Recherches sociologiques 1996/3 A. Franssen: 99-113 Le sujet de la sociologie par Abraham Franssen * Nés avec la société industrielle, les paradigmes de la sociologie en ont épousé les catégories et les postulats, en particulier celui de la primauté du social sur l'individu. Aujourd'hui, l'analyse sociologique est confrontée à une mutation sociale dont une des catégories centrales est précisément celle de sujet individuel - jadis honni et rejeté dans les marges. D'où la tentation de s'engouffrer dans le sujet, d'en faire la clinique, de l'accompagner dans ses états d'âme. Ce faisant, on reste prisonnier de catégories idéologiques et culturelles (hier celles de raison sociale, aujourd'hui celle de sujet individuel). Alors que précisément J'analyse de leur production sociale concrète dans les rapports sociaux devrait être l'objet même de la sociologie. Pour ce faire, le travail sociologique peut s'appuyer sur une double tradition critique et herméneutique, visant à la fois à une conscience accrue des logiques de production et de gestion sociale des identités individuelles et collectives, et à une compréhension de la manière dont les individus se construisent comme sujets dans une société en mutation. Portraits de famille D'illustres professeurs m'ont enseigné les règles de la méthode sociologique: l'objet de la sociologie est le fait social, le social s'explique par le social. Il y a la sociologie de Durkheim qui traite les faits sociaux comme des choses, et vise à reconstituer leur enchaînement causal. Il y a la sociologie de Max Weber qui s'efforce de comprendre, de manière idéaltypique, le sens visé subjectivement par le sujet. Et il y a Marx: la société résulte de ses rapports sociaux, en particulier ceux qui réunissent et opposent classes sociales, l'une dominante, l'autre aliénée. Illustrons. La religion protestante, au travers d'un degré de cohésion sociale plus faible que la religion catholique, permet d'expliquer la propension plus grande des protestants au suicide (dixit Durkheim) tandis que, par homologie des dispositions culturelles (ascétisme, tension vers le futur), elle permet de comprendre l'essor du capitalisme (dixit Weber). Elle voile d'un nuage mystique la réalité des rapports sociaux de production (dixit Marx). * E. Mail: [email protected] 100 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues Conscience collective, solidarité organique, solidarité mécanique, rationalité en finalité (versus rationalité en valeurs), résidus, circulation des élites, communauté et société, aliénation, rapports sociaux de production: toutes les catégories de la société nationale, moderne et industrielle sont là. L'émergence d'un savoir sociologique tantôt positif, compréhensif ou critique a ainsi accompagné les idéologies constitutives de la société industrielle. Ajoutons-y les enquêtes de l'École de Chicago dans les clubs de Jazz, les chômeurs de Marienthal, l'influence des anthropologues et l'on aboutit à la constitution d'une nouvelle discipline. Incertaine pourtant, encore et toujours. C'est pour cela peut-être qu'elle pratique avec déférence le culte des pères fondateurs et qu'elle n'a de cesse d'affirmer sa spécificité, sa distinction. Celle-ci tient à la particularité du "regard" sociologique. Contre les illusions des sens communs, il s'agit d'opérer la rupture sociologique : voyez ce joli couple convaincu que leur relation résulte de cette inexplicable alchimie des sentiments, histoire de coup de foudre et d'atomes crochus. Examinez plutôt la Golf décapotable dans laquelle ils se bécotent, jaugez l'alliance de leur capital culturel et économique, la position de leurs parents dans l'espace social, leurs stratégies respectives, les codes de leurs effusions. Bref, les conduites sociales résultent de rôles différents (intériorisés et/ou joués), exercés à partir d'un ou plusieurs statuts (acquis ou conquis). L'agencement des rôles et des statuts constitue la structure sociale dont le maintien est légitimé par les valeurs et les normes du système culturel. L'intégration (fonctionnelle, cybernétique, adaptative ... ) de la personnalité au système social est ainsi assurée. Au faîte la sociologie américaine, ordonnancée comme un pavillon de banlieue Upper Middle Class, la sociologie de Talcott Parsons illustre cette volonté quasi normative de contribuer à la cohésion sociale: «Une société ne peut être autonome que dans la mesure où elle peut compter sur les contributions de ses membres pour contribuer à son fonctionnement». Puis, il y a eu les 3 mousquetaires - tous contre un, un contre tous: Bourdieu, Boudon, Touraine, auteurs prométhéens qui veulent rendre aux hommes la maîtrise de leur histoire, le premier, en leur faisant prendre conscience des habitus qui les habitent et qu'ils habitent - structures structurantes structurées - le second plus modestement, en indiquant que les effets agrégés de leurs rationalités individuelles aboutissent au même résultat, et le troisième en révélant aux acteurs, au prix d'une conversion analytique, le sens véritable de leur action. À ces trois types d'explications sociologiques, il faut ajouter un quatrième paradigme que l'on peut qualifier de paradigme de la domination et auquel on peut associer les travaux de Michel Foucault. Le sujet y est négativement défini comme aliéné, soumis, et l'analyse sociologique va dès lors se centrer sur les mécanismes de pouvoir qui le constituent comme tel. Mais quelle que soit la porte d'entrée, c'est bien de la société, de sa reproduction et de son changement, et A. Franssen 10 I non des sujets, de leur histoire et de leur expérience, que traite la grande sociologie. Dans les recoins de ces macrothéories, dans les couloirs des asiles et les salles à café de la bureaucratie, il reste toujours aux acteurs la possibilité de se livrer à des adaptations secondaires ou à poursuivre leurs microstratégies de représentation et de pouvoir. En gros, c'est ce que nos maîtres nous ont enseigné. À leur mérite, il leur revient de nous avoir initié à la "problématisation multiple", aux "tableaux à plusieurs entrées", à la "matrice de questionnement" à partir de laquelle le problème est défini comme la manière de poser le problème. Dans toute cette histoire, l'ennemie, c'est l'anomie. Tocqueville déjà le pressentait, lui qui craignait que «chacun se préoccupe plus de sa petite société personnelle que de la grande société». Weber, tout en rendant compte des tensions subjectives de la modernité, a la hantise de la cage de fer d'une raison instrumentale débarrassée de la référence aux valeurs. Durkheim résiste au suicide auquel conduit la perte de cohésion sociale. Depuis, cela n'a guère changé. Considéré à partir des paradigmes de la sociologie, l'individu apparaît toujours comme une menace ou un résidu. La socialisation est définie comme la mise en correspondance des conduites individuelles et des exigences collectives, que ce soit en jouant ses rôles, en occupant une position de classe, en poursuivant rationnellement ses intérêts, ou en s'engageant dans des actions collectives. C'est à partir du primat du social qu'est posé "le problème de l'individu" et qu'est ignorée la dimension du sujet. Que craint le sociologue? La dissolution du lien social. Il suffit pour s'en convaincre de considérer les représentations de la jeunesse qui se dégagent des paradigmes de la sociologie. Anomiques et désocialisés, exclus et sans ressources, aliénés par les institutions de contrôle, dépourvus de conscience de classe, ils apparaissent souvent comme l'expression même des "troubles sociaux", comme les mauvais sujets de la raison sociale. Incrédule Heureuse sociologie, quand la société était une et antagonique, et les hommes inconsciemment sociaux. Cette sociologie évoque à la fois le monde des choses de Perec (où tout est à sa place), et celui des militants et des honnêtes citoyens (pour qui on va construire une société meilleure) : un monde que nous - génération 80 - comprenons encore, mais qui ne nous comprend déjà plus: il y a une fêlure de distance. Cette sociologie, qui parlait de la société, et qui avait le pouvoir normatif de définir notre expérience, ne nous parle plus. On a beau affirmer qu'elle reste vraie, rappeler qu'il y a plus que jamais des rapports sociaux, et des classes sociales, que nos pratiques s'inscrivent toujours dans des logiques de champs, elle a perdu de son pouvoir corrosif, se dissolvant dans la "réflexivité" des individus et la "complexité" du social. C'est-à-dire que d'une part, les individus revendiquent réflexivement leur expérience comme propre et per- 102 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues sonnelle, que d'autre part, la "société" se laisse moins facilement réduire de façon unitaire à un espace de positions socioculturelles, à un terrain de jeu et de stratégies, à une scène historique, ou un quadrillage d'appareils idéologiques d'État. Laissez-moi faire mes courses en paix, et, après tout, si j'aime les Golf GTI aux sièges en cuir blond, c'est bien mon droit. Je joue mon rôle comme je l'entends. Vous n'allez pas me le reprocher? J'affiche mon statut autant que le sociologue - ce dernier complexé social - qui, d'ailleurs, ne sait plus en quoi rouler: quand même pas en Mercédès, quand même plus en 2 CV. Oser la Twingo ? Qu'en dira-t-on? Heureusement qu'il y a la bicyclette. "Ne me mets pas dans une boîte avec une étiquette". Cette revendication du sujet est d'autant plus difficile à rencontrer qu'elle s'effectue au delà - et pas en deçà - de l'analyse sociologique. Les macrothéories qui nous surplombaient sont désormais rangées dans la boîte à outils des intervenants et conseillers en marketing, pire même, dans la boîte à idées de Monsieur Tout le monde. C'est énervant à la fin, ces interviewés qui font eux-mêmes la théorie de leurs pratiques. La rupture sociologique devient la rupture du sociologue. "II" est là ("Je" suis là ... ) Les digues normatives de la raison sociale ont lâché. Malgré les combats d'arrière-garde pour résoudre les contradictions culturelles du capitalisme, pour en dénoncer la montée dans les années '80, "il" est là : "Je" est là, l'individualisme. Honni, prophétisé, triomphant, encensé enfin, l'individu «est de retour», sur fond d' «ère du vide», de «crise» et de «mutation». Il faut abandonner ses anciennes positions, laisser les morts sur le champ de bataille, redéfinir une stratégie. Et puisque l'individu est partout, réconcilions-nous avec lui. Désormais, le pauvre petit individu autrefois rejeté dans la marge anomique est au centre: au centre du modèle culturel, au centre des cités auxquelles il se réfère pour justifier ses actions, au centre des logiques d'action qu'il articule réflexivement pour se construire. Pour l'occasion, on l'a relooké. Ce n'est plus un individu, c'est un Sujet. Mieux même: un mouvement social à lui tout seul. Comme le disait un jeune interviewé auquel le sociologue préoccupé demandait s'il était militant: «Je suis militant de moi-même». Et dès lors, la relation amoureuse peut être considérée comme le lieu par excellence d'affirmation de la résistance à l'emprise sociale. Et le sociologue peut enfin déclarer sans honte à sa compagne (psychologue) : «Je t'aime, Mon Amour». Puisque le sujet est le nouveau principe de sens et d'analyse, rapprochons-nous de lui et du travail qu'il effectue sur lui et sur les autres. Pratiquons alors en quelque sorte "une sociologie individuelle" tantôt actionnaliste (la vie que je me fais), tantôt structuraliste (la vie qu'ils me font, me transformant en victime structurale). La dernière décennie a ainsi vu la floraison d'une multiplicité de figures du sujet individuel, poussant comme herbes folles sur les décombres du sujet de la Raison sociale. Sans A. Franssen 103 prétendre à l'exhaustivité, on peut en distinguer les principales: celles du sujet instrumental, narcissique, postmoderne, de l'authenticité, comme mouvement social, réflexif, de la souffrance sociale 1. Le discours postmoderne consiste précisément à affirmer cet éclatement des différentes figures du sujet individuel. Émergeant sur les ruines du sujet moderne de la Raison sociale (être moral, rationnel et unifié), l'individu postmoderne affiche sa virtualité, sa fractalité, son instantanéité, son ubiquité, jouant de la multiplicité de son moi sans prétendre en faire une cohérence. «Je suis un petit flux émotionnel» pense l'héroïne virtuelle de Jean-François Lyotard dans l'avion qui l'emmène à Tokyo. Une seconde réponse peut être qualifiée de "néo-moderne" et consiste à inscrire la figure du sujet individuel dans le projet de la modernité, que ce soit en le posant comme deuxième jambe, trop longtemps à la traîne de la raison (science et conscience, subjectivité et objectivité), ou que ce soit à partir de l'idée de raison procédurale. La raison n'est plus posée comme un a priori auquel doit se soumettre le sujet, mais comme condition même de la réalisation du sujet. On n'a plus affaire à un sujet de la raison substantielle-formelle (qui définit le beau, le bien, le vrai), mais de la raison procédurale (comment va-t-on se mettre d'accord pour définir le bien, le beau, le bon), admettant que la reconnaissance de l'autre est la condition de la communication (Ferry, 1987) et de son propre épanouissement (Taylor,1994). Une troisième réponse à cet éclatement des figures du sujet part de la notion d'expérience et de sujet réflexif pour construire une sociologie de l'expérience ou de la gestion relationnelle de soi. Ce qui définit le sujet, ce sera précisément le travail incessant qu'il effectue sur lui pour articuler les différents dimensions de son expérience (Dubet, 1994). Le sociologue va dès lors s'intéresser à la boîte noire qui processe les relations entre moi et les autres, identifier les compétences réflexivement mises en œuvre par les individus pour structurer leurs relations et du même coup, (re)produire le système social (Bajoit/Franssen, 1995). Enfin, poussée dans ses retranchements, l'attention au sujet individuel devient sociologie clinique. L'attention à la singularité conduit ainsi, simultanément ou en ordre dispersé, à reporter l'origine sociale des tensions psychiques sur une génération (victime structurale) ou plusieurs (névrose de classe). Combinées aux concepts de la psychanalyse, les catégories de Bourdieu vont dès lors être appliquées aux histoires singulières. Effectuant sa socio-analyse, l'individu s'efforcera, par exemple, d'assumer sa névrose de classe (Gaulejac, 1987). Ces différentes approches du sujet, parfois contradictoires et antagoniques, font osciller la sociologie entre la philosophie sociale et la psychanalyse, et le sociologue devient dès lors tour à tour témoin des subjectivi1 Le recul et une information plus approfondie nous manquent pour bien discerner les différents courants de ce «retour du sujet». La présente typologie n'a pas prétention à l'exhaustivité. Elle est une invitation à poursuivre ce travail de clarification. 104 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues tés éclatées, clinicien du travail du sujet, défenseur et rénovateur de la modernité, laudateur ou Cassandre de la postmodernité technologisée. Schéma 1 : Figures du sujet individuel et courants d'une sociologie du sujet Essais sur l'air du temps Témoignage des subjectivités éclatées Individu narcissique Sujet victime souffrance sociale Masses, tr~~~~, consornrn J ) \ ~ Exclusion, aliénation Postmoderne (éclatement) Socio-clinique (enfouissement) Raison procédurale, ( communication) ~;,~~~.:'.~:~"enœ (ruticUlar-Sujet individuel comme mouvement social Marché Individu instrumental Et aujourd'hui, nous en sommes là : incrédules, tout gonflés des émois de notre petit moi, théoriquement rénovés pour en accompagner les ébats, les guider même dans les méandres de sa gestion de soi, l'aider à devenir sujet, à se frayer une voie dans la mutation, de la même manière que les anciens ont contribué par leurs théorisations, aux discours des Sujets Historiques: Mouvement Ouvrier, État, Partis. Trou noir et cul-de-sac Partagée entre philosophie et psychologisation, entre l'enfouissement dans l'infime intime et l'établissement des codes de langage, ces courants d'une sociologie que l'on pourrait qualifier "du sujet" n'évitent pas certains écueils. Tout d'abord, celui de reporter sur l'individu la charge de la stabilisation du monde. Que la société ne soit pas là où elle proclame institutionnellement son existence, que de manière croissante le "système social" A. Franssen 105 apparaisse comme une machine autorégulée à côté ou dans les replis de laquelle les individus tentent de se raconter des petits récits d'autonomie justifie-t-il que l'on privilégie les subjectivités individuelles au détriment d'une analyse des rapports sociaux? En se focalisant sur l'expérience individuelle, et surtout en effectuant l'analyse à ce niveau (quelles sont les tensions vécues par l'individu, comment les gère-t-il, quelles sont les compétences mises en œuvre ... ), une telle sociologie ne risque-t-elle pas d'être totalement idéologique - au sens d'une dissimulation-légitimation des rapports sociaux ? En aval, le danger est de limiter la portée de "la voix du sujet" (le cri, le silence ... ) à une fonction thérapeutique ou argumentative dans le champ clos d'un "espace d'interlocution", là où elle est légitimation, résistance, dissidence, protestation dans l'espace social. Ensuite, en introduisant à la pluralité des points de vue, en affirmant la courte ou moyenne portée des théorisations proposées, on contribue au relativisme des enjeux. Il n 'y a plus alors que jeux de l'esprit et jeux de langages, démontage et mécano procédural, loin des rapports sociaux, et de leur violence. Celle-ci, jadis réifiée dans des discours et des structures, est aujourd'hui évacuée, désamorcée dans des discussions et des procédures. Fondamentalement, la critique adressée ici à la sociologie du sujet (terme vague recouvrant plusieurs courants) est de ne pas objectiver son propre point de vue, de ne pas le situer comme enjeu de rapports sociaux. Faute de quoi, la sociologie du sujet se condamne à analyser l'écume, ignorant la vague qui la porte, et les digues sur lesquelles elle se brise. Toute théorie correspond à des préoccupations émergentes dans l'espace social et historique. Le «retour du sujet» qui caractérise les orientations des sciences sociales depuis une dizaine d'années n'est pas fortuit, pas plus que ne l'était le matérialisme historique dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le structuro-fonctionnalisme au faîte de l'empire américain des années '50, l'actionnalisme au cœur de la société optimiste des années '70. Il n'y a pas plus de vérité dans l'affirmation de principes d'analyse plutôt que d'autres. Il n'y a en effet que des points de vue, socialement construits, pris donc dans des rapports sociaux, qui passent par des jeux de langage, et construisent des identités, celles des sujets de la Raison sociale (le citoyen, le prolétaire, le bourgeois, le militant ... ) dans la société industrielle, celles du sujet individuel (le narcissique, le compétitif, le perdant, l'authentique, l'incertain ... ) dans la société contemporaine. Il n'y a donc, dans une certaine mesure et sans illusion, de choix sans explicitation du point de vue que l'on tient. Il s'agit de savoir à quel jeu on joue, avec qui, et contre qui. Au relativisme épistémologique ("théories à moyennes portées", "pluralité des approches", affaiblissement disciplinaire), il ne s'agit pas d'opposer un dogmatisme. La prise en compte de la réflexivité du sujet peut aussi être conscience des rapports et des enjeux sociaux de ses pratiques et son expérience. 106 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues Que se passe-t-il ? Que nous arrive-t-il? Nous sommes dans la nuit et le brouillard. On se retrouve à ne plus rien comprendre: à simplement pouvoir dire ce qui se passe, ce qui nous arrive. En quoi la sociologie peut-elle nous aider aujourd'hui à comprendre notre expérience individuelle et collective? Plutôt que de renoncer à l'idée même d'explication sociologique au profit de démarches cliniques, expressives ou impressionnistes, c'est bien d'un effort accru d'analyse dont nous avons besoin pour retrouver les rapports sociaux derrière les subjectivités éparses. Comment pouvons-nous prendre en compte les profondes mutations des catégories sociales et sociologiques pour tenter de dépasser les limites des paradigmes de la Raison sociale tout en évitant les écueils d'une sociologie du sujet? La question est bien de "comprendre la vie qui nous est faite et la vie que l'on se fait", d'articuler "l'infime et l'infâme", l'individualité et les rapports sociaux sans jamais les confondre, de se situer entre le compte rendu des singularités sur le mode du témoignage et l'analyse globale des rapports sociaux sans chercher à réduire à nouveau le sujet, à le cloîtrer dans la cage d'acier d'une sociologie positiviste et normative. Au niveau théorique, nous pensons qu'il y a une reconstruction possible à partir des apports de différents courants théoriques autour de la question de la production et de la gestion sociale des identités collectives et individuelles. Faisons une première ébauche en deux mouvements: en considérant d'abord la logique de constitution du sujet et ensuite sa capacité d'autodéfinition. D'une part, la définition même des identités sociales et des figures du sujet est toujours une production et un enjeu des rapports sociaux. Par "rapports sociaux", nous entendons ici les différentes logiques de socialisation et d'action auxquelles renvoient les principaux paradigmes de la sociologie (Bajoit, 1992) : - La logique de l'intégration qui définit la composante la plus "classique" de l'identité sociale. Il s'agit des normes auxquelles l'individu est soumis, et des rôles attendus et légitimes que les "autres" lui proposent-imposent au travers du contrôle social; - La logique de la compétition qui définit les intérêts et les statuts à partir desquels l'individu développera ses stratégies. Une identité sociale n'est pas seulement constituée de rôles et de normes, mais inclut les ressources et des contraintes de leur mise en œuvre dans un état donné des rapports sociaux ; - La logique du conflit - qu'Alain Touraine désigne comme la logique du mouvement social, se situant au niveau de l'historicité. C'est ici qu'interviennent les différentes figures du sujet au centre des orientations culturelles d'une société (le sujet religieux du modèle culturel traditionnel, le sujet de la Raison sociale de la société industrielle). Comme l'indique Bruno Péquignot, «l'idéologie interpelle les individus en sujets; la fonction même de l'idéologie est de produire du su- A. Franssen 107 jet» (Péquignot, 1990 :28). L'identité sociale renvoie donc toujours aussi à un principe de légitimité et à des finalités culturelles; - La logique de l'aliénation enfin. Michel Foucault a ainsi bien montré «la manière dont sont progressivement, réellement, matériellement constitués les sujets à partir de la multiplicité des corps, des forces, des énergies, des matières, des désirs et des pensées» (Foucault, 1972). L'émergence effective du sujet dans la société moderne passe par la mise en place, au sein des pratiques les plus quotidiennes de la vie sociale globale, d'un modèle de contrôle précis. En fin de compte, le pouvoir d'assujettissement s'effectue aussi au travers des techniques de gestion de soi, et du discours que l'on tient sur soi. Une identité sociale est aussi la manière dont elle désignée et objectivée à partir d'une position de pouvoir. C'est ce qui se manifeste lorsque, pour s'identifier, les individus n'ont pas d'autres recours que les catégories du pouvoir qui les assujettit: «Je suis SDF», «je suis TeT». Rôle(s), statutes), pouvoir et finalités culturelles définiront les identités sociales des acteurs. Depuis l'essor de la modernité, les identités sociales sont en permanente redéfinition tout en étant relativement stabilisées au travers des institutions de socialisation «<Équipements collectifs de Subjectivation», dit Guattari, 1987 :29). De ce point de vue, les institutions apparaissent comme des sédimentations de rapports sociaux, significativement orientées, conservatrices et orientatrices de flux. L'hypothèse est ici que les mutations observables vers les figures du sujet individuel ne peuvent être définies comme une simple évolution de la subjectivité (vers des formes plus réflexives et complexes) ou comme une construction autonome des individus. La figure du sujet individuel est aussi une forme sociale dont il s'agit d'analyser les modalités de production. En conséquence, il est important de mettre l'émergence culturelle des nouvelles figures du sujet en relation avec les évolutions des "équipements collectifs de production de la subjectivité" et de situer celles-ci dans la transformation-transaction des rapports sociaux et des identités entre les groupes sociaux. D'autre part, l'individu n'est pas totalement défini par le miroir social. Il a une capacité d'autodéfinition. Assujetti, déterminé, limité par les relations sociales qui le constituent, il a aussi une capacité de réponse, de création, de résistance - plus ou moins forte, mais jamais absente. À part peut-être le premier de classe, l' "élève" ne se réduit pas à ses notes, même s'il peut s'en sentir (dé)valorisé, ni à son rôle même s'il le joue, ni à ses intérêts, même s'il les poursuit, ni à la définition des missions de l'école, même s'il cherche parfois à y adhérer (Dubet, 1991). Il est par conséquent possible de partir du sujet, du travail qu'il effectue sur lui, de la manière dont il se raconte son histoire, des stratégies et des pratiques qu'il met en œuvre pour exister socialement et individuellement. Pour cela, il nous faut accepter une conception du sujet où le sociologue n'a pas le dernier mot, où demeure une case vide. En effet, la possibilité même de construire une histoire (sociale et individuelle), de produire et de faire 108 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues évoluer des identités requiert la présence d'une case vide. Contre une sociologie de l'identique, qui clôt le sujet sur lui-même, identifiant la définition sociale du sujet à son autodéfinition (la vie que je me fais est alors la vie qu'ils me font), et présentant l'image de la société comme totale et fermée, il s'agit de concevoir que la possibilité même d'une narration identitaire, comme celle de toute conflictualité sociale, implique de reconnaître - sans chercher à le réduire, ou à l'évacuer de la démarche d'analyse le sujet et la société comme divisés, c'est-à-dire comme ne coïncidant pas totalement entre eux et avec eux-mêmes 2. La sociologie classique faisait de ce "résidu" une marge d'indétermination acceptable, "parasitant" les régularités statistiques et les correspondances sociologiques. Il s'agit ici plutôt d'y voir une caractéristique du sujet qui se retourne réflexivement sur lui-même sans pourtant jamais se saisir totalement. C'est en cela d'ailleurs que les sciences humaines se distinguent radicalement du modèle des sciences exactes et qu'il ne saurait y avoir de «sociologie scientifique» (Péquignot, 1990). «Il y a donc deux sens au mot "sujet" : sujet soumis à l'autre par le contrôle et la dépendance, et sujet attaché à sa propre identité par la conscience ou la connaissance de soi» (Foucault, 1966). Il s'agit à la fois de considérer comment le sujet est construit et comment le sujet se construit, ou encore la vie que je me fais à partir de la vie qu'ils me font. Dès lors le travail sociologique est double, d'une part critique, en analysant la production et la gestion sociale des identités individuelles et collectives, d'autre part herméneutique, au sens où «l'identité personnelle d'une histoire individuelle n'est pas une suite ininterrompue de faits objectifs : elle est le fruit d'une continuelle auto-interprétation. La projection de sens ne peut être prévue en maîtrisant la sémantique de la position de départ» (M. Frank, 1988 :90). On s'intéressera ici au travail des individus pour être sujets, à la manière dont ils se racontent leurs histoires. Entre les brui ts et les silences, les codes et les ressources, il s'agit de décrypter le "récit" dans lequel chacun tente d'exister socialement et individuellement. En résumé et en première approximation, il s'agit donc de proposer un dispositif théorique permettant le repérage et l'analyse de la "construction du sujet dans une société en mutation". Cela 1) en intégrant les logiques d'action proposées par les paradigmes de la sociologie; 2) en proposant une définition non fermée du sujet, soit le sujet herméneutique; 3) en mettant en rapport les dispositifs de socialisation et la construction du sujet; 4) en maintenant la spécificité d'un point de vue sociologique; 5) en posant comme enjeu des rapports sociaux (de domination, de conflit, d'intégration, d'intérêt) la définition des identités sociales et individuelles. Le tout dans une perspective systémique où l'on met en rapport différents dispositifs de socialisation et différentes expressions du sujet. 2 On se référera ici utilement à l'article de Jean-Pierre Delchambre "Passe et Impasse de la sociologie du sujet" dans le présent numéro. A. Franssen 109 Projets de cartographies L'hypothèse d'une mutation sociale et culturelle peut dès lors être travaillée en combinant l'émergence et la production sociale de nouvelles identités passant par des dispositifs de socialisation précis dans et à partir desquels les sujets concrets (se) racontent leur histoire. Les lieux où peuvent être saisis, décrits et analysés cette tension et l'émergence de nouvelles identités sociales et figures du sujet sont multiples. Il s'agit en fait de l'ensemble des institutions et des espaces de socialisation. L'école, comme institution de socialisation submergée par la sociabilité juvénile, est un des lieux privilégiés où se manifeste cette transformation fondamentale. On pourrait dans la même perpective considérer les industries de production et de diffusion culturelles, le champ du travail social ou de la santé, les entreprises, etc. 3. Une société est ainsi traversée de plusieurs récits, en voie de constitution ou de dépassement - celui des institutions traditionnelles, celui des institutions modernes, celui du marché, celui des industries culturelles, celui des acteurs collectifs, etc. On peut tout d'abord se centrer sur une institution particulière et examiner comment les individus s'y constituent comme sujets. Soit par exemple les dispositifs d'insertion socioprofessionnelle comme un des lieux où se rencontrent et se télescopent à la fois le modèle normatif traditionnel (celui de l'ayant-droit, pour autant qu'il rentre dans une des catégories administratives, logique de traitement universalisé, droits liés au travail) et les nouveaux dispositifs de production de la subjectivité (traitement personnalisé, logique d'expressivité personnelle, droits liés à la formulation d'un "projet" et à la manifestation d'une bonne volonté). Pour les destinataires de ces dispositifs, la question même de l'identité est centrale. C'est le lieu même où le lien individu-société proclamé détruit (les "exclus") est censé être reconstruit (on y fait de l' "insertion", voire de l' "intégration"). Les individus se retrouvent ainsi pris dans une injonction paradoxale de négation d'identité (les paumés, les exclus, les assujettis sociaux) et de reconstruction de celle-ci. Le caractère problématique de cet enjeu s'exprime dans les différents réactions des "bénéficiaires" : depuis la "dépression du chômeur" jusqu'à la figure du sujet "hédoniste", la "rage" des uns ou le "conformisme" des autres. Mais il s'agit aussi d'un lieu où "s'inventent" de nouvelles formes d'identité, de nouveaux modes de résistance, de distanciation, d'innovation. C'est dans cette imbrication que la mutation culturelle est à l' œuvre de manière très concrète. On peut ensuite mettre en regard les différents dispositifs de socialisation et les expressions des sujets en vue d'effectuer un travail d'objectivation et de compréhension dans une société en mutation: quels sont les 3 Une recherche actuellement en cours à la FOPES (Faculté Ouverte de Politique Economique et Sociale, UeL) vise ainsi à dégager les transformations des identités professionnelles dans le secteur non mar- chand, en travaillant et en analysant avec différentes catégories socio-professionnelles (infinnières, enseignants, travailleurs sociaux, fonctionnaires) les dimensions de leur expérience, et en les resituant dans les transformations de leurs institutions et de leurs champs d'activité. 110 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues (nouveaux) dispositifs de subjectivation et comment les individus s'y constituent-ils comme sujets? Si l'on considère, par exemple, la société chilienne où la vélocité et la violence des processus facilitent la schématisation, on observera comment en 20 ans et au prix d'une dictature, une société provinciale, dont le développement était dirigé sur le modèle de l'intégration nationale, devient une société-marché, fortement travaillée par les logiques de séduction culturelle et de compétition. On y relèvera par exemple la puissance de la légitimation sur le thème de la "modernisation", la recomposition des modèles identitaires à partir de l'État et du marché, l'apparition de nouvelles figures dans le jeu social: du chanteur populaire, on passe au rappeur, de l'artisan au micro-entrepreneur. Cette transformation n'est pas un processus autonome (sur le mode "La modernité arrive au Chili"). Elle émerge des rapports sociaux entre des acteurs. De nouvelles divisions sociales apparaissent. Il y a ceux qui dirigent le processus, ceux qui en profitent, ceux qui tentent de s'y intégrer, ceux qui en sont exclus (les jeunes pobladores). Si cette mutation comporte une dimension culturelle centrale (au niveau des idéologies, des représentations et des images du sujet socialement construites), il est essentiel de mettre ces transformations identitaires en rapport avec des mises en place matérielles de dispositifs concrets: le développement des industries culturelles, les conditions d'accès au crédit, l'ouverture de centres commerciaux, les politiques de l'État dans le champ de l'éducation, etc. Autant de scènes changeantes où des acteurs concrets participent à la production d'une nouvelle pièce. Enfin, sur le versant des subjectivités, on tentera de reconstituer comment, confrontés à ces dispositifs de socialisation, des jeunes se racontent leur histoire. Claudio va passer ses fins de semaine dans les centres commerciaux, Ray Ban sur le nez. Lucho, fait du rap, oscillant entre l'expression marginale et une forme plus commerciale. Antonio est au point de concentration de toutes les violences, sociales et policières, et son récit, recouvert par les décibels d'une sono destroy, en est l'expression et le dépassement. Carola, des beaux quartiers, est en quête d'autoréalisation. Et ainsi de suite, l'ennui, la souffrance, l'ironie, l'arrogance ... des uns et des autres (Franssen/Salinas, à par.). Au travers de ce travail sur soi et de ces différentes stratégies de "gestion de soi" ici caricaturalement résumées, il s'agit bien de comprendre comment les individus se constituent et se sauvegardent comme sujets dans des sociétés caractérisées par une "extension du domaine de la lutte", c'est-à-dire par un approfondissement et une extension de l'emprise sociale sur les subjectivités individuelles, dans la mesure où les statues des commandeurs étant déboulonnées, la violence sociale tend à être ressentie directement, individuellement, comme angoisse et frustration. A. Franssen III La portée, le sens et les impasses institutionnelles comme individuelles de ce qui se trame ne peuvent être pleinement compris que dans une perspective systémique et "cartographique", où il s'agit de mettre en relation différents dispositifs de production des subjectivités: par exemple les collèges privés et libéraux pour les uns, les établissements publics massifiés pour les autres, ou encore MTV, les contrats de sécurité et les salles de fitness. Ces différents dispositifs renvoient les uns aux autres en s'articulant au travers d'une configuration générale ou, in fine, se jouent les rapports entre groupes sociaux au travers de la définition des identités sociales. De nouvelles figures du sujet signifient aussi un autre mode de distribution des compétences sociales et d'établissement des hiérarchies. Êtes-vous "in" ou "out", branchés ou ringards, bien dans votre peau ou complexés, Article 60 4 ou GSM ? Que donnerait la cartographie d'une société à l'historicité faisandée et savoureuse, comme la Wallonie? À quelles visibilités sociales pourrait contribuer ce travail sociologique? Qu'est-ce qui se joue en termes de production et de gestion des identités sociales? Quels sont les lieux où émergent de nouvelles figures du sujet? Où sont les lignes de fracture entre archéo- et néo-structure? Les lignes de fuite et les appareils de capture ? Mortal Kombat Sur toutes les questions susmentionnées, il existe une série de travaux, rarement confrontés et coordonnés dans un espace permettant une visibilité d'ensemble. Pourtant au fur et à mesure que les flux tendent vers une intégrale, se mondialisent, se délocalisent, que les institutions deviennent poreuses, et qu'en réaction les identités s'accrochent à des territoires, et les pouvoirs à des appareils, la mise en rapport des différents dispositifs et des différentes expériences devient une exigence analytique, et un choix politique des chercheurs. Dès lors, les tâches propres de la sociologie se redécoupent. Il s'agit de contribuer au projet d'une anthropologie démocratique «visant à relier pensée sociale et pensée politique, à retrouver l'unité des questions posées par la philosophie politique, mais en les travaillant dans la chair du social, en évitant à la fois la position d'autorité moraliste et le relativisme des points de vue» (Ehrenberg, 1995 :25). À nouveau, la posture du travail sociologique est en jeu. Et le sens de son combat. La première sociologie répondait à une nécessité d'un nouveau mode de connaissance et de rationalisation du social, et a constitué à la fois un instrument du pouvoir et un outil d'émancipation. De la même manière, les ressources d'historicité que le travail sociologique dégage aujourd'hui peuvent contribuer à la fois à l'emprise des dominations sociales (l'assujettissement) et à l'autonomie des sujets. Ce choix n'est ja4 C'est-à-dire bénéficiaire du minimex. 112 Recherches Sociologiques, 1996/3 - Jeunes sociologues mais totalement maîtrisé, et il n'est pas seulement personnel ou politique, mais il s'élabore nécessairement dans des dynamiques collectives et des médiations institutionnelles. Faisant sa propre sociologie, on peut s'interroger sur le type d'identité sociale que produit l'institution universitaire, (et au travers de quels dispositifs: cooptation, critères d'endurance et d'excellence académique, thèse doctorale), la manière dont elle est vécue, appropriée, rejetée, instrumentalisée, éventuellement subvertie à l'intérieur, et marginalement en dehors de ses murs épais par de "jeunes sociologues" qui tentent de demeurer sujets. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BAJOITG., FRANSSEN A., 1995 Les jeunes dans la compétition culturelle, Paris, PUF. 1992 Pour une sociologie relationnelle, Paris, PUF. BAJOITG., BELLD., 1979 Les contradictions culturelles du capitalisme, Paris, PUF.(l976). CASTELLS M., 1995 "Les flux, les réseaux, les identités. Où sont les sujets dans une société informationnelle ?" in DUBET F., WIEWORKA M., Dir., Penser le sujet, Colloque de Cerisy, Paris, Fayard. DE MUNCKJ., 1994 DUBETF., Du souci de soi contemporain. Déformalisation, modèle régulatoire et subjectivité, Louvain-la-Neuve, UeL, Centre de philosophie du Droit. 1991 Les lycéens, Paris, Seuil 1994 Sociologie de l'expérience, Paris, Seuil. EHRENBERG A., 1995 L'individu incertain, Paris, Calmann-Lévy. FERRY J.-M., 1987 Habermas. L'éthique de la communication, Paris, PUF. FLORENCE J., 1990 "Le sujet de la psychanalyse", La Revue Nouvelle, déc., pp. 75-82. FOUCAULT M., 1966 Les mots et les choses, Paris, Gallimard. 1972 Histoire de la Folie à l'âge classique, Paris, Gall imard. FRANCQB., 1990 Les deux morts de la Wallonie sidérurgique, Thèse, Louvain-la-Neuve, Ciaco. FRANK M., 1988 L'ultime raison du sujet, Paris, Actes Sud. FRANSSEN A., SALINAS A., à par. Les rejetons du jaguar, Culture jeune et culture scolaire des lycées chiliens, Santiago du Chili, CIDE. GAUCHETM., 1985 Le désenchantement du monde: Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard. GAULEJAC V. (DE), 1987 La névrose de classe. Trajectoire sociale et conflits d'identité, Paris, Hommes et Groupes éditeurs. GIDDENS A., 1994 Les conséquences de la modernité, Paris, L'Harmattan. A. Franssen GUATTARIF., 1987-8 "De la production 4, pp. 27-44. HOUELLEBECQ M., de la subjectivité", 113 Chimères, revue des schizoanalyses, 1994 Extension du domaine de la lutte, Roman, Paris, Maurice Nadeau. 1994 Les psychothérapies LACROSSE J.-M., LASCH c., Neuve, veL. et l'anthropologie de la subjectivité, Louvain-la- 1980 Le culte de Narcisse, Paris, Laffont. 1993 L'approche biographique, Paris, EPI, Coll. Hommes et Perspectives. LEGRANOM., LIPOVETSKY G., 1983 L'ère du vide: Essai sur l'individualisme contemporain, Paris, Gallimard. LYOTARD J.-F., 1979 La condition post-moderne, Paris, Minuit. MARTUCELLI D., 1995 "Subjectivité et expérience amoureuse", in DUBETF., WIEWORKA M., Dir., Penser le sujet, Colloque de Cerisy, Paris, Fayard, pp.158-172. MOLITOR M., 1990 "L'herméneutique collective: une méthode d'interprétation de textes", in REMY J., RUQuOY D., Méthodes d'analyse de contenu en sociologie, Bruxelles, Facultés Universitaires Saint-Louis, pp. 19-36. MOSCOVICI S. 1989 "L'individu et ses représentations", "L'individualisme le grand retour", Le Magazine Littéraire, pp. 29-31. NISBET A., 1984 La tradition sociologique, Paris, PUF. PÉQUlGNOT B., 1990 Pour une critique de la raison anthropologique, Paris, L'Harmattan. TAYLOR c., , 1994 Le malaise de la modernité, Paris, Cerf, Coll. Humanités. TOURAINE A., 1984 Le retour de l'acteur, Paris, Fayard. 1992 Critique de la modernté, Paris, Fayard. 1995 "La formation du sujet", in DUBETF., WIEWORKA M., Dir., Penser le sujet, Colloque de Cerisy, Paris, Fayard, pp.22-45. VAN HAECHT A., 1990 L'école à l'épreuve de la sociologie, Bruxelles, De Boeck. WATIERP., 1995 "La modification des formes sociales et la constitution de l'individualité dans la sociologie de G. Simmel", in REMY J., DiL, Georg Simmel : Ville et Modernité, Paris, L'Harmattan, pp. 93-120. WEIL R., DURAND J.-P., 1987 Sociologie contemporaine, Paris, Vigot. 0.0. Soclologlcal Research Online Visit our website today: http://www.socresonltne.org.uk/ Edited by Liz Stanley socresonline University of Manchester ANew Electronic Journal Sociological Research Online is a new international journal which promotes rapid communication among sociologists and is available free of charge on the internet. The first issue was published in Marchl996. The journal publishes fully refereed and high quality applied sociology, focusing on theoretical, empirical and methodological discussions which engage with current political, cultural and intellectual topics and debates. Call for Papers Sociological Research Online welcomes papers across the entire range of sociological concerns and interests. If you would like to be kept informed about Sociological Research Online or are interested in submitting a manuscript • visit our website <http://www.socresonline.org.ukjsocresonline> • contact Stuart Peters, Department of Sociology, University of Surrey, Guildford GU2 5XH, <[email protected]> Sociological Research Online is supported by the Joint Information Systems Committee's Electronic Libraries Programme. It is managed by a consortium of the Universities of Surrey and Stirling, the British Sociological Association and SAGE Publications.