Contact : [email protected] ©TheFamily 2016 INTRODUCTION Le logement joue un rôle crucial dans notre vie. Le domicile est là où nous passons une part déterminante de notre temps. Il définit notre rapport au monde : habiter un quartier, c’est projeter un statut social. Le logement structure aussi notre vie en société : il détermine le cercle de nos proches (voisins, militants de quartiers, camarades de classes), notre accès aux services de tous les jours (commerçants, médecins), notre usage du système de transport. Il sécurise plus ou moins notre situation financière et conditionne, suivant la proximité et la desserte des zones d’activité, notre accès à l’emploi. Être satisfait de ses conditions de logement est une condition du bien-vivre. Le logement demeure une des principales préoccupations des Français1. Or la frustration domine : 78% des français pensent qu’il est difficile de trouver un logement2. Les logements sont souvent jugés trop cher, trop éloignés des lieux de vie et de travail, trop petits, pas assez confortables3. Selon la Fondation AbbéPierre, 12,1 millions de personnes seraient fragilisées par rapport au logement en France4. La situation est particulièrement critique pour les familles. L’appréhension du marché du logement est toujours un exercice délicat. Le marché du logement forme un système avec plusieurs autres marchés : les marchés financiers, le marché du travail, les marchés de biens et services. Les politiques publiques en matière de logement sont un défi particulièrement difficile à relever. Elles sont difficiles à concevoir tant les relations entre ces différents marchés interdépendants sont complexes et les intérêts des différents acteurs ne sont pas alignés. Elles sont difficiles à mettre en œuvre tant le logement est un enjeu de très long terme, marqué par de nombreuses contradictions5. Pour ces raisons, les caractéristiques du marché du logement de chaque État sont spécifiques. Il n’en reste pas moins que l’enchaînement d’évenements qu’ont connu les États-Unis, plus particulièrement la Silicon Valley, figure de proue de la transition numérique, est riche d’enseignements. 1. Ipsos (2014), Les Français et le logement, Baromètre Ipsos pour Nexity. http://www.ipsos.fr/ 2. Ipsos (2014), Les Français et le logement, Baromètre Ipsos pour Nexity. http://www.ipsos.fr/ 3. Guillemette de La Borie (2013), « Le logement conditionne le bien-être familial », La Croix. http://www.la-croix.com/ 4. Fondation Abbé-Pierre (2016), Rapport Annuel sur l’état du mal-logement en France 2016. http://www.fondation-abbe-pierre.fr/ 5. Jacques Mistral et Valérie Plagnol (2008), Loger les classes moyennes : la demande, l’offre et l’équilibre du marché du logement, Conseil d’analyse économique, La Documentation française. http://www.cae-eco.fr/ 3 LES CONTRADICTIONS DU MARCHÉ DU LOGEMENT LA CROISSANCE COMPLIQUE L’ACCÈS AU LOGEMENT L a croissance économique dans un territoire provoque toujours une tension du marché du logement. L’impact d’un développement économique rapide sur le marché du logement est visible si l’on observe certains territoires, où une croissance soutenue pendant une courte période a fait monter en flèche les prix de l’immobilier. C’est par exemple le cas à Denver, dans le Colorado. En 2014, la légalisation par cet État américain de l’usage du cannabis a donné naissance à une nouvelle filière, particulièrement prospère (elle a réalisé 700 millions de dollars de chiffre d’affaires dès la première année), mais aussi consommatrice de ressources foncières. Aujourd’hui, Denver consacre 4,2 millions de mètres carrés à la culture du cannabis6. Le résultat de cette nouvelle spécialisation du territoire est une tension du marché immobilier, qui affecte les professionnels comme les particuliers. Le prix moyen des logements a augmenté de 17% entre 2010 et 20147. Malgré les mesures prises par les pouvoirs publics8, les classes moyennes ne parviennent plus à trouver des logements à un prix abordable. Les motifs de cette augmentation des prix sont simples. Comme le montrent les spécialistes de l’économie du logement, les prix de l’immobilier sur longue période, dans une zone géographique donnée, dépendent de trois variables – même en présence d’un dispositif de contrôle des loyers9 : le nombre d’emplois dans la zone, la richesse de ses résidents permanents et le volume de l’offre de logements (publique ou privée). La croissance économique provoque à la fois la création et la croissance des entreprises, l’afflux de nouveaux travailleurs et l’augmentation du pouvoir d’achat de certains d’entre eux. Dans un contexte de rigidité de l’offre à court terme, la demande supplémentaire de logements et la solvabilité des actifs les mieux rémunérés provoquent une hausse des prix. 6. Arielle Milkman (2015), “The Housing Crisis Amid Denver’s Cannabis Boom”, The New Republic, 12 octobre 2015. https://newrepublic.com/ 7. Zillow, Denver Home Prices & Values. http://www.zillow.com/ 8. John Murray (2015), “Denver looks to preserve existing affordable housing with new law”, Denver Post, 12 septembre 2015. http://www.denverpost.com/ 9. Eric Fisher (2016), “Employment, construction and the cost of San Francisco apartments”, Experimental Geography, 14 mai 2016. http://experimental-geography.blogspot.fr/ 4 Logement Cités-dortoirs Sites touristiques Quartiers fermés Marché équilibré Quartiers d’affaires Emploi Tension extrême Paradis Fiscaux Richesse La tension du marché immobilier apparaît à plus ou moins court terme, suivant la spécialisation économique du territoire. Si le territoire se spécialise dans des activités employant des travailleurs peu qualifiés, la tension sur le marché immobilier est initialement portée par la hausse de l’immobilier professionnel. Ce n’est qu’à moyen terme, si le développement économique se poursuit et que les difficultés à recruter provoquent une tension sur le marché du travail, qu’il entraîne une hausse du pouvoir d’achat des travailleurs, donc la tension du marché du logement dans la zone géographique. Lorsque la spécialisation économique favorise la création d’emplois qualifiés, la tension du marché immobilier n’en est que plus rapide. Dans tous les cas, il est difficile de mobiliser le troisième paramètre pour compenser l’évolution des deux autres. L’offre de logements est contrainte par au moins quatre facteurs : la disponibilité des ressources foncières, la réglementation, la fiscalité, mais aussi la durée des chantiers de construction, qui reste incompressible malgré les progrès techniques. 10. Nicolas Colin (2015), La Richesse des nations après la révolution numérique, Terra Nova. http://tnova.fr/ 5 LA TENSION DU MARCHÉ FINIT PAR ÉTOUFFER LE DÉVELOPPEMENT Dans un second temps, la tension du marché du logement finit toujours par entraver le développement économique du territoire. Elle étouffe la croissance économique non seulement en provoquant l’éviction de certains ménages, mais aussi en ralentissant le développement des entreprises. En premier lieu, la tension du marché du logement freine la création d’emploi : • en théorie, le développement économique d’un territoire entraîne, par effet de ruissellement, celui des emplois de proximité (restaurants, supermarchés, coiffeurs, système éducatif et système de santé). Aux États-Unis, l’économiste Enrico Moretti, de l’université de Berkeley, estime que chaque emploi qualifié créé sur un territoire entraîne la création de cinq autres dans le domaine des services de proximité11 ; • mais lorsque la tension sur le marché immobilier est trop importante, les emplois de proximité ne se créent plus au même rythme ou basculent dans l’économie grise12. Par ailleurs, même pour les travailleurs qualifiés et bien rémunérés, le logement absorbe une partie importante des revenus, ce qui limite le potentiel que peut capter l’économie de proximité ; • San Francisco est un exemple frappant. L’économie numérique est à l’origine de la majorité des emplois créés au cours de la période 2010-2013. Mais Ted Egan, économiste en chef du bureau de contrôle de la ville, estime que chaque emploi créé dans l’économie numérique se traduit par seulement deux emplois supplémentaires dans les services de proximité13. C’est deux fois moins que la moyenne nationale14. La tension du marché du logement freine aussi la créativité et la prise de risque : • les activités culturelles sont particulièrement touchées, tant elles nécessitent de l’espace. Atelier de photographes, de peintures, salles de répétition pour les musiciens : les surfaces utilisées sont souvent importantes. L’émergence d’une industrie consommatrice d’espace peut se traduire par l’éviction des acteurs du secteur culturel : c’est le cas à Denver, avec la croissance rapide des cultures de marijuana15 ; • plus globalement, la tension sur le marché immobilier s’exerce aux dépends de la communauté entrepreneuriale, traditionnellement moins solvable. Échouer financièrement expose à des risques considérables sur le marché du logement. La tension du marché du logement alimente une insécurité économique qui dissuade la prise de risque et invite au conformisme16. 6 11. Enrico Moretti (2012), The New Geography of Jobs, Mariner Books, New York. 12. TheFamily (2016), La transition numérique au cœur des territoires, étude à paraître. 13. Jennifer Warburg (2014), “Forecasting San Francisco’s Economic Fortunes”, Spur. http://www.spur.org/ 14. Kim-Mai Cutler (2014), “How burrowing Owls Lead To Vomiting Anarchists (Or SF’s Housing Crisis Explained)”, Techcrunch. http://techcrunch.com/ 15. 6. Arielle Milkman (2015), “The Housing Crisis Amid Denver’s Cannabis Boom”, The New Republic, 12 octobre 2015. https://newrepublic.com/ 16. Sarah Kendzior (2013), “Expensive cities are killing creativity”, Al Jazeera, 17 décembre 2013. http://www.aljazeera.com/ Enfin, la tension du marché du logement accentue les inégalités géographiques : • les prix élevés du marché immobilier entravent la mobilité des travailleurs. Aux États-Unis, la création de richesse s’est concentrée dans un nombre limité de villes où le prix du logement s’est envolé. C’est vrai en particulier de villes côtières telles que New York ou San Francisco. À l’inverse, d’autres régions souffrent d’un taux de chômage élevé. Toutefois, les différences de prix entre les différents marchés locaux du logement dissuadent les travailleurs vivant dans des conditions précaires à se déplacer pour occuper les emplois là où ils sont créés17. Ainsi les nouveaux-centres villes n’arrivent-ils pas à pourvoir leurs emplois, tandis que de nombreux travailleurs sans emploi se trouvent piégés dans des zones sans dynamisme18 ; • la densité reste la clef de la croissance économique d’une ville. La densification urbaine présente des externalités positives. En favorisant les échanges, en facilitant la circulation des individus, elle augmente la productivité. L’étalement urbain, à l’inverse, au-delà des conséquences environnementales néfastes qu’il entraîne, va de pair avec une diminution de la productivité des actifs19. Elle ne saurait donc constituer une solution. Toute la difficulté consiste à résoudre cette contradiction : densifier les villes tout en y freinant la hausse délétère du prix du logement. LE MARCHÉ EST CONTRAINT PAR LA LENTEUR DE RÉPONSE AU SIGNAL Le marché français du logement présente déjà une concentration élevée. En 2007, 77,5% des Français résidait dans l’espace urbain. C’est quatre points de plus qu’en Allemagne, où la population urbaine s’élevait à 73,7% en 200720. Dans les départements et région d’outremer, la quasi-totalité de la population vit en ville (98% à la Guadeloupe et Réunion, 96% en Martinique, 89% en Guyane). En France métropolitaine, plus des trois-quarts de la population se concentrent sur 20% du territoire21. L’adaptation de l’offre à la demande est structurellement lente. Il existe plusieurs raisons à cela : • la première difficulté est la faible disponibilité du foncier, pour des motifs physiques ou réglementaires. En France, elle constitue depuis plusieurs années un goulet d’étranglement22. Un propriétaire n’a aucune obligation de mettre à disposition son foncier. Toutefois, il n’est pas aisé de lutter contre la réten- 17. TheFamily (2016), La transition numérique au cœur des territoires, étude à paraître. 18. Sarah Kendzior (2016), “Geography is making America’s uneven economic recovery worse”, Quartz, 29 avril 2016. http://qz.com/ 19. Noah Smith (2016), “Want Economic Growth? Try Urban Density”, BloombergView. http://www.bloomberg.com/ 20. Université de Sherbrooke, « Perspective Monde ». http://perspective.usherbrooke.ca/ 21. INSEE (2011), « Le découpage en unités urbaines de 2010 », INSEE Première, n° 1364. http://www.insee.fr/ 22. Thierry Repentin, Dominique Braye (2005), Les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, rapport d’information n° 442 (2004-2005), Sénat. https://www.senat.fr/. Pour une analyse propre à l’Île-deFrance, voir Jean-Michel Roux (2013), La question foncière et la crise du logement. http://www.ateliergrandparis.fr/ 7 tion foncière car la mobilisation des instruments de politiques publiques fait l’objet d’une acceptablité réduite. À l’échelon national, recourir au levier fiscal élèverait le niveau des prélèvements obligatoires, déjà important. À l’échelon local, la libération du foncier peut se heurter à la réticence des électeurs. Les pouvoirs publics tendent donc à favoriser la mobilisation du foncier détenu par des entités publiques23 ; • la lenteur du processus de construction est une autre raison. L’innovation accélérée dans plusieurs filières entraîne une demande d’évolution de la qualité dans tous les domaines24, en particulier dans le logement : les gens souhaitent des logements sûrs, sains, connectés, économes, respectueux de l’environnement25. Mais la complexité qui en résulte sur la conception et la construction des logements, en l’absence d’innovation, a un impact négatif sur le rythme de construction des logements. En France, cette lenteur s’explique également par des règles d’urbanisme nombreuses et complexes, qui génèrent un contentieux abondant. Ce contentieux, en retour, gêne luimême souvent la réalisation de projets26 ; • les freins réglementaires à la densification constituent une troisième raison. Quand elle ne freine pas la libération du foncier ou complexifie le processus de construction, la réglementation peut interdire certaines évolutions du bâti. Ces règles ont des effets malthusiens : elles limitent la croissance de la population. C’est le cas par exemple à San Francisco, où la règlementation limite la hauteur des bâtiments et ne permet pas d’augmenter la densité de la ville27. Au niveau local, les habitants expriment de l’ambivalence : ils acceptent le principe d’une solution, mais en refusent l’application pour euxmêmes28. Ces règles malthusiennes alimentent des situations de rente, en générant une pénurie artificielle. Elles freinent le développement économique des villes et sont incompatibles avec une économie de plus en plus urbaine. Sous leur empire, le prix du logement augmente à un rythme bien plus élevé que le coût de la construction29 ; • la moindre productivité dans la construction est un quatrième facteur. Non seulement la productivité est plus faible que dans d’autres filières, mais en plus elle décline30 ! L’organisation actuelle des métiers de la construction n’est plus appropriée. Depuis les années 1970, la filière de la construction est dominée par une croyance : la qualité d’un logement ne peut être obtenue que par la construction d’un ouvrage spécifique, adapté 23. Loi n°2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public. 24. Cf. par exemple Fédération des centres de Gestion Agrées (2014), L’observatoire de la petite entreprise, n°53. 25. Vincent Dusseaux (2016), « Habitants, habitats et mode de vie », Enquête Ipsos. http://www.ipsos.fr/ 26. Sur les effets du contentieux des autorisations d’urbanisme sur la réalisation de projets, voir Daniel Labetoulle (2013), Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre, Rapport à la ministre de l’égalité des territoires et du logement, La Documentation française. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ 27. Timothy B. Lee (2011), “Zoning Laws Are Strangling Silicon Valley”, Forbes, 19 septembre 2011. http://www.forbes.com/ 28. Kriston Capps (2016), “Blame Zoning, Not Tech, for San Francisco’s Housing Crisis”, The Atlantic, 11 mars 2016. http://www.citylab.com/ 29. Jason Furman (2015), “Barriers to Shared Growth: The Case of Land Use Regulation and Economic Rents”, White House Council of Economic Advisers. https://www.whitehouse.gov/ 30. C’est vrai en particulier aux États-Unis. Mais aussi le cas en Europe, où la productivité stagne, voire diminue : -0,2% en France entre 2001 et 2014. Cf. OCDE, Productivité et CUM par principale activités. http://stats.oecd.org/ 8 à son environnement. La conception des logements relève donc de la création d’un ouvrage unique : la filière ne livre que des prototypes et ne parvient pas à industrialiser sa production. Par ailleurs, l’organisation des acteurs au sein de la filière repose sur une segmentation périmée et un fort corporatisme. La construction est devenue une ingénierie par empilage, qui montre aujourd’hui ses limites et empêche la filière d’améliorer sa productivité. Le résultat est que l’activité de construction génère une proposition significative de coûts de non-qualité31 ; La baisse de la productivité dans la construction (données ÉtatsUnis) • à l’avenir, la capacité d’ajustement du marché pourrait aussi être limitée par la pénurie de main-d’œuvre. Celle-ci se dessine déjà aux États-Unis : dans ce pays, ce sont près de 600 000 ouvriers de chantiers supplémentaires qui sont nécessaires pour maintenir le rythme actuel de la construction. Pas plus la démographie que l’immigration ne seront en mesure de combler ces besoins. Une hausse des salaires, et donc du coût de la construction devraient en découler32. Le prix du logement devrait augmenter en conséquence. Dans ce contexte de concentration des populations dans les métropoles, la lenteur de réponse au signal provoque une déconnexion tendancielle entre le prix du logement et les revenus des ménages. Jacques Friggit, ingénieur général au conseil général de l’environnement et du développement durable, a étudié l’évolution des prix du marché immobilier français. L’indice du prix des logements rapporté au revenu des ménages s’est révélé très stable entre 1965 et 31. Hervé Hardun et Denis Latour (2013), « Coût de la non-performance : qualité, coût global, formations des acteurs », Construction durable et performance énergétique en Aquitaine. http://www.cdpea.fr/ 32. Conor Sen (2016), “Why Housing is About to Eat the US Economy”, CSEN, juin 2016. http://csen.tumblr.com/ 9 2002. La variation de cet indice restait contenu dans un écart de plus à moins 10% par rapport à l’indice de 1965 : c’est le « tunnel de Friggit ». Depuis 2002, les prix en sont sortis par le haut33. La relative stabilité de l’indice des loyers au niveau national recouvre des disparités importantes : hausses dans les zones tendues ; stagnation, voire régression dans les territoires dont le développement est moins dynamique. LES INTÉRÊTS DES LOCATAIRES ET PROPRIÉTAIRES NE SONT PAS ALIGNÉS Culturellement, la différence entre le statut du locataire et celui du propriétaire occupant s’enracine dans une histoire ancienne. En France, la propriété a longtemps été l’apanage du clergé et de la noblesse. Après la révolution, elle devient l’un des droits fondamentaux des citoyens. Seul un propriétaire, attaché à un territoire, est digne d’exercer les droits politiques du citoyen. Le locataire, mobile et instable, représente quant à lui une menace pour l’organisation de la société34. À l’échelle individuelle, il est économiquement opportun d’accéder à la propriété. Depuis 2008, l’insécurité économique n’a cessé de croître. Les pays de l’OCDE ont connu dans un premier temps une augmentation sensible du chômage, passé de 6 à 8,5% entre juillet 2008 et juillet 2009. Le retour, relatif, à l’emploi à partir de 2010 s’est accompagné de salaires moindres ou de conditions de travail plus incertaines qu’avant la crise. Dans ces conditions, même si elle est hors de portée du plus grand nombre, l’accession à la propriété n’en paraît que plus attractive. En protégeant les individus de la volatilité 33. Jacques Mistral et Valérie Plagnol (2008), Loger les classes moyennes : la demande, l’offre et l’équilibre du marché du logement, Conseil d’analyse économique, La Documentation française. http://www.cae-eco.fr/ 34. Danièle Voldman (2016), Locataires et propriétaires. Une histoire française, Payot, Paris. 10 des loyers constatées dans certaines zones, la propriété immobilière constitue une couverture contre les risques35. Psychologiquement, elle est également un élément de stabilité dans une période trouble et mouvante. Le contexte de baisse des taux directeurs a rendu l’accession à la propriété toujours plus attractive. Depuis 2008, les banques centrales poursuivent la baisse de leurs taux directeurs, amorcée afin d’éviter un resserrement du crédit (credit crunch) et amplifiée par les mesures d’assouplissement quantitatif. Le taux de la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement est ainsi passé de 2% en janvier 2009 à 1% en décembre 2011. Il s’agissait d’assurer la liquidité du système financier mondial pour éviter son effondrement. L’un des effets de cette politique a été la diminution du coût de l’argent pour les banques, qui a entraîné une baisse durable des taux des crédits immobiliers. Les baisses successives des taux directeurs de la BCE les ont amenés à un plancher historique : ils s’établissent à 0% depuis le 16 mars 2016. Dans ces conditions, l’accession à la propriété est plus attractive que jamais. À l’échelle collective, cependant, la propriété occupante exerce des externalités négatives. Ces externalités apparaissent à trois niveaux : • la dégradation de la situation de ceux qui sont obligés de rester locataires – Aux États-Unis, le logement représente 30% des dépenses pour la moitié des locataires, et 50% pour un quart d’entre eux36. Cette situation pourrait continuer à se dégrader à mesure de la tension du marché du logement dans les grandes métropoles37. Du fait de la faible mobilité résidentielle des propriétaires occupants38, plus ces derniers sont nombreux, plus le marché est rigide, ce qui contribue à augmenter les difficultés rencontrées par les locataires ; • l’allocation distordue de l’épargne – Les propriétaires occupants consacrent une part significative de leur capacité d’épargne au remboursement de leur prêt immobilier. L’argent investi dans une résidence principale l’est aux dépends d’investissements plus créateurs de valeur. Sur le temps long, on constate que les prêts accordés par les banques aux particuliers le sont aux dépends des prêts accordés aux entreprises39. Le développement des prêts immobiliers évince donc du marché du crédit les petites et moyennes entreprises, en particulier celles qui innovent, qui n’ont pas accès aux marchés financiers40. Ce phénomène est encore plus marqué dans les pays 35. Timothy B. Lee (2016), “Economists say houses are a bad investment. Here’s why they’re wrong”, Vox, 3 février 2016. http://www.vox.com/ 36. Gillian B. White (2015), “A Bleak Future for Renters”, The Atlantic, 21 septembre 2015 http://www.theatlantic.com/ 37. Allison Charrette, Christ Herbert, Andrew Jakabovics, Ellen Tracy Marya, Daniel T. McCue (2015), Projecting Trends in Severely Cost-Burdened Renters: 2015-2020, Harvard Joint Center for Housing Studies, Enterprise community partners. http://www.jchs.harvard.edu/ 38. 3% contre 17,8% pour les locataires du parc privé en France en 2011. Cf. Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (2012), Les conditions d’occupation des logements au 1er janvier 2011, observation et statistiques, n° 343, août 2012. http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/ 39. Òscar Jordà, Moritz Schularick, Alan M. Taylor (2014), “The Great Mortgaging: Housing Finance, Crises, and Business Cycles”, The Nation Bureau of Economic Research, Working Paper n° 20501. http://www.nber.org/ 40. The Economist (2015), “As safe as houses”, 31 janvier 2015. http://www.economist.com/ 11 où le secteur bancaire est concentré, comme au RoyaumeUni41 ou en France ; • les entraves à la mobilité des travailleurs – La mobilité de la main-d’œuvre est critique pour absorber les chocs asymétriques, en facilitant l’appariement entre offre et demande d’emplois. Elle participe, avec la mobilité du capital, au caractère optimal d’une zone monétaire42. Aux États-Unis, la moindre mobilité des propriétaires explique la corrélation, dans certains territoires, entre hausse du taux de propriétaires et hausse du taux de chômage43. Dans une économie qui se concentre de plus en plus dans les grandes villes, la mobilité des travailleurs tend à s’effectuer à sens unique : les personnes affluent vers les mêmes zones denses. Sur un marché du logement de plus en plus concentré par les effets d’agglomération et rigidifié par la propriété occupante, faciliter la mobilité des travailleurs est de plus en plus compliqué. Peu de pays ont réussi à préserver la qualité de leur marché locatif. C’est le cas de l’Allemagne. Le taux de propriétaires occupants y est l’un des plus bas parmi les pays de l’OCDE : 45,6 % en 201144, contre près de 58% en France. À l’issue de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne a mis en œuvre des programmes massifs de création de logements. Il s’agissait de reconstruire des villes détruites, mais aussi, comme le soulignait le ministre du logement de l’époque, Eberhard Wildermuth, d’enrayer la montée du communisme45. Le marché du crédit immobilier, peu structuré à l’époque, était prohibitif. Les Allemands ont donc favorisé la location et installé une préférence systématique pour la location par rapport à la propriété occupante. Aujourd’hui, le maintien en Allemagne d’un marché locatif de qualité s’explique par la conjugaison de trois facteurs46 : • une offre de logement satisfaisante – Le développement de l’offre de logements a été favorisé par l’inscription d’un droit à construire dans la loi fondamentale allemande, un processus décentralisé (organisation fédérale) et l’octroi de subventions aux Bundesländer proportionnelles à leur population ; • une réglementation favorable aux locataires – Celle-ci prévoit des mécanismes d’encadrement des prix, un système protecteur des locataires respectueux de leur logement. À cela s’ajoute la réactivité des gouvernements locaux. À Berlin, par exemple, le Sénat47 est intervenu pour enrayer l’augmentation des loyers dans le parc locatif public, qui avaient dépassé ceux du secteur privé48 ; 41. Josh-Ryan Collins (2016), “Why you can’t afford a home in the UK”, New Economics Foundation, février 2016. https://medium.com/ 42. Cf. la théorie des zones monétaires optimales de Robert Mundell. 43. David G. Blanchflower, Andrew J. Oswald (2013), “Does High Home-Ownership Impair the Labor Market?”, Forschunginstitut zur Zukunft der Arbeit, Discussion Paper n°76-40. http://www.iza.org/ 44. Statistisches Bundesamt (2014), “Building, buying, renting: the situation on the German housing market”. https://www.destatis.de/ 45. Jeffry M. Diefendorf (1993), In the Wake of War, Oxford University Press, New York. 46. Leith van Onselen (2011), “How Germany achieved stable & affordable housing”, Macro Business, 23 juin 2011. http://www.macrobusiness.com.au/ 47. Gouvernement de la Ville-Land Berlin. 48. Pour les foyers les plus modestes, plafonnement des loyers à un tiers, voire un quart des revenus du ménage. Cf. Feargus O’Sullivan (2015), “Berlin just showed the world how to ensure housing stays affordable”, Business Insider, 15 novembre 2015. http://www.businessinsider.com/ 12 • un marché du crédit rationalisé – La structure du secteur bancaire allemand, plus décentralisée, assure un meilleur équilibre entre prêts aux entreprises et prêts aux particuliers. Elle se traduit par une approche plus prudente dans l’octroi des prêts immobiliers, qui détourne de nombreux ménages de l’accession à la propriété. La situation favorable du marché du logement en Allemagne doit bien sûr être remise en perspective. Différents éléments de contexte ont un impact favorable à la modération des prix sur le marché du logement. Par exemple, le tissu économique allemand est mieux réparti entre plusieurs grandes villes, au lieu d’être concentré dans une seule région comme l’Île-de-France. Moins enviable, la démographie est significativement moins dynamique que dans d’autres pays comme la France, ce qui freine la croissance de la population active et donc prévient la tension du marché du logement. Enfin, le plus faible taux d’activité des femmes – qui a par ailleurs de nombreux effets négatifs sur le développement économique du pays – contribue à la fluidité du marché du travail en facilitant la mobilité des couples mariés. 13 LE LOGEMENT EN TRANSITION NUMÉRIQUE LA TRANSITION NUMÉRIQUE RECONCENTRE LES POPULATIONS L a géographie économique est en mutation. De plus en plus, l’économie globale se structure autour d’un réseau international de grandes villes, reliées entre elles par différents réseaux tangibles ou intangibles. Dans ce contexte, la hiérarchie entre les territoires ne dépend plus de la taille des villes, mais de la capacité d’un territoire à se connecter à d’autres territoires. L’inter-territorialité, plus que la taille critique, devient le principal déterminant de la puissance économique des grandes métropoles50. Dans ce contexte de mise en tension par les réseaux, la dynamique d’étalement urbain s’inverse au profit d’une reconcentration. Aux États-Unis, le XXe siècle a été celui des banlieues riches et des centres-villes pauvres. Le XXIe siècle voit émerger des centres-villes riches (gentrification) et des zones péri-urbaines en voie de déshérence51. En France, l’étalement urbain des années 1960 et 1970 a été rendu possible par la combinaison d’un foncier abondant et de politiques volontaristes. Au cours des années 2000, la France a continué de s’urbaniser : les villes couvrent 119 000 km2 en 2007, contre 100 000 en 199952. Mais on assiste, comme aux États-Unis, à une reconcentration au profit des métropoles. Alors que le taux d’urbanisation stagne à 77% à partir du milieu des années 2000, l’influence des grandes villes s’accroît53. À l’inverse, les villes moyennes qui ne bénéficient pas du dynamisme d’une métropole bien insérée dans les réseaux de l’économie globale déclinent54. La transition numérique de l’économie, qui s’accélère depuis 200855, intensifie cette concentration tendancielle des activités économiques dans les zones métropolitaines les plus denses. Au moins quatre raisons expliquent ce phénomène : • les actifs travaillent de plus en plus dans les services – Contrairement aux ouvriers, qui pouvaient travailler dans des 49. McKinsey & Company (2013), Urban World, The Shifting Global Business Landscape. http://www.mckinsey.com/ 50. Nadine Cattan, in France Culture, « La métropolisation de la France : entre fragmentation et hypermobilité », 2012. http://www.franceculture.fr/ 51. Alan Ehrenhalt (2013), The Great Inversion and the Future of the American City, Vintage, New York. 52. INSEE (2011), « Le découpage en unités urbaines de 2010 », INSEE Première, n°1364. http://www.insee.fr/ 53. INSEE (2014), « Trente ans de démographie des territoires », INSEE Première, n°1483, janvier 2014. http://www.insee.fr/ 54. Louis Maurin (2015), « La France qui se peuple et celle qui se dépeuple », Alternatives économiques, Les dossiers d’alternatives économiques n°001, février 2015. http://www.alternatives-economiques.fr/ 55. Marc Andreessen (2011), “Why Software Is Eating the World”, The Wall Street Journal, 20 août 2011. http://www.wsj.com/ 14 usines excentrées, les métiers de service obligent ceux qui les exercent à résider à une distance raisonnable de leurs clients. Plus l’économie devient numérique, plus les emplois correspondent à des fonctions non routinières (et donc non automatisables), en particulier dans les activités de service à la personne. Si certains services, tels les centres d’appels ou la logistique, peuvent être localisés à distance des clients, la plupart des emplois issus de la transition numérique de l’économie sont localisés dans les zones denses. Les chauffeurs de VTC sont un bon exemple ; • la bi-activité des couples complique les choix de résidence – À défaut de trouver deux emplois dans la même zone d’activité et choisir son lieu de résidence à proximité, un couple doit consentir des compromis dans le choix de son lieu de résidence. Trouver un logement équidistant des lieux d’emplois des deux conjoints est compliqué, d’autant plus dès lors qu’il faut aussi tenir compte de la scolarisation des enfants et des contraintes du système de transports. Seule la résidence dans une grande métropole permet d’optimiser ce jeu de contraintes ; • les parcours de carrière sont de plus en plus accidentés – La transition numérique est une période historique caractérisée par la fragilité des entreprises. Sous l’effet d’un flux continu d’innovations, la durée de vie des produits se réduit drastiquement : les entreprises peuvent trébucher de plus en plus souvent et être évincées de leur marché en un clin d’œil56. Les emplois salariés ne présentent donc plus la même stabilité que dans l’économie fordiste, d’autant moins que la part des contrats temporaires (intérim, CDD) a presque triplé entre 1982 et 2011, passant de 5 à 13%57. À cela s’ajoute la montée en puissance du travail indépendant, relative mais réelle58 : les travailleurs changent de lieu de travail au fil des contrats avec différents clients. Ces différents phénomènes entraînent un taux élevé de rotation de la main d’œuvre. Il a quintuplé en France entre 1982 et 201159. Seules les métropoles, grâce à la densité des emplois qu’elles proposent, permettent de réduire le degré élevé d’incertitude qui marque ces nouvelles carrières ; • enfin, les jeunes générations se fixent de plus en plus dans les zones métropolitaines – Les jeunes générations habitent en ville pour y finir leurs études, avoir accès à l’emploi, bénéficier du dynamisme de sa vie culturelle. La densité des transports urbains et les tarifs pratiqués par les auto-écoles les dissuadent de passer le permis de conduire. Il devient impossible, dès lors, d’envisager une mobilité ultérieure en zone périurbaine, qui supposerait de posséder un véhicule. Plus un individu demeure en ville, retenu par les facteurs précédents et les usages des jeunes générations, plus la mobilité ultérieure en zone périurbaine représente un investissement dont le coût devient hors de portée60. 56. Adam Davidson (2014), “Welcome to the Failure Age!”, The New York Times Magazine, 12 novembre 2014. http://www.nytimes.com/ 57. Challenges (2014), « Pourquoi les emplois précaires ont explosé en 30 ans », 17 septembre 2015. http://www.challenges.fr/ 58. Jody Greenstone Miller et Matt Miller (2012), “The Rise of the Supertemp”, Harvard Business Review, mai 2012. https://hbr.org/ 59. INSEE (2014), Emploi et salaires, Insee Références. http://www.insee.fr/ 60. TheFamily (2016), La transition numérique au cœur des territoires, étude à paraître. 15 Avec la concentration des populations dans les métropoles, corrélée à la transition numérique de l’économie, se loger en ville va devenir de plus en plus difficile. La tension du marché immobilier va durcir les conditions d’accès au logement et rétrécir l’espace habitable. La densification urbaine va aussi alourdir la charge des systèmes de transport, entraînant une dégradation des transports en commun et une congestion de la voirie. La vie dans les grandes villes va devenir de de plus en plus éprouvante, sans pour autant ralentir la hausse des prix due à la raréfaction des ressources foncières. Parallèlement, les parcours de carrière plus accidentés vont compliquer l’accès au logement locatif (intégration d’une prime de risque par les propriétaires bailleurs) comme au crédit immobilier (refus des banques de prêter à ceux qui n’ont pas une situation professionnelle stable). La conjugaison de ces tendances aggrave la tension sur le marché du logement, où l’écart entre insiders et outsiders tend à se creuser. LA SILICON VALLEY EST UN APERÇU DE LA CRISE QUI SE PRÉPARE La tension du marché du logement dans les zones en développement économique rapide n’est pas une spécificité française. Une situation similaire est observée même en présence d’un marché du logement plus flexible. Territoire à l’avant-garde de la transition numérique, dont le développement économique a été ces dernières décennies, la Silicon Valley permet d’anticiper les conséquences qu’emporte le développement économique rapide sur le marché du logement : • on y observe une pénurie des logements adaptés à la sociologie des nouveaux travailleurs locaux, jeunes et célibataires, aggravée par des restrictions réglementaires. Des règles malthusiennes s’appliquent par exemple à Mountain View, où se situe le siège de Google. Conçu comme une zone pavillonnaire, ce territoire ne peut légalement accueillir le type de logements qui seraient adaptés pour les salariés toujours plus nombreux qui travaillent au Googleplex61 ; • dans ces conditions de pénurie, on observe une aggravation de la précarité des jeunes travailleurs, en particulier ceux qui occupent des postes peu qualifiés. Leur taux d’effort peut alors atteindre 80%62. Aujourd’hui, ce taux est de 34% en moyenne chez les jeunes locataires français63 ; • enfin, on assiste dans la Silicon Valley à l’éviction massive des locataires historiques les plus pauvres, qui ne peuvent plus faire face à la hausse des loyers. Ces couples (retraités, salariés modestes), dont les capacités de mobilité sont réduites64, viennent grossir le rang des sans domicile fixe et sont parfois contraints de vivre dans leurs véhicules65. 16 61. Timothy B. Lee (2015), “The Silicon Valley housing crisis is so bad that a Google engineer is living in a truck”, Vox, 22 octobre 2015. http://www.vox.com/ 62. Talia Jane (2016), “An Open Letter To My CEO”, Medium. https://medium.com/ 63. Pierre-Antoine Delhommais (2016), « L’autre fracture sociale », Le Point, 2 juin 2016. http://www.lepoint.fr/ 64. David Dayen (2016), “Why the Poor Get Trapped in Depressed Areas”, The New Republic, 18 mars 2016. https://www.newrepublic.com/ 65. Monica Potts (2015), “Dispossessed in the Land of Dreams”, The New Republic, 13 décembre 2015. https://newrepublic.com/ Les conséquences sont déjà visibles pour le développement de la Silicon Valley66. Le marché du logement est devenu un frein. Malgré des salaires attractifs, les travailleurs de l’économie numérique sont de plus en plus nombreux à chercher un emploi en dehors de la Silicon Valley. C’est en particulier le cas de personnes de plus de 30 ans, qui aspirent à une meilleure qualité de vie67. L’économie numérique se dissémine donc : pour certains observateurs, c’est la fin d’une période de grâce pour les startups de la Silicon Valley, dont la croissance se nourrit de talent et d’espace de bureaux68. Il s’agit d’une opportunité pour d’autres écosystèmes, comme ceux d’Austin, de Seattle ou d’Atlanta. Les talents se déplacent vers des villes plus petites, et pourraient entraîner dans leur sillage certaines entreprises69. Dans l’intervalle, le marché du logement se polarise, avec une concentration des plus riches dans les zones les plus denses et la relégation des plus modestes aux confins du système territorial de transports. Cette polarisation reflète la concentration géographique de la richesse et des talents, accélérée par la transition numérique70. Les zones denses deviennent des lieux de vie attractifs, qui limitent les temps de transports. Ce mouvement alimente un effet boule de neige. Avec l’afflux de actifs les mieux rémunérés, les services disponibles se multiplient et rendent ces lieux encore plus attractifs, alimentant en retour la hausse des prix de l’immobilier71. En 2015, le prix médian d’un 3 pièces à San Francisco s’élevait à 3 500$ par mois. À la même date, 12 000 habitants avaient été expulsés72. L’accroissement des inégalités s’accélère73. Les salariés modestes sont contraints par des temps de trajet plus longs, avec un impact direct sur leurs conditions de vie74. Enfin, la diminution de la mixité sociale freine l’ascension sociale des plus modestes75. Face à cette situation, les décisions de politique publique ont suivi. La Californie a décrété la fin de l’étalement urbain. Les décideurs locaux, jusqu’alors opposés à toute densification, ont récemment infléchi leurs positions. Alors que l’abandon possible du modèle pavillonnaire en faveur d’un habitat plus dense avait pu soulever des réactions indignées en 201276, mettre un frein à l’étalement urbain fait aujourd’hui l’objet d’un plus grand consensus, y compris dans le monde académique77. 66. Sur cette question, cf. également TheFamily (2016), La transition numérique au cœur des territoires, étude à paraître. 67. Ashley Rodriguez (2016), “Tech workers are increasingly looking to leave Silicon Valley”, Quartz, 29 février 2016. http://qz.com/ 68. Matthew Yglesias (2015), “At last, a convincing theory about why the tech boom’s days are numbered”, Vox, 31 juillet 2015. http://www.vox.com/ 69. Ashley Rodriguez (2016),“Tech workers are increasingly looking to leave Silicon Valley”, Quartz, 29 février 2016. http://qz.com/. 70. Vivek Wadhwa (2016), “Technology And The Economic Divide”, Techcrunch, 22 février 2016. http://techcrunch.com/ 71. Paul Krugman (2015), “Inequality and the City”, The New York Times, 30 novembre 2015. http://www.nytimes.com/ 72. Greg Ferenstein (2015), “How Silicon Valley Made big City housing The Cause Of And Solution To Inequality”, Medium, 20 novembre 2015. https://medium.com/ 74. M. Barbès, R. Bigot, S. Hoibian (2011), Les dommages collatéraux de la crise du logement sur les conditions de vie de la population, Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie. http://www.credoc.fr/ 75. Raj Chetty and Nathaniel Hendren (2015), The Impacts of Neighborhoods on Intergenerational Mobility, Harvard University and NEBR. http://scholar.harvard.edu/ 76. Wendell Cox (2012), “California Declares War on Suburbia”, The Wall Street Journal, 9 avril 2012. http://www.wsj.com/ 77. Greg Ferenstein (2015), “How Silicon Valley Made big City housing The Cause Of And Solution To Inequality”, Medium, 20 novembre 2015. https://medium.com/ 17 LES CORPORATIONS EN PLACE RÉSISTENT AU CHANGEMENT Le marché du logement est largement dominé par des professions réglementées : agents immobiliers, notaires, syndics, gestionnaires locatifs, banquiers, artisans du bâtiment. La règlementation de certaines activités sensibles, dans des domaines comme la santé ou les transports, est évidemment un gage de sécurité pour les usagers. En même temps, un corsetage réglementaire trop étroit d’un secteur économique contribue à y freiner l’innovation et à empêcher l’adaptation de l’offre aux besoins des individus dans une économie en transition. C’est le cas pour le logement, marché sur lequel les distorsions au profit des corporations en place s’exercent au détriment des occupants. Les locataires, en particulier, subissent l’effet conjugué de deux rentes : • la rente des propriétaires – Soucieux de maintenir la valeur du bien dans lequel ils viennent d’investir, les propriétaires soutiennent des réglementations restrictives, qui tarissent l’offre et entretiennent la hausse du coût de l’immobilier78 ; • la rente des professions réglementées – L’existence d’une telle rente s’explique facilement79. La règlementation de l’accès à ces professions et de leur exercice fonctionne comme une barrière à l’entrée. Le durcissement de la règlementation a un effet direct sur les effectifs de la profession80. Cette protection se traduit par des salaires en général plus élevés que ceux du marché. Par ailleurs, une règlementation restrictive augmente le coût des biens et des services : c’est le cas en France, avec la réalisation de diagnostics immobiliers par des professionnels certifiés. Enfin, dans des pays comme les États-Unis, la juxtaposition de réglementations spécifiques à chaque État freine la mobilité des salariés. Les professions actives sur le marché du logement n’ont pas beaucoup évolué ces dernières années. La loi Hoguet, votée le 2 juillet 1970, régit par exemple l’activité d’agent immobilier. Les dispositions issues de ce texte ont souvent soulevé des interrogations. En 2011, Dominique Perben, garde des Sceaux de 2002 à 2005, s’inquiétait ainsi du manque de transparence des agences immobilières et des tarifs prohibitifs qu’elles pratiquaient81. Mais les tentatives de révision de cette loi se sont toujours heurtées à de vives résistances, notamment de part de la puissante fédération nationale de l’immobilier (FNAIM). Pendant plus de trente ans, la loi Hoguet a donc bénéficié d’une grande stabilité. Il a fallu attendre l’ordonnance du 2 juillet 2004, préparée par Dominique Perben, pour préciser les condi78. Jason Furman (2015), “Barriers to Shared Growth: The Case of Land Use Regulation and Economic Rents”, White House Council of Economic Advisers. https://www.whitehouse.gov/ 79. Jason Furman (2015), “Occupational Licensing and Economic Rents”, The Brookings Institution. https://www.whitehouse.gov/ 80. Augmenter la durée de formation des manucures de 100 heures a ainsi réduit le nombre de manucures vietnamiens de 18% dans un État américain. Cf. Maya N. Federman, David E. Harrington, and Kathy J. Krynski (2006), “The Impact of State Licensing Regulations on Low-Skilled Immigrants: The Case of Vietnamese Manicurists”, American Economic Review vol. 96, no. 2: 237-241. 81. Dominique Perben, question n°114839 au ministre du logement, 19 juillet 2011. 18 tions de rémunération de certains actes des agents immobiliers et mettre à jour les incapacités d’exercice de la profession. En 2014, la loi pour accès au logement et urbanisme rénové (ALUR) a constitué une deuxième étape importante, en prévoyant le plafonnement des honoraires de location, l’utilisation de contrats de location type ou encore l’encadrement des loyers dans certaines zones. Plus récemment, Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, a porté une réforme plus globale des professions réglementées dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité, et l’égalité des chances économiques. Afin de réduire la rente économique de ces activités, la réforme mobilise plusieurs leviers. Elle clarifie les tarifs et émoluments des notaires, huissiers, ou greffiers des tribunaux de commerce, avec des montants en nette diminution82. Elle érige aussi en principe la liberté d’installation, pour faciliter l’arrivée des jeunes et accélérer le décloisonnement de ces professions83. Les réactions qu’elle a suscitées rappellent les difficultées à réformer ces professions. 82. Plafonnement, par exemple, des émoluments notariaux à 10% de la valeur des biens pour les transactions de faible montant. Cf. le décret d’application n°2016-230 du 26 févier 2016 ainsi que les 4 arrêtés sectoriels publiés à la même date. 83. 85% des administrateurs judiciaires ont plus de 50 ans : cf. « Accompagner l’évolution du marché du travail : la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », http://www.gouvernement.fr/ 19 JE RÊVE D’UNE MAISON Stéphane Buthaud & Eric Chatry LA PROMESSE DE TROUVER LE BIEN IMMOBILIER QUI VOUS CORRESPOND LE MIEUX, AU MEILLEUR PRIX. www.jerevedunemaison.com Je Rêve d’une Maison est le premier Personal Shopper de l’immobilier destiné aux particuliers ayant un projet d’acquisition en France. Son positionnement 100% côté acquéreur est unique en France, dans un secteur dominé par des acteurs principalement tournés vers les vendeurs (agents immobiliers, mandataires, portails immobiliers, etc.). Je Rêve d’une Maison est née début 2015 du constat qu’acheter un bien immobilier relève du parcours du combattant lorsqu’on est seul pour mener ce projet. Consulter de nombreux sites et portails immobiliers et s’abonner à autant d’alertes ne livre souvent qu’une liste d’annonces peu pertinentes par rapport à ses critères de recherche. Le manque de transparence de certains propriétaires et agents fait peser un doute sur la qualité des biens et contraint à des visites inutiles. Enfin, le prix du marché demeure opaque, empêchant l’acquéreur de faire une offre au juste prix. Je Rêve D’une Maison, c’est la promesse trouver le bien immobilier qui vous correspond le mieux et vous permettre de l’acheter au meilleur prix, grâce à un service fluide, accessible et efficace. Pour cela, Je Rêve d’une Maison a développé un service en ligne personnalisé qui trouve les annonces les plus pertinentes du marché à partir de +200 critères de recherche, vérifie la qualité des biens avant une visite, assiste l’acquéreur lors de la négociation et l’accompagne jusqu’à l’acte final. Je Rêve d’une Maison est rémunérée par ses clients uniquement en cas de succès, à hauteur de 1% du montant de la transaction + 10% de la baisse de prix négociée. Depuis octobre 2015, Je Rêve d’une Maison a reçu plus de 7 000 demandes de particuliers. Lorsqu’elles ne s’opposent pas aux réformes en cours, les professions réglementées promeuvent des modifications délétères au droit en vigueur. Un exemple est donné par les nouvelles règles qui visent à entraver la location de logements entre particuliers. À San Francisco, la fameuse “proposition F” cherchait, en 2015, à freiner l’activité de Airbnb. En durcissant les règles et en multipliant les démarches imposées aux hôtes, les soutiens à cette proposition espéraient limiter le nombre d’appartements disponibles sur la plateforme. Appelés à voter, 55% des habitants de San Francisco ont rejeté cette initiative84. Il est facile de comprendre ce qui a motivé cette initiative. Airbnb semble intensifier la tension du marché immobilier dans certaines zones particulièrement prisées des touristes étrangers. Plus récemment, cette même motivation a conduit la ville de Berlin à prohiber la location de logements entiers. Pourtant, Airbnb pèse peu dans la hausse des loyers constatés dans certains territoires85. Par ailleurs, dans un contexte de tension croissante du marché, dont les motifs excèdent largement le développement de la location entre particuliers, l’activité d’une plateforme telle qu’Airbnb a un triple effet positif sur l’économie urbaine : • une dissémination des touristes, à la fois au sein des grandes villes, mais aussi sur le territoire, ce qui permet de développer des activités économiques ailleurs que dans les zones les plus touristiques. En France, Airbnb propose ainsi des hébergements dans plus de 17 000 villes et villages répartis dans les treize régions françaises ; • une accélération des parcours au sein du parc de logement. En mettant à disposition des outils d’aides à la fixation des prix, Airbnb fluidifie le marché de la location de court terme. En retour, elle dispose de flux de données actualisés, qui reflètent en temps réel l’état du marché et rend les outils de fixation des prix plus robustes. Ces données sont une base extraordinaire pour mettre en place une nouvelle régulation adaptée à notre économie plus numérique ; • la disponibilité d’une nouvelle source de revenus ponctuelle. Ces revenus constituent un appoint pour les hôtes qui louent leur propre logement86. Ils permettent de faire face à une partie des dépenses courantes du ménage. Pour 42% des hôtes français, ces revenus les aident à conserver leur logement, en particulier à Paris, où le taux d’effort est très élevé. Les institutions financières constituent une troisième source de blocage. En 2003, Robert J. Shiller (prix Nobel d’économie) détaillait comment le système financier, grâce à l’abondance et à la circulation de l’information, pouvait couvrir les ménages contre les fluctuations des prix de l’immobilier87. Cela suppose que les potentialités des outils financiers développés au cours des vingt dernières années soient mises au service d’une régulation plus vigoureuse du marché immobilier et de la mise au point de dispositifs d’assurance contre 84. Kwan Booth, Jemima Kiss (2015), “San Francisco voters reject proposition to restrict Airbnb rentals”, The Guardian, 4 novembre 2015. http://www.theguardian.com/ 85. Scott Timberg (2015), ”The genie is out of the bottle: Why San Francisco’s Airbnb backlash won’t chill the sharing economy”, Salon, 3 novembre 2015. http://www.salon.com/ 86. Airbnb (2015), L’impact économique d’Airbnb en France. http://blog.airbnb.com/ 87. Robert J. Shiller (2004), The New Financial Order: Risk in the 21st Century, Princeton University Press. 21 les fluctuations du marché. La crise de 2008, malheureusement, a montré que la sophistication financière sert les intérêts des acteurs en place plutôt que ceux du plus grand nombre. L’INNOVATION EST ENCORE CANTONNÉE À LA MARGE Les individus, servis par des entrepreneurs innovants, n’attendent pas les pouvoirs publics pour innover. Mais sur le marché du logement comme sur bien d’autres, les contraintes qu’opposent la réglementation et la tension du marché cantonnent l’innovation entrepreneuriale à la marge. D’un côté, il y a l’effet de polarisation qui peut être exploité par des individus prêts à opter pour une qualité de vie loin des villes, dès lors que plusieurs conditions sont réunies. Pour dérouler une carrière et jouir d’une vie familiale épanouie loin des nouveaux centres, il faut au minimum pouvoir bénéficier d’infrastructures pour travailler à distance et de services publics de qualité loin des villes – en particulier pour ce qui est du système éducatif et du système de santé. Or, dans ces domaines, les pouvoirs publics tendent à accompagner le phénomène de concentration à l’œuvre, en regroupant les infrastructures scolaires et hospitalières dans les villes les plus importantes. Il faut aussi, lorsqu’on habite loin des villes, pouvoir se rendre régulièrement dans des zones plus denses et donc disposer d’un système de transport pour accéder à la grande ville quand c’est nécessaire, ainsi que d’un système d’hospitalité pour les éventuels séjours dans les hypercentres, à la fois pour travailler (c’est ce qu’une startup comme WeWork propose) et pour passer la nuit (c’est ce que Airbnb rend possible). D’un autre côté, au sein des villes, la transition de l’immobilier de bureau constitue un foyer d’innovation. La société WeWork en est un exemple. À l’instar d’Airbnb ou Uber, WeWork ne possède pas d’actifs88. Elle a su s’appuyer sur une technologie nouvelle (building information modeling) pour renouveler la façon de concevoir les espaces et d’anticiper les difficultés que génère l’intervention de multiples acteurs lors de la conception d’un bâtiment. Cette technologie est mise au service d’une approche radicalement différente de l’espace de co-travail : non une surface sans âme qui accueille bureaux et chaises identiques, mais le moyen de valoriser une esthétique, une culture distincte89. Il s’agit de construire une communauté de créateurs90. Les entreprises sont prêtes à payer un loyer plus élevé pour occuper un espace qui à la fois reflète et donne forme à leur culture. Ces nouveaux lieux, qui ménagent interactions sociales et réunions plus formelles, deviennent un élément à part entière du bien-être des employés. Ils favorisent leur implication et leur productivité. L’espace de travail devient un catalyseur de la croissance91. 22 88. Nitasha Tiku (2015), “WeWork Used These Documents To Convince Investors It’s Worth Billions”, Buzzfeed News, 9 octobre 2015. https://www.buzzfeed.com/ 89. Alex Konrad (2014), “Inside The Phenomenal Rise Of WeWork”, Forbes, 5 novembre 2014. http://www.forbes.com/ 90. Margaret Rhodes (2016), “WeWork’s Radical Plan to Remake Real Estate With Code”, Wired, 18 mars 2016. http://www.wired.com/ 91. Greg Matter (2014), “Is the Tech Sector Disrupting the Office Too?”, Wired, 6 mars 2014. http://insights.wired.com/ Au-delà de la colocation, qui a maintenant ses places de marché92, on assiste même à une transition progressive du co-working au co-living. Le co-living part d’un triple constat : la génération du millénaire a grandi avec les réseaux sociaux ; elle est la plus affectée par la hausse des loyers ; enfin, les individus y demeurent célibataires plus longtemps. Des espaces de vie partagée (salon avec télévision, salle de jeu, terrasse, cuisine de chef, etc.) et l’organisation d’évènements de groupes permettent donc de créer une expérience sociale dépassant la simple colocation93. À l’instar d’un Kibboutz, il s’agit de créer une communauté, un voisinage au sein même du bâtiment94. Airbnb est l’entreprise numérique qui fait le plus bouger les lignes sur le marché du logement. Elle introduit d’abord une rupture majeure d’avec le secteur hôtelier. Confrontés à des coûts fixes importants (personnels et investissement immobilier), les hôtels assurent leur équilibre financier en pratiquant des prix élevés en pleine saison. Airbnb introduit deux ruptures majeures. Place de marché, elle ne possède aucun actif et emploie un personnel peu nombreux. Par ailleurs, en assurant une adéquation de l’offre et de la demande tout au long de l’année, Airbnb lisse les pics et les creux coutumiers du modèle hôtelier95. Par ailleurs, Airbnb a mis en exergue la puissance des modèles collaboratifs. Elle bénéficie principalement aux classes moyennes96. En France, plus de la moitié des hôtes Airbnb ont des revenus inférieurs au revenu médian français97. Pour les utilisateurs, c’est la possibilité de voyager dans des villes jusqu’alors inaccessibles, car trop chères98 ou dépourvues d’hôtels. Pour les hôtes, c’est un complément de revenu, même s’il reste modeste : en France, l’hôte Airbnb type gagne 1 970 € par an99. 92. En France : WeRoom, Appartager, Locservice, La Carte des Colocs, MaColoc, AuTroisième, etc. 93. Alana Semuels (2015), “Dorms for Grownups: A solution for Lonely Millennials?”, The Atlantic, 6 novembre 2015. http://www.theatlantic.com/ 94. Sarah Kessler (2016), “From WeWork to WeLive: Startup Moves Members Into Its First Residential Building”, Fast Company, 11 janvier 2016. http://www.fastcompany.com/ 95. The Economist (2016), “Buffett’s revenge”, 9 janvier 2016. http://www.economist.com/ 96. Scott Timberg (2015), ”The genie is out of the bottle: Why San Francisco’s Airbnb backlash won’t chill the sharing economy”, Salon, 3 novembre 2015. http://www.salon.com/ 97. Airbnb (2015), L’impact économique d’Airbnb en France. http://blog.airbnb.com/ 98. En France, deux tiers des voyageurs n’auraient pas effectué de séjour si l’hôtel avait été la seule option. Airbnb (2015), L’impact économique d’Airbnb en France. http://blog.airbnb.com/ 23 99. Id. THECOALITION THECOALITION RÉINVENTE LE LOGEMENT La mission de TheCoalition, c’est de réinventer le logement. Les modes de vie ont changé, mais le logement non. Il faut donc l’adapter aux besoins des jeunes générations. Il y aura 1 milliard de digital nomads à l’horizon 2035. Cette transformation est exponentielle. De plus en plus de jeunes comprennent que c’est à eux de créer leur emplois et qu’ils n’ont besoin que d’une connexion internet et de leur Mac pour travailler. Alors pourquoi travailler pour une grosse entreprise qui sera morte d’ici 10 ans ? Et pourquoi, si l’on est freelance, travailler seul dans son studio parisien ? Imaginez pouvoir aller n’importe où dans le monde et être certain de trouver un endroit où vivre, travailler, avec du wifi, du café, et une dizaine d’autres entrepreneurs, travailleurs indépendants, travailleurs à distance, ou salariés d’une même startup ? TheCoalition considère qu’il ne fait plus sens de faire sa vie dans un seule ville, y acheter une maison, y aller et venir en voiture, aller tous les jours dans les mêmes cafés… Sa vision est de créer une marque forte, qui inspire confiance dans le monde entier, et faire pour le secteur du logement ce que Starbucks, Apple, Uber, Airbnb, Hilton ont fait dans d’autres secteurs : devenir une référence. Vous arrivez avec votre valise et on s’occupe du reste – de toutes ces petites choses du quotidien qui vous prennent du temps et ne sont pas productives. Ménage ? On s’en occupe. Café ? La réserve est toujours pleine. Draps, savon, lessive ? Tout est prêt. Networking, events, bonnes adresses ? Le House Manager, comme le concierge d’un grand hôtel, s’en occupe. www.thecoalition.io TheCoalition est aujourd’hui présente à Paris et Barcelone, avec des appartements hébergeant 10 personnes qui vivent et travaillent ensemble. QUE PEUVENT LES POUVOIRS PUBLICS ? MIEUX CONNAÎTRE LE MARCHÉ L a première difficulté en matière de logement est la difficulté à accéder aux données pertinentes. Pour pouvoir améliorer la situation, une connaissance fine du marché du logement est indispensable. Les pouvoirs publics, les professionnels et les particuliers doivent pouvoir s’appuyer sur une cartographie précise, à jour, d’un marché du logement sans cesse fluctuant. Or aujourd’hui, l’analyse du marché repose sur des données parcellaires, exploitées par des logiciels développés à l’aide de technologies dépassées100. L’indisponibilité des données n’est pas une fatalité. Les technologies numériques permettent d’envisager une connaissance beaucoup plus fine et exhaustive du marché. L’utilisation d’interfaces de programmation d’applications (API) pour interconnecter les systèmes des uns et des autres permet les échanges d’informations entre organisations et leur mutualisation par les pouvoirs publics. De plus en plus, les outils sont conçus pour être simples d’utilisation et reposent sur des algorithmes d’apprentissage pour anticiper les bonnes réponses. Il est temps que les pouvoirs publics saisissent ces nouvelles opportunités et accèdent aux données disponibles auprès des différents acteurs : • en contrepartie de la réglementation qui les protège, les professions actives sur le marché du logement devraient être tenues de mettre leurs données à disposition des pouvoirs publics. Aujourd’hui, à chaque mutation de bien, les notaires renseignent une base de données pour leur chambre professionnelle. L’État, qui a besoin de ces données pour prendre des décisions, doit ensuite les racheter à un coût élevé. Les jeunes entreprises numériques, qui pourraient utiliser ces données pour créer des applications innovantes (et enrichir la base de données en retour) n’y ont pas vraiment accès. Les pouvoirs publics devraient mettre fin à cette situation de rente, qui prive le marché d’informations cruciales pour optimiser son fonctionnement au bénéfice des habitants. L’ouverture de cette base de données et son élargissement à d’autres professions devrait devenir une contrepartie des prérogatives accordées aux différentes corporations réglementées actives sur le marché de l’immobilier ; 100. Patrick J. Kiger (2015), “Catching the Next Wave of Disruptive Real Estate Technology”, UrbanLand, 2 novembre 2015. http://urbanland.uli.org/ 25 • certains nouveaux entrants sont plus enclins à s’engager dans une démarche de partage des données. C’est le cas en particulier des entreprises numériques, familières des paradigmes d’ouverture et de mutualisation des données. Un droit d’accès à ces données pourrait être institué dès qu’il est nécessaire pour éclairer une décision d’intérêt général. Les informations détenues par Airbnb pourraient ainsi utilement guider les décideurs quant aux questions de développement touristique. Une autre voie consiste à encourager une collaboration en amont entre pouvoirs publics et acteurs privés. Le déploiement de nouveaux dispositifs en matière de logement (aides, subventions) se heurte souvent à la même difficulté : les circuits de distribution n’ont pas fait l’objet d’une réflexion en amont. Il en résulte des taux de non recours élevés et une utilisation des aides inefficiente. La Garantie Universelle des Loyers (GUL), aujourd’hui abandonnée, illustre rétrospectivement comment un dispositif public aurait pu faciliter le déploiement d’une infrastructure de mutualisation de données : • la transition numérique s’accompagne d’une redéfinition des parcours de carrière, désormais moins linéaires et plus imprévisibles. Inquiets de cette évolution, les bailleurs (particuliers, agences immobilières) réagissent en durcissant les conditions d’accès au logement. En conséquence, l’accès au marché du logement est de plus en plus difficile pour de nombreux candidats. C’est le cas, en particulier, des jeunes, qui cumulent deux caractéristiques défavorables : entrer sur un marché de travail en recomposition radicale et ne pas disposer de ressources financières abondantes ; • prévue à l’origine par la loi ALUR, la GUL avait pour objectif d’offrir à toutes ces personnes la garantie qui leur faisait défaut sur le marché du logement. La GUL prévoyait un système original de distribution, qui reposait sur la possibilité de décentraliser l’élaboration des dossiers auprès d’opérateurs agréés. D’autres acteurs pouvaient ainsi instruire les dossiers de demande de garantie. Pour les professionnels, c’était un service qu’ils pouvaient offrir à leurs clients, et qui rendait leur offre plus attractive. L’État se repositionnait ainsi sur un rôle de contrôle de la qualité des dossiers soumis par des opérateurs agréés ; • la décentralisation dans l’élaboration des dossiers était couplée à la mise en place d’un système d’information commun à tous les professionnels. Il s’agissait, de fait, de la principale innovation du dispositif. Cette infrastructure, alimentée par tous les opérateurs agréés, avait pour objet de garder trace de toutes les informations utiles. En enregistrant l’historique des différents bénéficiaires, ce système aurait permis d’évaluer la fiabilité de chaque locataire selon des critères plus fins qu’aujourd’hui : plutôt que d’apprécier la situation d’un demandeur à un instant donné, le marché aurait ainsi pu exploiter la mesure de l’effort effectué pendant plusieurs années pour s’acquitter de son loyer au regard de ses moyens et de sa situation. 26 L’approche esquissée à l’époque de la GUL devrait continuer d’inspirer les pouvoirs publics. Un suivi fin des caractéristiques des logements ouvre des perspectives nouvelles, pour les pouvoirs publics (données plus fines pour encadrer les loyers) mais aussi pour les professionnels. À l’image de ce que permet la plateforme Le.Taxi, la contrepartie de la réglementation d’un secteur doit être la disponibilité des données de ce secteur pour les pouvoirs publics – qui peuvent ensuite les partager avec toutes les parties prenantes, en particulier les entrepreneurs souhaitant développer des applications innovantes101. PROPOSITION #1 Déployer une plateforme publique de partage des données issues de tous les professionnels opérant sur le marché du logement. Il s’agit d’une triple opportunité : mieux connaître le marché du logement et ainsi mieux éclairer la conception et la mise en œuvre des politiques publiques ; mieux répondre aux besoins des habitants confrontés à des difficultés ; enfin, donner leur chance à des entrepreneurs souhaitant créer, sur cette plateforme, des applications plus innovantes. INNOVER DANS LA RÉGULATION DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE La régulation du marché du logement a une double finalité : optimiser l’appariement de l’offre et de la demande, pour maximiser l’accès au logement, et fluidifier les parcours résidentiels. La fluidité, qui est l’un des objectifs de la régulation du marché, peut avoir des effets paradoxaux : • d’un côté, cette fluidité facilite les parcours individuels. Lorsqu’ils quittent une région pour occuper un nouvel emploi, les propriétaires n’ont plus à craindre que leur appartement ou leur maison ne trouvent pas preneur. Leur bien ne les piège plus dans un lieu : il constitue une ressource financière qu’ils pourront réinvestir dans leur nouveau lieu de vie. Mais un marché fluide facilite également les parcours des locataires. Une offre abondante garantit de trouver un logement rapidement. Parallèlement, pour les bailleurs, une demande forte rend inutile le recours à des clauses léonines pour gêner le départ de leurs locataires (préavis long, caution élevée non rendue, etc.) ; 101. « Grâce à la réunion des taxis au sein d’une plateforme unique, les éditeurs d’applications mobiles peuvent désormais offrir un bouton «Le.Taxi» qui permet de visualiser et de héler électroniquement tous les taxis connectés, partout en France. Ces nouveaux usages sur mobile vont naturellement augmenter le volume de courses reçues, et en particulier celles provenant d’usagers n’ayant pas installé d’application taxi. Le.Taxi permet donc à la profession de se hisser au même niveau que les acteurs majeurs du VTC et du numérique. » Cf. http://le.taxi/ 27 • mais de l’autre côté, sur un marché déjà tendu, la même flexilibilité peut accélérer la hausse des prix. Une forte demande nourrit l’augmentation des prix, tandis que l’offre de logements bien situés et équipés continue d’attirer les locataires ou les acheteurs solvables. Le marché reste fluide, mais les résidents ne sont plus les mêmes. Si la demande reste élevée, malgré la hausse des prix, c’est parce que les demandeurs plus pauvres ont été évincés. Parallèlement, pour demeurer attractive, l’offre doit répondre aux exigences de qualité des nouveaux habitants : les propriétaires incapables d’investir dans leurs biens pour les maintenir au niveau d’exigence des acquéreurs ou des locataires sont eux aussi évincés. Fluidité du marché et concentration des richesses se nourrissent l’une l’autre pour alimenter la hausse des prix. En réalité, la régulation du marché du logement rencontre les mêmes difficultés que celle du marché de la santé. D’un côté, il faut assurer l’accès du plus grand nombre à un service de qualité : un logement décent et bien situé dans un cas, une offre de soins adaptée et accessible dans l’autre. D’un autre côté, il faut veiller à ce que cette garantie d’accès n’alimente pas des phénomènes de rente. C’est ce qui s’est passé dans le parc locatif public de Berlin. Pour maintenir des loyers modestes, les pouvoirs publics ont subventionné les organismes bailleurs. Ces derniers ont augmenté leurs loyers, contraignant les pouvoirs publics à renchérir le montant des subventions. La décision de diminuer ces dernières de 13% a eu un effet immédiat : le loyer du parc social public a dépassé celui du parc privé. En réaction, le Sénat de Berlin a plafonné les loyers pour les ménages les plus modestes102. Par ailleurs, la régulation doit garantir l’accès des plus démunis au logement. Mal conçue, elle peut devenir une trappe à exclusion. Aux États-Unis, l’accès aux aides au logement est subordonné à l’historique d’expulsion du demandeur. Les personnes les plus fragilisées étant aussi les plus susceptibles d’être expulsées, elles se retrouvent prises dans un cercle vicieux. L’absence d’aide au logement les éloigne du marché et les oriente vers les propriétaires les moins regardants – qui sont aussi les plus redoutables. De fragilisée, la personne devient précaire, puis démunie103. D’un côté, il est vital de faciliter les parcours individuels en fluidifiant le marché. Pour cela, un allègement de la règlementation destinée à diminuer les effets de rente est nécessaire. Parallèlement, la réglementation pourrait évoluer pour intégrer des statuts d’occupation plus divers. La dualité des statuts de propriétaire occupant et de locataire est ancienne104. Ses fondements idéologiques sont aujourd’hui dépassés et la nocivité de ses effets économiques est reconnue. De nouveaux statuts d’occupation, plus hybrides, sont en train d’émerger. C’est le cas par exemple avec Roam : cette startup permet de payer un loyer et d’avoir accès à plusieurs logements situés dans différentes grandes villes (Bali, Miami, Madrid). Elle assure 102. Feargus O’Sullivan (2015), “Berlin just showed the world how to ensure housing stays affordable”, Business Insider, 15 novembre 2015. http://www.businessinsider.com/ 103. Brandon Harris (2016), “America’s Eviction Epidemic”, The New Republic, 12 avril 2016. https://www.newrepublic.com/ 104. Cf.ci-avant. 28 une mobilité permanente et combine nomadisme et co-living105. Les pouvoirs publics devraient faciliter ce genre d’initiative. À l’instar de ce qu’a fait la Financial Conduct Authority (FCA)106 en réorientant ses ressources vers les innovateurs107 dans la finance, il s’agit de multiplier les contacts avec les entrepreneurs pour créer les catégories juridiques qui permettront d’accompagner et d’encadrer de façon optimale les modèles d’affaires qui émergent. De l’autre côté, il faut aussi veiller à la soutenabilité financière de la trajectoire du marché. Pour cela, un triple dispositif pourrait être mis en place sur le segment locatif : • un nouveau dispositif de garantie des loyers, adossé à un système d’information mutualisant les données des uns et des autres. Il permettrait aux pouvoirs publics de disposer d’un argument de poids vis-à-vis des bailleurs, publics comme privés : la perspective de bénéficier d’une garantie de paiement des loyers inciterait ces bailleurs à rentrer dans un dispositif de conventionnement. Les locataires, quant à eux, pourraient être suivis sur de longues durées, afin d’étayer leur solvabilité sur le fondement rétrospectif de leur historique de paiement plutôt que sur celui de leur situation professionnelle au moment d’entrer dans les lieux ; • un encadrement des loyers, dans le cadre de ce nouveau conventionnement, en contrepartie de la garantie de leur versement. Les collectivités territoriales, qui recourent déjà à des dispositifs sommaires d’encadrement des loyers dans les zones les plus tendues, pourraient compléter le dispositif national de garantie par différents indices représentatifs de l’évolution du marché local, du pouvoir d’achat de la population et des objectifs locaux en matière d’accès au logement et de mixité sociale. Là encore, une infrastructure numérique et la multiplication des acteurs spécialisés dans les services rendus aux locataires, aux bailleurs ou au intermédiaires pourraient permettre de fluidifier et d’optimiser des dispositifs qui, jusqu’ici, ont souvent révélé des effets pervers, quand ils ne sont pas révélés marginaux (comme le conventionnement ANAH) voire inapplicables (comme la fameuse taxe sur les logements vacants) ; • le troisième dispositif à garantir à tous les occupants, propriétaires ou non, la possibilité de dégager de nouvelles ressources en louant leur logement à titre occasionnel. Il faudrait, pour cela lever les limitations qui pèsent aujourd’hui sur les mécanismes de sous-location, au moins lorsqu’il sont occasionnels. Cela suppose de revenir sur des amendements restrictifs récemment adoptés dans le cadre des discussions parlementaires sur la loi « République numérique ». 105. Adele Peters (2016), “Instead of Renting An Apartment, Sign A Lease That Lets You Live Around The World”, Co.exist, 3 mai 2016. http://www.fastcoexist.com/ 106. L’équivalent de l’autorité des marchés financiers au Royaume-Uni. 107. Martin Wheatley (2014), “Innovation: The regulatory opportunity”, discours donné à l’occasion de la Financial News Conférence, Londres, 2014. http://www.fca.org.uk/ 29 La possibilité de louer le bien que l’on occupe à un particulier pour de courtes durées est un élément clef pour l’équilibre de l’ensemble du système : • il ne s’agit d’un potentiel gain de pouvoir d’achat pour le locataire que si cela s’accompagne d’un encadrement des loyers. À défaut, la tendance des propriétaires bailleurs sera de réintégrer dans le loyer la valeur résiduelle pouvant être réalisée sur le marché de la location occasionnelle entre particuliers, annulant ainsi le gain économique potentiel pour l’occupant du logement – qui est pourtant celui qui met à disposition le logement qu’il occupe, l’aménage pour son visiteur, assure ensuite le ménage et le nettoyage des draps, etc. ; • La possibilité de louer le bien que l’on occupe de façon occasionnelle pourrait d’ailleurs être valorisée par les banques dans leur appréciation du pouvoir d’achat d’un ménage comme par l’opérateur du dispositif de garantie des loyers. Au début du XXe siècle, seule la possession d’actifs tangibles constituait un gage suffisant de solvabilité pour les établissements bancaires. Contrairement aux sociétés de chemin de fer, les revendeurs comme les constructeurs se voyaient donc largement exclus des circuits financiers. En inventant la valorisation des entreprises sur la base de leurs flux de trésorerie actualisés, Henry Goldman a ouvert de nouvelles possibilités au financement des agents économiques. La valeur d’une entreprise n’était plus limitée aux biens qu’elles possédaient au moment de l’emprunt, mais égale à l’ensemble des flux de trésorerie que son activité devait générer à l’avenir108. Adaptée aux ménages, une pareille approche changerait radicalement l’appréciation du pouvoir d’achat et donc de la capacité d’emprunt des ménages. Un emprunt immobilier n’aurait plus pour seul collatéral le bien luimême, mais également les revenus que celui-ci lui permettrait de générer, sur une période de plusieurs années, dans le cadre de locations occasionnelles de courte durée. Il en irait de même pour l’évaluation du risque individuel dans le cadre du dispositif de garantie des loyers. 108. Nicolas Colin (2016), “A Brief History of the World (of Venture Capital)”, TheFamily Papers. https://salon.thefamily.co/ 30 PROPOSITION #2 Mettre en place un nouveau conventionnement combinant garantie des loyers, encadrement de ceux-ci et facilité à louer son logement de façon occasionnelle. L’enjeu est triple : couvrir le risque social de ne pas pouvoir faire face au coût du logement dans les métropoles, qui devient critique dans l’économie numérique ; retrouver une prise sur la régulation des prix des logements ; enfin, faire meilleur accueil aux nouveaux usages sur le marché du logement, en particulier le partage et la location occasionnelle entre particuliers. FACILITER LA DIVERSIFICATION DES SERVICES AUX OCCUPANTS Au-delà de la régulation du marché, l’objectif des pouvoirs publics doit être de faciliter la diversification des services rendus aux occupants des logements, dans les domaines de l’entretien, des services à la personne ou encore de la mobilité. Le modèle-cible est ambitieux, mais vertueux : il s’agit de valoriser les biens immobiliers non plus en tant que tels, mais au sein d’une offre de service recentrée sur les besoins des occupants. C’est ce qu’a fait Uber, dans le domaine du transport. Ce qui, dans l’ancien paradigme, constituait le cœur de l’activité (les véhicules et la main-d’œuvre) devient secondaire dans les nouveaux modèles d’affaires de l’économie numérique. Seule importe désormais l’expérience elle-même et le lien privilégié qu’elle permet de nouer avec les utilisateurs d’une application109. Dans le domaine des locations de courte durée, Airbnb suit le même paradigme : ce n’est pas tant un bien qui est valorisé qu’une expérience, dans laquelle se mêlent la préparation du logement, sa mise à disposition, la relation privilégiée nouée avec l’hôte et les conseils sur les aménités touristiques alentours. À mesure que les biens tangibles se banalisent (rien ne ressemble plus à un appartement bien situé qu’un autre apparement bien situé), la marge se déplace vers les services. Encourager les modèles d’affaires centrés sur l’expérience plutôt que sur la mise à disposition d’un bien permettra de corriger les distorsions qui affectent aujourd’hui le marché du logement. Sur le marché de la mobilité, la valeur n’est plus dans la possession d’un véhicule, mais dans la capacité de se déplacer facilement dans un véhicule quel qu’il soit. Sur le marché du logement, la valeur a vocation à se déplacer de la possession d’un appartement ou d’une maison vers l’ensemble des services qui l’entourent. 109. Sam Knight (2016), “How Uber Conquered London”, The Guardian, 27 avril 2016. https://www.theguardian.com/ 31 INCH Inch améliore le quotidien des résidents en facilitant la communication avec les gestionnaires et les fournisseurs. Aujourd’hui l’expérience utilisateur dans le bâtiment est décevante. Les professionnels offrent dans l’ensemble des prestations de qualité, mais les résidents ne perçoivent souvent que les problèmes et les coûts. Inch offre à l’écosystème d’un immeuble l’outil parfait pour simplifier sa gestion et sa maintenance, grâce à une plateforme d’échanges unique (déclaration d’incident, accompagnement des dossiers de travaux ou de sinistres, etc.). Thibaut et Pierre-Etienne Favre INCH TRANSFORME RADICALEMENT L’OFFRE DE SERVICES DANS LES BÂTIMENTS. Avec Inch, c’est le système qui s’adapte aux usages des résidents et non l’inverse. Quel que soit le mode de communication utilisé (SMS, emails, appels), l’utilisateur peut interagir avec la plateforme sans se connecter. Le gestionnaire immobilier gagne en visibilité sur les prestations qu’il propose ; les fournisseurs bénéficient d’un accès direct aux données du bâtiment et maximisent l’exécution de leur mission ; les résidents découvrent finalement un service de bien meilleure qualité. Les questions qui animent l’industrie immobilière sont celles qui interpellent tous les professionnels des services face à la transition numérique. Pour Inch, le gestionnaire est essentiel à la vie du bâtiment. Il mêle des compétences techniques, juridiques et administratives qui sont incontournables et qui font de lui l’acteur central à équiper en priorité. Depuis son ouverture, il y a un an, Inch compte déjà 300 000 appartements et 8 000 immeubles connectés, pour plus de 50 000 fournisseurs référencés. Les habitants de Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes, Lille et Strasbourg profitent déjà de ses services. Inch, c’est aujourd’hui une quinzaine de personnes, qui permettent à des milliers de français de se sentir mieux dans leurs logement et sur leur lieu de travail. www.inchbase.com 32 Inch se donne pour mission de transformer radicalement l’offre de service dans les bâtiments en Europe. Une telle approche présente un avantage considérable : revaloriser les logements les moins bien situés grâce aux services qui y sont rendus. Pour maintenir la qualité de la vie des habitants partout dans les zones métropolitaines, il est nécessaire de soutenir l’innovation dans différents domaines : • l’agriculture, afin de répondre aux besoins croissants des grandes villes. Importer des aliments de territoires limitrophes ne suffira plus : il faudra également être en mesure de produire cette nourriture au sein des villes110 ; • l’énergie, avec une croissance prévisible de la demande. Les innovations seront d’autant plus nécessaires que la plupart des grandes villes, comme Paris, se sont engagées dans des programmes ambitieux de réduction des consommations énergétiques111 ; • les transports, avec la densification qui provoque des phénomènes de congestion au sein des villes. Jusqu’à présent, les pouvoirs publics ont mobilisé deux leviers : le développement des transports en communs et les restrictions à la circulation. Mais l’objectif de décongestion des villes est subordonné à d’autres objectifs souvent contradictoires : environnemental (lutte contre la pollution), économique (développement de la ville), social (faciliter les transports pour les plus démunis), etc. La mobilisation de ces leviers atteint ses limites. Le développement des transports en communs accroît la demande et finit par soumettre les transports en commun à une pression insoutenable, comme l’illustre, à Paris, le sort de la ligne A du RER ou de la ligne 13 du métro. L’échec des différentes expériences de péage urbain, en particulier celui de Londres, souligne l’impossibilité de concevoir de tels systèmes à la fois comme une source de recettes budgétaires et un instrument de fluidification de la circulation112 ; • les services à la personne : ménage à domicile, livraison fluidifiée, nettoyage de vêtements, décoration et approvisionnement au quotidien (nourriture, fleurs), etc. La disponibilité de tous ces services au plus près des habitations est un gage d’amélioration de la qualité du logement et donc de revalorisation des actifs sous-jacents. La diversification des services est bénéfique aux habitants des nouveaux centres d’activités. Avec la réduction des surfaces, les défis du transport, l’accélération du rythme de vie, rendre certains services accessibles aux habitants deviendra de plus en plus crucial. Par exemple, les services de type conciergerie limitent les déplacements des habitants et leur font gagner un temps précieux. 110. Guillaume Fourdinier (2016), “Agriculture Lost, Then Found”, TheFamily Stories. http://salon.thefamily.co/ 111. La plan climat énergie de Paris prévoit une réduction de 25 % des consommation d’énergie depuis 2004 d’ici à 2020. 112. Yves Crozet et Matthieu Glachant (2007), « Le péage urbain : peut-être, mais comment ? », Infrastructures et Mobilités, n°64. 33 JOBBERS JOBBERS réenchante votre quotidien. Sabine Devilliers & Jean Benedetti JOBBERS PUISE DANS L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE POUR DÉVELOPPER UNE CONCIERGERIE NOUVELLE FORMULE. www.jobbers.com 34 Certains soucis de la vie quotidienne, comme une rupture de garde d’enfant, peuvent vite devenir ingérable. Ils créent du stress, prennent du temps (en moyenne 4 heures pour une rupture de garde) et ont un coût (pour l’employeur, cet événement représente en moyenne 1 500 €). JOBBERS transforme ces soucis en quelque chose de tout à fait banal. JOBBERS, vous permet de chatter par SMS ou application mobile avec un assistant personnel qui a immédiatement accès à votre profil, connaît vos exigences et est capable de trouver une solution de remplacement provisoire ou durable. En moyenne le délai pour dénouer une situation de stress est de moins d’une demi-journée. En complément de ce service, la conciergerie vous livre sur votre lieu de travail un service de pressing ou de lavage auto sans présence physique ni occupation des sols. Enfin, JOBBERS puise dans l’économie collaborative pour développer un portefeuille de privilèges ciblés sur les actifs (démarches, adresses rares, bons plans, artisans qualifiés, services à domicile…) et même des réductions sur des services trendy (VTC, location de robes de créateurs, auto-partages…) La vocation de cette conciergerie nouvelle formule : abolir les inégalités de traitement entre les cadres travaillant dans des établissements urbains à haute densité (tels qu’une tour à la Défense) et les non-cadres employés dans des PME ou des agences régionales. Les attentes en matière de qualité de vie au travail et d’équilibrage de vie familiale et de vie professionnelle sont en effet identiques, quels que soient les localisations ou les revenus. JOBBERS, pionnier de ce marché, prévoit d’équiper 30 000 utilisateurs à l’automne 2016 et de doubler ce chiffre tous les trimestres. Ses clients actuels sont notamment Pernod-Ricard, Véolia Environnement, Crédit Agricole Ile de France, ENGIE, ADP, ICADE, SOFIBUS, Les Mutuelles Nationales Territoriales. Pour ceux qui resteront en périphérie malgré tout, la situation appelle une révision plus radicale de ce qu’est le transport urbain. C’est la circulation des personnes sur le territoire qui doit être facilitée. Les transports en commun ne suffiront pas. Leur développement a créé un effet de massification qui provoque l’éviction de ceux qui ne peuvent habiter à proximité du système. Les zones bien desservies se valorisent. Dans la Silicon Valley, l’évolution du prix au mètre carré des logements suit les différents arrêts des lignes de trains régionaux113. Cela a pour effet d’éloigner un peu plus ceux qui pourraient avoir besoin des transports publics. Pour ceux-là, d’autres options doivent être poursuivies. L’économie collaborative ouvre dans ce domaine des perspectives qu’il faut faciliter. Les systèmes de transports plus diffus et décentralisés qu’elle promeut sont préférables. Ils doivent devenir une priorité pour les pouvoirs publics et s’intégrer à une offre de services aux occupants. Par exemple, le co-voiturage pallie la déficience des services de transports sur longue distance avec BlaBlaCar ou en zone urbaine avec Heetch. Plutôt que de concevoir les transports publics en opposition avec ces modèles alternatifs, il convient de penser à leur complémentarité. Les pouvoirs publics pourraient encourager les expérimentations destinées à favoriser de telles synergies114. PROPOSITION #3 Lever les obstacles réglementaires et de marché à la diversification des services rendus aux occupants. L’objectif est à la fois de répondre à de nombreux besoins non satisfaits, de créer des emplois dans les services à la personne, mais aussi d’apaiser la tension du marché du logement dans les zones où la demande est la plus forte. Un logement moins bien situé pourra atteindre une valeur relative plus élevée s’il est agrémenté d’une offre de services de qualité à un prix abordable. 113. Chris O’Brien (2016), “This BART real estate map shows how costly it will be to follow your Silicon Valley startup dream”, VentureBeat, 4 avril 2016. http://venturebeat.com/ 114. Sur l’intérêt de recourir à l’expérimentation, cf. Nicolas Colin (2016), « L’expérimentation dans une économie en transition », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnels, juin 2016. http://www.conseil-constitutionnel.fr/ 35 BRICOOL Bricool est née d’un problème simple et bien connu : alors que ses fondatrices avaient des travaux à réaliser chez elles, elles se sont trouvées désemparées. Par où commencer ? Quel prestataire appeler ? Comment s’assurer d’avoir des prix honnêtes ? Emilie Coudrat & Candice Gasperini BRICOOL VOUS AIDE À TROUVER LE PRESTATAIRE DE CONFIANCE POUR VOS PETITS ET GROS TRAVAUX. Rien ne répondait à leur besoin, à savoir : « Je n’y connais rien, aidez-moi ! ». Surtout, elles n’avaient pas le temps de s’occuper de chercher le bon prestataire et de comparer tous les devis. Entre les places de marché qui fonctionnent à l’enchère inversée et tirent la qualité vers le bas et les sites multi-devis pour lesquelles il faut avoir un minimum d’expertise, il était impossible de trouverl’intermédiaire de confiance – celui qui assure un prestataire fiable correspondant à la demande et qui garantit des prix justes. Cela paraît simple sur le papier, mais dans un secteur aussi déréglé, avec des intervenants habitués aux mauvaises pratiques, c’est une gageure ! Parties de cette expérience, l’équipe de Bricool a réalisé que bon nombre de clients se retrouvent perdus dans l’offre pléthorique et opaque du secteur des travaux à domicile. C’est l’une des raisons pour laquelle le bouche à oreille est particulièrement déterminant sur ce marché. Le besoin de confiance est très élevé. Bricool est ce nouveau bouche à oreille. Lorsqu’un client adresse sa demande, pour des petits ou gros travaux, Bricool cherche dans son réseau le ou les prestataires adéquats en terme de compétences, de budget. Surtout, elle affiche un prix fixe en amont de l’intervention. Pour les rénovations, Bricool consulte plusieurs bricoolers afin de comparer leurs devis et d’être certaine d’obtenir des prix intéressants et honnêtes. Ensuite, Bricool conseille son client et l’accompagne jusqu’à la finalisation de son chantier. www.bricool.co 36 Bricool a deux maître mots : confiance et transparence. Son ambition pour les années à venir : que les travaux de l’habitat ne soient plus un cauchemar mais une satisfaction ! TRANSFORMER LA CHAÎNE DE VALEUR DU LOGEMENT Les propositions précédentes (meilleure connaissance du marché, régulation renouvellée de l’offre et de la demande, diversification des services) permettent de rééquilibrer le rapport de force en faveur des occupants et peuvent ainsi faciliter la détente du marché du logement. La réduction du taux d’effort dégagerait de nouvelles ressources pour les occupants. Les pouvoirs publics pourraient se donner pour objectif qu’une partie de ces ressources soient réinvesties dans l’amélioration de l’habitat. C’est d’autant plus opportun en France, où le bâti est encore majoritairement ancien. Mais la transition numérique du marché sera menée à bien seulement lorsque l’ensemble de la chaîne de valeur du logement aura été transformée au service du client final, non sans une rétroaction sur les métiers des acteurs de l’amont de la chaîne (promotion, architecture, construction)115. Nous en sommes encore loin. Le logement lui-même, y compris pour l’accession à la propriété, n’est pas encore considéré comme un service à un client final. Frustrante, cette situation emporte plusieurs conséquences négatives : • séparer acquisition et amélioration conduit à sous-évaluer le coût d’un logement. Si l’on considère la durée de vie d’un logement (50 ans en moyenne), 75% des coûts sont liés à son entretien. Or l’analyse du marché se fonde sur le coût initial plutôt que sur l’ensemble des coûts opérés sur le cycle de vie du logement ; • aucun des acteurs n’est économiquemement incité à appréhender le long terme. Pour l’occupant, les coûts de maintenance sont intégrés par à-coups, à l’occasion de la réalisation de travaux de réparation ou de rénovation qui sont rarement anticipés. Pour le promoteur immobilier, l’horizon s’arrête au moment de la livraison du logement ; • enfin, la situation actuelle n’incite pas le secteur immobilier à faire progresser ses standards. L’indicateur clef, pour les acteurs du marché comme pour les pouvoirs publics, étant le coût initial de construction, il est rationnel de vouloir en minimiser le montant, quitte à dégrader les coûts d’entretien futurs. Les engagements porteront sur la vitesse d’exécution, les performances énergétiques du logement, mais laisseront de côté la question des améliorations qui permettraient de réduire les coûts sur un cycle de vie. Transformer l’économie de la chaîne de valeur du logement aurait plusieurs avantages : • pour les occupants, offrir une vision globale du coût du logement permettrait de mesurer de façon plus juste leur taux d’effort ; • pour le secteur de la promotion immobilière, ce serait l’occasion de mettre à niveau les pratiques. L’objectif ne serait plus 115. Nicolas Colin (2014), “Un jour, Google construira des maisons”, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, 24 janvier 2014. http://www.lemoniteur.fr 37 seulement de livrer des logements rapidement, en respectant les normes réglementaires obligatoires, mais de produire des logements de qualité, capables de tenir sur le long terme la promesse d’un plus grand confort et de plus importantes économies d’énergie. Ce faisant, le secteur serait incité à développer des méthodes permettant, pour un segment de marché donné, d’identifier les récurrences et de les transformer en « standards » pouvant faire l’objet d’une production industrielle. Il en résulterait de substantiels gains de productivité ; • surtout, l’enjeu serait de disposer d’un coût global permettant de souligner que l’essentiel de la valeur se situe dans la vie du logement – c’est-à-dire après sa construction. Les opérateurs dominants sur le marché seraient incités à se repositioner à la pointe des services autour du logement, là où le potentiel d’innovation est le plus prometteur, plutôt que sur l’amont de la chaîne. Une telle vision de long terme pourrait devenir le socle d’une nouvelle relation de confiance entre promoteurs, propriétaires et occupants, dans une filière aujourd’hui affectée par la défiance. Pour les occupants d’un logement, la confiance se bâtit en amont de la transaction, de l’inspiration de la décision à l’entrée dans le logement, en passant (pour les accédants dans le neuf) par la conception du logement et le suivi du chantier. Elle se consolide en aval, au-delà de la transaction, par la fourniture de services embarqués dans le logement : il s’agit de traiter l’occupant comme un client, de nouer avec lui un lien privilégié et de lui inspirer confiance sur le long terme. Loin d’être un simple gadget aux coûts prohibitifs, les technologies numériques peuvent faire office de trait d’union entre les différents maillons de la chaîne. En amont, la mobilisation d’outils numériques pour les phases de recherche et de conception permet d’optimiser l’appariement entre les besoins des clients, leur propension à payer et l’offre disponible. En aval, les technologies numériques, de plus en plus intégrées au bâti, permettent d’assurer une expérience exceptionnelle pour l’occupant, tout au long de la vie du logement. Il s’agit, à terme, d’intégrer l’ensemble des acteurs de la chaîne dans une seule expérience fluide. Un simple smartphone permet d’être en contact avec son logement : dès lors qu’une anomalie de fonctionnement est détectée, l’occupant est alerté, l’anomalie analysée et une proposition d’action suggérée (contact du professionnel). Au-delà, le champ des services embarqués est potentiellement infini : pilotage de l’équipement à distance, entretien mutualisé (bâti, terrain, conciergerie), services pratiques (ménage, mobilité), économies d’énergie (panneaux solaires, smart grid), etc. Financièrement, enfin, cette nouvelle chaîne de valeur est la garantie d’une plus grande transparence. Pour l’occupant d’un logement donné, l’ensemble des services pourrait s’intégrer dans un seul abonnement, intégré à une seule mensualité qui intégrerait le coût de l’occupation du logement (remboursement d’un emprunt ou loyer) mais également l’ensemble des charges attenantes (électricité, téléphone, internet, entretien du jardin, remplacement des équipements élec38 troménagers au bout d’une certaine durée, mise à jour du système de gestion de la maison, etc.). Le service pourrait même intégrer les problématiques de monétisation du logement lorsqu’il est inoccupé, avec la location occasionnelle à des particuliers et le recours à tous les services attenants (préparation, approvisionnement, ménage). Sur le long terme, il s’agit de rendre possible des offres évolutives et constamment mises à niveau. Les équipements seraient systématiquement remplacés par des modèles plus récents et plus économes en énergie. De nouvelles applications numériques seraient régulièrement déployées, garantissant des logements de qualité à chaque étape de leur vie. La fluidité du marché de l’immobilier en serait améliorée. PROPOSITION #4 Accompagner la transformation de la chaîne de valeur du logement L’économie numérique ne fait pas que fournir de nouveaux outils aux professionnels ou diversifier les services aux clients finaux. Si les conditions, notamment juridiques, le permettent, elle va aussi, à terme, provoquer une transformation radicale de la chaîne de valeur du logement pour mieux la centrer sur le client final. Les pouvoirs publics doivent accompagner et faciliter cette transformation, notamment en faisant évoluer les dispositifs de politiques publiques, pour servir plusieurs objectifs d’intérêt général : détendre le marché du logement, améliorer la qualité du service rendu aux occupants et accroître la compétitivité de nos entreprises présentes sur les différents maillons de la chaîne de valeur. 39 ©TheFamily shiftfrance.com