PROFILS
Ferveur Jacques Lassalle
un film documentaire réalisé par Jean Philippe Puymartin
coproduction : ARTE France, ExMachina (2002 - 1 h)
23.15
vendredi 12 juillet 2002
Contact presse : Frédérique Champs / Cécile Braun - 01 55 00 70 45 / 44
Retrouvez les dossiers de presse en ligne sur www.artepro.com
« On pourrait presque imaginer que dans
l’espace de deux répliques, dans un silence
infinitésimal, une minuscule pause entre deux
regards, un bref instant où la parole de l’un
s’invente dans l’écoute de l’autre, on pourrait
donc presque imaginer voir se dérouler dans
ce temps si court des mois entiers de la vie de
Jacques Lassalle. Comme si le temps
suspendu du Théâtre se mesurait à tous ces
instants fuyants de notre vie quotidienne ».
Jean Philippe Puymartin.
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Passion, plaisir, emprise,
ferveur, colère...
Jacques Lassalle évoque toutes ses émotions de metteur en
scène amoureux des acteurs comme du théâtre, qu’il soit public
ou privé. En répétition, dans les coulisses des grandes scènes
nationales ou chez lui, il raconte son itinéraire et évoque ses
rencontres, du Théâtre de Vitry à l’Odéon, du TNS de Strasbourg
à la Cour d’honneur du Palais des Papes à Avignon (Médée, avec
Isabelle Huppert).
C’est peut-être de la tension entre plaisir et interdit qu’est née la vocation
théâtrale de Jacques Lassalle. Son père et son grand-père voyaient dans la
condition de l’artiste une dimension superflue, stérile et asociale. Intrépide, il
s’est malgré tout frotté à ce territoire inconnu, aux confins de la morale familiale,
pour y goûter le “fruité”, le “charnu” des mots et accepter la métamorphose de
l’acteur comme une condamnation perpétuelle, à la fois pathétique et jubilatoire.
Du Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine (1966-1983) à la Comédie Française
(1990-1993) en passant par le Théâtre National de Strasbourg (1983-1990),
Lassalle sert le théâtre public tout autant qu’il ajoute les gammes de l’auteur et
du metteur en scène à ses harmoniques d’acteur.
Allegro prestissimo, voilà sa pensée agile qui sollicite le corps et l’inconscient
de ceux qu’il dirige. Quand “ça cogne”, quand “ça fait mal”, il a sa récompense.
Alors il “laisse reposer”, comme un boulanger ou un alchimiste, en attendant
que le miracle s’accomplisse et que l’acteur se révèle (et nous révèle) une part
enfouie de lui-même.
Sur scène et pendant les répétitions, l’autorité et l’humour du professeur
Jacques Lassalle instillent aussi le goût de la liberté (et si possible de la révolte)
aux jeunes acteurs du Conservatoire National d’Art Dramatique. Passeur de
mémoire, du siècle de Molière ou du cri de Médée dans la Cour d’Honneur du
Palais des Papes à Avignon, Lassalle ne peut être privé longtemps de théâtre,
un théâtre sans lequel il a seulement “l’air de vivre”...
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Note du réalisateur
Réaliser aujourd’hui un portrait de Jacques Lassalle signifie beaucoup pour moi.
Douze ans après avoir réalisé Ferveur, Comédie-Francaise, documentaire de 52’
qui décrit avec amour la vie de cette grande Maison tout au long d’une saison
théâtrale, je voulais montrer, avec tout autant de ferveur, ce que sont l’œuvre et
la vie de l’un de nos plus grands hommes de théâtre.
Notre compagnonnage de près de 17 ans à travers de magnifiques spectacles
comme les Estivants de Gorki, L’émission de Télévision de Vinaver, Un mari
d’Italo Svevo, La Serva Amorosa de Goldoni et aujourd’hui Le Misanthrope de
Molière, représente, pour moi, un parcours fondateur de ma conscience
d’acteur.
Jacques Lassalle est le metteur en scène avec qui j’ai le plus travaillé. J’avais
23 ans quand je jouais pour la première fois sous sa direction. Son exigence, sa
ténacité et sa fidélité ont eu raison au fil des années de tout ce qui en moi
pouvait s’accommoder « d’à peu près », ou se contenter de « juste ce qu’il
faut ». Il a su patiemment me montrer le chemin de la véritable exigence de ce
métier, de cette quête toujours en mouvement vers l’impossible transparence
que tout acteur rêve un jour d’atteindre, cet état de pur bonheur où le texte
semble traverser celui qui le dit sans altération, et se transmet directement de
l’auteur au spectateur.
Entreprendre un film sur Jacques Lassalle, c’est avant tout faire une œuvre
totalement personnelle, offrir aux spectateurs un regard subjectif et intime, une
vision « de l’intérieur », ma vision de tous ces différents métiers du théâtre :
acteur, auteur, metteur en scène, producteur, pédagogue. Tous ces métiers que
Jacques Lassalle pratique tour à tour.
Il lui arrive fréquemment de passer ses matinées à enseigner au Conservatoire,
de rejoindre un plateau de répétition l’après-midi en n’ayant que le temps
d’avaler un sandwich entre les deux ; puis, après six à huit heures de travail
ininterrompu, de rejoindre le soir le théâtre où se joue un autre de ses spectacles
pour en suivre la représentation et donner ensuite aux acteurs des notes très
précieuses pour la bonne tenue et l’amélioration de la pièce. Cet homme ne
s’arrête jamais. Et s’il a une soirée de libre, en général sa curiosité naturelle le
pousse à aller voir les spectacles des autres.
Jacques Lassalle c’est aussi plus de trente ans de théâtre dans des lieux aussi
différents que le Studio-Théâtre de Vitry qu’il dirigea de 1967 à 1982, le Théâtre
National de Strasbourg de 1983 à 1990, et la Comédie-Française entre 1990 et
1993, que nous avons revisitée grâce à des images d’archives.
C’est aussi, ces sept dernières années, un homme qui se qualifie lui-même de
« franc-tireur » dans la position radicalement opposée qu’il adopte en fondant
sa propre compagnie, refusant toute proposition d’installation dans un théâtre,
et parcourant les routes du monde entier, alternant les mises en scène en
France et à l’étranger. Observer le parcours théâtral de Jacques Lassalle
équivaut donc à éclairer et à comprendre mieux les trente dernières années du
théâtre public en France et à mesurer son rayonnement international.
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En effet, Jacques Lassalle est connu dans le
monde entier pour la qualité de ses mises en
scènes. Mais il est aussi connu dans le métier pour
son caractère entier, pour son intransigeance, ses
coups de gueule et sa formidable capacité de
souffrance. Son attirance extrême pour le rôle
d’Alceste et pour le Misanthrope dans son entier,
ne doit rien au hasard. Rien n’est plus pénible pour
un perfectionniste (je devrais dire un absolutiste)
tel que lui d’assister à la représentation d’un de ses spectacles. Cette exigence
absolue, qui surprend parfois les comédiens qui n’ont pas l’habitude de
travailler avec lui (et qui enchante les autres !) prend ses racines dans toutes les
divisions de cet homme, dans ses déchirements intimes. Toujours en rupture
avec les modes, partagé entre tradition et modernité, il fait du théâtre contre
toute théâtralité, contre toute habitude, contre toute facilité. Il rejette toujours ce
qui brille ou montre trop d’assurance, pour donner à voir au public, l’essentiel.
Tout ce qui le passionne se passe au-delà des mots, dans les silences, les non-
dits, entre deux portes… Il traque la fragilité de l’âme humaine, en montre avec
pudeur tous les recoins, ou la fouille avec violence. Ce qu’il écoute, quand il
écoute un acteur, c’est ce qui se passe bien au-delà des mots. Lui-même
raconte « L’an dernier j’ai monté la même pièce à Oslo, puis à Paris. Les acteurs
norvégiens, c’était une évidence. J’avais beau ne rien comprendre à la langue,
tout était là et je comprenais tout. A Paris, les acteurs avaient beau dire leur texte
en français, je ne comprenais plus rien à cette pièce ».
Jacques Lassalle est un homme passionné aux
multiples talents, un homme divisé qui ne rêve que
de Cinéma et qui fait du théâtre, un auteur qui ne
t rouve plus le temps d’écrire, un cherc h e u r
d’absolu, un montreur de l’âme humaine. C’est cet
homme que j’ai envie de suivre patiemment, d’une
caméra d’autant plus présente qu’elle saura se
faire oublier. C’est cette réflexion en images que je
veux entreprendre, comme j’entreprends aussi la
réflexion de ma propre image. Jeux de miroirs, faux-semblants, artifices,
mensonges du Théâtre pour aller vers une plus grande vérité et échapper ainsi
à un quotidien si souvent décevant.
En suivant Jacques Lassalle toutes ces semaines durant, je fais à la fois le point
sur mon métier d’acteur et toutes les questions qu’il me pose, je propose un
éclairage particulier des trente dernières années du théâtre en France, et je
tente de donner une image aussi riche et fidèle que possible de cet homme
prolifique, de ce boulimique de théâtre, ce gourmand de la vie, ce personnage
surprenant aux humeurs légendaires, qui « met en scène avec un œil de
cinéaste, une oreille de Jazzman, une parole de romancier et une sensibilité
d’acteur. »
Jean Philippe Puymartin
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