MANAGER RH Gérard TAPONAT Philippine ARNAL-ROUX Dialogue social Former et développer les compétences des acteurs Préface de Hubert LANDIER Guide pratique pour DRH, cadres syndicaux, managers, dirigeants de PME Dialogue social Former et développer les compétences des acteurs BAT_DIASOC_001-136.indd 1 21/03/16 12:58 Cette collection, tournée vers le Management des Ressources Humaines, s’adresse à celles et à ceux qui travaillent, se forment ou souhaitent continuer leurs formations dans ce domaine. Composée d’ouvrages pratiques dont les auteurs sont « sur le terrain » des RH – que ce soit dans leur activité professionnelle quotidienne en entreprise ou au niveau de leurs centres d’intérêt et d’action dans un environnement académique et de recherche – cette collection se veut avant tout pragmatique et en phase avec les interrogations des managers RH d’aujourd’hui. David ALIS, Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS, Françoise CHEVALIER, Bruno FABI, Jean-Marie PERETTI GRH. Une approche internationale Claude Blanche ALLÈGRE et Anne Elisabeth ANDRÉASSIAN Gestion des ressources humaines. Valeur de l’immatériel Jean-Marie DUJARDIN Compétences durables et transférables. Clés pour l’employabilité Bénédicte GENDRON Mindful management @ capital émotionnel Mary Jo HATCH, Ann L. CUNLIFFE Théorie des organisations. De l’intérêt de perspectives multiples Francis KAROLEWICZ Écomanagement. Un management durable pour des entreprises vivantes Guy KONINCKX et Gilles TENEAU Résilience organisationnelle. Rebondir face aux turbulences Ilios KOTSOU Intelligence émotionnelle et management. Comprendre et utiliser la force des émotions Évelyne LÉONARD Ressources humaines. Gérer les personnes et l’ordre social dans l’entreprise Christine MARSAN Réussir le changement. Comment sortir des blocages individuels et collectifs Charles MARTIN-KRUMM, Cyril TARQUINIO, Marie-Josée SHAAR Psychologie positive en environnement professionnel Bernard MERCK et Pierre-Eric SUTTER Gestion des compétences, la grande illusion. Pour un new-deal « compétences » André MULLENDERS e-DRH. Outil de gestion innovant François PICHAULT Gestion du changement. Vers un management polyphonique Gérard TAPONAT, Philippine ARNAL-ROUX Dialogue social. Former et développer les compétences des acteurs Laurent TASKIN, Anne DIETRICH Management humain Dave ULRICH, Wayne BROCKBANK RH : Création de valeur pour l’entreprise Michel VIAL, Armand MAMY-RAHAGA, Annie TELLINI Accompagnateur en RH. Les quatre dimensions de l’accompagnement professionnel Philippe VERNAZOBRES La valeur ajoutée du coaching. Pour un développement managérial et organisationnel BAT_DIASOC_001-136.indd 2 21/03/16 12:58 Gérard TAPONAT Philippine ARNAL-ROUX Dialogue social Former et développer les compétences des acteurs Préface de Hubert LANDIER Guide pratique pour DRH, cadres syndicaux, managers dirigeants de PME BAT_DIASOC_001-136.indd 3 21/03/16 12:58 Photos de couverture : © .shock / Fotolia © synto / Fotolia © tecnofotocr / Fotolia Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com © De Boeck Supérieur s.a., 2016 Rue du Bosquet, 7 – 1348 Louvain-la-Neuve 1re édition Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : avril 2016 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2016/13647/010 BAT_DIASOC_001-136.indd 4 ISSN 2030-3661 ISBN 978-2-8073-0226-6 21/03/16 12:58 La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout, d’unir des hommes : il n’est qu’un luxe véritable, et c’est celui des relations humaines. Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes. Gallimard BAT_DIASOC_001-136.indd 5 21/03/16 12:58 BAT_DIASOC_001-136.indd 6 21/03/16 12:58 Sommaire Préface 9 CHAPITRE 1 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? 17 CHAPITRE 2 Le contexte culturel et la connaissance des acteurs, terreau du dialogue social à venir 35 CHAPITRE 3 Le rôle essentiel de la DRH dans la valorisation et la reconnaissance des compétences sociales 57 CHAPITRE 4 Enjeux et risques du fatalisme social en matière de formation 71 CHAPITRE 5 Approches et méthodes pratiques 83 Conclusion Annexes Table des matières 121 123 131 7 BAT_DIASOC_001-136.indd 7 21/03/16 12:58 BAT_DIASOC_001-136.indd 8 21/03/16 12:58 Préface Les relations sociales sont engagées aujourd’hui en France dans de profonds changements. Les entreprises, ou tout au moins les DRH des grandes entreprises, se sont en effet convaincus de ce que la qualité du dialogue social constitue un facteur de la performance globale et durable. Cela passe par la recherche de solutions concrètes au travers de négociations qui, de plus en plus, se situent au niveau de l’entreprise, et non plus seulement au niveau professionnel ou national interprofessionnel. D’où les réflexions en cours sur l’opportunité d’une limitation du domaine de la loi et d’un renversement de la hiérarchie des normes. C’est au niveau de l’entreprise en effet que se discutent les solutions, parfois très innovantes, qui permettront dans un contexte économique qui n’est plus celui d’une croissance forte, de progresser à la fois sur le plan économique et social. Encore faut-il que les managers aient compris la nature de cette opportunité et que les représentants du personnel y soient disposés, ce qui n’est pas toujours le cas. Encore faut-il également que les syndicats soient en mesure de négocier d’une façon efficace, ce qui suppose qu’ils en aient tout à la fois la compétence et la légitimité aux yeux de leurs mandants. Or, ceci, de même, est loin d’être toujours le cas. Ainsi assiste-t-on à un affaiblissement du syndicalisme au moment même où son rôle est reconnu par les employeurs comme utile et légitime. Autrement dit, il faut qu’ils y soient préparés. Cela, Gérard Taponat le sait. Nul, mieux que lui, ne peut parler de la formation des représentants du personnel. En tant que DRH de grandes entreprises, il s’est employé, depuis des années, à promouvoir des accords d’entreprise innovants. En tant que professeur associé à l’Université de Paris-Dauphine, il dirige par ailleurs un programme de mastère encore unique en son genre : une moitié de participants venus de services RH, l’autre moitié constituée de représentants du personnel ; les uns et les autres travaillant ensemble sur des sujets d’intérêt mutuel ; un apprentissage en commun de l’art de la négociation. Une démarche qui s’inscrit dans le cadre d’un renouvellement en profondeur des fonctions de représentation du personnel. Pour de nombreux militants se recommandant de différentes organisations, l’action syndicale s’inscrivait dans le cadre d’un antagonisme irréductible entre les objectifs économiques de la direction et la promotion de la justice sociale qui forme la raison d’être du syndicalisme. Pour nombre d’employeurs, de leur côté, les relations sociales 9 BAT_DIASOC_001-136.indd 9 21/03/16 12:58 représentaient une contrainte extérieure à la recherche de l’efficacité managériale. Or, la problématique des uns comme des autres est en train de changer en profondeur. La qualité des relations sociales s’inscrit désormais dans le cadre d’une recherche conjointe, à travers le débat, la confrontation et la négociation, de la performance globale de l’entreprise, dans l’intérêt de ses différentes parties prenantes, investisseurs d’une part, collaborateurs de l’autre. Dès lors, les uns et les autres doivent apprendre à travailler ensemble, ce qui n’exclut pas les différences d’appréciation. Or, ceci nécessite un apprentissage. La plupart des managers connaissent très mal la raison d’être, le rôle, les droits et les devoirs des représentants du personnel, ainsi que l’optique qui les anime. Ils vivent largement sur des clichés et des préjugés qui constituent autant de rémanences du passé. Et les représentants du personnel, de leur côté, sont à peu près aussi ignorants des préoccupations qui animent leurs interlocuteurs et des contraintes qui s’imposent aujourd’hui à eux. Il s’agit donc tout simplement de mieux se comprendre, d’en finir avec les procès d’intention et de se concentrer sur les enjeux qui s’imposent aux uns et aux autres, de rechercher les solutions acceptables de part et d’autre et de créer ainsi une dynamique de progrès. Une telle démarche conduit à une revalorisation des fonctions de représentation. La qualité du dialogue social est largement fondée sur la qualité des acteurs. Il importe, au moment où le problème de la relève syndicale se fait sentir avec acuité, que les jeunes puissent s’engager dans des mandats de représentation comme étant des fonctions intéressantes, valorisantes, utiles sinon indispensables, dans l’exercice desquelles ils apprendront et d’où ils pourront, le jour venu, sortir en ayant capitalisé des compétences en vue de poursuivre leur itinéraire professionnel dans les meilleures conditions. C’est à cette révolution copernicienne du dialogue social et des fonctions de représentation que s’emploie Gérard Taponat. La démarche qui l’anime est celle d’un pionnier. Elle se veut réaliste tout en étant fondée sur de solides convictions humanistes ; il s’agit pour lui de concilier efficacité et recherche de l’équité. Dans un monde en plein changement, en quête de repères qui ne peuvent être ceux qui semblaient voici peu encore aller de soi, il pose ainsi les bases d’une entreprise qui serait à la fois performante et humaine, performante parce qu’humaine. Hubert Landier Professeur associé, Institut de gestion sociale (Paris) Professeur émérite, Académie du travail et des relations sociales (Moscou) 10 Dialogue social BAT_DIASOC_001-136.indd 10 21/03/16 12:58 Notre problématique Un tel ouvrage est une gageure. En effet, dans notre débat national, permanent, sur le dialogue social « à la française », sous les feux des projecteurs simplificateurs et médiatiques, il faut effectivement oser traiter dans un ouvrage de la formation et des compétences des acteurs de ce fameux « dialogue social ». Pourquoi ? Parce que, dans notre société en général et dans les relations sociales en particulier, l’idée persiste que s’intéresser aux autres peut faire apparaître une faiblesse ; que partager son savoir, c’est donner à l’autre les armes qui se retourneront tôt ou tard contre nous. Or, deux vertus fondamentales sont malades aujourd’hui dans nos entreprises : la confiance et la reconnaissance que chacun porte à l’autre. Nous aurions tort de ne pas considérer qu’il y a là l’un des éléments de réponse aux critiques en tous genres et en tous camps, des rapports sociaux et professionnels dans notre pays. Chacun en effet, en France, qu’il soit média ou parti politique, a un avis sur le dialogue social, dès qu’une actualité se fait jour, comme celle d’un conflit chez Air France, Radio France ou chez les agriculteurs. Ainsi, le dialogue social que l’on espère – ou que l’on mérite ! – rencontre inévitablement la question des compétences de ceux qui en ont la charge. Qu’on les croise à l’aune des enjeux sociétaux-économiques des entreprises contemporaines ; qu’on les compare à différentes situations étrangères ; ou qu’on dresse un bilan des domaines concernés par ce dialogue social : il y a bien urgence et nécessité de se pencher sérieusement sur la formation des acteurs du dialogue social, au-delà de ce qui apparaît encore bien souvent comme du bricolage en ce domaine. Il existe une intelligence sociale ; je l’ai rencontrée ! Cette intelligence sociale, j’en ai fait l’expérience à l’occasion de rencontres singulières avec tel DRH ou tel leader syndical, sans pour autant constater d’emblée que c’était là ce qui servait de lieu commun et de référence à leurs fonctions respectives. Or, la dimension sociale a pu être parfois considérée soit comme un domaine complètement indépendant de la dimension économique jusqu’à en justifier des idéologies, soit comme un appendice des questions économiques, une simple résultante en somme. Et pourtant, ces questions sociales sont en premier lieu éminemment politiques, quand on observe l’impact de toute forme de mouvement social sur les événements politiques dans le monde. L’oubli ou l’écart d’avec la dimension sociale se rappelle tôt ou tard aux dirigeants et aux gouvernants de toutes les cultures, et souvent malheureusement dans la violence. Il suffit de noter 11 BAT_DIASOC_001-136.indd 11 21/03/16 12:58 ce que le printemps tunisien doit au social ; ce que l’évolution du droit au Bangladesh doit à l’effondrement du Rana Plazza en 2013. Plus près de nous, les « soulèvements » chez Continental, puis chez Air France, se sont déclenchés faute d’avoir été compris et traités en amont. Le « social » est un « grand maître », qui surgit brutalement, suite à un incident qui fait exploser une accumulation. Il correspond en effet assez rarement aux projets d’un grand soir politique. Alors que les données économiques sont régulièrement assénées pour justifier d’une situation, le social, lui, va se déclencher avec un élément de débordement, sans que les données initiales n’aient été sensiblement modifiées. Ceci s’explique par le fait que l’observation des signaux faibles est plus préventive que celle des grands indicateurs. L’hyper-économisme, cette vision souvent trop comptable ou financière de certains projets professionnels, a pu laisser penser que le social n’était qu’une variable d’ajustement, un passage obligé et temporaire, une histoire du passé rangée dans des acquis. Mais, encore une fois, les événements politiques internationaux nous rappellent, tous les jours, à cette attention portée à l’intelligence du social ; donc de ce fait, à la qualité de ses protagonistes. Pourquoi cet ouvrage ? Rédiger ce livre est une manière d’exprimer et de partager nos réflexions fondamentales sur la formation sociale. C’est permettre également de tirer les leçons d’une expérimentation vécue durant des années et dans différents milieux d’entreprise. Cet ouvrage souhaite ainsi promouvoir plusieurs postures dans le travail sur les compétences relationnelles et sociales, et sortir ainsi de l’accessoire dans lequel sont rangées ces questions. Nous allons évoquer des modalités très pratiques, telles que le sujet les réclame. Mais avant d’en arriver aux dispositions proposées, la réflexion sur le sens et l’architecture, sur la politique ou la stratégie en matière sociale s’impose. D’abord une réflexion sur la motivation pour aborder ce sujet ; pour entreprendre en mode social et y trouver le plaisir d’agir en ce sens. Ensuite, la capacité d’apprécier et de jauger les situations afin de ne pas les subir, pour demeurer cohérent dans l’action. Enfin, nous observerons l’attitude d’entreprises dans le domaine du social, qui ont développé une créativité pour assurer le développement, personnel et solidaire, de tous leurs acteurs en interne. Nous vivons dans un monde qui est trop souvent dans notre rétroviseur Nous ne sommes plus à l’heure d’une simple reconversion, mais bien à celle d’une transition, d’une métamorphose et des mobilités professionnelles. Travaillons-y ensemble ! Le jour où l’hypermarché remplace ses caissières par des bornes, ou bien lorsque la base logistique remplace ses employés par des portiques de chargement Il est déjà là, sans que nous l’ayons anticipé. Que dire aussi de cette ubérisation du monde qui se met en place sous nos yeux ? Allons-nous attendre le lancement de la voiture autonome et un mouvement social qui réunira la contestation des chauffeurs de taxis et chauffeurs Uber, pour réagir ? Ou bien devons-nous d’ores et déjà préparer ces mutations si prévisibles ? Que faire alors de tous ces salariés ? Comment les accompagner vers un changement de mode de vie et de travail ? C’est le rôle de l’action sociale, de la négociation sociale. Cela correspond bien à une responsabilité politique. Ces sujets sont polémiques et l’intelligence sociale y est au cœur, autant des tensions que des modes de résolutions. D’où l’intérêt de la définir avant d’aller plus loin. Faut-il considérer le dialogue de compétences qui seraient innées, ou les compétences pour un dialogue ? 12 Dialogue social BAT_DIASOC_001-136.indd 12 21/03/16 12:58 Si l’intelligence tout court repose sur certaines dispositions individuelles ou collectives, l’intelligence sociale s’éprouve plutôt qu’elle ne se décrète ou qu’elle ne s’apprend. Le tout évidemment dans un certain mode de relation qui en serait porteur. Elle est cette faculté qui considère les rapports humains, donc sociaux, dans l’économie générale d’un projet. La capacité à expliquer que tel comportement individuel ou collectif, que telle mesure publique ou privée, que tel projet stratégique ou culturel est de nature à conduire à l’échec ou au succès, à la paix ou au conflit, à la cohésion ou à l’éclatement du corps social. Cette possibilité stratégique dans le domaine social est une intelligence que l’on acquiert par la confrontation à une expérience adossée à une réflexion : que l’on soit DRH ou cadre syndical. Si cette intelligence sociale repose certes sur des propensions personnelles, elle s’est forgée, façonnée sur le « terrain », au contact des réalités, des rapports sociaux et des projets. L’intelligence sociale repose sur la connaissance des hommes, sur cette profonde nature humaine, à égale distance des projets socio-économiques les plus révolutionnaires et des injonctions comportementales théoriques. Cette intelligence sociale se sert alors de tous les outils qui sont à sa disposition (relationnels, institutionnels, innovation sociale, expérimentation, etc.) pour transformer ce qui était impossible en un « possible ». L’intelligence sociale ne croit pas en la fatalité sociale et encore moins en la fatalité économique ; tant que la part d’intelligence est au cœur du dialogue social. L’absence fatale d’intelligence sociale Qu’est-ce qui fait que cette « intelligence sociale » est aujourd’hui en débat, voire en difficulté, ou encore totalement absente, selon les situations professionnelles ? Il y a tout d’abord la question de la confiance qui s’est abîmée depuis la première poignée de mains entre acteurs, jusqu’à des dispositions contemporaines avec leur sophistication, toujours soumise à des intérêts en tous genres. Tout cela dans un rapport au temps social qui s’est accéléré d’un coup, sous les effets d’une ouverture économique mondiale et des technologies de gestion et de communication. Nos anciens repères de rapports stables et bipolaires volent en éclats : notre système des relations sociales a été établi dans un monde qui est aujourd’hui multipolaire et totalement instable. La chute du mur de Berlin, en 1989, n’a pas seulement mis fin à la séparation de deux mondes politiques et économiques : il a modifié la géographie de nos représentations sociales qui s’appuyaient sur une vision manichéenne et donc binaire des pouvoirs : les « bons libéraux » à l’Ouest, les « méchants communistes » à l’Est. Cette nouvelle situation du monde appelle à reconsidérer cette intelligence sociale, dans l’instabilité de cette période de mutation, ainsi que dans les dimensions multipolaires de notre actuelle condition professionnelle. La crise économique de 2008 est venue compléter la perte de repères en subordonnant les politiques à la seule dimension économique et financière. Aujourd’hui, plus que jamais, on considère encore plus les acteurs sociaux pour leur titre que pour ce qu’ils sont réellement, notamment dans leurs connaissances et tout ce qu’ils peuvent apporter au dialogue social. Dans le concert des changements, le regard porté sur autrui s’établit ainsi sur des éléments superficiels, sans suffisamment prendre en compte la pédagogie et la formation des responsables sociaux qu’il convient d’associer aux bouleversements du monde professionnel. Notre problématique BAT_DIASOC_001-136.indd 13 13 21/03/16 12:58 La formation à l’intelligence sociale aujourd’hui L’intelligence sociale conduit à réfléchir aux situations existantes, comme aux approches ou pistes en matière de formation de tous les acteurs du dialogue social. La réflexion sur la formation sociale comme l’un des éléments d’une architecture – d’une stratégie – sociale participe de cette intelligence sociale des situations. Qu’elle soit historique, empirique ou réfléchie, il convient de s’y pencher avec attention pour ne pas passer à côté d’un élément fondamental de la culture des relations sociales en entreprise. Pour tenter une approche pertinente de cette question, il est nécessaire de comprendre son mode d’organisation pratique, qu’il soit induit ou explicite, volontaire ou non ; de saisir la visée politique ou structurelle de ce projet de formation. Selon les entreprises, on peut résumer les différentes approches de politique de formation des acteurs du dialogue social en trois types de classification. 1. Passage obligé et motivation individuelle. La première approche est celle de la gestion ordinaire, où l’on considère que l’animation des relations sociales est un passage obligé ; un mal nécessaire ou une contrainte légale ; un fait politique et culturel qui concerne au premier chef ses acteurs. On est ainsi « délégué » parce qu’il en faut, ou bien simplement parce que cette réalité fait partie des devoirs de la fonction, comme le concurrent fait partir du paysage commercial. Cette première posture, sûrement la plus répandue dans le monde professionnel actuel, correspond souvent à un modus vivendi, jusqu’à ce qu’une crise majeure touche l’entreprise. Alors seulement on loue ou bien on critique les partenaires sociaux, ou la DRH, sur la maîtrise de leurs responsabilités respectives. Autant dire que toute initiative de formation dans ce cadre-là repose uniquement sur la motivation individuelle, et dont la concrétisation, l’accompagnement et encore plus la reconnaissance sont soumis à la bonne volonté des responsables en place. Cette approche évolue en même temps que les dispositions législatives et jurisprudentielles relatives aux parcours et à la formation, essentiellement et en premier lieu celle des représentants du personnel. Cette première approche a pour inconvénient de ne reposer que sur les acteurs en place et leur bonne volonté. C’est une démarche aléatoire qui varie d’un établissement ou d’une entreprise à l’autre et dans laquelle l’habitude des positions ne permet pas toujours de considérer à leur juste mesure tous les nouveaux enjeux qui se présentent. C’est une situation qui repose sur des générations sociales qui ne sont pas non plus éternelles dans l’entreprise. 2. Professionnaliser. La seconde approche considère que les fonctions du dialogue social, sont un métier en tant que tel, presque un monde à part. La professionnalisation devient alors la seule voie concevable pour ses protagonistes. On met en place des directions de relations sociales ou des responsables de ressources humaines spécialisés dans ce domaine. On facilite le développement de permanents institutionnels ou syndicaux, dont l’activité « sociale » devient unique. Cette école favorise les « spécialistes », les « experts » capables de traiter les situations socio-économiques des entreprises. La formation y est celle d’un entraînement juridique et technique de chacune des parties en présence, dans le but de peser sur les débats ou la négociation. L’histoire et la mémoire collective assurent en toile de fond le socle de la formation permanente. C’est une approche qui repose 14 Dialogue social BAT_DIASOC_001-136.indd 14 21/03/16 12:58 généralement sur une organisation « huilée » des rapports sociaux, où les acteurs se connaissent bien entre eux. Une démarche où chaque partie est dans le jeu de la stratégie politique. C’est une situation très structurée au plan culturel, qui rencontre des difficultés dans les situations de fusions, d’absorptions. La faiblesse de ce fonctionnement reste le décalage potentiel entre les acteurs et le terrain, qu’il soit économique ou social. Parfois, s’y ajoute la difficulté de manœuvrer et d’innover avec des « professionnels » des relations sociales. On retrouve ce schéma dans nombre de grands groupes qui ont ainsi structuré le social, mais également formé des militants spécialistes et des directions des ressources humaines (DRH) très hiérarchisées. La formation est dévolue à chaque organisation, dans une reconnaissance tacite des parcours, RH et syndicaux. Pour les uns, on observe un parcours vers la présidence des instances et des négociations, avec des nominations successives aux délégations de mandats qui les accompagnent. Pour les autres, on note la prise successive de mandats et de responsabilités de l’établissement local jusqu’aux structures syndicales ou sociales nationales et même européennes. La progression, dans cette approche des relations sociales, repose sur la maîtrise des dossiers et le succès stratégique. D’un côté, la mesure est dans la régulation sociale des événements individuels et collectifs, ou dans le respect des calendriers. De l’autre, la mesure est dans le niveau d’adhésion et dans les résultats électoraux. Cette approche, liée à une forte histoire sociale, est difficile à tenir dans un contexte fortement concurrentiel et interculturel : les rapports sociétaux ou d’expertise économique notamment mettent en effet en évidence son coût en termes de budget et d’effectifs. 3. Parvenir à l’équilibre entre métier et mandat. La troisième approche est celle de l’équilibre et de la répartition entre la vie sociale, syndicale, et la vie professionnelle. Si cette approche peut apparaître comme idéale dans l’esprit public, elle ne peut cependant se concrétiser que dans une politique sociale bien définie et par une volonté des parties prenantes et dans l’élaboration de règles du jeu conventionnelles. Cependant, l’équilibre entre fonction professionnelle et fonction représentative, voulu ou souhaité, est difficile à mettre en place et à maintenir. Nous verrons plus loin la manière d’y parvenir. Dans cette école, les initiatives sur les référentiels de compétences, avec leurs passerelles entre les deux « vies », participent d’une démarche de cohésion, tout comme la reconnaissance des acquis de l’expérience des fonctions sociales et syndicales en vue d’une évolution professionnelle. La DRH s’appuie ainsi sur sa propre animation des outils de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), mais fait également appel à des structures extérieures pour assurer les fonctions de validation, de certification ou de diplomation. Cette troisième approche, que l’on qualifie d’équilibrée, reste cependant la plus minoritairement pratiquée dans nos entreprises françaises. Dans ces trois approches, il convient d’établir une distinction de nature importante entre les cadres et les dirigeants, les responsables des ressources humaines et les représentants du personnel. C’est plus particulièrement en ce qui concerne la formation, que chacun peut recevoir en fonction de sa position dans l’entreprise et dans son animation particulière du dialogue social. Tous les acteurs sont certes liés et reliés entre eux, Notre problématique BAT_DIASOC_001-136.indd 15 15 21/03/16 12:58 de par leurs institutions et leurs missions respectives, mais l’équilibre ou la complémentarité repose nécessairement sur la qualité et la nature de leurs formations respectives. J’ai ainsi observé, dans maintes situations, que la montée en compétences des représentants du personnel entraîne ipso facto celle des acteurs RH et managériaux. La seule réponse d’une gestion limitée « au fil de l’eau », à la réplique juridique, à la riposte coup pour coup, ne tient pas dans la durée. Démonstration d’intelligence sociale Il y a quelques années de cela, alors que j’avais pour mission aux Affaires sociales de fermer différents sites industriels, je recevais, au cours de rencontres bilatérales, les leaders syndicaux de l’entreprise. Dans l’une de ces délégations, le délégué syndical central me fit certes part de ses demandes classiques dans un plan social, mais m’expliqua également comment notre analyse de compétitivité – qui avait été à l’origine de la décision de fermeture – n’avait pas pris le bon prisme. Quelque temps plus tard, pour deux des sites qui avaient été cédés, j’ai noté que le repreneur avait en quelques mois seulement retrouvé la rentabilité avec les mêmes équipes, les mêmes instances sociales, mais dans l’approche qui m’avait été expliquée par le « vieux » syndicaliste. 16 Dialogue social BAT_DIASOC_001-136.indd 16 21/03/16 12:58 Chapitre 1 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? La justice sociale est un principe d’action. Sa mise en œuvre dépend donc d’une juste représentation des faits et ne peut se réduire à l’application d’un système de règles prédéfinies. L’une des particularités du Droit Social, ainsi que l’avaient bien vu les premiers juristes à le prendre au sérieux avant-guerre, est d’être un lieu de découverte, autant que d’application de la règle. C’est de la confrontation et de la conciliation des intérêts que peut naître une définition, toujours provisoire et révocable, d’une juste répartition des droits et des devoirs de chacun. Alain Supiot, L’esprit de Philadelphie. Seuil Le grand territoire où disparaît le courage demeure bel et bien le monde du travail, si bien que ce dernier devient le lieu d’une évaluation politique de la démocratie. La capitulation au sein du monde du travail signe en effet la capitulation politique et sociétale plus globale (…). Cynthia Fleury, La fin du courage. Fayard Sommaire 1. La pratique de l’action sociale à l’aune des compétences 19 2. La reconnaissance à l’heure des talents 22 3. Parcours ou carrière ? Pour un accompagnement neutre, individuel et de co-développement des représentants des salariés 23 4. Relations sociales en pays non syndical. Outils de valorisation pour les PME 25 5. Former les managers, premiers délégués de fait du dialogue social 26 17 BAT_DIASOC_001-136.indd 17 21/03/16 12:58 Au lancement du master négociations et relations sociales au sein de l’Université Paris-Dauphine en 2008, qui réunissait pour la première fois en France, à parité d’effectif, des cadres RH et des cadres syndicaux, j’ai été très surpris de certaines réactions virulentes qui m’ont été directement manifestées à cette occasion. La première vague de reproches m’est venue de DRH eux-mêmes, qui me reprochaient vivement de fournir dans cette formation universitaire des « armes à nos adversaires », de dévoiler nos « techniques de relations sociales », rendant plus difficiles à l’avenir les « stratégies sociales ». La seconde vague de critiques est venue de certaines organisations syndicales, m’indiquant qu’il revenait à elles seules le soin de former leurs cadres, et dans des modalités propres à chacune d’entre elles. Ces échanges sur la formation des acteurs reviennent fréquemment dans les débats associatifs RH, comme dans les congrès syndicaux. On y découvre derrière les positions des uns et des autres un vrai problème de fond sur cette question qui, en fait, révèle la question politique du dialogue social en France. Dans l’introduction de cet ouvrage, il a été question de dresser un état des lieux des approches de formation sociale. Notre situation hexagonale résulte d’une histoire sociale qui s’est arrêtée à l’époque d’un monde bipolaire et franco-français. Les différents bilans que l’on peut dresser sur la qualité du dialogue social mettent régulièrement en exergue cette formation, à la fois faible et inadaptée des acteurs en présence. C’est telle ou telle crise ou bien tel rapport ou telle analyse qui viennent régulièrement jouer le rôle d’aiguillon sur ces questions. Le monde industriel a servi de creuset et de référence en la matière, à l’instar de la structuration sociale initiée par l’UIMM ou les accords « initiatiques » de groupes industriels tels que Renault ou PSA. Nous sommes cependant dans une période charnière où cette référence industrielle – tout en restant importante aujourd’hui – a désormais perdu de son influence devant la prédominance du monde des technologies et des services. En complément du substrat économique, la demande et l’aspiration à toute forme de formation professionnelle évoluent également au gré de l’évolution sociologique, de la mise à disposition de technologies de communication et d’outils d’autoformation. L’introduction de notre problématique met également en évidence le parallélisme des formations actuelles, sans concevoir que cela puisse donner lieu à une homogénéisation des sujets et des repères, afin que les différents protagonistes se retrouvent au bon moment, avec les bons interlocuteurs et au bon niveau de discussion des enjeux. À cet égard, le recours au droit social – et notamment aux experts – est devenu la forme la plus usitée de résolution de ces questions. Outre la question de l’arbitrage par des acteurs externes à la négociation, cette démarche ne développe nullement la confiance nécessaire à la résolution négociée des problématiques des entreprises françaises. On peut même dire que le recours à un tiers correspond à une forme d’échec du dialogue social. Sur le sujet très précis de la formation des acteurs du dialogue social, on se retrouve souvent devant une situation quelque peu schizophrénique : 1. Les dirigeants de société ou de branche professionnelle veulent des acteurs de qualité pour traiter les sujets stratégiques en discussion dans les entreprises, mais dans les faits, ils se refusent à leur montée en compétences, de crainte qu’ils ne supplantent les professionnels attitrés de ces questions. Il m’est ainsi arrivé de mettre en place une formation économique des membres d’un comité d’entreprise afin qu’ils soient à même d’apprécier le projet stratégique de l’entreprise 18 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? BAT_DIASOC_001-136.indd 18 21/03/16 12:58 Pour recevoir ensuite les reproches de la direction au sujet des questions trop sophistiquées à son goût qui avaient marqué les débats. 2. La plupart des grandes entreprises développe des moyens (heures, financements, dispositions, etc.) pour faciliter le dialogue social en interne, mais il suffit d’un bilan rapide pour constater parfois un gaspillage dans des processus stériles ou décalés. La création, par les services de l’État, d’instances régionales de formations sociales n’a pas apporté non plus de résultats probants. Les publics sont toujours les mêmes – déjà très engagés syndicalement – et ces formations concentrent leurs démarches sur les droits et les moyens. Beaucoup moins sur les devoirs et l’intérêt général. 3. Pratiquement toutes les entreprises misent sur le développement sociétal (RSE), tout en éprouvant une difficulté à reconnaître les démarches qualifiantes et diplômantes en interne dans les mêmes entreprises. La mise en place de la VAE en 2002 et la faible proportion de personnes (29 000 en moyenne par an depuis 2006) qui y ont recours chaque année montrent l’échec de ce dispositif. Bref, ce sujet, qui à l’évidence participe de la qualité du dialogue social, souffre également d’une absence de prise en compte dans la politique et la stratégie du social de l’entreprise. 1. La pratique de l’action sociale à l’aune des compétences En 2004, dans le but d’élargir son activité dans les contenants autant que dans les contenus, un groupe de nouvelles technologies a procédé à l’élaboration d’un glossaire des termes et éléments qui lui étaient spécifiques, en comptabilité et en droit des sociétés, à l’intention des membres français du comité de groupe européen. Ce préliminaire était essentiel, d’une part pour amorcer un dialogue avec les délégations des autres pays de l’Union européenne concernées, d’autre part, et tout simplement, pour la cordialité et la richesse des échanges. En effet, l’absence de maîtrise de données et de concepts conduit sur le terrain à de la tension, voire à de la violence. Car nommer et définir les choses, c’est leur donner « vie ». Il m’est apparu également nécessaire, dans deux contextes d’entreprise où j’ai travaillé, de procéder à une immersion professionnelle des équipes RH avant d’entamer l’examen de consultation d’un nouveau projet d’organisation concernant certains services de la société. Dans ce cas aussi, la pratique comme l’expérience sont utiles, comme l’est également la maîtrise de certaines notions techniques. Représenter l’entreprise ou le corps social, c’est pouvoir en témoigner. La dimension mondiale et globale de la vie économique contemporaine s’impose dans notre « carte sociale », avec l’ouverture de toutes les barrières et frontières commerciales. Cependant, tous les acteurs raisonnables du dialogue social ont compris que l’acquisition de nouvelles compétences et de leurs évolutions constituait un passage obligé dans le dialogue social d’aujourd’hui. Ainsi, les questions financières et les évaluations en tous genres ont développé une forme de rationalité chiffrée qui n’est plus seulement un simple élément d’illustration ou d’argumentation, mais bel et bien une démarche intellectuelle à part entière. « Cette sélection des meilleures pratiques consiste à utiliser une pratique obtenant de meilleurs résultats que d’autres, comme étalon de La pratique de l’action sociale à l’aune des compétences BAT_DIASOC_001-136.indd 19 19 21/03/16 12:58 mesure (benchmark) de ces dernières […]. Il s’agit de référentiels de bonnes pratiques sur la base desquels sont certifiés des systèmes de management de la qualité […]. Leur extension au management de la ressource humaine est aujourd’hui en cours dans le cadre du projet de normes Iso 26 000 sur la “responsabilité sociétale” des entreprises » 1. Cette approche est devenue la norme dans la norme, que l’on soit d’accord avec ou pas. La prise en compte en direct – ou par le biais de la sollicitation d’experts externes – de ces éléments est au cœur des consultations et des négociations, participant ainsi à une approche « hors sol » des relations sociales. Comme il en est de même pour toutes les questions regroupées sous le vocable de « culturelles », qui correspondent désormais aux connaissances que l’on est en droit de disposer, notamment concernant l’histoire socio-économique des entreprises, lorsqu’il s’agit des fusions, OPA et autres restructurations. Dans tous ces domaines, les compétences sont actuellement majoritairement externes aux acteurs sociaux. Le « village mondial » signifie également que l’on est en mesure d’apprécier la situation dans chacun de ses « quartiers ». L’irruption des sciences humaines dans les situations psychosociales et de bien-être au travail a suscité des ouvertures dans le champ traditionnel des relations sociales. Ainsi l’action sociale a-t-elle agrandi son territoire initial, tout en approfondissant l’appropriation des problématiques. Un bon exemple de cette extension territoriale est l’essor des négociations thématiques d’entreprises, avec les obligations de négocier sur des sujets de société : égalité professionnelle homme-femme ; handicap ; seniors ; politique pour les jeunes, etc. Plus que jamais, l’action dans le domaine social réclame des compétences nouvelles et des aptitudes à les analyser et à les intégrer. Dans le champ particulier des compétences sociales, le changement est également venu des sujets que les DRH et les organisations syndicales avaient classiquement à traiter dans le cadre de leurs missions et qu’elles se sont finalement appropriées (la parité, la lutte contre les discriminations, la GPEC, etc.) dans le monde des relations sociales. Rappelons qu’il y a vingt ans, il était inimaginable d’aborder le sujet de la compétence des représentants du personnel ! Au final, on constate que l’introduction de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, si elle a au moins suscité l’utilisation de ses outils en monde syndical, elle s’est toutefois traduite par une approche plus adaptée des parcours, des bilans, des reconversions applicables aux représentants du personnel. Et cela, soit en intégrant cette question des mandatés dans le projet d’entreprise, soit en négociant une approche spécifique dans le cadre d’un accord ou de modalités du dialogue social. Enfin l’accessibilité directe, sans intermédiaire donc, à l’information et à la formation, via les outils de nouvelles technologies, a permis la relation individuelle avec les champs du possible dans ce domaine du développement. C’est notamment le cas de la relation avec l’université qui a longtemps été une institution « retranchée » pour ces populations de responsables sociaux. Elle est devenue aujourd’hui, avec internet, une relation décomplexée et usitée. Il convient de rappeler ici, même si cela n’est pas l’objet de cet ouvrage, que le dialogue social conçu en France a évolué fortement ces dernières années. Le dialogue social qui avait pour mission de réguler les relations a désormais pour mission de définir et de fonder des politiques évaluables et quantifiables. Ce cadre politique 1 20 Extrait de l’ouvrage fondamental d’Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015. Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? BAT_DIASOC_001-136.indd 20 21/03/16 12:58 n’est pas sans conséquence dans la qualité de la formation des acteurs du dialogue social. « L’essor de la loi négociée, qui est aujourd’hui la règle en matière sociale, est une manifestation beaucoup plus massive de cette délégation aux partenaires sociaux du soin de définir les dispositifs juridiques de mise en œuvre d’objectifs fixés par la puissance publique » 2. Quel que soit désormais le mode d’organisation ou de structuration de la formation sociale, celle-ci emprunte la voie des compétences pour apprécier la formation et l’expérience, le champ des responsabilités et leur harmonisation. Cette piste des compétences, que l’on abordera en détail dans le chapitre 5 de cet ouvrage, permet un étalonnage, une correspondance entre le monde professionnel en tant que tel et celui de l’exercice de fonctions électives ou représentatives. Le Référentiel de compétences en ce domaine commence à être élaboré et utilisé, pour permettre ainsi la plus juste évaluation possible de la situation, la prise en compte équitable des questions de formation et de responsabilités ou encore l’élaboration de parcours en adéquation avec les métiers de l’entreprise. Le mérite d’un travail sur les compétences par les différentes parties en présence conduit à rechercher les réponses aux questions fondamentales ainsi que les éléments nécessaires à la conduite du dialogue social et à sa régulation. Ceci renvoie à un questionnement croisé entre DRH et structures sociales. En effet, le seul fait d’appliquer les modes de pensée et d’appréciation propres aux métiers et fonctions dans l’entreprise, aux missions et mandats des représentants du personnel, renvoie à une approche neutre, technique et objective, loin des enjeux de pouvoirs, de reconnaissances et de revendications. Pour l’ensemble des directions et des partenaires sociaux, ce travail est aujourd’hui capital, en raison de l’évolution même de la mesure de la compétence, de la performance dans l’entreprise. En quelques années, on est passé d’un système négocié, solide et fondateur de la grille des classifications, à celui pas toujours négocié, liquide et évolutif des compétences. La tendance actuelle qui consiste à traiter des talents dans un état gazeux (voir le schéma ci-après) et souvent le caractère éphémère d’un projet nous incite à formaliser les choses en ce qui concerne les relations sociales. 2 Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015, p. 224. La pratique de l’action sociale à l’aune des compétences BAT_DIASOC_001-136.indd 21 21 21/03/16 12:58 Savoir Être Métiers / Fonctions Niveaux Grille de classification et les qualifications Jusqu’aux années 80 Projet A Projet B Savoir Faire Référentiel de compétences Jusqu’aux années 2010 Talents Tendance contemporaine Gérard TAPONAT © L’évolution dans la mesure de la compétence : de l’état solide à l’état gazeux en passant par le liquide 2. La reconnaissance à l’heure des talents La reconnaissance est inscrite au cœur du management contemporain des entreprises. Elle est au cœur de nombre d’actions des directions des ressources humaines. À la fois par mimétisme avec le corps social, qui est lui-même touché par les approches par talents, mais également au regard de l’individualisation de la motivation et des engagements sociaux. Les approches par talents dans les entreprises ont introduit un sentiment éphémère : le talent pouvant être reconnu à l’occasion d’une « revue des talents », ou bien à l’issue d’un projet. Puis il pouvait disparaître à l’occasion d’une nouvelle revue ou, ponctuellement, ne pas être au rendez-vous d’un autre projet. Les réorganisations des entreprises sont venues compléter cet état d’incertitude des repères et ce type de reconnaissance s’est finalement inscrit au cœur des relations sociales et paritaires. Nous distinguons plusieurs formes de demande de « reconnaissance » de la part des acteurs du dialogue social. En premier lieu, celle de la demande des nouvelles générations RH et syndicales pour une reconnaissance diplômante de leurs missions ou de leurs engagements. Ce qui était considéré auparavant comme une activité, une fonction ou un engagement, autosuffisant en soi, fait désormais l’objet d’une demande individuelle de validation des compétences, transférable de surcroît. En second lieu, une nouvelle forme de professionnalisation des engagements syndicaux participe à cette expression d’une « reconnaissance professionnelle », notamment en raison de l’importance des sujets traités, des dimensions prises par les expertises, les consultations et les négociations. En dernier lieu, les organisations syndicales se retrouvent dans la nécessité de développer des parcours pour leurs militants, pour procéder avec intelligence au renouvellement générationnel de leurs cadres, mais aussi pour élaborer un cadre de développement. Côté RH et dirigeants d’entreprise, cette reconnaissance passe notamment par le fait de nommer un responsable au sein de la DRH en charge spécifique des questions des relations sociales, ou de choisir dans des entreprises de taille moyenne, des professionnels 22 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? BAT_DIASOC_001-136.indd 22 21/03/16 12:58 RH ayant eu une précédente expérience et un talent pour les relations sociales. Cette reconnaissance des compétences liées à une mission se retrouve dans l’inscription aux formations spécialisées dans ce domaine et précisée dans les curriculum vitae des candidats aux évolutions de postes. Côté syndical, cette aspiration à la reconnaissance se retrouve dans la demande grandissante d’inscriptions à des formations certifiantes ou diplômantes des compétences acquises dans l’exercice de ces responsabilités institutionnelles ou syndicales. En complément de cette réflexion sur la reconnaissance sociale, syndicale, il convient de noter qu’outre les aspirations qui viennent d’être exprimées, la reconnaissance s’adresse aujourd’hui à de multiples expériences et situations professionnelles, qui se situent encore en deçà des talents déployés dans le cadre du dialogue social. Ainsi l’affichage aujourd’hui omniprésent des compétences émotionnelles, relationnelles, des engagements associatifs ou du caractère créatif de certaines personnalités sont autant d’éléments qui plaident pour la prise en compte de ces aspirations qui, si elles sont légitimes en tant que telles, doivent cependant correspondre à celles de l’entreprise concernée. 3. Parcours ou carrière ? Pour un accompagnement neutre, individuel et de co-développement des représentants des salariés La formation sociale, dont il est question dans cet ouvrage, est abordée dans une approche contemporaine, mais elle ne peut faire fi des nombreuses initiatives qui ont jalonné la vie syndicale en France depuis plus d’un siècle en matière de formation. Sans refaire ici l’histoire du syndicalisme comme « école de vie », il convient cependant de retrouver quelques balises. Ainsi des débuts du syndicalisme à la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1950, c’est sous le vocable d’éducation ouvrière que cette question a été abordée par les principales organisations syndicales. Dans cette éducation ouvrière, on y trouvait tous les supports qui permettaient de se former, de se développer et de progresser. Puis est venu le temps de la formation syndicale dans les années 1970 à 1980 avec, à cette époque, l’élaboration d’une identité syndicale autonome qui a marqué les rapports sociaux jusqu’à récemment. Cette approche a pu développer une culture propre à chaque organisation, qui aidait à identifier les militants de telle ou telle organisation syndicale, dans leur manière d’être et d’agir. La crise identitaire et philosophique du mouvement syndical s’est retrouvée dans les années 1980-2000, durant lesquelles la formation a pu préparer le monde syndical à un tournant. La décennie 2000-2010 a vu apparaître la formation au service de la promotion sociale des militants, par des progressions de postes à la fois à l’intérieur du syndicat et dans le monde professionnel. Alors, quel est l’avenir de cette formation sociale et syndicale, dans ce monde professionnel en profonde transformation ? C’est la place à l’accompagnement apolitique, individuel et de co-développement de l’engagement syndical qui va émerger. C’est d’ailleurs dans cette dynamique que cet ouvrage est réalisé. Puisque la reconnaissance professionnelle fait partie intégrante de la reconnaissance sociale dans la cité, alors toute action sociale et syndicale tend également vers une forme de reconnaissance. Le propos n’est pas tant de savoir si le fait d’avoir un mandat électif Parcours ou carrière ? BAT_DIASOC_001-136.indd 23 23 21/03/16 12:58 Év o mé lutio tie n rs Dé v Re elop cla pe sse me me nt nt An cie nn eté Pr co ogre rps ssi so on cia l ou désignatif correspondrait à un métier, mais d’entériner que celui-ci joue un rôle clef d’utilité sociale dans l’entreprise. Cette tendance de fond, qu’il s’agisse de la reconnaissance dans le milieu professionnel de toute forme d’expérience civile ou associative dans les pays de culture anglo-saxonne, ou bien de l’approche de validation des acquis de l’expérience (VAE) en contexte français, l’expérience sociale et syndicale s’inscrit paradoxalement dans ces schémas. Les parcours ont peu à peu remplacé les « carrières », car les contrats, les mandats, les structures sont aujourd’hui limités dans le temps et parce que la durée déterminée et la non-transférabilité des compétences d’un milieu professionnel à un autre incite fortement à la capitalisation des expériences et des responsabilités. Le caractère éphémère des organisations, la temporalité des plus hautes responsabilités dans les entreprises conduisent les titulaires de mandats sociaux à enregistrer ces périodes et ces responsabilités exercées. Ces dernières sont d’ailleurs de plus en plus acceptées dans une durée précise et non plus de manière indéterminée, comme cela fut le cas dans l’histoire sociale. La motivation de « changer le monde » (au moins professionnel), la conquête sociale et la défense des intérêts et des acquis sociaux ne sont plus les seuls rendez-vous de l’engagement social et syndical. La motivation, ou plutôt les motivations répondent plus à des aspirations ou des positions, désormais individuelles, en France comme ailleurs. La reconnaissance du « groupe syndical » n’est plus le corollaire suffisant de l’engagement, mais s’efface au profit d’une reconnaissance individuelle par le corps social, quand ce n’est pas celui de la nation ! Les engagements sociaux et syndicaux des générations à venir s’inscrivent ou se fondent à part entière dans des parcours professionnels, qui comprennent désormais une double dimension : la capitalisation et la transférabilité de leurs compétences. PARCOURS PROFESSIONNEL ET SOCIAL (SYNDICAL) Mandat Mandat Rupture Mandat À chaque mandat se joue la progression professionnelle, tant du côté de l’employeur sur l’équité de traitement, que pour le Représentant sur le développement personnel de son rôle. Gérard TAPONAT © Le parcours professionnel et social 24 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? BAT_DIASOC_001-136.indd 24 21/03/16 12:58 4. Relations sociales en pays non syndical. Outils de valorisation pour les PME Il n’est pas besoin d’être DRH, ou bien de disposer d’organisations syndicales représentatives au plan national pour que, dans l’entreprise, l’on puisse commencer à travailler sur la place, le rôle, la reconnaissance de ceux et celles qui acceptent de devenir les « délégués » ou les « élus » des autres. S’il est d’usage dans les médias de procéder régulièrement à des études et des comparaisons entre le système français des relations sociales et ceux de certains de nos voisins européens, ces articles laissent cependant inconsciemment de côté la pensée sociale – le pacte social –, qui nous a conduits là où nous sommes aujourd’hui. Comparaison n’est nullement raison, surtout quand celle-ci oublie tout à la fois l’histoire socio-économique et le contexte culturel dans lequel nous sommes en France. En effet, à la différence de nombre de pays auxquels on le compare assez souvent, le système français des relations sociales fait bénéficier l’ensemble d’un corps social des fruits d’un accord, sans pour autant exiger d’eux en retour une quelconque adhésion aux organisations syndicales signataires de l’accord en question. L’oubli de cette dimension réduit dans l’opinion publique le rôle d’utilité sociale des titulaires des mandats sociaux. Il est d’ailleurs paradoxal de constater une baisse drastique de l’adhésion syndicale effective, alors que certaines manifestations disposent d’une audience au-delà de cette adhésion formelle. Il en est de même dans le recours aux délégués syndicaux pour des situations individuelles – y compris de cadres supérieurs – dans des contentieux individuels ou lors de restructurations collectives. On assiste à ce que l’on peut qualifier d’une utilité sociale par défaut ou par réaction. La place de la représentation sociale, indépendamment de toute appartenance syndicale, a également toute sa place dans notre pays. Il suffit pour s’en convaincre de noter, dans les moyennes entreprises, le nombre de comités d’établissement ou de comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail dont les membres sont sans étiquette syndicale. Toute cette approche qualitative des parcours de représentation sociale peut être mise en place, à partir du moment où un consensus existe dans les entreprises en question. En dehors de la négociation spécifique d’accords sur la question – ou d’intégration de ces problématiques dans des accords d’entreprise plus généraux, il est possible de mettre en place toutes les dispositions nécessaires au développement des compétences des représentants du personnel. Modalités Caractéristiques Plan de formation d’entreprise Modules spécifiques liés à des mandats. Convention de formation Établissement de formation pour adultes ; école ; université pour une formation technique, certifiante ou diplômante. Spécification des outils Validation du compte personnel de formation ou CPF ; périodes de professionnalisation, etc. Stages, séminaires Formations ponctuelles ou de parcours structuré. Relations sociales en pays non syndical. Outils de valorisation pour les PME BAT_DIASOC_001-136.indd 25 25 21/03/16 12:58 Dans ces domaines, de nombreuses initiatives existent en mode public ou privé, comme appui ou formation au dialogue social. Cependant, ce qui n’existe pas dans tel ou tel contexte, ou dans telle ou telle région, peut aisément être construit pour répondre aux besoins d’une situation d’entreprise comme dans la mutualisation entre petites ou moyennes entreprises sur un bassin d’emplois. Ces initiatives ou créations peuvent être adossées à la formation permanente pour adultes, aux établissements universitaires ou consulaires. Les formes de validation et de certification sont aisément possibles auprès de différentes structures, selon leur propre mission et envergure. Les structures d’enseignement d’État sont cependant seules à permettre la délivrance de diplômes. 5. Former les managers, premiers délégués de fait du dialogue social Dans les différents postes que j’ai occupés en relations sociales, les représentants du personnel m’indiquaient que leur exaspération était à son comble lorsqu’ils rencontraient des managers – parfois leurs propres responsables hiérarchiques – qui confondaient les mandats, missions et instances en les réunissant sous le seul vocable de classification de « délégués ». Ce simple constat, qui se traduisait souvent par une réaction de raidissement syndical devant ce qui était considéré comme un manque, non seulement de connaissance, mais surtout de reconnaissance, est représentatif d’une situation insatisfaisante en matière de formation aux relations sociales de l’encadrement. Dans cette approche, le dialogue social ne peut se résumer en un partage de spécialistes que seraient la DRH d’un côté, les partenaires sociaux de l’autre. Ce serait en effet une grave erreur de structuration des échanges que de ne pas associer l’encadrement à l’animation de nos relations sociales. La formation permanente et de « terrain » des DRH passe nécessairement par le relais managérial, élément constitutif et distributif de ces relations sociales. C’est ainsi que l’on peut considérer quatre différents types de formations du management au dialogue social : 1. Formation initiale, culturelle, sur les rapports sociaux dans l’entreprise. 2. Formation structurelle au rôle d’intermédiation du management dans le système des relations sociales en France. 3. Formation de base aux éléments de relations sociales, de politique RH et de la place du management dans le dialogue social. 4. Formation en situation de relations sociales. 1. Formation initiale, culturelle, sur les rapports sociaux dans l’entreprise Avant de former l’encadrement aux questions de formation des représentants du personnel qui sont au sein de leurs équipes, il convient de travailler en premier lieu sur les éléments de base qui constituent la culture sociale des managers dans leur rôle d’intermédiaire. Au chapitre des éléments nécessaires à la fonction de représentation managériale en mode social, retenons les éléments suivants : – Connaître les bases du droit du travail (les bases, pas le Code !) – Savoir recruter les bons collaborateurs 26 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? BAT_DIASOC_001-136.indd 26 21/03/16 12:58 – – – – – – – – Apprécier la performance de ses collaborateurs Développer les compétences de ses collaborateurs Prendre en compte les projets professionnels des collaborateurs Valoriser la performance, les compétences et le potentiel Mobiliser l’ensemble des générations de leurs équipes Faire de la veille sociale et gérer les relations sociales localement Prendre en compte l’action des partenaires sociaux Se situer dans le système de relations sociales dans l’entreprise Au-delà des éléments de base de toute formation managériale dans la connaissance de notre « système » de relations sociales, il faut développer le rôle et la participation de l’encadrement à son animation. 2. Formation structurelle au rôle d’intermédiation du management dans le système des relations sociales en France Derrière ce profil de compétence managériale idéal, retenons que l’encadrement joue un rôle dans la médiation sociale des rapports sociaux, au même titre que les instances sociales représentatives dans l’entreprise. La formation qui les concerne, dans ce cadre, ne peut pas se limiter à des connaissances ou à des méthodes techniques, mais à toute une dimension relationnelle. Des outils sont nécessaires certes, mais également une approche de ces questions auxquelles ils doivent être préparés. Comme l’indique le schéma ci-dessous, le rôle intermédiaire de l’encadrement participe directement au dialogue social. Dans le sens descendant, il est amené à traduire ce qui est reçu, à transmettre dans le langage et les conditions de réception, à choisir le moment et les conditions adaptés. Dans son rôle ascendant, ce même encadrement a pour mission d’enregistrer les communications, d’y répondre de manière adaptée, de les faire remonter en se consacrant à l’essentiel. Si tout cela paraît évident en théorie, il faut constater – comme je le fais régulièrement dans les milieux professionnels où j’interviens – que la venue des nouvelles technologies de communication conduit trop souvent à une communication directe entre le sommet et la base, durant laquelle l’encadrement intermédiaire n’est qu’un destinataire parmi les autres. En revanche, c’est lui qui reçoit les demandes d’explications de cette communication directe. Cette situation renvoie encore une fois à la nécessité de former l’encadrement à l’accompagnement du changement social. Comme c’est le cas pour les représentants du personnel, l’encadrement doit aussi trouver les formes de reconnaissance de ces formations et de ces compétences qui sont très peu considérées dans le cadre de leurs missions habituelles. Former les managers, premiers délégués de fait du dialogue social BAT_DIASOC_001-136.indd 27 27 21/03/16 12:58 Table des matières Préface CHAPITRE 1 Pourquoi la France a-t-elle un problème avec les compétences de ses acteurs du dialogue social ? 1. La pratique de l’action sociale à l’aune des compétences 2. La reconnaissance à l’heure des talents 3. Parcours ou carrière ? Pour un accompagnement neutre, individuel et de co-développement des représentants des salariés 4. Relations sociales en pays non syndical. Outils de valorisation pour les PME 5. Former les managers, premiers délégués de fait du dialogue social CHAPITRE 2 Le contexte culturel et la connaissance des acteurs, terreau du dialogue social à venir 1. L’influence de la culture d’entreprise sur la formation et le management 1.1 Analyser et évaluer le système des relations sociales propre à son entreprise 2. L’émergence d’un nouveau militantisme 2.1 Le parcours syndical ou institutionnel n’est plus unilatéral et linéaire 3. Pourquoi développer la formation des DRH et du management ? 3.1 Le cas des PME-TPE sur la formation BAT_DIASOC_001-136.indd 131 9 17 19 22 23 25 26 35 36 38 43 45 46 47 21/03/16 12:58 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 Renforcer la formation sociale des représentants du personnel Dirigeant, cadre ou DRH face à la question de la formation Motivations professionnelles et syndicales Démocratie sociale Représentation 4. Fiche pratique pour représentant syndical ou RRH CHAPITRE 3 Le rôle essentiel de la DRH dans la valorisation et la reconnaissance des compétences sociales 1. 2. 3. 4. Politique RH et politique de gestion des compétences des RP La gestion équitable et équidistante des fonctions représentatives La gestion de la part sociale des salariés engagés La mise en place d’un plan de formation spécifique aux représentants du personnel 5. La reconnaissance par le diplôme de la compétence sociale dans la gestion des parcours 6. L’approche des compétences transversales acquises par l’élu par rapport à celles de l’entreprise 7. Les conditions d’une démarche de valorisation et de reconnaissance CHAPITRE 4 Enjeux et risques du fatalisme social en matière de formation 1. Réflexions sur le laisser-aller social pour un lâcher économique et politique 2. Risques de déconnexion, d’isolement et de radicalité des acteurs 3. Représentativité réelle ou supposée 4. L’avenir des accords d’entreprise : enjeux stratégiques et conventionnels 5. L’accompagnement de la structuration sociale dans les PME 6. La formation RH aux relations sociales 7. Qu’attendre des réformes et des lois, notamment sur la formation professionnelle ? 132 48 51 53 54 54 54 57 59 61 65 66 67 68 69 71 73 76 79 79 80 80 81 Dialogue social BAT_DIASOC_001-136.indd 132 21/03/16 12:58 CHAPITRE 5 Approches et méthodes pratiques 83 1. La formation des acteurs en charge de l’animation des relations sociales d’entreprise 2. Sous l’angle de la gestion prévisionnelle négociée des emplois et des compétences (GPNEC) 2.1 Le début de mandat 2.2 L’entretien professionnel annuel ou d’évaluation 2.3 L’entretien intermédiaire de parcours professionnel 2.4 L’entretien de fin de mandat 2.5 Méthode d’appréciation des compétences 2.6 La question de la mobilité professionnelle du représentant du personnel 2.7 Revue de personnel 3. Dans le cadre des accords de dialogue social 3.1 Créer des formations internes à l’entreprise : la solution adaptée 3.2 Repositionnement de la formation économique et sociale 3.3 La validation des acquis de l’expérience sociale nécessite un référentiel 4. Le référentiel de compétences 5. Une démarche innovante et frontale : l’exemple du master négociations et relations sociales 6. La formation des acteurs du dialogue social dans le cadre des lois sur la réforme de la formation professionnelle et sur le dialogue social 6.1 Les conséquences de la réforme de la formation professionnelle sur le dialogue social 6.2 Les conséquences de la loi Rebsamen sur le dialogue social et ses acteurs 6.3 La découverte des IRP par les TPE 87 89 91 92 92 92 95 96 96 98 98 99 100 101 105 112 113 115 116 Conclusion 121 Annexes 123 Table des matières BAT_DIASOC_001-136.indd 133 133 21/03/16 12:58 BAT_DIASOC_001-136.indd 134 21/03/16 12:58 Les clés d’un dialogue social de qualité Dialogue social Voici un ouvrage d’initiative et d’audace, qui ose aborder pour la première fois ce sujet délicat de la qualité du dialogue social, des compétences en présence et de la méthode utilisée. Véritable guide pratique des acteurs de la négociation sociale en entreprise, il pose les questions telles qu’elles se vivent sur le terrain professionnel, s’appuie sur des cas réels et des travaux de recherche en cours. Répondant à un vide en termes d’ouvrages universitaires ou pédagogiques sur la question, il propose des pistes et des outils de travail afin d’améliorer le dialogue social. Pour plus de 300 000 élus du personnel en France, environ 13 000 DRH et des dizaines de milliers de managers, la négociation sociale est quasi-quotidienne. Or, à l’heure où on ne parle que d’égalité professionnelle, de savoir accessible à tous et de responsabilité sociétale, on assiste encore à des réunions de négociation consistant à s’affronter plutôt qu’à trouver des solutions ensemble. La formation et toute forme de reconnaissance des compétences représentatives ou syndicales sont soit rapidement évacuées, soit minimisées par les responsables en ayant la charge. L’actualité politique les a cependant rattrapés avec la loi sur la démocratie sociale, puis la réforme de la formation professionnelle, faisant notamment émerger le problème sous-jacent de la reconversion des élus. Cet ouvrage s’adresse à toute la communauté du dialogue social dans le sens où chacun peut y trouver sa « recette », des outils pratiques et des réponses à ses questions. Gérard Taponat Directeur du master négociations et relations sociales de l’université Paris-Dauphine, Gérard Taponat enseigne également les ressources humaines au sein des masters, MBA et Executive MBA de Paris-­ Dauphine et de l’UQAM Montréal. Auparavant DRH chez IBM, SFR Cegetel, Disneyland Paris, Kraft Foods et Manpower, il est aujourd’hui intervenant dans des séminaires, formations et universités sur les questions de stratégie sociale, de santé au travail et de GPEC et conduit plusieurs projets d’innovation et d’ingénierie sociale. Philippine Arnal-Roux Journaliste économique, auparavant rédactrice en chef de publications d’ordre économique, social et de culture générale, Philippine Arnal-Roux s’est spécialisée à partir de 2011 dans les sujets relatifs aux représentants des salariés, en lançant un magazine qui leur était consacré. Convaincue que l’une des clefs d’un dialogue social de qualité est la formation de ses acteurs – élus du personnel et managers – elle a créé, en 2015, Trouver-une-formation-CE.com, un site dédié à la formation des mandatés dans l’entreprise. http://noto.deboecksuperieur.com : la version numérique de votre ouvrage • 24h/24, 7 jours/7 • Offline ou online, enregistrement synchronisé • Sur PC et tablette • Personnalisation et partage • Ressources complémentaires disponibles pour les enseignants DIASOC ISBN 978-2-8073-0226-6 ISSN 2030-3661 www.deboecksuperieur.com