Les intentions de mise en scène
Entretien avec Omar Porras
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène Molière ?
J’ai senti la nécessité de le faire maintenant. Il était évident que j’avais envie de monter
Molière depuis longtemps. On me l’avait proposé quand on m’a invité à la Comédie-
Française mais cela ne m’avait à l’époque pas paru naturel. J’avais préféré monter Pedro et
le Commandeur de Lope de Vega et faire ainsi intégrer au répertoire de la Comédie-
Française un nouvel auteur. Quand je suis tombé sur La Visite de la vieille dame de
Dürrenmatt, j’ai eu un coup de foudre et je l’ai adaptée l’année d’après. Je ne pense
cependant pas qu’un metteur en scène doit être prêt pour un projet. Il a juste l’envie
d’avancer avec lui. Quand on est metteur en scène, on traverse sans cesse des univers
différents, on est en pleine mutation. On fait comme des entrées et des sorties de scène en
changeant à chaque fois de masques. Pour Les Fourberies de Scapin, on est revenu,
avec mon dramaturge Marco Sabattini, aux origines de Molière, à des textes en italien
et en espagnol. Molière m’est apparu avec sa parole, sa voix, sa vie, ses personnages,
sa relation avec le public, sa recherche d’harmonie, sa forte inspiration de la tradition
italienne et de l’univers des saltimbanques. On en a discuté avec Jean Liermier et
Mathieu Menghini et ce choix s’est imposé. Déjà en 1995 quand je préparais Othello à la
Comédie de Genève, je rêvais de Scapin et l’adapter était devenu pour moi une nécessité.
Comment Molière est-il perçu en Amérique latine ?
Molière est l’auteur le plus représentatif du théâtre français. Il a inspiré de nombreux
mouvements théâtraux mais aussi des auteurs et des troupes partout dans le monde. Dans
Les Fourberies de Scapin, le discours politique et social est très profond et universel. Scapin
représente la voix de l’esclave ou du truand dans la littérature italienne ou latine. Il est le
révélateur des hommes qui l’entourent. Il interroge la société dans laquelle il vit et appuie sur
les dysfonctionnements de la justice par exemple. On sait qu’il sort de prison mais on ne
saura jamais pourquoi. Scapin est considéré comme un personnage comique alors qu’il rend
les autres comiques. C’est la colonne vertébrale d’une société, un penseur capable de dire à
la manière de Don Juan que « La tranquillité en amour est une chose insupportable ». Doté
d’une certaine sagesse spirituelle, ce personnage simple intéresse et intrigue. Sa cause
universelle serait finalement de défendre l’amour.
Quelles sont les différences entre votre travail de metteur en scène d’opéra et
de metteur en scène de théâtre ?
Ce sont deux métiers très différents. Après Offenbach, j’avais envie de retrouver le théâtre.
C’est un art de la scène plus complexe car il faut inventer le rythme cardiaque du
spectacle. A l’opéra, tout est écrit, on sait combien de temps la représentation va durer. Au
théâtre, ce sont les comédiens qui découvrent la cadence puis c’est à moi de l’orchestrer et
de l’affiner.
Comment travaillez-vous sur cette pièce ?
La pièce est très écrite et rigoureuse, les enchaînements sont précis et d’une grande
cohérence rythmique. Nous avons à mi-parcours beaucoup travaillé sur l’improvisation pour