roland, la vérité du vainqueur

publicité
ROLAND, LA VÉRITÉ DU
VAINQUEUR
THÉÂTRE DE LA PIRE ESPÈCE
TEXTE ET MISE EN SCÈNE OLIVIER DUCAS
2014/15
PHOTO © YANICK MACDONALD
EN TOURNÉE EN LOIRE-ATLANTIQUE
02 51 88 25 25 / LeGrandT.fr
ROLAND,
LA VÉRITÉ DU
VAINQUEUR
LE GRAND T - LA CHAPELLE
MARS
LU0220:30
MA0320:00
ME0420:00
JE0520:00
VE0620:30
POUR LES ÉCOLES DE LOIRE-ATLANTIQUE
LE GRAND LIEU - LA CHEVROLIÈRE
MARS
MA1710:00 & 14:30
LE PRÉAMBULE - LIGNÉ
MARS
MA2410:30 & 14:30
THÉÂTRE DE VERRE - CHÂTEAUBRIANT
MARS
JE2610:30 & 14:30
VE2710:00
ATHANOR - GUÉRANDE
MARS
LU3010:00 & 14:30
DURÉE : 55 min
SOMMAIRE
PUBLIC : à partir de 9 ans
Présentation
3
La pièce
4
Note d’intention
5
La Chanson de Roland
6
Olivier Ducas, auteur, metteur en scène,
acteur
9
Le Théâtre de la Pire Espèce
CONTACTS PÔLE PUBLIC ET MÉDIATION
Manon Albert
[email protected]
02 28 24 28 08
Florence Danveau
[email protected]
02 28 24 28 16
10
Regard sur Le Théâtre de la Pire Espèce 12
13
Histoire du genre Le théâtre d’objets
15
La presse en parle...
19
Caroline Urvoy
[email protected]
02 28 24 28 17
© PHILIPPE BERTHEAU
L’équipe du projet
LE GRAND T
84, rue du Général Buat
BP 30 111
44 001 NANTES CEDEX 1
2
PRÉSENTATION
Roland, la vérité du vainqueur
Texte et mis en scène Olivier Ducas
Théâtre de le Pire Espèce
Avec Daniel Desparois en alternance avec Alexandre Leroux-Gendron et Étienne Blanchette
Assistance à la mise en scène Claudia Couture
Scénographie Julie Vallée- Léger et Déline Pétrone
Régie son Amélie-Claude Riopel
Conception sonore Benoît Durand-Jodoin
Régie lumière Julie Brosseau-Doré
Conception lumière Thomas Godefroid
Direction de production et régie lumières Clémence Doray
Production Théâtre de la Pire Espèce Avec le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, du
Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts de Montréal.
3
YANICK MACDONALD
LA PIÈCE
ROLAND : UN DUO DUEL DE CONTEURS
Sur la scène, un conteur vient livrer au public l’histoire de son
héros d’enfance, Roland. Un vrai chevalier. « Pas le genre de
chevalier qui tue des dragons et qui sauve des princesses,
non, le genre qui fait son travail : la guerre ».
Et pas un héros de légende, un vrai héros, historique !
Heureusement, son ami reste en dehors de tout ça. Le duo
de conteurs se transforme alors en duel, chacun défendant
sa lecture de La Chanson de Roland, chacun cherchant à
imposer sa vérité au public.
Avec une bonne dose d’humour, mais sans complaisance,
le spectacle questionne notre perception ethnocentriste du
monde et notre foi aveugle en « l’Histoire officielle », celle
des gagnants.
Avec son ami « engagé pour jouer les personnages
secondaires », il relate les meilleurs épisodes de La Chanson
de Roland, en proclamant leur véracité puisque « c’est écrit
dans le livre ».
Dans la pièce, Roland et les douze pairs de France sont
des petites marionnettes d’ombre en papier, manipulées à
vue par les deux acteurs. Mais peu à peu, captivé par son
histoire, notre conteur se substitue à sa figurine de chevalier,
il se transforme en Roland, lui donne corps. Il entre dans
l’histoire, il passe derrière l’écran, devient une ombre parmi
les ombres et perd définitivement toute distance critique. Il
s’est pris au jeu, pris au piège.
4
NOTE D’INTENTION
UN THÈME DOULOUREUSEMENT ACTUEL
DE L’OBJET À L’OMBRE
À sa création (au Canada, un pays en guerre en Afghanistan,
faut-il le rappeler), le spectacle a suscité bien des débats
chez les élèves qui y ont assisté.
Le théâtre de la Pire Espèce est reconnu pour ses spectacles
de théâtre d’objets (Ubu sur la table, Persée). Mais la
compagnie aime se plonger dans de nouvelles pratiques en
amont de ses créations : le clown de théâtre (La Vie est
un match, Traces de clounes), le cabaret, le théâtre de rue.
Avec Roland, l’usage du théâtre d’ombre s’est imposé dès
les premiers jets d’écriture du texte.
Qui sont les bons et les méchants dans cette histoire ?
Pourquoi avoir écrit cette histoire, il y a mille ans ? Pourquoi
nous fait-elle encore vibrer aujourd’hui ?
Comment ne pas croire aux images qui nous sont présentées
comme vraies ?
Nous, citoyens d’une société libre, sommes-nous
vraiment affranchis de la propagande lorsque les bulletins
d’informations s’entêtent à parler de MISSION en
Afghanistan pour décrire la guerre ?
Quand le président d’un pays allié en appelle à la « Croisade
contre les terroristes » ?
Quand les imagiers de chevaliers de nos enfants racontent
encore avec ferveur les « succès » des Croisés en Terre
Sainte ?
L’ombre possède un aspect mystérieux et immatériel
qui convient parfaitement au caractère fantastique et
légendaire de l’épopée. Elle peut dilater l’espace scénique,
et transformer un nain de papier en géant des ténèbres ! Elle
recrée physiquement les hyperboles des conteurs.
En outre, la nature même de l’ombre épouse le propos de la
pièce. Envahi, subjugué par la légende qu’il relate, perdu dans
l’image de son héros tout-puissant, le conteur est illusionné
par des mirages. Son ignorance de l’Histoire l’empêche de
percevoir davantage que les images en noir et blanc, vérités
partielles, bidimensionnelles de son épopée haineuse…
mais si bien écrite!
LE JEUNE PUBLIC CIBLE
J’ai longtemps travaillé auprès des jeunes de 10 à 14 ans.
Assez vieux pour exprimer leur révolte contre le monde,
« la société », mais encore trop jeunes pour proposer mieux.
Prêts à faire n’importe quoi pour être différents… comme
tout le monde. J’aime cet âge trouble, plein de maladresse
mais plein de promesses.
Le spectacle est adressé aux jeunes de 9 à 14 ans.
Assez vieux pour exprimer leur révolte contre le monde,
« la société », mais encore trop jeunes pour proposer mieux.
Prêts à faire n’importe quoi pour être différents… comme
tout le monde. Un âge trouble, plein de maladresses, et de
promesses..
Roland est dédié à ces vieux enfants (ou ces jeunes ados),
un objet théâtral spécialement conçu pour les dents de lait
de leur esprit critique naissant.
Théâtre de la Pire Espèce
LIENS INTERNET
Extrait du spectacle sur Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=Hcts_05JqBE
Entrevue sur la nouvelle création Ville, avec Olivier Ducas et Julie Vallé-Léger : http://www.youtube.com/watch?v=n1rukyy-8JM
5
© YANICK MACDONALD
LA CHANSON DE ROLAND
UN PEU D’HISTOIRE
LA COMPOSITION ET L’ÉCRITURE
La plus ancienne chanson de geste française, en 4002
décasyllabes assonancés.
L’équilibre de la composition atteint d’emblée une perfection surprenante, avec la trahison de Ganelon, la bataille et
la mort de Roland, puis, dans une seconde partie, l’affrontement de Charlemagne avec l’émir Baligant, et le châtiment
du traître : deux parties, donc, le martyre de Roland et la
vengeance, qui en soulignent l’ordonnance déjà classique.
On la date de la fin du XIe siècle, et nul texte de ce genre
ni de cette importance en langue vernaculaire ne lui est
antérieur. L’auteur est inconnu, mais on a voulu le voir dans
le Turoldus, qui signe le dernier vers du poème.
LE RÉCIT
De retour d’Espagne, l’armée de Charlemagne voit son
arrière-garde, confiée par l’empereur à son neveu Roland,
attaquée par des sarrasins très supérieurs en nombre, à
la suite d’une trahison de Ganelon. Malgré leur bravoure,
les preux (Roland, son ami Olivier, l’archevêque Turpin)
sont massacrés à Roncevaux. Prévenu trop tard parce que
Roland n’a voulu sonner du cor qu’à la dernière extrémité,
l’empereur venge ses pairs et fait mettre à mort le félon.
Le découpage en laisses, en tirades d’inégale longueur,
dont l’apparente improvisation renvoie à la technique orale
des jongleurs, introduit dans cette architecture toutes les
nuances de l’émotion. Nous n’avons pas affaire à un pur
récit, mais à une narration mêlée de stances lyriques. Et,
comme il convient au genre épique, dont le type d’énonciation est mixte, d’importants dialogues traduisent l’affrontement des personnages et des idées.
Le substrat rhétorique et philosophique est très solide.
Dans le détail même, l’emploi de formules stéréotypées
pour décrire les actions (notamment les batailles) et les
réactions (particulièrement la colère et la douleur), tout en
6
nous donnant l’image du style oral et comme l’écho de l’intonation du décasyllabe fortement articulé avec sa césure,
ses assonances et ses clausules, confère au langage une
gravité hiératique. L’écriture a su tirer parti des procédés de
la parole à des fins littéraires.
SIGNIFICATION
Elle ressort de cette composition même, plus particulièrement mise en valeur par le manuscrit découvert en 1832 à
la bibliothèque Bodléienne d’Oxford. De l’événement historique du 15 août 778, la défaite infligée par les Basques ou
les Gascons à l’armée de Charlemagne dans les parages
de Roncevaux, au mythe héroïque reconstruit autour de
Roland, la transformation est considérable. On peut interpréter l’affaire du point de vue de la propagande : une cuisante défaite ruinant les « châteaux en Espagne » de Charlemagne est ainsi masquée. Mais c’est faire de l’œuvre le
résultat d’un lent processus politique, peu vraisemblable.
En substituant à la défaite de Roncevaux la passion d’un
saint laïque, c’est vers la réflexion sur l’homme, son destin, son orgueil, son drame familial, son attachement au roi,
son dévouement à Dieu, que se tourne la lumière du texte.
Sous la gloire épique, ce n’est pas la vengeance politique,
mais la souffrance humaine qui fait sens.
(Source : dictionnaire Larousse en ligne)
LES QUATRE PARTIES DE LA CHANSON
La chanson peut être divisée en quatre parties :
1. La trahison de Ganelon : Ganelon, beau-frère de Charlemagne et beau-père de Roland, jaloux de la préférence de
Charlemagne envers son neveu auquel l’empereur a confié
l’arrière-garde de ses armées, trahit Roland. Il intrigue avec
le calife Marsile, roi des Sarrasins pour s’assurer de la mort
de Roland. Cette partie va des laisses 1 à 79 dans la chanson.
2. La bataille de Roncevaux : Roland et son compagnon le
chevalier Olivier meurent dans la bataille ainsi qu’un grand
nombre de Sarrasins et de Francs. Cette partie va des
laisses 80 à 176.
3. La vengeance de Charlemagne sur les Sarrasins : Roland avait sonné du cor pour alerter Charlemagne mais
quand ses armées arrivent pour secourir l’arrière-garde, le
comte est déjà mort. Charlemagne venge alors son neveu
en battant les Sarrasins avec l’aide de Dieu. Cette partie va
des laisses 177 à 266.
4. Le jugement de Ganelon : Après la bataille, Charlemagne fait juger Ganelon qui est condamné à mourir écartelé. Cette partie va des laisses 267 à 291.
7
PORTÉE HISTORIQUE
Taillefer, combattant aux côtés de Guillaume le Conquérant à Hastings aurait entonné la Chanson de Roland pour
galvaniser les troupes normandes. D’après de nombreux
historiens, tout au long du XIe siècle et du XIIe siècle, les
troupes françaises auraient régulièrement déclamé ce
chant carolingien avant de livrer bataille. On raconte aussi
que le roi Jean demanda un jour à ses soldats : « pourquoi
chanter Roland s’il n’y a plus de Roland ? » Ce à quoi un
homme répondit : « il y aurait encore des Roland s’il y avait
des Charlemagne. »
POSTÉRITÉ LITTÉRAIRE
La Chanson de Roland inspira très tôt plusieurs poèmes
en Europe. Elle fut traduite dès 1170 en haut-allemand
par le père Conrad (« Rolandslieds »). Le poète Matteo Maria Boiardo composa un Roland amoureux au XVe siècle ;
L’Arioste en fit une suite, sous le titre de Roland furieux («
Orlando furioso »), publié en 1516, qui à son tour inspira
divers opéras, dont celui de Jean-Baptiste Lully, Roland
(1685). Plus près de nous, Luigi Dallapiccola composa en
1946 une œuvre pour chant et piano, « Rencesvals » (Roncevaux), d’après trois fragments du texte original.
ADAPTATION AU CINÉMA
Le cinéaste français Frank Cassenti réalise en 1978
La Chanson de Roland, librement inspiré de l’épopée, dans
lequel des pèlerins et des comédiens récitent l’épopée
devant divers publics au cours de leur trajet de pèlerinage
vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
8
© YANICK MACDONALD
OLIVIER DUCAS, AUTEUR, METTEUR EN SCÈNE, ACTEUR
Olivier Ducas a étudié l’interprétation à l’École nationale
de théâtre du Canada. À la fin de ses études, il fonde avec
Francis Monty le Théâtre de La Pire Espèce, dont il assure
toujours la codirection artistique.
MISE EN SCÈNE ET INTERPRÉTATION
1998 Ubu sur la table (auteur en collectif, interprète)
2005 Persée (auteur et metteur en scène en collectif)
Auteur, acteur, metteur en scène et manipulateur au sein
de la compagnie, il est cocréateur des pièces du Théâtre
de la Pire Espèce dont Persée (2005) et Ubu sur la table
(1998), un spectacle dont la feuille de route compte plus
de sept cents représentations au Canada, en Europe au
Mexique et au Brésil. Il a aussi écrit et mis en scène en
2008 Roland (la vérité du vainqueur), un spectacle jeune
public pour deux acteurs-manipulateurs et théâtre d’ombre,
inspiré de La Chanson de Roland.
En 2001, il a participé en tant que manipulateur au Chauffeeau, la dernière production du maître marionnettiste Felix
Mirbt. En 2003, il signait son premier texte dramatique écrit
en solo, Le Passage, présenté au Festival du Jamais Lu, à
Montréal.
2009 Die Reise ou les visages variables de Felix Mirbt (auteur en collectif et interprète)
2014 (en création) Futur Intérieur (auteur et metteur en
scène en collectif)
TEXTES DRAMATIQUES
2008 Roland, la vérité du vainqueur (auteur, metteur en
scène)
2014 Villes, collection particulière (auteur, metteur en
scène, interprète)
En plus de ses activités créatrices, il est aussi formateur en
théâtre d’objets auprès des professionnels, d’enseignants
en théâtre et d’étudiants.
9
LE THÉÂTRE DE LA PIRE ESPÈCE
« Ils sont de la Pire espèce... des séducteurs malgré eux,
des manipulateurs d’émotions franches, des mixeurs de
cuisine qui vous éclaircissent le beurre des sentiments
avant de le monter en flocons d’étoile et de le brouiller
en omelette ronde comme la Lune. Ils sont exactement
comme on les a adorés à Verdun cet été pour une redite
d’Ubu sur la table. Irrésistibles à tout âge. Parce qu’ils ne
jouent pas un seul registre mais plusieurs la fois : tendent
la cuillère du fantastique aux nourrissons, le bricolage légo
aux jeunots, un attirail branché de caïds aux ados, et du 48e
degré de références sexuelles aux adultes, de toute façon
reconvertis l’instant d’un show en bambins s’esclaffant.
Sans doute qu’ils serviraient aux aïeuls une marchette qui
les ferait déambuler ivres de rire. »
Brigitte Manolo
DFDanse.com, novembre 2012
La Pire Espèce, c’est une confrérie de joyeux démiurges,
artisans de l’insolite et partisans de l’hybride. Inspiré par l’art
des bateleurs-bonimenteurs-montreurs de marionnettes,
son théâtre allie matériaux bruts et imagination débridée,
foisonnement baroque et précision chirurgicale. La
compagnie s’applique à explorer les conventions scéniques
et les lois de la narration dramatique, et cherche à établir
une relation complice avec le spectateur.
sur la table a reçu le prix RIDEAU-OFQJ en 2002, puis
le Prix de la critique au Festivalul International de Teatru
Atelier de Roumanie en 2007 ainsi que tout récemment,
en 2010, le Prix du meilleur spectacle à l’International
Puppet Theatre, Festival de Plovdiv en Bulgarie. En 2010
également, Gestes impies et rites sacrés a remporté
le Néo-Cochon (innovation théâtrale) et le Cochon de
chiffon (costumes) lors du Gala des Cochons d’or, soirée
récompensant les productions théâtrales de l’abonnement
Carte Premières.
La Pire espèce, c’est aussi une troupe engagée dans son
milieu, dirigée par un triumvirat hyperactif, à l’origine du plus
volumineux abonnement de théâtre de création au Canada
– Carte Premières – et membre fondatrice d’un nouveau
lieu de création et de diffusion, incubateur de compagnies
émergentes – Aux Écuries.
Depuis 1999, la Pire Espèce emprunte ses techniques à
différentes disciplines telles que la marionnette, le clown,
le cabaret, le théâtre d’objets et le théâtre de rue. Elle veut
développer, en explorant le processus de création, un art
vivant, novateur et accessible. Elle vise un rapport direct
avec le public, au profit d’une plus grande complicité avec
le spectateur.
La Pire Espèce, c’est treize créations originales, deux
spectacles de théâtre de rue, une vingtaine de résidences
de création et de laboratoires, deux spectacles en
chantier ; plus de 1300 représentations, la moitié à
l’étranger ; des tournées récurrentes en France, en
Belgique, en Espagne, au Mexique et au Brésil ; deux
traductions espagnoles et une adaptation audacieuse
pour sourds et entendants ; quatre coproductions, deux
au Québec, deux autres avec la France ; sept stages de
perfectionnement ouverts aux artistes du milieu.
La qualité de ses productions a été reconnue au travers
de plusieurs nominations et prix que la compagnie s’est
vu décerner au Québec et en Europe. L’équipe a été
sélectionnée par l’Association québécoise des critiques de
théâtre dans la catégorie du meilleur spectacle jeune public
pour Roland en 2008 et mise en nomination à la Soirée des
Masques pour la conception sonore de M. Ratichon dans...
La Vie est un match en 2006. Son désormais célèbre Ubu
10
HISTORIQUE DES CRÉATIONS
1998 Ubu sur la table d’Olivier Ducas et Francis Monty
d’après Ubu roi d’Alfred Jarry, création à La Brasserie
Laurier, Montréal
2012 Petit bonhomme en papier carbone de Francis
Monty, en coproduction avec le Festival Méli’Môme
(France) et le Festival Petits et Grands (France), création
au Festival Les Coups de Théâtre, Montréal
1999 Le Système Ribadier de Georges Feydeau, SaintJean-sur-Richelieu
Par les temps qui rouillent de Francis Monty, codiffusion
avec le Théâtre de la Manufacture, au Théâtre La Licorne,
Montréal
2001 Le Cabaret de la Pire Espèce, à la Place d’à côté,
Montréal
2003 Traces de cloune de Francis Monty, à la salle JeanClaude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui, Montréal
Ubu sobre la mesa, au Festival international de Titerias,
Guanajuato, Mexico
Ubu sourd la table / Ubu persiste et signe, coproduction
France-Québec, avec Marionnettissimo et C’est bon signe,
au Festival international des théâtres de marionnettes,
Charleville-Mézières, France
2005 Persée d’Olivier Ducas, Mathieu Gosselin et Francis
Monty, création à la salle Jean-Claude-Germain du
Théâtre d’Aujourd’hui, Montréal
Léon le nul de Francis Monty, coproduction avec le
Théâtre Bouches décousues et le Théâtre d’Aujourd’hui,
à la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui,
Montréal
M. Ratichon dans… La vie est un match de Marc Mauduit
et Francis Monty, à La Petite Licorne, Montréal
2008 Roland, la vérité du vainqueur d’Olivier Ducas
2009 Gestes impies et rites sacrés, cérémonie baroque
en plusieurs tableaux de Mathieu Gosselin, Marc Mauduit
et Francis Monty, création au Festival TransAmériques,
Montréal
2011 Die Reise ou les visages variables de Felix Mirbt
d’Olivier Ducas, Marcelle Hudon et Francis Monty, création
au Théâtre Aux Écuries, Montréal
11
REGARD SUR LE THÉÂTRE DE LA PIRE ESPÈCE (QUÉBEC)
Son nom fait sourire, ses spectacles aussi. Le Théâtre de la
Pire Espèce pratique sérieusement le théâtre sans jamais
avoir l’air de se prendre au sérieux depuis maintenant huit
ans. Formés à l’École nationale de Théâtre - le premier en
interprétation et le second en écriture - , Olivier Ducas et
Francis Monty ont d’abord uni leurs talents pour présenter
Ubu sur la table à la brasserie Laurier en 1998. Le
spectacle a, depuis, fait bien du chemin, au propre comme
au figuré : plus de 400 représentations, ici, mais aussi en
France et en Belgique ; une version en espagnol trimballée
au Mexique, en Espagne et au Brésil ; une adaptation
pour jeunes publics, de même qu’une variation intitulée
Ubu sourd la table (ou Ubu persiste et signe) à laquelle
s’intègre un comédien sourd qui traduit en langage signé
les dialogues et péripéties, tout en prenant une part active
au jeu.
Les spectacles qui ont suivi, en 1999, se sont un peu
éloignés de la facture de cette première création :
un Feydeau, d’abord, le Système Ribadier, puis une
coproduction avec la Belgique d’un texte de Francis Monty,
Par les temps qui rouillent1.
Mais peu à peu, la Pire Espèce s’est creusé une niche bien
particulière sur les scènes montréalaises : un théâtre où
sont explorés le masque, le jeu clownesque, le rapport plus
direct avec le public, et une apparente nonchalance dans
le jeu et le rendu, pourtant parfois orchestrés jusque dans
leurs menus détails. Cette minutie camouflée se révèle
nécessaire dans la pratique qui lui a valu la reconnaissance,
soit le théâtre d’objets.
une lecture publique plus claire2, les fondateurs de la
compagnie et ses fidèles collaborateurs ont développé
une véritable expertise en la matière. Prolongement de l’art
de la marionnette, le théâtre d’objets opère une distance
avec le réalisme tout en prêtant, de façon souvent loufoque
et ingénieuse, une sorte de personnalité aux choses du
quotidien les plus banales. Celles-ci gardent leur aspect
propre et restent associées à leurs fonctions habituelles
dans l’esprit du spectateur, mais elles prennent aussi valeur
de personnages très rapidement.
Conjuguer la finesse et la grossièreté, les formes
traditionnellement populaires et un esprit résolument
d’aujourd’hui, permet aux créateurs d’offrir des spectacles
qui allient franche rigolade et intelligence. La saison
dernière, étonnamment riche en productions pour une
compagnie aux moyens modestes vouée à la création, a
permis de jauger la cohérence et la qualité du travail qui
s’accomplit chez Monty et Ducas.
Marie-Andrée Brault
1. Voir l’article de Christian Saint-Pierre intitulé « Les
engrenages de l’existence », Jeu 93, 1999.4, p. 24-26.
2. Hervé Guay, « Le pouvoir des objets », Le Devoir, 26 novembre
2005.
Si Francis Monty raconte que le recours aux objets est
venu d’abord un peu par hasard, dans un souci de rendre
POUR ALLER PLUS LOIN
Dossier de presse du Théâtre de la pire espèce en pdf sur le site : http://www.pire-espece.com/dl/TPE_presse.pdf
Entrevue d’Olivier Ducas et de Francis Monty pour l’association Théâtre Education du Québec : http://www.pire-espece.com/dl/
TPE_entrevue_ateq.pdf (téléchargé dans le dossier artistique nommée « entretien avec Olivier Ducas »).
12
L’ÉQUIPE DU PROJET
© YANICK MACDONALD
GEOFFREY GAQUÈRE
© YANICK MACDONALD
DANIEL DESPAROIS
Interprétation
Interprétation
Daniel Desparois a terminé ses études en interprétation
théâtrale au Collège Lionel-Groulx en 2000. Il a incarné
plusieurs personnages dans des pièces telles que Les
Justes d’Albert Camus (Théâtre EVNO, 2004), Scaramouche (Théâtre Denise-Pelletier, 2006), L’Éveil du printemps (Fred Barry, 2004) et Le Tour du monde en 4 jours
(Fred Barry, 2006). De plus, il a travaillé trois ans sur la
production MUR-MUR et un an sur le spectacle MOI MOI
MOI lors des tournées internationales de la compagnie
Dynamo Théâtre. Ces tournées l’ont amené à faire divers
stages, dont un axé sur le jeu masqué avec le Théâtre du
Soleil en France. Il participe, depuis quelques années, à la
création d’un nouveau spectacle de Dynamo Théâtre. En
2005, Daniel s’est joint aux équipes de tournées d’Ubu sur
la table et de Persée du Théâtre de la Pire Espèce. (mise à
jour: 2010-05-06)
Geoffrey Gaquère est diplômé en interprétation de l’École
nationale de théâtre du Canada. Depuis sa sortie de l’École
en 2000, il a participé à titre de comédien à plus d’une
quinzaine de productions théâtrales dont : Edmond Dantès
et Le Comte de Monte-Cristo, au Théâtre Denise-Pelletier, La Dame aux camélias au Théâtre du Nouveau Monde,
L’Énéide à Espace Libre, Elizabeth, Roi d’Angleterre au
TNM, Les Lettres Arabes, spectacle écrit, mis en scène et
joué par lui et Olivier Kemeid à l’Espace Libre ainsi que Moi,
dans les ruines rouges du siècle au Théâtre d’Aujourd’hui
en 2012.
Parallèlement à ses activités de comédien, il développe une
carrière de metteur en scène. Ainsi, depuis 2006, il a dirigé
plus d’une quinzaine de productions dont Les Éxilés de la
lumière de Lise Vaillancourt et Silence radio du collectif
La Banquette Arrière, deux spectacles présentés à Espace
Libre. Il a fait une incursion dans le monde lyrique en mettant en scène deux opéras-bouffe : La Veuve joyeuse et
La Vie parisienne, présentés à la Maison des arts de Laval.
Enfin, notons sa collaboration fructueuse avec l’auteure
Fanny Britt, dont il a monté : Couche avec moi (c’est l’hiver),
pour le compte du PàP et de La Bordée ainsi que Hôtel
Pacifique et Enquête sur le pire produits par leur compagnie, le Théâtre Debout et présentés à la salle JeanClaude-Germain. Au mois de mars 2011, il montaitToxique
ou L’Incident dans l’autobus de Greg MacArthur dans la
salle principale du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
13
THOMAS GODEFROID
Éclairages
Suite à 12 années d’expérience en France en tant que
régisseur et concepteur lumière tant pour le théâtre que
la danse, Thomas Godefroid s’installe définitivement au
Québec. Rapidement débute pour lui une riche collaboration auprès de Jean-Pierre Ronfard et Alexis Martin. Ainsi,
on lui propose de concevoir les éclairages de plusieurs
productions du NTE dont : Nitch retour, Mademoiselle de
Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière et d’Amour, cul
et violence de Didier Lucien et Guillermina Kerwin. Il signe
également les éclairages pour la production La glaneuse
de geste de Francine Alepin, et de L’Intimité d’Emma Haché, deux productions Omnibus.
Parallèlement, il entreprend une série de conception
lumière pour la chorégraphe Estelle Clareton avec Messieurs, dame et furies alpha 1/24. En théâtre jeune public,
c’est sur les planches du Petit Théâtre de Sherbrooke
qu’on a pu voir ses lumières dans La tempête de William
Shakespeare, traduit et adapté par Michel Garneau.
Dernièrement, il continue son travail exploratoire en théâtre
d’ombres et d’objets avec Marcelle Hudon dans Poursuite
et avec Olivier Ducas du Théâtre de la Pire Espèce dans
Roland, la vérité du vainqueur.
© YANICK MACDONALD
Pour la saison 2012-2013, il a mis en scène La Corneille
de Lise Vaillancourt au Rideau Vert,Grand-peur et misère
du IIIème Reich de Bertolt Brecht avec les finissants du
Conservatoire de Montréal, ainsi que Amour/Argent de
Dennis Kelly à La Petite Licorne, dans une traduction de
Fanny Britt, troisième production du Théâtre Debout. Geoffrey Gaquère est le nouveau directeur artistique d’Espace
Libre. (mise à jour: 2014-05-07)
14
HISTOIRE DU GENRE : LE THÉÂTRE D’OBJETS
DÉFINITION
Roland, la vérité du vainqueur appartient au Théâtre
d’objets. Un théâtre d’objets est un type de théâtre d’effigie
où les objets ne sont plus accessoires de théâtre servant
au comédien, mais effigie.
Ils ont leur vie propre. Ils peuvent être manipulés directement
ou à l’aide de contrôle (comme une marionnette). Ce sont
en général des objets à l’état brut, non transformés pour
le spectacle et utilisés comme des personnages (comme
un tube de dentifrice, un crayon, une boule à thé, un coton
tiges, des oignons, un essuie-tout).
Le manipulateur doit trouver la respiration, le déplacement
et la voix (s’il parle) de l’objet, en tenant compte de sa forme
et de sa matière. Ce décalage avec l’utilisation quotidienne
des objets crée des situations poétiques et humoristiques.
Pour tout remettre à plat, Isabelle Bertola, directrice du
Théâtre de la Marionnette à Paris, propose de se tourner
vers ceux qui sont à l’origine du Théâtre d’objets – à la
fois à l’origine du terme et de la pratique : le Théâtre de
cuisine de Christian Carrignon et Katy Deville, mais aussi
le Théâtre Manarf de Jacques Templeraud et le Vélo
Théâtre de Charlot Lemoine et Tania Castaing. Ces trois
compagnies ont inventé, ensemble, le Théâtre d’objets : à
la fin des années 1970 pour ce qui est de l’esthétique, le 2
mars 1980, très précisément, pour l’appellation.
Pour Jean-Luc Matteoli, chercheur qui a travaillé sur l’objet
au théâtre, cette naissance s’est faite dans et contre
l’invasion des objets de la société de consommation. Elle
a eu lieu, pour Christian Carrignon, dans le contexte d’une
Europe envahie par les objets made in China. Il s’agissait
pour les artistes de lutter contre la tyrannie de cette vague
montante d’objets, selon l’expression de Roland Schön autre artiste français de Théâtre d’objets. Cela passe par
un art « pauvre » : face à la profusion à outrance, choisir
d’enchanter le monde avec « rien » ou du moins pas grandchose, comme l’explique Christian Carrignon. En parallèle
de l’excès, le Théâtre d’objets combat l’obsolescence de
plus en plus rapide des marchandises, très vite mises au
rebut. Il entreprend donc de donner une seconde vie à ces
objets manufacturés produits en masse et délaissés par
les consommateurs. Il les fait sortir de leur logique utilitaire
pour les faire entrer dans une logique poétique où leur
pouvoir d’évocation se déploie. Par exemple, si on ne prête
plus attention à sa fonction, un capuchon de stylo rouge
récupéré par terre peut devenir, par association d’idées,
un Petit Chaperon Rouge. C’est autant la couleur que la
proximité consonantique et sémantique entre capuchon
et chaperon qui déploie ici tout un champ d’évocations.
Le Théâtre d’objets s’empare ainsi des objets quotidiens,
« trop usés par le regard », selon les mots de Christian
Carrignon : des objets que l’on ne « voit » plus à force de
les voir. En les détournant de leur rôle habituel, en les
rendant à l’inutile, il cherche à les faire « voir » à nouveau
et autrement.
QUOTIDIEN
À l’origine, le choix de l’objet manufacturé ou quotidien est
donc politique – à rebours de la société de consommation
– mais il va bien au-delà. Tout droit extrait du réel, ce type
d’objet est porteur d’une mémoire collective et personnelle
très forte. Il en est chargé d’emblée. Il va ainsi évoquer
des souvenirs personnels (un Ken rappellera les séances
interminable où l’on jouait à la Barbie, le moulin à café
à l’ancienne, l’odeur du café fraichement moulu chez la
grand-mère, etc.) ou convoquer des éléments partagés par
tous : une publicité connue, une période historique
déterminée ou encore une connotation ancrée dans
l’inconscient collectif. Parce qu’il est reconnaissable par
tout le monde, l’objet parle de nous. Christian Carrignon
évoque quelque chose d’intime, un sentiment de familiarité
attendrissant. Même si l’objet a été reproduit à des millions
d’exemplaires, il parle « à nous » et de nous.
Même s’il est central, qui dit objet ne signifie pas
nécessairement Théâtre d’objets, comme le souligne
Isabelle Bertola. De même qu’aujourd’hui l’on peut,
paradoxalement, faire du Théâtre d’objets sans objet, par
exemple en manipulant de la matière. C’est ce que propose
Simon Moers, jeune artiste belge issu de l’École Supérieure
Nationale des Arts de la Marionnette à Charleville, avec
Sous la neige qui tombe (2010). Dans ce spectacle court
où il met en scène un conte chinois, il manipule des bocaux,
certes, mais surtout des grains : du sable et de la semoule.
Après avoir déversé sur la table un monticule de grains
de semoule, Simon Moers s’empare de l’un d’entre eux,
qui représente l’empereur Qin Shi Huangdi - ce moment
15
BRUT
Tout d’abord, la matière manipulée est utilisée sous un
aspect brut, fidèle au principe du Théâtre d’objets où,
la plupart du temps, l’objet n’est pas retravaillé. Il est en
quelque sorte un ready made, n’étant pas spécifiquement
élaboré pour le spectacle. Il lui préexiste et y est réemployé
sous sa forme originelle. Une petite voiture, un cachet
d’aspirine, une tasse en porcelaine ou même un chalet
suisse miniature : quel qu’il soit, il est reconnaissable en
tant qu’objet du réel. Toutes les formes de théâtre qui
utilisent des objets mais les assemblent pour former des
figures autres sont plus proches de la marionnette. Didier
Plassard, un chercheur qui a notamment travaillé sur
les Arts de la Marionnette, l’explique dans une interview
accordée à la revue en ligne Agôn : « Ce qui caractérise
le Théâtre d’objets c’est le refus de la figure sculptée
[…] de l’effigie préparée en vue du spectacle. » On peut
aller plus loin et dire que le Théâtre d’objets se refuse à
l’anthropomorphisme. « Moins de personnification et plus
d’abstraction », proclame Christian Carrignon, principe que
le Théâtre d’objets employant de la matière pousse au plus
loin. Quoi de moins humain qu’un grain de semoule ?
C’est cette même matière brut que l’artiste italo-hongrois
Gyula Molnàr utilise dans Petits suicides (1984), plus
exactement dans la première partie « Alka-seltzer ».
Dans cette tragédie effervescente, l’artiste met en scène
plusieurs bonbons et un médicament - un cachet d’AlkaSeltzer, évidemment. Très vite, grâce au jeu, on visualise un
groupe d’enfants. L’un d’entre eux, différent et rejeté par le
groupe, finit par se suicider – le comprimé « escalade » un
verre d’eau, se jette dedans et s’y dissout.
SUGGÉRER
Dans le Théâtre d’objets, il s’agit bien de suggestion
ou d’évocation : l’objet ou la matière y adoptent un
fonctionnement métaphorique - ou métonymique, selon
les cas. Une large place est laissée à l’imagination du
© YANICK MACDONALD
du spectacle est visible en captation sur le site du Portail
des Arts de la Marionnette. Il fera ensuite exister, grâce
au travail de la matière et à son interprétation, la muraille
de Chine - une trainée sinueuse de sable -, les hommes
que l’empereur y fait emmurer - une trainée de semoule
sur la trainée de sable, rapidement ensevelie - ainsi que
Meng, l’épouse de l’un de ces hommes - deux des doigts
du manipulateur couverts de poudre rouge. Pas ou peu
d’objets. Et pourtant...
16
spectateur, sollicitée a priori plus fortement que devant un
acteur ou une marionnette. La plupart du temps, l’objet ne
représente pas, il signifie : Christian Carrignon, dans un
article de la même revue Agôn, parle de l’objet comme d’un
signe qui fait langage poétique. Isabelle Bertola ne dit pas
autre chose : tout le théâtre de marionnette s’appuie sur
des signes, mais le Théâtre d’objets particulièrement.
Pour faire fonctionner ce système de signes et d’évocation,
il faut avant tout instaurer des codes. Isabelle Bertola,
toujours, évoque à ce propos Catalogue de voyage (1981),
un spectacle de Christian Carrignon qui contient notamment
une scène d’escalade. Carrignon porte dans le spectacle
originel un sac à dos de randonnée et des chaussures
de marche. Ceux-ci indiquent d’emblée au spectateur le
contexte « randonnée » qui va donner un sens et un rôle
aux objets manipulés : « [Christian Carrignon] donne des
codes et avec ces codes on se construit une histoire, même
si on ne la voit pas vraiment, elle est suggérée […] il lui
donne un contexte, positionne un certain nombre de signes
qui vont nous permettre de nous repérer, de savoir où on
est. » Simon Moers procède de façon identique dans Sous
la neige qui tombe : lorsque la lumière éclaire un homme
portant une veste chinoise noire et ayant devant lui, sur la
table, une série de bocaux à l’aspect sinisant, la dimension
asiatique de l’histoire est tout de suite donnée. L’artiste
explique d’ailleurs que la majeure partie de ce spectacle
consiste à installer des codes afin que les matières fassent
sens pour le spectateur. Ainsi, lorsqu’il déverse du sable
en ligne sinueuse devant lui, on se retrouve « au pied
d’une muraille alors qu’on est autour d’une table » (Isabelle
Bertola). Du théâtre sans illusion.
Mais le Théâtre d’objets n’est pas pour autant un théâtre
d’illusion. On ne demande pas au spectateur de croire, il
lui suffit de saisir les codes et d’être complice, de faire
semblant d’y croire. Quand il y a illusion, celle-ci est
intermittente et cohabite avec une parfaite lucidité du
spectateur - c’est l’hypothèse de Jean-Luc Matteoli. On
se laisse parfois prendre, il y a dans le spectacle de brefs
moments où le spectateur « voit » uniquement la situation
imaginaire, mais cela s’intègre toujours dans un va-etvient avec le réel. Ce dont témoigne le travail de Simon
Moers : à la fin de son spectacle, le spectateur doit visualiser,
presque littéralement, le suicide de Meng sous les yeux de
l’empereur, quand les doigts du manipulateur « tombent »
dans le vide qui entoure la table sur laquelle se déroule
le spectacle. Mais il est ensuite ramené à la réalité de la
représentation, au sable, à la semoule et aux bocaux. En
revenir sans cesse à l’objet réel est une donnée essentielle
du Théâtre d’objet. L’interprète de Petits suicides va, par
exemple, manger certains des bonbons-enfants, nous
renvoyant à leur réalité concrète de bonbons-friandises.
Dans tous les cas, l’objet garde toujours ce que Christian
Carrignon appelle « son poids de réel ». Quel qu’il soit, il «
résiste », ne disparaît pas : selon Jean-Luc Matteoli, les
objets demeurent obstinément ce qu’ils sont. Même quand
ils sont anthropomorphiques au départ (une figurine, une
poupée, une Barbie), ils restent objets car ils ne sont pas
manipulés pour donner une illusion de vie, comme c’est
le cas dans le théâtre de marionnettes. Ils sont déplacés,
manipulés mais ne sont pas animés à proprement parler.
Le spectateur du Théâtre d’objets voit donc toujours deux
choses en même temps : l’objet tel qu’il est en dehors du
spectacle, qu’il reconnait, et ce qu’il prend en charge dans
la fiction proposée. Il voit à la fois l’enfant qui se suicide et
le cachet effervescent qui se dissout.
ESPACE(S)
Pour que l’objet réel ait aussi une place dans la fiction,
il faut le charger, comme l’explique Christian Carrignon.
Sinon, il n’est que lui-même ou un accessoire. Charger
l’objet signifie que l’objet prend en charge une partie du
discours par l’intention que projette sur lui le comédien.
C’est pour cela que le comédien est lui aussi un élément
central du Théâtre d’objet.
Contrairement à certains spectacles de marionnettes où le
manipulateur peut « disparaître », le Théâtre d’objets affirme
fortement la présence de l’interprète. Plus exactement,
il joue d’allers-retours entre présence et effacement de
celui-ci : tantôt il va déléguer à l’objet et s’effacer, tantôt il
va s’imposer comme conteur ou comédien.
Il est manipulateur, comme l’est un marionnettiste, mais
sans effectuer de prouesses. Christian Carrignon raconte :
« L’objecteur [terme employé à l’origine par Roland Schön]
est un comédien qui a un rapport particulier aux objets mais
qui n’accomplit aucun exploit technique. » L’interprète se
rapproche donc souvent d’un machiniste qui va déplacer ou
agencer les objets et dont on voit ouvertement les gestes
de manipulation. Dans ce cas là, l’objet est toujours perçu
comme dépendant de l’interprète. Mais la manipulation
peut aussi être moins visible : l’interprète s’efface alors
derrière l’objet, dans un processus de délégation proche
de la marionnette. Dans tous les cas, dans la mesure où
il y a un travail du geste, le Théâtre d’objets est un art de
manipulation. Mais il ne se limite pas à cela. L’interprète
17
est aussi conteur. Même dans le Théâtre d’objets dépourvu
de texte, il y a généralement un récit. Selon Christian
Carrignon, « [L’objet] est toujours prêt à reprendre sa
puissance d’évocation quand on le met en connexion avec
[un] récit, verbal ou muet ». Didier Plassard note néanmoins
que c’est le plus souvent la parole qui entre en jeu : par
son seul pouvoir l’objet peut devenir autre chose. Parce
que cela est dit, les grains de sable deviennent muraille
de Chine et les grains de semoule êtres humains, tout
simplement.
Enfin, dernière caractéristique de l’interprète du Théâtre
d’objets : sans renoncer à déléguer ou raconter, il
participe aussi à la représentation en tant que comédien.
Il peut notamment incarner un personnage, qu’il va
souvent « partager » avec l’objet : le personnage sera à
la fois représenté par l’objet et incarné par le comédien
(alternativement ou simultanément). Par exemple, Simon
Moers, dans Sous la neige qui tombe, va incarner Meng
par son jeu et sa voix alors qu’elle est en même temps
prise en charge par ses doigts couverts de poudre rouge.
Au-delà des personnages, le comédien peut incarner un/
des espace(s). Le corps de Christian Carrignon, dans la
scène d’escalade de Carnet de voyage, se transforme par
exemple en montagne gravie par une figurine Big Jim. À la
manière de l’objet, celui qui l’accompagne peut en fait tout
incarner. L’objet et lui peuvent, par ailleurs, échanger leurs
rôles en cours de spectacle ou en jouer plusieurs. Dans
cette même scène, Christian Carrignon sera à la fois la
montagne, le personnage escaladant celle-ci (représenté
par ailleurs par le Big Jim) et le compagnon de cordée qui
le précède.
MONTAGE
L’interprète, impliqué en tant qu’acteur incarnant un/
des personnage(s) ou un/des espace(s), au même titre
que l’objet, permet de faire exploser la notion d’échelle.
Parce que le spectacle ne se situe pas qu’au niveau des
objets, il devient possible de multiplier les dimensions et
de juxtaposer ou alterner différents plans et points de vue.
On peut, sans rien modifier, changer d’échelle, de lieu, de
moment. En ce sens, le Théâtre d’objets pousse le procédé
du montage cinématographique à son paroxysme, dans
la mesure où les différents plans et temporalités peuvent
cohabiter en une seule et même image. Christian Carrignon
aime à le raconter : « Quand au théâtre, j’ai voulu être en
haut et en bas de la montagne, c’était facile, le cinéma
m’avait tout raconté du montage, du champ, contre-champ,
du passé après le présent, du plan large, du plan serré. Du
collage ! Et des changements d’échelle instantanés qu’il
produit. Sans me rendre compte qu’au cinéma, le comédien
joue et ensuite le monteur monte. Dans notre théâtre à
quat’sous, […] nous faisions tout en même temps, jeu,
cadre, montage. Et c’était ça, ce régal de réinventer le
cinéma au théâtre. »
J.D.
à Paris, le 31 octobre 2012
Source http://www.lintermede.com/theatre-objet-marionnettesisabelle-bertola-paris-cuisine-manarf-analyse-critique-interviewpiece.php
18
LA PRESSE EN PARLE…
Extraits de presse
« La bouleversante histoire de Roland nous est racontée de façon irrésistible avec des objets, bien sûr
—des silhouettes découpées dans le papier, une corde à linge, un seau en métal, des casques en carton très réussis, des rouleaux d’images qui défilent— mais aussi grâce à des projecteurs et des jeux
d’ombres grostesquement saisissants. » — Le Devoir / mai 2008
«Le voyage est d’un magnétisme et d’un humour irrésistibles. La musique est épique à souhait. Une
captivante relecture de l’œuvre.» — Voir Montréal / mai 2008 «Au cours des dernières années, les fondateurs du Théâtre de la Pire Espèce ont jeté les bases d’une véritable méthode de création. Procédant
à une édification simultanée de tous les aspects d’un spectacle, refusant ainsi d’accorder préséance au
texte, ils amalgament les disciplines et assemblent les registres les plus divers avec un sens indéniable
de l’équilibre.»
Revue Esse No 54 / 2005
19
par David Lefebvre
Des chrétiens et des maures
La Chanson de Roland est tout d'abord un poème épique, classique, rédigé en vieux
français, du combat fatal mené par Roland (ou Hroudland) et sa pieuse armée, sous la
gouverne du roi Charlemagne, contre de nombreux soldats musulmans (ou maures), à
la frontière de la France et de l'Espagne. Le récit célèbre les vertus de la chevalerie, de
l'honneur dit féodal et de la foi (surtout chrétienne). Selon certains historiens, de
grands généraux de l'armée française du XIe et du XIIe siècle auraient entonné la
chanson pour galvaniser le moral des troupes.
Pour sa toute première création solo, Olivier Ducas adapte très librement et résume La
Chanson de Roland, en créant un spectacle d'ombres inspiré, ou du moins inspirant. Il
met en scène deux hommes qui nous racontent, à leur manière, cette histoire qui a
traversé le temps et qui continue de susciter l'intérêt de bon nombre de lecteurs. Là est
la force du spectacle : les interprètes-conteurs Geoffrey Gaquère et Daniel Desparois
sont si passionnés qu'ils captivent l'auditoire et piquent cruellement notre curiosité.
Roman en main, ils n'hésitent pas à confronter leurs idées et leurs perceptions des
personnages et à analyser les faits et gestes des protagonistes. Alors que l'un est proRoland, l'autre défend avec justesse les Olivier, Turpin et Charlemagne de l'histoire.
Tout y passe : la religion, les décisions politiques et militaires (bonnes ou mauvaises,
c'est selon), la guerre, l'héroïsme...
Le décor est paradoxalement tout aussi vide que plein : deux grands rideaux blancs
servent aux ombres projetées par devant ou par derrière ceux-ci, et de nombreux fils
et cordages avec contrepoids sont utilisés à de multiples desseins. Même si quelques
effets paraissent simplistes, d'autres sont plutôt inventifs et font certainement rigoler.
Présenté pour la première fois devant public et toujours en période de création (dans
la plus pure tradition du Théâtre de la Pire Espèce), Roland sera un spectacle à suivre.
Ne reste qu'à corriger quelques resserrements dans le jeu et le rythme, retirer les
répétitions superflues du texte et à peaufiner quelques effets, puis nous pourrons tous
crier : Montjoie!
26-05-2008
20
21
Téléchargement