvent conçus sans que les principaux intéressés aient leur mot à dire, qu'ils ont accordé très peu d'intérêt aux structures locales. Egalement, les projets ont échoué faute de trouver dans la société rurale un terrain prêt à les accueillir favorablement(6). Il pourrait en aller de même pour les mesures disparates contenues dans le PASA qui tout en fétichisant à l'excès un ~ technicisme » cenainement indispensable, oublie ~ les dynamismes du dedans », les structures, les acteurs et la dimension socio-politique du développement agricole. fi est évident qu'une politique qui ignore de telles données ne peut être que forcément vouée à l'échec total. Que faire dans ce contexte, sinon lancer les prémisses d'une politique agricole autre à partir de toute l'expérience accumulée depuis l'indépendance jusqu'à nos jours. La question est alors comment réorganiser l'espace rural sénégalais. Cette question détenninante dont dépend l'accroissement de la productivité implique des changements importants non seulement dans les techniques purement agronomiques mais aussi dans la structure des services de support à l'agriculture notamment: l'environnement institutionnel, le crédit agricole, la commercialisation, la recherche, l'offre d'inputs, la transformation et le stockage. (5) Zaki LAIDL Enquête sur la Banque Mondiale. Editions Fayard. (6) Jacques GIRl, L'AfriqUl! en panne, Editions KarÙlala. 1986. 131 TRürSIEME PARTIE Les axes d'une nouvelle stratégie pour l' élnergence d'une agriculture performante ./ c< Je dis que la manière dont nous procédons n'est pas fonctionnelle. L'idée que nous puissions décider de cela à partir de 12 000 à 16 000 km d'ici est ridicule... Nous insistons maintenant pour que les gouvernements conçoivent leurs propres réformes. Nous aiderons, nous critiquerons, nous négocierons éventueHement et nous soutiendrons financièrement ces choses qui semblent raisonnables, mais nous n'écrirons pas ëes plans. Nous ne dirons pas: faites ceci ou cela et nous vous donnerons l'argent. Cela est exclus. » E. V.K. lAYCOX, Vice-Président Banque Mondiale Discov.rs devanlle groupe des dona/ev.rs du DAC. Tous les indicateurs macroéconomiques montrent que le Sénégal restera un pays à vocation rurale bien après le début du III· millénaire. Cependant, depuis l'indépendance, la crise de l'agriculture s'est poursuivie et même approfondie: stagnation de la production et de la productivité, déficits alimentaires amplifiés augmentant l'instabilité et l'insécurité alimentaire (avec des villes de plus en plus nourries par l'extérieur), appauvrissement des paysans de plus en plus poussés soit vers des pratiques ancestrales soit vers l'exode rural avec fonnation d'une gangrène urbaine. Tout ce processus débouche sur le repli progressif des zones rurales sur elles-mêmes abaissant, avec le développement de l'autoconsommation, leur participation aux échanges marchands et restreignant à la fois la base de l'accumulation nationale et les ressources fiscales publiques. Le PASA mis en place depuis 1984 n'a pas réussi à faire fonctionner une économie paysanne libérale encore moins à instaurer le minimum de conditions d'une révolution verte même conservatrice: permettant la combinaison de facteurs techniques, politiques et économiques qui élève la productivité et les rendements. Au contraire, aucune des contraintes considérées comme handicaps majeurs au développement agricole n'a été levée comme l'absence de prix rémunérateurs pour les biens agricoles, 134 incapacité du crédit agricole à mobiliser les ressources financières pour l'équipement du monde rural, système foncier très peu favorable, la faible base technologique et l'inefficacité de diffusion, la prédominance de l'agriculture extensive et pluviale, l'absence d'esprit d'entreprise au niveau des agriculteurs totalement dépossédés de toute initiative. Si cette politique dite libérale enregistre de si médiocres résultats, c'est parcequ'elle est la résultante de compromis laborieux entre partenaires nationaux, institutions financières internationales (BM et FMI), bailleurs de fonds multilatéraux et ÛNG. Les insuccès seront révélés et aggravés par le dynamisme démographique et urbain qui fail exploser la demande alimentaire additionnelle en progression rapide. Toutes ces idées ne sont pas neuves mais le problème est qu'elles sont maintenant arrivées à maturité. Dès lors le Sénégal est placé à la croisée des chemins et condamné à opérer les ruptures indispensables dans ses politiques. économiques et financières en général et agricoles en particulier. En effet, au rythme actuel de la croissance de la démographie (3,0 %) et de l'ur1:>anisation (7 %), la population sénégalaise sera d'environ 10 millions à l'an 2000 et les 44 % de cette population vivront dans les villes (avec 25 % à Dakar). Si parallèlement on suppose que la production agricole maintient une croissance de 4 % avec entre autres, 2,5 % pour le riz, 3 % pour le maïs, 1 % pour le mil et le sorgho, il faudra augmenter de 30 % à 33 % les surfaces cultivées pour satisfaire la demande alimentaire et maintenir le niveau actuel des revenus. Cela est matériellement impossible car, l'agriculture utilise actuellement environ 62 % des terres arables. C'est dire qu'une rupture profonde s'impose dans le système agraire pour éviter des déséquilibres insoutenables risquant d'entrafner une évolution socio-politique turbulente et à tenne, explosive. C'est dire qu'il faut inventer une nouvelle façon de penser le souhaitable et le possible. . La Nouvelle Politique Agricole qui s'insère dans la mouvance de l'approche par projets introduite par la Banque Mondiale depuis les années soixante-dix, s'est très peu préoccupée des structures agraires, de leur logique de fonctionnement encore moins du comportement des acteurs ainsi que de la participation populaire. Elle s'est principalement préoccupée d'équilibre macro-financier à court tenne au point d'occulter tous les autres problèmes fondamentaux du développement rural. Si l'économie administrée a eu un effet anesthésiant et inhibant sur les capacités d'initiative des acteurs du monde rural, la politique libérale quant à elle s'est montrée comme un greffon dont les valeurs véhiculées comme (l'individualisme, la propriété privée) n'arrivent pas à s'enraciner dans l'organisation sociale. Ce rejet conduit presque toujours au retour d'une partie du monde rural vers des pratiques ancestrales, arriérées et déprédatrices de l'environnement donc au refus d'une modernisation-occidentalisation. 135 L'approfondissement de ta crise du dév~loppement rural et plus particulièrement celle de l'ag~ture va alors nécessiter la déftnition d'une nouvelle stratégie agricole. Dans ce cadre, il devient nécessaire de réfléchir sur les voies et moyens d'une politique réaliste qui relance les véritables enjeux du développement rural. Cette stratégie pourrait s'articuler autour des quatre principes pour l'émergence d'une agriculture performante et le développement de la société rurale: - d'abord, les agriculteurs doivent être 4( en bonne santé» ou tout au moins jouir d'un équilibre nutritionnel et d'un système efficace de prévention sanitaire ; - ensuite, ils doivent disposer d'un espace économique suffisant défini par les conditions d'accès à la terre et par le rapport des prix des facteurs de production et des produits ; - en outre, ils doivent pouvoir défendre et étendre eux-mêmes cet espace économique en s'organisant sur une base paysanne (associations villageoises, groupements de jeunes, coopératives) et en pesant effectivement dans le rapport des forces politiques ; - enftn, ils ne peuvent exploiter cet espace que s'ils disposent, par tradition ou par appropriation, de techniques culturales, de matériels biologiques, d'outils agricoles qui soient adaptés, à eux et à au milieu naturel. Ces quatre principes désignent ~e sorte de critériologie pour la réalisation d'une stratégie paysanne dans les zones agricoles minées par l'exode des jeunes ruraux et où cependant persiste encore une forte tradition agricole.Cependant cette sorte d'approche institutionnelle soulève un certain nombre de questions, sur les concepts de croissance et développement (discernables logiquement), sur le degré d'endogénéité et de mimétisme des expériences de développement, sur le degré d'autonomisation et de responsabilisation du paysan en bref sur les comportements microéconomiques des acteurs, les facteurs et les structures du développement rural. Ainsi, parle-t-on de plus en plus de développement endogène et autocentré qui consiste à compter sur ses propres forces (self-reliance), à développer des techniques appropriées sous forme d'instruments fonctionnels, à prendre des décisions autonomes pour déftnir les objectifs et les moyens ainsi que les choix du style de développement imprimé à l'ensemble de l'économie et celui des acteurs pour le réaliser. Cependant, le développement endogène est le contraire des tendances autarciques actuellement observées par exemple dans les zones rurales qui s'enferment progressivement sur elles-mêmes et sortent des échanges marchands parce qu'elles n'y trouvent plus leur compte. Le développement endogène n'est pas aussi le retour à des traditions et pratiques ancestrales. n 136 est question « d'enracinement et d'ouverture », pour reprendre la formule très expressive du Président L. S. SENGHOR. En fait, il est seulement question d'organiser pour l'essentiel de l'autonomie des décisions relatives au degré d'ouverture de l'économie et aux choix des partenaires. A la suite d'!. SACHS on peut décomposer le développement endogène en trois éléments : -la capacité culturelle à se penser et à innover; - la capacité politico-administrative à prendre des décisions autonomes et à organiser leur mise en œuvre ; - et enfin, la capacité de l'appareil de production à assurer sa reproduction en conformité avec les objectifs sociaux de développement(l). Plus concrètement alors le développement endogène se présente comme une concentration de moyens internes afin d'atteindre un ce nain seuil d'indépendance. Pareil modèle repose sur des prémices comme: - la réorganisation du secteur prioritaire de l'agriculture avec le double objectif d'amélioration des conditions de vie des paysans et de création d'un surplus agricole susceptible de bénéficier aux autres acteurs dans le cadre de nouveaux mécanismes de répartition et aux autres secteurs de l'économie nationale dans le cadre de nouvelles relations intersectorielles. Pour y arriver la production agricole doit être diversifiée afin de briser la monoproduction destinée au marché mondial. C'est pourquoi, il faut s'engager résolument dans la voie de la mise en place d'une agriculture diversifiée; - le choix technologique adopté issu de la modernisation des technologies artisanales, mais aussi des technologies de pointe importées même si elles ont parfois un coOt substantiel en devises ; -la prise en compte de l'environnement et des cadres de vie des hommes et de la société ; - l'instauration de nouveaux rapports sociaux et de production dans la campagne en rapport avec les véritables enjeux fonciers ; - la mise en place d'un nouveau cadre institutionnel de gestion du développement rural ainsi que de nouvelles incitations à la production et à l'échange; - le développement industriel tourné prioritairement vers le marché local et suffisamment intégré à l'agriculture dans le schéma inter-branches de l'économie, etc. Toute stratégie viable doit traduire l'ensemble de ces questions en programmes mis en cohérence et articulées pour sortir de la crise agricole surtout après les faibles performances du PASA ? Quels seraient alors les cadres institutionnels de cette stratégie agricole de développement (1) I. SACHS, Le potenJiel du développemenJ endogène. EHESS. Paris, 1983. 137 endogène? Comme le souligne P. JACQUEMOT (1994), le cad.re institutionnel est aussi important pour la réussite d'une stratégie que les paramètres micro et macroéconomiques maftrisés au niveau des projets et des filières. Cette dernière partie de notre réflexion tente d'apporter des réponses à ces questions à panir d'une analyse des composantes d'une politique agraire intégrée et unifiée. Pour des raisons méthodologiques ces différentes composantes intimement liées seront séparées pour mieux être étudiés afm de les traduire en objectifs. Il ne fait l'ombre d'un doute que le développement du Sénégal ne peut se réaliser qu'à partir des campagnes ce qui devrait faire de l'agriculture un secteur moteur et donc de croissance primaire. Bien que cette nécessité soit unanimement perçue et acceptée, il n'en demeure pas moins que la politique actuellement appliquée produit des conséquènces inverses: appauvrissement accéléré du monde rural, avec comme issue un dépeuplement progressif des campagnes entraînant une insuffisance à la fois quantitative et qualitative de la force de travail. En conséquence, il ne sen à rien de s'entêter à vouloir maintenir des politiques qui se sont avérées peu performantes depuis une trentaine d'années et qui, sans aucun doute, ne moderniseront pas le monde rural. Il faut alors s'orienter résolument vers la recherche et la mise en place de nouvelles stratégies qui permettent véritablement l'émergence d'une agriculture performante. La stratégie est entendue comme la combinaison de politiques, des objectifs et des moyens pour les atteindre. 138 " '-- . " CHAPITRE 1 Organisation de la production en vue de la relance de la croissance • 1) L'état des filières agricoles et leur réorganisation dans l'optique de la relance de l'économie rurale Les cultures de rente traditionnelles, arachide et coton continuent d'occuper une place centrale dans l'économie agricole. Ces deux productions représentent 48 % de la production agricole totale et 93 % de la valeur des exportations agricoles (soit environ 20 % de l'ensemble des exportations nationales). En matière de revenu également, elles fournissent jusqu'à 70 % des revenus monétaires notamment dans le bassin arachidier (Régions de Thiès, de Diourbel, du Sine et du Saloum) et dans les zones cotonnières (Régions de Tamba, de Kolda et Département de Kaffrine). Au vu de ces statistiques, il apparaît clairement que l'économie sénégalaise n'arrive pas encore à échapper aux schémas de dépendance établis depuis la période coloniale. Les fluctuations économiques traversées par le pays depuis l'indépendance sont rythmées par celles de l'économie arachidière. La production après avoir connu un record absolu au cours de la campagne 1965-1966 (avec 1 200 000 tonnes) accuse une succession d'années difficiles avec au passage une campagne catastrophique en 1972-1973 (environ 400 000 tonnes). A ces difficultés se sont ajoutées celles liées à l'évolution erratique des cours mondiaux qui descendent parfois à un niveau bien inférieur au prix versé aux producteurs. Cette perte du poids relatif de l'économie arachidière dans le PIB, les revenus de l'Etat et les ressources d'exportation avait amené les pouvoirs 139 publics à promouvoir une politique de diversification des produits de rente pour atténuer les conséquences négatives liées à cette baisse cyclique de la production arachidière. Dans cette direction, la culture du coton a été développée et élargie. C'est seulement par ce biais de la diversification que le dynamisme de l'économie devrait continuer de dépendre de conditions de la mise en valeur d'une rente assise sur des produits agricoles d'exportation (arachide, coton, produits maraîchers). En ce qui concerne la production vivrière, essentiellement, les céréales, elle est très insuffisante pour couvrir les besoins des villes et des campagnes. Le Sénégal consomme environ 1,2 million de tonnes par an (en équivalent produit consommable) et produit à peine 700 000 tonnes selon les conditions climatiques. Dans les stratégies d'irrigation pour la mise en valeur du barrage de Diama, une politique de résorption du déficit céréalier avait alors été élaborée avec pour objectif principal l'amélioration du taux de couverture des besoins nationaux de 53 % (en moyenne annuelle sur la période 1970-1984) à près de 80 % à l'horizon de l'an 2000. Les cultures pluviales de maïs, de niébé et des mils-sorghos devraient offrir des perspectives importantes sous réserve de la mise en œuvre effective d'une politique de prix incitatifs, de rorganisation des circuits de commercialisation, de la fourniture d'intrants à baSpiix et de la promotion active de la consommation des céréales locales aupr~'s des populations urbaines en expansion rapide. Pour mieux cerner les problèmes soulevés tout aussi bien par les cultures de rente que par les cultures vivrières, il importe d'analyser les filières de ces productions afin de bien appréhender leurs évolutions et les problèmes qu'elles posent au reste de l'économie nationale. a) Les filières des cultures de rente ~ La filière arachidière - Globalement l'arachide couvre entre 45 et 58 % de la surface cultivée dans les quatre régions constitutives du Bassin arachidier. Ces superficies sont de 30 % en Casamance, 26 % au Sénégal Oriental et 7 % au fleuve. De plus, l'arachide apporte l'essentiel des revenus agricoles monétaires et avec eux les moyens de travail: semences, engrais, machines (semoir et houe), produits de traitement. Le tableau qui suit montre parfaitement la part de l'arachide dans le revenu monétaire: 140 \ Part de l'arachide dans le revenu monétaire ...... en milliards de FCFA Aar i cv aeur. 1979 1980 1981 1983 aeVeDU .an'taire total 34,9 19,8 10,7 47,1 60,8 aevenv arachide 29 17,0 87 42,5 56,4 " arachide 83" 86" 81" 90" SOURCE -A 1983 93" FMI La production arachidière est très fortement fluctuante. Les variations erratiques observées proviennent de deux facteurs essentiels : les conditions climatiques et l'extrême instabilité des cours mondiaux. Le cours de l'huile (CAF Europe) est passé de 546 $/tonne à 1 077 $/tonne. De 1975 à 1979 il a régulièrement chuté pour ne remonter qu'en 1978 et surtout en 1983-1984. Pour cette defIÙère période, le cours est passé de 711 dollars la tonne à 1 017. On observera que sur une période assez longue de vingt-quatre ans (19601984) le cours mondial de 1'huile ne s'est substantiellement amélioré que quatre fois: en 1974 (1 077), en 1978 (l 079), en 1981 (l 043) et en 1984 (l063). Egalement, les années de bonne pluviométrie ont aussi correspondu à une production record d'arachides d'huilerie: 1 051 000 tonnes en 1978-1979. 986 000 tonnes en 1982-1983, 946 000 tonnes en 1987-1988 et 820000 tonnes en 1989-1990, avec par la suite, une tendance générale à la baisse. Quant aux années de sécheresse elles se sont traduites par une contraction drastique de la production: 508 ()()() tonnes en 1977-1978,486 ()()() tonnes en 1980-1981,571 000 tonnes en 1983-1984,591 000 tonnes en 1985-1986. Les mauvaises pluviométries des campagnes 1990-1991 et 1991-1992 ont entraîné un recul de la production qui est passée de 820 000 tonnes en 1989-1990 à 679000 tonnes en 1990-1991 et 697 000 tonnes en 1991-1992. Tous ces éléments montrent clairement que le niveau de la production est fortement tributaire du déroulement de l'hivernage, si bien que les conditions climatiques constituent la première variable agissant directement sur les quantités d'arachides livrées par les paysans. De plus deux autres éléments peuvent déteindre sur le niveau de la production à savoir les intrants et le revenu réel versé au paysan. 141 L'influence des intrants va de pair avec le problème des semences sélectionnées et celui de l'appauvrissement des sols. Manifestement, les sols du bass in arach id ier ne sont pas indéfiniment extens ibles et en unlQe.rili-siècle ils ont donné tout et ont maintenant besoin d'un soutien extérieur pour continuer à satisfaire les cultivateurs. Les données statistiques cachent, cependant, la corrélation qui existe entre l'utilisation d'engrais et le rendement du faitque les années à rendements élevés sont justement celles où les conditions écologiques ont été bonnes. Il n'en demeure pas moins vrai que la non utilisation de l'engrais, sunout après l'instauration de la vente au comptant de ces intrants chimiques, décidée à panirde 1985/1986, a entraîné des conséquences négatives sur la productivité dans l'ensemble du bassin arachidier. Le relèvement des prix au producteur de 1985-1986 s'est traduit, l'année suivante, par une augmentation de la production alors que l'abaissement de 1988-1989 n'a entraîné qu'une légère contraction par rapport au ni veau de 1987-1988. En ce qui concerne les emblavures, le Pr François BOYE établit une relation entre le comportement des paysans et une modification des prix. Dans « 45 % des cas où le prix au producteur a connu une variation ( 1973, 1979, 1981. 1985, 1988), les paysans ont réagi irrationnellement : en' modifiant leurs emblavures d'arachide en discordance avec l'évolution de leur rémunération unitaire »(2). De cette analyse il découle que le revenu réel versé aux paysans est un facteur explicatif de l'utilisation parcellaire de l'engrais mais pas des superficies ensemencées. La politique des prix pratiquée jusqu'à présent, si elle permet de limiter la vente sur le marché parallèle de la récolte ou le retour de la paysannerie à une culture d 'autosubsistance, ne saurait à elle seule suffire à déterminer le niveau de la production. Contrairement aux idées avancées par beaucoup d'auteurs et de rapports techniques, les paysans auraient continué à maintenir un niveau de production leur permettant d'acguénr un revenu monétaIre substantiel guel gue S01t la politique des prix du gouvernement. A l'instar du cacao ghanéen écoulé sui le marché ivoirien au temps où les prix intérieurs étaient au plancher, les paysans se seraient tournés vers des marchés plus prometteurs. On estime que seulement 50% de la quantité de la production nationale aété commercialisée dans des circuits officiels durant la période 1980-1985, Quels sont les coûts et bénéfice de la filière arachidière pour l'économie nationale? En termes de coût, un rappon réalisé par THENEVIN pour le compte du ministère des Relations Extérieures montre que l'Etat à un bilan négatif pour les effets directs de la filière arachidière : ln (2) François BOYE. Le modèle de la Banque Mondiale au crible de l'expérience Sénégalaise. Revue Sociétés. Espaces. Temps. 1992. « La crise de l'Agriculture Afri-::aine ». 142 _. 15,6 milliards en 1981, principalement à cause du déficit de la filière semencière (- 9,6 milliards car la SONAR n'a pas eu de recettes en 1981, année de transition après la disparition de l'ONCAD) et des dépenses de péréquation sur les huiles consommées au Sénégal (- 6 milliards) ; - 20,3 milliards en 1982 par suite du déficit de la SONAR (- 7,1 milliards) et du barème de commercialisation (-14,5 milliards, les frais de commercialisation et d'achats des graines aux producteurs excédent considérablement les recettes procurées par les ventes des graines aux huiliers à cause de cours internationaux exceptionnellement bas) ; - 9,3 milliards en 1983, dont - 4,1 milliards pour la SONAR et - 3,5 milliards pour le barème de commercialisation des graines par suite des ventes à bas prix en début d'armée; la SEIB a reçu une subvention de 4,1 milliards car elle a vendu son huile exponée à bas prix de sone que l'Etat est déficitaire de 400 millions vis-à-vis des huiliers, malgré les bons résultats obtenus par la SONACOS et la péréquation positive de l'huile vendue localement (augmentation du prix de vente aux consommateurs en aoOt 1982) ; - 7,6 milliards en 1984, dont - 6,6 milliards pour la SONAR. En résumé, les trois grands postes de déficit de l'Etat sont: - la filière semencière, ce qui va conduire les bailleur de fonds à exiger une réforme de cette activité; -la SEIB qui travaille dans de mauvaises conditions financières et triture des quantités de graines insuffisantes par rappon à sa capacité de production. Les coOts fixes élevés et le manque de souplesse financière pennettant de vendre au moment opponun, expliquent le coOt considérable que représente la SEIB pour la filière arachidière ; - le barème de commercialisation, lorsque les cours internationaux sont bas (faibles recettes du barème) et par suite de coOts excessifs de cenains postes: pertes et fraudes (dépassant 3,3 milliards en 1982-1983), frais financiers (les huiliers se finançant sur le poste du barème en retardant le paiement de leurs achats de graines), transports. On peut noter que les huiliers ne semblent pas avoir obtenu une très grande efficacité dans la gestion du barème qui reste aussi coOteux qu'auparavant pour la CPSP(3). Depuis, une étude la Banque Mondiale pennet, avec des hypothèses de prix internationaux, d'établir le bilan de la filière pour la fin des années quatre-vingt(4). En considérant le cours mondial des graines en FCFA et le prix producteur indexé CFA/k.g, on obtient les deux tableaux suivants : (3) CPSC : Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix. THEVENIN, Analyse économique de la filière arachide. ministère des Relations extérieures, Paris, 1984. (4) Banque Mondiale, Rapport 814186. 143 Cours international graine. en FCFA ADn" .7POth~.e PCU/tonne nh_lI " 1'0,_ _ .,pot.... Div_a " 1911 130.513 + 3,1 130.513 +3,' 191. 110.316 - 1 131.751 +1 1989 103.514 - 6 116.141 -4 97.464 - 5.1 113.514 -3,7 ·1990 Prix au producteur indexé CFA/kg AnD'e H,poth6l1e bIuIe Hypoth6l1e 80yenne 1917 54 54 1911 56 56 1919 53 57 1990 41 55 t Les prix indexés dégagés par le mécanisme d'ajustement se situent à un niveau inférieur à celui du prix pratiqué qui est de 90 F/lcg. Sur la base de ces données, en 1987-1988, pour une production de 850000 tonnes d'arachide, la production à triturer devrait être de 556 000 tonnes ce qui dornera lieu à un déficit. normal» de : 556 000 x (90 - 54) = 20 milliards de FCFA pour l'arachide. fi est ainsi établi que la filière arachide risque de rester pour longtemps déficitaire, ce qui amène à se poser cette double question: - La filière arachidière peut-elle survivre ? - L'arachide peut-elle réellement continuer à jouer un rôle entafnant pour l'économie nationale? A ces deux questions, les bailleurs de fonds et les Institutions Financières Internationales répondent, dans l'optique de l'assainissement économique et financier, par la restructuration profonde de la filière et d'œuvrer pour réaliser son équilibre ou son abandon. Au plan strictement économique, l'étude de Thenevin révèle le rôle que joue l'arachide directement et indirectement dans l'ensemble de l'économie. Un extrait de l'étude établit nettement les effets induits de la production 144 arachidière sur l'économie. En effet. il est écrit que « si l'on tient compte des effets indirects dus aux effets d'entraînement de l'économie par les consommations intermédiaires des entreprises, la situations 'améliore puisqu'une valeur ajoutée supplémentaire de 8,1, 14,3,15.1,10,7 milliards est créée de 1981 à 1984. Le bilan de l' Etat se serait amélioré de plutôt 0.8, 1.7. 1.8. 1.1 milliard. et surtout les revenus des entreprises (transports. services principalement) et les salaires augmentent: entre 6 et 9.8 milliards selon les années pour les entreprises. et 2.1 à 4.6 milliards pour les salariés. Au total, l'ensemble des effets directs et indirects de la filière arachidière est résumé dans le tableau suivant (en millions de fCf A) : En millions de francs CFA Agents 83/84 80/81 81/82 82/83 18.573 45.440 23.160 Salariés 8.371 11.307 10.834 Institut. Finan. 1.248 3.821 1.5:U Entreprises 8.638 12.669 9.667 -14.769 -18.560 - 6.436 Valeur ajoutée totale 22.061 -54.677 -91.014 38.756 Exportations 8.699 49.319 75.756 52.785 15.703 18.333 16.344 25.541 - 7.004 30.986 59.414 27.244 Producteurs Etat Import.incluses Solde Le budget général de l'Etat profite de l'entraînement de l'économie. la pression fiscale sur les revenus des agents et la taxation de la consommation des ménages. Avec une pression fiscale et une taxation de la consommation correspondant à un taux d'environ 20 % des revenus des seuls ménages producteurs et salariés, l'Etat recevrait 5.11. 14 et 7 milliards de 1981 à 1984. On peut donc dire que. du point de vue du budget de l'Etat, la filière arachide est neutre sur l'ensemble de la période 1981/1984. Ce résultat estévidemment 145 bien inférieur à ce que l'on observait il y a quelques armées, mais il n'est pas aussi mauvais que certains le prétendent. Par ailleurs, le secteur arachidier est l'un des mieux organisé de l'économie. li est indéniable qu'un plan de développement est plus facilement applicable à des coopératives arachidières qu'à des exploitations individuelles ou famluâIes. Enfin, bien que les coOts de production de l'huile raffinée soient élevés, que les subventions aux prix aux producteurs soient de plus en plus contraignantes pour le fonds de garantie de l'arachide, la fermeture d~ huileries ou l'abandon de la filière arachidière est financièrement justifiahl~ J mais économiquement oas soùhaitable. Il n'est oas du tout sOr que les ,économies réalisées sur l'importation d'huile raffinée servent à financer le développement économigue de la nation sans oublier aue cela revient à ~ accentuer la dépendance alimentaire du pays vis-A-yis de l'étrang'Er. Si pour une raison quelconque les prix étrangers venaient A augmenter de façon vertigineuse le pays se trouverait complètement pris au dépourvu car l'huile d'arachide est aussi vitale que le riz consommé en grande quantité. La baisse de la production de ces deux dernières années n'a pas permis aux huileries de fonctionner à pleine capacité. Le défi majeur est d'arriver à s'affranchir des aléas climatiques, à produire une quantité en rapport avec la capacité de trituration des usines par l'utilisation de techniques culturales plus performantes. Au total, très fortement structuré, le secteur arachidier peut parfai't.ent représenter un exemple d'intégration verticale réussie (toute la production .commercialisée étant transformée en huile et tourteaux). Il peut toujours participer Ala relance de la croissance économique du pays, mâlgre la VISIOn pessimiste des bailleurs de fonds. seulement, il faudra élaborer une véritable politique arachidière en cohérence avec les autres éléments de la stratégie proposée de développement ruiât. -. • Le coton La production de colOn a atteint un niveau record en 1992, en franchissant pour la première fois depuis plus de dix ans le cap des 50 000 tonnes, pour se situer à 52 000 tonnes contre 45 000 tonnes il y a un an. Elle occupe actuellement 2,2 % des superficies cultivées, soit 44 164 hectares. Après la chute un peu brutale constatée au cours de la campagne 1989-1990 où la production malgré l'augmentation des rendements n'a été que de 29 000 tonnes, le coton a repris de l'intérêt au niveau des producteurs. La baisse de 1989-1990 procède principalement de la diminution des superficies ensemencées qui sont passées de 38560 hectares à 24 183 hectares en un an. 146 Contrairement à l'arachide, la production annuelle de coton est assez stable. avec une moyenne de 39 200 tonnes pour les dix dernières années. Le prix moyen aux producteurs (il existe trois qualités de coton) resté inchangé depuis six ans (100 FCFA le kg de coton graine de première qualité depuis 1985-1986), combiné à l'illusion monétaire, est en partie responsable de cette stabilité. Celle-ci est également le résultat d'un encadrement réussi de la Société pour le Développement des Fibres Textiles (SODEFITEX) qui a apporté un appui constant à la culture du coton dans les régions du SineSaloum, une partie du Sénégal Oriental et en Haute Casamance. C'est tout cela qui fait écrire à Jean B. VERON que 4( le coton est la culture la plus riche (grâce à la recherche) et la plus stable, et qui a bénéficié d'une forte organisation animée par des équi'pes compétentes. Les paysanneries ont compris l'intérêt qui s'attache au développement d'autres cultures notamment vivrières. Elles ont appris à arbitrer leurs emblavures selon l'évolution des prix de tel ou tel produit. Ce qui attire le paysan d'Afrique de l'Ouest vers le coton, c'est non seulement un bon prix, mais du fait des succès de la recherche, un rendement à l'hectare quintuplé, un paiement assuré et une retombée technique sur le vitrier »(5). Le rendement moyen, contrairement aux cultures de rente traditionnelles (café, cacao, arachide) a doublé passant de moins de 500 kg à l'hectare à la fin des années soixante à plus de 1 000 au début des années quatre-vingt-dix. 4( Le coton paie pour la santé, les pistes, l'hydraulique villageoise, l'alphabétisation fonctionnelle et permet de pallier l'impécuniosité de l'Etat ainsi que le délabrement des services publics » (p. 268). Il reste que les performances financières de la filière se révèlent parfois peu satisfaisantes du fait de la tendance prononcée à la baisse du coton sur les marchés internationaux, suite à la bonne conjoncture que traverse actuellement l'industrie textile dans le monde. En effet, les exportations nationales annuelles de coton représentent en moyenne 5 milliards de FCFA correspondant à environ 2,5 % des exportations totales. li est vrai que cette haute conjoncture s'est aujourd'hui fortement dégradée amenant le Gouvernement à soutenir, par le biais de subventions de plus en plus substantielles, le maintien des parts de marchés extérieurs constamment menacées par la saturation relative de la demande étrangère et la chute continue des cours mondiaux. Dans cette direction si la filière a connu, en 1985-1986 des résultats excédentaires (10,5 milliards de FCFA de 1983 à 1985), depuis lors, suite à l'effondrement des cours, et malgré une réduction sensible des prix de revient (passés de 750 F/kg en 1985-1986 à 600 F/kg de (5) Jean B. VERON, " Le sauvetage des filières cotonnières africaines », p. 268-274, in La France et l'Afrique. Edilions KarÙlala, 1993. 147 Fibre en 1988-1989 en position CAF), la filière a été déficitaire. De 1986 à 1988 inclus, le déficit cumulé s'est élevé à près de 10,9 milliards de FCFA. Cette situation ne permet pas à la filière de dégager des ressources nécessaires pour son équilibre financier. Malgré la mauvaise conjoncture actuelle (tendance défavorable des prix mondiaux de la fibre et des produits oléagineux) le coton reste un des produits d'exportation assez bien adaptés au Sénégal et susceptibles de compenser les risques d'une trop grande dépendance vis-à-vis de l'arachide. Une restructuration de la sous-filière s'impose et cela passe par la mise en œuvre des mesures suivantes: - la sélection rigoureuse des écosystèmes adaptés à la culture du coton comme la Région de Kolda où les COOLS unitaires de production selon les meilleures techniques culturales varient entre 93 et 96 FCFA/kg ; - l'amélioration des performances techniques de la filière par augmentation du rendement à l'égrenage de 40 à 42,8 % ; - l'amélioration de la productivité avec le maintien de la qùalité de la fibre dans les usines; - la culture d'une partie du coton destinée au marché international des produits oléagineux (SONACOS...) ; -la mise en place d'un système de prix flexible; -la création d'un Fonds de Stabilisation interne à la filière ; - l'introduction de la culture irriguée du coton dont les expériences sont en cours dans la vallée. La réalisation de ces différentes mesures nécessitera la mise en place de financements nouveaux dans le cadre de la mise en œuvre de la troisième lettre de Mission de la SODEFITEX. A l'instar de l'arachide, le coton est un exemple réussi d'intégration en filière, à travers la SODEFITEX qui est chargée de l'égrenage de la totalité de la récolte cotonnière et de l'approvisionnement des filatures et tissages. Pour que le coton puisse concourir à l'essor industriel du pays il faudrait exercer un contrôle plus rigoureux sur l'approvisionnement du marché local en fils et tissus afin de lutter contre la concurrence étrangère. C'est dire que pour le coton il ne s'agit pas de conquérir à tout prix un marché extérieur déjà saturé, mais de produire pour la consommation nationale. La quanti té de la production est directement liée à l'utilisation d'intrants et à la protection phytosanitaire des plantes. En dehors de l'arachide et du coton, les produits maraîchers peuvent être rangés parmi les cultures de rente même s'ils ne remplissent pas intégralement ce rOle. 148 • Les produits marafchers Le Sénégal, à travers la Région du Cap-Vert et les Niayes, possède d'excellentes dotations naturelles pour développer les cultures maraîchères à la fois pour l'autoconsommation, l'approvisionnement des villes et l'exponation. A ces aspects positifs, s'ajoute le fait que le maraîchage possède un coefficient élevé d'absorplion de main-d 'œuvre, en conséquence, dans cette période marquée par un chômage massif, l'élaboration d'une politique maraîchère devient à la fois importante et urgente. La production maraîchère concerne essentiellement la tomate industrielle, le haricot vert, la pomme de terre et les légumes. La tomate industrielle est cultivée dans le Sine Saloum, en Casamance et dans la région du fleuve où une usine de transformalion, la Société Nationale des Tomates Industrielles (SNTI) est installée. La production qui a aueint 60 000 tonnes en 1992 est en constante progression avec un taux de croissance annuelle moyen de 8 %, depuis 1988 ce qui représente une bonne performance. Concernant la production de légumes, elle se fixe à 175 000 tonnes en 1992 et croît à un taux presque identique (8,6 %). Cette croissance est exceptionnelle pour le secteur agricole et montre toutes les potentialités positives que peuvent offrir la culture intensive. Les produits maraîchers tels que les pommes de terre, auraient pu suppléer certaines importations si une politique adéquate de protection et de contrôle des importations était menée. Cependant, le développement à grande échelle de la production maraîchère est aujourd 'hui limité par le prix élevé des intrants qui fait que les cultures maraîchères reviennent chères comparativement aux importations. Dans ce contexte, il faut soit encourager la production locale en supprimant une partie des importations ou en les taxant adéquatement au moment des récoltes afin de permettre l'écoulement de la production locale, soit subventionner les intrants afm de réduire les coOts de revient. li faut s'atteler à éliminer tous les facteurs susceptibles de bloquer cette activité qui non seulement, permet de résorber le chômage mais aussi de réaliser des économies de devises. C'est pourquoi il importe d'élaborer une politique maraîchère plus cohérente et plus intégrée en finançant les semences et en réglant les difficultés d'écoulement de la production une fois les récoltes achevées. Une telle politique devrait aider à la promotion des cultures maraîchères qui contribueront à l'élargissement des sources des revenus ruraux. Un pays comme le Burkina-Faso malgré tous ses handicaps naturels obtient de remarquables résultats dans ce domaine, même si les contraintes de transport par les compagnies aériennes continuent à saper les efforts entrepris par ce pays. Avec une politique plus cohérente le Sénégal pourrait devenir un 149 exportateur net de légumes de contre-saison ve~ l'Europe pendant l'hiver quand les prix sont particulièrement favorables. Au total, l'agriculture de rente est caractérisée par sa relative intégration au secteur secondaire dont les industries agro-alimentaires fournissent 40 % de la valeur ajoutée ce qui les placent en tête dans ce secteur. En conséquence, si le Sénégal n'a pas réussi à réaliser un développement auto-entretenu fondé sur le dynamisme de son agriculture cela provient principalement de l'absence d'une stratégie globale et planifiée définissant des objectifs clairs, désignant des agents pour les exécuter et mettant en place des mécanismes fiables et des structures adéquates d'encadrement. Par ailleurs, en consacrant ainsi l'essentiel de ses moyens humains (paysans et encadreurs), naturels (meilleures terres) et financiers (équipements et intrants) à la valorisation prioritaire des cultures d'exportation, le Sénégal a corrélativement créé les conditions de la formation et de l'accentuation d'un déficit vivrier déjà latent à l'époque coloniale. En conséquence, il faudra encore recourir à des importations alimentaires croissantes qui vont de plus en plus peser lourdement sur les finances publiques et sur le déficit extérieur. Le riz importé supplante ainsi progressivement, même jusque dans la plupart des wnes rurales, le mil-sorgho, le maïs et le ruébé, engageant ainsi le pays dans une extraversion généralisée des structures de consommation alimentaire. Dès lors, une politique agricole de rente bien conçue, mieux élaborée pourrait contribuer à la constitution d'une base autonome d'accumulation pour la reconstruction du potentiel de production surtout si les divers prélèvements opérés par l'Etat et les divers usuriers sont substantiellement réduits. a) La filière céréalière Le Sénégal accuse un déficit céréalier structurel. La production nationale constituée par ordre d'importance décroissante du mil, du maïs, du sorgho et du riz couvre à peine 50 % des besoins selon les conditions climatiques. li est importé annuellement près de 400 000 tonnes de riz (338 000 en 1992) et plus de 150000 tonnes de blé (151 200 en 1992) pour nourrir la population. Sur la base d'un objectif d'autosuffisance en céréales de 80 %, d'une population projectée de 10 000 000 d 'habitants en l'an 2000 et d'un besoin individuel de consommation de 170 EPC, il faut une production d'environ 1,700 million de tonnes. La réalisation de cet objectif implique le passage d'un taux de croissance annuel moyen de production des céréales locales de 1 % à 6,1 % (de 1992 à 2(00). fi est évident que pour atteindre un tel objectif, il faudra surmonter beaucoup de contraintes dont certaines ont déjà été évoquées à plusieurs reprises. 150 Dans la perspective de solution du déficit céréalier, il a été élaboré avec l'assistance de ~a FAO un plan céréalier en 1986 qui fixe les objectifs généraux à atteindre, les moyens et les ressources à mobiliser. Comment évoluent, dans ce cadre, les sous-filières céréalières? • Le mil, le sorgho le mars et niébé Le mil et le sorgho Ces deux céréales occupent plus de la moitié des superficies emblavées. Avec une production de 670 599 tonnes en 1992, le mil et le sorgho demeurent la principale culture vivrière du Sénégal et nourrissent principalement les populations rurales. Cette production a subi les effets cumulatifs des sécheresses récurrentes et n'est pas parvenu à atteindre son niveau record de 950000 tonnes de la campagne 1985-1986. Les fluctuations des récoltes, au cours des dix dernières années, traduisent l'influence prépondérante de l'instabilité de l'environnement naturel (climat, pluviométrie) et des prédateurs de tous ordres. Le prix aux producteurs fixé à 70 francs CFA le kilogramme depuis 1985 (en principe considéré comme un prix plancher), aussi bien pour le mil que pour le sorgho, n'est point responsable des variations erratiques des quantités produites. En effet, les paysans produisent principalement pour leur propre consommation et ne vendent que le surplus pour acquérir quelques biens accessoires en milieu rural. La recherche d'un revenu monétaire apparaît comme un objectif secondaire dans la culture du mil et du sorgho. D'ailleurs, la demande de ce bien alimentaire au niveau des agglomérations urbaines et semi-urbaines se heurte aux habitudes extraverties de consommation. Les statistiques sont formelles, les populations urbaines ont fait du riz, l'élément de base de leur alimentation, le mil n'entrant que très peu dans la confection de leurs mets. Les tentatives d'introduction de la consommation de mil en milieu urbain, entrepris à travers le mixage avec des produits agroalimentaires importés, n'ont jusqu'à présent pas entraîné de grands bouleversements dans les habitudes de consommation. Le principal écueil qu'il faudra surmonter si l'on veut dans un proche avenir atteindre l'autosuffisance alimentaire concerne la modification des habitudes alimentaires. Derrière le mil et le sorgho, le maïs se positionne comme la troisième céréale vivrière du Sénégal. Le maïs La production du maïs a subi un remarquable accroissement tout au long du II" Plan (1964-1968) pour amorcer une tendance à la baisse par la suite à 151 partir du III" Plan. C'est dans cette période que la production la plus basse a été enregistrée. A panir de 1973-1974,. un meilleur encadrement et surtout des prix plus rémunérateurs ont permis de relancer et d'améliorer la production. Les prix sont passés de 25 FCFA en 1973, à 41,7 FCFA/k.g en 1974-1975, 70 FCFA en 1981. Cette évolution des prix conjuguée à des conditions climatiques plus favorables s'est traduite par la réalisation d'une production record : 146 900 tonnes en 1985-1986. Cette production, en hausse depuis 1987-1988, a subi cependant un coup d'arrêt en 1991-1992 en s'établissant à 103 000 tonnes contre 133 000 tonnes la campagne antérieure soit une baisse de 23 %. Le maïs représente Il % de la production céréalière du Sénégal et occupe près de 5 % des superficies cultivées. Cette céréale nécessitant beaucoup d'eau, intéresse principalement la Casamance, le Sine-Salown et le Sénégal-Oriental. Le maïs dont le prix au producteur maintenu au même niveau que celui du mil et sorgho, soit 70 francs le kilogramme depuis 1985-1986, est appelé à subir une évolution défavorable si des mesures d'incitation et d'organisation de la commercialisation ne sont pas prises. Le niébé Le niébé est le type même de production bénéficiant de toules les dotations naturelles pour se développer de manière satisfaisante et de surcroît il possMe une forte capacité nutriùve. Seulement, l'absence de marché donc d'une promotion adéquate de la consommation a freiné l'écoulement de la production qui a atteint ces dix dernières ~ées un niveau extrêmement élevé (80000 tonnes annuellement). La culture réagit parfaitement à l'utilisation de l'engrais qui a fait passer les rendements de 250 kg/ha dans les années quatrevingt à plus de 400 dans les années quatre-vingt-dix. Les statistiques révèlent, cependant, une baisse régulière de la production depuis 1986 et cela malgré l'amélioration notable des rendements. Elle s'est établie à 17 000 tonnes pour remonter par la sui te jusqu'à 26 000 tonnes en î 990 et redescendre à 12 000 tonnes en 1991. La superficie cultivée est d'environ 50 000 hectares. Le prix au producteur qui est de 110 FCFA/k:g est plus rémunérateur que les prix des autres produits agricoles. Cependant, cela n'a point empêché la production de chuter faute de débouchés internes larges et stables alors même que le Nigéria gros consommateur accuse un déficit énorme équivalent à plus de 3 fois la production record du Sénégal. Même si les céréales que nous venons d'analyser occupent une place prépondérante dans les politiques d'autosuffisance alimentaire, le riz semble cristalliser actuellement tous les débats portant sur les moyens d'atteindre cet objectif tout en aidant à la solution de déficit de la balance commerciale 152 aggravée par l'importation massive de cette denrée. En conséquence, il importe d'accorder une plus grande att:ention à la sous-filière riz. La riziculture constitue le défi majeur de la politique agricole du Sénégal. Prisé par la majorité de la population, notamment les masses urbaines, le riz tient de plus en plus, une place prépondérante dans l'aménagement des superficies irriguées. La production actuelle reste largement en deçà de la demande nationale. Elle se situe, pour la campagne 1991-1992 aux alentours de 170 000 tonnes pour une superficie cultivée de 72 000 hectares environ, soit 3,8 % des emblavures. Seulement, ces dernières années, les importations se sont accélérées et som passées de 226 000 tonnes en 1961, à 600 000 tonnes en 1984 et 550 000 tonnes en 1989. Cette forte progression de la demande installe le Sénégal dans une dépendance alimentaire chronique d'autant plus accentuée que la production nationale est faible et stagnante. La facture des importations céréalières devenant de plus en plus lourde et insoutenable les bailleurs de fonds et surtout le FMI ont fait de l'augmentation du prix du riz à la consommation une des principales conditions de leurs intelVentions. Cette incitation relancerait l'offre de production locale. C'est pourquoi le prix de vente sera un des éléments les plus controversés de la sous-filière rizicole. Selon le rapport Thevenin, les facteurs qui déterminent le niveau du prix de vente sont de trois ordres: - la volonté d'offrir aux consommateurs urbains le riz au plus bas coat possible; -la volonté de diminuer les coOts pour l'Etat et donc d'augmenter le prix de vente (les pressions des bailleurs de fonds s'effectuent dans ce sens) ; - la volonté de rentabiliser la production nationale en augmentant le prix de vente puisque le coat de production est particulièrement élevé. Le débat qui est aujourd 'hui en cours au sein des économistes et des techniciens du développement concerne le coat élevé de la production locale sur les surfaces aménagées du fleuve. Certains auteurs vont jusqu'à se demander si, véritablement, il est logique, économiquement, de continuer la riziculture irriguée dont les coOts de production sont excessifs et rendent le produit peu compétitif par rapport au riz importé d'Asie et d'Amérique du Nord. Les Journées débat sur le riz organisées par le Réseau sur les statistiques alimentaires à Patis en 1990 (voir Lettre de Sôlagral, nO 32, mars-avril 1990) et les travaux de IFPRI (International Food Policy Research Institute) sur « la 1 153 dynamique de la consommation et de la production des céréales en Afrique de l'Ouest» (juillet 1987) ont largement établi que: 1) le caractère duopolitigue du marché international du riz et les stratégies de dumping qui s'y pratiquent ne pennettent pas d'identifier les éléments constituels du prix de revient du riz. Cette fonnation du prix est davantage compliquée par la diversité et la variété des qualités du riz et par l'inexistence de séries de prix bord-champ non altérées par les subventions et d'autres pratiques qui font que les prix officiels ne réflètent pas souvent les prix réellement payés aux producteurs. La compétitivité du riz américain, par exemple, est entretenue à coup de subventions pour protéger une filière largement dépendante des exportations ; 2) la faible compétitivité du riz en Afrique n'est pas aussi évidente et ne saurait constituer un obstacle au développement de la production; 3) l'élargissement des consommateurs donc la demande (rizification des habitudes alimentaires) commande l'élabôration d'une politique rizicole cohérente qui repose sur un environnement économique porteur et incitatif. Dans ce sens, il est observé par D. HARRE et R. BLEIN, que ~ Si la libéralisation des marchés internes est à peu près admise par tout le monde, les idées sont moins claires en ce qui concerne le rapport au marché mondial. ~ li faut comme le souligne E. PISANI relever la protection c'est-à-dire des prélèvements à l'entrée mais à condition que les recettes ne soient pas utilisées à payer les frais généraux des Etats mais à créer les conditions de développement de l'agriculture. Cest ce choix qu'ont fait les pays du Nord et les pays Asiatiques. Les politiques agricoles qui s'alignent sur un tel système ont prouvé leur efficacité. L'évaluation entreprise par ENDA Tiers monde en 1986, montre que le rix de revient du riz produit dans la vallée équivaut au double de celui qui est importé. D'après cette étude, le développement de a nZlC ture Imgu ans la vallée du fleuve engloutira des sommes équivalantes au moins au coat de réalisation du barrage. En effet, la structure du prix de revient du riz produit par la SAED se présente comme suit en 1983 (voir p. 155). Selon les années, les modes de calculs retenus, les chiffres peuvent légèrement varier. li est généralement retenu comme ordre de grandeur les prix de revient suivants : Riz SAED grands Aménagements Riz SAED PlV Riz pluvial . . . . 250 FCFMg 200 FCFMg 150 FCFMg 154 structure du prix du riz produit par la SAm en francs CFA Grands aménagements Périmètres irrigués villageois Achat de Paddy 89,6 89,6 Subventions 58 35 Transformation 25 25 Commercialisation 17 17 Encadrement 24,1 27,1 Amortissemen ts 20,3 3,0 TOTAL 234 PCPA/kg 196,7 PCPA/kg Ces prix sont à rapprocher des prix de vente du riz importé soit: 130 FCFA/kg. Ainsi se trouve poser le problème de la politique rizicole au Sénégal : faut-il, au prix de subventions importantes, mener une politique d'autosuffisance alimentaire concernant le riz? Pour ENDA-TIERS-MONDE, la conclusion est sans appel, le Sénégal d0!L « renoncer à faire de la Vallée du fleuve le" grenier à riz " du pays »(6). Cependant, toute cette analyse menée en ces termes est parcellaire, incomplète et économiquement sans grande signification. TI s'agit plutÔt, si on veut raisonner en termes d'opportunités alternatives, d'évaluer les effets Sur l'ensemble de l'économie du riz importé et du riz produit localement pour pouvoir mesurer et comparer les incidences de chaque situation. C'est cette démarche qu'adopte BONNEFOND-RAYMOND. Ces effets se présentent comme suit pour l'année 1983(7). (6) .. Enjeux de l'après-barrage, Vallée du Sénégal,. ENDA TIERS MONDE, 1986. (7) BONNEFOND-RAYMOND, Analyse économique du riz de la SAED, Etude, ronéotée, novembre 1983. Au départ l'Etat se proposait de constituer une société d'économie mixte dont la structure du capital serait: CAPA 55 %, Etat du Sénégal 45 %. Le projet fut abandonner pour des raisons non encore révélées. 155 Structure comparative du prix du riz produit localement et importé en francs CPA (1) Riz SAED (2) 130 130 Importations 87 24 - 63 Valeur ajoutée dont: Salaires 43 106 + 63 1 39 + 32 9 - 39 Riz importé Prix (PCPA/Kg) Etat 30 - Différence (2) - (1) RBE Paysans - 63 + 63 RBE Entreprises 6 13 + 7 Dès lors, la solution production nationale est plus satisfaisante du fait des effets induits avec l'hypothèse d'un fonctionnement satisfaisant de la transfonnation ces effets se traduisent par : - une économie de devises de 63 FCFA ; un supplément de salaires distribués de 32 FCFA ; un revenu paysan de 63 FCFA ; un supplément de revenu des entreprises de 7 FCFA ; mais une dépense supplémentaire de l'Etat de 39 FCFA. C'est dire alors que la seule analyse économique ne pennet nullement de confinner la conclusion très contestable de l'équipe d 'ENDA-Tiers-Monde malgré la qualité et la profondeur des réflexions menées sur « les perspectives de l'après barrage ». Il faut aller beaucoup plus loin dans l'analyse et les propositions de solution. La politique au niveau d'une filière aussi stratégique devrait comprendre deux composantes: aligner le prix de vente du riz importé sur celui de la production locale et développer la culture rizicole en exploitant toutes les fonnes d'inigations et en solutionnant le prix des intrants. 156 • Le !ucre La production et la commercialisation du sucre devraient à tous égards poser les mêmes problèmes que ceux de la fIlière riz : denrée stratégique dont la production ne couvre pas les besoins mais au lieu de recourir à des imponations bon marché, concession à une société l'Etat autorise au monopoleur de contrôler la production nationale et les importations, de fixer le prix de vente à un niveau supérieur à celui pratiqué sur le marché mondial. Dans ces conditions il se fonne un 4( surplus substantiel » techniquement semblable au 4( surplus du consommateur» que le monopoleur empoche. En effet, le sucre au Sénégal est produit par la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) créée depuis 1970 et qui bénéficie d'un triple monopole de fait sur la production, la transformation et les imponations. La capacité de production est de 70 000 tonnes/an provenant d'une exploitation de canne à sucre d'une superficie de 7 500 ha utilisant quelques 5 000 ouvriers(8). Bien que la production ait augmenté depuis le démarrage de la société, celle-ci s'avère encore insuffisante pour couvrir l'intégralité des besoins. Il est alors administrativement concédé à la Compagnie une troisième concession monopoliste: celle des importations sous exonération du sucre pour combler le déficit Le tableau page 158 offre une parfaite illustration de cette situation. Le prix est administrativement fixé par l'Etat. Ainsi, en 1990, le sucre en poudre (en vrac) coOtait : En gros Demi-gros Et détail , . . . 321,6 CF le kg 327,0 CF le kg 340,0 CF le kg A la même période, le sucre anglais raffiné coOtait environ 132 CF le kg. Cela représente un surplus net d'environ 13,5 milliards qui viendrait s'ajouter au bénéficie de la société. Depuis 1981 à nos jours, la fIlière sucre soulève beaucoup de problèmes et d'interrogations que l'absence de transparence ne permet point d'éclairer. Ils sont relatifs: - au pourquoi du monopole à l'importation du sucre roux concédé à la CSS selon un contrat plus que favorable; (8) Taladidia TCmOMBIANO dans son ouvrage L'enclave induslrielle : la société sucrière de Haule-Volta, Editions CODESRIA, Dakar, 1984, 192 p. montre qu'au BurkinaFaso, l'Etat a cédé à la société sucrière privée 10 000 ha de terre mais cette cession s'est traduite par un apport en nature au capilal de la SOSU-HY lui donnant droit à 13 300 actions. Au Sénégal, l'attitude de l'Etat a été diamétralement opposée: la CSS a bénéficié de concessions et de soutiens multiples. Dans ce sens, M. Momar Coumba DIOP dans une excellente étude observait que l'Etat a joué Wl rôle primordial pour favoriser la pénétration du groupe à Wl moment où dans d'autres secteurs, il appliquait une étatisation brutale,. in M.C. DIOP, « Aménagement hydro-agricole et développement économique: cas de la CSS ,.. 157 Opétratioos concernant le sucre (en mU liards de francs CFA) \ \ IIlPOIUTIOU üIIP.!I PIODOCrIOI a TOIiEI OJISOMlüTIOI APPw:BTB a TOma QOAlfITIl El TOIIiE' 'ALElI Il MIlLIaU 1970 61.710 2060. - 69.000 lm 11.603 3.012 - 14.000 lm '0.596 4. us - 81.000 1913 11.113 UIO - 11.000 1914 SUU 9.119 5.100 65.000 lm 60 .662 1.161 13.000 14.000 lm 102.610 10.132 18.000 121.000 1911 63.811 S,881 21.000 '1.000 ml 51.509 4.033 32.000 80.000 1919 56.029 3.102 62.600 111.629 1980 35,116 5.m 33.300 69.m 1981 30.100 UOO 44.200 75.000 lm 24.100 1.100 5'-200 '0.900 SOlUce : m Rapport M.F.C. - aux méLhodes de calcul de la péréquation qui défavorise la Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix; - au niveau des surplus très mal maîtrisés. Dans le Rapport sur la Nouvelle Politique :\gricole réalisé par le ministère de la Coopération Française, il est soulignt la formation de gains élevés réalisés par la compagnie monopolaire.. Il s'agit bel et bien d'un surplus de monopole payé par les consommateurs par suite d'une concession octroyée par l'Etat. 158 L'Audit réalisé par le cabinet d'Arthur ANDERSEN estime que les conditions créées, sur la période 1974-1981, par l'actuelle Convention (entre la CPSP et la CSS) ont entrafné un manque à gagner pour la CPSP qui s'évalue comme suit: .c Evaluation du manque à gagner en milliards MILLIONS DE FCFA - Incidence de la formule d'actualisation 6.700 - Incidence des autres conditions opératoires 7.900 Total 14.600 Ce manque à gagner que des sources concordantes (Banque Mondiale, Audit Arthur ANDERSEN, Rapport Ministère Français de la Çoopération, Commission de Vérification des Comptes des Etablisseme!1ts Publics) chiffrent à plus de 12 milliards de francs CFA soulève beaucoup de questions sur son évolution au plan quantitatif, sur sa destination et son partage. .. Toutefois, l'absence de transparence et les silences qui entourent certains aspects de la gestion de la CSS n'autorisent pas encore des réponses claires(9). Selon la Commission de Vérification des Comptes des Etablissements Publics, il y a beaucoup d' « irrégularités ~ à différents (9) Les surprofits de monopole sont invariablement justifiés par les emplois créés ou sauvegardés par la Compagnie. Cependant, une pareille argumentation est insuffisante car cette question entraîne une autre incidente quel intérêt a-t'on de maintenir des emplois à des coûts aussi élevés? En raisonnant avec un coût de création d'un emploi de 2,5 millions dans le tertiaire (investissement maximum), le nombre d'emplois susceptibles d'être créés pour 12 milliards FCFA d'investissement devrait être de l'ordre de 48 000 soit 10 fois plus que les réalisations actuelles de la CSS. Dans lUI article au " Soleil ,. du 6 juillet 1984, Ousmane B. DIOP dénonçait cette situation en ces termes « Il appartient à Jean Claude MIMERAN de se rendre à la raison, de jouer le jeu d'un partenaire loyal et solidaire des intérêts et des difficultés d'un pays qui lui a fait la plac..::.., il doit comprendre enfm que ce qui était possible au lendemain des indépendances ne l'est plus vingt ans après...,.. 159 niveaux et elles ont entraîné ces manques ~ gagner. En effet, si ces « irrégularités» ont pu s'accumuler pendant longtemps, c'est par suite d'une défaillance, pour des raisons diverses, des organes de contrÔle de l'Etat. Quelle leçon peut-on tirer de la filière sucrière en rapport avec celle du riz du blé? Le fonctionnement de cette filière montre que l'agriculture séné alaisé peut disposer de ressources suffisantes our le financement des JCtiYités productives priQritaires et essentielles comme les su venuons aux intrants si les pouvoirs publics arrivent à mobiliser et à réaffecter les préciables surprofus qui naissent du différentiel de prix pour au mOins les rois produits que sont: le sucre, le riz et le blé. Si les surplus peuvent remonter jusqu'à plus d'une vingtaine de milliards de francs CFA, on se demande d'où viendrait la difficulté à financer les subventions à l'engrais et au matériel agricole. C'est cet objectif qui était à -l'origine le rÔle de CPSP, cependant, elle semble de plus en plus impuissante ..à faire jouer convenablement les mécanismes de péréquation les produits concernés.C'est pourquoi les institutions financières exigent de plus en plus sa liquidation pure et simple. L'Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal (UNACOIS) fait du démantèlement des monopoles (riz, sucre et autres) et de la CPSP une revendication principale et prioritaire. Cependant, il faut bien savoir si ces opérateurs économiques du secteur informel sont techniquement et financièrement prêts pour prendre les relais et des monopoles formels et de l'Etat. • Les enjeux de la sécurité alimentaire l~co Au demeurant, la sécurité alimentaire doit être aujourd'hui nn objectif rioritaire et il est possible de l'atteindre si l'on comprend tous les enjeux et si l'on met en place des politiques appropriées complétées par la rationalisation des circuits de commercialisation, l'amélioration des moyens de stockage et la nquête des marchés urbains. En effet, une évaluation même rapide de la filière céréalière permet d'observer que la précarité alimentaire est le reflet de la combinaison de deux tendances lourdes à savoir l'accroissement rapide de la demande du fait d'un très grand dynamisme démographique et l'inaptitude de la production à s'adapter à l'évolution de cette demande. Dans ce cadre, trouver une solution adéquate visant à maîtriser le problème alimentaire devient prioritaire et doit alors s'inscrire dans une politique de sécurité alimentaire dont les objectifs et les moyens doivent être clairement définis. En effet, cette notion de sécurité alimentaire qui est préférable à celle d'autosuffisance est plus globale, plus complète et surtout plus dynamique. L'acception économique du terme, ~ 160 postule non seulement la recherche de l' auto~uffisance alimentaire par extension de la production, mais aussi et surtout la rationalisation des circuits de commercialisation, l'amélioration du stockage et la constitution de stocks de sécurité en vue de la founùture convenable, renouvelée, régulière et donc sans risques de rupture, des centres de consommation. Dans le contexte de l'économi'e sénégalaise, la réalisation de cet objectif stratégique passe inévitablement par la nécessaire réorientation des structures productives agricoles en vue de la satisfaction prioritaire des besoins alimentaires internes, ce qui implique implicitement une modification concomitante de la structure locale de consommation alimentaire. li a été établi dans les développements précédents que le principal enjeu sous-tendant la recherche prioritaire du développement agricole, alimentaire en particulier, concernait la réalisation de l'objectif même de développement économique global. Il n'en demeure pas moins vrai qu'à cet enjeu central pourrait s'ajouter trois autres à caractère économique, politique et psychologique dont le traitement conforte et conditionne la solution du premier. • L'enjeu économique li est aujourd 'hui évident que la forte productivité de l'agriculture des pays développés d'Occident conjuguée à la saturation relative de la demande interne de certains produits alimentaires justifie la farouche concurrence que se livrent actuellement les grands producteurs mondiaux de biens alimentaires au plan des débouchés. Si l'Afrique continue d'être une zone de fragilité et de dépendance agro-alimentaire, elle sera une proie facile des multinationales du jeu alimentaire mondial qui par leur volonté de contrôler le marché en érigeant des barrières à l'entrée vont retarder encores davantage l'avènement d'une agriculture perfonnante. En effet, les coOts de stockage des surplus agro-alimentaires des pays développés d'Europe du Nord et d'Amérique étant de plus en plus élevés, il faut les déverser sur les pays déficitaires ce qui va entraîner dans un premier temps un effondrement brutal de leurs prix internes ~t dans un second temps la baisse de compétitivité puis la mort de leur agriculture. Cette situation engendre des répercussions cumulatives négatives sur l'ensemble des secteurs de l'économie nationale liés de près ou de loin au secteur agro-alimentaire. Dans ces conditions, la mondialisation de la norme de consommation alimentaire qui va progressivement devenir un impératif pour la suivie du système productif alimentaire de ses pays développés risque de compromettre l'agriculture dans les pays en voie de développement. Il faut en avoir une claire conscience et agir vite. 161 • L'enjeu poUtique Au-delà des considérations d'ordre économique et commercial caractérisées principalement par la conquête de nouveaux marchés, les motivations politiques qui sous-tendent l'aide alimentaire sont plus qu'évidentes. Le sénateur américain G. Mc GOVERN reconnaissait déjà en 1974, soit vingt ans plus tard que : ~ il Y a une lutte continuelle entre le Département d'Etat qui favorise l'aide alimentaire pour nos alliés militaires et le Département de l'Agriculture qui préfère l'utilisation de l'aide alimentaire pour créer de nouveaux marchés pour les affaires américaines »(10). Dans ces conditions, il n'est pas surprenant d'observer que la plupart des géants mondiaux fournisseurs d'aide alimentaire utilisent assez souvent leurs livraisons alimentaires au titre de l'aide pour tenter de renforcer des alliances ou s'en créer de nouveaux, orienter certaines de leurs décisions politiques au sein des grandes instances internationales et éventuellement essayer d'en entraîner d'autres dans leur mouvance politico-idéologique. Donc l'aide devient une arme alimentaire qui permet aux donateurs d'exercer certaines pressions sur les pays bénéficiaires dans l'orientation des décisions relevant de leur souveraineté nationale. C'est dire que l'enjeu politique de l'aide alimentaire soulève de graves problèmes d'indépendance et constitue assurément le péril dangereux qui guette tout pays sous-développé et alimentairement dépendant • L'enjeu psychologique Outre ses aspects économiques et politiques, l'aide alimentaire, de par son caractère généralement permanent. contribue progressivement à installer dans le pays bénéficiaire une véritable mentalité d'assisté qui, à la longue, finit par anéantir toute volonté d'entreprendre les réformes de structures susceptibles de résoudre la crise alimentaire interne. Plus grave, elle en arrive à convaincre les autorités du pays bénéficiaire de l'inéluctabilité de l'assistance étrangère en matière alimentaire dont le caractère normal fmit par être consacré. D'un autre point de vue, enfin, en occultant les enjeux essentiels, l'aide alimentaire permet aux pays donateurs de se donner bonne conscience et surtout de se faire passer pour des philanthropes aux yeux de l'opinion publique intérieure peu ou mal informée. (10) Source: « Report on nutrition and human needs ,. United States Sena/e, septembre 1974, p. 28, citée par M. GRIFFON et P. JACQUEMOT : CEP, nO 25, octobre-novembredécembre 1983. 162 Tous les principaux traits que nous venons d 'étudier ci-dessus s'appliquent. à quelques nuances près, à un pays alimentairement dépendant comme le Sénégal. Par conséquent. percevoir ces enjeux et lever les obstacles qu'ils constituent indiquent une fois de plus la nécessité prioritaire et stratégique du développement agricole, alimentaire en particulier, comme préalable à tout processus véritable et irréversible de développement économique intégral. De l'analyse du riz importé, il serait simpliste de s'arrêter seulement aux coûts en ignorant les inconvénients d'une dépendance alimentaire excessi ve. Le Sénégal importe plus de 100000 tonnes de blé par an et il n' y a, à l'heure actuelle aucune solution de rechange pour stopper l'importation de cette céréale. Comment peut-on assurer la sécurité alimentaire du pays lorsque l'on dépend de l'étranger pour son alimentation? D'où viendront les devises pour payer la facture grandissante des importations alimentaires '? L'indépendance de quelque nature qu 'elle soit, à un prix qui. souvent, est très élevé. Tous les pays développés subventionnent leur agriculture probablement à des degrés différents, et le dossier agricole qui a toujours été l'une des sources de conflit du GATT constitue actuellement, la meilleure preuve que les mécanismes de l'offre et de la demande sont très loin de réguler la production et la commercialisation des biens alimentaires. Ces deux composantes du marché mondial sont totalement soumises aux pol itiques agricoles nationales définies selon des critères, des enjeux et des intérêts propres à chaque pays. Dès lors, les pays développés sont contraints d'enfreindre les principes mêmes du libéralisme économique si bien que les partisans les plus acharnés du libéralisme (CEE, Etats-Unis et d'ailleurs l'ensemble de l'OCDE) font leur deuil, d'une suppression des soutiens et des protections aux produits agricoles, même s'ils s'en défendent avec acharnement. C'est ce qui explique qu'ils adoptent souvent des attitudes et des prises de position manifestement contradictoires.L' affrontement agricole entreunion économique et les Etats-Unis qui a toujours bloqué les négociations du GATT montre qu'il s'agit dans le fond d'une véritable rivalité entre des niveaux différents de subventions qui finissent par fausser les politiques commerciales donc le fonctionnement régulier des marchés. Il est par conséquent trompeur de se fier à la seule loi du marché pour conduire une politique économique. L'Etat aurait pu limiter 'ses pertes financières en relevant le prix aux consomrnateurs du riz importé. Cela lui aurait permis de limiter la spéculation, en diminuant les marges réalisées par les commerçants importateurs. Le soutien à la production du riz local reviendra moins cher à la Caisse de Stabilisation et de Péréquation des Prix. Seulement, le prix du riz aux consommateurs est devenu une donnée politique, déterminant pour la paix sociale. 163 2) La réalisation programmée d'une infrastructure de base pour l'agriculture C'est le troisième axe de la stratégie agraire qui se traduit par la mise en place progressi ve d'une infrastructure matérielle rendant possible l'accélération et l'intensification de la production agricole. Cette infrastructure tourne autour: 1° de l'exploitation du potentiel hydraulique et énergétique pour le développement à grande échelle de l'irrigation; 2° de la création d'un réseau routier pennettant le fonctionnement de mécanismes autorégulateurs de marché avec une libre circulation des biens et des facteurs de production; 3° de l'utilisation des intrants accessibles aux producteurs. • Le développement de l'irrigation Le développement rural est avant tout une question de maîtrise de l'eau, de réalisation de grands travaux d'irrigation. Ces deux éléments constituent la condition essentielle d'un accroissement de la production et d'une réduction des calamités naturelles et de leurs effets. L'irrigation offre un double avantage: d'une part, elle atténue les risques climatiques (très élevés dans les pays sahéliens confrontés à une sécheresse cyclique) et d'autre part, elle contribue à l'élévation des rendements par une meilleure maîtrise de l'eau qui ouvre la possibilité de réaliser plusieurs cultures et d'utiliser des variétés à haut rendement qui rentabilisent les intrants. Il faut bien méditer sur les expériences asiatiques en la matière. Les succès des politiques agricoles y sont fortement corrélés avec l'aménagement de barrages, de systèmes fiables d'irrigation et de drainage de l'eau. Ces dernières années, le mouvement écologiste a relancé le débat sur les choix alternatifs entre la petite et la grande hydraulique. Beaucoup d'arguments ont été développés pour condamner les grands barrages auxquels il est reproché: -les effets déstabilisateurs des écosystèmes fragiles; - les effets négatifs sur l'environnement humain et la santé dans les abords des régions irriguées; - les coOts lourds des investissements accentuant la dépendance financière; - la dépendance technologique; - et l'écoulement de la production découl ant de la délocalisation vers les pays sous-développés des activités industrielles. 164 Ce sont là quelques arguments plus ou moins ,systématisés et ratfmés que l'on oppose aux politiques de grands barrages appliquées pour une agriculture moins tributaire des aléas climatiques et de l'extrême instabilité de l'envirormement. La solution alternative proposée tourne autour de la petite hydraulique dont les coOts financiers et humains sont beaucoup moins excessifs et les effets moins désastreux pour l'environnement physique et humain. Cet argumentaire manque profondément de vision et de rigueur. n traduit les préoccupations de persormes que la famine et la misère ne menacent guère et qui n'ont pas à régler une crise agro-alimentaire aux effets sociaux incalculables, ni à trouver les voies et moyens pour élever ou stabiliser dans les délais les plus brefs les faibles revenus des producteurs. L'Asie cultive actuellement plus de 130 millions d 'hectares sous irrigation alors que l'Afrique n'irrigue que 8 millions d'hectares. En poussant encore plus loin la comparaison on s'aperçoit que depuis longtemps déjà, les pays asiatiques ont fait des deltas de grands espaces de production agricole: Godavaci, Krishna, Grange Bramapoutre, Irrawadi, Ménam et Chao Phraya. Au contraire, en Afrique et même au Sénégal, les débats sont loin d'être des régions de productions agricoles et de peuplement. • lA question des inlranls agricoles Comment peut-on demander aux pays sahéliens de continuer à développer des politiques agraires à faibles rendements et totalement dépendantes des caprices du climat et de l'instabilité de l'envirormement. Le problème des intrants est aujourd 'hui une pomme de discorde entre les paysans, l'Etat et les bailleurs de fonds. Comment se pose réellement le problème? L'agriculture extensive et les formes bornées de mise en valeur des ressources naturelles (déforestation, déboisement, désertification) ont complètement détruit les systèmes de production et appauvrit. le capital foncier. L'explosion démographique et urb~ine est venue aggraver les pressions sur la terre et les ressources rendant nécessaire l'utilisation massive d'intrants agricoles. Dans la période du Programme Agricole les engrais étaient subventionnés parfois jusqu'à hauteur de 70 % du prix pour une consommation de 80 000 tonnes jugée à l'époque notablement insuffisante en rapport avec les nécessités de l'accroissement de la production agricole globale. La NPA avait mis en place un autre système de distribution des intrants et de fixation de leur prix. La consommation a alors notablement baissé comme indiqué par le tableau de la page 166. La consommation des engrais est ainsi réduite au quart de son niveau de 1980. Cela a affecté très fortement la production et la productivité. 165 Consommation d'engrais en milliers de tonnes Consommation par produit 1980-81 1985-86 1986-90 26.820 8.582 3.119 8.290 6.400 2.365 Pour toutes les céréales Arachide Coton 35.110 29.600 5.100 14.982 4.200 7.900 TOTAL 74.680 27.082 26.345 2S lOS 80 20 - - Yil sorgho-mals - Riz sous irrigation Prix -au producteur FCFA/K-G Subvention FCFA/K-G Subvention en " 9,4 61" 15.247 2.966 4.536 16" Partout où la révolution verte s'est réalisée même dans des formes assez parcellaires (Inde, Moyen-Orient, Asie) elle a eu pour base des semences sélectionnées et la consommation en grande quantité d'engrais subventionnés. Ce sont ces mesures qui ont permis l'émergence d'une paysannerie moderne vecteur des profondes mutations des campagnes. Selon Eric BRAYER, « dans la zone de savane, au Sud du Sahara, il faut en moyenne 100 jours de travail pour produire 0,5 tonne. de céréales par hectare. Dans les grands pays agricoles d'Europe ou d'Amérique du Nord, la productivité du travail est 1 000 fois supérieure. Le problème des engrais explique en partie cet énorme fossé. Le paysan européen épand 225 kg d'engrais minéraux par hectare cultivé, son homologue asiatique en épand 168 kg et l'africain en réalise 11 seule166 ment(11).1l s'agit bien d'une sous-consommation alors même que le continent africain est le principal producteur mondial de phosphate. Si l'Afrique veut améliorer sa production et sa productivité, il faut qu'elle consomme 5 fois plus d'engrais. Le Sénégal a besoin de contrôler toutes les composantes de la production agricole depuis l'irrigation jusqu'aux facteurs modernes de production. Il doit utiliser non pas de petites technologies alternatives très peu performantes, mais les techniques les plus progressives que la révolution scientifique et technique peut mettre à sa disposition. D'ailleurs, les pays sous-développées comme le Sénégal doivent se raccorder aux technologies les plus avancées pour refaire leur retard économique et accroître paniculièrement leur savoirfaire. Les visions savamment distillées sous des appellations d'une apparente innocence comme technologies appropriées, technologies douces, relèvent de conceptions totalement anesthésiantes qui peuvent maintenir les pays sousdéveloppés dans une arriération technologique lourde de conséquence. Samir AMIN a parfaitement raison de souligner que « suoi qu'on dise, le Sahel n'est pas irrémédiablement condamné. Il y a ici de l'eau (un ensemble de fleuves dont le débit équivaut à celui du Nil, des nappes phréatigues et fossiles exceptionnelles), des sources d'énergie (uranium. soleil et pétrole) des terres , aménageables des peuples ». C'est la stratégie qui est incapable de coonlormcr 'ces facteurs. Les grands barrages quels que soient leurs coûts restent une option '§j. indispensable à la maîtrise de l'cau. Le problème fondamental ne se situe donc pas dans les effets négatifs qu'ils peuvent produire. mais réside essentiellement dans leur capacité à régler des problèmes clefs de la politique A agricole et notamment~;:;:t:~~ ~'t~1U ~~. • En concluston 'f"" ~19. ~ '( 1J.,' AM,.K - l/l!I L'élaboration d'u e politique agricole globale et cohérente devrait profondément s'appuyer sur les énormes potentialités de développement économique offenes par les infrastructures hydro-agricoles du fleuve Sénégal. Les deux barrages (Diama et Manantali) érigés sur le fleuve Sénégal par )'OMVS(l2) doivent constituer le noyau central d'un futur pôle de développement intégral du bassin du même nom. Tous les acteurs du développement économique sont donc concernés. (11) Eric BRAYER. " L'Afrique ne fume pas assez _. Bulletin Solagral . SlraJégies alimenJaves. nO 32. (12) OMVS : Organisaùon de Mise en Valeur du Aeuve Sénégal. 167 Le barrage de Diama (mis en eau depuis 1986) et celui de Manantali Oivré en août 1988) sont des infrastructures pluri-fonctionnelles devant pennettre au plan agricole : -l'irrigation d'environ 375 000 ha de terres dont 240 000 ha au Sénégal ; -le remplissage du lac de Guiers et du complexe Djeuss-Lampsar ; - la mise en eau de la Vallée du Ferlo. Le développement agricole devrait y être basé sur la complémentarité entre les cultures irriguées, pluviales et de décrue auxquelles s'ajoutera une relance de l'élevage. De ce fait, le projet de la Vallée sera un véritable projet intégré. Les cultures irriguées seront développées dans le cadre d'une agriculture associative (coopérative), paysannale (petits périmètres individuels) et en présence d'autres formes d'agriculture, privée notamment et basée sur des exploitations de dimensions moyennes et les complexes agro-industriels. Dans ce sens, le programme envisage la consolidation des 26 000 ha déjà aménagés et d'en étendre ensuite la portée pour aménager d'ici à l'horizon 2000,61 000 nouveaux hectares représentant en moyenne 5 000 ha/an. Pour tenir ce pari, il est prévu au plan technique, la réalisation prioritaire d'aménagements de taille intennédiaire entre le grand périmètre et le petit périmètre villageois d'une superficie d'environ 50 ha dont l'entretien courant sera assuré grâce à la promotion concomitante des PME (petites et Moyennes Entreprises). Au plan financier, le programme envisage la promotion d'associations entre entreprises internationales, l'appel au génie militaire et entreprises locales afin de favoriser la réduction des coûts d'aménagements à environ 3 500 000 FCFNha. Parallèlement, une nouvelle stratégie de mise en valeur des aménagements vient d'être mise en œuvre aux fms d'améliorer l'intensité culturale qui devra passer de 0,8 à environ 1,8 à l'an 2000. La mise en œuvre de l'ensemble de ces actions devrait permettre de réaliser une production brute de 480 000 tonnes de paddy en l'an 2000. Les cultures de décrues seront développées sur 100 000 ha durant la période de maintien de la crue artificielle qui, il faut le noter, entre en concurrence avec la production d'électricité. A cette production céréalière s'ajouteront les productions industrielles de tomates et de sucre. 11 faut signaler parallèlement le plan de développement du maraîchage et de l'arboriculture fruitière et qui concerne notamment: - la vulgarisation à grande échelle des variétés productives de légumes mises au point par la recherche; - le développement des actions d'arboriculture fruitière autour des points d'eau et dans certains périmètres. J68.. Le maintien de la crue artificielle permettra de reconstituer les prairies inondables, les pâturages et les points d'eau nécessaires au cheptel actuel, mais aussi d'initier une intensification de l'élevage. Les principaux objectifs poursuivis en la matière concernent l'élévation du niveau de vie des populations impliquées dans la recherche et la réalisation effective d'une intégration entre l'agriculture et l'élevage, l'augmentation de la productivité des animaux et l'organisation de la production et de la commercialisation. Les actions identifiées à cet effet portent sur la sensibilisation des populations, l'aménagement des points d'eau, le développement de la traction animale et l'intensification de la production avicole et bovine en particulier. Autour de l'agriculture et des activités associées, pourra se développer un tissu rural d'industries, de commerce, d'artisanat et de services. La mise en place de ce réseau, support indispensable du développement agricole, dépendra essentiellement du dynamisme de l'initiative privée qu'il faut susciter et encourager. Le programme de l'Après-Barrage envisage, grâce à la régularisation du cours du fleuve, la navigabilité permanente entre Kayes (au Mali) et SaintLouis (au Sénégal) sur plus de 900 km. A ceci devront s'ajouter un réseau approprié de routes, de pistes, de ponts et bacs ainsi qu'un réseau de télécommunications opérationnel. Par ailleurs, le barrage de Manantali devant produire annuellement 800 méga-watts-heures d 'hydro-électricité, le programme envisage également la mise en œuvre d'un plan d'électrification des villages, des centres urbains et des stations de pompage d'eau en vue de l'irrigation. Tous ces développements montrent que le programme multidimensionnel dit de l'Après-Barrage ouvre pour les années à venir de nouvelles perspectives dans la définition et la mise en œuvre conséquente d'une nouvelle politique générale de développement économique. Si la maftrise de l'eau est une nécessité vitale, elle doit être accompagnée par une politique énergétique cohérente et adéquate car l'énergie est une variable déterminante dans le développement agricole. Pour preuve, un rapport de la National Academy of Sciences observe que $: le processus de la croissance économique a pris naissance au moment où la machine a remplacé l'homme pour les travaux agricoles, industriels et domestiques ... La production phénoménale de l'agriculture aux Etats-Unis et dans d'autres grands pays exportateurs d'aliments s'explique en grande panie par l'utilisation massive d'énergie et d'engrais, l'apport de la main-d'œuvre diminuant très rapidement à mesure que s'intensifient les pressions exercées par l'accroissement des salaires dans les industries secondaires et tertiaires ~(l3). (13) National Academy of Sciences: L'énergie el le Dtveloppemenl rIVal. WashinglOn D.C., 1977. 169 Il faudrait alors que la politique énergétique permette d'obtenir un accroissement de la production agricole. Elle pourrait s'organiser autour de: - l'évaluation exhaustive des besoins énergétiques pour une agriculture en ~xpansion ; -l'exploitation de toutes les ressources énergétiques disponibles ; - l'utilisation des teclmologies énergétiques les plus progressives en vue de l'augmentation de la production et des rendements. TI s'agira, là aussi, d'utiliser toutes les sources disponibles d'énergie sans aucune exclusive. Les coopératives de production doivent être aidées pour la mise en place de programmes d'utilisation d'énergies renouvelables à des fins de développement rural. • lA développement du réseau routier Le développement d'une infrastructure de base indispensable passe aussi par la création d'un réseau routier désenclavant toutes les zones de production agricole et contribuant à la formation du marché national qui est le meilleur mode d'allocation des facteurs de production. L'Etat devra, par le Plan, fixer les objectifs à aneindre et les moyens à mobiliser pour réaliser le programme d'élargissement de l'infrastructure de base. Cette programmation empêchera l'apparition de distorsions dans l'allocation des ressources en faveur du développement économique et social. Ces statistiques révèlent amplement que l'agriculture fournit plus de 20 % du PIB et occupe plus de 70 % de la population, pourtant elle ne reçoit qu'une proposition encore faible des dépenses publiques : beaucoup moins que le système éducatif et les forces de sécurité. CHAPITRE Il Les conditions institutionnelles et techniques pour une agriculture moderne et efficace Dans une stratégie de dé\'e]oppcmenl agricole, les problèmes institutionnels revêtent une importance aussi capitale que les problèmes techniques. Pourtant ils sont sous-<malysés bien qu'ils conditionnent le comportement des acteurs. Pour souligner ce rôle cruciaL il faut commencer par l'étude de la coopération qui est assez développée en Afrique et dans le monde. 1) La coopération dans le secteur agricole Si la coopération est tant prisée en Afrique, c'est parce qu'elle est considérée comme un mode d'organisation plus adapté aux structures et à la mentalité communaucratique africaines. Les interventions publiques pour impulser et élargir le mouvement coopératif procèdent de la conviction qu'au plan socio-économique. l'exploitation coopérative est supérieure à la petite exploitation individuelle et par ailleurs qu'elle peut rendre des avantages accessibles à la grande majorité des paysans. Par sa dimension et la libération du producteur. l'entreprise coopérati ve permet la réalisation d'économies d'échelle qui se matérialisent dans l'utilisation la plus efficiente des facteurs de production agricole et la division sociale du travail favorables à une élévation de la productivité. Ce cadre structurel réaliserait les meilleures conditions de génération d'un surplus 171 beaucoup plus substantiel pouvant être utilisé sous forme de réinvestissements internes pour améliorer les instruments de production ainsi que le niveau de vie des coopérateurs. En somme, une coopération menée de façon lucide et méthodique à partir d'objectifs matériels clairs, accessibles aux paysans et acceptés par eux constitue la voie la plus sûre mais surtout la plus simple pour lever les obstacles et les contraintes à l'édification d'une agriculture moderne et efficace. Au Sénégal, les coopératives ont été promues par l'Etat et accaparées par les fonctionnaires et les notables si bien qu'elles ne sont pas devenues, malgré leur importance numérique, de véritables institution de développement. Cela explique que de 1960 à 1984, elles ont joué un rôle subalterne par rapport aux sociétés d' intervention dans le milieu rural, dans les domaines de la commercialisation, de la production agricole des intrants et dans l'octroi des crédits agricoles. Pendant la périodedu Programme Agricole (1969-1978) les coopératives ont très mal rempli ces deux fonctions. Ainsi, elles ont distribué 400 000 pièces de matériel agricole, 35 000 paires d'animaux. Au ni veau du crédit elles ont fortement contribué à la formationd 'une dette rurale d'environ 38 milliards de FCFA dont 30 milliards d'arriérés. C'est pourquoi, ces réformes opérées dans le cadre de la Nouvelle Politique Agricole de 1984 avaient trois objectifs: -la redéfinition des fonctions avec l'organisation de coopératives multi sectorielles; - la création de sections villageoises (45 000 pour les 13 000 villages sénégalais) : -la mise sur pied d'un organe fédérateur: la Fédération Nationale des Coopé-rati ves. A l'expérience, cette réforme de l'action coopérative n'a pas atteint ses objectifs essentiels. En effet. les sections villageoises laborieusement et précipitamment mises en place n'ont pas d'activités économiques ce qui ravale les coopérati ves au s impIe rôle de collecteur des produits agricoles.Ces activités sont liées à la commercialisation et ont peu de plus-value donc très peu d'intérêt pour les producteurs. Par ailleurs, la multisectorialité disperse les énergies. Ces limites du mouvement coopératif ont accéléré le développement des organisations paysannes et des GIE à partir d'une logique d'autonomie vis-à-vis de l'Etat. Les GIE, par exemple, qu' ils soient d'agriculteurs. de famille. de techniciens ou autres. ont rapidement proliféré et sont aujourd 'hui au nombre de 4 (XX) distribués comme suit par région: 172 Nombre Pourcentage· 34 Saint-Louis Louga Diourbel Thiès Dakar Kaolack et Faùck Ziguinchor et Kolda Tarnbacounda .. . . .. . . . . 1618 TOTAL .. 4745 SOlUce: Labat ANDERSON,lnc. Sénégal GIE. ELUde .. 748 16 471 168 10 3 458 10 592 546 12 12 144 3 100 % La NPA du Sénégal», 1990. Les 80 % des GIE évoluent dans le secteur rural et 25 % sont issus des Groupements de Promotion féminine. Cependant, ces groupements quclle que soit leur originalilé et parfois leur imponance en matière de création d'emplois et de valorisation de cenaines ressources locales ont une portée économique encore limitée du fait des handicaps qui les caractérisent et qui sont liés à la faibksse congénitale de leur mode de gestion (absence de comptabilité suivie, endcLtemenL. détournement des fonds propres, ete.), à leur caractère infonnel entraÛlant des surcharges sociales qui grèvent les ressources de l'entreprise, à l'inexpérience ou à la simple incompétence de leur personnel dirigeant. Ces organisations sont, sans nul doute, très utiles notamment, les Associations villageoises de producteurs indépendants souvent encadrées par des ONG . Leur multifonctionnalité caractéristique est une marque de confiance que les paysans leur accordent. Toutefois, elles pêchent souvent par leur gestion économique et financière déficiente et par l'allocation de leurs ressources pour des investissements sociaux à rentabilité différée (cases de santé, écoles, pharmacies villageoises, alphabétisation) au détriment d'activités directement et immédiatement productives capables de dégager des marges suffisantes pour couvrir les différentes charges sociales et d'exploitation. Il faut cependant dire clairement que ces organisations ne saurait se substituer à un mouvement coopératif dynamique, assez bien structuré, mieux orienté et doté de larges pouvoirs à la fois économiques et politiques. En défmitive, l'échec de la coopération au Sénégal a pour origine principale la réduction de ses activités au couple commercialisation-crédit Un mouvement coopératif micux pensé devrait viser la réalisation d'un tri pIe objectif: 173 -la transfonnation des fonnes de production; -le perfectionnement des techniques agricoles ; - l'éducation et la mobilisation des ruraux en vue du développement économique et social. Ces trois objectifs sont intimement liés et exercent une influence stimulante sur le développement et la diversification des activités agricoles. La transformation des systèmes de production permet la réalisation immédiate ou progressive de la restructuration des instruments de production et de travail. Au plan économique,- la coopération assure la constitution d'exploitations de taille optimale à partir desquelles oh peut réaliser une productivité du travail élevée, un niveau de production appréciable. Ces objectifs contribuent à l'augmentation du surplus agricole donc à l'accumulation productive( 1). Si bien que la coopération facilite le perfectionnement de la technique qui contribue à l'élévation des rendements. n importe alors de mobiliser les paysans pour les mutations indispensables en faisant preuve d'une très grande souplesse dans l'instauration de la coopération. Celle-ci doit s'appuyer solidement sur certaines structures et propriétés qui lui sont favorables comme par exemple les structures communautaires. Dans ce cadre, l'utilisation des formes et des traditions communautaires dans te mouvement coopératif ne sera pas un idéal, mais une méthode à laquelle on est conduit à recourir dans une période de transition pour faciliter sur le plan psychologique et social l'entrée de la paysannerie communautaire dans une dynamique nouvelle de production. D'ailleurs, dans certains cas, le succès du mouvement coopératif est fonction de l'identification et de la prise en corn pte de ces structures communautaires. En effet, la mobilisation volontaire du monde rural, bien qu'indispensable, est très difficile à réussir. Toute tentative de brOler leI' _étapes, ou d'embrigadement aboutirait fatalement à un échec qui risque de porter des torts irréparables à la coopération. Les problèmes de la coopération sont assez délicats et ne peuvent se résoudre de manière bureaucratique par des décrets et des lois car tous les ordres qui viendraient d'en haut risqueraient de rester lettre morte. Il faut plutÔt amener par la persuasion le paysan à prendre une claire conscience de la nécessité de transformer son environnement. Dès lors, tout doit s'effectuer par la concertation et par la libre adhésion. La démocratie devient alors le meilleur instrument de régulation de la vie coopérative. (1) La croissance de la production devient dès lors un préalable au développement. Elle permet de dégager un surplus commercialisable grâce auquel, le secteur peut entrer en relation avec les marchés urbains et extérieurs. De plus, comme l'observe R. BADOUIN, te La réalisation d'un surplus par rappon aux besoins constitue une source potentielle d'épargne lt, L'Economk rIVale. Editions Dunod, Paris. 174 En conséquence, la coopération, pour réussir, doit reposer sur un ensemble de principes clairement définis devant assurer: - une gestion démocratique des entreprises coopératives qui se manifesterait dans l'élection des organes dirigeants, le contrÔle du fonctiormement et des finances ; - une liberté totale et absolue d'adhésion ou non à la coopérative sans aucune sorte d'obligation ou de contrainte; cela permettrait d'instaurer une compétition stimulante entre les coopératives et d'autres formes d'exploitation. Dans ce contexte, la coopérative est condamnée à faire preuve de sa supériorité d'organisation et d'efficience ou à disparaitre ; - un bénéfice mutuel qui permettrait de régler les intérêts de la coopérative en tant que personne morale et ceux de ses membres. li sera donc question des conditions de formation et de répartition des revenus mais aussi de la rémunération de la force de travail. Dans ce domaine aussi. la coopération doit faire la preuve qu'elle offre, à court ou moyen tenne, des ressources financières ou matérielles plus importantes que d'autres modes d'organisation. Au total, si l'on veut assurer le plein succès du mouvement coopératif, la coopérative doit être dotée d'un double pouvoir économique et politique. En conséquence, elle sera assez bien structurée pour défendre les droits de ses membres et obliger l'Etat à prendre en considération les intérêts des producteurs ruraux. 2) La planification du perfectionnement de la technique et de l'utilisation généralisée des facteurs modernes de production agricole La recherche d'une technologie agraire plus adaptée au producteur et au milieu est aujourd'hui une condition essentielle pour améliorer le rendement et la productivité. L'utilisation intensive d'intrants industriels chimiques dont le coat demeure généralement élevé s'est, dans la plupart des cas, faite au détriment de la reproduction naturelle des grands équilibres pédologiques. C'est ainsi que certains sols sont devenus anormalement pauvres, ce qui a contribué à faire chuter les rendements. C'est particulièrement le cas pour l'ensemble du Bassin arachidier (Sine-Saloum, Diourbel et Thiès). Dans d'autres cas, c'est le caractère inadapté au sol du matériel agricole qui engendre les modifications pédologiques, la baisse des rendements et la faillite financière du paysan par gonflement non compensé de ses coOts de production (machines agricoles non amorties au rebut). 175 Dans les conditions que voilà, toute volonté desolutionner àces différents problèmes passe d'une part par une réorientation de la recherche agronomique qui mette de plus en plus l'accent sur les spécificités locales (nature des sols, possibilités de modifications des rythmes de jachère ou d'adaptation de l'assolement. etc.) et d'autre pan par l'étude systématique des conditions d'appropriation et de valorisation de l'innovation technologique par les producteurs. Il apparaît ainsi que la politique de recherche qui permet de proposer aux paysans des systèmes de production et des technologies plus performantes est un volet décisif de la stratégie de développement agricole. Or, il apparaît nettement que la recherche techno-agronomique est un aspect totalement négligé. Pounant. cette attitude apparaît dans 1"inorganisation et la faiblesse de" moyens de l' IS RA (Institut Sénégalais de la Recherche Al.!f<Jnomique)(2). Or, une agriculture efficiente a paniculièrement besoin d'une bonne utilisation des acquis de la révolution scientifique et technique pour atteindre des niveaux élevés de productivité du travail. Cela pose la nécessité de la formulation d'une politique adéquate de recherche pour le secteur agricole dont les objectifs pourraient être: -la modemisation des procédés de cultureet la rénovation des instruments de production: -l'expérimentation scientifi(jue et la diffusion de nouvelles techniques, ce qui implique la création d'unités expérimentales ayant vocation à être de véritables laboratoires au service du développement agricole: - la formation de cadres compétents au plan techn ico-agronomique el tee hn ico-ad ministratif. Ce dernier aspect soulève les limites des systèmes universitaires des pays sous-développés qui ne s'intéressent que très marginalement aux activités rurales bien que celles-ci fournissent pourtant jusqu'à 7() % du PIB, Des facultés ayant des filières agricoles peuvent avoirun grand intérêt économique et sociale, On peut dire. aujourd 'hui. que depuis 30 ans. le Sénégal comme la plupart des pays africains, a consenti d' énormes effons et des dépenses considérables (plus de 30 % du Budget) à l'éducation et à la recherche avec des résultats de moins en moins probants sur le développement économique et social. Pire, l'école est totalement déconnectée dans son contenu comme dans sa forme du milieu rural. Les réformes en cours des systèmes éducatifs devraient redéfinir les missions de l'école afin de l'insérer davantage dans le milieu rural avec une réhabilitation de la profession paysanne. (2) Il estmcntionné dans un « Rapport du Contrôle Financier .. que la recherche coÎlte cher cl n'est pas bicn rentabilisée. Certaines insuffisances sont alors soulignées comme la participation limitt:e des développeurs ce qui témoigne d 'un manque d'intérêt, ['imprécision des objectifs, des conts Cl dcs délais ell'abscncc d'un contrôle d'efficacité. 176 Sans nul doute, tous ces problèmes sont imponants mais peuvent éluder la question fondamentale qui réside dans l'absence totale d'une politique globale et pertinente de recherche agricole. Il faut relever certaines idées totalement erronées qui circulent selon lesquelles les paysans feront eux-mêmes la révolution technique et scientifique. Cette assertion est totalement fausse conception car la révolution scientifique et technique sera le fait des savants, des chercheurs et des techniciens évoluant dans les campagnes et y opérant des recherches systématiques. Cependant, seul l'Etat a les moyens et le personnel pour l'impulser, l'organiser et diffuser les résultats. Il peut le faire à trois niveaux: - l'identification des produits et systèmes agraires pouvant contribuer à la croissance économique du pays: -la localisation dans l'espace et des contraintes sociologiques: - le recensement et la vulgarisation des tecimologies les plus appropriées pour atteindre les niveaux de production et de productivité les plus élevés. Dans cette optique, il faudrait alors identifier les priorités de recherche ainsi que les objectifs du développement tecimologique afin de les traduire en objectifs. L'agriculture sénégalaise accuse un retard tellement énonne que seule la recherche peut contribuer à combler. C'est pourquoi une grande attention doit être apportée aux activités de recherche qui auront pour objectifs d'éliminer les contraintes et les obstacles aussi bien naturels que technologiques qui empêchent une croissance soutenue de l'agriculture. Il est impérieux de chercher à tirer profit de la révolution verte en la systématisant mais surtout en l'adaptant aux conditions de l'environnement. On pourra ainsi développer l'expérimentation et les recherches au niveau: - des produits chimiques pour étudier les conditions d'accélération de la croissance des plantes en vue de l'amélioration des rendements et les effets de l'utilisation des pesticides et engrais sur les sols; - des manipulations génétiques pour améliorer les espèces et accroître les rendements ; - de la photosynthèse, de la prévision météorologique par télédétection. Il est aujourd'hui important pour le Sénégal de se mettre très rapidement aux techniques de l'ordinateur qui est d'un apport déterminant pour l'accélération du développement agricole. Désonnais, non seulement les ordinateurs dirigent le matériel agricole, mais encore tiennent la comptabilité. surveillent le progrès des cultures et de l'élevage, calculent les meilleurs mélanges de nourriture et d'engrais en fonction des besoins et des prix et même établissent les programmes d'irrigation d'après des prévisions météorologiques enregistrées automatiquement. Il s'agit dès maintenant de 177 :éaliser des recherches systématiques des services que l'ordinateur peut rendre jans le processus de développement du monde rural. La mécanisation est un facteur essentiel du progès de l'agriculture ; elle ;ontribue à la modernisation rapide du secteur rural. Elle seule permet t'élever la productivi té du travail et d'approfondir la division du travail à 'intérieur même du secteur agricole. Cependant, la mécanisation doit être un Jbjectif vers lequel on tend par étapes successives passant du Jerfectionnement des instruments agricoles traditionnels à la machine 'onctionnant sans intervention de l'homme. Tout ce processus nécessite une Jrganisation rigoureuse et une gestion adéquate. Pour maftriser toutes ces mutations, la planification s'impose car elle peut Jermettre une gestion rationnelle de la politique de transformations ;tructurelles des campagnes. Dans le cas d'espace, les mécanismes du marché ,'avèrent insuffisants à résoudre les divers dysfonctionnements structurels. L'Etat est architecte de toutes les transformations et mutations structurelles l entreprendre. Il en est ainsi dans les pays industrialisés même les plus ibéraux comme aux Etats-Unis et surtout des pays asiatiques qui en 'intervalle de trente ans sont passés « de greniers vides à des greniers Jleins »(3). En effet, dans ces pays, comme dans bien d'autres, l'Etat est :onstamment et massivement intervenu en mobilisant des moyens financiers ~t technologiques pour permettre aux agriculteurs d'affronter des milieux laturcls hostiles et un environnement international défavorable. L'agriculture :st le secteur où les principes du libéralisme n'ont jamais fonctionné comme e laissent croire la théologie libérale en cours partout en Afrique. De plus, 'efficacité des politiques agricoles sont fonction des importantes subventions. rous les pays développés subventionnent leur agriculture et le dossier agricole lu GATI constitue actuellement le principal point de discorde entre certains nembres de la CEE et les Etats-Unis les uns subventionnent les exportations :t les autres soutiennent l'agriculteur. Edgar PISANI soulignait en 1988, que es subventions aux prix agricoles étaient de 20 000 dollars par an et par Igriculteur au Canada, ID 000 aux Etats-Unis et 2 000 en France. Ainsi ( hyperprotégées et soutenues, les économies des pays développés léterminent un marché mondial dont la loi est celle d'une compéti tion :tratégique-économique qui n'a rien à voir avec la vérité des prix »(4). (3) Le Colloque organisé le 2 octobre 1985 à Paris par la " Fondation Liberté sans rontières ,. observe qu'il y a trente ans, la situation alimentaire de l'Asie inquiétait tous les ,xperts alors que J'Afrique ne connaissait pas ce type de problèmes même au Sahel. \ujourd'hui, le déficit alimentaire de l'Asie est en baisse très nette, l'Inde exporte, la Clùne a ~nsidérablement réduit ses achats à l'étranger. En Afrique au contraire les déficits se sont .ccentués. (4) Edgar PISANl. Pour l'Afrique. Editions Odile Jacob, 1988, p. 59. 178 3) La nécessité de la définition d'une poli4que adéquate de crédit , ~litiqUe Le crédit est un volet déterminant della agraire et devrait rendre possible le financement des opérations prodyttives et pennettre à l'agriculteur de se redresser. En matière d'institutions de fmancement faut-il regretter que l'on ne soit pas encore complètement revenu sur le système bancaire traditionnel qui renforce les distorsions structurelles caractéristiques de l'économie rurale. Le système financier ne prévoit qu'accessoirement le financement des activités agricoles. Les conditions que l'agriculture a traversé au cours des années précédentes avaient abouti à un endettement massif des paysans. A cet effet, le gouvernement avait pris certaines mesures d'assainissement comme l'annulation des arriérés de la delte semences et engrais et la réforme du système de crédit agricole. Le projet de réforme de 1983 avait formulé une série de propositions en guise de politique à savoir: - la création de la Caisse 1'iationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS) ; - l'encadrement et l'assistance des paysans dans la gestion des documents de crédit; - la communauté rurale et les coopératives comme garants des prêts à accorder à leurs membres; - la création de circuits d'approvisionnement en facteurs de production et la simplification des procédures mettant directement en relation les fournisseurs et les emprunteurs ; Il est également précisé dans le projet que: - le crédit doit désormais concerner toutes les activités du paysan (commercialisation, participation des ruraux au financement de leur développement, etc.) ; - l'autonomie de gestion et de décision de la CNCAS et sa décentralisation jusqu'au niveau de l'arrondissement sont recommandées; -le taux moyen d'intérêt des prêts est fixé à 10 % ; - les conditions de prêt sont différentes selon les emprunteun individuels, les communautés rurales et les coopératives agricoles; - les prêts individuels sont octroyés à ceux âgés de vingt et un ans au moins et soixante-cinq ans au plus, ayant un compte à la CNCAS et disposan. d'un revenu monétaire net annuel d'au moins un million de FCFA pour obtenir ce prêt, ils doivent aJssi cultiver 20 ha en cultures sèches e f commercialiser 15 tormes ; 179 - les conditions exigées pour les communautés rurales sont: un agrément administratif et l'accord de la coopérative mère, la solidarité collective des membres et la passation d'un contrat collectif, et un encours (anciennes dettes + échéances du prêt à consentir) de 20 % de la valeur du tonnage moyen commercialisé pour les trois dernières années. Les financements autorisés sont : pour le matériel agricole: - autofmancement : 20 %, - durée: 7 ans, pour les tracteurs et motorisations : - autofinancement: 20 % ; - durée: 10 ans ; - les coopératives rurales agricoles bénéficient d'un prêt collectif, en présentant leur compte d'exploitation et le bilan de trois années au moins, et en ouvrant un compte à la CNCAS. Les délais de financements concernent pour: le moyen terme: matériel de post-récolte (7 %) ; autofinancement (20%) ; tracteurs et motorisation (5 ans) ; le long terme: bâtiments (10 ans) ; autofinancement (l0 %). Les groupements de producteurs doivent déposer leurs fonds à la CNCAS, et avoir le PY de la délibération de l'autorité responsable. Par ailleurs, il est aussi prévu dans le projet de réforme de 1983 le crédit dit de campagne octroyé aux organismes, aux sociétés et commerçants pour financer les produits agricoles. Malgré ces avancées significatives dans l'organisation du crédit agricole, il faut observer que les taux d'intérêt appliqués et les saretés exigées (en contradiction flagrante avec les dispositions de la Loi sur le Domaine National) défavorisent les petits producteurs. En conséquence, le crédit agricole ne va concerner principalement que les gros producteurs et les diverses notabilités anciennement grands bénéficiaires des services des SDR et même du Programme Agricole. La Caisse Nationale de Crédit Agricole conçue comme une banque privée de crédit agricole est loin d'être un instrument efficient de financement des opérations agricoles. Il est vrai que le financement des crédits aux communautés rurales est sa mission principale, mais, à l'expérience on observe un contournement de cette mission puisque les principales ressources ont été consacrées au financement des campagnes de commercialisation. Ainsi, en 1990, la CNCAS avait 14,7 milliards de FCFA de créances sur les canlpagncs de commercialisation des années précédentes (5,5 milliards pour 1989-1990 et 9,2 milliards pour 1989-1990). Dans la même année clIc n'a 180 1 prêté qu'un volume de credit de 3,1 milliards de FCFA pour l'ensemble du secteur primaire soit: 2,2 milliards pour l'agriculture, 402 millions pour la pêche, 275 millions pour l'élevage et 223 millions pour le commerce et l'habitat rural. Tout cela est assez dérisoire, par rappon aux énormes besoins de financement du secteur. Les crédits de campagne absorbent l'essentiel des ressources de la CNCAS. Dans ce contexte on comprend les difficultés de trésorerie de la Caisse. A ces difficultés s'ajoutent d'autres liées notamment à la faible surface financière des demandeurs de crédit (si bien que les GlE ont été les principaux bénéficiaires de l'intervention), aux conditions de crédit. à l'hétérogénéité des acteurs. Par ailleurs, au plan de la mobilisation de l'épargne rurale, la Caisse manque notablement d'efficacité. En conclusion l'impact de la CNCAS dans le financement des activités agricoles est encore fort limité si bien que le problème du crédit agricole est entier au Sénégal. Sans une politique, de crédit agricole appuyée sur des coopératives,.solides le développement rural sera compromis par asphyxie fi nancéh. t.\W. AüTotal comme nous l'avons montré tout au long des précédents développements, le secteur rural sénégalais, notamment dans sa composante agricole présentait, à la veille de l'indépendance. de graves déficiences et distorsions que les plans de développement qui se sont succédé ces trente dernières années n'ont pu résorber. Ainsi, l'agriculture sénégalaise demeure encore aujourd'hui raClement déstructurée ct peu productive malgré les multiples tentatives de modernisation qu'elle a connus et qui ont fait l'objet d'une mobilisation d'appréciables ressources financières. La mauvaise allocution des ressources financières et la faiblesse de leur rendement doivent conduire à analyser de plus près certains éléments relatifs au financement des activités rurales et agricoles en particulier. Pour cela, il faut panir tout d'abord d'une évaluation des besoins de financement de l'agriculture et du secteur primaire en général; ensuite, examiner le volume, l'origine et la structure des financements avant de mettre en relief dans une dernière étape l'organisation et le degré d'efficacité de l'utilisation des ressources financières ainsi mobilisées. Les financements du secteur agricole au sens large peuvent s'analyser selon trois approches: - en prenant en compte l'importance du secteur rural dans l'économie sénégalaise; - en considérant la paupérisation caractéristique des campagnes; - en étudiant les besoins de financement relatifs aux structures à creer. Sept Sénégalais sur dix sont agriculteurs, éleveurs ou pêcheurs. Même si l'industrie croît annuellement à un taux de 5 %, l'agriculture au sens large 181 · restera pendant longtemps enc\)re la principale source d'emploi pour la majorité des Sénégalais. Malgré les importantes fluctuations enregistrées depuis 1960, la contribution du secteur rural dans le PIB a été en moyenne de 25 %. Source contributive déterminante dans la formation du PIB. le secteur rural joue également un rôle aussi important dans les exportations du Sénégal. Dès [ors. il est nécessaire d'accorde r à ce secteur une place de choi x dans l'affectation des ressources financières car toute perturbation en son sein engendre inéluctablement des effets non négligeables sur l'économie dans son ensemble. En outre, la population sénégalaise atteindra quelques 10 millions d 'habitants en l'an 2000. soit par rapport à aujourd 'hui 3 millions d 'indiv idus supplémentaires parmi lesq uèls au moins 2 millions travailleront probablement dans le secteur rural. Dans ces conditions, sans une politique vigoureuse de modernisation de l"agriculture, (œ qui suppose une affectation de ressources supplémentaires) le pays sera dans les deux prochaines décennies. probablement confronté àdeux graves problèmes: les déficits alimentaires et l"emploi rural qui s'ils ne sont pas résolus menaceront l'ordre et la paix sociale. Pour cela, il sera alors néœssaire de mobil iserde substant iels moyens financiers permettantd 'impulser le passage de méthodes culturales extensi ves (fortement destructrices du milieu) à des méthodes plus intensives qui, tout en préservant les équilibres écologiques fondamentaux. contribueront à accroître très largement la productivité. Ceci suppose entre autres éléments. une politique de maîtrise de l'eau, une utilisation plus systématique mais rationnelle des fertilisants et surtout la vulgarisation de techniques culturales plus performantes. Ainsi. du fait de rendements plus élevés. les productions devraient s'accroître augmentant ainsi la contri bution du secteur à la formation du revenu national. Comme souligné précédemment, plus des 2/3 de la population active sénégalaise travaille dans le secteur rural tout en ne contribuant en moyenne que pour 1/4 à la formation du PIE. Les re venus des producteurs ruraux sont sans commune mesure avec leur apport à la production et de surcroît ils se détériorent de façon permanente contribuant ainsi à l'aggravation de la pauvreté en milieu rural. Il apparaît ainsi que l'augmentation du niveau général de vie passe inévitablement par l'amélioration des conditions d'existence et de travail de cette importante frange de la population, Cet élément doit être pris en considération dans toute politique de crédit agricole car pour ravoir pendant longtemps négligé, toutes les actions tendant à améliorer les techniques producti ves dans l'agriculture n'ont pas conduit aux résultats escomptés. En fait, pour ce qui est du crédit, il convient de faire une approche globale de l'ensemble des problèmes du monde rural. En effet, s'il importe de fournir aux producteurs des crédits productifs, il convient 182 également de les.: socialiser» dans la mesure du possible compte tenu de l'éLat de dénuement actuel des agents économiques producteurs de ce secteur. Au plan pratique. la mise en place de crédits agricoles fonement .: sociaux» exige un ensemble de techniques complémentaires, notamment la création d'un fonds de bonification d'intérêt. Nous le préciserons plus loin. En outre, on observera que ces crédits qualifiés de .: sociaux» ont un caractère plutÔt très productif. Ils incorporent en effet un fort effet mulliplicateur de productivité du fait de la libération de toutes les potentialités du producteur ainsi dégagé des innombrables contraintes financières liées à la rigueur du crédit. On le voit, une politique de financement qui se veut efficace doit. non seulement, permellre aux producteurs d'acquérir les moyens de production modernes qui leur font cruellement défaut, mais aussi et surtout leur trésorerie. Elle doit en conséquence pcrmenre une consommation des facteurs de production et donner aux producteurs la possibilité d'assurer leurs besoins alimentaires notamment dans ces périodes de soudure. Observons que, la misère et la pauvreté constituent des facteurs de blocage de l'accroissement de la production. D'ailleurs, la période dite de soudure coïncide dans les campagnes sénégalaises avec celle d'intenses activités champêtres (hivernage). Dans ces conditions, on comprend assez aisément, au-delà des explications usuelles que la raison principale du recul de la productivité, la faiblesse des productions est la persistance de la paupérisation dans les zones rurales sénégalaises. Compte tenu de ces éléments, il semble évident que l'efficacité de la politique de crédit agricole tienne essentiellement à sa capacité de libérer les producteurs du « diktat» des commerçants usuriers et à la sécurisation de la production. Bien entendu, l'approche globale du crédit agricole fait appel à des moyens financiers substantiels que le système bancaire est incapable de mobiliser et de distribuer. Toutefois, il demeure que les ressources sont indispensables dans le cadre de la réhabilitation des structures productives rurales, de l'amélioration des rendements, de la productivité, de la production et sunout de la lune contre l'archaïsme et la perpétuation de la misère dans les campagnes sénégalaises. Face à celte nécessité, il est proposé la création d'un système Associative ou Mutualiste d'épargne et de crédit ou des Caisses d'épargne rurale ou de Banques Populaires qui sont plus adaptées au milieu. Pour résoudre ou espérer résoudre les problèmes cruciaux auxquels le secteur rural sénégalais est actuellement confronté, il ne suffit pas seulement de disposer d'une cenaine capacité de financement. Il faut en plus meUre en place un ensemble de structures complémentaires et efficaces parmi lesquelles on pourrait citer: les organismes de distribution du crédit agricole, les organismes d'encadrement du monde rural (essentiellement prestataires de services précis) : les organismes de recherche et de vulgarisation des résulta[s 183 de la recherche (techniques modernes de production, outils de production plus adaptés aux conditions écologiques, variétés de semences plus perfonnantes, etc.). Le fonctionnement de ces structures exige la mobilisation d'importants moyens fmanciers. L'efficacité de toute politique agricole en dépend. En effet, les organismes de recherche doivent en particulier mettre à la disposition des paysans des variétés semencières suffisantes et mieux adaptées aux caractéristiques climatiques sahéliennes. En outre, s'il convient de créer des structures et des institutions d'encadrement ou d'appui, il impone de les rendre plus accessibles à leurs destinataires, en conférant aux dites structures la flexibilité nécessaire pennettant d'améliorer l'efficacité de leur intervention dans le milieu rural. Concernant plus paniculièrement les organismes de crédit agricole, cette flex.ibilité devrait se traduire par l'assouplissement des conditions d'accès au financement évitant ainsi l'imposition des principes rigides qui caractérisent le secteur bancaire traditionnel. Les besoins financiers seroru énormes dans l'optique d'une révolution agraire profonde qui ex.ige un recours à la mécanisation, à l'utilisation des facteurs modernes de production et même à cenains travaux d'infrastructure. Les ressources de toute nature, d'origine budgétaire comme privé, devraient être mobilisées à travers des structures diversifiées. L'Etat est appelé à jouer un rôle dans la définition des cadres institutionnels et l'allocatio l1 -des ressources mobilisées. Globalement, la révolution agricole appelle l'élaboration d'une politique financière cohérente qui mette en place un système de crédit structuré mais souple qui pennette aux paysans d'échapper aux excès de l'usure et à la dépendance vis-à-vis des divers fournisseurs de biens intennédiaires. Cela appelle la recherche de solutions adéquates à toutes les questions liées à l'encadrement du crédit, au taux d'intérêt, à la durée des prêts, au rythme de remboursement et aux problèmes des saretés. En réglant, de manière adéquate, ces problèmes le Crédit rural pourrait être accessible aux petits producteurs ce qui leur pennettrait de stimuler la production et de relever leur niveau de revenu. '- 4) La politique des prix, de revenus et de commercialisation comme moyen de modification des structures TI est de plus en plus clair que « l'élévation substantielle du niveau de vie et de revenu de plus de 60 % de la population active est un soutien beaucoup plus sOr pour l'industrie et le reste de l'économie nationale que des débouchés extérieurs toujours aléatoires ». - 184 · · lftJ . -t'IAJ,/.--\~ 0) --------------'------'-,----,---~. '<,,/ a) Les prix 1 Contrairement aux idées largement répandues d 'une prétendue incapacité des paysans à répondre aux « messages» du marché, des études ponctuelles sur l'Afrique ont révélé selon la Banque Mondiale, une « très grande élasticité de la production agricole africaine par rapport aux modifications du système des prix et même par rapport aux variations des prix relatifs »(5). A la suite des travaux de M. Nerlove et de T.W. Schultz(6), il est clairement établi que ['offre agricole réagit positivement aux augmentations des prix. Les tests économiques réalisés au niveau de quelques pays confirment que la modification des termes de l'échange en faveurde l'agriculture entraîne une hausse corrélative de la production soit par le biais des amblavures soit par un ace roi ssement des rendements. D' ai lieurs certains économistes se fom!<U1t sur les élasticités positives en arrivent à soutenir que les médiocres perform,ul\:es agricoles en Afrique sont la conséquence logique des politiques inadéquates des prix appliquées par les pouvoirs publics. Au Sénégal. une étude de la SONED précise que: « lors des interviews dans les villages de la zone arachiJière en particulier. les paysans ont admis que le développement des surfaces cultivées en arachide au détriment de celles en mil tient au niveau relatif du revenu que l'on peut attendre de ces deux cultures, étant entendu que le paysan conserve néanmoins en culture les besoins annuels estimé"! de nourriture de sa famille. les stocks inter-anlluels étant relativement faibles. et qu'il y a toujours la faculté de racheter à la soudure le complément céréalier éventuellement manquant »(7). Ainsi, comme il apparaît. il travers le caractère irréaliste de la politique des prix, que ('une des causes fondamentales de l'échec de la production agricole et notamment vivrière réside d,ms la fixation administrative par l'Etat de prix (aux producteurs) non incitateurs. Cependant, l'élasticité-prix de l'offre étant parfois très élevée, il con vient de moduler dans la pratique les hausses de prix aux producteurs. En effet. un relèvement substantiel des prix aux producteurs qui serait trop brusque pourrait engendrer une spéculation extensive par la valorisation du capital financier par de « faux agriculteurs ", ce qui, à terme, risquerait de peser de façon anormale sur les prix à la consommation populaire et transfollner une grande panie des paysans en ouvriers agricoles sur leurs propres terres ' té rie. remettant ainsi en cause l'ensem.b.1.e.. -----------~ '------=:;:~.=.------. (5) Banque Mondiale. LI' dh'cloppc/I)clI{ accéléré l'II Afriqllc ail Sil" " Il Sahara. 19X 1. (6) M. Nerlove, Thc dYllall1ics of SI/pp/y: estimation of fam1cr's response to priee. J. Hopkins. 1958. T. W. Schultz, Trall.~ror/l)illg traditiollllai agricllltllrc. Yale University. 19(H. (7) SONED. Etlldc s/lr la cOl/llllerciu!lsatioll el le stockage des céréales (//1 Sëllé!iol. tome 1 319 p .. tome II 342 p. Le problème de fond est l'élaboration d'une politique de prix incitatrice c'est-à-dire des prix qui rémunèrent les effons fou mis par les producteurs, qui pennettent la réalisation des investissements productifs et qui préservent le capital foncier. b) Les revenus Globalement. la structuration des revenus internes est. à peu de choses près. quasi identique à celle de l'ensemble des pays africains notamment ceux situés au Sud du Sahara. Les documents préparatoires VI" Plan du Minist~re du Plan et de la Coopération (MPC) indiquent les évaluations suivantes concernant l'élasticité revenu de la demande des principales céréales(8) : - erlc du mil-sorgho (en milieu urbain) erlc du blé cric du maïs erlc du mil (en milieu rural) =-- erlc du riz (en milieu rural) , . . . . . =-0.2 = + 0,7 = + 0,3 = +0.6 = + 0,26 Ces données statistiques appellent quelques observations : D'abord. l'élasticité-revenu de la demande de mil-sorgho. même si elle est faible n'indique pas moins qu 'un accroissement de revenu entraîne une baisse de la consommation du mil-sorgho. Ensuite, l'élasticité-revenu du blé, elle, traduit qu'un accroissement de revenu induit une augmentation assez importante de la consommation du blé (entendez par là du pain). Autrement dit. l'accroissement du revenu de la population engendre une substitution du blé et du riz au mil puisque l'élasticité revenu de la demande de riz est positive même en milieu rural (± 0,26). Cependant, cette tendance est négative pour une stratégie de sécurité alimentaire car elle implique un accroissement constant des importations de riz et de blé. ce qui aggrave en pennanence le déséquilibre. déjà préoccupant, de la balance commerciale et décourage par ailleurs la production locale de mil. En outre, concernant l'élasticité-revenu de la consommation du mars. même si elle est positive, elle demeure encore relativement faible, ce qui, du reste, traduit l'existence de possibilité d'élargissement de la consommation des repas à base de maïs notamment avec les progrès actuels de la technologie alimentaire au Sénégal (acquis grâce à l'Institut de Technologie Alimentaire). (8) MPC, « Plans de développement économique et social ". du !. au li'. Documenu préparaloires. 186 En considérant, enfin, l'élasticité-revenu de la consommation de mil en milieu rural, on peut observer que son niveau assez élevé indique qu'une politique appropriée de prix aux producteurs, en améliorant le revenu paysannal, devrait non seulement accroftre la production des biens alimentaires locaux dont le mil,mais aussi augmenter la consommation de ce dernier produit tant en milieu rural (l'élasticité étant positive) qu'en milieu urbain (avec la suppression progressive des subventions aux céréales importées). Au tolal, les statistiques établissent que le revenu urbain est en moyenne 10 fois plus élevé que le revenu rural. Et puisque d'une pan, l'élasticité d.!!maïs est faible, celle du mil en milieu urbain est négative, celle des céréales importées est très forte et que d'autre part, les 30 % de ces importations céréalières sont consommées par les urbains, on peut dire que le maintien de la structure actuelle des revenus, en ce qu'elle perpétue l'extraversion de la consommation alimentaire par renforcement de la tendance négative, constitue, assurément, un frein à la promotion des cultures vivrières locales. Dans ces conditions, seule une correction par les prix aux producteurs ruraux et à la consommation urbaine aurait pour effet de modifier cette structure actuelle des revenus par transfert des consommateurs urbains aux producteurs ruraux. Cependant, il est bien évident que le plus gros obstacle à une telle démarche demeure l'ampleur des coûts sociaux récurrents et qui pose le problème de la possibilité même ct 'une telle politique, les centres urbains étant par excellence d'importants groupes de pression politique et sociale. c) La commercialisation Il apparaftaujourd'hui que les stratégies agraires accordent une imponance aux problèmes de commercialisation si bien que, par moment, faute de circuits adéquats de commercialisation, les surplus de production sont détruits. Il apparaft de plus en plus évident qu'il ne suffit pas de produire mais il faut surtout vendre à des prix rémunérateurs et sur de bons marchés présentant des qualités de stabilité et de solvabilité. C'est pourquoi, l'organisation et le contrôle des principales étapes de la commercialisation s'imposent cela d'autant plus que les politiques de libéralisation renforcent démésurément le pourvoir des commerçants et des intermédiaires du monde rural. Les données rendues disponibles par le Plan céréalier montrent une faiblesse notoire des quantités de cultures vivrières locales commercialisées. Les raisons avancées pour cette situation mettent l'accent sur d'une part, l'absence de préfinancements pour les cultures vivrières, les offices nationaux de commercialisation s'intéressant prioritairement aux cultures spéculatives de rente et d'autre pan sur la déficience des circuits de commercialisation et IR7 l'offre de prix il l'achat non rémunàateurs ljlli conduisent les paysans il une forte auto-consommation. A ces arguments s'ajoute l'absence de moyens de stockage ljui affaiblissent le pouvoir de négociation des paysans et leur capacité lk réguler le marché. La portion des céréales qui est commercialisée généralement par les circuits traditionnels (c'est-il-dire non officiels ou privés) l'est dans les centres urbains il des prix il la consommation encore plu.s élevés ljue ceux (déjà relativement élevés fixés) par la CPSP. ce qui, de fait. en réduit la COll somma til)ll pote nt il' Ile. Dans le même temps. la commercialisation de.s céréales importées. notamment le l'il. et le blé dans les grands centres urbains, grève le" subventions étatiljues et conduit :.t Lies prix il la con"ommation dérisoire.s qui con~;lIrrencent lr~s fortèmènt les L'ultures vivrières locales. Dans ces conditions. il convient de souligner que la commercialisation. au même titre quc les prix et les revenus. est une composante déterminante dans l'orientatillil de la demande des produits vivriers et donc Jans la conception même dc route stratégie de sécurité alimcntaire. ,. tr~s 1 r _- 5) La rec 011 qIl êJe d Il ma rc Il é ~ .. Ilr=b~Q~in~e~J~r:..é~g~iO:.:l.:.:111::/~ COIYJ!: ~ct~<--. . . . Dan" la plupart des pays afril'ains les centres urbains. aVel' un tau.x de croissance supérieur il ~ ik, font exposer la demande alimèntaire èt constituent des marchés à 1:.1 fois solvables. Le Sénégal ne fait pas exception et son agriculture ne peut se développer sans reconquérir les marchés urbains qui représentent annuellement lin chiffre d'affaires supérieur il 100 milliards de FCFA soit 5 fois plus que j'apport dl' l'arachide et de ses dérivés. Cette importante demande doit être maîtrisée pour stimuler la production agricole et les échanges. Pou r ce '1 faire, il faut commencer par modifier le modèle de consommation fondé sur des biens importés qui n'est nullement une fatalité. 1 La structure actuellement extravertie de la consommation alimentaire ; urbaine. au-de là du mimétisme. repose essentiellement sur des cons idération~ de coûrs/avantages, notamment les prix relatifs des denrées et le remps de travail domestique qu'exige leur cuisson, Il est reconnu qu'il est plus commode et plus facile de préparer des repas avec du riz ou du blé qu'avec du milou du sorgho, C'est dire qu'il faut au plus vite accélérer les recherches et diffuser les résultats des technologies de transformation des céréales locales. ne po ltlque de modification de cette structure devrait. sur a base d'enquêtes de comportements alimentaires suffisamment fines. opérer une 188 réorientation des habitudes de consommation vers des produits vivriers locaux qui tierment la comparaison qualité-prix. Le slogan « consommer sénégalais ~ doit cesser d'être un slogan et sc traduire dans les faits en politique de promotion des produits agricoles nationaux. Dans un pays où le secteur vivrier représente une part importante de l'activité agricole et où les marchés urbains sont satisfaits par une offre de biens alimentaires importés, la protection est indispensable voire incontournable. Elle seule et la dévaluation peuvent à la fois stimuler la production locale, et la consommation, limiter les importations. Malgré la mise en cause par le nouveau discours néo-libéral des barrières tarifaires et non tarifaires, aucune agriculture, au nord comme au Sud, ne se développe sans protection, 11 est impensable d'abandonner son agriculture pour des importations. L'expérience montre, aujourd'hui, que la mondialisation-globalisation de tous les marchés financiers et commerciaux s'accompagne de la fonnation de blocs économiques régionaux qui sont en réalité des moyens de compétititivité. L'organisation des espaces de commerce et d'échanges privilégiés. de gestion des complémentarités entre des nations d'une même aire géographique, constituent un forfait contournement des politiques libreéchangistes et non discriminatoires, 11 s'impose alors aux pays africains de feter les bases d'une intégration durable du secteur agricole, et ce malgré l'échec avéré des institutions africaines d'intégration en matière d'unification ou d'hannonisation des politiques sectorielles. La conférence des Ministres de l'agriculture tenue à Dakar les 18 et 19 mars 1991 avait proposé de relancer l'intégration autour de deux axes: la création d'un marché agricole intrarégional et une approche concertée des marchés internationaux pour les principales filières d'exportation, Les propositions retenues concernaient : - les grandes filières régionales; bétaiVviande, céréales, oléagineux; - la compétitivité des produits d'exportation: café, coton, oléagineux; - les mesures d'accomplissement: échanges d'information, crédit, recherches formation, vulgarisation, gestion des ressources naturelles, problèmes fonciers ; - les productions « moins dominantes» : produits hallieutique, fruits et légumes; -l'environnement de l'ajustement. Ainsi, au niveau des marchés régionaux du bétail et des céréales, les mesures visent à créer les conditions d'un libre échange avec la suppression des taxes intérieures, l'amélioration des infrastructures routiers et les tnnsports, l'harmonisation des protections aux frontièr~s. Pour ce qui concerne la promotion des exportations, il est recommandé la réduction des 189 coOts à tous les niveaux des filières dont la gestion serait professionnalisée. l'atténuation des fluctuations des prix. l'utilisation de techniques modernes de vente. Pour réaliser des percées significatives dans l'exécution de ce programme. il faudra s'orienter de façon plus déterminée vers la création d'un marché agricole du bétail et des céréales par la promotion du commerce intra-régional par la suppression des taxes intérieures et extérieures, l'amélioration des informations, le développement de l'infrastructure de transport et l'harmonisation des protections aux frontières. La réalisation d'une politique agricole communautaire en Afrique devrait beaucoup aider à l'élaboration d'une politique concertée d'approche des marchés internationaux pour ces produits agricoles exportés (oléagineux, coton) afin de mieux négocier et de mieux vendre. 190 CHAPlTRE III Elaboration de structures fonctionnelles d'encadrement et de participation populaire t L'important pour J'Eut n'esl pasde raire cc que les inuividu~ l'url! ùéjà ct ùe le faire un p,:u mieux ou un peu moins mal. l11ai~ de Lli re-' cc que personne u'autre ne fait pour le llwment. " « n.1. KEY:\ES /) Les cul/i'atellrs salls Etatlli nation ~~ A Yregarder de très près, les principales Lu lill "" !tll.l\t'I-Î(/jr" *'"t- ~~~o~~ tQ ~0I<f. Q.~~.- • C~1Pr~ au dévelnppel11ent agricole ne sont pas seulement d'ordre technique. ni m~l11e final1L'ier mai~ sont essentiellement de nature organisationnelle et administrative. Dès lors la question est posée de savoir qui va réguler l'activité'? Le marché ou l'Etat .) Comme nous l'avons rappe lé,tout k long du XX C sièc le, les politiques se son t construites entre « deux notes politiques: une droite conservatrice favorable à une concurrence sans entraves sur le marché et une gauche pri vilégiant le contrôle de l' acti vité par l'Etat ». Depu is une douzaine d'années les conceptions ont radicalement évolué avec l'effondrement du socialisme d'Etat dans les pays d'Europe de l'Est. Pendant les années quatre-vingt, le triomphe du marché comme mode de régulation s'est confirmé condamnant l'Etat il ch,mger de métier et à ne plus intervenir d,ms l'économie. Désormais, dans le monde le libéralisme cesse d'être une doctrine pour se présenter comme une donnée qu'il faut absolument intégrer dm1s la conduite de la politique économique et financière. Les PAS ont accrédité l'idée que l'Etat africain est rentré dans une triple crise économique (déficit chronique des finances 1L) 1 publiques) politique (faible démocratisation) et sociale (incapacité à réguler le chômage et la pauvreté) qui le met « hors jeu» et le condamne à un désengagement. S'il en est ainsi. c'est parce que l'Etat « a enflé sur le plan économique en étendant ses tentacules au secteur public, il a enflé sur le plan social en se voulant le protecteur de tous contre tous les aléas ) (Lione Stoleru). Pourtant. c'est au niveau de l'agriculture que l'Etat. en l'absence d'opérateurs économiques capables de saisir toutes les opportunités d'investissement. est massivement intervenu pour réaliser la modernisation du secteur. Cette intervention. s'est traduite par un gonflement des effectifs administratifs dans la masse salariale, la démultiplication des SOR qui sont globalement déficitaires. l'accroissement du volume de la subvention. A y regarder de près, ces éléments sont les principaux facteurs de déséquilibre interne et externe. En conséquence, le retrait progressifde l'Etat au niveau de l'économie et de la distribution est exigé par les bailleurs de fonds et incorporé dans les conditionnalités. Cette désétatisation se fonde selon ses auteurs sur deux certitudes: la première postule que le marché est le meilleur instrument de régulation et d'allocation des ressources: il suffit alors de laisser faire. et la seconde avance que le retrait même précipité de l'Etat débridera toutes les initiatives privées et ramènera les organisations paysannes à occuper la place laissée vacante par l'Etat et ses divers démembrements Pourtant. ces idées fortes ne découlent ni ci 'une théorie cohéreme et iinfaiJlible ni d'un constat adossé sur le réel à travers les expérient'es des )Nati(')11s. On serait tenté de dire que le néo-libéralisme est une nouvelle \the.'ologie. Trois observati.. (.).n...s nous amènent sérieusement à douter de la ~alité de ces certitudes sur le désengagement de l'Etat. La première observation-esi"de type théorique et découle des travaux de Garry BECKER(I). Robert BARRO et J,-f. MEDARD gui établissent que le marché même s'il est reconnu efficace peut connaître des imperfections gui ne peuvent être corrigées gue par une intervention de l'Etat. 0- Dans cette optique, on peut invoquer au moins trois imperfections majeures révélées par les recherches et que seul l'Etat peut résoudre, Il s'agit: - d'abord de l'existence d 'externalités positives c'est-à-dire de situation où la rentabilité de r entreprise découle d'actions que les seules forces du marché sont incapables de créer: ( 1) Le débat sur le marché et le rôle de l'Etat est revenu en force relancé par les travaux de R. BARRO (Université de Harward) et ceux du prix Nobel d'économie de 1992 Galy BECKER (Université de Chicago) autour de la question: quel genre d'imperfections de marché, l'Etat peut-il avoir à corriger? 192 - ensuite l'existence de rendements croissants et d'économies d'échelle découlant d'une situation de monopole-'qui prive l'économie des aspects positifs de la concurrence. L'Etat est seul à même par son intervention de ramener le refonctionnement du marché; - enfin, les imperfections des marchés financiers qui empêchent le financement de projets socialement rentables mais trop risqués pour les opérateurs privés ou alors des projets économiquement indispensables mais à rentabilité différée. Le secteur agricole offre une parfaite illustration. Là encore l'intervenLion de l'Etat est impérative pour corriger ces imperfections en asswnant les risques. Ces trois situations sont couramment observées dans beaucoup de pays et • plus particulièrement dans les pays sous-développés. Dès lors, le désengagement de l'Etat peut parfaitement se traduire par des coOts énonnes et nuire en conséquence à la rentabili . (2) Jean-Luc MaureT, « Autonomie d'un décollage alimentaire: le cas de l'indochine ", in Asie-Afrique: greniers vides, greniers pleins,Editions Economica, Paris, 1986, p. 59-77. 193 . ~. . ~ i ' dans la majorité des pays asiatiques, l'Etat a mis en place l'infrastructure \ créant des conditions incitatives à l'~nv~stissement privé, un réseau routier de qualité, la scolarisation généralisée è~' création d'universités fonctionnelles. L'Etat est même intervenu directement au niveau des prix aux producteurs ou des taxes sur les produits. En Inde, l'autosuffisance alimentaire a été atteinte grâce à l'intervention vigoureuse de l'Etat qui a soutenu le secteur céréalier par une politique adéquate de prix. La deuxième observation est que la délimitation des fonctions de l'Etat dépend d'un choix purement national car rien dans les mécanismes de l'interdépendance mondiale n'oblige les nations à augmenter ou à diminuer le rôle de la puissance publique. Dans ce sens l'observation de L. STOLERU est très ins~tive : que « le Japon a un Etat très fort et tres centralISé, les EtatsUnis un Etat moins fort et plus décentralisé et la Suède un Etat assez faible. Or ces trois Etats ont d'excellentes performances sur le marché mondial unifié ». n apparai't alors que le débat entre « plus d'Etat» et « moins d'Etat» est largement trompeur et reste dans le fond assez superficiel. La troisième observation concerne particulièrement les pays africains comme le Sénégal où, l'Etat est le seul instrument suffisamment fort pour structurer la société caractérisée par des tendances lourdes à l'hétérogénéité structurelle créant plusieurs centres autonomes de décision. De plus, si l'on ! prend en considération la triple crise des cultures vivrières, des cultures d'expOitation et de l'écologie, l'Etat est le seul acteur à même d'opérer les redressements indispensables. A l'analyse, le monde rural en Afrique, est complètement déstructuré, disloqué et surtout dévitalisé par les effets conjugués de la crise économique et de la désertification. Peut-on raisonnablement penser dans ce contexte que les paysans peuvent s'en sortir sans Etat surtout au moment où ils sont totalement déconnectés de l'économie de marché avec le développement de l'autoconsommation et de beaucoup d'activités non marchandes. En clair, dans cette situation, les incitations du marché s'avèrent insuffisantes, seul l'Etat a les moyens d'une recomposition des structures et d'une revitalisation \ de la prod~ction. es observations indiquent que le choix n'est pas entre « plus d'Etat et moins d'Etat» car les restructurations qu'appellent les PAS de même que la nécessaire insertion de l'économie nationale dans le marché mondial exigent un Etat fort. Le problème fondamental concerne plutÔt la nature de l'Etat qui serait capable de conduire les transformations structurelles notamment au niveau de l'agriculture en vue d'amorcer un processus irréversible de modernisation de toute la société rurale et de changer les comportements ct les mentalités des divers acteurs dans les campagnes. 194 La restructuration de l'Etat qui renvoie à l'idée poujadiste ~ d'Etat modeste ,. passe par la redéfinition du rôle de celui-ci dans la nation et son recentrage progressif sur ses activités traditionnelles que sont la défense, la sécurité publique, l'éducation, la santé et la justice auxquelles, il faut ajouter un rôle nouveau d'impulsion et de coordination de l'activité économique nationale. Cette réfonne ne saurait se réduire en tennes trop simplistes en désengagement de la puissance publique dont la mission régulatrice demeure indispensable sunout dans cette phase cruciale de restructuration économique et d'ajustement structurel, celui-ci qui impose une nouvelle donne économique, de nouvelles politiques sectorielles et une modification profonde des structures et des conditions de production que le marché est incapable d'assumer. Toutelois, il ne faut pas occulter la nécessité d'entreprendre des réformes profondes qui concernent globalement l'organisation et la gestion de l'Etat de même que l'environnement institutionnel public. Ce processus de réforme et de modernisation est maintenant connu sous le nom de gouvernance. Le problème a été particulièrement bien perçu par le Président Blaise Compaoré du Burkina Fasso lorsqu'il écrit dans son Programme de Large Rassemblement c< La bonne gouvernance constitue un moyen ct un objectif de développement, garantissant la participation populaire, la stabilité politique, le développement institutionnel et le respect des droits de l'homme »(3). Les réformes de l'économie deviennent indissociables des réformes del'Etat ct de son système de gouvernance car seul un système de bonne gouvernance est à même de créer les conditions d'une stabilité politique acceptable, de définir le cadre politique et économique souhaité et de garantir le régime de droit nécessaire au développement général de la société dont notamment celui du secteur privé. Cette réfonne globale de l'Etat et de ses institutions devrait se traduire par : - l'instauration d'un Etat à la fois dynamique parce que devenu plus souple dans ses interventions et animé par un personnel ayant de bonnes capacité techniques; - la mise en place d'un appareil administratif décentralisé et efficace c'est-à-dire capable de rationaliser tous ses choix et de rechercher pour un coat déterminé la meilleure performance. Cet appareil doit être la moins parasitaire pour les fiuances publiques et moins paralysant pour l'activité économique; - l'avènement d'institutions démocratiques avec des mécanismes de promotion, de dialogue et de concertation avec tous les acteurs sociaux. (3) Excellence Blaise Compaoré : Programme de Large Rassemblement et la démocratie Ouagadougou, document ronéoté. 195 L'Etat ainsi recentré devrait laisser aux forces du marché la conduite de la croissance pour se redéployer dans ses nouvelles missions d'encadrement global et de régulation sociale afm d'éviter la constitution d'une société duale. Dans ce contexte le Plan, surtout dans un secteur à grand risque comme l'agriculture, s'impose comme un instrument de régulation et de prévision. En effet, on peut considérer la planification comme un interventionnisme permanent et généralisé de l'Etat qui prend un caractère organique et vise à organiser le fonctionnement de l'économie et à effectuer les mutations sU"Ucturelles adéquates pour atteindre des objectifs économiques et sociaux définis à l'avance. C'est par la planification que l'on peut gérer les milieux naturels hostiles et l'environnement international souvent défavorable et maîtriser les multiples facteurs qui pèsent sur le monde rural. Le plan permet de rationaliser l'économie et les activités agricoles. 11 est vrai que la planification a été suffisamment discréditée pour voir son abandon progressivement imposé par les Institutions Financières Internationales. Quoi qu'il en soit sa réforme comme instrument de régulation économique est devenue impérieuse. Dans un plaidoyer d'une remarquable lucidité, Pierre JACQUEMOT(4) observe que « toute organisation sociale a besoin de se projeter dans l'avenir pour mieux le préparer, elle a en conséquence un puissant besoin de produire des plans ». Le plan est un réducteur d'incenitude. L'avenir comme disait NIETZCHE « appanient à ceux qui auront la mémoire la plus longue ». Celte exigence est peut-être plus fone en Afrique qu'ailleurs en raison de la faible intégration nationale et de la nécessité pour les Etats en formation d'étendre leur légitimité à un corps social atomiséeS). Cette exigence est simplement incontournable pour le secteur agricole. Dans le cadre des restructurations et des modifications des modes de régulation des économies par les PAS et les PASA, la planification s'avère de plus en plus indispensable. Les Institutions Financières Internationales l'avaient considéré comme un instrument de régulation inefficient, responsable de la gestion bureaucratique ct incapable de permettre une maîtrise adéquate des paramètres de l'économie. Il apparaît aujourd 'hui, à travers différentes évaluations que l'on s'est partiellement trompé de diagnostic. En effet, la planification n'est pas une fin en soi mais une technique de mise en œuvre consciente et rationnelle des ressources rares en vue de leur utilisation optimale au service d'objectifs préalablement fixés. Elle est, en conséquence, un outil de gestion et d'allocation dans un univers de rareté et d'instabilité. (4) P. JACQUEMOT, " La désétatisation en Afrique subsaharienne, enjeux et perspectives ,., Revue Tiers-Monde, nO 114, avril-juin 1988. Le Renouveau de la planification. (5) Moustapha KASSE, « Défis économiques et ambition démocratique ,., Revue Perspectives Socialistes, nO 3, mai 1992. 196 La planification au niveau de l'agriculture devrait donc apponer plus de rationalité dans la fixation des objectifs et dans la détermination des moyens pour les atteindre. A l'expérience, la gestion économique optimale qui vise la réalisation du maximum de bien-être individuel et collectif par une meilleure utilisation des ressources disponibles ne peut être assurée ni par les simples vertus des mécanismes du marché, ni par une intervention cond}lite exclusi vement par l'Etat. , C'est dire que, la réhabilitation de la planification est indispensable et devrait graviter autour de trois idéçs forces: la restauration des préoccupations sur le futur, l'appropriation des questions relatives à la régulation économique et la mise en œuvre des innovations tectU1iques. Dans cette direction, le Plan jouera mieux ses fonctions de révélation des manques et des dysfonctionnements structurels, de moyens d'exécution d'un projet de société ayant des incidences multiples sur l'environnement et les acteurs, d'instrument de relance de la croissance grâce aux mesures et politiques sectorielles mises en œuvre. Si l'Etat doit continuer de jouer les premiers rôles dans l'économie agricole, pour fixer les orientations et les cadres institutionnels, définir et faire respecter les règles du jeu rural, moraliser les marchés, financer la recherche, construire les infrastructures de base, diffuser les informations, protéger les producteurs et par moment les consommateurs, décider des politiques d'import-export, la planification devra s'imposer pour établir les priorités et allouer conséquemment les moyens. En conséquence la planification peut permettre une plus grande efficacité des actions du développement rural. Le problème majeur qui va alors se poser est de trouver un système planifié adapté aux cultivateurs sénégalais et qui puisse mettre en cohérence l'enchevêtrement de plusieurs facteurs technico-économiques, et socioinstitutionnels qui pèsent sur l'ensemble du monde rural. Dans cette optique, l'approche systématique, qui tente d'englober des éléments du système rural ainsi que leurs interdépendances, et de mettre en œuvre un développement rural intégré défini peut parfaitement convenir. Cette approche systémique est analysée par P. THENEYIN qui adopte deux démarches: - une démarche théorique qui consiste à définir les actions, opérations et projets de développement en tenant compte de l'équilibre macro-économique et micro-économique; - une démarche concrète qui permet d'ajuster les prévisions et les réalisations. L'objectif de cette approche, c'est de prendre en compte la réalité du milieu rural, l'aléa, l'imprévisible, les conilits entre groupes, etc. Dans pareil contexte, le plan devient véritablement un réducteur d'incertitude. Le schéma s'explique de la manière suivante: • Phase A Dans cette phase. on établit le modèle de développement ainsi que les objectifs généraux admis par les politiques: on procède à une exploration du long terme et des problèmes de long terme perçus par les décideurs, on retient les conditions générales du développement: potentialité. technologie, rôlè de l'Etat. conditions de productioo, rapports sociaux. etc. Pour cela. on utilise: - une analyse des diverses transformations du fonctionnement même du milieu rural; - une analy,;e historique qui révèle les problèmes de développement et leurs conditions générales: évolution démographique, ressources nature Iles, prix, Cette analyse concerne la Région. l'opération de développement. le village, « Il apparaît évident qu'une analyse historique, riche de multiples comparaisons possibles (analogies et différences entre projets ou entre pays. ù divers moments) peut fonder non seulement une exploitation du long terme mais encore une décision portant sur les variables pertinentes explicatives du développement »(6). - une analyse du fonctionnement du système rural. Il s'agit d'étudier les re lat ions entre les centres de déc is ions et leu rs comportements envers les sous systèmes, • Phase B: définition des politiques et actions de développement. formulation des projets Duns cette phase. on essaie de définir les actions de développement à l'issue de la phase A qui a permis de déceler les variables déterminantes sur lesquels agir. On découvre d 'abord les besoins et les marchés intérieurs et extérieurs. ensuite. on répond à la demande par la mise en œu vre des projets ou actions de développement. Enfin. on s 'assure de l'équilibre macrnéconomique: comptes de l'Etat. devises. emplois. etc . • Phase C: le « Filtre» des actions au niveau micro-économique Dans cette phase. on s 'assure que les différentes actions de développement soient adoptées par les paysans. On teste alors: - les cohérences internes entre projets ou actions: complémentarité. subordination. indépendance. incompatibilité apparaissant par l'étude des fi liè l'es de prod uctiOll: (6) THENEVIN P.. « Investig3tion en milieu IUml et 13 pratique du développement. Cadre d'intégration et approche systématique AMMA. n° 18, 3vri11978. volume L p. 83. Ji. 198 - les cohérences ex.ternes entre projets ou actions et politiques (itération B-C), et entre projets ou actions et conditions de mise en œuvre (itération CD, E, F). Dans un premier temps, il est nécessaire de regrouper les producteurs ruraux et les régions de façon homogène (selon les conditions de production, fertilité des sols, climat, organisation sociale, densité de la population, ete.). On doit alors retenir des « Filtres» à partir desquels on stimule les différentes situations. • Phase D : utilisation des « Scénarios» : les équilibres macro-économiques Il s'agit ici d'assurer l'équilibre micro-économique et macro-économique. Les scénarios en D permettent de retenir les actions de développement et de définir les politiques qui sont cohérentes aussi bien au niveau microéconomique que macro-économique. On note que les phases C et D sont interdépendantes. Elles fournissent aux planificateurs des infonnations intéressantes qui éclairent leurs choix et leur pcnnettent de définir, de manière correcte les actions de développement. • Phase E à G : itérations et évaluation permanente Il s'agit: - de l'évaluation des effets du projet par rapport à l'utilisation des ressources rares (devises, terres, ete.) non renouvelables (écosystème) ; - des cohérences globales entre projets (comptabilité nationale, offre demande, prix...). Ce schéma de THENEVIN montre comment planifier un développement rural intégré et autorise une réflex.ion sur les améliorations possibles à apporter à la planification en milieu rural. Il définit dans le même temps ce que pourrait être une planification « intégrée» à même de servir de méthode de référence pour le pays. Celle-ci suppose non seulement de s'assurer que toutes les phases de planification sont effectivement réalisées, mais aussi de prendre en compte les limites de la planification. En fait, il s'agit de réaliser une analyse du milieu rural, dans ses transformations, son fonctionnement et son organisation. On pourrait utiliser l'analyse systémique au niveau régional en observant les divers sous-systèmes existants complétés par la déconcentration des pouvoirs et la décentralisation des décisions. Dès ce stade, doit apparaître la défini tion des actions de développement à entreprendre. L'étape suivante sera l'adoption ou non de différentes actions de développement par le monde rural. 199 A la suite de cette adoption, on peut établir une analyse factorielle intégrant les variables clefs du système retenu. On peut enfm utiliser divers scénarios contenant des objectifs faibles, moyens et forts. La réalisation d'une planification permanente tenant constamment compte de la réalité du comportement des divers"acteurs économiques sera permise grâce à la conduite du processus itératif. Toutes ces analyses penneuem de conclure, ne serait ce que partiellement; que des mesures ponctuelles, si habiles et si appropriées qu'elles soient ne sauraient remplacer une politique cohérente pour faire véritablement bouger le secteur rural et le sortir d'un immobilisme séculaire. Si l'agriculture sénégalaise doit jouer un rôle moteur dans une croissance économique durable et soutenue, il faudra y appliquer des politiques très volontaristes capables (le transformer fondamentalement les structures et la croissance de la demande en vecteur de développement de la production et des échanges. Dans tous lesyays en développement, les politiques agraires n'ont réussi à couvrir que très faiblement les besoins vivriers installant ainsi un très grave déficit alimentaire qui se résout par un recours excessif à l'extérieur. De plus, les mesures de modernisation introduites sont restées extrêmement parcellaires et ont produit un processus de différenciation sociale entre une élite paysanne qui a profité de l'introduction de nouvelles technologies et une masse paysanne appauvrie. Dans ce contexte, l'exode rural observé doit être interprété comme le double signe de la paupérisation des campagnes et de l'incapacité du secteur ~rural à capter et à utiliser sa propre force de travail. 11 en résulte un double phénomène de vieillissement et de féminisation des campagnes. Pour dépasser ceUe situation, une transformation des structures s'impose à partir d'un autre modèle de développement économique et social. Dans cette direction, une attention particulière doit être accordée au progrès technique et à la recherche scientifique. Le Sénégal n'a ni les mêmes échéances, ni les mêmes exigences que les pays industrialisés. Il doit trouver des raccourcis pour combler son retard de développement Il ne peut le faire qu'en utilisant systématiquement et de façon généralisée les technologies les plus avancées, les plus progressives. Le progrès technique est à mettre, quel qu'en soit le prix, au service de la croissance économique. La. recherche doit être élevée au rang des préoccupations prioritaires. Les tâches en la matière se résument principalement dans les orientations et options suivantes: - l'élaboration d'une politique et d'une administration (efficace) d'impulsion et de gestion de la recherche technico-agronomique qui aura vocation à coordonner et à harmoniser toutes les recherches entreprises par les institutions nationaJes, privées, publiques et étrangères; 200 - la mobilisation de moyens financiers mais aussi humains et matériels en vue tic l'équipement ct du fonctionnement de laboratoires et autres stations d'expérimentation; - la création de banques de données pour tous les chercheurs et autres professionnels de l'agriculture ainsi que l'institution de puissants moyens de diffusion et de vulgarisation des résultats obtenus; - la réforme vigoureuse des institutions universitaires de formation et de recherche pour les impliquer davantage dans le processus de transformation du monde rural. Il est totalement inadmissible que le système éducatif et de formation ne prenne pas en charge les préoccupations d'urt secteur qui emploie 70 % de la main-d'œuvre et fournit l'essentiel des retenus monétaires. La croissance et le développement ne seront durables dans les formations agraires que si les politiques mises en place revalorisent profondément l'agriculture et permettent aux paysans d'être une force sociale dynamique, politiquement et techniquement préparée à assumer un large mouvement de bouleversement de leur environnement socio-économique. 11 faudra alors considérer les paysans non pas comme une source de revenus pour les caisses de l'Etat, mais comme une force dynamique, au service de la construction nationale. Cela soulève l'important problème de la participation populaire au développement rural. 2) Revalorisation des structures et des organisations paysannes ~ d ,.,. _'6 . La leçon que l'on peut tirer d'une vingtaine d'année d'intervention directe de l'Etat dans le monde rural est la grande apathie des paysans face au jeu des tJ appareils. Le problème demeure toujours de savoir comment mobiliser et ~ \~" incorporer les cultivateurs dans un processus de modernisation qui leur ouvre l'accès aux intrants, au crédits, à des formes d'organisation de défense de leurs hJ1" intérêts mais aussi à des capacités techniques et économiques nécessaires pour ~ \~() négocier avec tous les autres acteurs de la vie nationale. En l'absence d'une syndicalisation rurale active il se pose toujours la question de l'intégration positive des paysans dans le développement et leur participation effective à la vie économique et politique. Si le paysan ne s'impose pas comme citoyen. il ne pourra pas le faire comme producteur. L'échec d'une cenaine forme d'intervention de l'Etat pousseà rectièrct'ier les organisations paysannes susceptibles de dégager de nouvelles synergies sociales de contribuer de façon remarquable au développement de la production agricole. L'évaluation des rapports sociaux et des interventions de divers acteurs dans le processus de production agricole montre qu'il existe des organisations paysannes dont les intérêts ne se confondent pas avec ceux des autres ( ~~ u: 201 composantes du monde rural comme les coopératives, les Groupements d'Intérêt Economique (GIE), les commerçants, les entrepreneurs privés. Ces organisations traditionnelles, familiales ou informelles exercent des fonctions multiples de gestion du terroir, des infrastructures économiques et sociales. En même temps, elles organisent et fortifient les liens de solidarité. L'abandon par l'Etat de seffoncùons économiques essentielles ainsi que le dépérissement souvent assez mal préparé des SOR ouvrent un champ nouveau et des espaces stratégiques pour de nouvelles formes d'organisations paysannes. Dans ce sens, les Associations de producteurs qui se donnent pour missions la distribution des intrants, la mobilisation du crédit de la Caisse Nationale de Crédit Agricole (eNCAS), l'organisation de circuits de commercialisation et de service de vulgarisation doivent être aidées et encouragées. La SAED s'y emploie en organisant « les Groupements de Producteurs ,.. La SODEATEX en fait autant avec les 1 800 Associations de Base des Producteurs. li faut simplement souhaiter que l'on ne retombe dans les errements du passé par l'imposition d'une tutelle pesante qui bloquerait les initiatives créatrices des organisations paysannes. Manifestement, le modèle libéral avec au bout, la saiarisation des paysans dans le cadre de mndes ex loitations agricoles, l'organIsation et l'agriculture collectlvls e d'un encadrement envahissant et inadapté par des structures étatiques peu souples condUIsent nécessairement à déposséder les pa sans de leur savOlr-falTl!, de leur ca cn Initiative c ative. Comme quoi dans les campagnes âfncaIl1~~es systèmes économfques théologiques ont la vie dure. Le cas des méthodes d'encadrement du monde rural dans les pays africains en général et au Sénégal en particulier est très révélateur à ce sujet. Dans ces conditions, une stratégie de développement agricole doit inclure la recherche de fonnes d'organisation et de mobilisation qui évitent de dissocier le producteur d'avec ses moyens de production. Par ailleurs, ces modèles d'organisation paysanne peuvent offrir des solutions alternatives tant à l'agriculture capitaliste qu'à l'exploitation collectiviste. Elles seules sont à même de construire de nouvelles solidarités du nouveau local à l'échelon national. 3) La question foncière : enjeux et exigences Il peut sembler, à première vue, que la question foncière est d'une importance secondaire puisque le droit coutumier procure une véritable sécurité foncière aux paysans individuels sous fonne de droits d'usage et d'usufruit à long terme. Cependant. la loi 64-46 du 17 juin 1964 relaùve au DomaIne National (LON) et ses décrets d'application partici pent d'une 202 volonté de l'Etat de substituer au régime traditionnel de tenure foncière un régime compatible avec l'option de politique économique « socialiste et démocratique» qui se fonde sur le principe « la terre à ceux qui la cultivent ». La LDN « qui redéfinit le droit à la terre, redistribue les rôles sociaux, Lran5forme le système de production, se pose comme une somme d'exigences majeures surtout dans le cadre de .. l'après-barrage n, de l'ouverture de nouvelles frontières agricoles et de responsabilités toutes aussi nouvelles da,ps la gestion paysanne de l'espace »(7). Comment alors se pose.la question foncière aujourd'hui et quels sont ses enjeux véritables? J;:n d'autres termes à une époque où l'accroissement de la production est directement fonction des investissements, des machines et des technologies, le couple ~'-tèrre-travail » est-il encore un grand enjeu pour la modernisation et la production du secteur agricole_?:..,----_..::::::.._- a) Les véritables enjeux ------- fonc~eI.~_ '-.._------------_... _---- ~ r--La question foncière est une réalité aux cent visages: géographique, agronomique, écologique, juridique, sociOlOgique, étonomique'notamment. Pour y voir clair. elle doit êlre nécessairement abordée dans une approche pluridisciplinaire, Dans l'enckvêtrement complexe des divers aspects de cette réalité, ce qui va intéresser plus particulièrement l'économiste cc sont les activités humaines de production. d'échange. de répartition et de consommation des richesses rares que sont la terre et l'eau ainsi que des biens qui en sont issus. Existe-t-i1 des « lois» économiques permettant d 'expliquer et de prévoir ces activités étant entendu qu'y interfèrent toute une série de facteurs non-économiques? Quand on s'intéresse aux structures foncières africaines et aux problèmes qu'elles posent dans la zone sahélienne: Burkina-Faso. Mali, Mauritanie. Niger, Sénégal, il est bon, en effet. de mémoriser quelques chiffres-clés pouvant servir de points d'appui à l'analyse, D'abord il est indispensable de savoir que la population rurale de ces pays représente deux tiers ou plus de la population totale. Il est aussi utile aussi d'enregistrer que la part du secteur primaire dans le PIB ou la Production Nationale est de l'ordre de 20 %. Il en résulte que la valeur ajoutée par habitant des villes est huit fois plus élevée que la valeur ajoutée par habitant rural. Celte dernière est de moins de 50 000 francs CFA par an. Ensuite en ce qui concerne les surfaces, un chiffre et quelques proportions téritent d'être retenus. Les surfaces cultivées représentent la % ou moins t (7) Idi Carras NIANE. La question foncière, Séminaire du Conseil Economique el Social (CES) sur " l'Après-Barrage" 1-3 juillel 1987, Dakar 203 encore de la superficie globale des pays ; les surfaces cultivables moins de 20 % ; la surface cultivée par habitant rural moins d 'un, hectar~. Sur les surfaces cultivées, les cultures pluviales sont actuellement très largement prédominantes: 95 % et les cultures irriguées aujourd 'hui très minoritaires: moins de 5 % mais les rendements de ces dernières sont environ de dix fois ~dements des prentlères. Au chapitre de l'eau il est utile de bien noter que les ressources en eau mobilisables concernent les fleuves à concurrence de 90 %, les eaux souterraines pour le reste, soit 10 %. Le potentiel d'eau utilisable pour les cultures (1 'hydraulique agricole) représente probablement de 4 à 5 fois la consommation d'eau totale nécessaire aux besoins des hommes, des animaux et des industries du pays. Pour comprendre ces problèmes, il faut avoir également une idée de la répartition des terres entre possédants. Malgré l'absence de statistiques fiables, il semble que la répartition, au Sénégal, ne soit pas totalement exempte de certaines inégalités notamment pour l'agriculture dans son ensemble entre « moyens possédants» et « paysans sans-terre» ainsi que dans l'agriculture pluviale où existent quelques fortunes foncières de grande dimension. Si l'on prend une référence européenne le modèle de répartition se situe probablement entre le modèle anglais et le modèle français. Dans cc contexte on peut se poser la question de savoir quels sont les enjeux de la question foncière. Le tenne enjeu est ici entendu comme ce que risquent de gagner ou perdre les participants à un jeu ou à une activité économique. Les enjeux fonciers, tous très importants, ont à la fois une dimension nationale et une dimension internationale. Ces deux niveaux ne sont pas séparés par des cloisons étanches, bien au contraire. Au niveau national, la première série d'enjeux pourrait être appréhendée par la question suivante: la vieille et sinistre prédiction de MALTHUS trouvera-t-elle encore longtemps confinnation dans un pays sahélien comme le Sénégal? La prédiction faite au XIX" siècle par ce pasteur anglican dit, que l'accroissement démographique naturel l'emportera toujours su r l'augmentation possible des productions alimentaires. L'agriculture sahélienne, à défaut de la démographie, lui infligera-t-elle bientÔt un démenti? Si oui, on satisfera aux objectifs d' au Losuffi sance et à la sécurité alimentaire des populations. En combien de temps? La révolution agrofoncière qu'implique l'expansion des cultures irriguées est seule capable d'accroftre significativement la productivité et les rendements du secteur agricole dans son ensemble. Cene révolution s'inscrira dans la durée. Pour de multiples raisons et notamment le financement des aménagements des surfaces irrigablcsne sera pas trouvé avec facilité dans cette période de crise 204 financière grave; il faudra également du temps pour la reconversion des paysans majoritairement occupés aujourd'hui aux cultures pluviales auxquelles sont associées des techniques séculaires et millénaires. On peut également se demander - ce sont d'autres enjeux - si les risques sanitaires et écologiques liés à ces changements seront maîtrisés et surtout si les nouvelles politiques agricoles en œuvre ici ou là réussiront à enclencher le développement de l'économie toute entière. Toujours au niveau national, la seconde catégorie d'enjeux concerne la répartition de la richesse foncière et du pouvoir qui y est attaché. La sécheresse n'est pas au Sahel une invention. Le facteur le moins bien maîtrisé étant l'eau, il est souvent dit: qui tient l'eau, tient la terre qu'elle peut irriguer... et le reste. Qui donc est maître de l'eau? Actuellement c'est l'Etat, en fait et en droit: par les grands barrages qu'il a édifiés, par exemple sur le fleuve Sénégal, œuvre conjointe de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali pour un coOt de 220 milliards de FCFA. Dès lors, le principal enjeu de la répartition foncière apparaît clairement: c'est le potentiel de cultures irrigables (240 000 hectares pour la seule rive sénégalaise du fleuve du même nom, aptes à tripler le volume actuel des productions végétales du pays). Que fera l'Etat du pouvoir qu'il détient? En laissera-t-il prendre la part du lion par certains gouvernants et fonctionnaires en place ou retraités? Pour ne pas scier l'une des branches sur lesquelles il est assis, invitera-t-il à la table du partage les maîtres traditionnels de la terre, famille nobles et chefs religieux susceptibles de venir à cette table accompagnés de leur influence sur la population rurale électoralement majoritaire? Ou bien, comme il semble vouloir le faire au Sénégal, l'Etat déléguera-t-il son pouvoir et la répartition foncière sera-t-elle, pour la plus grande part, décidée àîa base par des communautés ou des conseils ruraux? Sur quels critères ces conseils fonderont-ils l'auribution des terres et quelle sera leur attitude vis-à-vis des postulants nationaux venus d'autres régions ou d'autres ethnies que la leur? Pour délimiter tous ces enjeux, il faudrait encore penser d'une part à l'électricité qui suivra l'eau, d'autre pan au « foncier des villes,. qui s'ajoutc au « foncier des champs,. et inllucnce l'équilibre des populations urbaines et rurales. Au niveau international, le premier enjeu est inlCrafricain : les pays de la wne parviendront-ils à tenne à faire de leur coopération réussie pour la mise en valeur des terrcs et de l'eau (type OMVS(S) ou Commission du Reuve Niger) un levier efficace de leur intégration économique? La seconde catégorie d'enjeux internationaux concerne l'accès dcs étrangers à l'agriculture et l' agro-industrie locales: dans quclles limites seront-ils acceptés sinon recherchés et comment seront vécues les possibilités de coexistence entre le salariat auquel a habituellement recours l'agro(8) Organisation de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal. 205 industrie internationale et l'agriculture coopérative ou familiale diversifiée qu'il est souhaitable d'encourager? Comment va-t-on arriver à rendre compatibles la volonté légitime de sauvegarder la base foncière, de l'indépendance et du désir bien compréhensible de s'écarter de la marginalisation en participant à une économie mondiale caractérisée notamment par la croissance des capitaux transnationaux? Enfin, quels sont, pourrait-on dire, les tiercés gagnants c'est-à-dire les combinaisons productives à base de terre, d'eau et de soleil que peuvent appliquer les politiques pour prendre une meilleure place dans le jeu économique mondial des avantages compétitifs? Tels sont, brièvement décrits, les principaux enjeux de la question foncière dans les pays du Sahel en général et au Sénégal en particulier. b) Dans les pratiques foncières traditionnelles quelles sont les parts respectives de l'individualisme et de l'esprit communautaire? C'est une question importante notamment pour ceux qui, en scrutant le passé et ses survivances tentent d'imaginer des scénarios possibles pour l'agriculture sénégalaise. On présente très souvent les régimes fonciers de l'Afrique traditionnelle comme fortement empreints d'un esprit communautaire voire marqués au sceau du collectivisme; ceci permet de les opposer radicalement aux régimes européens ou occidentaux où prévaut la propriété de type individualiste. Cette présentation appelle de sérieuses réserves, à tout le moins, d' im portantes précisions pour prévenir le risque de certaines confusions. Au Sénégal, le droit traditionnel de la terre est certes, généralement, un droit d'appropriation ou d'usage du sol de type communautaire. C'est d'ailleurs cela qui explique, pour les théoriciens de la 4( voie africaine du socialisme », le caractère communautaire et non individuel des formes de propriété notamment dans les campagnes. Encore faut-il préciser le sens de l'adjectif communautaire: il renvoie à la notion de lignage (groupe de filiation unilinéaire dont tous les membres se considèrent comme descendant d'un ancêtre commun ou d'une ancêtre commune). La propriété est donc lignagère et la terre, celle des ancêtres, est en principe inaliénable et indivise. C'est la règle. Mais en Afrique comme partout dans le monde, le droit est flexible et les comportements ou pratiques peuvent s'écanerde la règle. Le caractère communautaire du régime foncier traditionnel est loin d'exclure tout individualisme. A l'intérieur du lignage tout d'abord, rien n'empêche l'entrée en concurrence des stratégies individuelles et les luttes entre aînés et cadets, entre hommes et femmes sont choses bien connues. il faut observer en second lieu que les sociétés ou communautés rurales, parfois très hiérarchisées, ont été et sont encore souvent dominées par des 206 féodalités : les maîtres de la terre dans certains lignages, à l'exclusion d'autres, forment le groupe important. Le régime foncier communautaire n'est donc pas du tout synonyme de collectivisme égalitaire et il se mêle à un individualisme marqué. Pour ravoir oublié ou négligé, de nombreux projets de collecti visation de l'agriculture (au sens européen du terme) se sont soldés en Afrique, par des échecs cuisants. Mais il y a plus, Si dans les pratiques foncières traditionnelles, l'esprit communautaire est indéniable, il est aussi très fortement présent dans la sphère des activités de répartition des fruits de la terre ainsi que, dans celle de l'habitat et des activités domestiques, il est en revanche beaucoup moins répandu dans la sphère des activités de production: les tenures individuelles existent depuis bien longtemps et le travail productif est pour une large part. celui de lïJ1dividu ou de la cellule familiale restreinte. Or, c'est dans cette sphère que 1" eau maîtrisée des fleuves est en train d'in troduire de grandes mutations dans le secteur agricole. Les modalités d'utilisation de l'eau pour la terre seront ou devront être demain nettement plus individualisées tant sur le plan technique que sur le plan financier. A l'eau des pluies gratuite mais aléatoire se substitue une eau des fleuves régulée par de grands ouvrages hydrauliques dont le coût sera financé en partie par les seuls utilisateurs: c'est là un premier facteur d ., ind ivid ua 1isat ion. Le second facteur tient au fait que l'eau est amenée sur les surfaces ~j irriguer par des matériels d'aménagement plus ou moins individualisés et ce la contribue à la croissance rapide du nombre de périmètres ou d 'exploitat ions pri vés. . Cette privatisation est certes possible àdivers degrés al\ant de l'individu e xplo itan t à des grou pements de prod ucteurs. Et ce rta ins con~'oivelll qu' elles ruis,ent a fJriori avoir pour surr0rt juridique. soit un droit de propriété pri vée. soi t un droit d ·usage. Dans tous les cas de figure, la composante individualiste que les pratiques foncières traditionnelles colllenaient déjà à dose non négligeable, verra son importance accrue dan, le cadre d'une agriculture qui se veut intensive et rèffol'l11ante donc qui ouvre l'accè~ au ~ol aux petits exploitants porteurs de rrogrès. Les rouvoirs rublics prennent comcience de celle évolution et devront donc veill~r à ce que la dose supplémentaire de ce tigre individualiste mis dans le Il.1Oteur de ce que certains auteurs appellent « le génie communautaire du régime foncier africain de toujours »(9). (9) Cette expression est employée lkllls l'exposé des motifs de la Loi sénégalaise sur le domaine n...tiol\al de 1964. 207 c) La propriété privée du sol est-elle le régime le plus apte à promouvoir le développement agricole? Cette question conduit au cœur du principal problème foncier posé à l'ensemble des pays sahéliens où la propriété privée de la terre est très peu répandue voire quasi inexistante et cela; malgré les politiques de libéralisation en cours dans la presque totalité de ces pays. Elle exige une réponse très claire même si la clarté n'exclut pas certaines nuances. fi faut d'abord, en la matière, se garder de tout manichéisme et écarter les raisonnements à l'emporte-pièce qui se contente de deux identités particulièrement simplistes: - propriété privée = individualisme; Afrique communautarisme. = La combinaison de ces deux propositions aboutit à la conclusion que l'Afrique et la propriété privée de la terre sont comme l'eau et le feu, donc à jamais inconciliable. Ce jugement relève de la caricature et non seulement il est faux il est plus dangereux car prononcé au mépris de la moindre observation des faiLs et réalités. En analysant les pratiques foncières africaines, un constat plus nuancé s'impose et peut être établi dans les termes suivants: la LOnalité indiscutablement dominante des régimes fonciers de l'Afrique de toujours est celle de l'esprit communautaire. Ce ton est effectivement un facteur de nette différenciation de ces régimes par rapport à leurs homologues occidentaux. Mais nous disons « différenciaÙon ~ et non « opposition irréducùble ~ tout en soulignant au passage que: - l'essence de cet esprit communautaire est peut-être l'une des pius grandes richesses de l'Afrique et qui est largement restée mal connue, économiquement et socialement mal uÙlisée ; - son dosage rencontre des variations, parfois importantes, selon les grandes zones ou même les pays (et leurs régions) du continent. L'esprit communautaire irradie un système de valeurs qu'il faut sérieusement préserver car il représente tout à la fois pour les agriculteurs une assurance de leur survie, un moyen de sauvegarder leur identité et finalement leur dignité. Accepter de regarder cet esprit communautaire à la place qu'il occupe (la première) n'empêche nullement de voir qu'il a toujours, dans la réalité, l'individualisme pour compagnon. Donc, les deux composantes sont intimement mêlées. A l'Etat et au législateur, d'en tirer toute la leçon sous peine de voir leurs lois et règlements rejetés par les populations. Sans nul doute, la majorité des paysans souhaitent exercer un droit de propriété privée sur leur principal instrument de production. Cela est déjà 208 enclenché dans le processus hydra-agricole actuel. Le maillon qui leur manque pour 'lU 'ils s 'engagent et investissent dans la valorisation des terres irrigables. c 'est la reconnaissance par le droit de cette situation. Le défaut de titre foncier bloque. par ailleurs. l'accès au crédit agricole nécessaire à l'investissement dans les aménagements, le matériel agricole et les intrants. Sans l'assurance de pouvoir à son gré. conserver la terre améf!.agée et valorisée, sans la cellitude de pouvoir transmettre cette terre à ses descendants. le paysan sénégalais ne se laissera jamais prendre au piège d' une modernisation creuse. Son intelligence millénaire et son pragmatisme le lui interdiront. Il ne s'investira pas et on ne voit pas quelle logique au monde pouITait lu idonnertort. A cela. il faut immédiatement ajouter que cette aspiration paysanne se double d'un indéniable besoin de stnIctures communautaires: habitués à peser les risques et à les diversifier. habitués à une vie sociale, ils mesurent les conséquences de l' indi vidualisation de l'exploitation notamment en cas de maladie. d'avaries naturelles ou de diffïcultés à gérer selon le nouveau modèle. C'est dire que le p13idoyer en faveur de la propriété pri vée est le contrai re d'un appel à la liqu idation des traditions africaines. Il est l'affim1ation que ces traditions peuvent prendre la place qui leur revient dans un processus véritable de modernisation de l'agriculture pour peu que les pou\'oirs publics veillent à ce que la propriété privée puisse renforcer les initiati\es paysannes d'inspiration communautaire: groupements de producteurs. associations villageoises. de jeunes. etc. Il serait vain de vouloir substituer à ces iniriative.s dcs intervcntions étatiques lourdes. paralysantes et inefficaces. Reste donc, en guise de conclu~i()n à définir les principes d'un régime de propriété du sol rural correSp()nJ~U1t à ce processus de modern isat ion rée Ile de la société rurale sénégalaise, réduis ~I l'essentiel et pour les surfact's irrigabks. ces principes concement quatre éq ui 1ibres qu'il faut préserver. Le prem ier d'entre eux trace ulle ligne de partage entre J'initiative de l'Etat et celle des ind ividus: par exem pIe un tiers des surfaces pourraiel1l être propriété de l'Etat. deux tiers de propriétés individuelles attribuées par des conseils nIraux. A l'intérieur de chacun de ces deux espaces. observol1s qut' peu\cnt jouer conjointement l'indi\'iduel et le collectif: l'Etat peut. en effet. dans le premier espace cOllcéder la terre à des individus (hol1lmes d'affairt's) tandis que les propriétés d'individus (ou de groupt'ments) sont. dans le second espace. attribuées par des stnIctures communautaires. Ces dernières aurlll1t intérêt il ménager deux autres équilibres dans leurs attributions: le premier d'entre eux est la ligne de pal1age entre autochtones er allochtones (2/3-1/3), Le second correspond à une f()urchette" mini-maxi ), (ü titre d'exemple celle fourchette est de 1 à 3 hectares en Corée du Sud). Pour réal iser le quatrième équilibre. l'Etat et les conseils nIraux se concertent pour la répartition entre nationaux et étrangers. Nos chiffres sont de simples repères: 2()t) ils n'ont pour d'autre but que de meure l'accent sur ccrtains points pour mieux éclairer et lancer le débat dont la complexité exige qu'il reste ouvert le temps qu'il faut aux acteurs intéressés pour réfléchir et s'exprimer avant d'arrêter leurs choix. Au total, ce délai évoqué et durant lequel pourraient être observées des expériences de propriété privée est également celui qu'il faut pour que les possédants traditionn~s reconnaissent l'accès à la terre des non-possédants, pour que les objectifs des producteurs et des « décideurs» s'harmonisent, pour qu'un paysage agricole (cultures, arbres, animaux) se crée dans les régions de cultures irriguées et pour que le cycle complet de ces cultures (de l'approvisionnement à la commercialisation) soit maîtrisé. Accepter de « prendre ce temps» accélérera l'avènement d'une agriculture capable d'atteindre l' autosu ffisance et la sécurité alimentaires. 4) Participation populaire au développement rural et promotion de la femme . '} s prob mes techno-a ronomi ues et de croissance uantitati en el es-memes bien Insuffisantes pour assurer le succès ~ Q u e alirajrc composante e' n , < conomlque et social. Il faut y ajouter la dimension participative des populations à l'élaboration, à l'exécution et à la gestion de l'ensemble de la politique du développement rural. Pour ce faire, comme le souligne Louis Emmerij, il faut inventer un nouveau régime politique capable de décentraliser le pouvoir de décision économique et de faciliter la panicipation de tous les acteurs du jeu économique aux institutions et au système qui les gouvernent. Pareil régime devrait confier plus de responsabilités aux entrepreneurs du secteur informel rural et un bain, aux coopératives, aux villageois et à tous les opérateurs de la vie économique. Ainsi on ouvrirait le champ aux investissements, à la créativité, à l'esprit d'entreprise et à l'innovation. On ne soulignera jamais assez que la carence des orientations et structures agraires ainsi que l'absence de participation populaire sont des obstacles majeurs au succès des programmes agricoles. Il devient alors indispensable de mettre en place une stratégie globale et cohérente qui élimine les obstacles à la participation. La participation populaire conçue comme moteur du processus de transformations et de mutations des campagnes comprend au moins deux volets essentiels: - - la décentralisation et la création de structures adéquates d 'organisation de la panicipation des populations rurales; 210 - et la promotion de la femme dans la société civile comme partenaire à part entière et responsable du développement. Bien souvent, la participation des populations est réduite au premier volet concernant ses aspects organisationnels et institutionnels. A la Conférence internationale sur la participation populaire dans le processus de redressement et de développement (Arusha, 12-26 février 1990), le Secrét~re Exécutif de la CEA, le Professeur Adébayo ADEDEJI observait dans son rapport introductif que « le développement authentique et auto-entretenu ne peut que se traduire par la transformation du peuple qui apporte le changement, sa culture, son attitude à l'égard du travail, ses conceptions et compétences ainsi que ses systèmes sociaux. Ce développement auto-entretenu exige, partout en Afrique, la politique de consentement et de consensus, la politique de la conviction et de l'engagement, la politique de la comparaison et de la responsabilité »(10). Cette préoccupation doit être largement partagée dans les pays sahéliens où les organisations rurales ont été relancées, dans les durs moments de la grande sécheresse (1972-1984), pour mobiliser les populations afin de faire face aux conséquences désastreuses de cette calamité naturelle par la construction de puits, de micro-barrages, de banques de céréales, d'approvisionnement en produits de première nécessité, dé commercialisation des céréales. Dans cette lancée, la Rencontre Régionale de Ségou (21-25 mai 1989) sur les expériences de concertation avait reconnu l'impérative nécessité d'assurer la participation des populations rurales à toutes les échelles des politiques qui les concernent directement. En la matière, les expériences vécues dans chaque pays avaient mis en exergue la nécessité de : - organiser un monde rural conscient de son rôle dans le développement de la nation, du village et du terroir; - constituer une force permettant au monde rural d'être associé aux prises de décisions; - promouvoir un auto-encadrement et une autogestion des actions et des projets par la formation, la recherche d'expertise, etc. ; - établir des relations contractuelles avec l'Etat, les ONGs, les autres organisations villageoises et les donateurs, afin de bénéficier de l'appui continu des uns et des autres. L'ampleur des débats et surtout la pertinence des conclusions, commandent un rappel complet des propositions d'orientations et de recommandations sur ce qu'il importe de faire pour réaliser une participation effective du monde rural à l'élaboration et à la gestion de la stratégie du développement rural: (10) C.E. A., Charte Africaine de la participation populaire. E/ECA/CM 16/11. 21 J a) En direction du monde paysan La problématique est de dégager W1 cadre qui puisse prendre en charge des éléments capables d'intégrer positivement les paysans dans le développement économique et social, assurer leur participation à la >,ie politique et démocratique. li s'agit de: - prendre conscience de la nécess!~e de l'organisation du monde paysan pour constituer une force; - prendre aussi consciencc dc la néccssaire participation de la femme au développement du monde rural: - travaillcr à la mise cn place de structures organisationnclles adéquates; - concrétiser leur esprit d'initiative et de volonté dans les actions visant la satisfaction des besoins fondamentaux du terroir: - mobiliser les ressources potentielles (matérielles, humaines) en vue de tendre vers l'autonomie de gestion, condition d'un développement durable au Sahel; - favoriser et soutenir l'cffort de la femme pour le développement. b) En direction de l'Etat Il est maintenant bien admis que l'Etat, au Sénégal comme en Afrique, doit continuer à jouer un rôle de premier plan en lraçm1t une di rection stratégique aux opéraleurs nationaux et en mettant en œuvre les politiques de redressement économique et financier et en mobilisant toutes les énergies et ressources autour d'un projet national global et cohérent. Pour ce faire, il doit se reformer profondement. Toutefois, les réfonnes proposées de l'Etat dms le cadre des politiques d'ajustement structurel sont réduites à un amaigrisscment, à la privatisation des entreprises publiques déficitaires. Bien que ces orientations soient importantes, la réforme de l'Etal doit aller beaucoup plus loin et impliquer la rationalisation de son fonctionnement administratif, la redistribution des fonctions dans le cadre d'un processus de décentralisation, ainsi que l'instauration de nouvelles règles du jeu dans les rapports avec le reste de la Société Civile. Au niveau de l'agriculture, l'Etat doit exercer des fonctions importantes d'organisation du secteur en vue d'un accroissement et d'une diversification de la production agricole. Pour ce faire, il impone de créer les conditions optimales pour favoriser la participation du paysan à un développement durable au Sahel ; Pour ce faire, il est recommandé de : - prendre des mesures administratives, juridiques et financières pour faciliter l'organisation des paysans, leur formation, leur information et leur accès à la terre et aux facteurs de production (crédit, intrants, équipement, etc.) ; 212 - définir les règles de participation au développement entre les différents partenaires (Etat, paysans, donateurs) ; - assurer une santé à l'ensemble du monde rural, spécialement la mère, l'enfant. et les populations des périmètres irrigués; - permettre au monde rural de prendre en main ses responsabilités; - valoriser les efforts du monde paysan par l'organisation des marchés. c) En direction des donateurs - soutenir les efforts des Etats sahéliens et les initiatives des paysans en vue du développement du terroir Pour cc faire, il faut: - réviser et adapter leurs procédures d'intervention; se coordonner entre eux, et également entre eux et l'Etat; favoriser et soutenir l'effort de la femme pour le développement(ll). Il faut bien observer que l'approche du développement participatif par la base n'est pas toujours compatible avec les institutions souvent centralisatrices, bonapartistes et jacobines, ni avec les pratiques politiques et sociales fortement enracinées. Il faut des réformes de mise en hannonie. Le moyen institutionnel pour y arriver est l'application d'une décentralisation qui devrait aboutir à un vérilable exercice du pouvoir à la base, c'est-à-dire au niveau local. La participation directe aux institutions locales devient véritablement l'école du citoyen réellement actif(l2). Soulignons le, les administrations africaines dans leurs formes mimétiques actuelles ne peuvent pas œuvrer à un développement endogène, autOnome qui implique pour son animation ct sa gestion que soit mise en œuvre une autoadministration. Cette exigence conduit à préciser le contenu qu'on entend donner au développement endogène. Il s'agit d'un développement autonome, par les buts qu'il s'assigne et plus accessible par les moyens qu'il met en œuvre, un développement qui vise prioritairement la satisfaction des besoins des couches populaires ainsi que la prise en charge par celles-ci de leur desLin et des chances de s'épanouir données à chaque peuple. L'auto-développement en tant que moyen de démocratisation très avancé et de responsabilisation des acteurs à la base, est particulièrement décrié et combattu par les administrations classiques dont les agents s'enrichissent par le trafic d'influence, les commissions sur les marchés publics, les circuits (II) OCDE-CILSS, Rapporl Final de la Renconlre Régionale de Ségou sur la geslion des lerroirs sahélÙ!ns, 1989, Sahel 0(89) 335, p. 48-49. (12) Moust.apha KASSE, DémocraJÎe el Développemenl, Editions NEAS-CREA, Dakar 1991. Voir notamment le chapitre Il intitulé" La dimension institutionnelle: la décentralisation composante indispensable de la démocratie », p. 57 -74. 213 d'import-export et la spéculation immobilière. La nouvelle administration qui devrait en résulter aurait pour mission principale d'être une autoadministration dont le principe directeur serait la participation populaire effective. n s'agit d'octroyer aux populations des pouvoirs qui jusque là avaient été réellement exercés par le centre de l'administration ou par délégation par des organismes ou sociétés publiques ou parapubliques comme les SDR. Il faut éviter, cependant, l'octroi de pouvoirs fictifs qui favorise le développement incontrôlé de la bureaucratie, incontrôlé parce que cette bureaucratie n'est pas reconnue, qu'elle n'a pas de fonction précise, qu'elle n'a pas de fonction juridiquement délimitée et qu'elle usurpe une place qui, dans la représentation officielle de la structure, est remplie par les populations de base. La participation revêtirait alors des formes simplement parodiques et dévoyées. Pour que la participation soit réelle, les populations doivent être organiquement associées aux discussions à tous les niveaux, à la formation, à l'exécution, à la gestion, au contrôle et à l'éducation. Il est clair que la décentralisation ne peut s'embrayer sur les structures administratives actuelles : leur mise en œuvre passe par une modification en profondeur de toutes les institutions politiques et administratives fondées sur les habitudes séculaires du centralisme et de la délégation. Ce sont des organes nouveaux qu'il faut meure en place avec des contenus nouveaux permellant à chaque collectivité de prendre en charge au maximum ses propres affaires. Cela passe par la solution des trois questions: - Quelles compétences sont à transférer? - Quels en sont les bénéficiaires? - Sur quelles ressources compter? Comment les mohiliser? Dès lors, il convient de distinguer cette participation populaire du folklore auquel on l'assimile d'ordinaire. L'ampleur des tâches de redressement économique el social, de relance des activités agricoles appelle impérativement la participation populaire qui est d'un apport décisif au triple plan économique, politique et social. D'un point de vue économique, l'un des leviers du développement apparaîl dans la masse de travail qui peut être rendue possible, si la population agit en direction d'objectifs qu'elle choisit et ratifie, en d'autres termes, si elle partage les finalités du développement. Nous devons avoir présent à l'esprit que le développement est l'utilisation optimale des ressources et du temps et qu'il requiert la mobilisation des bras et des énergies à partir d'un programme cohérent fondé sur le bien commun. Il s'y ajoute que nombre de réalisations notamment les écoles, les dispensaires, les routes présentent un intérêt local ct peuvent être prises en cha'rge à ce niveau, au moment où les finances publiques sont déficitaires. C'est dire que la décentralisation apporte des 214 réponses locales aux problèmes de certains besoins sociaux. Surtout, elle pcnnet de mieux associer l'ensemble des citoyens à la production mais aussi à l'organisation de la solidarité. Le blocage politique et institutionnel d'une société intervient lorsque les citoyens ne sont ni concernés, ni impliqués, ni préoccupés par le fonctionnement des différentes structures du pouvoir central qu'ils estiment distantes et impersonnelles. Cela est clairement perceptible dans les processus de démocratisation qui apparaissent dans leur forme actuelle comme une affaire propre aux villes. La décentralisation brise ces difficultés et renvoie à la préhension et à la solution des problèmes au niveau local. Pour être réelle et effective, elle doit reposer, au-delà de l'autonomie à la base, sur quatre autres idées majeures à savoir: - la collectivité décentralisée doit avoir la personnalité juridique avec tout cc que cela comporte comme conséquence notamment sur le contrôle des ressources matérielles et humaines, un budget autonome et la capacité d'ester en justice; - la gestion des affaires doit être libre et en conséquence ne point empiéter sur celle de l'Etat; - l'accession à des pouvoirs étendus doit se réaliser par des élections libres et transparentes; - le contrôle du pouvoir central doit s'exercer dans les limites fixées par un texte précis. La décentralisation administrative doit s'accompagner de son pendant économique dont elle favorisera du reste l'émergence, ce qui devrait contribuer à fixer les populations dans leur terroir, équilibrer le processus du développement sur le plan régional et limiter l'intervention de l'Etat aux seules impulsions et coordinations de tout ce mouvement. Dès lors une décentralisation bien menée fait nécessairement converger, liberté et responsabilité car les citoyens trouvent les moyens de la responsabilité, les chemins d'une liberté créatrice en prenant une part très grande dans la détermination de leur desùn individuel, comme de leur desùn collectif. Ainsi chaque individu peut s'expliquer en toute liberté et participer aux décisions qui affectent son existancc. Très tôt, les autorités sénégalaises, suite aux recommandations du Père LEBRET, auteur du premier plan de développement, ont compris qu'aucun programme de développement ne pouvait être mené à terme sans la participation de ceux-là même qui en sont les principaux bénéficiaires et qui devaient en être aussi les promoteurs et les réalisateurs. L'homme disait le Président L.S. SENGHOR « est au début et à la fin du développement ». Dès lors, les pouvoirs publics se sont attelés à créer les conditions d'une participation effective des populations par la mise en place des structures que 215 sont les communes et les communautés rurales conçues et mises en œuvre par le Président du Conseil, M. Mamadou DlA(l3). A travers ses écrits, comme sa pratique gouvernementale, il était très tôt convaincu que le développement procède de l'intérieur et qu'il fallait stimuler l'initiative locale. Si la création des communautés rurales remonte à l'indépendance Ooi du 13 janvier 1960), il faudra attendre l~ loi 72-25 du 19 avril 1972 pour voir leur réorganisation dans le sens d'une participation plus effective au développement par la prise en charge de certaines opérations d'investissements productifs ou sociaux. La communauté rurale cellule de base du nouveau cadre institutionnel est une personne morale de droit public, elle jouit de l'autonomie financière. Constituée par un certain nombre de villages appartenant au même terroir et unis par une solidarité résultant de l'ethnie ou du simple voisinage, la communauté rurale regroupe, en conséquence, des populations possédant des intérêts communs et capables de trouver les ressources nécessaires à leur développement. Dès lors, il apparaissait clairement que si le Sénégal voulait impulser un développement durable, il devait compter de façon croissante sur les ressources internes, la disponibilité de l'épargne extérieure n'étant ni pennanente, ni gratuite. Une mobilisation plus intense et une allocation plus efficiente des ressources s'imposaient déjà comme une des premières priorités en matière de politique économique. C'est pourquoi, les pouvoirs publics devraient effectuer le transfert direct aux populations de certaines dépenses de développement prises en charge jusqu'alors par le budget. Il s' agissai t là d'une réponse appropriée à la nécessité de dégager davantage de moyens internes. La réfonne administrative et territoriale de 1972 était conçue comme un instrument de décentralisation du financement du développement. Elle devait penneltre une redistribution des activités économiques et des dépenses entre l'Etat central et les populations afin d'amener celles-ci « à prendre en charge (13) Mamadou DIA esl la figure de proue, depuis l'indépendance jusqu'à nos jours, du socialisme aUlogeslionnaire. Il en a élé le Ü1éoricien, son œuvre en allesle largemenl. On consultera avec inlérêl : Nalions africaines el solidariJé mnndiale (PUF, Paris) el Réj7.eJ.ions JIU l'économie de l'Afrique Noire (Présence Africaine). Même l'écroulemenl du système socialiste mondial n'a nullemenl enlamé un lam soil peu ses convictions. La preuve, il écril dans Leure d'un vieux milÎlanJ : Face à la faillite des méiliodcs de commandemenl dans les pays socialisles, face aux drames sociaux du libéralisme économique, il n'y a pas d'aulres voies que ce oc socialisme à visage humain, un socialisme aUlogestionnaire basé sur l'exercice réel des pouvoirs politiques el économiques par les communaulés de base,. (p. 170). Le Présidenl Mamadou DIA a élé égalemenl l'initiateur el le père-spiriluel de toule la réforme territoriale el locale donl les décrelS d'application onl élé pris en 1960 après sa déclaration historique devanl l'Assemblée Législative du Sénégal. 216 elles mêmes certaines actions de développement » à travers des structures spéci tiques. Toutefois, malgré la réforme, le financement des communautés rurales est resté très aléatoire. Cela ressort clairement dans le budget-type ainsi structuré : BIpartition tait. par l'Btat - Ri.tourn•• au titre 4e. iapOt. diroçta Mini.ua rfaeal Contribution de. pat.nt •• Licence. lapOt. ronciera bitl It non blti Ro.te• • rlcouvrer li.tourne• •ur II produit do. . .onde. et jUlemont., Produit 4. la tal' rural• •t du fonda de .oli4&rit6 - Portion de la taxe rurale (;~~ r.couvr6••ur 1. tlrritoirl de la eo.nuv.ut. ) - R•• t ••• r.couvr.r - Participation du 10n48 de .olidarit. Produit d, l, t&49 .ur le. animaul • Produit de la taxe .ur 1•• ani..ux por9u. aur le t.rritoir. 4e la Co..u.nau 16 Rural. Erodgit Au dpMine - I •• te• • r.couvr.r - Tax. de rourri~r. leyenu du patrilQine l'deVance. pour .,ryice. rendy. R.cett •• ordiQAir•• diyer••• Becett ••• ection extra-ordinaire - Bxc'dent. 4e clOture Pon48 d'ttIISlrunta Autre. r.cett •• extraordinaire. Mouve.enta rinanciera On peut remarquer que la taxe rurale est la principalc ressource du budgct. Pourtant, communauté rurale n'cn perçoit que 75 %. L'Etat prélève le reliquat, soit 25 % afin de conslituer un « Fonds National de Solidarité _. Ce dernier est ensuite réparti sur l'ensemble des communautés rurales, permeltant de subventionner les petites communautés rurales par les plus grandes. Il se trouve qu'en réalité, les sommes perçues restent généralement dans les Caisses de l'Etat et sont utilisées à d'autres fins(14). .8 (Ure la fiOle 14 p. 218). 217 Le problème crucial de la décentralisation est la faiblesse des finances locales. La taxe rurale existe très insuffisante pour financer les besoins de développement des communautés rurales. A ces lacunes, il faut également ajouter des difficultés réelles de perception dues à : - l'imprécision des données du demier recensement démographique dans les villages ne permet pas de fixer précisément la masse de contribuables: - la sous-estimation de l'assiette fiscale par méconnaissances des revenus et des activités ruraux; -la mauvaise disposition de certains villageois puissants à payer l'impôt. L'ensemble de ces facteurs limite sérieusement les recettes fiscales des communautés rurales. Cette faiblesse des ressources budgétaires des communautés rurales contribue. évidemment, à limiter leur capacité d'investissement. donc d'intervention dans le système productif local. Ne disposant que de la taxe rurale. le budget ne peut ainsi couvrir J'ensemble des dépenses, De plus. le conseil rural n'a aucun pouvoir de contrôle sur les dépenses engagées: il se contente uniquement de voter un budget présenté dans une langue et dans une technique totalement incompléhensible de la plupart des conseillers. Parce biais le représentant du Pouvoir central le souspréfet. renforce ses prérogatives réelles et dispose par la bourse du contr{lle effectifdu fonctionnement de la Communauté Rurale. Il ya un contournement de la réforme par les financiers comme dit radage qui tient la bourse tient le reste. Ainsi per~'u, le budget de la collectivité locale cesse d'être considéré comme le bien exclusif de celle-ci. qui n'est pas seule il décider de son utilisation. Les Collectivités de base connaissent parconséqucnt d'énorme" difficultés financières aggravées par des détoumements. En prenant le cas de la Région de Thiès qui est réputée assez riche du fait de l'importance et de la diversité des activités qu'elle abrite, les illlp{l!'. SOl1l perçus autour d 'un taux moyen de 5 o/c:. De telles ressources sont loin de répondre aux ambitions économiques et sociales à savoir: la mise en place de rée 1s Illoyens de déve 1oppement décentra} isés au nÎveau des pet its exp loil ants dépourvus de moyens pour financer leurs activités. Cepend<uH. après dix années de fonctionnement. les communautés rurales ont révélé des insuffisances quant à leur efficience dans le contexte d'une politique effective d 'association et de responsabilismÎon du mom!c rural dans le processus de développement. Ces insuffisances procèdent (fun ensemble de facteurs dont les plus significalifs SOllt : (14) Le PI' Mactar DIOUF a réalisé ulle évaluatioll sYlllhé1l4ue Cl reman-luahk cie celle du modc c1c lïnanccmcl1l c1es Comrnunaulés Rur,ùes el a Illl'Ille rro!Xlsé une eS4uissc cie Solulion dans UIlC étucle intituléc: La l'IIl/lijï('(Jlirl/l réR/lillolc (/11 Sél/(;go! .' (;llIde des l'el/I.I I)mjels {OCl/II.\" dc dhtfoll/lCII/CIII l'II lI/iliCIi rllm{, CREA, DaLu·, 1981.91 r.). CU'CIlCC 218 - la fragilité des supports économiques et surtout l'inadaptation du système coopératif. Ce système coopératif comme nous l'avons déjà analysé, est en réalité un régime libéral qui ne peut être un support véritable à une profonde transformation du monde rural surtout de ses rapports sociaux traditionnels; - l'absence d'une exploitation judicieuse de la Loi sur le Domaine National de 1964, dans un sens socio-dém~crate, ce qui devrait se traduire par la remise de la terre aux paysans par des formules communautaires et individuelles; - la non transformation des communautés rurales en entités politiques autonomes; en d'autres termes, les décisions ne sont pas suffisamment décentralisées pour permettre aux paysans de panicipcr aux discussions à tous les niveaux, à la formation, à la gestion, à l'exécution et au contrôle. Observons, enfin, que les ressources des communautés rurales, leurs origines et leurs destinations ne relèvent pas de la logique d'une gestion rigoureuse et contrôlée. Le bon fonctionnement de toute institution repose sur des finances suffisantes et saines. La communauté rurale ne peut atteindre ses objectifs que dans la mesure où les moyens matériels, humains et financiers existent réellement et surtout s'ils sont rationnellement mobilisés pour des projets ayant un impact positif sur le développement de l'ensemble de la communauté. A l'expérience, la modicité des ressources font que les budgets des communautés rurales sont essentiellement des budgets d'investissements dont le principal objectif est de réaliser des ouvrages à caractère social. C'est ainsi que la priorité est souvent donnée à la construction d'écoles, de maternités et de pharmacies villageoises, de cases de santé, de maisons communautaires, de puits. etc. De ce fait, les communauLés rurales ne peuvent que soulager le budget national et prendre le relais de l'Etat pour certaines dépenses sociales mais elles deviennent incapables d'impulser un auto-développement à la base. Cependant, l'étude de la situation financière des communautés rurales édifie sur la nature des mesures à prendre pour sauver la réforme et la concilier avec ses objectifs initiaux. L'accroissement du potentiel financier des communautés est une action prioritaire à mener et la solution pourrait consister à élever le taux de la taxe rurale, à diversifier l'assiette pour trouver des ressources nouvelles. à prendre des mesures coercitives po,ur recouvrir les impôts impayés. A l'évidence, la taxe rurale ne peut pas continuer à être la principale ressource de la communauté. Par ailleurs, les paysans accablés par les effets de la sécheresse et la diminution substantielle de leur pouvoir d'achat, éprouvent de plus en plus de difficultés à s'acquitter de l'impôt. La voie à suivre est d'aider au développement d'activités productives suscep219 tibles d'augmenter à moyen et à long termes les ressources financières des communautés. De même, doivent jouer les mécanismes de péréquation entre les communautés aux potentiels économiques et financiers inégaux. Un Projet de Réforme de l'administration territoriale et locale en vue d'une décentralisation plus poussée est en ce moment en discussion au niveau du Ministère de l'Intérieur et notamment au niveau du Ministère délégué à la décentralisation, suite au message de la Nation du Président de la République le 3 avril 1992. Le rapport du Groupe de Travail présidé par M. Daniel CABOU et ayant comme rapporteur le Pr Mamadou DIOUF observe que « si la régionalisation est conçue comme une étape forte de la décentralisation, ces deux concepts ne doivent pas être c.onfondus : la décentralisation des collectivités locales existantes (48 communes et 317 communautés rurales) les conduit avec prudence mais progressivement depuis vingt ans, à une autonomie de décision et de gestion. L'émergence de la région devrait créer une collectivité locale d'un type nouveau: de par leur nombre limité (10), l'ampleur des compétences que l'Etat envisage de leur transférer, leur focalisation sur le développement économique et social, les Régions modifieront profondément et d'un coup, le paysage administratif du pays. A un Etat lointain, distant, impérieux face à des collectivités rapprochées, fragiles, démunies, va se substituer une organisation financière où, l'Etat, exerçant ses tâches de souveraineté, imposant des orientations générales, dialoguera avec des collectivités locales majeures, parmi lesquelles les Régions disposeront de la taille critique »(15). 5) Intégration, responsabilisation et soutien des agricultrices La promotion de la femme et son intégration à tous les niveaux de la prise de décision devrait être un volet déterminant de la politique agricole et de la participation. D'un côté, le puissant mouvement de l'exode rural entraîne une féminisation accélérée des campagnes. Selon une étude de Jean GALLAIS, les régions du Sahel ont perdu une grande partie de leurs bras. Si bien que le sexratio dans les villages est complètement déséquilibrée. En conséquence, les femmes ont pris un poids et doivent prendre des responsabilités qu'elles n'avaient pas il y a quinze ans. D'un autre côté sur le plan productif, il est estimé que 70 à 80 % des travaux agricoles, 50 % des travaux d'élevage ct presque 100 % des travaux de transformations artisanales sont assurés par les femmes. Il faut que toute politique agricole, toute réforme du secteur qui ne prenne appui sur les femmes et qui ne les mobilise avec efficacité, sera (15) Groupe de travail chargé de la mise en œuvre de la politique de régionalisation. Rapport de synthèse. février 1993, 67 p. 220 indéniablement vouée à l'échec. Cest dire que l'implication des femmes au développement est gage de progrès et de succès des programmes en milieu rural sahélien. Au Sénégal, les femmes rurales représentent plus de 51 % de la population, elles assurent entre 60 et 80 % de la production vivrière de base, se chargeant de la quasi totalité de la transformation des produits et dominent la commercialisation de certains biens agricoles. En conséquence, elles constituent la cheville ouvrière de la vie rurale et subviennent aux besoins quotidiens de leur famille en nourriture, eau, bois de chauffe, soins de santé. A cela s'ajoute une multiplicité d'autres travaux domestiques qui ne sont recensés ni dans le produit national brut ni dans les comptes nationaux(l6). Il serail clair qu'une sociélé qui s'engage 'dans un processus de développement durable ne peut se permettre de marginaliser ou de gaspiller l'énergie, le temps, le talent et la santé de la moitié de sa population. Il est alors irréaliste et inadmissible d'exclure ou de marginaliser les acteurs qui assurent la survie du clan, la reproduction du groupe domestique et le renouvellement de la maind'œuvre. C'est d'ailleurs l'importance de ces fonctions qui avaient amené MAO-TSE TOUNG à observer que « les femmes soutiennent la moitié du ciel ». En définitive, elles font même plus car non seulement elles représentent plus de la moitié de la population mais elles mettent au monde la totalité de cette population. Beaucoup d'éludes sur « le paysan sénégalais »(17) révèlent que dans les campagnes sénégalaiscs, le Chef de ménage a le rôle le plus important dans la prisc de décision quant à la production et partage cette responsabilité avec le chef du carré dans l'allocation des terres à cultures vivrières. Il joue aussi un rôle clé dans l'acquisition et la distribution des dotations de base en facteurs modernes de productions: scmences, engrais et matériel agricole. Seulement, les acteurs les plus aptes à amener le changement parmi tous les autres seront les femmes et, à moindre importance, les « sourgas ». Les femmes jouent un rôle crucial car, contrairement aux « sourgas », elles n'ont aucun avantage à grever le sol. Tout programme de mobilisation de la main-d 'œuvre agricole et de la vulgarisation de technologies doit s'appuyer sur les femmes, vecteur de la production et de la consommation. (16) Moustapha KASSE, " Le rôle de la femme dans le développement économique. Conférence prononcée en avril 1989 devant l' Association des Femmes de l'Université (AFU) JO et reproduite dans Les Cahiers de la Recherche, CREA. Juin 1989. TI faut s'intCTToger sur les raisons profondes qui font que les comptables nationaux et les statisticiens n' évaluent pas le temps d'élevage, de gardiennage et de soins des enfants, le temps de préparation de repas, le lavage et repassage du linge familial. Ces activités sont si importantes qu'une étude du BIT estime la valeur des services rendus par les femmes au foyer entre 25 et 40 % du PNB. C'est là un travail non rémunéré que les femmes fournissent gratuitement à nos sociétés. (17) Le paysan sénégalais,' Que vaul noire sagesse convenlionnelle ?, Princeton University, Document ronéoté, 52 p. 221 Pour avoir ignoré cette donnée fondamentale, les politiques de vulgarisation menées par les SOR ont souvent réalisé de médiocres performances. Elles n'ont ciblé que des agents marginaux notamment les « sourgas » et les « navétanes »en oubliant les acteurs permanents de la production agricole: les femmes. En effet. il est établi qu'elles consacrent aux activités agricoles et non agricoles (artisanat) 28% cie plus d 'heures de travail par année que les hommes. En conséquence, les résultats macro-économiques dépendent de l'aptitude des femmes à s'acquitterde leurs multiples rôles. Elles deviennent alors des partenaires importants et incontournables pour le développement économique et social. Dès lors, pour réussir, il faut prendre en charge leur problèmes majeurs. La femme. comme principal acteur du développement rural. doit alors bénéficier de tous les moyens pouvant alléger ses multiples tâches. des mesures qui puissent lui permerrre de vaincre l'ignorance, la maladie, l'analphabétisme et cl 'élever son pouvoir d'achat cela d'autant plus qu'elle dépense tout son revenu pour la famille. Naturellement il faut non seulement réduire les tâches de la femme rurale mais aussi lui assurer une participation directe aux décisions de la collectivité. La perception de l'importance du rôle de la femme avait amené les autorités sénégalaises à créer la Fédération Nationale des Regroupements Féminins chargée de coordonner les activités de Llue lques 2000 Gwupements féminins dans ['ensemble dn pays. Ces associations avaient pour principak mission d' aider à la promotion des femmes et à \'établissemenr de programmes de fournitures de moulins ~I grains, de pompes il eau. de machines il décol1iLluer Llui allègent le travail féminin. t.,1alheureusement. elles ont été affaibl ies et leur mission com pIète ment détournée vers des act ivités politiLl ues et fol kloriLjues. Si on veut impliLluer, soutenir et faire purticiper les agricultrices, il faut sans nul doute, aller beaucoup plus loin et traduire en programmes concrets les trois axes fondamentaux recommandés par le Séminaire de Ségou pour promouvoir les femmes rurales dans le développement. JI s'agit de : reconnaître aux femmes leurs fonctions de productrices agros y 1vopaslOra les à part ent ière et. en conséquence, leur donner le droit il l'accès il tous les facteurs de production (terre, travail. capit~d) . - répondre à la volonté croissante des femmes rurales de maîtriser leur fécondité afin de réduire la croissance c\émographiLlue ; - reconnaître aux femmes le droit à l'organisation sous toutes ses formes. ~'lAA v~ -cl(J.. / 1 co. d.u ,f.a,AJ 01 Cl Mo diAJ. rAQ , QM. <)AM 11~~~ q w.J:t l4M OJ ~ ~t.IJ -f)(~ tLJ. ~U4. <M ~ ~'VJ if ~~!MA ""~ En conclusion: Le Sénégal est capable de relever le défi du développement avec l'agriculture comme locomotive « Il faul cesser de prêcher un ultra-libéralisme que nous ne pratiquons pas et n'avons jamais pratiqué aux premières heures de notte développement» Louis EMM ERIJ Nord-Sud .- la grenade dégoupillée « Plus de marché el moins de réglementation n'esl pas contradictoire avec .. plus et mieux" de maîtrise des processus économiques. » P. JACQUEMOT La Nouvelle politique économique en Afrique Au tenne de cette réfiexion sur l'Etat, le technicien et le banquier face au monde rural, deux séries d'enseignement peuvent être tirées. 1) Une agriculture profondément rénovée doit être le moteur du redressement économique et social A l'analyse deux lignes de force complémentaires semblent se dégager, d'une part, lç modèle de développement appliqué au Sénégal depuis l'indépendance à nos jours a été peu perfonnant parce que les politiques sectorielles qu'il a véhiculées ont manqué de cohérence et n'ont pas pu s'appuyer sur des suppons peninents el clairement définis et d'autre pan, les spécificités de l'é;.'·,momie sénégalaise faisant de l'agriculture un secteur prioritaire dans la stratégie de développement économique soutenu et durable appellent des modifications et des transfonnations substantielles des structures agraires dont la réalisation a toujours été différée. 223 A l'instar de la plupart des pays africains dès leur accession à l'indépendance, s'est posée l'incontournable problématique du développement économique et social d'un pays directement sorti de l'ère coloniale, économiquement arriéré et devant s'insérer dans une économie mondiale en pleine reconstruction économique, Le débat idéologico-intellectucl qui agitait le monde d'alors, et divisait l'Est et l'Ouest, ne manqua pas de rejaillir au sein de l'élite politique nationale apparemment peu préparée à prendre la relève du colonisateur. Dans l'optique de la « voie africaine du socialisme », le communautarisme négro-africain n'a pas été assez opérationnel et n'a point su définir le rôle et l'importance des différents agents économiques nationaux et plus fondamentalement le modèle de génération et d'absorption des surplus agricoles. On assista en pratique à la reconduction pure et simple, voire au renforcement de l'intégration des structures économiques du pays, telles que modelées par l'économie coloniale, au marché mondial. En définitive, les imprécisions et l'eccléctisme qui ont caractérisé le modèle économique du « socialisme démocratique» ont favorisé de multiples incohérences qui, malheureusement, continuent encore de sévir dans la politique agraire. C'est ainsi que l'ensemble du dispositif de l'économie de traite a été transféré au nouveau pouvoir administratif qui en a préservé les mécanismes fondamentaux: fixation administrative des prix au producteur, commercialisation des produits, système de crédits, vivres de soudure, etc. Parallèlement, et sous la pression d'un certain nom.bre de facteurs nouveaux, parmi lesquels l'explosion démographique, l'urbanisation accélérée ou encore le mimétisme du modèle de consommation importé, ce dispositif fut définitivement renforcé: mise en œuvre de politiques de prix irréalistes favorisant les couches urbaines au détriment des producteurs ruraux, renforcement de l'extraversion des structures productives et de consommation alimentaire. diversification effrénée des cultures d'exportation en vue d'accroître le prélèvement pour satisfaire les besoins administratifs et urbains en augmentation rapide et permanente. Dans ce contexte, les gouvernements comme le souligne E. PISANI obsédés par leurs citadins, mais non par leurs ruraux, ont eu tendance à écraser les petits paysans. Manifestement, l'économie sénégalaise n'a point échappé aux schémas de dépendance mis en place pendant la période coloniale. L'analyse révèle profondément que les fluctuations macro-économiques observées depuis les années soixante sont assimilables à celles de l'économie arachidière. La perte avérée du poids relatif de l'arachide dans le PIB, les revenus de l'Etat et les exportations n'a pas été compensée par les nouvelles cultures de renLe (coton et maraîchage), les nouveaux sous-secteurs (pêche et tourisme) et l'économie minière (phosphate). Ces activités qui se valorisent sur le marché mondial sont apparues comme très peu productives de valeur ajoutée et d'emplois. Dès lors; 224 il revenait aux financements extérieurs (aide et endettement) de jouer la fonction d'investissement. Toutefois, il est rare que ces ressources se greffent sur des projets réellement productifs ayant des effets importants d'entraînement sur le reste de l'économie. Un tel développement ne pouvait mener qu'à une impasse, un blocage, c'est-à-dire à l'impossibilité de créer une économie rurale productive et rentable. Le secteur rural notamment indigène a été progressivement intégré à la sphère de circulation du système mondial sans être réellement articulé à sa sphère de production nationale. Les formes de mise en valeur sont demeurées traditionnelles, pour la plupart archaïques et donc peu performantes. La détérioration des termes de l'échange internes et externes ainsi que les diverses ponctions de revenu opérées sur les campagnes ont ruiné en permanence les producteurs ruraux. C'est cette paupérisation absolue ct séculaire qui explique, d'ailleurs, que la modification des structures paysannes ne se soit pas accompagnée d'une amélioration des rendements par la modernisation de l'agriculture et l'augmentation de la productivité, ce qui aurait pu atténuer partiellement les effets fortement destructurants de ce modèle de valorisation hérité de la colonisation. Dans un tel contexte, le secteur agricole ne pouvait pas jouer le rôle qui aurait da être le sien à savoir celui d'un foyer d'accumulation productive et d'un secteur de croissance primaire. La baisse de productivité, la chute des rendements, le recul de la production et l'effondrement du pouvoir d'achat des ruraux sur fond de déséquilibre alimentaire constituent assurément, aujourd 'hui, les manifestations les plus tangibles de la profonde crise de l'économie rurale sénégalaise. Cette économie rurale est incapable à la fois de subir la dure concurrence issue de l'internationalisation des marchés et de répondre à la demande de villes explosives ct de l'industrie locale. C'est pour résoudre cette crise que les Institutions Financières Internationales (FMI, BM) ont été sollicitées et sont intervenues de plus en plus massivement pour finir par s'arroger l'essentiel des pouvoirs comme l'élaboration des politiques sectorielles en lieu et place des techniciens ct des décideurs. Ces partenaires préconisent désormais aux pays déficitaires et fortement endettés un schéma unique qui est une sorte de « prêt-à-porter» de libération des prix et des échanges, de suppressions des protections et des subventions de démentèlement des systèmes d'encadrement et d'aide. La raison avancée est que de telles mesures favorisent la production dans un marché ouvert et alloue de façon efficiente toutes les ressources. Toutefois, beaucoup de chercheurs et d'auteurs s'accordent pour dire que ces mesures apparaissent comme des recettes stéréotypées et sont décalées des réalités d'une agriculture plus structurée. minée de l'intérieure par de multiples contradictoires et traversée par une triple crise écologique, économique et 225 sociale due à un enchevêtrement de facteurs naturels, technico-économiques et socio-politiques. Les interventions du FMI et de la Banque Mondiale au Sénégal n'ont pas de tout temps, contrairement à une opinion largement répandue, recouvert la même forme. En ce qui concerne le FMI, il est intervenu au Sénégal depuis les années soixante jusqu'à la fin des années soixante-dix, pour accorder des concours ponctuels de soutien à la balance des paiements structurellement déficitaire depuis l'accession à l'indépendance. Mais à partir de 1980, et face à l'ampleur des déséquilibres macro-financiers qui s'accroissaient dangereusement, son intervention est devenue plus massive et plus fréquente, cela a fini par entraîner l'incorporation progressive de critères de conditionnalité dans l'élaboration et la conduite de la politique économique. L'agriculture étant le principal secteur d'activité, de par l'importance et la variété de ses incidences sur l'ensemble du tissu économique national, le poids de la population active occupée et de sa contribution à l'équilibre des finances publiques et du commerce extérieur, elle ne pouvait manquer d'être directement et particulièrement concernée par ces interventions multiples. Elle sera alors, comme nous avons tenté de le '110ntrer, frappée de plein fouet par les rigoureuses mesures d'assainissement, de restructuration et de réorganisation de l'économie nationale imposées par les nécessités du rééquilibrage et de l'ajustement typiquement financier contenu dans les programmes successifs initiés par le FMI entre 1980 et 1988. Concernant le groupe de la Banque Mondiale, nous avons montré que ses interventions entre 1969 et 1980 avaient essentiellement revêtu des aspects de développement à travers le financement direct de projets de développement rural. Il est vrai qu'à cette époque, la BM avait attaché son nom à ce que Zaki LAID! appelle les PRD (projets ruraux de développement) où « à travers des montages souvent complexes, l'Etat occupe le devant de la scène. Les PRD se voyaient confier une triple mission: transférer des ressources au monde rural. imposer un savoir technique. ammer et p an1 1er e c angement conomlqUe e social. Dans ce monde d'ORWELL, la société de développement conçoit, organise et distribue, tandis que les paysans exécutent. Ce schêma d'organisation pyramidale digne des « camps de tràvail » permettait à l'Etat de contrôler la paysannerie par le maniement alternatif « de la carotte et du bâton ». Cette orientation a été appliquée sans forfaiture jusqu'à ce que la Banque elle-même inverse sa propre attitude pour passer aujourd 'hui à l'ultralibéralisme et à l'économie de marché, le marché étant considéré comme un espace entièrement et uniquement régulé par les prix et où intervicnnent des agents rationncls et calculatcurs. Le fonctionnement de cette économie de marché passe par le démentèlement total ou paniel de toute économie administrée. Or, il.apparaît, aujourd'hui que les seuls mécanismes du marché 226 sont totalement insuffisants pour résoudre les nombreux problèmes que rencontrent les sociétés rurales africaines. A partirde 1980, de concelt avec le FMI et plus tard (à partir de 1983) avec d'autres bailleurs de fonds du Sénégal comme la CCCE (Caisse Centrale de Coopération Economique), les interventions de la Banque Mondiale changeront progressivement de forme et se concentreront particulièrement sur la mise en œuvre de mesures structurelles supposées aptes à résoudre la crise du secteur rural dans le contexte global de la grande crise d'ensemble qui frappe le Sénégal. Dans ce cadre la Banque Mondiale va étroitement collaborer avec le Gouvernement à la mise en œuvre de la NPA avec notamment l'élaboration: --de contrats-plans définissant de nouveaux objectifs pour les organ ismes d'encadrement et de développement rural et les obligations de l'Etat envers eux: -de mesures d "incitations di\'erses dans le nouveau cadre de politique sectorielle: réorganisation des coopératives, politique des prix, réduction des subventions aux engrais, privatisation de certaines filières de d istri but ion". ~I Les impacts de ces mesures srécifiques sur le secteur rural. nous l'avons vu, ont créé pour les producteurs, des charges nouvelles auxquelles ils n'étaient apparemment pas préparés, Ceux-ci ont. en effet. réagi à certaines de ces mesures en réduisan t leur cC)(1sommation d 'imrants, leur product ion et les volumes commercialisés dans les circuits officie ls, Cela qui LI entraîné des conséquences négatives sur les équilibres globaux et au niveau microéconomique sur la productivité et le rendement. Mais à l'inverse, certaines mesures de restructurat ion des sociétés de développement rural. de redéfinit ion de leurs missions, de red imensionnement de leurs interventions ainsi que la création d'un nouvel environnement de responsabilisation et d'initiatives de la part des producteurs, comportelll certainement à terme, les germes et les fondements d'un assainissement de J'économie rurale qui peut participer à la relance économique. Pour être efficaces ces mesures, doivent être incorporées dans un autre schéma global de développement rural. En effet. J'analyse des résultats d'enquêtes sur les sites de projets-cibles de développenlcnt rural financés par la Banque Mondiale nous a permis de découvrir les problèmes spécifiques qu'il conv iendra de résoudre et les obstac les structurels qu'il faud ra nécessairement lever pour faire jouer à l'agriculture ce rôle primordial qui demeure le sien dans une économie sous développée comme celle du Sénégal. C'est ainsi qu'au plan des politiques sectorielles, ces innombrables interven tions incohérentes se traduisent par les résultats médic'cres enregist rés all niveau des micro-projets initiés et financés par la BM et d'autres hai lIeur" 227 de fonds. Il reste toujours que l'absence d 'une vision claire et globale des transfonnations à opérer dans les structures de production. de consommation et même dans les cadres institutiolU1els, a fini par anéantir tous les efforts de production, appauvrir les producteurs ruraux et entretenir en permanence un important déficit alimentaire structurel qui continue d'aggraver les déséquilibres de la balance commerciale. L'ampleur de ces déséquilibres ainsi que la gravité de leurs conséquences économiques et sociales concrètes suggèrent qu'il faut impérativement changer non pas seulement de politique, mais d'approche dans l'élaboration de la stratégie globale du développement. Pour cela, il importe de repréciser les options de base et d'indiquer plus clairement les nouvelles lignes de partage qui doivent présider à l'intervention des différents acteurs dans la vie économique et sociale. La dévaluation devrait offrir cette opportunité. Dans une telle stratégie nouvelle, et au regard des spécificités économiques ainsi que des avantages relatifs du pays, l'agriculture devrait inévitablement occuper une place déterminante et jouer le rôle de locomotive du développement économique et social. Pour que l'agriculture soit véritablement ce pôle de croissance primaire ~t d'impulsion de l'ensemble des secteurs d'activités économiques, des ruptures radicales doivent être opérées pour réaliser un renversement complet de la politique actuelle de développement rural qui est rentrée dans une impasse totale. Il s'agit d'opérer des transformations structurelles profondes qui impliquent tous les acteurs, d'encourager par des mesures incitatives, les investissements agricoles et le partenariat dans le secteur alimentaire, de meUre en place un système de crédit accessible aux petiLe; exploitants agricoles et aux femmes, de supprimer toutes les barrières tarifaires et non tarifaires sur les produits agricoles au niveau régional en vue de favoriser les échanges. Tout retard dans l'application de ces mutations indispensables, quelles que soient les motivations, ne peuvent qu'approfondir davantage les coûts politiques, économiques et sociaux des politiques agraires en cours. Dans cette optique de sortie de crise visant la relance de la production et plus généralement la réalisation d'un développement accéléré et harmonieux, deux postulats complémentaires devraient servir d'appui: la redéfinition des missions de l'Etat et la responsabilisation du producteur rural. D'abord, l'Etat dans la nouvelle stratégie devrait être plus performant et plus dynamique et fixer l'environnement institutionnel de la production, mener des actions de contrôle, d 'infonnation et de formation. Il devrait aussi élaborer et gérer des politiques appropriées d'organisation du milieu rural en fixant les règles du jeu et le rôle imparti aux divers acteurs comme il devrait mettre en place une politique de recherche développement, de vulgarisation des technologies, de gestion des systèmes d'incitations. 228 Ensuite, il importe de ne plus considérer les paysans comme de simple source d'alimentation des caisses de l'Etat mais comme une force, dynamique capable de prendre en charge toute la politique rurale. ' \ Les promesses faites aux paysans par les politiq~es économiques successives n'ont que très partiellement étaient tenues et le monde rural est toujours resté dans l'apathie ct la prostration. Les campagnes subissent un vieillissement dangereux car les jeunes ne peuvent plus y vivre sans être assurés de pouv.oir profiter des meilleures conditions d'existence et de travail. Cela exige alors une véritable valorisation pour laquelle il faut établir de nouveaux cadres et de nouvelles méthodes de production susceptibles de procurer des revenus substantiels. Enfin, il faut aussi redonner au monde rural ses valeurs culturelles de base. 2) Quelques lignes directrices d'un plan de relance de l'agriculture De l'évaluation de la montée persistante des déséquilibres, il ressort très clairement que le Sénégal ne pourra point survivre dans la paix sociale sans résoudre la double crise du modèle urbain et de l'économie rurale. L'urbanisation accélérée et chaotique entraînera la création de villes qu'il faut nourrir souvent avec des biens alimentaires importés, des villes qui présentent une demande sociale importante avec des marchés de l'emploi accusant des déséquilibres croissants. La déliquescence du tissu productif souffrant du sous-investissement ct de l'absence d'innovation a conduit à un hyperdéveloppement du secteur informel. Toutefois, celui-ci est aujourd'hui essoumé en terme de productivité et de création d'emplois. D'un autre côté, l'agriculture qui fournit une part essentielle du PIB et de l'emploi traverse, comme le note Jacques GIRl, une triple crise des cultures vivrières, des cultures d'exportation et des équilibres écologiques. Naturellement, l'agriculture sénégalaise n'est pas seulement bloquée dans son évolution technique, elle est aussi économiquement et socialement déstabilisée par plusieurs contraintes dont le système des prix imposé par l'ouverture sans protection du marché mondial. La terre est épuisée et n'est plus entretenue pour en éviter la destruction physique. Lcs infrastructures de bases ct le capital installé se dégradent. Les moyens de l'intervention de l'Etat sont réduits sous la double innuence d'une orthodoxie libérale ct de la faiblesse des rcssou r'cs financièret :Si Li pc~;!iques nc changent pas radicalement, cela signifierait que le Sénégal va continuer de èépendre des importations ou dc l'assistance alimentairc, que les pays:m; paupérisés prendront lcs chemins dc l'cxode dt1vitalisant ainsi les carnvgr'C;;" :~ue le ch<'1mage s'accentuera par suitc d'une forte activité démograpJùque et d'un système éducatif massif qui mettront sur le marché du travail une main-d'œuvre nombreuse et parfois qualifiée mais qui ne trouvera pas à s'employer parce que les performances globales d l'éco ie resteront faibles. n n'y a aucune fataIité àTasituation difficile et délicate que traversent les pays africains en général et le Sénégal en particulier. Au moment des ,'ndépendances africaines, il y a environ une trentaine d'années, la Situation~1 imentaire en Asie était catastrophique avec une gestion désastreuse du secteur agricole alors que l'Afrique ne connaissait point ce type de problème. Aujourd'hui, il est caractéristique que « les greniers sont pleins en Asie et vides en Afrique ». Cette nouvelle donne a une triple signification: elle est un cri d'alarme, une mise en garde et un message d'espoir. Pourquoi le continent africain qui a toutes les dotations factorielles pour produire des richesses, .. sécrète-t-illa pauvreté? Force est de constater qu'en trente ans,l'Asie a mis sous céréales 70 millions d'hectares, exactement l'équivalent du total des terres africaines cultivées. Cette production céréalière a augmenté de 175 % alors que celle de l'Afrique s'est accru très peu de 17 %. Pendant une longue période, l'Asie s'est transformée en atelier de sueur et de labeur et l'Afrique n continent d'immobilisme. Les performances en Asie montrent que l'Afrique peut s'en sonir à condition qu'elle opère les ruptures indispensables comme l'ont fait les régimes militaro-technocratiques et les élites asiatiques qui ont mis en place de vigoureuses stratégies de développement basées sur l'agriculture. Manifestement, un pays sahélien comme le Sénégal ne peut plus continuer longtemps de passer à cOté de changements innovateurs, justes et équilibrés, au contraire il doit faire preuve de plus de détermination et d'une compétence supérieure pour réaliser le plus rapidement possible son redressem~ économique et social. -::-"lJatîs cette perspective, les politiques d'ajustement, dans leurs formes actuelles, seraient notoirement insuffisantes pour enclencher le processus de mutation économique et sociale et opérer la relance économique. En effet, une bonne relance suppose d'une pan un assainissement préalable des bases de l'économie qui éviterait à la politique de relance de tourner à vide et d'autre pan une connaissance des sources potentielles de déséquilibre de nature structurelle afin d'éviter que la politique économique de relance n'accentue les distorsions et les autres déséquilibres antérieurement observés. Enfin, une politique de relance doit repérer les foyers potentiels de croissance pour leur allouer conséquemment les ressources financières, matérielles et humaines indispensables. En définitive, il reste que les politiques d'ajustement structurel du fait de leur crispation excessive autour des équilibres macro-économiques et macrofinanciers à coun ~erme occultent certains problèmes clefs du développement 230 \ durable qui, eux, s'inscrivent dans l~\long .terme. Ces p~'1,itiques ne suffiront pas à annihiler la crise multidimensiOl\nelle. Le Sénégal ne pourra s'en sortir qu'en réalisémt des taux de croisscmce élevés et soutenus 'sur une longue période. L'agriculture doit en être la bàse._/ La réforme profonde et complète de l'agriculture, pas seulement sa restructuration ou son assainissement, est le préalable de la relance des enjeux du développement économique et social car ce secteur est le principal foyer de cruisscmce et d'accumulation. Il faut alors en faire le levierdu redressement de l'ensemble de l'économie nationale. Pour ce faire, il faut en reformer les onentations et le contenu, lui allouer les ressources fincmcières conséquentes et l'insérer dans un environnement institutionnel favorable c'est-à-dire de bonne gouverncmce. La mise en œuvre de cette politique agricole volontariste, économiquement efficace et socialement équitable, requiert des préalables économiques, techniques, sociales et politiques qui ne peuvent être réalisés que par un Etat furt, décentralisé et démocratique. Les cmalyses effectuées pour l'instauration d'une autre stratégie du développement rural dégagent cinq directions de changement qui mises en cohérence pourraient constituer un schéma national. Ils'agit: _.-- De créer un cadre favorable au développement rural considéré corn me une Œndition première d 'un dheloppement durable a) Pour cela, les réformes à entreprendre devraient tourner autour: - de laréalisation d'un parfait équilibre entre Etat et marché. Il convient de rappeler que les tâches de l'Etat sont importcmtes et irremplaçables. La question essentielle est de réaliser un dosage qualitatif et quantitatif des interventions étatiques pour que la croissance se produise. L'Etat devra exercer un leadership significatif pour l'organisation du monde rural. garantir la sécurité alimentaire. décider des politiques d'importation et de protection, financer et orienter la recherche. moral iser les marchés, diffuser l'information, construire les infrastructures de base, protéger les consommateurs comme les producteurs; - de l'élaboration de structures de décentralisation et de responsabilisation mieux adaptées aux acteurs du développement rural et qui soient capables d'associer les cultivateurs à l'organisation de la production et à la gestion publique pour en faire de véritables citoyens en mesure de s'exprimer librement sur toutes les décisions qui affectent leur existence. De la sorte, le développement procédera de l'intérieur et devrait stimuler \ l'initiative locale. Comme l'écrit Gabriel MARC, il faut« restituer aux gens du peuple, dans les brousses, les villes et les bidonvilles, la responsabilité de leur développement selon leurs lignes propres» : 231 ( - du dévelop~ment d'une pblitique de prix qui rémunère les effons des productions poUJ' pouvoir influer positivement sur l'offre de production et de l'élaboration d;une fiscalité c;ompatible avec le niveau des activités des différents opérateurs intervenant'dails le secteur; - de l'élaboration et du financement de structures nationales de recherche capables d'exploiter les acquis de la science et de la teelmique pour opérer une « révolution verte », élever les rendements et stabiliser la production des culwres vivrières surtout en milieu pluvial ; - de la mise en place d'un crédit rural fonctionnel et surtout accessible aux petits exploitants et aux femmes.Sur ce point, on a parlé de surbancarisation de l'économie sénégalaise: ce qui n'est vrai qu'en apparence, car si surbancarisation il y a, c'est simplement parce que toutes les banques de la place (pour des raisons historiques) font la même chose, offre les mêmes produits et services au public et courent après les mêmes clients (citadins pour la plupart). La conséquence est que le monde rural (25 % du PIB) est ignoré et vit en dehors des circuits classiques d'intennédiation \ ~ancière. _ / uniformisation des services bancaires pose un problème d'un autre ordre encore plus important à savoir la logique du développement déséquilibré au Sénégal. En excluant 70 % des producteurs nationaux du circuit bancaire, la monnaie sénégalaise, censée financer le développement, contribue d'une part, à favoriser plutôt l'autoconsommation et à ne dégager qu'un surplus faible pour le marché; d'autre part, à développer le réflexe de la thésaurisation en milieu rural, ce qui milite en défaveur de la mobilisation nécessaire de l'épargne pour le financement du développement. Malheureusement, le plan de restructuration du secteur bancaire reste dans la même logique que précédemment et n'envisage qu'un aspect non moins essentiel, à savoir: l'assainissement fmancier des banques en difficultés et le regroupement de certaines d'entre elles afin de résoudre le prétendu problème de surbancarisation ; - de la mise en œuvre de mesures adéquates et vigoureuses de protection de l'environnement avec une forte implication des populations qui, seules, peuvent inverser les tendances à la dégradation de l'environnement par le reboisement, la conservation des sols et des eaux, la stabilisation des dunes et l'adoption de meilleurs systèmes de production. -cette b) D'équilibrer les filières des productions agricoles d'exportation et les filières des cultures vivrières Pour cela, il importe de prendre deux mesures: - accorder la priorité absolue au secteur alimentaire donc à la réalisation de la sécurité alimentaire. L'objectif principal est conséquemment de fixer des 232 \ m~yens. Le'sén~~al délais et de mobiliser les devra développer sa production plutôt que de dépendre deyextérieur'pOljr son approvisionnement; - revoir la liberté des échanges et la question de la protection de la production locale. Comme l'observe E. PISANL « il existe un problème idéologique qui consiste à affirmer que les pays du Sud doivent pratiquer le même système des échanges que ceux du Nord. Qu'est-ce que cela donne '? Cela donne que lorsqu'on peut acheter plus bas que celui auquel on peut le produire. on l'achète sur le marché mondial et on ne produit pas. Or. actuellement les prix moncliaux ne sont pas des prix de revient objectifs. mais des prix de vente de surplus », c'est-à-dire que si l'on applique la règle de la liberté des échanges à la plupart des pays du Sud. ils n .auront plus d' agriculture. Ils seront des acheteurs nets. Alors où trou veront-ils les devises '? c) Soutenir les petits exploitants et les agricultrices en les insérant au mieux dans la logique de l'économie de marché Les petits exploitants et les agricultrices forment la fraction la plus nombreuse de la population rurale. En conséquence. qU<U1d ils ne sont pas incités à produire plus qu'il ne leur faut poursubvenirà leur autoconsommation. il va en résulter un affaiblissement des surplus clestinés à satisfaire la demande urbaine. C'est dire que l'accroissement de l'offre de production agricole sera fonction de l'accès des petits exploitants et des femmes au crédit agricole. aux différents facteurs modernes de production agricole. aux incitations à produire et aux systèmes de vulgarisation technologique. Manifestement. il faut sortir le secteur traditionnel de son immobilisme et l'entraîner dans un processus de modernisation qui se traduirait par un développement rural global incluant en conséquence une diversification des activités rurales. électrification. hausse du niveau de vie et d ·éducation. amélioration de la santé et disponibilité d'infrastructures de loisirs. Dans ce processus. les moyens de communication auront un tôle déterminant à jouer au niveau de l'éducation. de la formation. de l'information et de la vulgarisation technologique. d) Elaborer une pol itique adéquate de commercialisation de la production locale Les problèmes de commercialisation sont essentiels à la fois pour la production et la consommation. Une politique adéq uate de marketing garant it aux producteurs. l'écoulement de leur production et permet de lutter efficacement contre la double extraversion des structures de consommation 1et de production. 23y----------- ~n plus /7 de l'effon de bien vendre en rendant )es biens disponibles et accessoires, il faut développer le~/moyens(~e stockage, ce qui pennet d'accroftre le pouvoir de négociatiorr'des producteurs. '1 e) Elabo~litique socialede redressement humain au niveau de ~ l'agriculture La détérioration du pouvoir d'achat et la paupérisation rampante des populations sont de véritables freins au progrès de l'agriculture. Elles empêchent les agriculteurs de disposer de moyens techniques pour faire face aux ruptures des équilibres écologiques. Redresser cette situation appelle d'une pan, le relèvement des prix de la production assorti de mesures capables e faire surmonter aux agriculteurs les différentes contraintes de production et 'autre pan, l'établissement d'un filet de protection sociale qui favorise 'accès des agriculteurs les plus pauvres aux services de base comme l'éducation primaire, l'alphabétisation fonctionnelle, la santé. Il faudra accroftre, renforcer et mieux répanir l'offre de services sociaux. n devient indispensable d'opérer, pour une question de justice sociale, une répartition plus équitable des infrastructures de base et des infrastructures sociales. Thutefois, la politique sociale ne saurait se déployer comme une assistance qui inhibe l'initiative et la créativité des bénéficiaires. Elle doit s'organiser à telle enseigne de pouvoir marier efficacité économique et mieux être social. La réforme de l'agriculture sénégalaise nécessite entre autres politiques d'accompagnement la réorientation et la revitalisation de l'outil industriel ainsi que la réalisation de l'intégration. L'accélération de la croissance de l'offre de production agricole est fonction de l'approvisionnement régulier et en quantité suffisante en facteurs de production, tels que les machines, les outils, les engrais, les pesticides et les semences à des prix raisonnables. Or, cela est en ce moment difficile à réaliser à cause de l'absence d'industries nationales fabriquant sur place les intrants ainsi que de l'incapacité des entreprises publiques ou semi-publiques à founùr les facteurs de production demandés. Pounant, sans une industrialisation rurale conséquente et une politique adéquate de distribution, les intrants agricoles continueront de constituer des facteurs de blocage du développement rural. C'est pourquoi, il importe de lever tous les goulots d'étranglement relatifs à la faiblesse de la demande due au bas niveau des rendements i agricoles, au manque de main-d'œuvre qualifiée, aux coOts élevés de l'énergie \ et à l'inadéquation des techniques. Ces derniers éléments empêchent \ l'avènement d'une véritable industrialisation qui soit en amont comme en aval \ au service de l'agriculture. Tant que cette question n'est pas convenablement réglée, le continent africain restera encore largement tributaire des \rnportations. n faut, au plus vite, modifier les options et mettre en place des "------- 234 •\ schémas d'industrialisation qui, non seulement, contribuent à la croissance macro-économique mais aussi accroissent les recettes d'exportation, les revenus agricoles et augmentent l'emploi dans les campagnes. Au Sénégal le système industriel est en voie de démolition accélérée par une politique complètement mal conçue et assez mal encadrée(l). Ainsi, en termes de croissance des investissements de valeur ajoutœ, comme en terme d'emploi il est constaté une véritable régression que les pouvoirs publics ont voulu stopper par la mise en place d'une nouvelle politique industrielle (NPI). Cette évolution procède de la conjugaison de plusieurs facteurs : les choix stratégiques pour promouvoir le secteur, l'étroitesse du marché national provenant de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, le coat élevé des facteurs de production et des biens de consommations intermédiaires, la pression fiscale, le commerce frauduleux et la contrebande. Dans ce contexte de crise industrielle qui se traduit par de lourds et multiples handicaps de compétitivité, il est indispensable de procéder à une réorientation globale en mettant en place une structure industrielle cohérente f dans laquelle les usines ne seront plus des flots faiblement articulés au reste de 'économie. L'agriculture devrait être la base de cette stratégie. En effet, elle peut animer trois catégories d'activités industrielles: - celles qui permettent l'aménagement de toute l'infrastructure de base : irrigation et ses divers éléments. petite hydraulique rurale, routes, ete. ; - celles en amont qui concernent la production des intrants, des équipements et du matériel agricole; - celles en aval qui valorisent intégmlcmcnt les produits de l'agriculture et qui permettent de conserver sur place une part importante de la plus-value. ~ Cette industri alisation permeurait d'amorcer, dans les meilleu res conditions, la révolution verte et d'approfondir la réforme agraire. La science et le savoir faire technique seront ainsi au service de la transformation des structures productives rurales et seront à la base de l'élévation de la productivité du travail agricole et des rendements. Le second volet qu'appelle la politique agricole concerne l'intégration et l'ouverture à la coopération sous-régionale(2). Le secteur agricole doit permettre de jeter véritablement les bases d'une intégration sous-régionale solide et durable. Comme analysé plus bas, la Conférence de Dakar des (1) Nous avons dès l'origine de la NP! aniré l'attention sur ses lacunes et sur le chaos vers lequel elle pouvail conduire. C'élail en 1987, lors d'un séminaire organisé par le Club Nation el Développement à Rufisque (Ecole MulÙflalionale des Télécommunications). De peninences inlerventions onl été faites notammenl par le Conseü Nalional du Patronat el par le Conseü National des Employeurs du Sénégal qui établissaient à souhait qllle la NPI au départ a fait l'objet d'un rejet presque unanime de tous les acteurs intéressés. Les effets ne se sont pas faits 81teindre: fermeture el faillite d'entreprises industrielles, érosion de l'emploi dans le secteur, baisse des exportations. remontée speclaculaire des importations. perte de compétitivité. (2) Mouslapha KASSE, Le développemenl par l'inlégralion. Editions NEAS, Dakar. 1991. 235 ministres de l'Agriculture des Etats africains d\JOuest, les 18 et 19 mars 1990 avait élaboré une série de propositions pertinentes gravitant autour de deux axes fondamentaux. d 'une part la création d 'un marché agricole intrarégional. et d'autre part une approche concertée des marchés internationaux pour les grandes filières d'exportation que sont le bétail et la viande. les céréales, les oléagineux. Ces propositions visent trois objectifs majeurs à savoir mieux produire. mieux négocier et mieux vendre. Pour ce faire. il est alors proposé: - d'abord. la réduction à tous les niveaux des coûts des filières avec une meilleure professionnalisation de leur gestion. l'atténuation des fluctuations des prix et l'utilisation de techniques modernes de vente: - ensuite. la suppression des taxes intérieures. l'amélioration des transports et l'hanllon isation des protections aux frontières. notamment en ce qui concerne les marchés sous-régionaux du bétail et des céréales: - et enfin. rétablissement cl 'un réseau d 'échanges d ·informations. de recherches. de formation et de vulgarisation. la création et leur mise en contact d' organisat ions socio-profess ionnelles. l'harmonisation des législations foncières et la gestion communautaire des ressources naturelles. Pour les engrais. le principe de la protection a été adopté pour permettre aux unités industrielles existantes dans la sous-région (Sénégal. Côte-d' Ivoire et Nigéria) d'exploiter préférentiellement le marché. Dans ce sens. il a été retenu l'harmonisation de la taxation des engrais importés des pays tiers. le recours aux règles de préférence régionale. Il est clair qu'en matière de politique agricole. le Sénégal ne peut faire face. seul isolément. ni au marché unique européen (politique agricole commune). ni aux zones cie libre échange en Amérique et en Asie. jl faut que cette politique s'incorpore dans un espace dynamique et fortement intégré. De la sorte l' Etat devrait se réformer en abandonnant certaines compétences « au-dessus » par l'intégration régionale et <, au-dessous» par la décentralisation (Guffon et Isabelle Marly). En définitive. les diverses restructurations de l'agriculture sénégalaise menées depu is les années quatre-v ingt ont produit de faibles résu Itats qui font que les promesses faites par les politiques et les fonctionnaires n 'ont pas souvent été tenues. ce qui fait que le monde rural retombe toujours dans la prostration et l' apath ie ... Les vieux qu' on trouve dans les viliages sont fatigués et les jeunes des villes ne veulent plus retourner à la campagne sam être assurés de pouvoir profiter de tous les avantages du monde mqderne notamment les revenus plus stables. la nourriture à bas prix. les commodités de la vie socio-culturelle. Il faudrait alors revaloriser les campagnes. leur restituer leurs valeurs culturelles et leur indiquer des méthodes de production. 236 susceptibles de Pl'9mouvoir un développement autocentré qui garantisse un minimum de revenus stables. Ce sont là des tâches qu'il faut entreprendre et réussir en échappant aux travers bureaucratiques, au paternalisme, au volontarisme étatique et aux folles prétentions d'apporter du dehors et d'enhaut les modifications structurelles du milieu rural. il faut alors trouver les voies et les formes les plus simples, les plus faciles, les plus progressives, les plus accessibles et les plus acceptables pour les masses rurales en vue de les mettre au travail pour la réalisation de toutes les transformations économiques et sociales qu'appelle une croissance très fone. On ne peut réussir qu'en « donnant une chance à chacun et un avenir à tous ». 237 ANNEXES STATISTIQUES Tableau 1 : structure des revenus des ménages Source de revenu8 Arachi4e Coton lIil Riz liai. uarafchace Uanaue Oranse Banane Autre. fruit. Cueillette Autre. revenu 1_. ~rico1e. Int. StNtGAL-Revenu (FCFA) VJUlAIH-ieveau (FCFA) RVRAI.-Revellu (FCFA) 25,930,000,000 3,046,614.442 1,428,469,625 1,913,153,369 446,947,280 7,232.450,771 546,885,649 207,006,296 77,163,507 805,616.025 651,553,330 25,087,000,000 2,959,288,180 1,352,707',359 1,818,333,234 407,212,962 6,056,493,418 493,447,334 206,112,867 58,428,607 769,550,381 580,879,845 842,276,022 87,326,263 75,762,266 94,820,135 39,734,318 1,175,957,352 53,438,314 893,430 8,734,900 39,065,644 70.673,485 2,588,515,487 1,867,864,768 720,650,719 non ~rico1e. 217,202,465,458 73,839,957,629 143.363,507,828 Salaire• •ect. public Salaire• •ect. 113.730.000.000 8.229,614,321 105.500,000,000 priv~ 141,800,000,000 16,404,000.000 125,400,000,000 8,858,417,384 14,717,000,000 70.081.000.000 41,151,000.000 3,152,391,407 1,604.506,708 34.918,000,000 6,362,134,428 5.706,025,977 13,112,000,000 35,164,000,000 34,789,000,000 8,642,664,730 3,352,176,214 5,290,488,516 661,056,923,353 189,520.099.662 4'71,541,355,170 7,306.400 4.355,100 2.951.300 837,400 482,500 354,900 90,476 789,416 43,517 392,788 159,774 1,328,660 Autre. revenu non ~rico1e•• Lo7er Ver.caent reçu Tran.tert re9U Autre. source. non .~citi~e8 Total Population Noabre de amaflea levenu/c:apita Revenu/lllénage SOURCE 241 DPS Enquête sur les Priorités ·leau 2 Evolution des exportations BSTINATIONS 1989 PREVISION PROIBCTION 1990 1991 1992 1993 :ODUIT8 :ACHIDIER8 Ruile bt'llte* Valeur Voll11Ml Prix 48,0 43,3 30,9 21,4 26,7 36,0 150,8 238,4 35,3 129.5 272,6 24,7 92.8 266,1 13,9 73.0 190,0 17,7 85,0 208,3 turt_ux Valeur Vo1_ Prix 10,8 185,1 58,2 7.5 185.3 40,5 5,4 159,0 34.2 6,2 140,0 44,0 7,5 150,0 49,8 :ai",," Va10ur Vol_ Prix 1,2 8,0 156,1 0,5 3,6 138,9 0,8 5,1 160,7 1,4 6,0 226.3 1,6 6,2 255,4 :n,2 1S61, 0 14,2 19,2 1570,0 12 ,2 18,9 1470,0 12,9 19,6 1519,5 12,9 21,2 1569,1 13,5 lli.8ona l)i ••Dn. trais Valeur VD1_ Prix 57,1 40,8 70,9 575,5 55,1 38,4 61,8 621,7 61,3 41,9 62,9 666,0 64,8 44,4 64.0 693,1 69,7 47,8 66,S 719,4 nsrai. Valeur Vol_ Prix 16,3 20,6 791,3 16,7 19,2 868,3 19,4 20,9 930,3 20,4 21,5 950,0 21,9 22,2 986,0 otan Ve.leur Vol_ Prix 2,0 108,1 18,5 1,8 106,0 17,4 2,0 109,7 18,5 2,2 114,0 19,0 2,3 116,1 20,0 6,5 14,1 453,9 6,1 11,6 524,0 8,5 17,3 492,1 7,9 17,6 451,1 9,0 18,1 489,6 t1D.phate. Valeur Vol_ Prix Source IlEFP : Direction de la Prévision et de la Statistique et BCEAo-Agence 242 Tableau 3 : ,structure du premier projet de crédit agricolt TRIES Uel DIDOiBE!. Evalua Hel -1 ion mçhide. 1 (1000 bl Arachidea PraduçliOi 0000 II IndeluI. (tubl Kil/ Sorgho 1& (1000 b) Produç· 1ill. (1000 Il Readelell (lg/b) 69/70 70/71 71172 72/73 151 136 1SS 159 69/70 70/71 71172 72/73 Ils 72 173 19 69/70 70/71 71/72 72/73 760 m 850 1100 120 975 165 69/70 70/71 71/72 72/73 78 53 80 69/70 70/71 71/11 470 350 500 80 72/73 113 128 144 m 160 156 57 59 66 13 400 400 m m m 363 402 442 700 280 100 210 950 1050 1100 1175 m 292 410 343 960 670 910 750 468 m 624 mo 13SO 1450 1500 324 287 320 320 98 54 109 53 191 200 219 420 230 530 220 SOO 500 SlS 525 lui 204 134 158 141 630 470 490 440 175 186 203 Eut -tic 793 877 865 HO 178 86 230 66 TOTAL -liOi Source : MOR, Etude sectorielle, 1975. 243 Enlua 389 436 234 239 205 242 lS2 lêel -lioll 253 305 260 308 HO 69/70 70/71 71/72 72/73 Eulua sm SALOOW m 900; 960 990 666 450 813 428 944 1082 1210 839 513 940 465 1050 1125 1225. 1275 72J 678 685 718 770 810 850 380 241 ~8 423 445 488 207 100 700 72S 11S m m 508 288 550 5SO 757 m Tableau 4 : Objectifs de production agricole du projet de développement du Sénégal-orientaL cRltuu pntiquEe. Il Coton Slrfaee totale ,lutée (ul lendetent lOye. (Whal 1.ISO ProductiOl (tonnesl AuêeaO 19811U AnEe 1 wEe2 1983/84 1984/85 JoEe 3 1985/86 AmlEe 4 1986/87 mû S 1987/83 H.OOO 45.200 48.650 5l.850 55,050 58.S20 1.000 44.000 1.000 45.200 1.050 51.083 1.100 1. ISO 9,800 9.800 10.500 11.300 12.100 13.000 l.804 11.680 l.8S5 18,180 1.904 19.990 1.961 12.160 2.030 24,530 1.106 27.380 15.400 15.400 25.660 27.620 29,380 31.040 900 21.860 900 24.377 950 24.377 1.000 27.620 1.050 JO.849 .H.IH 35.200 35.200 36.160 38.900 41.480 44 .040 45.540 40.040 5.000 21.000 44,367 5.000 49.780 10.000 55.409 20.000 61.524 10.000 20.000 40.000 SO .000 IIllaÏl Slff.u totale (hal lendeaent .oyell (l&Ihal Prodoct ion (tonnes 1 III 1Iii/Sorgho hrfau totale (liai lelldnent lOyell (kg/hl) Prodoct ioa (tonnes 1 1.100 IVI fotal pour lu UlUle. sarf.ee fertilisée uélior6e (ha) Ttlitmnt du leKIIUI (ha) Production (tonnes 1 Tr.itetent aprèl récolte (t 1 YI fotal da Projet nrfau (luI AgricvltemParticipantl 79.200 80.400 80.810 90.770 96.513 102.190 70.968 71.746 73.712 75.145 76.m 77.667 244 Tableau ~ Situation du projet en milliers de francs FCFA ~U:r de 1974 litlltioll fems 342 SIJll ~~Q~~~~!OI 11 ~~~a l' Coïta a Smncu Fert i limts blSUrfaces cul ti,Eu cl Re.bmment d. créd it Remu Substaotiel Moyeos submtionnés PllDJling ~~;~r cl Relena leta Remu Det rac fem t·mn~,far trlVli ]Pllr 1975 B76 1977 1978 1979 1980 1981 U4~ tn~n 2.m 2460 38,745 43,050 47,m 51,660 10,404 20,404 20,404 20,404 20 ,404 14 ,971 17,741 22,646 16,951 31,256 33,461 35,561 31,724 17,306 2,562 5,125 10,250 10,250 10,250 10,250 10,250 15,486 16, S4S 18,381 20,217 22,OJ2 24,300 41,6 44,S 49,4 54, J 59,2 65,3 1.m tm 166~ 2 76R 31.177 3,180 53,865 55,965 5&,128 7,175 7,m 20,030 20 ,404 2,870 l'm 1m Polder de 1.upJu Inm net Rmnu net par fem Renn~lf~r trn.; lPnr um 1~~ 14~ lOS 14,744 15,179 17,521 19,16J 43,1 44,4 51,1 56,3 B6 '6~ 402 Polder de Dapu ierenv Det RmnD net par fene RmDU far trmil eue 245 m t 264 )OS m 21,006 23,Jl1 25,311 27,499 61,4 67.9 74,0 80,3 336 404 441 479 Tableau 6 Coûts du projet Sous-Projets "ri. Petits ris. Petit. pb. ur. Petit. pir. de ballne Gardiewge .'abeil. pêclIe DiitribatiDl d'ui de. ,illages Directioa dl projet Acthit& DOl i6ellt ifiée. lelboarseleDt PPA Local Etranger Tot&l Local fIt. O,2IS 0,94 0,221 0,119 o,m l,DIO 0,448 1,052 0,567 2,062 l,OlS 15 0,213 0,106 D,IDS 0,211 D,SOS 0,500 t,DOS 7 0,13 0,12 0,11 D,ID 0,24 0,22 0,62 D,57 D,52 0,48 0,114 D,IDS 1 1 0,150 0,196 0,208 0,199 0,358 0,395 0,714 0,933 0,990 0,948 0,704 1,881 12 13 0,445 0,482 0,16 0,927 0,31 2,119 0,71 2,298 0,76 .,411 O,IS 0,141 31 1 1,243 1,371 2,614 5,919 6,531 11,450 1 Coût total Sda eolbt&l 7 toit. estilb Coat illieat. plr1siqlu Pro,iaiOi pour IlIpea tat i01 de pril 0,19 0,36 0,65 0,138 0,172 0,310 2 0,135 0,146 0,281 0,'43 0,697 1,34D 10 Co6t. totlllJ dl projet 1,407 1,553 2,960 6,700 7,400 14,109 100 246 Tableau 7 : Production agricole et productivité annuelles des sous-périodes Nil sorgho Amhides NOJelllles AmIuelles Productioll (tonnes) Sgperricie (hal 60/61-64/65 65/66-69/70 70/71-74/75 75/76-79/80 80/81-86/87 942.180 918.540 861. 237 962.187 703.032 1.031.000 1.109.140 1. 052. 711 1. 224.937 916.559 Rendelents (tonnes 1 0,914 0,828 0,723 0,786 0,767 Pro(lgction (tollm 442.960 544.520 474.401 569.147 636.236 luperCicie (hal tiOIi (tonnes l 61/61-64/65 65/66-69/70 70/71-74 /7S 15/76-79/80 80/81-86/87 91.620 116.340 8U04 100.321 119.m Source 247 Superri cie (1111 74.660 90.140 74.928 72.161 69.280 lendeIeAtS (tomsl 0,508 871. 600 1. 062. SOO 959.987 969.104 1.077.388 o,m 0,494 0,587 0,591 Nais lit Produc- moyenne: Rendeleots (tonnes 1 Production (tonnes 1 1,227 1,291 1,112 1,390 1,729 29.180 42.720 J3 .066 46.501 87.189 : Direction de l'agriculture SUperride (luI 34.800 54,320 43.396 51.787 78.831 lendeltatS (tonnes 1 0,841 0,787 0,762 0,805 1,108 BIBLIOGRAPHIE SOl\tMAIRE ANDERSON mc., La NPA du Sénégal, Document 1990. c., Les circuits de commercialisation des produits du secteur primaire en Afrique de l'Ouest, 3 tomes, Ministère de la Coopération, Paris, SEQUI. AROITI BADOUL'i R., L'économie rurale, Collection Dunod. , . BANQUE MONDIALE, Mémorandum Economique, Dakar, 1984. ~ BANQUE MONDIALE, Stabilisation, ajustement partiel et stagnation au Sénégal, Rapport nO 11506, mai 1993. BELO]I;Q.E G., Quel développement rural pour l'Afrique Noire ?, Dakar, Nouvelles Editions Africaines. BERG E., L'Ajustement ajourné: réforme de la politique économique du Sénégal dLms les années 1980, Document ronéoté USAIDlDakar, 1990. 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WashingtOn, D.C., 26 February 1990. 252 T ABLE DES MATIERES Préface ,. 5 Avant-propos 9 Propos introductifs à la réflexion sur l'agricultue sénégalaise dans une perspective de relance de la croissance 9 1) La faillite des sociélés d'inlerventions dans le monde rural....... 2)Le dcficit agro-alimentaire et son incidence sur la balance des païcillents 3) L'inefficacilé de la politique agricole dans le domaine de r accroissement des super1ïcies et des rendements 4) La détérioralion du pouvoir d'achat des produc!eurs 23 Introduction générale 41 Prologue................................... 1) L'agriculture 2) L 'élevage 3)Lapêche........................................................................................ 4) La Foresterie 46 49 50 51 24 29 30 41 PREMIERE PARTIE Crise agraire et stratégie d'intervention de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International 57 CHAPITRE 1- La crise de l'économie agricole séncgalaise 61 1) L'impact sur les agrégats nationaux 2) Les distorsions structurelles de l'économie sénégalaise 61 70 253 CHAPITRE 11- Les modalités d'intervention de la Banque Mondiale ct du FMI 1) Contribution du FMI aux plans de rt~dresscment Cl mesures d'accompagnclllclll . incidences sur le secteur rural............ 2) Les implications techniques directes du groupe de la Banque Mondiale dans le programme agricole ct dans les efforts de restructuration de l'économie rurale sénégalaise HI 81 84 DEUXIEME PARTIE Impact réel de la politique de libéralisation des institutions internationilles CHAPITRE I-Lcs incidences micro-économiques. psychologiques Cl socio-économ iques 1) Le premier projet de crédit agricole 2) Le projct de développement rural du Sénégal-Oricntal 3) Projet des Polders du Fleuve Sénégal.................................................... 4) Le projet d'irrigation de Débi-Lrunpsar 5) Les petits projets d'opérations rurales 6) Le projet rizicole de la Casamance CIIAPITRE II - Les imptlcts mal:ro-économiqucs 1) Les effets des interventions du FMI sur le secteur rur.lI dans le cadrl' du redrt'sscmcnl de l'économie scn~~alaisc ~) Les incidences macro-économiques des interventions du groupe de la Banque Mondiale sur le secteur l'lIrai 89 91 91 9~ 101 103 107 1D 117 117 126 TROISJEME PARTIE Les llXes d'une nouvelle strlltéllie pour l'émergence d'une llgrlculture ptrf()rm~lnte CHAPITRE. 1- OrganisaI ion de la production en vue de la rcl:lnce de la croiss:lIlce 1) L'étnt des filières ugricoles ct leur réorganisation dans J'oplil.luL' de lu relance de l'économie rur:Jle 2) La réalisation programmée d'une infraslructurc de hase pour l'agriculture 1~.' 1~9 LN 164 CHAPITRE Il - Les conditions institutionnelles ct techniques pour une agricullurc moderne cl efficace........................................................................ 171 1) Ln coopéralÎon dans le secteur agricole................................................ ....... 171 254 2) La planification du perfectionnemcnt dl' la tedlllique cl de l'ulilisation généralisée des facteurs motlcrnes tic protluction agricolc 3) LI néccssité de ln définition tI'une politique atléquale de crédit 4) La politique des prix. tics revcnus ct tic la cOllllllercialis:lIion con\llle moyen de Illodification des slructurt's 5) La reconl.juête du marché urbain ct régional............................................ CHAPITRE Il-Elaboration de structures fonctionnelles d·cnca<.lrement ct de participation populaire 1) Les paysans sans Etat ni Nation 2) Revalorisation des stfllctures el tles organisations paysannes 3) La question foncière: enjeux ct exigences 4) Participation populaire au développement I1Jral ct promotion tle la femme...... 5) Intégration, responsabilité ct soutien des agricultflces 175 179 1 X4 1XX J 91 Il) 1 201 202 2 1() 220 EN CONCLUSION Le Sénégal est capable de relever le défi du développement aHC l'agriculture cOlllme locomotive 22.\ 1) Une agriculture profontlément rénovée doit être le moteur du redressement économ ique et social.............................................................. 2) Quelques lignes directrices d'un plan de relance de l'agriculture............. 22l) Annexes statistiques Tableau J : Structure des revenus tles ménages Tableau 2: Evolution des exportations Tableau 3 : Structure du premier projet tle crédit agricole Tableau 4 : Ohjectifs de production agricole du projet de (kwloppellll'111 Sénégal-Oriental Tableau 5 : Situation <.lu projet en milliers de fr'lI,lCs CFA Tableau 6 : Coûts du projet Tableau 7 : Production agricole cl productivité moyennes annuelles dcs sous-périodes Bibliogruphie sOlllmuire 22.\ 2.Îl) 241 242 24.\ 244 245 2.t6 247 2.t t) Au lendemfÏ1l de l'indépendance, l'édif~;,., '1 J•• projetée au Sé ,légal d\me société moderne, socialiste et démccratiql"~, c.~vai! s'appuyer d'une l"c:f1 bur le d~veloppernent prioritaire de l'agriculture et d'autre part ",,~' l'exercice par l'Etat de fonctions éc('!nomiq~~ et financières pour 11 promotion des activités producth~s. Toutefois, trois dé-cennies après, les résultats de cette politique se sont avérés plus que modestes. La crise de l'économie agricole s'est approfondie avec, certes, quelques progrès r~els mais largement insuffisants l'l0ur faire face à la croissance démographique, aux :1endements has, aux faibles productivités du travaii, au déficit" alimentaire persistant et Ua hillitedu ;;ecteurpublic rural. Il en est résult6- . une paysannerie :-ious-employée et appauvrie. C'est dans ce context{; qu~ le grO\lpe de la Banque Mondiale (BM) etdu Fonds Monétaire International (FMI) a initié f~îvers projets visant la relance de J'agriculture pour en faire;' . le rnoteur de réconomie sénégal:lise. Ce sont ces interventions qu'a·nbitionne d'apprécier ce présent ouvrage. L'objectif visé est mieuxéval uer!' impact sur le secteur rural des différents .programmes mî~ e9 œl,IV rë' ifj les deux organismes financiers sus-cités. En effet,leur mod~ dtaCtlOll es_uvent criti.qué comme étant très faiblement perfounant ~" fait liuç les politiques ~ mpehé impliquées sont peu appropri~e5 dUX structures rurale:: africaines! r'ès lors, se pose la question des défi~ du' .mo!hle rural sénégalais et celle de savoir comment les relever pour faire ..' de ragriculture la locomotive du développement économique et soe<ial,\) , - -~,,/ Professeur MouSlapha KASSE est Dl)yen de la Foelilti des Sciellces Economiques et de Gestion. 11 Q bl .Directeur du Centre de Recherches Economiques Appliquies (CREA). 1/ est Prlsldent de la Coriflrence des Il1stitlllions tf Ellselgnement et de Recherche en A/riqu~ et Vice-Prisldent de /' Associatlo" des Economistes .d'Afrique de l'Ouest. Ellseiglla", dalls plusieurs Ulliversit/s africaines, il est rauteur de plusieurs publications dont la derni~re en date est L'Afrique endettée,Editlons NEAS-CREA. ISBN: 2 ·72361101·9 --_.-._, _.. .-- ... - ~.~,,-----"_._--