américanisme peut être également lié à raisons plus structurantes : sont
vilipendés en même temps l’impérialisme militaire, économique et culturel du
pays, sa philosophie du self made-man, sa juridisation à outrance, son
exubérante force de consommation (alimentaire mais aussi industrielle). Ce
sentiment anti-américain trouve une traduction particulièrement claire dans
un rejet de l’industrie hollywoodienne qui condense impérialisme économique
et culturel.
5) un fort pessimisme social. Enfin, les textes critiques de Libération
et du Monde se caractérisent par la récurrence de formules renvoyant à des
représentations très négatives du monde social. Chaque film est perçu
comme le reflet ou la traduction d’un dysfonctionnement, dysfonctionnement
de l’Etat, de la famille, des relations amoureuses, amicales. Ce pessimisme
touche parfois à un pessimisme quasi existentiel. On a ainsi pu relever une
très forte récurrence du terme « mort » et de toutes ses déclinaisons. Et ce,
même à propos de films qui ne portaient pas, a priori, sur le sujet : « la mort
pour tout le monde», « la Mort en personne », « ronde de vie et de mort »,
« face à face avec la mort », « conjoint la beauté et la mort », etc. Cette
insistance sur la mort est également accompagnée d’une vision très noire de
l’homme ; pour reprendre leur terminologie, de « l’âme humaine » : « l’effroi
mortel qu’inspire à l’homme sa propre destinée », « découverte d’une
souveraineté ontologique du mal », « la noirceur des âmes », « les hommes
et leur lâcheté », « l’incompréhension entre les hommes », etc.
Pour tenter de définir la place de ces représentations sur l’échiquier politique
nous avons pris comme repère les concepts de libéralisme économique et de
libéralisme culturel. Les formules présentes dans les articles de Libération et
du Monde véhiculent des représentations qui associent tout à la fois un
libéralisme culturel positif et un libéralisme culturel négatif. Cette association
signe une position « de gauche ». Il y a donc coïncidence entre la ligne
éditoriale générale de ces deux journaux et leurs critiques culturelles.
En prenant position sur le plan politique, les textes critiques de Libération et
du Monde ne renvoient pas à l’image classique du journaliste qui repose
plutôt sur le mythe d’un justicier objectif. Ils semblent plutôt fait écho à la
figure l’écrivain, et plus particulièrement celle mise en valeur depuis Sartre
de l’écrivain engagé. La façon dont les journalistes des deux quotidiens
aiment à se positionner sur le plan politique, à ne pas hésiter à user de leur
subjectivité est une manière de se détacher de la figure du journaliste